Chapitre XXIII. Le Pérou et ses annexes. Le centre fédérateur du Pérou dominant
p. 1091-1169
Texte intégral
1Il correspond, en gros, au territoire des Audiencias de Lima et de Los Charcas, au territoire andin des républiques actuelles du Pérou et de la Bolivie (à l’exclusion des espaces du rebord amazonien, aujourd’hui, encore, presque vide d’hommes et pour une part mal reconnus), ou si l’on préfère, il se confond avec la partie centrale, dominante et vivante de l’ancien empire incas1.
2Ce qui apparaît, au prix d’un certain recul, comme le centre fédérateur et dominant de l’ancien Pérou vice-royal, mérite cette assimilation, au vrai, à des titres différents. C’est ainsi que le Nord du Pérou n’a que très secondairement droit à ce titre. Fortement rattaché à Lima et aux districts miniers, il paraît engagé très avant dans l’économie d’échanges maritimes de la côte du Pacifique. Il a droit, de ce fait, à une place à part.
I. — LA CÔTE DU NORD-PÉROU
3On pourrait, parler aussi, du plus vieux Pérou colonial, puisque c’est à Piura que fut fondée, en 1532, « la primera población de cristianos que se hizo en el Pirú... »2 en plein cœur du Pérou sec des vallées oasis. Cette région qui va de l’antique Tombes abandonnée jusqu’à un point que l’on peut hésiter à placer entre Truxillo et le Callao de Lima, plus près de Lima, sans doute que de Truxillo, joue un rôle sans commune mesure possible avec l’Equateur dans la vie de Lima, ce qui se comprend, et dans celle de Panama, partant de l’Atlantique espagnol tout entier. En fait, l’association est tellement étroite que le Pérou de Lima et des mines est impensable sans ce prolongement qui lui fournit l’appoint vivrier dont il ne saurait se passer.
4Il est tentant, ce Nord-Pérou des oasis, de le peser comme toutes les autres régions de la côte Pacifique, au trébuchet des entrées dans le port de Panama. Il se résume, ici3 à trois ports et trois ports seulement, très inégaux, Payta, Truxillo et la Parrilla. Le rôle de l’ensemble ne cesse paradoxalement de s’accroître. Sur l’indice du mouvement unitaire des entrées, l’ensemble Nord-Pérou passe de 12,5 % (dans la seconde moitié du xvie siècle) à 258 %, (dans la première moitié du xvie siècle).
5Cette croissance compense, en partie, on l’a vu ailleurs4, la décroissance, dans le même temps, de l’ensemble équatorien. Au total, le Nord-Pérou, de 1569 à 1651, assume 16,3 % du mouvement unitaire des entrées dans le port de Panama, pour l’essentiel, comme Lima ou à peine moins que Lima, de gros navires5, de riches cargaisons6.
6Le rôle de la Parrilla est presque nul dans le miroir partiel des entrées des navires à Panama (0,15 % de 1569 à 1600, 0 % de 1601 à 1651, 0,1 % de 1569 à 1651) celui de Payta médiocre (1 % de 1569 à 1600, 3 % de 1601 à 1651, 1,7 % de 1569 à 1651), celui de Truxillo de beaucoup le plus important (11,15 % de 1569 à 1600, 22,8 % de 1601 à 1651, 14,5 % de 1569 à 1651). Par rapport à l’ensemble du trafic de la côte Nord du Pérou, dans le miroir médiocre du trafic partiel de Panama, péniblement reconstitué, Truxillo assume 90,2 % du trafic de la côte Nord du Pérou avec l’isthme de Panama, au cours de la deuxième moitié du xvie siècle, 88,4 % au cours de la première moitié du xviie siècle. Le rôle de Truxillo dans l’espace Nord-péruvien est donc plus considérable encore, que ne l’est celui de Guayaquil pour l’espace équatorien, lato sensu7.
1. Tumbes et Piura/Payta
7A l’extrême Nord de la côte péruvienne, la concentration du trafic s’est faite au détriment du vieux site médiocre de Tumbes8, au profit de l’ensemble Piura-Payta.
8Tumbes, dont le port s’appelle aujourd’hui Puerto Pizarro, est le point le plus ancien jamais atteint par la colonisation espagnole dans ce presque bout du monde. C’est à peine un port, un simple point occasionnel de relâche. Cette élimination était déjà acquise quand, autour de 1604-1605, Reginald de Lizarraga9 écrivait sa description justement célèbre. Le port du Nord s’est replié de plus d’un degré, au Sud du cap Blanc10 San Miguel de Piura11 centre de la vallée-oasis de Piura, dans la partie la plus démunie, peut-être, du désert côtier, communique avec le reste du monde par le port de Payta, au Nord de l’embouchure embourbée du Río. Presque toujours sur ces côtes subdésertiques, les ports fuient les embouchures des cours d’eau, en raison du danger qu’y constituent les dépôts terrigènes et de la précarité qui en découle. Payta protégée contre l’alluvionnement du Piura vient s’inscrire dans une anfractuosité du rivage.
9Autour des années 70 du xvie siècle, l’ensemble Piura-Payta dépassait la population de Guayaquil12. Velasco attribue, en effet, à Piura une population blanche égale à celle du Guayaquil, cent foyers de colons, dont vingt-trois encomenderos, auxquels revient, sans doute, la direction de l’exploitation de l’oasis, mais six-mille familles d’indiens tributaires, au lieu de trois-mille. Ce qui doit assurer, automatiquement, une plus grande aisance aux populations blanches dominantes. L’oasis produit des vivres, du sucre, car Velasco note l’existence d’un ingenio, du sel, et à titre de souvenir ou de promesse, de l’or13. Ce monde serait totalement isolé, sans l’existence, au Nord-Ouest sur la côte, de Payta qui s’est, très tôt, en raison de sa plus grande proximité, substitué à Tumbes. Payta comptait, en 1570, d’après Velasco, dix « vecinos espanoles... en un arenal seco ». L’importance de l’ensemble Piura-Payta s’est accrue, si on en juge par l’indice d’activité indirect du mouvement des entrées dans le port de Panama. La population coloniale, sinon indienne, a dû s’accroître. En raison, notamment, des qualités du site et de l’excellence de l’escale14, Velasco signale, encore, l’important cabotage qui unit Guayaquil et Payta, à bord des « balsas ». Guayaquil, entre autres, couvre les besoins en bois de la zone particulièrement découverte de Payta-Piura. Lizarraga, trente ans15 plus tard, confirme ce rôle d’escale, la qualité et l’importance du trafic des balsas, les qualités maritimes de la population, tout en déplorant le3 difficultés de ravitaillement. On peut se demander, en outre, si la croissance de l’indice d’activité des entrées de Panama n’est pas le fait, surtout, d’un transfert. Piura, ravagé par les maladies des yeux, notamment, imputables aux moustiques qui prolifèrent sur ses marécages, semble le céder au profit de Payta, maritime et plus sain16.
10Le centre d’activité de l’extrême Nord péruvien se maintient d’autant plus qu’on entrevoit dans l’arrière-plan des plateaux un petit centre minier secondaire. C’est pour lui, « Villa de San Antonio del Coro y minas de oro de Maruma », que Payta importe 200 quintales de fer en 162217. L’opération aura été, incontestablement, renouvelée plusieurs fois. Dans l’arrière-plan de Payta, le recul vraisemblable de Piura est compensé par l’activité des plateaux qui accèdent, à leur tour, plus tardivement peut-être, à la vie maritime intercontinentale.
2. Truxillo
11Entre Payta et Truxillo, les vides se sont creusés. Reginald de Lizarraga compare, en effet, la situation au début des années 60 du xvie siècle et celle qui prévaut, quarante-trois ans plus tard, aux alentours de 160518. Une des conséquences de ce recul de la population indienne19, c’est l’abandon du chemin côtier, plus sain, mais aujourd’hui impraticable, parce qu’il traverse un désert au profit d’une route des « valles », plus à l’intérieur des terres, rendue infernale par les moustiques. En fait, une fois de plus, ce seront les communications maritimes, qui, par la force des choses, en bénéficieront. Dans la description attentive de Lizarraga, cette importante fraction des valles apparaît comme la région du sucre, du cuir, et, peut-être, grâce à la chute de la population, des excédents de céréales20.
12Mais aucun point ne peut se comparer à Truxillo. Truxillo concentre, on l’a vu, dans la proportion de 89,4 %, le trafic des vallées du Nord-Pérou, avec Panama. L’indication peut être retenue comme indice d’ensemble. Pour des raisons qui nous échappent en partie, la concentration s’est opérée en faveur de Truxillo, avantagée peut-être, entre autres, par sa position, sensiblement à mi-chemin entre Payta-Guayaquil d’une part, Lima, d’autre part21. Cette activité s’appuie sur une forte densité humaine. Truxillo est entre Panama et Lima de beaucoup la cité la plus peuplée de la côte Pacifique. Velasco lui attribue autour de 157022, 300 vecinos, dont 33 encomenderos, ayant à leur service, dans l’orbite raisonnable où s’exerce leur action, 42 000 indiens tributaires.
13L’activité de Truxillo résume assez bien l’activité des valles du Nord-Pérou. A l’origine de l’or23, dont l’exploitation sans lendemain a, peut-être, contribué à fixer là un noyau précoce de colonisation, mais bientôt, le sucre et l’élevage24. Cette production aura servi, au premier chef, à la satisfaction des besoins locaux. La redistribution en sera faite tout le long de la côte. A destination de Lima et derrière Lima, des districts miniers, nous en avons la preuve, grâce aux séries détaillées de l’almojarifazgo25, sucre et produits de l’élevage empruntent la voie maritime de Truxillo vers Lima. Truxillo appartient à la sphère d’approvisionnement de Lima. Lizarraga le confirme26, mais signale un important fléchissement à la hauteur des premières années du xviie siècle. Une étude plus poussée des séries de la Contaduria permettrait de dire, si, comme cela paraît très vraisemblable, il s’agit d’un simple accident passager ou si on se trouve, au contraire, en présence d’un accident de plus longue durée.
14Dans quelle mesure, la production des Valles27 appartient-elle encore, marginalement, à l’économie Atlantique ? Indirectement, dans la mesure même où elle contribue au ravitaillement des zones de forte concentration humaine, déficitaires et par ailleurs, motrices de l’économie, directement, peut-être, si on en juge par les bribes statistiques que nous possédons. Si on se reporte, en effet, aux séries incomplètes des importations de sucre à Séville28, on note quelques bribes qui parviennent à filtrer sur les flottes en provenance de l’isthme de Terre Ferme. Là, encore, on ne peut espérer trouver qu’un ordre de grandeur relatif. Une chose est certaine, l’isthme de Terre Ferme, dans la hiérarchie des zones d’approvisionnement de Séville, vient très loin en queue, très loin derrière les régions plus favorisées, l’Espagne, Puerto-Rico, la Nouvelle Espagne, Cuba, voire même la région de Carthagène. C’est normal. Il semble, a priori, absurde d’imaginer qu’un produit aussi encombrant que le sucre ait réussi à franchir l’isthme. Il a dû le faire à titre tout à fait exceptionnel, seulement. Peut-être à perte, en raison d’un encombrement relatif à Panama. Une chose est certaine, pourtant, si du sucre du Pérou est parvenu, par extraordinaire, un certain nombre de fois jusqu’à Séville, ce sucre provenait, vraisemblablement, des Valles, sans doute et plus précisément, de la zone de Truxillo29.
II. — LIMA
15Truxillo et à plus forte raison, encore, la Parrilla et Santa, ne vivent plus que pour le ravitaillement de la paradoxale Lima, capitale dissociée des districts miniers qui la font vivre. Lima, à la fois paradoxe et compromis, résume, en elle-même, mieux que Cuzco écrasée sous le poids trop lourd de son proche passé, mieux que la gigantesque et folle Villa Imperial de Potosí, tout le vieux Pérou colonial.
16Géographiquement, Lima appartient à la zone sèche des plaines, à l’empire malsain des Valles, ces oasis lumineuses et dévorées de fièvre. Il est donc très important qu’un micro-climat lui vaille le bénéfice de conditions exceptionnelles. Elle est vivable, sans plus, pour la population blanche qui la commande. Sans plus, mais cela suffit. L’ensemble côtier du Pérou des Valles, au milieu duquel, paradoxalement, Lima vient s’inscrire, ne joue — il ne faut pas se le dissimuler, malgré quelques apparences trompeuses — qu’un rôle tout à fait secondaire dans l’économie globale du Pérou. Ce n’est pas lui qui place le Pérou au premier rang de l’économie Atlantique. Les Valles, sous l’angle de l’économie d’échanges à grand rayon d’action, n’ont qu’un rôle complémentaire. C’est loin derrière Lima, dans l’axe des plateaux andins que se trouvent les neuf-dixièmes, à peu de choses près, de la population globale de la partie centrale du territoire du Vice Royaume (par rapport aux plateaux, la zone des Valles compte moins, encore, aux xvie et xviie siècles que de nos jours). Et pourtant, c’est incontestablement depuis Lima que l’activité des districts miniers est commandée. Production centralisée, moyens groupés, biens et services réunis, revenus dispersés, toute la direction de cet organisme complexe se trouve concentrée dans la vallée du Rimac, soit à près de deux-mille kilomètres de la zone minière la plus riche, celle du Potosí, deux-mille kilomètres et quels kilomètres.
17Lima, au vrai, c’est la mer. Le caractère symbolique du transfert de Cuzco à la Vallée du Rimac, en 1534, de la tête de la colonisation espagnole30 a été souvent souligné. Les textes les plus anciens31 montrent clairement que tel était bien le principal mobile auquel obéissaient les membres de la commission chargée de trouver le site d’une nouvelle capitale, se rapprocher de la mer. Il peut sembler paradoxal, qu’ils n’aient pas poussé le mouvement à son terme et placé Lima à l’emplacement du Callao. Il s’en faut d’une quinzaine de kilomètres, à peine. On pourrait s’en étonner si presque tous les sites de la côte du Pacifique n’obéissaient pas au même mouvement. La mer attire, mais elle repousse. Ce mouvement de recul a dicté l’emplacement de Lima, comme il l’a fait de Piura ou de Truxillo, en d’autres lieux et d’autres temps, d’Athènes ou de Rome.
1. Lima des « conquistadores »
18Cette localisation curieuse, en liaison avec la mer et pourtant légèrement en retrait par rapport au rivage, s’explique, très certainement, par les toutes premières années de Lima de la conquête. L’atmosphère en est très bien restituée par le premier livre du Cabildo remarquablement édité par Bertram T. Lee32.
19Ce premier Pérou des années 1534-1539 — et celui encore, des terribles années de la guerre civile, — est purement aristocratique, militaire et « primaire », tourné vers la satisfaction des besoins élémentaires. Il était naturel, dans ces conditions, qu’il cherchât la mer, certes, pour trouver le contact avec ses sources d’approvisionnement en hommes, mais il était plus naturel, encore, qu’il voulût garder le contact avec la terre, médiatement, nourricière.
20D’où ce compromis, curieux et presque toujours répété sur la côte du Pérou. En 1534, 1535, quand Lima trouve son site dans la vallée du Rimac, on ne saurait invoquer, en effet, les besoins de la défense contre d’éventuels dangers qui monteraient de la mer. La mer est vide d’hommes, intégralement espagnole, pour quarante ans encore. A moins de faire intervenir, comme le fait le Père Cobo, les besoins, un moment33, de la dialectique des rivalités coloniales.
21L’inertie du site aménagé, la force de l’habitude sont responsables pour l’essentiel du maintien au-delà de la conquista de l’emplacement semi-terrestre de Lima. D’autres facteurs, qui n’avaient pu entrer en ligne de compte de prime abord, auront contribué secondairement à justifier le site, la montée de3 périls humains qui viennent de la mer, le danger des raz-de-marée qui décuple l’effet des tremblements de terre.
22Cette Lima des toutes premières années est à l’image du premier Pérou, fruste, terrienne et brutale.
23On y trouvera, tout au long des délibérations du Cabildo34, des problèmes qui annoncent moins ceux du Pérou dominant, minier et négociant d’après les guerres civiles qu’ils ne sont préfigurateurs des « parents pauvres » des cités bordières du bassin de la Méditerranée américaine35. La Lima du premier livre du Cabildo de 1534 à 1539 ressemble plus à la Saint-Domingue décadente des années 30 du xvie siècle, sa contemporaine, qu’au Mexico montant sur les ruines de Tenochtitlán, sa contemporaine, aussi, mais si lointaine... La Lima du premier livre du Cabildo de 1534 à 1539 ressemble, surtout, à la Caracas misérablement végétante des premières années du xviie siècle. Rien, certes, qui annonce déjà la capitale des Rois, la ville des « peruleros », entreprenante, négociante, fastueuse, artiste, assoiffée de biens culturels. Cette première Lima éphémère ne nous intéresse pas en elle-même. Elle n’est pas engagée dans l’économie d’échanges Atlantique, mais elle prépare les voies à la Lima viceroyale, et c’est ainsi, seulement, par la bande, qu’elle peut être introduite dans les structures géographiques de l’Atlantique de Séville.
24Cette pré-Lima vice-royale apparaît soucieuse des choses de la terre. On la devine préoccupée de son ravitaillement, arbitrant36 en faveur des producteurs de maïs, l’ubiquitaire conflit des premiers temps de l’Amérique, le conflit des agriculteurs contre les pasteurs nouvellement introduits. Attitude paradoxale, au vrai, que celle du Cabildo de Lima, protecteur des indiens pourvoyeurs de maïs des alentours. Le Mexique ancien ne nous a pas habitués à pareille attitude de la part des dominants, qui pèsent, à l’ordinaire, dans le sens du bétail qui leur appartient. Ces délicatesses des premiers limenos, de prime abord, paradoxales, s’expliquent dans la mesure où ils sentent la fragilité de leur ravitaillement, d’une part, dans la mesure où leurs intérêts sont liés, d’autre part, à la production vivrière des indiens étroitement dominés des alentours. Lima vit au milieu de sociétés indiennes, très superficiellement dominées, dans un état de crainte perpétuelle. La peur est là, comme ailleurs, conseillère de violence, qui n’est pas autre chose qu’un simple réflexe défensif d’une infime minorité guerrière au milieu d’un monde étrange, impénétrable, secret et, malgré ses superficielles et dangereuses soumissions, profondément hostile37. Cette société du tout premier Pérou pionnier apparaît, c’est aussi une conséquence de cette fragilité, d’une étonnante cruauté. Le Cabildo en 1535, doit rappeler qu’il est interdit de se débarrasser en les jetant à la rue des cadavres des esclaves païens38. Grave problème de voierie. La sanction dont les contrevenants sont frappés est bénigne. Un tel mépris poussé jusque au-delà la mort, en dit long sur la nature des rapports dominants/dominés. Il rend partiellement compte de l’insécurité des premiers temps et s’explique, de toute manière, dans ce climat.
25Une troisième caractéristique, enfin, de cette société de conquistadores semble résider dans ce qu’il est commode d’appeler le préjugé anti-commercial. Une mesure, à tout prendre, extraordinaire exprimée pour la première fois, le 11 mars 153539, souvent répétée met au ban de la société la fonction commerciale, puisqu’elle interdit à ceux qu’elle désigne sous une périphrase méprisante, « algunas personas que biben de ser mercaderes », d’acheter aux navires qui viennent pour revendre ensuite. A la limite, si on suivait au pied de la lettre, des textes dont la réitération compromet la créance qu’on pourrait avoir en leur efficacité, il faudrait admettre que la Lima balbutiante des conquistadores ne connaissait autre chose en matière commerciale que le troc individuel, le « rescate » inorganique, par excellence. Le contraste est donc total avec la future Lima négociante du milieu du xvie siècle et, à plus forte raison, du début du xviie siècle.
26D’ailleurs, cette situation paradoxale tend rapidement à se modifier. La réitération de l’ordonnance de 1535 le prouve, tout ce qu’on entrevoit aussi, à l’intérieur du premier livre du Cabildo, de la montée rapide des prix40, de l’organisation du commerce à l’échelon local41, voire même dès 1537, les premières préoccupations portuaires, sous la forme, par exemple, de constructions d’abris42) pour entreposer la marchandise. De 1535, voire de 1536 à 1537, les choses, comme on peut s’en rendre compte, sont allées bon train.
2. Lima, capitale des « Valles »
27Pour une géographie subjective de l’Amérique, simple prolongement de l’Atlantique, pour une géographie vue de Séville, Lima résume pratiquement tout le Pérou, puisque c’est avec elle et avec elle presque seule, que les relations Amérique du Sud-Europe s’organisent. Lima, c’est la capitale, du moins, du Pérou, par excellence, la capitale des « Valles », tournée vers des spéculations agricoles d’importance secondaire, mais c’est aussi, paradoxalement, la capitale du Pérou minier. C’est également le point de concentration maximale de la population blanche et de son presque inévitable corollaire, les noirs.
28Une fois de plus, Velasco nous donne, autour de 1570, d’utiles termes de référence43. Dans le cadre du Pérou proprement dit44, entendu dans son acception restrictive, Velasco45 dénombre 15 « pueblos de espanoles », dont 9 « ciudades », 5 000 familles de colons46, soit 25 000 à 30 000 Espagnols, 300 000 familles d’indiens tributaires, soit 1 200 000 à 1 300 000 âmes.
29Sur cet ensemble, Lima et ses environs immédiats47 groupent, toujours d’après la même source, 200 « vecinos españoles » soit la proportion énorme de 40 % de la population blanche totale, mais 10 % seulement des « encomenderos », entendez 10 % seulement de l’aristocratie politico-militaire de la conquête (30 sur 300). Une première conclusion s’impose donc, d’entrée de jeu, la population blanche de Lima est, on pouvait s’y attendre, en forte proportion, commerçante, les cadres supérieurs de la conquista y sont moins représentés.
30Face aux 40 % de la population blanche, 8 % environ seulement de la population indienne48, 25 à 26 000 familles d’indiens tributaires, soit une centaine de milliers d’âmes, plus de 12 000 nègres, par contre, si on accepte, sur ce point encore, l’évaluation de Velasco. La forte proportion des blancs et des noirs s’explique, évidemment, par le rôle de direction qu’assume la ville sur l’économie et la vie politique de l’ensemble du Vice-Royaume.
31Mais, d’une manière plus immédiate et plus sensible, Lima, c’est, d’abord, la capitale des Valles. Autour de Lima et dans les oasis qui courent perpendiculairement à la côte, de part et d’autre des brefs cours d’eau qui descendent des Andes, la population blanche a organisé une « huerta » méditerranéenne, à l’aide, secondairement, de la grossière main-d’œuvre locale, à l’aide, plus sûrement, des populations qu’à cette fin, elle a importée des plateaux, voire, comme appoint des noirs si coûteux. L’histoire de cette originale « huerta » du subdésert tropical reste, pour l’essentiel, à écrire. Elle est orientée sur le blé, accessoirement le sucre, le vin et l’huile, surtout. Il s’est agi de recréer, au maximum, là où cela ne posait pas de problèmes insurmontables, les éléments clefs du genre de vie alimentaire méditerranéen. Les bases de la « huerta » sont déjà posées en 157049. Elle fera face aux besoins d’une population blanche rapidement croissante. La population de Lima proprement dite ne paraît pas affectée, en effet, par la phase longue de contraction de l’Atlantique espagnol. Faute d’éléments statistiques50, nous devons nous contenter d’impressions d’auteurs : Velasco..., trente cinq ans plus tard, autour de 1605, Reginaldo de Lizarraga, notamment, qui donne de l’économie agricole méditerranéenne51, une description plus enthousiaste encore que celle de Velasco, le Père Cobo52, contemporain des premiers temps de la grande récession Atlantique.
32Les meilleures preuves de la réussite de cette économie vivrière des « Valles » nous sont données par l’extension géographique de son rayon d’action, par les réactions de l’Espagne du Monopole, quand la conjoncture longue d’expansion se transforme. On a vu ailleurs53 la résistance de l’Espagne à cette économie qu’elle juge, assez superficiellement, d’ailleurs, concurrente. D’où, après avoir tout fait pour l’encourager, au moment où ce support alimentaire permet le peuplement, à la fin du xvie et du xviie siècle, des mesures restrictives dont l’efficacité est douteuse. Cette étude que nous avons ébauchée en conjoncture, reste intégralement à faire en structure. Les comptes de l’almojarifazgo54 montrent l’ampleur des échanges auxquels ces productions vivrières d’un type spécial donnent lieu. Au cours de la seconde moitié du xvie siècle, elles ont remonté progressivement la côte du Pacifique et atteint la Nouvelle-Espagne. Les « Valles »55 vivriers constituent de ce fait, un élément complémentaire au centre d’industrie artisanale du Mexique. Le trafic Pérou/Mexique s’établit donc sur la base d’échanges entre la production industrielle artisanale, succédané bon marché de l’Europe artisanale et manufacturière, telle qu’elle existe au Mexique et la production vivrière de huerta méditerranéenne, ersatz d’Andalousie, et du pays morisque, telle qu’elle s’est établie au Pérou. Les mesures qui seront prises contre la descente des « mercaderias de China » le long de la côte du Pacifique sont prises, aussi, un peu contre la remontée conquérante de la production des « Valles ». Lima en est la capitale, au milieu du plus riche d’entre eux. Cela ne représente qu’une partie des activités de la cité de Lima, mais la richesse du « Valle » aura beaucoup pesé dans la fixation du site.
3. Lima et la mer
33D’un site dont le principal attrait reste la proximité de la mer. Le site du Callao est bon « grande, capaz y limpio »56 profond aussi, et donc, comme Carthagène, d’une double entrée, l’une vers le Nord pour les navires qui viennent de Panama, l’autre au Sud pour les navires qui viennent du Chili. Le port est formé comme celui de Carthagène par l’espace compris entre le rivage continent et une île57. Le site est sain — plus même, paradoxalement que celui de la ville de Lima58. En 1600, au sommet de sa puissance, le mouvement atteint facilement 250 à 300 navires59 pour les seules entrées et Reginald de Lizarraga60 exagère à peine, quand il affirme que quarante navires, entre grands et petits, sont en permanence au mouillage dans le port.
34Favorisé par son site, le Callao l’est également par sa situation, à mi-chemin très exactement sur la route côtière qui va de Panama61 à la frontière Sud du Chili62. Si pour la navigation Sud-Nord, dans l’axe du courant de Humboldt, l’escale au Callao est simplement souhaitable, elle est pratiquement indispensable dans l’autre sens, du Nord au Sud. Il faut neuf mois, dit, avec raison, Velasco63, pour aller de Panama au Chili, trois jusqu’à Lima, trois à Lima pour y attendre le vent — on en profite, évidemment, pour charger et compter la cargaison — trois mois, encore, de Lima au Chili. Plus tard, les conditions de navigation s’étant sensiblement améliorées, par suite d’une meilleure connaissance des courants et des vents, par suite, vraisemblablement, aussi, de l’amélioration sur la côte américaine du Pacifique des techniques nouvelle ment implantées, les temps de parcours diminueront beaucoup. Quand Lizarraraga écrit, au début du xviie siècle, il fait état de ces gros progrès et ne parle plus du Callao au Chili que d’une navigation de vingt-cinq à trente jours.
35Du Chili, par contre, à Panama, le voyage s’effectue en six à huit semaines, il peut comporter pour des raisons économiques un long arrêt à Lima ; techniquement, celà ne s’impose plus64. Mais ce qui compte, c’est l’escale indispensable à l’Aller. Elle rendait nécessaire pour permettre ce grand cabotage Nord-Sud65 qui cimente, le long du Pacifique, l’empire espagnol, l’existence, à la hauteur de Lima, d’un grand port.
36Cabotage capital, on ne saurait trop insister. L’histoire en reste, pour l’essentiel, à faire, les documents existent et nous ne saurions, pour le moment, avec nos sondages, risquer autre chose que des hypothèses. Ce cabotage dont parlent Cieza de León, Velasco... Lizarraga et d’autres, joue, dans l’empire andin de l’Espagne, le rôle que jouait dans l’empire incas les grandes rocades terrestres. C’est une supériorité. Elle a permis, malgré la médiocrité des moyens des nouveaux dominants et le double handicap du petit nombre et de la distance de leur base, une extension Nord-Sud de la présence espagnole, supérieure à celle de l’ancienne présence incas. Elle a déplacé, dans le sens Est-Ouest, le centre de gravité de l’ancien empire vers la mer, Lima en porte le témoignage.
37Dans le système des communications Pacifique, le long de la côte Pacifique du continent américain, Lima joue, toutes choses étant égales, le rôle un peu de Séville dans l’océan Atlantique. C’est là que se trouve le cerveau de l’entreprise, le pouvoir de décision et la puissance financière. En fait, deux systèmes se superposent, un cabotage vivrier et la grande liaison impériale Lima-Panama. On y retrouve, à partir de l’invasion du Pacifique, par la course étrangère, consécutive aux grands raids de Drake un système de convois qui mis en place à la fin du xvie siècle, est manifestement calqué sur celui qui fonctionne entre Séville et l’isthme. A tout prendre, il s’agit bien d’une imitation réduite du modèle Atlantique du convoi annuel. On en a étudié, à partir de Panama, la chronologie66. On a vu qu’elle accusait, au xviie siècle, une tendance au retard et à la biennalité. La correspondance de Séville avec les officiers des Indes et celle de Panama avec Lima en est encombrée de plaintes. Le sort des convois du Pacifique était lié, étroitement à celui des convois dans l’Atlantique. L’altération du système67, quand vient la récession séculaire du xviie siècle, entraîne par ricochet la dégradation du système dans le Pacifique, c’est-à-dire pour l’essentiel, l’espacement et une lente translation de l’annualité rigoureuse de la fin du xvie siècle à une quasi-biennalité au xviie siècle. Les à-coups de la production minière, le difficile acheminement par Arequipa ou Arica peut être aussi une cause de retard. Il est difficile, comme toujours, de distinguer ce qui est cause et ce qui est effet, dans quelle mesure la tendance à l’espacement des convois de l’Atlantique commande la tendance à l’espacement dans le Pacifique, les à-coups de la production des plateaux miniers et les difficultés d’acheminement, la tendance à l’espacement dans l’Atlantique. Une fois, encore, à la trop simple relation linéaire de cause à effet, il faut préférer la notion plus complexe d’interréactions.
38La causalité s’exerce alternativement dans les deux sens. Parce que nous comprenons mieux ce qui se passe dans l’Atlantique espagnol, parce qu’économiquement aussi, il a plus d’épaisseur, nous sommes tentés, dans le jeu complexe des interréactions Atlantique/Pacifique, de donner le pas aux causalités qui s’exercent dans le sens Nord-Sud Atlantique-Pacifique.
39Le convoi Pacifique est plus petit, cela se comprend sans peine. Une partie des marchandises transportées par les galions et la flotte de Terre Ferme ne franchissent pas l’obstacle sélectif de l’isthme. On a vu comment déjà, la moitié, au moins, du volume transporté, s’éparpillait68 sur le versant Atlantique de l’isthme même et la bordure du bassin de la Méditerranée américaine. Si presque tout l’argent qui s’embarque au Retour et une fraction très importante de l’or a franchi l’isthme après avoir été transporté par l’armada de la mer du Sud, les marchandises, par contre, les marchandises semi-pondéreuses, surtout, n’ont suivi cette voie que pour une faible part. En outre, l’armada y flota de la Terre Ferme dans l’Atlantique recueille au débouché de l’isthme quelques marchandises qui ont échappé à la collecte par Lima, autour de Lima et au bénéfice de l’armada de la mer du Sud. Le dénivellement général des prix, entre le versant Pacifique, d’une part, le bassin de la Méditerranée américaine et, à plus forte raison, Séville, d’autre part, explique l’ampleur de cette érosion. Bien qu’il fournisse 90 % au moins de la masse monétaire, réunie par le système Atlantique des convois de Terre Ferme, le Pérou dominant de Lima, entendez les Valles et les districts miniers des Andes, ne reçoit qu’une fraction plus faible des marchandises. Beaucoup moins de 90 % en valeur exprimée en monnaie constante, beaucoup moins encore en volume. Il paye, ainsi, la rançon de son éloignement. C’est pourquoi, comme les mouvements de Panama et de Lima69) le prouvent, l’armada de la mer du Sud qui prend corps, presque annuellement, au Callao ne représente guère en tonnage que 30 à 40 %, au mieux, de l’armada y flota Atlantique.
40Le convoi Pacifique de l’armada del Mar del Sur est plus petit, par le nombre des navires qui y participent, quatre à cinq navires groupés autour des galions capitaine et amiral en moyenne70. Une étude attentive des listes de navires prouvent que Lima possède deux armadas. La rotation des navires, quand tout va bien, nécessite deux ans entre Panama et Lima. L’armada qui entre à Panama, le 23 mai 1599, on la retrouvera, deux ans plus tard exactement, le 19 mai 1601. Il en va, toujours, ainsi. On ne peut boucler le circuit en un an. Cela peut paraître paradoxal, mais prouve, du moins, la difficulté de cette jonction apparemment facile. La difficulté des retours de Panama sur le Callao, la durée des attentes à l’isthme, la durée des attentes au Callao, en raison des liaisons avec le Sud et des transits délicats par Arequipa et Arica, tous ces facteurs s’additionnant expliquent, en fait, un rythme biennal.
41De toutes ces raisons découle la coûteuse nécessité d’une double escadre pour assurer une modeste liaison chaque an et la tendance au xviie siècle, quand arrive la récession, à perdre le contact annuel. Au début du xviie siècle, au cours des années conjoncturellement difficiles au début du xviie siècle71 on voit alterner une armada pleine de quatre navires et une demi-armada de deux navires, l’armada sous sa forme la plus réduite, une capitana, une almiranta, afin d’assurer, à moindres frais, en année creuse, la liaison impériale minimale. Au-delà, le volume de l’armada semble, pour un temps, se stabiliser autour de trois unités. Rien de comparable donc, même aux pires moments, entre le volume de cette armada réduite et celui de l’armada y flota de Terre Ferme.
42Ce convoi, d’ailleurs, — un simple coup d’œil sur les bribes reconstituées du mouvement de Panama nous en convaincra72 — ne représente qu’une partie de la liaison Lima-Callao-Panama. A côté du convoi, comme dans l’Atlantique mais sur une échelle relativement plus grande encore, des navires « sueltos ». Dans l’ensemble et à la différence de ce qui se passe pour la liaison Atlantique, les sueltos sont plus nombreux que les navires en convois. Il est vrai que par le volume dont il dispose et, à plus forte raison, par la valeur des cargaisons qu’ils transportent, ils se tiennent très loin derrière ces derniers. C’est qu’au vrai, à quelques exceptions près, le danger d’une attaque ennemie est moindre dans l’océan Pacifique que pour la navigation Atlantique. D’autre part, le rythme de rotation des convois y est exceptionnellement lent. Il est plus long sur un parcours théorique de 1340 milles73 que sur les 4 300 milles qui séparent Cádiz de Nombre de Dios ou Puerto Belo74. En effet si le rythme de rotation de la flotte de Terre-Ferme est en général biennal, celui de l’armada de la guardia est, par contre, annuel75. Soit infériorité de l’organisation soit difficulté intrinsèque de la mer malgré son calme apparent, les 1 340 milles de Panama au Callao constituent un obstacle plus grave pour la navigation en convoi, du moins, que les 4 300 milles du bas Guadalquivir à l’isthme76. Compte tenu de l’escale à l’isthme, la distance subjective, la vraie en temps d’homme et de peine, de Lima à Cádiz est triple, au moins, de la distance qui sépare l’isthme de Cádiz. La seule distance Lima-Callao/Panama, 1 340 milles est comparable, du moins à la distance Bas-Guadalquivir/le Vera-Cruz, 4 860 milles77. Dans les deux cas, en effet, le rythme de rotation des convois s’échelonne sur deux ans78.
43Le convoi de l’armada de la mer du Sud était constitué, au début du moins, par des navires plus petits, autant qu’on en puisse juger, que ceux couramment utilisés dans l’Atlantique. Assez tôt, dès la fin du xvie siècle, au début du xviie siècle, sans doute, il y a alignement sur les normes atlantiques. La taille des navires évolue donc sensiblement comme dans l’océan Atlantique79. On retrouve, en outre, les deux catégories, les gros galions utilisés pour la défense, l’acheminement de l’argent, de Lima à Panama et, au retour, celui des marchandises d’Espagne les plus coûteuses, une flotte beaucoup plus nombreuse pour les communications impériales avec la côte du Vice-Royaume au Nord et au Sud, enfin, et surtout, une poussière de canots et de lanchas qui font entre les « Valles », le Callao de Lima et Panama le cabotage alimentaire.
44Un cabotage alimentaire avec le Pérou côtier, un appui impérial au Chili pionnier, la jonction capitale avec l’Espagne par Panama, le branchement qu’elle permet sur l’économie monde n’épuisent pas les fonctions de Lima face à la mer par son Callao. C’est le Callao qui assure entre le Pérou et la Nouvelle Espagne un commerce qui a fait l’objet, récemment, d’une remarquable étude80. Il suffira de s’y reporter. Du Nord vers le Sud, des hommes ont emprunté cette voie, les produits aussi de l’industrie artisanale mexicaine sans lesquels les débuts du Pérou difficile n’eussent été possibles, du Sud vers le Nord, la production « méditerranéenne » des Valles. Le commerce est difficile en raison de l’énormité des distances relatives, mieux, des difficultés à vaincre il n’est pas possible sans escales relais. Il se modifie autour de 1585. C’est alors que cet « ancien commerce colonial » qui a trouvé, grâce à Woodrow Borah, son classique, pratiquement définitif81, se modifie, il vaudrait mieux dire qu’il se fond dans un commerce plus vaste, un commerce qui ne met plus en cause seulement le Mexique et le Pérou mais l’ensemble du Pacifique. Le Callao devient le centre Sud d’importation des produits de Chine, non seulement des biens mais aussi des hommes82 et des influences extrême-orientales. Callao, à une échelle infiniment réduite, c’est pour le Pérou et, plus précisément, pour Lima, ce qu’Acapulco est au Mexique et, plus particulièrement, à Mexico, une porte imperceptiblement entr’ouverte sur l’Extrême-Orient.
45Mais ce trafic dérivé du galion de Manille et de l’« early trade and navigation between Mexico and Peru » n’appartient plus au monde de Séville. Il est même l’anti-Séville. Il est difficile à quantifier. Il faudrait, pour y parvenir, ce serait sans doute possible, pousser une enquête systématique dans les séries qui subsistent. Quoiqu’il en soit, on le voit, constamment, dans les préoccupations sévillanes. Il a constitué, pour nous, un bon réactif de la conjoncture83. Séville est plus spécialement allergique à la concurrence extrême-orientale en période de contraction cyclique, interdécennale ou séculaire. Les tensions Séville-Lima passent par le canal des rapports Callao-Acapulco. Faute de pouvoir, pour le moment, effectuer une mesure plus précise sur cet axe Nord-Sud, Sud-Nord, on a dû se borner à des appréciations indirectes de tendance et d’accélération. Le commerce de redistribution vers le Sud des produits d’Extrême-Orient passe par son apogée au début du xviie siècle, ensuite il est freiné sous l’action directe et indirecte de la conjoncture. Sous son action indirecte, c’est l’hostilité agissante de l’unité du Monopole atteint par la récession séculaire84, sous son action directe, ce sont pour alimenter le commerce d’Extrême-Orient, commerce d’argent, par excellence, les difficultés de la mine.
III. — LIMA ET LES DISTRICTS MINIERS
46La source première de l’activité limeña est, ailleurs, sur les plateaux qu’elle commande, médiatement. Nous sommes, ici, dans une zone de présence espagnole très faible. La zone motrice de l’économie coloniale péruvienne est, paradoxalement, à peu près exclusivement indienne, de langue quechua, au Nord, aymara, au Sud. A telle enseigne, qu’aujourd’hui encore, la zone centrale andine des deux Pérou, bas-Pérou et haut-Pérou, qui ont donné respectivement naissance aux républiques péruvienne et bolivienne est à peu près exclusivement de dialecte indien. Tout au plus, les cadres indigènes sont-ils bilingues, voire, simplement, hispanophones. C’est la preuve, si besoin est, de la faible densité du peuplement espagnol à l’époque coloniale.
47C’est d’ailleurs, dans cette forte population indienne, 4 à 5 millions, peut-être, que réside la richesse du pays. Ces paysans des plateaux, fortement enracinés au sol, dotés d’une forte organisation sociale qui les encadre solidement, ont beaucoup mieux résisté, semble-t-il et plus passivement — mieux peut être, parce que plus passivement — que les indiens de la Nouvelle Espagne, aux structures de domination dans lesquelles ils sont engagés par la conquête. Pourquoi ? Parce que, malgré l’effort considérable qui leur est demandé85, l’effort global est peut-être moindre qu’il ne l’est en Nouvelle Espagne, en raison du nombre plus restreint de la population dominante86. Mais surtout, parce que la domination est plus indirecte, moins perturbante d’habitudes anciennes et qu’elle soumet une population séculairement entraînée aux rapports de domination. Il n’est pas certain, en effet, que les prélèvements de force de main-d’œuvre effectués par les dominants espagnols aient été proportionnellement supérieurs à ceux que faisaient, notamment, à d’autres fins, les théocrates incas. Les indiens morts dans les mines ont servi les besoins de l’économie-monde et préparé, sans le savoir, la révolution industrielle. Les indiens sous la domination incas étaient sacrifiés avec des modalités différentes, aux exigences architecturales d’une cosmogonie solaire extérieure à leur vie à laquelle ils n’étaient même pas véritablement associés. Même situation, mêmes moyens.
48Entre le précolombien et l’ère coloniale, sous l’angle des rapports de domination, peu de différence ; seule, la fin diffère. Et la satisfaction des besoins de l’économie-monde est un but meilleur à nos yeux que l’édification de temples au Soleil. Toutefois, mieux entraînés, ou plus simplement, dotés d’une économie agraire construite pour porter un lourd fardeau de domination, les indiens du Pérou ont, globalement, moins souffert. Dans la mesure où la révolution de la conquête, pourtant plus brutale, a été moins profonde. Telles sont les raisons pour lesquelles, malgré ses terribles exigences, l’économie minière du Pérou ne semble pas avoir entraîné des perturbations démographiques aussi considérables que la mise en place de l’économie coloniale ne l’a fait en Nouvelle Espagne. Simple hypothèse de travail, au demeurant, qui procède, peut-être, tout simplement, de la qualité inégale de nos documentations. Quand on possédera sur l’ancien Pérou, des études comparables d’histoire démographique à celles que l’école de Berkeley nous a données pour le Mexique des plateaux, on pourra confirmer ou infirmer ces hypothèses provisoires.
49Au prix d’une simplification excessive, on peut réduire l’étude du Pérou minier dominant à quatre secteurs : le secteur mercuriel de Huancavelica, le plus proche de Lima, mais aussi le plus tardif, le secteur ancien et rapidement décadent de Cuzco, le point de domination du Potosí et les exutoires d’Arequipa et d’Arica.
HUANCAVELICA
50Le secteur minier de Huancavelica est incontestablement le mieux connu. Il a trouvé son historiographe et les études de Arthur P. Whitaker pour le xviiie siècle, et de Guillaume Lohmann Villena, surtout, pour le xvie et le xviie siècles, peuvent être considérées comme définitives87. La remarquable étude de Lohmann Villena, avec ses solides appendices statistiques, constitue le modèle presque parfait de monographie minière régionale. Il serait souhaitable que tous les secteurs des plateaux péruviens fassent l’objet, prochainement, d’études analogues88. Il est inutile, dans ces conditions, d’insister, longuement, il suffit de renvoyer, pour l’essentiel, à l’étude véritablement parfaite de Lohmann Villena.
51Les mines de Huancavelica dans un secteur tout proche de Lima, 300 kilomètres environ, relativement proche de la mer — ceci à son importance, au début de la mise en exploitation sur une grande échelle du fameux gisement mercuriel — sont apparues, tardivement, dans l’histoire coloniale. Productrices de mercure, elles sont, en effet, fonction d’une autre production, celle de l’argent, dont le mercure, à partir des années 80 du xvie siècle, au Pérou comme en Nouvelle Espagne, est matière première essentielle.
52Le secteur de Huancavelica appartient déjà à la zone médiane des plateaux fortement peuplés. Seule cette forte densité du peuplement ambiant est susceptible de rendre compte de la réussite des mines de Huancavelica, comme toutes les mines de mercure, en période surtout de faible niveau techniques grosses consommatrices d’hommes.
53Beaucoup plus sûrement que les gisements d’argent du Potosí89, les gisements mercuriels de Huancavelica étaient connus à l’époque précolombienne. Il n’est pas douteux, ce fut souvent le cas dans l’Amérique ancienne que les Espagnols suivirent ici un chemin tracé par les techniques amérindiennes. Au prix, toutefois, d’une mutation quantitative fondamentale. Quand les Espagnols découvrirent, en effet, le cerro de Chaellatacana90, ils constatèrent avec quelle diligence les indiens avaient perforé le sous-sol, creusant des carrières et des mines qui formaient au moment de la conquête déjà un véritable labyrinthe. Mais l’exploitation précolombienne ne visait qu’à une production secondaire, celle d’un produit tinctorial le vermillon. Abandonnée, vraisemblablement, lors des troubles de la conquête et des guerres civiles qui en prolongent le drame, l’exploitation reprend à la fin de l’année 156391 à un rythme qu’il n’avait jamais connu — selon toute vraisemblance — dans les lointains précolombiens. Elle n’est guère appréciable, toutefois, qu’à partir de 157192, et non pas seulement en raison d’un hasard documentaire.
1. Dynamique de la production
54La mise en exploitation des mines de Huancavelica est à mettre en relation avec les besoins de l’industrie argentifère. Les comptes de la Contadurίa de l’Audience montrent, en effet, que le mercure de Huancavelica est exporté depuis la mise en exploitation en 1564 jusqu’à l’adaptation et la généralisation du début des années 80.
55Cela s’explique très facilement. Il était impossible, en effet, que le centre, traditionnellement, le plus important de la production mercurielle, Almaden, fît face aux besoins énormes des techniques nouvelles de la production argentifère. C’est en 1556 et dans les années qui viennent que l’amalgame s’implante en Nouvelle Espagne. L’amalgame, on l’a dit, ne s’est pas substitué, instantanément aux vieilles techniques. Il s’est simplement superposé aux vieilles techniques. Mais il a permis de continuer l’exploitation de gisements écrémés de leurs minerais les plus riches, de reprendre, dans beaucoup de cas, les déchets rejetés par les anciennes exploitations. La solution de l’amalgame a été apportée en Nouvelle Espagne à une époque de difficultés particulièrement graves dans la production93, si on en juge par les importations officielles à Séville94. En fait, l’expansion appelle l’expansion. Il est normal que l’on cherche à reculer le plus longtemps possible les douloureuses réadaptations et les pénibles réajustements de la contraction à long terme. C’est dans ce contexte95 qu’apparaissent les inventions techniques de la deuxième demi-décade des années 50 du xvie siècle, au Mexique minier. Mais si l’amalgame est une nécessité économique et politique, sa généralisation pose, d’abord, des problèmes presque insolubles. Il faut faire face, en effet, à des besoins insolites en mercure. Les usages du mercure furent longtemps très restreints. Traitements mercuriels au cours du xve siècle, glaceries de Venise à la charnière du XVe et du xvie siècle. L’amalgame lançait à la production du mercure un défi presque insoutenable.
56Nos statistiques du mouvement et de la production du mercure96 montrent à quelles difficultés on s’est heurté d’abord. Certes, les statistiques des exportations d’Almaden97 ne sont pas complètes tout de suite. On ne peut guère faire fond sur elles qu’à partir de la deuxième demi-décade des années 60 du xvie siècle. Compte tenu même de ces restrictions, il est manifeste que les seules exportations d’Europe manquent d’élasticité. Un peu plus de 3 000 quintales de 1561 à 1565, un peu moins de 6 000 de 1566 à 1570. Puisque le manque de mercure dans le Mexique minier empêchait de tirer tout le parti souhaitable des techniques nouvelles, il était naturel que l’on cherchât à s’en procurer aux Indes. D’où la mise en exploitation, faute de mieux, des Mines de Huancavelica.
57De 1561 à 1575, en effet, l’industrie argentifère américaine se développe avec peine. Une comparaison attentive98 des courbes globales des importations, des répartitions or, argent et des répartitions Nouvelle Espagne/Pérou montre que la Nouvelle Espagne supporte seule, alors, une expansion nécessaire et vite essoufflée, tandis que la production argentifère péruvienne s’installe sur un palier de plus en plus déprimé. La grande flambée de l’argent, celle qui entraîne la montée irrésistible du trafic dans l’Atlantique espagnol, à la veille de la catastrophe externe de l’Invincible Armada99, celle qui entraîne, à partir de 1574 et de 1577, surtout, le cycle de l’argent dominant100 dans les frappes monétaires françaises, est imputable, au premier chef, à la mise en exploitation des mines de mercure de Huancavelica.
58Par rapport aux mines du Mexique, Almadén et Huancavelica sont placés dans des positions à peu près égales. Même distance de la mine au port d’embarquement, mais le chemin Almaden-Séville est, malgré ses difficultés, plus commode que le chemin Huancavelica/le Callao. Par mer, la distance Callao/Acapulco est moindre que la distance Séville/la Vera-Cruz, mais, en difficultés de parcours, elle est au moins comparable. Tout bien pesé, pour approvisionner les mines de Nouvelle Espagne, Huancavelica et Almaden se trouvent dans des positions qui ne sont pas fondamentalement différentes. L’avantage, s’il existe, joue, bien au contraire, en faveur très nettement d’Almaden.
59Une différence, toutefois, substantielle sépare Almadèn et Huancavelica face aux exigences nouvelles du marché américain. Almaden doit continuer à couvrir les besoins anciens de ses clients traditionnels. Almaden ne bénéficie pas, pour le recrutement de sa main-d’œuvre, de conditions aussi favorables que Huancavelica, grâce à la mita101. Or, même à prix d’or, le recrutement d’une main-d’œuvre libre pour un travail aussi dangereux — il n’est pratiquement pas un indien qui en réchappe à Huancavelica, malgré le système de rotation qui prévaut, de l’aveu même de Lizarraga102 — est une opération difficile. Les forçats ne peuvent y suffire. On comprend que, dans ces conditions, Almaden ait fait preuve face à l’événement d’une rigidité que seule, Huancavelica a pu pallier. De 1556 à 1570, Almaden est seule pratiquement à faire face aux besoins de la Nouvelle-Espagne103 à l’exception de quelques apports presque imperceptibles lors des années 1565-1570, en provenance de Huancavelica et, peut-être, du Saint Empire par le commerce libre. Or, si on se reporte à ce qu’Almaden est capable de fournir104 au cours des premières années, on comprendra que la production argentifère est, même au Mexique, freinée dans son expansion par le goulot d’étranglement du mercure105. L’amalgame aura permis, après la crise des années 1556-1560, la reprise des années 1561-1570, mais au-delà, seule une solution révolutionnaire est susceptible de permettre un nouveau départ. Cette solution révolutionnaire, c’est une mutation dans l’approvisionnement de l’industrie minière en mercure. Elle se place entre 1570 et 1580. Elle n’empêche pas la récession des importations d’argent de 1571 à 1575, mais commande la formidable reprise de 1576 à 1585106.
60Le décrochement des importations d’argent à Séville entre 1571-1575 et 1581-1585 (de 11 906 609 pesos à 29 374 612 pesos, pour l’ensemble des trésors, 97 à 98 % d’argent) est imputable à l’entrée en scène de Huancavelica. De 1566 à 1570, Almaden est seule encore à fournir l’Amérique et en quantité tout à fait insuffisante (5 747,5 quintales contre 3003 quintales de 1561 à 1565). Au total, compte tenu des premières exportations de Huancavelica sur le Nord, l’industrie minière n’a pas dû disposer sensiblement de plus de 6 à 7 000 quintales. De 1571 à 1575, deux facteurs s’additionnent. Une adaptation d’Almaden (dont les exportations computables passent de 5 747,5 quintales à 9 464 quintales) et surtout une entrée en scène de Huancavelica avec 9 000 quintales d’un seul coup. Cette entrée en scène de Huancavelica mérite qu’on s’y arrête. Huancavelica est promue sur le champ, au rang d’une entreprise de dimensions internationales107, puisqu’elle arrive à se placer, au bout de cinq à six ans, sur le marché de la Nouvelle Espagne, au même rang qu’Almaden, entreprise plusieurs fois séculaire, en ligne sur le marché de l’industrie minière mexicaine depuis plus de quinze ans.
61Mais la mutation quantitative se précise entre 1576 et 1580. Il y a, à la fois, croissance des exportations d’Almaden (de 9 464 à 13 023,63 quintales) et mutation essentielle de la production de Huancavelica (de 9 000 à 25 000 quintales). D’une part, Huancavelica a trouvé, au cours de ces années, le rang qu’il ne perdra plus, de toute la période coloniale, de premier pourvoyeur en mercure de l’industrie minière américaine. De 1576 à 1600, Huancavelica fournira plus des deux tiers de la consommation américaine totale du mercure. Par la suite, il cédera du terrain, de 1601 à 1650, notamment, sans que les exportations européennes arrivent à égaler tout à fait la production américaine (55 %, 45 % de 1601 à 1650, 72 %, 28 %, par contre de 1651 à 1700). Mais de 1576 à 1580, le mercure de Huancavelica a déjà cessé de prendre exclusivement la route de la Nouvelle Espagne. Loin de là, c’est autour de 1580 que le procédé du patio, en se généralisant dans l’industrie argentifère du Pérou, — sans jamais éliminer, d’ailleurs, moins, peut-être, encore, au Pérou qu’au Mexique, les techniques anciennes — va mobiliser sur place toute la production de Huancavelica. Moins, peut-être, encore qu’au Mexique, il ne faudrait pas confondre, en effet, la date de naissance officielle de l’adaptation par Pedro Fernandez de Velasco108 des procédés nouveaux aux minerais péruviens, à leur généralisation que nous n’hésitons pas, pour notre part, à placer près de dix ans plus tard.
62Ce que signifie la révolution de l’amalgame au Pérou, quelques chiffres, une mise en parallèle sur quinze ans des deux centres producteurs, le diront mieux qu’un long discours. Les exportations officielles d’argent de Nouvelle Espagne plafonnent de 1571 à 1585 : 7,2 millions de pesos de 1571 à 1575 ; 7,25 de 1576 à 1580 ; 10,3 de 1581 à 1585, les exportations d’argent du Pérou font plus que quadrupler en dix ans, 4,6 millions de pesos de 1571 à 1575, 10 millions de 1576 à 1580, 19,1 millions de 1581 à 1585, soit un accroissement de 415 % en dix ans. La mise en service du patio au Pérou a une double incidence visible sur la production de l’argent. Il paraît, en partie, responsable du palier dans la croissance de la production d’argent en Nouvelle Espagne. L’augmentation de la production de l’argent en Nouvelle Espagne aurait exigé une accélération de l’approvisionnement en mercure que la prise de position du Pérou comme consommateur ne permet plus d’assurer. Entre 1575 et 1585, une étude attentive des statistiques laisse même à penser que l’industrie du Mexique minier a vu son approvisionnement baisser109. Autour de 1575, le Mexique minier disposait de la totalité de la production disponible d’Almaden et de Huancavelica, de 1580 à 1585, il n’a plus pour lui qu’Almaden, à un moment où, circonstance aggravante, l’approvisionnement d’Almaden, de toute manière insuffisant, faiblit.
63Seconde conséquence, beaucoup plus nette, encore, la mise en place des techniques du patio est responsable de la grande mutation quantitative de l’argent péruvien, soit quadruplement en dix ans : de 1571-1575 à 1591-1595, les exportations de la Terre Ferme (pour les 9/10, l’argent du Pérou) passent de 4,6 millions de pesos à 23,9 millions. Toute cette marge est, pour l’essentiel, imputable à la technique de l’amalgame dans le « patio ». Mais, fait important, au Pérou, à la différence de ce qui se passe en Nouvelle Espagne, c’est la découverte de la mine qui commande l’adaptation technique — 1564, pour la mise en service de Huancavelica, 1572 pour la découverte technique de Pedro Fernandez de Velasco, 1570 et 1580, environ, respectivement, pour l’exploitation, sur une grande échelle, de la mine et du procédé. Le lien de cause à effet est évident et Huancavelica, sans conteste, responsable de la prodigieuse fortune argentifère du Pérou.
2. Huancavelica, clef de la production argentifère
64C’est à Huancavelica et non pas au Potosí ou, à plus forte raison, à Cuzco, que se trouve la clef de la dynamique de la production de l’argent péruvien. Les contemporains en ont eu parfaitement conscience. Guillermo Lohmann Villena en fournit une liste de preuves110 à laquelle il serait possible d’ajouter111. A ce consensus des contemporains, on peut joindre une véritable démonstration statistique112.
65L’argent du Pérou aura été, au xviie siècle, du moins, dans sa grosse majorité, un argent d’amalgame. Le quadruplement en dix ans de la production de 1571/1575 à 1581/1585 en fournit la preuve. Si les nouveaux procédés n’ont pas réussi à détrôner les anciennes techniques, ils couvrent, vraisemblablement, plus de la moitié de la production, les deux tiers, peut-être, les trois quarts, à une date qu’il ne nous est pas possible de préciser. Les corrélations, importations officielles d’argent en Espagne, masses de mercure disponibles en Amérique (production + importation) ne laissent aucun doute quant à ce primat.
66La corrélation mercure/argent, bien vue par les contemporains, étayée par l’évidence statistique, se double au Pérou d’une corrélation mercure d’Huancavelica/argent du Potosí. En effet, l’importation au Pérou de mercure d’Europe ne saurait être qu’un expédient de dernière instance, auquel on n’a eu recours qu’en période d’extrême pénurie. Depuis 1575/1576, en effet, la production américaine de mercure à quelques rares exceptions près, a toujours dépassé de beaucoup la masse globale des exportations de l’Europe vers l’Amérique. Huancavelica, à elle seule, dépasse très largement l’ensemble des importations d’Almaden, d’Idria et, à titre purement anecdotique, bien sûr, de Bohême et de Chine. Pour le siècle et demi qui va de 1556 à 1700, la production d’Almaden exportée sur l’Amérique ne dépasse pas 57,72 % de la production de Huancavelica. De 1576 à 1700, l’ensemble des exportations européennes (Almaden + Idria) dépasse la production locale de Huancavelica au cours seulement de la demi-décade 1606-1610 et des demi-décades 1621-1625, 1626-1630, 1631-1635. Même au cours de ces années de crise grave à Huancavelica, de crise liée à des conditions locales bien analysées par Guillermo Lohmann Villena, la production de Huancavelica égale encore, à peu de chose près (40 à 45 % du total) l’ensemble particulièrement important des importations d’Europe. Au cours des demi-décades 1606-1620 et 1626-1630, il y a crise à Huancavelica. Au cours des années 1621-1625, par contre, c’est, plutôt, une exaspération de la demande mercurielle qu’il faut envisager.
67Le primat général de Huancavelica, à l’échelle du Nouveau-Monde, n’est pas douteux. A l’échelle du Pérou, il est proprement incessant. Pour l’ensemble de la période 1559-1660, par exemple, la consommation minima du mercure par l’ensemble des mines du Nouveau-Monde s’est élevée à 37 000 tonnes, soit une moyenne annuelle de 362,7 tonnes ainsi réparties : 15 154,57 tonnes de mercure européen importé (14 273,57 tonnes d’Almaden, 881 tonnes d’Idria), 21 851,5 tonnes, pour la production de Huancavelica. En regard de ces chiffres, l’Amérique a exporté officiellement, de 1503 à 1660, d’après Hamilton, 181,33 tonnes d’or et 16 886,8 tonnes d’argent. La consommation annuelle du mercure s’est élevée, de 1559 à 1660, à 139,9 tonnes pour le mercure d’Almaden ; 8,6 tonnes pour la source d’appoint d’Idria ; 148,5 tonnes pour l’ensemble de l’Europe ; 214,23 tonnes pour Huancavelica ; 362,7 tonnes au total, pour les sources de production européennes et américaines (rappelons, à titre de comparaison, que la moyenne des importations annuelles officielles d’or et d’argent en Espagne, de 1503 à 1660, est de 1,23 tonne d’or et de 114,2 tonnes d’argent).
68Pour la production péruvienne de l’argent, la part de Huancavelica est plus décisive encore. En effet, les importations mercurielles d’Europe y ont été insignifiantes. On le comprend sans peine, en raison du monstrueux handicap du franchissement de l’isthme, par une marchandise lourde et fluide, terreur traditionnelle des gens de mer et des « arrieros ». De 1556 à 1700, d’après nos calculs113 Carthagène a reçu 6 236,5 quintales114 Saint-Domingue, 280,5 quintales, le Honduras, 2 253 quintales, la Nouvelle Espagne, 317 539,95 quintales et le Pérou, 82 115 quintales. La part du Pérou dans les importations de mercure européen n’excède pas 20 %. On peut évaluer à 20 000 quintales environ, le mercure de Huancavelica qui a pris le chemin des 7 mines de la Nouvelle Espagne. La production de Huancavelica s’est élevée, dans le même laps de temps115 à 661 000 quintales environ. La part des importations n’a pas dépassé 12,3 % de la production locale. Même compte tenu des exportations de Huancavelica sur la Nouvelle Espagne, la part des mercures d’Idria et d’Almaden consommée par les mines du Pérou ne dépasse pas 12,8 % des quantités fournies par Huancavelica et consommées sur place. Dans ces conditions, malgré la survivance au-delà de 1572-1580, des anciennes techniques, concurremment aux techniques nouvelles, la production mercurielle de Huancavelica commande les deux tiers, au moins, de la production d’argent du Pérou, partant 40 % environ de la production de trésors d’Amérique.
3. Huancavelica. Ses vicissitudes
69Ces faits établis, ces corrélations exprimées que Guillermo Lohmann Villena avait laissées, pour l’essentiel, en dehors du champ de ses préoccupations, il suffit, pour le reste, les modalités notamment de l’histoire politique, administrative et technique de la mine, de se reporter à sa remarquable monographie.
70Tout en conservant la haute main sur la production impériale du mercure, l’administration vice-royale toute proche avait la sagesse de ne pas chercher à l’assumer, directement, en régie, mais de recourir à l’initiative privée des « mineros », les entrepreneurs de la mine. Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, le minero, économiquement et socialement, reste un assez petit personnage. Une grande fragilité de la production en découle et une difficulté constante à trouver des capitaux pour l’entretien des installations et, pour fomenter, à plus forte raison, le progrès technique. L’entrepreneur de la mine reste donc, étroitement sous la coupe de l’administration, du grand négoce et des encomenderos bailleurs de main-d’œuvre. Ce que l’on sait, avec certitude, pour l’industrie du mercure, on pourra l’extrapoler, avec prudence, pour l’industrie de l’argent. Cela se comprend sans peine, d’ailleurs. La véritable richesse réside moins, dans l’usufruit d’un minerai, difficilement accessible et dont la nue propriété du gisement appartient au Roi, que dans la libre disposition d’une main-d’œuvre abondante. Le détenteur de la main-d’œuvre est, en fait, le véritable détenteur de la richesse du sous-sol, c’est lui qui jouit à Lima de la force et du prestige qu’elle procure, l’entre preneur de la mine ne possède que les apparences de la richesse et de la puissance et sa rémunération est fragile et limitée. Ce qui est vraisemblable pour la Nouvelle Espagne est sûr pour le Pérou.
71Les vicissitudes de la production du mercure sont liées, pour l’essentiel à celles de la main-d’œuvre. Le démarrage de Huancavelica a été, on l’a vu, exceptionnellement rapide. Les difficultés commencent très tôt, après la décade 1581-1590, ou si l’on veut, 1586-1595, qui marque le record de la production. Les difficultés s’accroissent avec l’épuisement des gîtes superficiels et l’épuisement, unanimement dénoncé de la main-d’œuvre environnante. A partir du moment où l’extraction s’opère par l’usage des galeries souterraines (socavón), la consommation humaine devient effroyable. Lizarraga s’en porte témoin, on ne sort jamais vivant d’un séjour de trois mois dans les mines de Huancavelica. Le prélèvement de la main-d’œuvre forcée se fait grâce à l’institution incaïque de la mita. C’est alors que l’usage s’est répandu de célébrer, avant leur départ du village, en l’honneur de ceux qui partent, le service des morts. Les populations soumises à la mita d’Huancavelica périclitent d’autant plus sûrement que ceux qui partent, partent le plus souvent accompagnés des leurs, exposant inutilement à la mort une grande quantité de femmes et d’enfants. Dans le cadre de la mita, l’immigration préventive s’organise, une fois que l’on apprécie mieux l’ampleur du danger. Autour de Huancavelica et autour du Cerro de Potosí, un vide se creuse. Il faut, pour lutter contre ce vide, élargir, sans cesse, le cercle de la zone du prélèvement de la mita. Au fur et à mesure que l’on descend plus profondément, le rendement unitaire baisse et la mortalité — si elle n’est pas plus élevée — est, du moins, plus rapide. Cette double difficulté pèse sur le rendement et sur les coûts de production.
72Mais le problème n’est pas uniquement économique, il est politique et théologique. L’hécatombe du travail souterrain n’est pas indéfiniment possible. Elle suppose, entre autres, que les modalités en soient ignorées du pouvoir central. Le secret ne peut en être indéfiniment gardé, outre qu’il y a, nécessairement, rivalités entre preneurs éventuels sur le marché de la main-d’œuvre. La terrible crise du début du xviie siècle a comme point de départ — il faut bien, quand même, que cela soit porté à la gloire impérissable de l’Espagne — un scrupule de conscience. Les entraves humanitaires116 qui sont mises, en 1604, à l’exploitation souterraine de la mine sont si peu illusoires qu’elles entraînent, entre 1591 et 1600, d’une part, 1601 et 1610, d’autre part, une chute de la production de l’ordre pratiquement de 50 %. Le niveau de production de 1606-1610 est d’un tiers inférieur à celui des débuts de la production de 1576 à 1580. Or, il correspond d’autant moins à une tendance irréversible que l’on verra, plus tard, malgré la conjoncture mondiale117, la production du mercure de Huancavelica reprendre, à peu de chose près, son niveau antérieur. La courte récession des années 1601-1610 a donc, essentiellement, un mobile politique, humanitaire et religieux. Et l’on chercherait, vainement, en dehors du pouvoir de l’Espagne, pareille victoire donquichottesque de l’idéal. Reginaldo de Lizarraga le sentait, sans doute, qui écrit, au début du xviie siècle, que les choses de Huancavelica ne vont leur train qu’en tant que le Roi les ignore118.
73Bien sûr, les choses ne sont pas aussi simples. L’opération anti-mercurielle aura été inspirée, en sous-main, peut-être, par des entreprises argentifères assoiffées de main-d’œuvre, sinon Potosí lointain, mais le Cuzco tout proche. A cet égard, l’opération de 1604 peut sembler — dans l’économique pure — une opération à court terme, qui sacrifierait la production d’un moyen de production, le mercure, à la production immédiate de l’argent. La décision de 1604 peut apparaître comme le triomphe d’une prévision à très court terme ou, superficiellement, à trop long terme pour être pensée vraiment, entendez de reconstitution séculaire de la main-d’œuvre indienne, sur la prévision économique raisonnable qui est toujours à moyen terme. En fait, elle a été rendue possible par la constitution en Amérique de stocks excessifs. Les mauvais esprits y verront peut-être encore, à l’approche de la récession séculaire, un moyen d’Almaden et des groupes qui la tiennent — on sait le rôle que les Fugger y ont joué — pour se débarrasser d’un concurrent gênant. Depuis le creux d’Almaden de 1581-1595119 (11 358 quintales, 15 326 et 13 912 quintales respectivement de 1581 à 1585, 1586 à 1590, 1591 à 1595), il correspond à l’apogée de la production de Huancavelica (30 501, 37 286, 36 750 quintales en 1581-1585, 1586-1590 et 1591-1595), les exportations du mercure d’Almaden sur l’Amérique ne cessent de s’accroître, pour atteindre leur apogée entre 1621 et 1630 (1621-1625, Almaden, 26 059,19 quintales, Idria, 13 407,81, total des exportations européennes, 39 467 quintales, production américaine, 27 085,29 quintales seulement ; 1626-1630, Almaden, 27 663 quintales, Idria, 5 701 quintales, total des exportations européennes, 33 364 quintales, production américaine, 12 772,10 quintales seulement). Cette moitié des exportations du mercure d’Europe constitue la toile de fond. Sans elle, l’opération 1604 n’aurait peut-être pas abouti. Retirer au principe moral, mieux, aux perspectives eschatologiques, leur valeur de primum mobile, dans le tournant du début du xviie siècle, n’en constituerait pas moins un impardonnable contresens. A la limite, les conséquences du coup de semonce moral de 1604 sont incalculables. Qu’il vînt à contre-courant, toute la suite des événements le prouve. La croissance à long terme de la consommation globale du mercure jusqu’à la demi-décade 1621-1625, la nécessité d’avoir un monstrueux recours à une importation combien dispendieuse, à laquelle ne suffisent plus les mines d’Almaden. Faire venir d’Idria au Cerro du Potosí, ce que Huancavelica recèle dans ses flancs, est trop absurde, sur le plan de l’économie pure, pour être justiciable d’une simple erreur de calcul. L’horreur des indiens morts — d’autres diront au prix de quelles souffrances — peut seule expliquer, cette faute sur le strict plan du profit et de la Raison d’Etat. Les mines de Huancavelica, mieux les scrupules que fit naître la connaissance à Lima, d’abord, puis à l’Escorial, Valladolid et à Madrid, de la condition humaine des indiens qui y travaillèrent, renferment, peut-être, une partie du secret du renversement paradoxalement prématuré de la conjoncture120 de l’Atlantique espagnol.
74Quelques années plus tard, à la hauteur de la deuxième décade du xviie siècle, la production de Huancavelica reprend quand la volonté s’amenuise d’empêcher l’exploitation souterraine et que le coût exorbitant des importations massives, d’une part, les besoins d’argent, d’autre part, contraignent à une vue plus réaliste des choses. La production de mercure à Huancavelica reprend, sans être à l’abri de quelques gros accidents (1626-1630, d’une part, 1685-1689121 d’autre part), sans jamais retrouver, sauf de 1651 à 1660, les niveaux atteints à la fin du xvie siècle. On ne peut plus guère douter, à la lueur de ces rapprochements, que Huancavelica ait réellement tenu la clef de la production de l’argent du Pérou122.
LE CUZCO
75Mais il est non moins vrai que Huancavelica n’a, à son tour, d’intérêt, qu’en fonction des mines d’argent des plateaux qui s’étendent au Sud-Est de Huancavelica, sur un axe de quinze-cents kilomètres de long. Un peu plus au Sud, toute proche de Huancavelica, la région de Cuzco, l’ancienne capitale. A quelque six-cents kilomètres de Lima, son accès naturel sur la mer est Arequipa, à 300 kilomètres environ. Capitale de la zone quechua, Cuzco est aussi la capitale de la coca123.
76Sa situation est allée se dégradant assez rapidement. On en prend conscience en comparant, autour de 1570, le jugement optimiste de Velasco au jugement pessimiste, trente ans plus tard, de Lizarraga124. Autour de 1570, la région de Cuzco groupait, encore, d’après Velasco, 800 familles espagnoles, soit 4 à 5 000 âmes, dont 63 encomenderos, ayant sous leurs ordres, 77 000 familles d’indiens soumis, quelques trois-cent-mille âmes. Elle est productrice alors de métaux précieux et se place au cœur d’une zone minière secondaire dont l’exutoire normal était constitué par le port d’Arequipa, que l’on atteint à dos de llamas. Mais la mine n’est plus autour du Cuzco qu’un élément, entre autres, de la richesse125. Or, au début du xviie siècle, Lizarraga fait du Cuzco, trente ans plus tôt encore florissant, le tableau d’une cité en ruines que le mauvais entretien des canaux recouvre d’une puanteur épaisse.
77De l’effacement progressif des régions voisines du Cuzco, on possède d’autres preuves, encore, apparemment, moins subjectives et parfaitement irrécusables. Les séries de la Contaduría126 montrent, comment, non sans vicissitudes et fluctuations dont le détail ne se laisse pas facilement saisir, dans l’acheminement sur Lima de l’argent des caisses excédentaires, Arica l’emporte progressivement sur Arequipa. Cette substitution d’une route plus au Sud à la route traditionnelle plus au Nord mériterait une étude attentive.
78Elle n’est pas douteuse et se situe entre le texte de Velasco et celui de Lizarraga. Elle peut avoir de nombreuses causes qui nous échappent, mais Arequipa est l’exutoire rationnel et commode de la région de Cuzco, Arica, celui du Potosí. La substitution progressive et mouvementée d’Arica à Arequipa nous paraît rendre assez bien compte du déplacement vers le Sud, en direction du Potosí, du centre de gravité de la région minière.
79Le déplacement vers le Sud du centre minier est, vraisemblablement, le résultat d’un complexe multiple de causes dont l’essentiel, faute d’une étude poussée sur ce terrain nous échappe. Deux causes, toutefois, sont évidentes. Le mercure de Huancavelica et le pôle attractif du Potosí.
80Huancavelica a, autour de soi, vidé de sa population un cercle de plus en plus large. Cuzco et le Nord de l’axe minier argentifère ont été atteints. Les attitudes du début du xviie siècle, à propos de l’opportunité de l’exploitation souterraine de Huancavelica127, résultent, peut-être secondairement, on l’a vu, d’un conflit d’intérêts autour des possibilités refluantes du recrutement sur place de la main-d’œuvre.
81Il y a, à première vue, mais à première vue seulement, en effet, quelque chose de paradoxal dans l’affirmation que la proximité de Huancavelica a pu être un handicap pour la partie Nord de l’axe des plateaux producteurs de l’argent. L’approvisionnement du mercure est beaucoup plus commode pour cette partie Nord que ne l’est celui du Potosí, avec sa route mi-terrestre, mi-maritime et sa double rupture de charge. Mais la facilité et le bon marché du mercure ne constitue, à côté de la main-d’œuvre, qu’un facteur secondaire, le problème de l’argent, c’est d’abord, dans les districts miniers, question d’hommes.
LE POTOSI
82Le second handicap qui aura paralysé l’expansion de la zone du Cuzco, c’est l’insoutenable concurrence du fabuleux Cerro du Potosí, la plus prodigieuse montagne d’argent depuis le Laurion. Malgré la distance, il était fatal qu’il drainât toutes les activités, qu’il attirât une masse énorme de main-d’œuvre indienne. Le Cuzco aura été condamné, à long terme, pour s’être trouvé dans l’axe des appétits dévorants de ces montres insatiables qui ont nom Huancavelica et le Potosí.
83L’histoire du Potosí, l’unité dominante du secteur minier dominant d’une Amérique dominante est, paradoxalement, encore à écrire. Lewis Hanke128 a souligné cette situation étrange et, notamment, le contraste qui existe entre le vide bibliographique, aujourd’hui en partie comblé, grâce à Lewis Hanke, et la fabuleuse richesse documentaire laissée un peu partout par les administrations paperassières de la plus grande cité du Nouveau Monde. Mais le Potosí aura, vraisemblablement, bientôt trouvé un historiographe digne de lui, si Lewis Hanke tient les promesses — il les tiendra certainement — de sa lumineuse étude129.
1. La mine
84L’argent du Potosí fut découvert par hasard, en 1545. Il n’est pas excessif d’affirmer que cette découverte marque à son échelle un tournant dans l’histoire du Monde. Elle porte ses effets, rapidement. Elle est, en partie, responsable de la mutation quantitative des importations d’argent130 qui se produit cinq ans plus tard. Elle est, en faible partie, responsable, plus tôt encore, de la formidable flambée cyclique131 qui marque, à son terme, avant le premier renversement de la tendance majeure, les dernières années de la première phase longue d’expansion des trafics. Il existe dans toute l’histoire des métaux précieux d’Amérique peu de mutations quantitatives comparables à celle qui marque la découverte du Potosí132.
85Beaucoup plus sûrement que Huancavelica, Potosí est l’œuvre de la technique espagnole. La découverte due, sans doute, au hasard, comme tous les hasards, plus ou moins mérité, n’exploite pas un sentier tracé par les précolombiens. La légende de Huayna Capac rapportée par un auteur tardif du xviiie siècle ne convainc pas133. La transposition est évidente. Le Cerro est, tout entier, œuvre européenne.
86On sait les particularités de cette mine fabuleuse. Elle est située à plus de quatre mille mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui en rend l’exploitation à la fois terrible et possible. L’ennoyage a été le principal ennemi de l’ancienne industrie minière. Tous les textes sont pleins de cette crainte, depuis Velasco jusqu’au Père Cobo. On comprend que les exploitations les plus vigoureuses se soient situées à l’abri de l’ennoyage, dans le Mexique subdésertique ou sur une montagne inaccessible, en raison de l’altitude et de la faiblesse concomitante des précipitations, et des facilités du drainage. Cette protection plus ou moins inconsciente contre l’ennoyage est acquise au prix de terribles souffrances. Manque d’oxygène, d’autant plus pernicieux que l’effort exigé est plus considérable. Certains puits débouchaient à près de cinq mille mètres. Même les indiens des plateaux sont contraints de vivre au-delà de l’optimum d’altitude auquel leur organisme s’est adapté. Plus encore, peut-être que le manque d’oxygène qui rend dangereux l’effort et en limite l’efficacité, le froid et le manque de nourriture constituent deux corollaires indissociables de cette situation au sommet des Andes. Une des causes les plus unanimement dénoncées de la forte mortalité, c’est le contraste de température entre l’intérieur de la mine et l’atmosphère ambiante. Au sommet du long escalier aux marches usées que gravissent péniblement les mineurs, hommes et femmes, lourdement chargés de minerais, dans un air rare en oxygène, riche en gaz carbonique, chaud et humide, les corps ruisselants de sueur se trouvent en contact avec des températures souvent inférieures au zéro. Manque de nourriture aussi, qu’entraîne l’extraordinaire concentration humaine sur ces plateaux désolés, trop froids pour assurer aux cultures vivrières un rendement suffisant.
2. La vie
87Mais la dureté du paysage et des conditions faites à l’homme par une nature avare rend plus éclatante encore la victoire de l’argent, la paradoxale victoire humaine de l’argent. Trente-cinq ans après la découverte du Cerro, le premier recensement absolument sûr, effectué en 1580, sous l’autorité vigilante du grand Vice-Roi, Francisco de Toledo, donne à la cité impériale l’impressionnante population de 120 000 âmes, au moment où la technique révolutionnaire de l’amalgame commence, à peine, à se répandre. Plus paradoxalement peut-être encore, l’évaluation134, un peu moins sûre, certes, et pourtant, admise communément, de 160 000 âmes en 1650. Villa Imperial de Potosí est non seulement, de beaucoup, la plus grande cité du Nouveau-Monde au milieu du xviie siècle, mais une des plus grandes de la chrétienté largement entendue dans ses nouvelles limites. Sa population atteint à la moitié de ce que l’on peut attribuer à Paris ou à Londres. Plus paradoxalement encore, Potosí surclasse Séville. Elle est la plus grande cité de l’empire espagnol. Mais cette situation du Potosí est logique, au vrai, à la tête d’une construction politique tout entière bâtie autour du métal blanc. Cette Potosí monstrueuse apparaît, aux yeux des moralistes, non sans raison, comme la Babylone perdue du Nouveau-Monde, sentine de tous les vices135.
88Plus simplement, nous voyons comment la mine permet la prolifération d’activités tertiaires, inséparables des énormes richesses créées. Avant d’être capté par la route traditionnelle — celle qui déborde sur le Pacifique à Arica, gagne Lima par cabotage, l’isthme de Panama, par une navigation hauturière, le système des flottes, Séville et l’Europe, on sait comment — avant d’être capté dans une proportion plus faible, qui reste à fixer, par le versant continental et dérouté sur Buenos Aires et la fraude brésilienne, l’argent du Potosí anime sur place quelques-unes de ces activités qui distraient, incomplètement, les demi-puissants de la mine, de l’ennui d’être au Potosí.
89Au début du xviie siècle, on dénombre, par exemple, de source sûre136 700 à 800 tripots et 120 prostituées137. Au sommet de cette hiérarchie particulière, une certaine Dona Clara était assez riche pour vivre entourée des produits les plus précieux de l’industrie européenne et extrême-orientale. Mais une partie infime, seulement, des possibilités de luxe créées par la mine s’assouvissent au Potosí même. Tout laisse à penser, en effet, que les entrepreneurs de la mine, contraints de vivre au Potosí, ne sont pas les vrais bénéficiaires de la folle entreprise. Elle enrichit, plus sûrement, les capitaines d’un grand négoce naissant, les « peruleros » redoutés à Séville et les « encomenderos » usufruitiers des masses indiennes travaillant au profit de ceux qui les tiennent en commende. Or, la meilleure part, la plus riche, des « encomenderos » vit à Lima. C’est là que se trouvent les véritables bénéficiaires de la mine. On peut admettre — en attendant qu’une démonstration en soit possible — que Lima, absorbe, en luxe et en prestige plus de richesses créées au Potosí que le Potosí lui-même, dans ses fastes, n’est capable d’en gaspiller. Le Potosí, dans son paysage ravagé et dans son atmosphère avare d’oxygène ne peut, malgré les apparences, offrir qu’un luxe de pauvres ou, si l’on préfère, un luxe d’attente.
3. Indices d’activité
90La prospérité du Potosí se maintient à travers le xviie siècle tout entier. Si les 120 000 habitants de 1580 témoignent en faveur d’une rapide naissance de l’industrie minière, les 160 000 habitants de 1650 sont plus surprenants encore. On pourrait s’attendre, en effet, au simple vu des importations de métaux précieux à Séville et de la courbe du trafic dans l’Atlantique, à une récession spectaculaire des activités motrices de la mine. En fait, il n’en est rien, pas plus au Pérou que dans le Nord du Mexique minier.
91On possède de cette longue stabilité une preuve presque indiscutable : le montant des versements des caisses minières excédentaires sur Lima138.
92Premier maximum entre 1585 et 1590 (613 962 900 maravedís représentant la moyenne annuelle des versements au cours de ces cinq années). Maximum absolu entre 1605 et 1615 (moyennes annuelles de 744 346 880 maravedís de 1606 à 1610 et 754 497 250 maravedís de 1611 à 1615) mais maintien audelà d’un palier très élevé (moyennes annuelles de 703 635 060, 753 783 204, 660 890 520 maravedís de 1631 à 1635, 1636 à 1640, 1641 à 1645). La rupture ne se produit pas avant 1646-1650 (la moyenne, 454 139 444 maravedís est la plus faible depuis la moyenne annuelle, 318 729 760 maravedís de 1576 à 1580). Certes, et on aura l’occasion de revenir sur cette réserve, les finances publiques ne sont pas, à elles seules, un bon test de l’économique, il n’en reste pas moins que les virements des caisses excédentaires (pour 80 à 90 %, il s’agit du Potosí) constituent, faute de mieux, un bon indice d’activité. L’activité du Potosí se maintient pendant, à peu de chose près, toute la première moitié du xviie siècle. L’indication des virements des caisses excédentaires est confirmée par le mouvement du mercure139. Elle est confirmée, aussi, pour une période très limitée, par un texte de Lizarraga140 qui affirme vigoureusement une croissance de l’activité attestée par le diezmo entre la fin du xvie et le début du xviie siècle. Cette confirmation est précieuse, puisqu’elle va dans le sens des chiffres de cet indice d’activité que sont les versements des caisses excédentaires sur la caisse centrale de Lima et qu’elle montre bien qu’il existe une corrélation entre l’activité générale du district du Potosí et le volume global des virements sur la caisse de Lima141.
93Mieux la série des versements des caisses excédentaires montre l’existence, entre 1571-1575 et 1581-1585, d’une mutation quantitative fondamentale, soit une croissance de 270 % entre 1571-1575, et 1576-1580 (moyenne annuelle de 120 millions à 318 729 760 maravedís) et de 450 % entre 1571-1575 et 1581-1585 (moyenne annuelle de 120 millions à 520 431 650 maravedís). La série des versements excédentaires montre donc à quelle époque, en gros, autour de 1580, le Potosí s’installe sur le niveau supérieur qu’il ne quittera plus jusqu’au milieu, au moins, du xviie siècle, elle montre, en outre, par la même occasion, que c’est bien autour de 1580 qu’il faut placer l’installation dans les faits de la mutation quantitative imputable à la généralisation des techniques de l’amalgame142. Entre 1580 et 1650, le Potosí s’installe sur un niveau d’activité très élevé (4), beaucoup plus même que ne le laisserait à penser les exportations d’argent du Pérou en direction de Séville, dans la mesure où une fraction de plus en plus importante de l’argent — au Pérou comme en Nouvelle Espagne, — est absorbée par le Vice-Royaume, pour les besoins de son économie, peut-être, pour les besoins de sa politique, sans doute, pour les besoins de sa défense, sûrement.
IV. — LIMA CAPITALE
94Lima joue, de plus en plus, à la tête du noyau fédérateur du Vice-Royaume, le rôle de capitale. Pour l’étude de ce dernier aspect, le plus important, de la grande cité, on possède une source excellente, les comptes143 de la caisse royale centrale de Lima. Les tableaux qu’on en a tirés (Annexe, p. 1137-1169) ne font qu’effleurer une fraction infime de leurs possibilités. En attendant qu’une étude systématique soit conduite sur ce terrain, nous nous bornerons à ces quelques sondages provisoires. Puissent-t-ils justifier l’effort que nous entendons poursuivre.
LA CAISSE DE LIMA
95Lima apparaît—beaucoup plus que Mexico144 encore— comme le gigantesque cerveau qui commande de très importants mouvements de fonds, entre l’Europe et les districts miniers.
96Elle est, au centre d’un très vaste réseau de communications et d’ordres, d’une extrême ampleur et d’une grande fragilité. Deux liaisons essentielles et d’égale importance, la liaison avec l’Espagne du Monopole, on a vu comment, la liaison avec les plateaux miniers. Cette dernière, fragile, longue et coûteuse, s’effectue par mer jusqu’à Arequipa, ou de plus en plus, au fur et à mesure que l’on descend dans le temps jusqu’à Arica, puis de là, par la voie terrestre, au prix de quels efforts.
1. Entrées
97L’essentiel des revenus dont dispose le Vice-Roi pour assurer la cohésion de ce corps gigantesque, le Vice-Royaume du Pérou, procède des caisses minières des plateaux, soit pour 85 à 90 % du Potosí. De 1576-1580 à 1640, les excédents des caisses minières ont dans la proportion de 60 à 80 %, couvert les frais de l’entreprise. De 1576-1580 à 1640, c’est-à-dire, toute la période après la découverte du Potosí et l’application à ses minerais des techniques de l’amalgame. Quelques pourcentages le montrent clairement145. Les excédents des caisses minières versés à Lima représentent 56,02 % de l’ensemble des entrées dans la caisse royale de Lima de 1568 à 1570, par exemple, 57,09 % et 53,9 % de 1641 à 1645 et de 1646 à 1650. Pendant toute la période royale de l’argent, de 1576 à 1640, à quelques courtes exceptions près, les excédents des caisses minières couvrent la totalité des versements à l’Espagne (assument, si on préfère, la participation du Pérou à l’empire), tout en payant la plus lourde part des frais de l’administration du Vice-Royaume, les versements des caisses excédentaires représentent, en effet, 74,45 % et 83,79 % de l’ensemble des frais couverts par la caisse centrale de l’administration financière de Lima au cours des demi-décades 1576-1580 et 1581-1585. Cette première décennie correspond, en effet, à la prodigieuse mutation quantitative apportée par la généralisation de l’adaptation aux minerais d’argent du Potosí, des techniques de l’amalgame. On en trouve, par ailleurs, de nombreux effets146. Les versements des caisses excédentaires fléchissent un peu, ensuite, en valeurs relatives, mais non pas en valeurs absolues, 63,86 % de 1586 à 1590, 59,78 % de 1591 à 1595, 65,43 % de 1596 à 1600, 65,92 % de 1601 à 1605. Ce fléchissement — en valeur relative surtout — est imputable à une poussée de prospérité engendrée, après coup, dans l’espace du Pérou marginal, par la mutation de l’activité minière. Au-delà, il y a, à nouveau, reprise en valeurs absolues et relatives, 69,16 % de 1606 à 1610, 72,24 % de 1611 à 1615, 64,59 % de 1616 à 1620, 64,64 % de 1621 à 1625, 65,97 % de 1626 à 1630, 69,35 % et 70,32 % de 1631 à 1635 et de 1636 à 1640.
2. Sorties
98On constatera également, malgré beaucoup d’hésitations et d’apparents repentirs, que la fraction des excédents des caisses minières fixés au Pérou par la gestion de Lima, s’accroît lentement, certes, mais sûrement. Des versements sur l’Espagne qui constituent une perte sèche se dégage une même impression. Malgré une série incomplète et parfois hésitante, on constatera, que de 1621-1625 à 1650, la contribution des finances publiques péruviennes à Madrid décroît lentement. On voit, par contre, aller se multipliant et s’alourdissant les contributions de Lima à l’intérieur du Vice-Royaume, en direction du Chili, de Huancavelica (les districts traditionnellement déficitaires) pour lu défense côtière et les constructions navales.
99Le poste de défense de Huancavelica est étroitement lié aux besoins en mercure. C’est évidemment le mercure que Lima paye. Puisque la fourniture de mercure est une régie royale. Entre deux entreprises privées, la production du mercure et celle de l’argent, l’État jette un pont, la régie de la vente de l’azogue. Moins pour le bénéfice qu’il en tire, que pour le contrôle qu’il exerce ainsi, sur la production vitale de l’argent. La fourniture du vif-argent l’assure de mieux percevoir le quinto sur les entreprises les plus modernes, du moins, celles qui utilisent l’amalgame. Les mécanismes de Lima capitale, centre fédérateur du Vice-Royaume, sont mis clairement à jour par les mouvements de fonds entre les caisses de Potosí et Huancavelica, d’une part, la caisse centrale de Lima, d’autre part. La liaison indispensable Huancavelica-Potosí, aussi importante pour l’économie du Vice-Royaume, ne se fait pas directement, ni physiquement, ni financièrement. Le crochet par le morceau de navigation Callao-Arica allonge de mille kilomètres presque la route théorique, elle n’en constitue pas moins un gain. Financièrement, l’arbitrage se fait par Lima. 15 à 20 % du surplus d’exercice des caisses des districts miniers sont immédiatement reversés à la caisse de Huancavelica. Le virement de Lima sur Huancavelica représente, en moyenne, près de 10 % du total des entrées (112 886 320 maravedís, de moyenne annuelle, de 1616 à 1620, soit 12,83 % du total des entrées, 5,70 % de 1626 à 1630, 9,38 % et 9,37 % de 1641 à 1645 et de 1646 à 1650). Pour obtenir le gain vrai représenté par le versement à Lima des excédents des caisses minières, il faudrait donc en retrancher les payements à Huancavelica, ce qui laisse subsister une belle marge, 55 % environ, à la belle époque, du total des entrées.
100Plus important, encore, que les versements à Huancavelica, le coût de la défense du Pacifique ou, si on préfère, la protection des communications impériales entre Lima et l’isthme. En moyenne, un peu plus de 150 millions de maravedís, par an, soit par rapport à l’ensemble des entrées, 16,8 % de 1616 à 1620, 15,28 % de 1641 à 1645, 18,45 % de 1646 à 1650. A cette rubrique, il conviendrait d’ajouter les 30 millions en moyenne, que coûtent, chaque année, les constructions navales dans les chantiers de Guayaquil (moyennes annuelles, 25 879 944 maravedís de 1616 à 1620, soit 2,94 % du « cargo », 36 221 496 maravedís de 1641 à 1645 soit 3,13 % des entrées). Le coût de la défense impériale s’élève donc à près de 20 % du total des entrées, soit beaucoup plus du tiers du bénéfice net de l’exercice des caisses des districts miniers (entendez le versement des plateaux miniers, moins le reversement de Lima sur Huancavelica). On peut considérer que ces sommes bénéficient d’une manière ou d’une autre à l’économie vice-royale. La seule véritable perte sèche étant celle constituée par les versements de la caisse de Lima sur l’Espagne.
101Certaines de ces sommes, celles, accessoirement, des versements à Huancavelica, celles surtout qui vont aux chantiers navals de Guayaquil contribuent à la cohésion de l’espace vice-royal du Pérou très largement entendu. Le Pérou, en effet, n’est-ce pas, entre autres, autour de Lima qui les unit, l’ensemble des points entre lesquels des mouvements de fonds s’opèrent ? Tout ce que Lima envoie sur la côte, à Guayaquil, à Huancavelica, au Chili, elle l’a reçu, antérieurement, de la zone des hautes terres du Potosí. C’est la raison pour laquelle de l’activité du Potosí dépend, finalement, la puissance fédératrice de Lima. Quand le Potosí périclitera, l’immense Vice-Royaume se dissociera, les forces centrifuges tendront, alors, à l’emporter. Au terme de ce processus, il y a le double démantèlement, celui marginal du début du xviiie siècle, par la création décidée en 1717, effective en 1718 du Vice-Royaume de Terre Ferme — elle ne détache de Lima que des terres qui, en réalité, vivaient déjà à l’écart — celui, beaucoup plus important, de la création, en 1776, du Vice-Royaume de la Plata. Le triomphe officiel de Buenos Aires sur Lima procède, bien sûr, au premier chef, des modifications techniques de la navigation, d’une occupation du sol plus poussée, mais, plus sûrement, peut-être encore de la décadence du Potosí dans la seconde moitié du xviie siècle et au xviiie siècle. En effet, comme le montre cet examen trop sommaire du mouvement des fonds à l’intérieur du Vice-Royaume, ce sont les excédents de la caisse du Potosí, qui permettent de Lima, la construction de ce puissant réseau d’interdépendances qui a nom Vice-Royaume du Pérou.
102Quel que soit, en effet, le gain qu’a pu représenter pour le Vice-Royaume, la fixation d’une fraction plus importante de métal monétaire, aucune activité économique relais n’est susceptible de prendre la relève des plateaux miniers au-delà de leur décadence. On peut le vérifier, en quelque sorte, par un simple coup d’œil sur les almojarifazgos et l’alcabala147. Ces séries, extraordinairement précieuses148, sont, toutefois, d’une utilisation difficile, elles ne permettent pas, du moins, une utilisation rapide et superficielle. Mais, faute d’entrer dans le détail d’une étude plus poussée qui est ici exclue, on peut toujours utiliser des chiffres globaux, indépendamment de l’assiette, du taux de l’ad valorem, sûr qu’il existe entre le volume des sommes demandées et le volume des transactions frappées par l’impôt, un rapport très ferme.
3. Conclusions
103Un simple coup d’œil sur des chiffres globaux et on voit jaillir quelques conclusions. Si on admet que l’almojarifazgo donne une prise même grossière sur les valeurs des transactions maritimes du port de Callao et que l’alcabala fournit une indication beaucoup plus lointaine, encore, sur le volume des transactions terrestres de Lima, on sera frappé, d’abord, de la médiocrité de l’ensemble, en tant que source de revenus pour l’État vice-royal.
104Almojarifazgo et alcabala ne forment pas, mis bout à bout, plus de 4 % en moyenne des entrées dans la caisse centrale de Lima, en aucun cas, plus de 5 % du total149. Quelle que soit l’importance des trafics que ces impôts frappent — tout est finalement question de jurisprudence — leur montant ne constitue qu’un appoint tout à fait secondaire pour les finances publiques du Vice-Royaume qui dépendent entièrement des excédents des caisses des hauts plateaux.
105Mais ces impôts n’en portent pas moins de précieuses indications sur le commerce du Pérou. Dans l’ensemble, l’alcabala s’accroît d’une manière beaucoup plus importante et plus régulière que l’almojarifazgo. Cette distorsion peut être simple question d’assiette, imputable à des modalités de mise en recouvrement qui nous échappent. Nous n’en sommes encore qu’aux premiers sondages et aux hypothèses de travail provisoires. Toutefois et jusqu’à plus ample informé, on peut penser que le comportement différentiel de l’almojarifazgo et de l’alcabala tend à laisser penser qu’il y a au Pérou, entre le xvie et le xviie siècle, déplacement des routes vers la terre, tendance à une certaine remontée du commerce terrestre par rapport au commerce maritime. Plus grande fixation d’argent par l’économie coloniale du Pérou, plus grande activité des routes terrestres, ces conclusions concordantes se dégagent d’une étude extrêmement cursive des comptes de la Caisse Royale de Lima. Elles tendent à bien montrer que le passage du xvie au xviiie siècle, de la phase A à la phase B150 c’est, d’abord, en Amérique, repliement sur soi, meilleure utilisation de ses forces, moindre dépendance à l’égard de l’Europe. Plus que le xixe siècle libéral et superficiel, le xviie siècle aura, peut-être, été pour l’Amérique espagnole le siècle de la véritable indépendance.
4. La contre-épreuve de l’« almojarifazgo »
106Une contre-épreuve supplémentaire est fournie par la ventilation de l’almojarifazgo151. La masse globale de l’almojarifazgo s’accroît, d’abord, d’une manière extrêmement rapide de 1568 à 1575 (moyenne annuelle de 1568-1570, 9 127 267 maravedís, moyenne de 1571 à 1575, 8 784 520 maravedís) à 1581-1585 (24 194 860 maravedís de moyenne annuelle). On aura noté, une fois de plus, que cette mutation fondamentale correspond à la mutation fondamentale de la production de l’argent du Potosí, par la généralisation des techniques de l’amalgame que nous situons, quant à nous, autour de 1580.
107La masse globale de l’almojarifazgo culmine, deux fois, entre 1591 et 1595 (moyenne annuelle de 28 515 040 maravedís), une seconde fois entre 1626 et 1630 (moyenne annuelle 29 352 100 maravedís). Compte non tenu de la dévaluation de l’argent, l’apogée se situe entre 1616 et 1630 (moyennes annuelles 1616-1620, 26 381 200 maravedís, 23 555 300 maravedís, de 1621 à 1625, 29 352 100 maravedís de 1626 à 1630). Le trafic saisi par l’almojarifazgo de 1616 à 1630 est, à tout prendre, comparable à celui des années 1581-1595152. Or, première constatation, le trafic — même maritime — du Pérou résiste mieux qu’on ne serait susceptible de l’imaginer, a priori. Le renversement de la tendance majeure des trafics se situe plus tard, après 1630, que dans l’Atlantique153. Pas de débandade avant 1640. On trouvera dans cette évidence un argument supplémentaire en faveur de la thèse que nous avons énoncée déjà, d’une plus grande fixation de richesses au Pérou, comme dans toute l’Amérique continentale, quand vient le xviie siècle décrié154.
108Mais l’almojarifazgo fournit d’autres leçons. On constate, en effet, au fur et à mesure que l’on descend dans le temps, un recul de l’almojarifazgo qui frappe la plus-value des marchandises d’Espagne importées par Panama et une croissance relative des impôts qui sont perçus sur le trafic d’Inde en Inde155.
109La chute de l’almojarifazgo, au-delà de 1630 et plus sûrement de 1640, est presque unilatéralement imputable au recul du commerce avec l’Espagne, entendez, aux communications à très long rayon géographique. Le maintien des almojarifazgos sur le trafic d’Inde en Inde, la croissance de l’alcabala s’ajoutent à toutes les raisons que nous avons de croire, dans le Pérou du xviie siècle, à l’organisation d’une prospérité repliée sur elle-même. Le plafonnement de la production de l’argent au Potosí n’affecte pas, tout de suite, loin de là, la position de Lima en tant que capitale d’un Pérou dont elle est, avec les mines qu’elle commande, le véritable centre fédérateur.
LIMA, CENTRE CULTUREL
110Rien de surprenant dans ces conditions, que Lima fasse preuve d’une santé exceptionnelle. Le Père Cobo156 montre que sa population continue de croître tout au long du premier tiers du xviie siècle. Elle est, loin de l’Europe, capitale non négligeable d’une vie intellectuelle coupée, certes, de ses sources, qualitativement diminuée mais centre de rayonnement relais représentant l’Europe ou une caricature de l’Europe, dans la partie la plus excentrique du Nouveau-Monde. Lima en temps de navigation est, on s’en souvient, trois fois plus éloignée que l’isthme, cinq fois plus loin que la Havane. Satellite lointain de l’Europe, elle est la plus grosse consommatrice et créatrice de biens culturels dans ce continent perdu.
111Elle est grosse consommatrice de livres, à l’échelle de son siècle et du handicap des distances. Le plus souvent, d’une littérature et d’une science dévaluées, — c’est ce que montre bien la belle étude d’Irving A. Leonard157 — mais consommatrice aussi, quand on lui en offre la possibilité, de la plus grande littérature. Il suffit, pour s’en convaincre, de suivre, derrière Leonard, aujourd’hui, Rodríguez Marin158, hier, le splendide destin du Quijote à Lima et par Lima, dans la mince pellicule hispanisée de l’empire des Incas. Si Lima aspire tant de mauvaise littérature et de sous-produits marginaux de la culture européenne, peut-être est-ce autant la carence de l’offre qu’une défaillance de la demande qu’il faut accuser.
112Lima est dotée, depuis Philippe II, d’une université, la seconde en date des Indes. Elle peut s’enorgueillir depuis 1570 (la décision date de 1569) d’un tribunal actif de l’Inquisition. L’Inquisition aux Indes est toujours un luxe qui traduit, à sa manière, quand elle s’implante, une promotion intellectuelle159. Précieuse Inquisition de Lima, elle nous vaut de pénétrer plus profondément qu’on n’osait, a priori, l’espérer dans les profondeurs psychologiques du social collectif de la colonie. La liste des procès que le Fondo Histórico y Bibliográfico J. T. Medina vient de publier, à nouveau, précédée d’une lumineuse étude de Marcel Bataillon nous renseigne, de première main, sur la vie profonde de Lima. Médiocrité intellectuelle, on voit de-ci de-là les Inquisiteurs embarrassés par leurs prévenus s’enquérir à Madrid de problèmes qu’un bon catéchisme, à peu de choses près, leur eût permis de trancher ; médiocrité morale, quand l’accusation de solicitante160, anodine au Pérou, monstrueuse en Europe, est monnaie courante et qu’elle n’attire, aux prêtres qui en sont reconnus coupables, ni véritables ennuis, ni dommage de carrière. La vulgarisation des richesses intellectuelles, morales et spirituelles de l’Occident chrétien, tel est le vrai combat de Lima. Elle le mène avec ardeur et efficacité. Mais elle ne le fait pas, la distance est trop grande, dans l’espace, certes, visible mais plus encore dans le temps profond des civilisations, sans payer ses superficielles et spectaculaires victoires, d’une chute de qualité. Il en va toujours de même, au début des marches frontières. Rudesse, superficialité, simplification, mais dynamisme dévorant. Pour tapageurs qu’ils soient, les prestiges vulgaires dont se pare la Lima coloniale ne cachent pas tout à fait son terne plumage, quand l’heure américaine sonne, pour elle, l’heure de l’Europe lointaine, de l’économie des relations excessives et de l’organisation en profondeur des espaces régionaux.
113C’est au xviie siècle, aussi, qu’une vie intellectuelle, spécifiquement hispano-péruvienne, commence à s’organiser vraiment. Lima a sa littérature, son théâtre161, ses fastes vieillots, lourds et robustes. La société créole fait ses premiers pas.
114Elle est alors, vraiment, plus que la capitale, la Métropole, au sens plein, pourvoyeuse de secours matériels et de biens intellectuels, à la pauvre dimension de ses dons, pour les finistères du Chili et les rebords inaccessibles des piedmonts andins.
Annexe
ANNEXE. LES COMPTES DU PÉROU COLONIAL D’APRÈS LA COMPTABILITÉ D’ÉTAT DE L’AUDIENCE DE LIMA
Ces tableaux incomplets sont tirés des comptes des agents financiers de l’Audiencia de Lima, entendez de la comptabilité publique du Vice-Royaume du Pérou, dont les restes, pour la période 1568-1660, sont contenus dans les legajos, Contaduría 1685 à Contaduria 1737 des Archives des Indes. La comptabilité publique du Pérou est centralisée à Lima, comme celle de la Nouvelle Espagne l’est à Mexico. Chaque caisse d’audience, après avoir fait face à ses dépenses, ou bien verse son excédent à Lima, ou reçoit d’elle un situado (aide). Lima agit de même à l’égard de l’Espagne.
Empressons-nous de préciser que l’échantillonnage empirique, que nous présentons pour étayer une démonstration, se tient en dessous des possibilités de la série. Ces comptes sont d’une richesse infinie (et nous entendons bien les utiliser, un jour, pour une connaissance approfondie de l’économie péruvienne), les données retenues, ici, ne représentent qu’une partie infime de ce qu’on pouvait en tirer. Mais ces comptes sont d’une utilisation difficile, en raison de la confusion et de l’archaïsme des techniques en usage. Ces techniques sont très en retard par rapport à celles qui président, dans le même temps, au travail comptable de l’Audience de Mexico. On retiendra, notamment, la multiplicité des monnaies réelles, non converties, concurremment employées dans cette comptabilité. D’où un énorme travail de conversion particulièrement difficile et chanceux. Cette gaucherie traduit à la fois le retard technique de Lima par rapport à Mexico (retard technique grave quand il affecte une technique intellectuelle de premier plan, la comptabilité) et un esprit moins synthétique (ce qui revient un peu au même).
En attendant l’étude détaillée que nous nous proposons d’entreprendre, sitôt ce travail achevé, sur l’ensemble de la comptabilité publique hispano-américaine, nous nous bornons à donner une carcasse susceptible d’éclairer ce chapitre très provisoire.
A – TABLEAU GÉNÉRAL ANNUEL (1568-1600-1601-1625-1626-1650)
Les premiers tableaux (1, 2, 3, p. 1140-1145) donnent en « maravedís »162 les articulations les plus importantes à nos yeux et pour notre propos de la comptabilité de l’Audiencia pour la période 1568-1650163.
Nous avons retenu le mouvement global des entrées. Inutile de souligner l’importance de ce chiffre, il donne l’ordre de grandeur de l’État vice-royal.
L’almojarifazgo : le produit des divers almojarifazgos perçus dans l’ensemble, Lima, le Callao, donne l’ordre de grandeur des échanges maritimes de la capitale du Vice-Royaume.
Les versements des caisses excédentaires, entendez les caisses des plateaux miniers. On notera qu’ils forment le meilleur de ce qui entre dans la caisse « limeña ».
Le total des dépenses relevé de temps en temps diffère du total des entrées, en raison de la constitution d’un « trésor » qui couvre les à-coups de la gestion financière locale et permet de faire face au danger quand il se présente.
Les versements à l’Espagne, qui ne sont guère qu’un reversement après prélèvements pour les besoins de l’administration, de ce qui vient des caisses minières.
Une dernière colonne contient la cote du legajo.
B – VENTILATION DES PRINCIPAUX POSTES DES REVENUS ET DÉPENSES
Les tableaux 4a, 46, 5a, 56, 6a, 66, 7a, 76, 8a, 86 (p. 1146-1149, p. 1150-1153, p. 1154-1157, p. 1158-1161, p. 1162-1163) fournissent quelques précisions complémentaires.
Tout d’abord, l’almojarifazgo global est repris avec mention de son pourcentage dans l’ensemble des entrées.
De cet almojarifazgo, on s’est efforcé de respecter les grandes articulations. Ce n’est pas facile, car il ne trouve pas son assiette avant le xviie siècle. En gros, on remarquera que les sommes perçues sur la simple plus-value des marchandises d’Espagne l’emportent sur le produit du cabotage.
Deux indices d’activité parallèles : l’alcabala qui frappe les échanges par terre et l’avería levée sur le trafic maritime pour financer la défense maritime des côtes du Pérou. Outre le produit de l’impôt, on a calculé le pourcentage de son apport à l’ensemble des entrées.
Sur les tableaux « b », on reprend le versement des caisses minières à Lima et le pourcentage du versement par rapport à l’ensemble des entrées.
Dans une deuxième colonne, les versements de Lima à l’Espagne et le pourcentage par rapport aux entrées. Enfin, le pourcentage des versements des caisses excédentaires par rapport aux versements de Lima à l’Espagne. Ce pourcentage est presque toujours supérieur à 100 %, il va croissant avec le temps. Il montre que Lima fixe de plus en plus la substance du Pérou minier, se substituant ainsi à l’Espagne dans son rôle de métropole.
Les dernières colonnes contiennent les sommes versées pour la défense de Lima, pour le secours au Chili, et pour Huancavelica (en gros, il s’agit de financer la production de mercure), avec le pourcentage de ces postes par rapport au total des entrées.
C – TABLEAU GÉNÉRAL SEMI-DÉCADAIRE [(1568-1650)
Le tableau 9 (p. 1164-1165) reprend le contenu des tableaux 1, 2, 3, dans un découpage semi-décadaire.
D – VENTILATION SEMI-DÉCADAIRE DEL PRINCIPAUX POSTES DES REVENUS ET DÉPENSES
Les tableaux 10a, 10b (p. 1166-1169) reprennent le contenu des tableaux 4a, 4b, 5a, 5b, 6a, b, 8a, 8b, dans un découpage semi-décadaire.
A. - TABLEAU GÉNÉRAL ANNUEL (1568-1650)
B. _ VENTILATION DES PRINCIPAUX POSTES DES REVENUS ET DÉPENSES (1568-1650)
VENTILATION SEMI-DÉCADAIRE DES PRINCIPAUX P0STES DES REVENUS ET DÉPENSES
Notes de bas de page
1 Roberto Levillier, Los Incas (Séville, in-8°, E.E.H.A., 1956, 259 pages, cartes hors texte), p. 3.
2 Velasco, op. cit., p. 441-442.
3 Cf. ci-dessus Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007.
4 Cf. ci-dessus, p. 953.
5 Cf. ci-dessus Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007. Sur 82 navires retenus pour la deuxième moitié du xvie siècle, 61 navios, 21 barques — pour la première moitié du xviie siècle, sur 69 navires recensés, 45 navios, 14 frégates, 1 lancha, 9 barques.
6 Si on en juge par l’almojarifazgo.
7 Il ne faut pas trop se hâter à conclure de cette paradoxale surconcentration. Même si on utilise un seul miroir pour approcher la géographie commerciale de la côte Pacifique du continent sud-américain, ce miroir, il faut en tenir compte, est un miroir déformant. L’Équateur est plus proche de Panama que ne l’est la côte Nord du Pérou. Pour l’Équateur, on peut parler de cabotage, pour la côte Nord du Pérou, les positions sont déjà différentes. Or, il n’est pas douteux que la proximité contribue à renforcer la dispersion ; la distance, par contre, favorise la concentration.
8 A vingt lieues de l’île de Puna, d’après Reginald de Lizarraga. Op. cit., p. 190.
9 R. de Lizarraga, op. cit., p. 490 : « ... puerto... Tumbes que más justamente se ha de llamar playa y costa brava ; tiene esta playa un río grande y caudaloso de buena agua pero los navíos que antiguamente allí aportaban no entraban en el por la mucha mar... ». Le port a été condamné par la difficulté de son accès. La population indienne de pêcheurs, et accessoirement d’orpailleurs, est en pleine régression du fait de l’alcoolisme.
10 R. de Lizarraga, op. cit., p. 491 : « ... uno de los trabajosos de doblar... ».
11 Velasco (op. cit., p. 441) situe Piura à mi-chemin, par terre, environ, de Lima à Quito, à 140-150 lieues de Los Reyes, à 120 lieues de Quito, à 25 lieues de la mer.
12 Velasco, op. cit., p. 441 : « 100 casas de espanoles, 23 encomenderos, 6 000 indios tributarios... ».
13 Ibid., p. 442-443 : « Aunque hay algunas muestras de oro, son las minas tan pobres y la costa tanta que no se pueden beneficiar... ».
14 Ibid., p. 443 : « ... porque en este puerto bacen escala todos los navíos que van y vienen al Pirú desde Panama... es muy buen puerto y grande a manera de bahía donde pueden surgir y estar seguros mucho numero de navlos... », Velasco parie encore de « ... gran fondo... entradas y salidas muy limpias... ».
15 R. de Lizarraga, op. cit., p. 491 : « ... es escala de todos los navíos que bajan det puerto de la ciudad de Los Reyes a Panama y a Mexico y de los que suben de alla para estos reinos.... »
16 R. de Lizarraga écrit (op. cit., p. 491) à propos du port de Payta : « ... si tuviera agua y alguna tierra frutifera, se hubiera allí poblado un pueblo grande, empero por esta falta, y de leña, hay en el pocas cosas, el suelo es arena, traen en balsas grandes el agua de mas de diez leguas... San Miguel de Piura (la première que les Espagnols édifièrent en ce royaume)... era ciudad de razonablcs edificios, casas altas, y los vecinos ricos participaban de los indios de los llanos y de la sierra... ». Il pleut, bien qu’en faible quantité ; le ravitaillement est abondant, qu’il s’agisse de la production locale, des importations et du bétail, dit encore Lizarraga. Le climat est chaud à cause de l’éloignement de la mer. Il y a abondance de reptiles et les moustiques pullulent. Ils sont responsables des affections des yeux communes à toutes les valléesoasis du Pérou côtier, subdésertique « apenas vi en aquella ciudad hombre que no fuese tuerto... ».
17 Ct. 5173, lib. 16, f° 47-48, 19 avril 1622, C.C. au Consejo : « ... En carta del Consejo Real de las yndias de 8 de mayo de 1621... se nos dice que por parte de la villa de San Antonio del Corro y minas de oro de Maruma... tienen necesidad para la lavor de las minas y yngenios se les embien cada ano o por lo menos de dos a dos, doscientos quintales de fierro... ». La Casa précise que l’importation se fera par le port de Payta. Chaque quintal coûtera 110 reales dans le port de Payta, défalcation faite de 1’almojarifazgo de Séville dont l’exonération est demandée. Pour l’acheminement de ce fer — qui pose, cela va sans dire, de gros problèmes techniques — la Casa conseille au Roi de préférer la ferme à la régie.
18 R. de Lizarraga, op. cit., p. 493. A en croire ce témoin attentif, les basses vallées entre Payta et Truxillo, au début des années 60 du xvie siècle, à une époque où l’auteur traversait la région, pour se rendre par la route de terre à Lima, était peuplée par des populations indiennes, très nombreuses, actives, vivant de la pêche et de l’élevage.
19 R. de Lizarraga, op. cit., p. 493 : « ... Todos estos indios se han acabado, por lo cual ya no se camina por la costa, que era camino mas fresco y no menos abundante que el otro... ». Ce recul de la population indienne, Lizarraga qui ne voit, plus ou moins consciemment, qu’un aspect de la question, l’attribue au progrès de l’alcoolisme.
20 C’est le cas, notamment, de Zaña, oasis de peuplement espagnol et de développement récent (op. cit., p. 493) : « ... a donde de pocos anos a esta parte se ha poblado un pueblo de espanoles de no poca contratación, por los ingenios de azucar y corambre de cordobanes y por las muchas harinas que del se sacan para el reino de Tierra Firme... ». Le port, par contre, est défectueux.
21 Velasco (op. cit., p. 423) évaluait les distances à 60 lieues de Piura et 80 de Lima.
22 Velasco, op. cit., p. 423.
23 Ibid., Velasco note qu’à l’origine, on avait tiré beaucoup d’or, dans cette région, des tombes indigènes.
24 R. de Lizarraga, op. cit., p. 495 : « Solia esta ciudad ser de buena contrataciôn respecto del mucho azucar y corambre que los vecinos tenían... ».
25 Cd. 1685 à Cd. 1738.
26 R. de Lizarraga, op. cit., p. 495 : « y por el ganado porcuno que della se llevaba a la ciudad de Los Reyes ya se va perdiendo... »....
27 Outre Truxillo, les « Valles » comprises entre Truxillo et Lima contribuent, au premier chef, à ce ravitaillement. C’est le cas de Santa, par exemple (R. de Lizarraga, op. cit., p. 496-497 : « ... abundante mucho de todo genero de mantenimientos, donde se comienza a hacer trapiches de azucar y muy bueno, muy cerca del puerto se ha poblado un pueblo de españoles, el cual si tuviera indios de servicio fuera en mucho crescimiento... » Mais Santa constitue une oasis heureuse. La plupart des vallées entre Santa et Lima sont ravagées, en effet, par la dépopulation due à l’insalubrité de ces terres marécageuses infestées de moustiques. Equilibre instable entre les besoins d’une terre riche mais dévoreuse d’hommes et les possibilités d’approvisionnement en main-d’oeuvre. R. de Lizarraga (op. cit., p. 497) écrit : « Desde este Valle (celle de Sancta) al de Chancay ponen 50 leguas, en las cuales a trechos pasamos por sus valles, todos abundantisimos, si los naturales no hubieran faltado, que los labraban para todos genero de mantenimiento con agua bastante de riego... » A côté de Santa, il faut faire un sort, à plus forte raison, encore, à la Parrilla que Velasco (op. cit., p. 469) place à 55 lieues au Nord de Lima et 15 lieues au Sud de Truxillo. Non que son économie vivrière et sucrière, ni les conditions de la vie dans une atmosphère d’oasis tropicale que la prolifération des moustiques rend intenable, la distingue sensiblement de Truxillo. Mais la Parrilla est le seul port du Nord-Pérou qui, en plus de Payta et Truxillo, ait les honneurs d’une mention spécifique dans le mouvement partiellement reconstitué de Panama. Part infime, soit 0,1 % du mouvement global reconstitué de 1569 à 1651 et 0,66 % de l’ensemble imputable au Nord-Pérou. L’activité de la Parrilla, au vrai, comme celle de Truxillo, est, pour le meilleur, avec les trente vecinos qu’elle fait vivre en 1570, orientée vers l’approvisionnement de Lima, dont elle dépend étroitement.
28 T. VI bis, tables 702 et 707, p. 1001-1005 et p. 1010-1011 ; t. VII, p. 142-143.
29 A toutes les difficultés qui pouvaient gêner l’acheminement de pondéreux même relatifs, il convient d’ajouter, la distance de Truxillo de la mer. Comme toutes les cités de3 Valles de la plaine côtière du Pérou, Truxillo se tient prudemment à distance de la mer. Mais alors que Lima a son Callao, Truxillo n’a sur la côte qu’une simple grève : « Dista esta ciudad del puerto (R. de Lizahraga, op. cit., p. 494-495) si asi se ha de llamar siendo Costa brava, dos leguas ». Il fut un temps où Truxillo entretenait sur la côte, des indiens chargés de prendre contact avec les navires du large.
30 Libros de Cabildo de Lima (Bertram T. Lee, éditeur, 16 volumes plus 2 volumes de tables in-4°, 30,5 X 22,5 cm de 400 à 800 ). T. I., Lima, 1935, XV, 400 p., 29 novembre 1534, p. 7.
31 Cabildo I, 29 novembre 1534. Les hommes qui fonderont Lima, quelques semaines plus tard, occupent encore « Cibdad Xauxa », un emplacement plus lointain, à deux cents kilomètres environ du rivage, 40 lieues, dans le Valle Jauja, dont Lizarraga dira (op. cit., p. 530) plus tard « ... uno de los mejores y mas pobladores deste Reino, es abundantisimo de trigo, maiz y otros mantenimientos de la tierra... ». Le Cabildo écrit (ibid., p. 4) : « la paresçió que los vezinos que tengan yndios de Repartimiento en la costa de la mar se devían de yr a poblar a la costa por el mucho daño e travajo que los yndios de sus repartimientos reçebían en traer los bastimentos a probisyones para sus amos ». Le Père Cobo, dans son histoire célèbre de la fondation de Lima écrite en 1639 (éd. M. Gonzalez de la Rosa, Lima 1882, in-4°, xx + xxi + 335 p.), en reprend, mot à mot, les termes ; il ajoute, en outre (ibid., p. 8), cet argument stratégique : « Despues que el Gobernador don Francisco Pizarro hubo ganado la ciudad del Cuzco, corte de los reyes Incas... descendió a la costa de la mar para resistir la entrada de la tierra al Adelantado don Pedro de Alvarado... ».
32 Bertram T. Lee, Lima 1935, t. I, XV-400 pages.
33 P. Cobo, Historia de Lima, op. cit., p. 8 : « Pizarro... descendió a la costa de la mar para resistir la entrada... ».
34 Bertram T. Lee, t. I, op. cit.
35 Cf. ci-dessus ch. XI, XII, XIII, p. 587-679.
36 Cabildo Lima I, 17 novembre 1534, p. 3 : « ... que los ganados se sacasen deste valle por causa de los mayzes que estan sembrados... » le bétail qui sera pris en train de paître un champ de maïs sera confisqué et le propriétaire du champ, dédommagé.
37 Cabildo Lima I, 17 novembre 1534, p. 4. — Cette méfiance englobe même les Indiens domestiques dont la vie est inextricablement mêlée à celle de leurs maîtres. La peur monte pendant la nuit, peur du vol, du feu, du meurtre, pire, de la révolte. En échange, on pourra tuer un peu n’importe comment, sans avoir à rendre compte... à peu près à discrétion. C’est ce qu’à peine sollicité, dit clairement un texte du 17 novembre 1534 : « ... por quanto los yndios y yndias yanaconas que sirven a los espanoles fazen taqui de noche de lo qual es grand perjuizio de los vezinos desta dicha cibdad por cabsa de que los dichos indios en el dicho taquyn fazen e comunican muchas Ruyndades e villagerias por donde se pone fuego a los bohios de los espanoles por Robar por lo qual los dichos vezinos Reçiben grand perjuizio a cabsa de no tener bohios en que bevyr... » Pour les Indiens qui seront coupables de ces délits nocturnes, la mort sans jugement, de la main du premier venu : « que los puedan matar syn pena ansy la Ronda como otro qualquier espanol que lo quysiere... ».
38 Cabildo Lima, 11 janvier 1539 (sic) pour 1535. « Yten hordenaron e mandaron que los vezinos desta cibdad y estantes en ella sy muriere algun yndio esclavo o naboria en sus casas sy fuere xpiano lo mande enterrar en la yglesia e syno lo fuere fuera deste cibdad e no lo echen en las calles so pena de veynte pesos a cada uno que lo contrario fisyere... ».
39 Cabildo Lima, I p. 19 : « que por quanto suele aconteçer que quando tienen navíos al puerto con mercaderias algunas personas que biben de ser mercaderes atraviesan las taies mercaderias antes que los vezinos conpren las cosas de que tienen nesçesidad para probeer sus casas y despues lo compran de los taies mercaderes a muy suvidos precios lo qual es un perjuizio de los taies vesynos e por que esto çese e de aqui adelante no se faga en esta cibdad que mandavan e mandaron e hordenavan e hordenaron que ninguna ny alguna persona vesyno ny estante en esta dicha cibdad sea osada de conpiar ni conpre ninguna mercaderia de ninguna manera que sea de ningun navío de los que al puerto desta cibdad viniesen de ninguna persona que asy truxeren los taies mercaderias dentro de diez dias primeros syguientes despues quel tal navío llegare al dicho puerto... ». Le texte est repris, le 16 juin 1536, notamment (Cabildo Lima, I, p. 95), une masse dominée suffisamment abondante encore, pour que le problème de son coût de reproduction et d’entretien n’effleure pas vraiment les préoccupations de la population européenne. Pour la main-d’oeuvre artisanale européenne, par contre, des phrases comme celles-ci sont monnaie courante : « los oficiales de carpenteria les pyden exçecyvos precios e vista le nescesydad que tienen de hazer las dichas obras
40 C’est-à-dire la côte et le territoire andin de la république actuelle du Pérou. Dans un sens un peu plus large, on peut y inclure, en outre, le territoire andin de la république actuelle de Bolivie. Velasco entend bien le mot Pérou, soit dans un sens large, soit dans un sens étroit, et quand il a recours à un sens étroit, il se réfère, à la première acception, la plus restrictive : « ...Aunque el Piru se extiende (Velasco, op. cit., p. 458), como queda dicho, a las provincias del Quito, de los Charcas, cuya parte... que mas propriamente se llama Peru, es lo que cae en el distrito de la Audiencia de los Reyes... ».
41 Les plaintes contre la cherté du maïs sont nombreuses dans le premier tome des Actes du Cabildo.
42 Un peu plus loin encore (Cabildo I, 1536, p. 102), on voit émerger, fait nouveau, les rudiments d’un commerce, il serait peut-être plus exact de parler d’un troc de la viande. Chaque famille consomme la viande de ses bêtes mais comme certains n’ont pas de moutons à eux, on prévoit des échanges, la viande de porc à 1 peso ½ l’arrelde (10 livres, 4 kg 6) ; celle de mouton, à ½ peso l’arrelde.
43 Cabildo Lima, I, délibération du 16 avril 1537, p. 140 : « ...por quanto los días pasados de pedimyento de diego Ruiz vezino desta ciudad se le dio un sitio de un tanbo que esta en el puerto della para en que hedeficase e fisyese una casa e tanbo en que se Recojesen las mercaderias de los navios que al dicho Puerto vienen porque de estar al sol Resçiben dano en especial el vino que se haze vinagre... »
44 Velasco, op. cit., p. 458-463.
45 Velasco, op. cit., p. 458.
46 Ibid. : « 5 000 vecinos » dont « 300 encomenderos y los demas pobladores, y tratantes... »
47 Ibid., p. 463.
48 10 % des encomenderos, 8 % de la population indienne. Le rapport ne risque pas d’échapper.
49 Velasco, op. cit., p. 466 : « El valle de Lima, donde esta esta ciudad, es el mayor y mas ancho de los que hay en esta provincia... y asi hay muchas viñas, todas de regadio y de que se coge cantidad de vino... olivares en que se coge ya mucha aceituna y se espera que se vendra a coger aceite porque se ha comenzado a hacer muy bueno... y en la juridicción hay tres ingenios de azucar... ».
50 Qui seraient élaborables au Pérou, vraisemblablement, comme au Mexique, en y transposant les méthodes de l’école de Berkeley.
51 R. de Lizarraga, op. cit., p. 498 : « El Valle donde se fundó la ciudad de Los Reyes, llamado Rimac en lengua de los indios... est uno de los buenos,...uno de los mejores del mundo, abundante, de muchas y muy buenas tierras, todas de riego, pobladas de châcaras como las llamamos en estas partes, que son heredades donde de su trigo, maiz, cebada, vinas, olivares (a las aceitunas llamamos criollas, son las mejores del mundo) camuesas, manzanas, ciruelas, peras, plátanos y otros árboles frutales de la tierra, membrillos y granadas, tantos y tan buenos como los de Zahara, los legumbres, asi de nuestra España como las de aca, en mucba abundancia en todo el año.
52 P. Cobo, Historia de Lima, op. cit., p. 49-51. Pour lui, la croissance de Lima semble s’effectuer régulièrement depuis la fin des guerres civiles jusqu’en 1629, en même temps que l’on passe du torchis à la pierre.
53 A travers les notes des t. IV et V, on sent l’impatience de Séville grandir contre la crois sance d’une économie péruvienne considérée comme concurrente.
54 Cd. 1685 à 1737.
55 Les Valles s’étendent également au Sud de Lima, valle de Pacbacamac, valle de Chilca, de Mala..., d’Aria, etc. (cf. Lizarraga, p. 518). Leur économie ne diffère pas, lato sensu, de celle des Valles du Nord. Le mouvement maritime direct de cette région avec Panama est presque nul, c’est, au vrai, qu’il se fait par l’intermédiaire du Callao de Lima, comme le prouve l’importance du cabotage entre cette région et le Callao (Contaduría, 1685 à 1737). Il est particulièrement actif entre le Callao et Miraflores.
56 Velasco, op. cit., p. 468.
57 Ibid. : « ...y una isla que llaman del Puerto... ». On peut rapprocher, utilement, ces jugements enthousiastes, des indications précises et documentées de nos Instructions Nautiques (Instructions Nautiques, no 423, p. 365, 368) : « La baie du Callao s’étend depuis El Cabezo, extrémité Nord de l’île San Lorenzo, jusqu’à la pointe Bernal, à 10 milles dans le Nord Est. L’île San Lorenzo l’abrite de la longue houle de l’océan et des vents dominants du Sud. La baie du Callao est bien abritée des vents du Sud à l’Ouest et la mer y est généralement calme... »
58 Ibid. « ...Es mas sano este asiento que el de la ciudad y asi se van algunos enfermos a convalecer a el por el fresco de la mar... ».
59 Cd. 1476 à Cd. 1537.
60 R. de Lizarraga, op. cit., p. 516 : « El puerto, uno de los mejores y mas capaz del mundo, abundantisimo a su tiempo de mucho pescado, donde jamas faltan de cuarenta navios grandes y pequenos y donde arriba de Panama, Mexico, Chili y Guayaquil ».
61 La distance Panama/Callao est, pour un navire de propulsion mécanique de 1 340 milles, de Panama à Valparaiso, de 2 615 miles (Instructions Nautiques, no 423).
62 Velasco, op. cit., p. 403.
63 R. de Lizarraga, op. cit., p. 518.
64 Velasco, op. cit., p. 403 : « La vuelta es en mes y medio o dos meses, de manera que se puede venir desde Chili hasta Tierra Firme en un viaje sin detenerse en el camino... ».
65 Velasco, op. cit., p. 403 : « ...Vase y vienese siempre costa à costa, surgiendo en los puertos que quieren, de los que se ofrecen, y asi la navegación desta mar es de las mas apacibles y seguras del mundo... ».
66 Annexe 2, chap. XIX, p. 1010-1012.
67 T. VIII2 bis, p. 1530-1953.
68 Cf. ci-dessus p. 932-937.
69 Annexe, p. 1137-1169, Cd. 1685-1737.
70 Cf. par exemple, 5 navires qui entrent à Panama, à la fin mai 1592 (Cd. 1456), 5 en 1597 le 1er et le 2 mai (Cd. 1468), 4 seulement en 1598, le 10 mai (Cd. 1470) 4, le 23 mai 1599, un galion capitane, une galizabra amirale, deux navires (Cd. 1470), 4 navires (des naos) entrent à Panama, le 29 mai 1600 (Cd. 1471) la nao capitana, la nao almiranta, la Santa Ana et la Nuestra Senora del Carmen, 4 navires, encore, le 19 mai 1601 (Cd. 1471) la nao capitana, Nuestra Senora de las Mercedes, la galizabra Santa Ana, la Nao Nuestra Senora del Carmen, la nao San Juan Bautista.
Une armada réduite (une capitana, une almiranta) entre le 22 mai 1602 à Panama (Cd. 1471). En 1603, par contre, c’est l’armada complète, 4 navires, la capitana, l’almiranta, la nao Nuestra Senora de las Mercedes, la nao Nuestra Senora del Carmen (c’est-à-dire, à une variante près, l’armada de 1601). Elle fait son entrée, on notera l’extrême régularité, le 19 mai 1603, dans le port de Panama (Cd. 1472). En 1604, par contre, un peu plus tard que de coutume, le 3 juin 1604, c’est une armada de deux navires seulement, une capitana, la N. S. de las Mercedes et une almiranta qui font leur entrée à Panama (Cd. 1472).
En 1605, une reprise s’amorce qui annonce avec deux ans et plus d’anticipation la poussée cyclique (cf. t. VIII, bis) dans l’Atlantique. Le 4 juin, une armada considérable, de 6 navires, fait son entrée dans Panama, la capitana Nuestra Senora de las Mercedes, l’ almiranta Juan Bautista, 4 navíos, dont une Nuestra Senora del Carmen, un autre Juan Bautista, et un Santo Thomas (Cd. 1473). En 1606, par contre, le 14 juin 1606 (Cd. 1473 A et Cd. 1474 A) ce n’est plus, à nouveau, qu’une armada fantôme. En 1607 (Cd. 1473 A), le 15 juin, deux galions et un navio. Peu à peu, il y a eu translation insensible de mai à juin. 1608 marque un essai de stabilisation autour de la formule moyenne de l’armada de trois navires, deux galions, un navio et en même temps, un retour à une date plus précise. Le3 navires de la petite armada arrivent le 9 mai, il y avait dix ans qu’une entrée aussi précoce n’avait pas eu lieu (Cd. 1473 B). En 1609, l’armada comprend, sans doute, 4 navires, 3 sûrs qui arrivent, plus tôt encore, le 28 avril et un quatrième probable le 30 avril, sans doute, légèrement retardé (Cd. 1674).
71 Cf. t. VIII, bis, p. 853-1525 et plus particulièrement 1070-1158.
72 Cf. ci-dessus, Annexe I, chap. XIX, p. 960-1007.
73 Instructions Nautiques, n° 431, p. 41. Le parcours, aujourd’hui, des navires à propulsion mécanique.
74 T. VI1, p. 182-183.
75 Cf. t. III, IV et V.
76 On imagine la déformation fantastique que donnerait une carte isochronique de l’Amérique construite suivant le procédé adopté pour la carte « L’Atlantique d’après le temps de parcours (escales comprises) » de l’Atlas (t. VII, p. 30-31).
77 T. VI1, p. 178-179.
78 T. VII, p. 25.
79 Tout cela résulte de sondages rapides. Il faut s’en contenter provisoirement. La belle étude de Manuel Moreyra Paz Soudan. El tribunal del Consulado de Lima-Cuadernos de Juntas (1706-1720) — Lima, 1956, in-8°, LXXII, 388 p. — couvre, malheureusement pour nous, une période trop tardive.
80 Woodrow Borah, Early colonial Trade and Navigation between Mexico and Peru, Berkeley, 1954, in-8°, 170 pages. Cf. à ce propos notre étude critique, Pour une histoire économique de l’Amérique espagnole coloniale (R. H., t. CCXVI, octobre-décembre 1956, p. 209-218).
81 On pourrait tout au plus compléter de quelques éléments de conjoncture, grâce aux séries des Cajas reales, l’étude parfaite de Woodrow Borah. Mais ils n’apporteraient guère, en plus, que quelques nuances, quelques précisions et surtout des confirmations, des illustrations. Plus intéressant, peut-être, ce qu’ils permettraient d’entrevoir des synchronismes conjoncturels Atlantique-Pacifique.
82 En nombre infime, certes, mais avant le « copper trade » du milieu du xixe siècle, quelques infiltrations se sont produites. Quelques hommes en deux siècles, chinois et japonais, dont les historiens de l’art, par exemple, ont reconnu la présence.
83 T. III, IV et V, notes aux tableaux et tome VIII2 et VIII2bis.
84 Cf. t. VIII2bis, p. 1503 sq...
85 La production d’argent du Pérou est légèrement supérieure à celle de la Nouvelle Espagne, moins, sans doute, que les rapports des importations officielles à Séville ne le laisseraient penser ; en raison de la plus grande fixation de métal monétaire au Mexique et d’une participation plus considérable au soutien des Philippines.
86 Tout cela — est-il besoin de le dire ? — ne peut prétendre à être qu’une simple et fragile hypothèse de travail avant que l’on ait mené sur l’économie ancienne du Pérou, l’étude quantitative parfaitement possible, que nous souhaitons.
87 Arthur P. Whitaker, The Huancavelica Mercury mine (XVIIIth century), Cambridge, in-8°, 1941 et surtout Guillermo Lohmann Villena, Las minas de Huancavelica en los siglos XVI y XVII, Séville, 1949, E.E.H.A., in-8° (22 x 16 cm), xvi + 466 pages.
88 Ce sera le cas, vraisemblablement, bientôt, du Potosí, si on juge par les promesses contenues dans une remarquable prise de position de Lewis Hanke. — Lewis Hanke. La villa imperial de Potosí, Un capilulo inédito en la historia del Nuevo Mundo. Sucre, Bolivia, L’niversidad de San Francisco Xavier, 1954, in-8° (17 X 23,5 cm), 81 pages et The imperial city of Potosí. An unuritten chapter in the history of Spanish America, La Haye, Martinus Nijhoff, 1956, in-8° (24 X 16 cm), 60 pages, planches hors texte.
89 Lewis Hanke. Imperial City of Potosí, op. cit., p. 1. Une légende douteuse, parce qu’elle est rapportée par un auteur du xviiie siècle, Bartolomé Orsúa y Vela, dans son Historia de la villa imperial de Potosí, à une époque où des transpositions ont pu parfaitement se produire, raconte comment l’inca Huayna Capac tenta la mise en exploitation près d’un siècle avant l’arrivée des Espagnols, mais l’affirmation serait retenue plus volontiers si elle n’était pas suivie d’une légende qui jette sur elle un voile de suspicion. L’inca aurait été arrêté par une voix qui lui ordonna dans la langue quechua : « Ne prends pas l’argent de cette montagne. Il est destiné à d’autres... »
90 Guillermo Lohmann Villena. Las minas de Huancavelica, op. cit., p. 11.
91 Ibid., p. 24.
92 Guillermo Lohmann Villena se borne, pour sa part, à constater que du 1er janvier 1564 jusqu’en 1570, il n’y a aucun moyen de fixer la production (op. cit., p. 452) : « Desde el 1° de Enero de 1564, hasta 1570, no hay memoria cierta de lo que se extrajo ni quinto, pues el primer libro en Huancavelica se abrió en 1571, cuando el Virrey Toledo reorganizó la recaudación de los derechos fiscales ». Nous nous sommes cru autorisés, en ce qui nous concerne (cf. t. VIII 2 bis, p. 1974-1975), à négliger cette période, où, de l’aveu de tous nos indices, la production est très faible comparativement aux exportations de l’Espagne sur l’Amérique. On peut se demander, par conséquent, si la réorganisation administrative du Vice-Roi Toledo et le point de départ des comptes en 1571 ne se situe pas, en fait, au moment de la mutation quantitative décisive de la production. Nous n’hésitons pas, pour notre part, à le croire.
93 Cf. ci-dessus p. 782-784.
94 E. J. Hamilton, op. cit., p. 34-35.
95 Le recul des importations officielles de métaux précieux de 1556-1560, par rapport à 1551-1555 est d’autant plus grave qu’il est imputable uniquement aux trésors publics à une époque de graves conflits internationaux, à l’époque où l’Espagne tend ses forces pour l’emporter dans la lutte qui l’oppose à la France.
96 T VIII2bis, Appendice p. 1958-1978.
97 T. VIII2bis, Appendice p. 1973.
98 E. J. Hamilton, op. cit., p. 34-35, p. 40, 42 et 43.
99 T. VIII2bis, p. 743-746.
100 Frank C. Spooner. L’économie mondiale et les frappes monétaires en France, op. cit., dépliant p. 366.
101 G. Lohmann Villena, Las minas de Huancavelica, op. cit., p. 91 : « Fra ya casi un axioma entre los industriales ».
102 R. de Lizarraga, op. cit., p. 530-531.
103 T. VIII2bis, Appendice p. 1973.
104 T. VIII2bis, Appendice p. 1973, compte tenu d’une légère sous-évaluation systématique au début.
105 Une masse énorme de documents issus des séries de la correspondance de la Casa de la Contratación et de l’administration de la Nouvelle Espagne.
106 E. J. Hamilton, op. cit., p. 34-35 et t. VIII2bis, Appendice p. 1976-1977.
107 Faute de posséder des éléments de comparaison (mercure d’Almaden et d’Idría), faute d’avoir tiré suffisamment parti des données statistiques de E. J. Hamilton, Guillermo Lohmann Villena, dans son excellente monographie, loin de céder à cet impérialisme du sujet, coutumier au chercheur heureux, reste en deçà de ce qu’il a implicitement établi. Cette parcimonie plus ou moins voulue n’est pas sans mérite.
108 G. Lohmann Villena. Huancavelica, op. cit., p. 52-53.
109 T. VIII2bis, Appendice p. 1974-1975.
110 G. Lohmann Villena. Huancavelica, op. cit.
111 Nous utiliserons l’épais dossier que nous avions réuni sur le commerce du mercure dans le chapitre que nous entendons lui consacrer dans le volume des structures techniques (t. VIII2bis, par lequel nous espérons conclure, un jour, cette étude.
112 Tous les chiffres de la production du mouvement du mercure constituent un minimum. La réalité doit être supérieure de quelques pour cent, au plus ; en raison du faible intérêt — il vaudrait mieux dire — de l’intérêt nul et sauf dans les toutes premières années de la contrebande. Plus grave, par contre, une lacune accidentelle, vraisemblablement dans la documentation sur Almaden de 1636 à 1650.
113 Cf. t. VIII2 bis, Appendice V, p. 1978.
114 Le quintal vaut 46 0093 kg. Tous ces chiffres sont, naturellement des minima.
115 D’après les sources qui semblent les meilleures de toutes celles publiées par Guillermo Lohmann Villena (op. cit., Huancavelica, p. 452-455).
116 G. Lohmann Villena. Huancavelica, op. cit., p. 180.
117 Cf. t. VIII2bis, p. 1974-1975.
118 R. de Lizarraga, op. cit., p. 531 : « No se puede dejar de crcer, sino que si S. M. deste menoscabo de sus vasallos fuese informado, que mandaría cesar la labor, o que se labrase como antes, porque el rey sin vasallos es como cabeza sin miembros, sin pies, sin manos, sin ojos’ etc. » Le Roi n’allait pas tarder à le savoir et à couper, héroïquement, la meilleure source de sa puissance.
119 T. VIII1bis, Appendice p. 1976-1977.
120 Ibid., p. 852-919,...1531-1569.
121 G. Lohmann Villena, Huancavelica, op. cit., p. 455.
122 L’extrême densité, au cours des années 1640, par exemple, des nouvelles de Huancavelica au sein de la correspondance de la Casa de la Contratación à Séville montre que les contemporains ont bien conscience de son extrême intérêt.
123 Velasco, op. cit., p. 477 sq.
124 R. de Lizarraga, op. cit., p. 533-534.
125 Velasco, op. cit., p. 483-434 : « muestras de minas de oro y plata » mais Velasco parle aussi (p. 482) d’exploitations espagnoles consacrées à la production do la feuille de coca.
126 Cd. 1686-Cd. 1735.
127 Cf. ci-dessus p. 1119-1123.
128 Lewis Hanke. The imperial city of Potosí, op. cit.
129 Lewis Hanke, ibid.
130 E. J. Hamilton, op. cit., p. 34. Importations officielles d’argent recensées à Séville, 4 954 005 pesos de 1541 à 1545, 5 503 711 pesos de 1546 à 1550 ; 9 865 531 pesos par contre, de 1551 à 1555.
131 T. VIII2, p. 224-239.
132 On pense, par exemple, mais avec des volumes moindres, aux entrées en scène du Mexique puis du Pérou (contrastes entre les demi-décades 1521-1525 et 1526-1530, 1531-1535 et 1536-1540), on pense, surtout, à la mutation quantitative de l’application de l’amalgame du Pérou entre 1576-1580 et 1581-1585 de 17 251 941 pesos à 29 374 612 pesos.
133 Cf ci-dessus, p. 1112, note 3.
134 Lewis Hanke. Imperial City of Potosí, op. cit., p. 1.
135 Lewis Hanke, ibid., p. 3.
136 Ibid., p. 3.
137 Il s’agit, vraisemblablement, de prostituées blanches à l’usage des blancs. Raffinement coûteux si loin, si haut, dans un continent où la population féminine blanche est extraordinairement peu nombreuse.
138 Cf. ci-dessous, table 9, annexe, p. 1164-1165. Versement des caisses excédentaires. Moyennes annuelles sur cinq ans.
139 Cf. t. VIII2bis, appendice, p. 1974-1975.
140 Lizarraga, op. cit., p. 548.
141 Moyennes annuelles des virements des caisses excédentaires sur la caisse de Lima, 549242 400 maravedís, de 1596 à 1600, 675 367 860 maravedís de 1601 à 1605, 744 346 880 maravedís de 1601 à 1610, et 754 497 250 maravedís, moyenne annuelle de 1611 à 1615.
142 Vraisemblablement, même, le plus élevé de toute l’ère coloniale. On pourra trancher plus tard, seulement quand les séries auront été intégralement dépouillées.
143 Cd 685. Cd 735.
144 Cf. annexe, ch. XV, p. 760-767.
145 Cf. ci-dessous, annexe, table 10 b, p. 1168-1169.
146 La mutation quantitative des importations officielles des métaux précieux en Espagne, 230 % en 10 ans, de 11 906 609 pesos (E. J. Hamilton, op. cit., p. 34) de 1571 à 1575 à 29 379612 pesos, de 1581 à 1585..., la poussée plus tardive de l’ensemble du trafic dans l’Atlantique de Séville de 1580 à 1584, à la veille des ruptures de l’Invincible Armada (cf. T. VIII2, p. 673 à 709).
147 Cf. ci-dessous, annexe, p. 1140-1169.
148 Nous n’avons pas tiré de l’almojarifazgo, notamment, la masse précieuse de renseignements qu’on aurait pu en attendre, réservant, à plus tard, l’étude d’étaillée du commerce intérieur que cette comptabilité particulière recèle en puissance.
149 On peut éliminer pratiquement, le 5,85 % de 1571-1575 calculé (cf. p. 1164) sur un « cargo minimal » inférieur à la réalité.
150 T. VIII2 bis, p. 852-919,...1531-1569.
151 Cf. ci-dessous, annexe, p. 1146-1167.
152 La moyenne annuelle de l’almojarifazgo global calculé sur quinze ans est de 25 528 000 maravedís de 1581 à 1595, elle s’élève à 26 429 533 maravedís de 1616 à 1630. Entre les deux périodes la croissance des prix est faible, puisqu’au Pérou, le facteur Vellon n’entre pas en ligne de compte. Seul doit être retenu le pouvoir d’achat de l’argent. Si on raisonne, faute de mieux par analogie avec ce que l’on sait du versant européen de l’Atlantique on peut estimer que les marges de fraude sont plus grandes au xviie qu’au xvie siècle. Selon toute vraisemblance, par conséquent, le volume des transactions recouverts par l’almojarifazgo est au moins égal, vraisemblablement, même supérieur de 1616 à 1630, par rapport à ce qu’il était de 1581 à 1595.
153 On ne peut que constater la concordance des indices d’activité contenus dans les comptes de la caisse centrale de Lima. Cf., par exemple, en outre, le volume global des entrées dans la caisse. Une montée aussi régulière que spectaculaire nous conduit des 200 millions de maravedís annuels d’entrée entre 1566 et 1575, avant la révolution de l’amalgame jusqu’aux 962 millions et 940 millions des demi-décades 1586-1590 et 1591-1595. Mais le volume global des entrées culmine, plus tard, à un niveau, il est vrai, peu différent, entre 1601 et 1615 (1024,5 millions, 1076,3 et 1044,5 millions, pour les moyennes annuelles de 1601-1605,1606-1610, 1611-1615), plus tard encore de 1631 à 1645 (1014,6, 1071,9 1157,7 millions pour les entrées annuelles moyennes de 1631-1635, 1636-1640, et 1641-1645). Ces quasi-égalités prouvent qu’il faut prendre globalement une longue phase de prospérité qui va de la révolution de l’amalgame au milieu du xviie siècle. A l’intérieur de ce long plateau, il y a plutôt des transferts que des renversements de tendance.
154 Cf. T. VIII2bis, p. 852-919,...1531-1569.
155 Cf. ci-dessus, annexe, p. 1166-1167. Cf., par exemple, 47,8 % de 1626 à 1630 pour l’almojarifazgo d’Espagne et 52,2 % pour l’ensemble des almojarifazgos qui frappent le commerce d’Inde en Inde. De 1641 à 1645, les pourcentages sont réciproquement de 36,6 % et de 63,4 %.
156 P. Cobo. Historia de la fundación de Lima, op. cit.
157 Irving A. Leonard. los libros del Conquistador, op. cit., et P. Chaunu. Les Romans de chevalerie et la conquête du Nouveau-Monde, article cité. Annales, E.S.C., 1955, no 2, p. 216-228.
158 Irving A. Leonard, op. cit., p. 223-252, et Francisco Rodríguez Marin. El « Quijote » y don Quijote en América Madrid, in-8°, 1911.
159 José Toribio Medina. Historia del Tribunal de la Inquisición de Lima (1569-1820), Santiago du Chili (2e édition). J. T. Medina, 1956, prologue de Marcel Bataillon, gr. in-4° (28 X 19,5 cm), xv-333-530 p.
160 On entend par là, le confesseur qui profite de sa position pour obtenir de ses pénitentes qu’elles engagent avec lui des relations sexuelles.
161 On se reportera, notamment, aux solides études de Guillermo Lohmann Villena. Un poeta virreinal del Perú : Juán del Valle Caviedes, Revista de Indias, 19-18, n° 33-34, p. 771-794, et surtout, un classique El arte dramdtico en Lima durante el Virreinato. Madrid, Escuela de Estudios hispano-americanos de Sevilla, 1945, in-8° (22 X 16 cm), xx-647 pages.
162 Les totaux en maravedís ont demandé une masse harassante de conversions compliquées en raison de la multiplicité signalée des systèmes monétaires au Pérou.
163 Les colonnes sont remplies, dans la mesure où les chiffres globaux de la rubrique apparaissaient facilement dans des récapitulatifs utilisables. Rappelons qu’il ne s’agit encore que d’une première approche qui n’épuise pas la série.
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