Chapitre XVIII. Les Isthmes. — De Honduras à Panama
p. 847-897
Texte intégral
1Après s’être démesurément étalée, à la hauteur de la massive presqu’île, l’Amérique étroite s’étrangle à nouveau. Entre Amatique et Sansonate, l’isthme honduro-guatémaltèque réduit, de plus de deux tiers, la distance qui sépare les deux océans, c’est-à-dire beaucoup plus que le Tehuantepec. Au-delà de Honduras, l’Amérique étroite va rapidement en s’amenuisant, d’une manière, cette fois, à peu près régulière, sur une longueur de près de 1 200 kilomètres, depuis les 475 kilomètres d’épaisseur, à la frontière honduro-nicaraguayenne jusqu’à l’étranglement maximal de 70 kilomètres seulement à la hauteur de Panama. Parallèlement à cette réduction en largeur, l’altitude diminue, à tel point qu’au moment de la construction du canal, les ingénieurs ont pu hésiter, entre Panama, et le passage naturel marqué par le grand lac nicaraguayen et son exutoire. Et pourtant, malgré l’excellence de ses positions, on ne trouverait pas du Nicaragua au Veragua une activité comparable à celle du Honduras.
2L’isthme hondurien, parmi les grandes voies de passage potentielles, a la première place. Seul, il a pu disputer, un moment, du moins en projet, à Panama, le rôle de Canal des deux Indes et de pont vers l’Extrême-Orient.
I. — GUATÉMALA ET HONDURAS : UNE RÉALITÉ GÉOGRAPHIQUE
3L’isthme guatémalto-hondurien, c’est encore, pour le meilleur, le pays maya, mais un pays maya beaucoup plus touché par la colonisation, sorti de son isolement séculaire, partant, beaucoup plus compromis que le Yucatan et le Campêche dans la vie conjoncturelle de l’Océan.
4La statistique portuaire, même partielle, même tronquée, parce que trop étroitement vue de Séville, donne pleine confirmation de cette appartenance1. Le synchronisme est total, d’une part, entre le mouvement global long du trafic volumétrique transversal2 et le trafic du seul Honduras3. L’obéissance à la conjoncture longue constitue un bon test d’une plus large participation à la vie de relation.
5Plus large participation à la vie de relations, plus profonde annexion au monde colonial, telle est bien la caractéristique majeure du complexe Guatemala-Honduras, de l’isthme guatémalto-hondurien. L’isthme est la seule zone, en effet, de l’Amérique étroite, en dehors des espaces économiques coloniaux dominants, qui puisse, à la rigueur, au prix d’une certaine simplification, prendre rang loin derrière, certes, mais à côté des puissants. C’est autour de cette affirmation capitale : Honduras-Guatémala, le plus riche des parents pauvres ou le plus pauvre des dominants, qu’il est légitime d’organiser l’étude de ce morceau de l’isthme vu de Séville.
6Pour cela, on dispose de quelques indices d’activité qui permettent de classer Honduras à un rang considérable dans les hiérarchies de l’économie coloniale.
LIMITES TERRITORIALES
7Mais, tout d’abord, que faut-il entendre par Guatémala et Honduras ?
8Vu de Séville, l’isthme médian de l’Amérique étroite est connu sous le seul nom de Honduras, c’est-à-dire la très large bande de côte rectiligne qui court du golfe d’Amatique à l’embouchure du Río Coco, dans une direction très exactement Est-Ouest, sur près de six cents kilomètres. Sur cette côte, plusieurs ports possibles, Truxillo, Puerto-Caballos, Amatique ; Puerto-Caballos, encore et surtout, mais pratiquement jamais plus d’un port en relation avec le complexe portuaire du Monopole. Ce port, presque toujours Puerto-Caballos, monopolise à son profit l’ensemble des échanges de l’isthme honduro-guatémaltèque avec l’Europe du Monopole. Mais le Monopole ne connaît pas d’autre formule que l’imprécis, « Honduras », sans plus, du Livre de Registres, des registres et des autres sources du mouvement4. Or, rien ne serait plus faux que de limiter la portée de Puerto-Caballos à la côte hondurienne proprement dite. Ce n’est pas le Honduras seul qui anime les échanges qui empruntent ce canal, le Honduras, c’est-à-dire, la partie la plus orientale et le versant Atlantique de l’isthme médian, mais tout l’isthme, entendez, en outre, le Guatémala proprement dit. Puerto-Caballos — le Honduras de nos textes — est le port, par excellence, de l’importante et riche fraction de l’Amérique étroite comprise entre la racine du Yucatan à l’Ouest, le Nicaragua à l’Est, soit, en gros de 220 à 250 000 kilomètres carrés environ5.
9Le Honduras, en effet, la partie la plus orientale, la plus septentrionale et la plus Atlantique est loin de représenter la totalité de l’espace balayé par la base de Puerto-Caballos, de Truxillo ou d’Amatique. L’Ouest et le Sud volcanique constitue la partie la plus riche de l’ensemble. C’est elle qui a donné son nom au tout dans la géographie administrative ancienne de l’Amérique centrale : l’Audiencia de Guatémala. Honduras, par contre, est le nom de la partie qui, de Séville, de l’Atlantique, de la mer prévaut pour désigner l’ensemble, tandis que de l’intérieur, Guatémala, le Sud et l’Ouest, stricto sensu, l’emporte dans les mêmes conditions et s’étend au tout.
10Le ressort de l’Audiencia de Guatémala comprend, en 1570, un ensemble de sept provinces, d’après Velasco, Soconusco, Chiapa, Verapaz, Guatémala, Honduras, Nicaragua et Costa Rica6 qui ne variera pas jusqu’au xviiie siècle. Le Yucatan en est exclu. Juridiquement, l’ensemble dépend de Mexico, avec une quasi totale autonomie. Cette dépendance, pourtant si ténue soit-elle, n’est pas purement artificielle. Guatémala, beaucoup plus que la presqu’île du Yucatan proprement dite, desaxée, se place dans le prolongement de l’ancienne confédération aztèque. Cortès et Alvarado n’ont fait, d’abord, que recueillir un vasselage spontané et très lâche qui s’adressait automatiquement au maître de Tenochtitlan7. Guatémala est beaucoup plus proche et plus facile d’accès de Mexico ou de la Vera-Cruz par voie de terre que le Yucatan perdu.
11De l’ensemble géographique contenu dans l’énumération de Velasco, on retiendra les premiers termes, Soconusco, Chiapa, Verapaz, Guatémala et Honduras, la partie encore massive de l’Amérique étroite (entre 260 et 475 kilomètres d’un Océan à l’autre), en gros — et c’est la définition logique que nous retiendrons pour une géographie subjective construite de Séville — l’espace qui dans son branchement sur une économie-monde à composante Atlantique dépend de Puerto-Caballos. A l’Ouest, la frontière est celle des influences opposées de la Vera-Cruz et de Puerto Caballos, elle passe, approximativement, par la province de Chiapa. A l’Est, elle laisse, en dehors des influences honduriennes, la région du Nicaragua et de Costa Rica, desservie, directement. L’étude des mouvements détaillés de Panama8 et des ports Atlantique de l’isthme de Panama9, Nombre de Dios et Puerto-Belo, montrera clairement, en effet, comment s’effectue l’annexion du Costa Rica et du Nicaragua à l’économie Atlantique, non pas directement par branchement sur le Monopole lointain mais immédiatement par le truchement de Panama, d’une part, de Nombre de Dios, Puerto-Belo, d’autre part.
ORDRE DE GRANDEUR ET INDICES D’ACTIVITÉ
12Ainsi défini, mal défini, certes, et d’une manière imprécise, comme la réalité coloniale elle-même, l’espace honduro-guatémaltèque se place au premier rang des espaces secondaires. Pour le situer, on dispose d’un certain nombre d’indices d’activité sûrs, dont on peut tirer des résultats concordants.
1. Trafic
13Naturellement le mouvement direct avec le complexe portuaire se place au premier rang de ces indices.
14On l’obtient, sans peine, puisque la concordance est parfaite entre l’espace ainsi défini et la rubrique hondurienne des documents, il suffit de se reporter à la rubrique, Honduras, des statistiques10. D’entrée de jeu, elle donne, en volume, du moins, un ordre de grandeur comparable avec celui des grands. Tout d’abord, un mouvement continu qui ne se départit pas depuis les origines de la statistique portuaire11, formellement, ici, depuis 1542 ; en réalité, certainement, depuis une date très antérieure. Les quelques lacunes que l’on note de-ci, de-là, dans la statistique des Allers (19 ans en un siècle, de 1551 à 165012 n’excèdent pas ce que donnent les défaillances logiques des flottes de Nouvelle Espagne13. A peu de choses près, la continuité du mouvement avec le Honduras est celle de la Nouvelle Espagne elle-même. Quantitativement, en outre, le Honduras se situe honorablement.
15De 1551 à 1555, le mouvement Allers et retours avec l’isthme hondurien-guatémaltèque représente 31,5 % du mouvement unitaire du complexe portuaire avec la Vera-Cruz14, 18,9 % du tonnage. Ce niveau relatif élevé est une acquisition récente. Au cours de la décade des années 40 du xvie siècle en effet, le Honduras, autant qu’on en puisse juger, n’avait représenté que 8,54 % et 6,49 % du mouvement global avec la Vera-Cruz. Hissé au niveau des 20 %, à la hauteur des années 50, le Honduras semble devoir se maintenir à un palier élevé. En tonnage, les Allers et retours du complexe avec l’isthme hondurien-guatémaltèque représentent, par rapport à la Vera-Cruz, 18,9 % on l’a vu, de 1551 à 1555, 19,14 % de 1556 à 1560, 14,82 % de 1561 à 1565, 5,25 % de 1566 à 1570 (au creux d’une grande dépression relative), de 1571 à 1575 6,16 %, 7,44 % de 1576 à 1580, puis 8,43 % et 6,65 % de 1581 à 1590, 7,03 % et 8,24 % de 1591 à 1600, 9,24 % et 9,82 % de 1601 à 1610, 10,6 % et 9,25 % de 1611 à 1620. Au-delà de 1620, il y a même pendant les vingt premières années de la dépression, récession moins rapide sur Taxe-hondurien qu’à Saint-Jean d’Uloa. La part du Honduras s’élève à 11,76 % du mouvement de la Vera-Cruz, de 1621 à 1625, 13,1 % de 1626 à 1630, 12 % de 1631 à 1635 et 10,71 % encore de 1636 à 1640. C’est au-delà de 1640, seulement, que se produit la rupture, 2,78 et 6,1 % de 1641 à 1645 et de 1646 à 1650.
16Autre terme de comparaison, la série volumétrique du trafic avec le complexe est de très peu inférieure aux séries des deux grandes îles : l’Espagnole et Cuba. Mais cette apparente légère infériorité (les Allers et Retours entre le complexe et le Honduras représentent 80 % environ du volume exprimé en tonnage des Allers et Retours soit entre le complexe et Cuba, soit entre le complexe et Saint-Domingue) masque, en fait, la supériorité vraie de l’isthme hondurien-guatémaltèque. Les trafics avec la Havane et Saint-Domingue — on s’en souvient — sont des trafics gonflés par un important cabotage-relais sur le chemin des Retours15. Une mise en parallèle des Allers de Honduras d’une part, et des Allers des grands ports des îles, d’autre part16, situerait beaucoup plus valablement, la vraie supériorité hondurienne. On sera frappé par la similitude profonde des trois mouvements. A partir de 1550, vu de Séville, l’espace que commande Puerto-Caballos pèse au moins autant que ne le font respectivement, l’ensemble de Saint-Domingue ou la totalité de Cuba ; si on élimine Carthagène, simple avant-poste de l’isthme (élément-clef du complexe portuaire de l’isthme dont elle est profondément indissociables17, on constatera qu’immédiatement après les deux supergrands, le complexe Nombre de Dios-Puerto Belo/Carthagène, au nom du Pérou et la Vera-Cruz au nom du plateau mexica, il existe trois points et trois points seulement qui constituent comme la ligne des deuxièmes grandeurs de la Carrera, l’Espagnole, Cuba et le Honduras. Chacune de ces masses secondaires représentant, en gros, 10 % des deux seuls vrais géants, le Mexique et le Pérou.
17Les équations Honduras = Cuba = Saint-Domingue, d’une part, Honduras = 1/10 de la Vera-Cruz ou 1/10 de l’isthme, d’autre part, sont de fausses équations. Elles ne sont, du moins, valables qu’en volume. Si on tient compte, en effet, des valeurs, ni Honduras, ni, à plus forte raison, Cuba et Saint-Domingue, ne représentent, dans la hiérarchie du trafic de Séville, ni de près ni de loin, 10 % des masses lourdes dominantes de la Vera-Cruz et du complexe portuaire de l’isthme. Cette disgrâce commune relative n’empêche pas d’autres disparités. Honduras, en valeur, l’emporte sensiblement sur les deux grandes îles les plus favorisées.
2. Activité minière
18Cette disparité secondaire, cette disparité à l’intérieur de l’ensemble de la Méditerranée américaine très largement entendue, est due à une autre caractéristique décisive de l’économie guatémaltèque et hondurienne, une activité minière considérable. C’est en dehors du Mexique, du Pérou, sur le même pied, presque, que la région d’Antioquia, le seul secteur des Indes qui possède une économie minière fortement organisée. De cette promotion minière de l’espace hondurien guatémaltèque, un indice d’activité donne la vraie ampleur, les séries statistiques des exportations du mercure d’Europe vers l’Amérique. On s’expliquera, plus tard, sur ces série18, leur solidité, leur degré de crédibilité et d’exhaustivité. Ajoutons pour renforcer la signification des chiffres empruntés pour Honduras aux séries du mercure d’Almaden, que les mines du Guatémala/Honduras ont importé vraisemblablement en quantité qu’il ne nous est pas possible de mesurer, de mercure de Huancavelica. Les exportations de mercure de Séville ne donnent pas, par conséquent, la totalité du mercure employé, mais un ordre de grandeur relatif. Elles démontrent, enfin, un niveau poussé de complexité. Une activité minière qui emploie, entre les vieilles et rudimentaires techniques de l’orpaillage et de la réduction, les techniques neuves du « patio », ne serait-ce qu’à une échelle infime. Si on totalise de 1556 à 1650, par exemple, les quantités de mercure exportées de Séville en direction des principaix marchés importateurs des Indes, on trouve, en première position, la Nouvelle Espagne, avec 219 707,95 quintales, 76 189,5 pour Nombre de Dios et Puerto-Belo à destination du Pérou, 4 430,5 quintales pour Carthagène, 2 103 quintales pour le Honduras, 280,5 quintales, par contre, seulement, pour Saint-Domingue, rien pour aucun autre espace. 2 103 quintales sur un total de 302 710,95 quintales, c’est peu, 0,7 %, environ19. Et pourtant, cette faible proportion — d’autant que le Honduras a reçu, vraisemblablement, une proportion comparable de la production de Huancavelica évaluable, grâce aux travaux de Guillermo Lohmann Villena, à 406 742,42 quintales20 — suffit à classer la production minière hondurienne guatémaltèque à un niveau appréciable.
3. Importance démographique
19Il est une dernière donnée chiffrée que l’on est en droit d’invoquer pour faire au Honduras un sort spécial, le niveau élevé de sa population coloniale. En 1570, Velasco dont on sait la sûreté des évaluations, accorde au seul Guatémala, 1300 vecinos, plus 300 encomenderos21, soit 1 600 familles de colons, c’est-à-dire un peu plus de la moitié de la totalité de la population coloniale de l’ensemble du territoire de l’Audiencia du même nom, 7 500 blancs, peut-être, sur un total de 13 ou 14 000 habitants. Au service de ces 1 300 vecinos et de ces 300 encomenderos, Velasco dénombre 40 à 45 000 indiens tributaires, soit trente familles indiennes, environ, par famille de colons. Ces chiffres placent le seul Guatémala bien avant Cuba et Saint-Domingue, à la même époque. Le Guatémala constitue, en outre, sur la côte Pacifique, la partie lourde, dirigeante, de l’isthme hondurien. Le Honduras, proprement dit, en effet, c’està-dire, essentiellement la côte, cet énorme front de mer de près de six-cents kilomètres qui borde l’Atlantique, compte moins du quart de la population proprement guatémaltèque22. Six « pueblos de espanoles, las quatro ciudades », écrit Velasco, 250, 300, certains disent 350 « vecinos », 220 à 230 villages « pueblos » indiens, 8 à 9 000 indiens tributaires.
20On pourrait multiplier les indices mais ce serait anticiper sur l’exposé lui-même. Il n’est pas douteux que l’ensemble Guatémala — Honduras, Guatémala surtout, constitue entre le plateau mexica et l’axe péruvien, un noyau secondaire privilégié de colonisation et de peuplement.
POSITION PRIVILÉGIÉE, POSITION PACIFIQUE
21La position du Guatémala est, à tous égards, une position privilégiée, si l’on veut, une position de « petit Mexique », de capitale relais et de métropole secondaire, très effacée. Les indices d’activité Atlantique, construits de Séville dans la partie statistique de cet ouvrage n’en rendent pas parfaitement compte. L’isthme guatémaltèque-hondurien est beaucoup plus tourné, en effet, vers le Pacifique que vers l’Atlantique.
1. Répartition de la population
22Il doit cette circonstance à la répartition de sa population. Elle est, encore vraie, maintenant23. Elle est commandée par le relief et la répartition des terrains volcaniques qui font du versant Pacifique un versant privilégié. Il suffit, pour s’en convaincre, de suivre la part considérable tenue par les fragments de côte qui vont du Tehuantepec au Realejo en passant par le Sansonate, dans les mouvements des grands ports connus, Acapulco24, Panama et Callao, par exemple25, voire l’importance directement saisie du Realejo26 plus nicaraguayen, il est vrai, que guatémaltèque. Le morceau de la côte Pacifique qui va du Guatémala au Realejo constitue, avec la zone du Callao de Lima et celle de Guayaquil, une des grandes régions vivantes de la rive américaine du Pacifique.
2. Responsabilité politique
23Les responsabilités politiques du Guatémala sont d’ailleurs à la hauteur de ses ressources. Participation au milieu du xviie siècle, à la défense de la Méditerranée américaine27. Cette participation est d’autant plus méritoire que l’isthme hondurien-guatémaltèque tourne plus complètement le dos à la Méditerranée américaine pour s’intégrer à la vie du Pacifique. Participation, par contre, parfaitement logique, lors des raids de Drake, du Guatémala côtier à la défense du Pacifique. En 1579, une flotte guatémaltèque monte en direction de la Californie contre Drake28.
24Il conviendrait de souligner, enfin, la large participation du Guatémala à la découverte. A cet égard, il joue le rôle, au Sud, d’un petit Mexique. 153229 ce sont, sur les traces de Cortès, les grandes expéditions maritimes d’Alvarado. La fièvre des découvertes dure, en gros, jusqu’en 1539. Base de départ de la découverte maritime, le Guatémala est, aussi, base de départ de la conquête sur terre. C’est de là que, très lentement, s’est faite la conquête, très prudente, du Sud des isthmes. En 1576, par exemple, de balbutiantes tentatives en direction de Costa Rica30.
3. Échanges
25Le Guatemala, enfin, est saisi dans un important réseau d’échanges qui le lie à l’ensemble de la côte Pacifique. Les quelques statistiques portuaires qu’il nous a été possible de reconstituer31 permettent, sur ce point, de se montrer très affirmatif. Le rôle s’explique de plusieurs manières. Grâce à un produit clef, le cacao qui constitue pour la côte Pacifique de l’isthme une précieuse monnaie d’échanges. Le cacao guatémaltèque se dirige vers le Nord en direction du plateau mexica et, vers le Sud, entre en contact avec le cacao équatorien de Guayaquil. Le tropical Guatémala réclame, en échange, pour les besoins de ses populations coloniales, des produits alimentaires que commandent des habitudes méditerranéennes ancestrales. C’est ainsi que le Pérou32 s’est trouvé jouer au xviie siècle, de plus en plus, beaucoup plus commodément que l’Espagne trop lointaine et séparée par toute l’épaisseur de l’isthme, trois cents kilomètres, en moyenne, au moins, le rôle de pourvoyeur en huile et en vin, de toutes les colonies côtières et, notamment, du Guatémala Pacifique. Ce rôle, le Guatémala le joue, commodément, en outre, grâce à ses constructions navales. L’origine des chantiers guatémaltèques, est liée à l’exploration et à la conquête33. Avec cette particularité que les chantiers survécurent, ici, à la cause qui les avait fait naître.
26On comprend, dans ces conditions, que le Guatémala ait, à côté du Mexique et du Pérou, revendiqué une part directe dans le commerce des Philippines. C’est le cas, notamment, en 157834.
ESQUISSE D’UNE ÉTUDE RÉGIONALE
27Cette orientation Pacifique est inégalement vraie suivant les régions envisagées. Il y a, aux confins du Tehuantepec et s’apparentant à ce dernier, une zone active d’agriculture vivrière et d’élevage concurrents, que rien ne prédispose à une grande vie de relations, c’est la riche cuvette de Chiapa — 250 vecinos, dont 200 dans la capitale, Ciudal Real de Chiapa — terre à blé, à maïs et zone d’élevage où vivent vingt six mille indiens35. Telle est, également, la situation de la province de la Verapaz voisine36. Population en reflux en 1570 et faible activité37, malgré la traditionnelle industrie de la plume.
28Mais la partie vraiment active est la zone cacaoyère. C’est elle qui fournit l’aliment, par excellence, des exportations guatémaltèques. Elle court tout au long de la côte Pacifique du Soconusco usé au Sansonate en expansion.
1. La zone cacaoyère
29Le Soconusco commence au-delà de Tehuantepec. Il ne compte en 1570 qu’un seul établissement espagnol, qui n’a plus à son service que deux mille Indiens tributaires38. Le roi Cacao est rendu responsable par Velasco de cette catastrophe démographique39. Mais de plus en plus, il semble que Soconusco ancien et usé se soit effacé devant, au Sud-Ouest, la zone de prospérité croissante du Sansonate. Le centre de gravité de la grande zone cacaoyère Nord s’est donc déplacé, suivant en cela un schéma classique dicté par l’usure des hommes et des sols.
30La colonisation du Sansonate est chose récente. Sa capitale La Trinidad ou, plus exactement, Santissima Trinidad de Sansonate, a été peuplée en 1552, sur ordre de l’Audiencia, par Pedro Ramirez de Quiñones40. Son essor en 1570 paraît particulièrement rapide à Velasco. La seule cité de la Trinidad, qui a moins de vingt ans d’âge, ne compte-t-elle pas l’énorme population blanche, suivant les normes de la colonie, de 400 familles de colons : 400 vecinos españoles ? Toute cette population et toute cette prospérité est intimement et indubitablement liée au cacao41. La prospérité cacaoyère de Sansonate dépasse largement dans le temps le précieux témoignage de Velasco. II suffit pour s’en convaincre de suivre dans le mouvement de Panama, par exemple, la part de Sansonate et de son port Acayutla42. Pourtant, au même titre et suivant, vraisemblablement, un processus analogue à celui qui avait affecté Sononusco, usure des sols, usure des hommes, la prospérité cacaoyère de Sansonate43 ne dépasse pas beaucoup les premières décades du xviie siècle44. Sansonate se voit alors relayée dans ce rôle de zone productrice dominante du cacao par Guayaquil, d’abord, Caracas et la côte vénézuélienne, ensuite. Mais attribuer la récession du cacao sansonatique à la simple concurrence des zones rivales de l’Équateur et du Venezuela, comme le fait Rodolfo Baron Castro, c’est, vraisemblablement, commettre une erreur d’optique. Les causes premières doivent être cherchées à Sansonate même, dans l’usure résultant d’un système destructif d’exploitation. Le déplacement des grandes zones cacaoyères découle de cette structure. Il n’en demeure pas moins que dans ce cadre chronologique du premier Atlantique, prospérité guatémaltèque et cacao restent des termes à peu près indissolublement liés45. Pour protéger le cacaoyer46, on a interdit le bétail dans toute la zone productrice. Ce qui est accordé, ici, à une spéculation coloniale productrice de valeurs marchandes, pour le compte des dominants, est refusé, partout ailleurs, aux cultures vivrières indiennes. Il en résulte que la zone cacaoyère doit s’approvisionner en viande du dehors47. On est en présence d’une quasi-monoculture. Et c’est, précisément, ce caractère de monoculture qui explique la relative fragilité du cacao guatémaltèque. L’usure des sols et des hommes est toujours beaucoup plus rapide dans le cadre de semblable système de production qu’il ne l’est dans un ensemble d’assolements équilibrés.
31Dans un tel système économique, les routes sont essentielles, plus particulièrement les liaisons maritimes, en raison de leurs supériorités d’une manière générale et surtout, ici, en raison des difficultés du relief48. Pour communiquer avec ses marchés, clients et fournisseurs, le Guatémala bénéficie, heureusement, d’une côte facile49 et de bons ports, le médiocre Chaluteca50 mais surtout le brillant Acajutla51 dont le nom revient si souvent dans les statistiques portuaires dont nous disposons52. Le Sansonate essentiellement cacaoyer se prolonge le long de la côte Pacifique par un Salvador partiellement cacaoyer, à l’époque, du moins, de Velasco53. Plus tard, à la fin du xvie et au xviie siècle, il est possible que le centre de gravité de la zone guatémaltèque se déplace vers le Sud. Mais en 1570, Salvador conserve une production variée, où le cacao n’a pas encore tout dévoré54. Elle ne compte, d’ailleurs, encore, qu’une faible population coloniale, 150 Espagnols, 80 pueblos et 10 000 Indiens55. Les communications se font par le Nord, si on tient compte de l’important trafic — cent requas muletières, par an56 — qui anime l’axe Salvador-Guatémala, l’exutoire, vraisemblablement, du cacao.
2. La zone minière
32Si le Guatémala côtier est centré sur le cacao, il y a, à l’intérieur, d’autres Guatémalas. Un Guatémala-Honduras minier, producteur secondaire d’argent. Les textes le saluent57 ; la statistique58 mercurielle le mesure plus sûrement. La production hondurienne-guatémaltèque est une production marginale. Elle met en cause des mines difficiles, dont la production, si on se reporte à la statistique des importations de mercure59 semble s’être développée, surtout, pendant des périodes de difficultés pour les grands centres producteurs. En effet, les importations de mercure se placent, surtout, dans la décade des années 80 du xvie siècle et entre 1616 et 1630.
33Dans la décade des années 80 du xvie siècle, c’est-à-dire, certes, à un moment où la production globale d’argent augmente, grâce à l’adaptation des techniques de l’amalgame au secteur péruvien, mais où les mines mexicaines traversent une période d’essouflement. Le Honduras subit alors le contre-coup des difficultés du Mexique proche. Il y a mise en mouvement des ressources proches du Sud. Dans le secteur mexicain, lato sensu, la mise en exploitation sur un rythme plus poussé des mines honduriennes semble, donc, répondre à une fatigue des sources principales du Nord. De 1581 à 1590, le montant des importations par les ports de la côte hondurienne du mercure d’Almaden s’élève à 924 quintales.
34Les exportations ne reprennent pas avant 1615. De 1615 à 1630, inclusivement, 1 179 quintales de mercure d’Almaden sont exportés, à nouveau. A nouveau, le mouvement est interrompu, pratiquement, jusqu’au début du xviiie siècle, à la courte exception de la demi-décade 1666-1670 où les exportations s’élèvent à 150 quintales. La deuxième phase importatrice de seize ans qui va de 1615 à 1630 est liée aux premiers signes sûrs de récession générale ou, du moins, de plafonnement de la production minière. Au-delà de 1630, le Honduras, quand le plafonnement devient recul, quand la source secours d’Idria est trop chère et que Huancavelica est atteinte dans ses œuvres vives, le Honduras cesse, à nouveau, de recevoir du mercure d’Europe. Cet arrêt des importations Atlantique ne signifie pas, nécessairement, arrêt total des importations, puisqu’il reste depuis Huancavelica, par la côte Pacifique, des possibilités d’approvisionnement, malheureusement difficilement mesurables. Il est vraisemblable que les cargaisons de mercure péruvien en direction du Mexique touchaient, du moins, par intermittence, l’espace hondurien-guatémaltèque. En outre, à côté du système du « patio » les exploitations honduriennes ont dû conserver l’usage des vieilles méthodes. L’industrie minière du Honduras — autant qu’on en puisse juger — ne constitue qu’un élément tout à fait secondaire du grand ensemble argentifère nouvel-espagnol. C’est elle, pourtant qui, au même titre que le cacao, contribue à placer l’isthme hondurien-guatémaltèque, à un niveau appréciable, sur l’échelle des grands indices du commerce international.
3. La zone vivrière
35Il existe un autre Guatémala, un grand Guatémala vivrier agriculteur et éleveur ; ce Guatémala là est lié à l’existence de larges surfaces volcaniques — elles corrigent, ici, comme pour l’Anahuac, les effets du climat tropical humide. Il est plus encore lié à la présence des zones spéculatives du cacao et de la mine. Entre les Guatémalas argentifère et cacaoyer, d’une part, le Guatémala vivrier, d’autre part, des courants d’échanges s’établissent. Les premiers sont, nécessairement, déficitaires au point de vue alimentaires, le second exportateur. C’est grâce au Guatémala vivrier que les spéculations bordières du Guatémala cacaoyer et du Guatémala minier sont possibles60. Ce Guatémala vivrier correspond, en gros, aux terres tempérées de la zone de moyenne altitude.
36Dans ce Guatémala tempéré que dominait le roi maïs61, la colonisation a introduit le blé et le bétail. L’introduction de nouvelles céréales à côté du maïs s’est soldée d’une manière qui semble plutôt largement positive. Même si le blé est de moindre rendement, on y a gagné, comme Velasco l’a très bien vu, une atténuation du phénomène cyclique62. C’est là, vraisemblablement, la seule acquisition positive immédiatement équitable de la colonisation sous l’angle d’un meilleur bilan alimentaire. En raison des conditions exceptionnelles des « tierras templadas » guatémaltèques, l’avantage s’est, peut-être, manifesté plus tôt que nulle part ailleurs.
37Il n’en va pas de même de l’élevage. Le Guatémala aura été le théâtre des concurrences inévitables, cause essentielle de la récession démographique de la population indienne. En effet, hors de la zone cacaoyère côtière protégée63 contre les concurrences animales, le conflit traditionnel se donne libre carrière. L’élevage guatémaltèque est médiocrement spéculatif. Sources littéraires traditionnelles64 et sources statistiques65 sérielles se retrouvent sur ce point. Élevage abondant mais dont la production exportable du cuir et de la corne s’écoule mal en raison de l’éloignement des ports. Le cuir même en assez faible quantité a, du moins, l’avantage de fournir aux navires qui en manquent toujours, dans cette direction, un fret de retour pondéreux certain. Le principal intérêt de cet élevage est plus modeste, satisfaire aux besoins alimentaires des économies spéculatives de l’isthme hondurien-guatémaltèque. Il y parvient, pour l’essentiel, sauf sur un point, sans doute, l’approvisionnement en viande de mouton, viande de luxe, par excellence, pour la population espagnole. Il faut en importer, sur pied, de Guaxaca66.
LES GRANDES LIGNES D’UNE CROISSANCE
38Ainsi constitué, le Guatémala est une zone de grande stabilité. La colonie espagnole, très ancienne, s’y est développée à un rythme parfaitement conforme à celui des grandes masses continentales. C’est en 1521 que les premiers contacts sont noués, par la démarche faite auprès de Cortès67 par les autorités indiennes en rapport, jadis, avec la Confédération aztèque. Rarement, la filiation politique entre le pouvoir aztèque et le pouvoir colonial espagnol est aussi parfaitement et sans équivoque établie68. Mais la conquête effective est un peu plus tardive. Elle part en 1524, sous les ordres d’Alvarado, du Tehuantepec que les opérations de la fin de 1522 et de 1523 achèvent, à peine, de pacifier. La même année, Alvarado fondait sur la côte Atlantique, avec Santiago de los Caballos, le port destiné à devenir le poumon de la colonie.
39Aussitôt fondée, la colonie connaît sa classique crise d’adaptation. C’est la grande cherté de 152669. Elle nécessite des mesures du premier Cabildo70. Toutes les colonies ont connu, au lendemain de leur fondation, de ces crises terribles d’adaptation. Mais la crise de 1526 revêt, ici, une importance toute particulière. Elle va engager, en effet, la colonie dès ses débuts, dans une large vie de relations. A peine créé, le Guatémala-Honduras entretient des courants d’émigration en direction d’autres colonies revêtues de plus grandes séductions : grande cherté de 1526, important flot de migrants, donc en 1527, en direction du Venezuela71. Mais dès l’année suivante, 1528, un courant d’émigration compensatoire s’établissait entre Séville et le Guatémala72. Dès 1527-1528, le Guatemala jouait le rôle, par conséquent, de vieille colonie, filtrant en direction de territoires plus neufs les flots de migrants de la Péninsule. Le jeune Guatémala assume, malgré sa jeunesse, une fonction dans laquelle excellèrent successivement l’Espagnole, Cuba et le plateau mexica. Mais la maturité guatémaltèque se manifestait, presque au même moment, en direction du Pacifique et du Pérou. On peut estimer que le Guatémala colonial a trouvé son assiette aux alentours des années 1540. C’est entre 1530 et 1540, en effet, qu’on voit, d’après Remesal, se poser avec le plus d’acuité, les grands problèmes de l’adaptation et de la croissance. Le difficile problème de l’importation de cadres artisanaux73. A tel point, qu’on a recours à une formule qui en dit long sur un extraordinaire état de pénurie, la distribution d'encomiendas aux artisans pour les fixer. Inutile de rappeler l’échec de la formule ambiguë des artisans encomenderos74, puisque, rapidement, le technicien, ainsi promu, se mue, au grand dam de la colonie, en rentier de l’Indien, sans avoir même pris le soin de former quelques Indiens de ceux qu’il a reçus pour vivre, aux techniques européennes. Sans avoir formé ces cadres techniques, donc, dont la colonie a besoin, pourtant, sous peine de demander plus qu’ils ne peuvent fournir aux transports par mer, partant, de s’exposer à une cruelle rupture de niveau de vie. Difficiles problèmes, également, de l’adaptation du bétail. Or, les craintes et les soucis, dont, derrière ses sources partiales75, Remesal se fait rétrospectivement l’écho, ce sont moins celles des Indiens, vraisemblablement éliminés, ici, comme ailleurs, par la rupture des traditionnels équilibres alimentaires centrés sur le maïs, que les craintes des dominants pour leur richesse, en butte à la concurrence des bêtes sauvages76. Un autre problème, encore, qui semble avoir préoccupé le Guatémala commençant est celui du brigandage77. Le Guatémala des années 30 à 40 du xvie siècle, c’est une terre qui offre la possibilité de rééditer, souvent, les travaux d’Hercule de toutes les civilisations au berceau.
40Mais à partir de 1540, les crises de la toute première croissance sont dépassées. Colonie ancienne, le Guatémala aura trouvé très tôt une relative stabilité.
II. — L’ISTHME HONDURIEN, GRANDE VOIE SECONDAIRE
41Le Guatémala, dès la conquête — et c’est la leçon que nous retiendrons le plus volontiers, puisqu’elle est dans l’ordre de cette étude — se trouve largement engagé, dans la vie de relations. Rien ici qui rappelle, par exemple, la longue phase d’isolement du Caracas des premières décades78.
CONDITIONS
42Cette situation, le Honduras/Guatémala la doit à sa position en tant qu’isthme et à la solidité, quand même, de ses moyens portuaires sur les six cents kilomètres de son front de mer Atlantique.
1. Le handicap démographique
43Pourtant, la côte hondurienne est pauvre. Un contraste très marqué oppose l’isthme Atlantique très diminué au versant Pacifique riche et peuplé.
44C’est pourquoi, le Honduras, la moitié Atlantique de l’espace envisagé ne rassemble qu’un peu moins du quart de l’ensemble de la population : 250 à 350 vecinos, suivant les évaluations de 157079, 220 à 230 pueblos d’indiens soumis, 8 000 à 9 000 familles d’indiens tributaires. Mais on sort du territoire maya dès que l’on a quitté, en direction de l’Est, le fond du golfe d’Amatique, pour tomber dans celui des domaines de tribus démunies, Jicaque, Paya, Lenca... La côte hondurienne appartient tout entière au grand hiatus qui s’ouvre entre les sphères de deux hautes cultures indiennes, la culture maya, au Nord, la culture chibcha, au Sud.
45Ce vide indien, la colonisation n’a jamais réussi, totalement, à le surmonter. Et c’est, peut-être, ce qui a empêché, finalement, l’isthme hondurien-guatémaltèque de prévaloir sur le Panama. Si l’isthme avait été aussi fortement peuplé sur ses deux rives et si le Guatémala avait trouvé dans la rive hondurienne, au Nord, son véritable répondant, le passage plus au Nord l’aurait, peut-être, emporté sur le passage de l’isthme étroit.
46Mais le handicap du territoire hondurien était trop dur à remonter. A l’égard des populations indigènes de la côte Atlantique, Velasco en 1570 s’exprime avec dureté80. En fait, il est, comme ses sources, essentiellement sensible, selon toute vraisemblance, au contraste avec le domaine maya, tout proche. A travers un pays pauvre, dépeuplé, où la population indigène clairsemée est dépourvue de moyens, les routes sont médiocres et difficiles à établir81. L’arrière-pays immédiat trahit dans l’isthme les possibilités de l’intérieur et de la côte.
2. Possibilités portuaires
47Sur la côte, plusieurs ports de mérites inégaux : Truxillo, Puerto Caballos et Amatique. En fait, Truxillo, le plus oriental, compte peu. Son importance, autant qu’on en puisse juger, pour le moment, paraît avoir été régulièrement décroissante. En 1570, la région comptait, encore, une centaine de « vecinos españoles », dont trois ou quatre « encomenderos » et un tout petit nombre d’indiens82. Malgré ses qualités83, le port de Truxillo n’a jamais réussi, au cours du siècle et demi d’histoire du premier Atlantique espagnol, à s’imposer, il est resté un port régional d’importance secondaire84, affecté aux seuls besoins locaux de la région. Il est utile, tout au plus, à la Carrera comme un poste d’observation, utile à la Carrera, dans la mesure où il renseigne et éclaire mouvements amis et ennemis85.
48En fait, Truxillo n’a jamais réussi à prévaloir contre Puerto Caballos plus à l’Ouest. Puerto Caballos, à 200 kilomètres à l’Ouest de Truxillo, a toujours assumé, dans sa quasi-totalité, le mouvement de l’isthme hondurien-guatémaltèque avec l’Atlantique et l’Europe, ne laissant à Truxillo qu’un cabotage essoufflé. Cette prospérité est ancienne. On en a des preuves : le mouvement discernable depuis 153886 sur les statistiques du mouvement de Séville pourtant imparfaitement, alors, ventilé ; la présence sûre, dès 1534, de nègres à Santiago de los Caballos87.
49Le contraste qui existe entre une activité portuaire assez considérable — toutes proportions gardées — et la faible population de la ville n’en est que plus parfait. En 1570, par exemple, alors que depuis près d’un demi-siècle, un mouvement régulier unit la plage de Puerto Caballos à l’Espagne, Puerto Caballos reste à peine construite. Pas plus de 20 maisons à poste fixe, si on en croit le peu suspect Velasco88. On serait surpris d’un tel dénuement si les Indes n’étaient riches en exemples comparables de dénuement beaucoup plus surprenants encore, celui de la Vera-Cruz, sans commune mesure avec le trafic qu’elle assume, infiniment plus encore, celui de la côte Atlantique de l’isthme, Nombre de Dios Puerto Belo. On pense encore à Caracas/La Guayra. Puerto-Caballos n’est guère plus qu’une prise de contact intermittente sur la mer89, l’avant-scène de San Pedro, avec qui il paraît intimement associé. Une prise de contact intermittente sur une côte à peu près vide d’hommes90. Les marchandises destinées au Honduras sont acheminées par voie de terre91, celles qui doivent atteindre le Guatémala, chargées sur des barques qui s’engagent dans le Golfo dulce et passent devant Amatique, le port des caboteurs qui remontent depuis Nombre de Dios ou Puerto Belo92.
50La Carrera du Honduras ne va pas sans difficulté et l’accès du port n’est pas sans péril. On peut étendre, sur ce point, au Honduras, tout ce que l’on a dit de Campêche et de la côte du Yucatan93. La navigation avec le Honduras, pas plus que celle du Campêche-Yucatan, à la différence de ce qui se passe pour la Vera-Cruz proprement dite, n’est axée, exactement, sur les conditions naturelles de cette région. Elle est soumise, en effet, à des impératifs extérieurs. Les navires du Honduras sont accrochés aux convois de la Nouvelle Espagne et ils s’y accommodent nécessairement tant bien que mal, souvent plus mal que bien. A cela, aux conditions moyennes du port sur la valeur desquelles Velasco émet des réserves, s’ajoute la médiocrité relative du matériel qui le dessert. Depuis longtemps, plus de naves biscayennes. Trafic marginal, le Honduras est abandonné au matériel marginal du trafic. En 1594, déjà, on se plaint de ne pas disposer de bonnes naves biscayennes pour la ligne peu séduisante de l’isthme hondurien-guatémaltèque94. Autre handicap, dans la mesure où on trouve difficilement de l’armement en direction de cette ligne secondaire, le défaut général dans la Carrera de surcharge des navires à l’Aller semble y avoir fait des ravages tout particuliers95. Les naves sur-chargées offrent une cible facile aux gros temps. Les gros temps sont eux-mêmes la conséquence d’un départ tardif. Pour le Honduras, la date normale de départ de la flotte de Nouvelle Espagne est, déjà, trop tardive. A bien plus forte raison quand le départ est retardé. Ce qu’explique, avec une clairvoyance parfaite, la Casa de la Contratación96.
51Puerto Caballos, enfin, constitue un point particulièrement exposé aux coups des corsaires. La côte vide du Honduras appartient tout entière au vaste espace de Méditerranée américaine abandonné aux ennemis. Elle attire d’autant plus facilement qu’elle est, d’une part, moins bien gardée et, d’autre part, plus séduisante. Le commerce avec Honduras ne constitue pas pour l’Espagne un enjeu tel qu’il vaille un gros effort de défense, comme Carthagène flanc-garde de l’isthme, Saint-Jean d’Uloa ou la Havane. Mais les valeurs qu’il met en cause sont, quand même, suffisantes, pour éveiller des cupidités. Honduras se trouve, de ce fait, dans une situation privilégiée pour la course. La présence ennemie y est, souvent, dénoncée. Ce sont les Français, au milieu du xvie siècle97. C’est la raison pour laquelle, le petit rameau qui se détache de la flotte de Nouvelle Espagne en direction du Honduras doit jouir, sous la forme d’une capitana et d’une almiranta, d’une protection spéciale, protection en quelques canons qu’il ne faut ni surestimer ni sousestimer98.
52Il y a, surtout, la grosse affaire de 1603, qui se solde par la perte de deux navires et de leurs cargaisons99. Nouvel incident en 1615100. L’approvisionnement en mercure se trouve affecté101 par les difficultés de transport. Le problème s’est posé, enfin, de savoir s’il ne conviendrait pas mieux de recourir à des petits navires (de menos porte) qu’au système du convoi. Vœu pieux, malgré avis favorable des Prieur et Consuls et des officiers de la Contratación102, mais qui ne réussit pas à se concrétiser dans les faits103. Le trafic de Puerto Caballos constitue, d’ailleurs, au sein de la Carrera, pendant très longtemps, un cas particulier, le domaine de petits monopoles au sein du Monopole. C’est le cas, notamment, dans les premières années du xviie siècle, de l’entreprise Juan de Monasterios qui jouit, sur l’ensemble du trafic hondurien-guatémaltèque, d’un privilège de fait, sinon de droit. En réalité, le trafic avec le Honduras dépasse assez sensiblement le cadre même du Honduras. Une certaine solidarité lie entre eux les parents pauvres de la mer des Caraïbes. Puerto Caballos semble bien avoir joué, sinon tout le temps, à certaines époques de son histoire, du moins, un rôle de place secondaire de redistribution. C’est ainsi qu’en 1605104, Baltazar de Salcedo rend compte de la venue, à San Tomas de la Trinidad, des naos de Puerto Caballos. Un cabotage unit donc Puerto Caballos aux extrémités mêmes de l’espace caraïbe. Il porte sur la redistribution des marchandises d’Espagne et d’Europe, bien sûr, mais il porte, aussi, sur la circulation des produits, sinon du Honduras démuni, mais encore du fertile Guatémala.
53Nous touchons ici du doigt le véritable secret du triomphe, longtemps, de Puerto Caballos sur Truxillo. Il semble, d’ailleurs, qu’à la fin de notre période, la part de Truxillo s’accroisse, au détriment du port de l’Ouest, mais sans qu’on puisse savoir si cette flambée est durable. Quoi qu’il en soit, c’est Puerto Caballos qui domine, presque, sans discontinuité. Puerto Caballos et plus à l’Ouest, encore, son annexe et substitut, parfois105, Amatique. S’il en va ainsi, c’est en raison du Guatémala et des possibilités que la forte densité de son peuplement offre pour franchir l’isthme. Si, globalement, l’isthme hondurien-guatémaltèque colonial du xvie et de la première moitié du xviie siècle peut se diviser en deux parties, une partie heureuse, la côte Sud Pacifique, une partie déshéritée, la côte Nord Atlantique, on peut de même proposer une division analogue entre l’Est et l’Ouest, suivant un axe Nord-Sud. A l’Ouest, un isthme étroit, 260 kilomètres et relativement favorisé par le fort peuplement du plateau guatémaltèque et de la côte du Sansonate, à l’Est, un isthme de plus en plus large (il atteint jusqu’à 400 kilomètres d’épaisseur), de plus en plus défavorisé et vide d’hommes.
54Ces divisions grossières d’une géographie sommaire de l’isthme hondurien-guatémaltèque expliquent le primat de Puerto Caballos occidental et les chances plusieurs fois affirmées d’Amatique sous l’angle d’une utilisation très large de l’isthme.
3. La chance économique
55L’isthme hondurien-guatémaltèque entre le Sansonate sur la côte Pacifique et Amatique à l’extrémité Atlantique du « golfo dulce » représente une « grande réalité secondaire », serions-nous volontiers tenté d’écrire, de la géographie des transports de l’Amérique coloniale. Le volume des échanges qui ont emprunté ses portages et ses flottages le place, très loin derrière, sans commune mesure possible, l’isthme, par excellence, de Panama à Nombre de Dios/Puerto Belo, mais en meilleure position, que Tehuantepec, à égalité à peu près, avec l’isthme nicaraguayen. La supériorité de l’isthme guatémaltèque sur l’isthme de Tehuantepec n’est pas immédiate. On peut estimer, sans risque d’être contredit, que l’isthme guatémaltèque a dépassé le Tehuantepec, aux alentours de 1550 et qu’il ne perdra plus cette avance un siècle durant. Le gros handicap du Tehuantepec par rapport au guatémaltèque, c’est d’emprunter un pays rapidement vidé de sa population, malgré les réserves humaines latérales de la Mixteca. Le principal atout de l’isthme hondurien-guatémaltèque, c’est la densité humaine et la fertilité des terres volcaniques qu’il traverse, c’est la richesse du Sansonate. Les richesses du Sansonate cacaoyer atteignent l’Atlantique par le chemin naturel de l’isthme auquel elles s’adossent. C’est par l’isthme hondurien-guatémaltèque qu’elles entrent dan3 les circuits du grand commerce international par la voie naturelle de la Carrera, mais c’est par l’isthme, surtout, qu’elles diffusent ensuite à travers l’espace caraïbe. On a vu, déjà106, qu’un cabotage unit Puerto Caballos à l’extrémité de la mer des Caraïbes. Cabotage actif dans la mesure où il est perpétuellement alimenté et puissamment, par les richesses du Sansonate Pacifique.
56On peut lier, de ce fait, activité de la voie du passage de l’isthme et prospérité du Sansonate, à l’intérieur d’une équation simple. Le second terme commande le premier, au moins, autant que le premier conditionne le second. Et c’est ainsi que deux séries de données se recoupent parfaitement. D’une part, ce que nous savons des limites chronologiques de la prospérité du Sansonate107, d’autre part, les grandes périodes du mouvement du Honduras avec Séville108.
57On peut placer au début de la décade des années 50 du xvie siècle, les prémices de la colonisation sur une grande échelle du Sansonate, dans la mesure où il faut donner une certaine signification à la fondation en 1552 de Santissima Trinidad de Sansonate109.
58C’est entre 1546-1550 et 1551-1555 que se place la mutation fondamentale du mouvement de Puerto Caballos avec l’Europe. Les Allers et retours passent de 14 à 29 unités, de 1 750 à 3 970 toneladas. Une modification, sans doute appréciable, de la connaissance du détail géographique du mouvement110 ne suffit pas à limiter la portée d’une mutation positive, toutes choses étant égales111, de l’ordre de 100 % au moins. Cette mutation est d’autant plus lourde de sens, que dans le même temps les mouvements globaux dans l’Atlantique reculent de plus de 20 %112. Il y a donc, constitution autour des années 1549-1550 d’un trafic jamais égalé entre le complexe andalou et le Honduras. Ce trafic se maintient à un niveau élevé, relativement constant113, jusqu’à la rupture de 1640.
59L’effondrement relatif du mouvement entre le complexe et le Honduras — il se place à la hauteur des années 1641-1645 — est à mettre en relation avec ce que nous pouvons supposer, par ailleurs114, de l’effondrement de la prospérité du Sansonate. C’est elle qui commande, très vraisemblablement, les vicissitudes du trafic Atlantique du Honduras, dans la mesure où, autour de 1640, le trafic sévillan du Honduras suit, en les exagérant, les mouvements de la conjoncture mondiale. 1550-1640, entre la fin de la conquista et le terme du premier Atlantique, c’est la grande époque du cacao guatémaltèque, la grande époque du Sansonate et vu de Séville, du trafic transatlantique de Puerto Caballos. Toutes ces histoires sont étroitement liées.
PROJETS
60Découverte et mise en œuvre pour les besoins d’exutoire Atlantique de la province du Sansonate, l’isthme hondurien connaît une grande prospérité au cours de la décade 1551-1560. C’est, même, incontestablement, — le rapport la Vera-Cruz/Honduras dans les indices d’activité du mouvement volumétrique de Séville le montre clairement — le moment de plus grande prospérité relative du trafic de l’isthme. On comprend qu’entre 1556115 et 1560, le projet ait été conçu et présenté, avec beaucoup d’insistance, de substituer l’isthme hondurien guatémaltèque à l’isthme de Panama comme pivot de la liaison impériale majeure de l’Amérique espagnole : la liaison PérouEspagne.
1. Le projet de 1556-1560
61A l’origine de cette revendication — elle surprendra, superficiellement, de prime abord, — le grand mémoire présenté au Conseil du Roi par Juan Garcia de Hermosilla. Il est à l’origine de toute une activité administrative (nous ne prétendons pas l’avoir épuisée116 qui dure, au moins, jusqu’en 1560. Le premier réflexe de l’historien pressé sera, peut-être, de rejeter les projets Hermosilla au magasin toujours comble des prétentions absurdes des patriotismes de clochers. Mais ce réflexe n’est pas de bon conseil. Le projet de Juan Garcia de Hermosilla, remarquablement étudié, est loin d’être absurde. Le fait qu’il ait retenu, cinq ans durant, l’attention des pouvoirs publics milite en sa faveur. On a pu, pendant cinq ans, balancer et raisonnablement balancer entre l’isthme de Panama et l’isthme guatémaltèque. Voilà qui prouverait, si besoin était, combien différentes sont les conditions globales des transports interocéaniques dans le plus vieil espace de la première ébauche grossière d’Économie-Monde.
62a. Le rapport de Hermosilla. — Juan Garcia de Hermosilla a beaucoup vécu, beaucoup voyagé et beaucoup servi aux Indes qu’il semble bien connaître — du moins, il en tire argument — depuis le Pérou jusqu’à la Nouvelle Espagne117 et plus particulièrement dans la région des isthmes et des « îles de Terre-Ferme ». L’auto-portrait qui introduit le long mémoire est moins celui, classique, du « tratadista », inventeur de pierre de lune, que celui du bon, fidèle et zélé serviteur, sinon toujours très adroit, de la Carrière des Indes.
63L’auteur ne propose rien moins que de substituer l’isthme hondurien à l’isthme de Panama dans le commerce essentiel avec le Pérou118. Les arguments ne sont pas toujours très bien dégagés. Il s’agit, en somme, d’utiliser et de gonfler un chemin qui existe et qui bénéficie déjà par l’activité économique propre de la côte Pacifique d’un important trafic. Tel est l’argument essentiel môme s’il est plus impliqué que réellement avancé. Dans un premier stade, Hermosilla envisage le passage en utilisant Truxillo119 au lieu de Nombre de Dios sur la côte Atlantique et Realejo au lieu de Panama sur la côte Pacifique.
64Reste à démontrer la supériorité de la solution préconisée, et, tout d’abord, supériorité de Truxillo sur Nombre de Dios120. Si la démonstration n’emporte pas automatiquement la créance, elle ne se heurte à aucune absurdité, a priori. L’isthme de Panama ne disposera pas avant 1598 sur la côte Atlantique, avant la substitution de Puerto Belo à Nombre de Dios, d’un port digne de ce nom. Hermosilla, s’il n’a pas été suivi sur la ligne essentielle de son projet, a le mérite, du moins, d’ouvrir, un des premiers, la campagne qui aboutira à l’abandon nécessaire de l’impossible Nombre de Dios.
65Juan Garcia insiste beaucoup également sur un second point. Certes, de Truxillo (disons mieux, d’un point quelconque de la côte Atlantique hondurienne) jusqu’à un point de la côte Pacifique en communication facile avec Realejo, le grand port de la côte Sud121, plus nicaraguayen que hondurien d’ailleurs, la distance est considérable, 60 lieues environ (330 kilomètres), mais le climat est sain122, des chemins existent et le pays est infiniment moins désolé que ne l’est, terme de comparaison toujours sous-entendu, le pays qui borde le chemin de Nombre de Dios à Panama. Ce qu’envisage Juan Garcia, par conséquent, c’est, en attendant qu’un port suffisant se dégage sur la côte Pacifique dans la partie étroite de l’isthme, un système qui fonctionnerait avec l’aide des ports existants, Truxillo d’un côté, Realejo de l’autre, au prix, c’est le point faible du système, provisoirement du moins, d’un complexe de portage et de cabotage par barque. Un élément manque encore au projet Juan Garcia, un second Panama ou un second Realejo, dans l’axe optimum, le plus court, des portages les plus rentables de l’isthme hondurien-guatémaltèque.
66Aussitôt ce point établi — celui des commodités très relatives des portages, en raison du climat et des hommes — Juan Garcia démontre les supériorités des ports de la côte Pacifique. R insiste beaucoup sur les qualités de Realejo123, sur ses chantiers de constructions navales. C’est là, vraisemblablement, que réside un des points faibles du raisonnement de l’habile Juan Garcia, partant, de son projet pan-hondurien. Si personne ne peut contester les mérites de Realejo, l’exutoire Pacifique du portage qui part de Truxillo n’est pas Realejo, mais San Miguel. Malheureusement, la démonstration se poursuit toujours en cherchant au Realejo un appui abusif. Du côté Pacifique, malgré la distance, la liaison Realejo-Pérou est plus commode et plus sûre que la Liaison Panama-Pérou. En outre, prétend toujours Juan Garcia, la liaison Séville Truxillo ou Séville-Puerto Caballos est plus commode et plus sûre que la liaison Séville-Nombre de Dios. Cette partie de l’argumentation est un peu faible. On ne peut pourtant lui contester une certaine vraisemblance. L’étude statistique des convois124 montre que la distance vraie de Séville ou Cádiz à la Vera-Cruz, d’une part, à Nombre de Dios, d’autre part, est exactement équivalente. Les navires qui vont du complexe au Honduras en compagnie de la flotte de Nouvelle Espagne n’y vont pas dans les meilleures conditions possibles, c’est pourquoi, il est peu vraisemblable que la distance vraie SévilleHonduras n’ait pas été très inférieure à la distance Séville-Nombre de Dios125. En inférant de ce qui se passe sur la ligne Séville-la Vera-Cruz, on peut penser, en effet, que des convois axés sur la ligne Séville-Honduras cherchant à atteindre Honduras au premier chef et pour lui, eussent mis sensiblement moins de temps, au prix d’un peu moins de difficultés, qu’ils n’en rencontraient effectivement de Séville à la Vera-Cruz, partant, de Séville à Nombre de Dios Juan Garcia a raison, bien que la différence soit faible. Elle porte, au plus, sur quelques jours.
67C’est ainsi que se termine la première partie, la partie positive de l’argumentation de Juan Garcia de Hermosilla. La deuxième partie est essentiellement critique. Il ne faudra pas la perdre de vue quand on voudra connaître de la situation des portages de l’isthme de Panama. Malgré le caractère passionné de l’argumentation et ce qu’elle a parfois d’injuste, cet aspect du discours de Juan Garcia est d’une force extrême, en tous points, le plus convaincant.
68Contre Panama, deux arguments massues126. La maladie. Il n’y meurt peut-être pas, de la fièvre jaune, de la fatigue, des dysenteries bacillaires et amibiennes et autres endémies, les mille « personas christianas » que Juan Garcia avance un peu vite (le fait doit être exact, il s’applique à des années d’épidémie, mais il est extrapolé un peu vite et hâtivement généralisé).
69Les noirs « cimarrones ». Faute d’indiens à se mettre sous la main — ceux qui s’y trouvaient à l’origine sont morts tués par les servitudes du portage venant s’ajouter aux malheurs inhérents aux contacts de populations —, il a fallu recourir aux noirs. Mais le contrôle de noirs esclaves employés au portage et au servage dans un pays rude, malsain, difficile et désert est, à la longue, impossible. Au fur et à mesure que le service de l’isthme se développe, des maquis de noirs marrons se forment et se renforcent de part et d’autre de la route de l’isthme usée. Assurer dans ces conditions le libre passage de nouveaux convois devient de plus en plus difficile. L’emploi de noirs esclaves au portage et au flottage devient quasi impossible sous la pression des cimarrones des maquis environnants.
70Les portages des isthmes sont, dans l’Ancien Régime économique des transports, ce que sont les canaux interocéaniques dans le monde des techniques nouvelles ; il s’y forme, à l’usage, sous le poids du temps, une importante sédimentation. Quand ils sont mal conçus, un moment peut arriver où les dragages d’entretien pèsent de plus en plus sur la rentabilité de leur exploitation, au point de l’annihiler. Quels que soient les avantages de ses soixantedix kilomètres, l’isthme de Panama donne, entre 1550 et 1560, ses premiers signes d’usure non équivoques. A tel point qu’on a pu, quelque temps, envisager, sérieusement, l’élargissement sur le plan interocéanique de la première économie-monde, d’un autre isthme concurrent, bien que, a priori, à fraîcheur égale, moins avantageux127.
71Que l’on ne se hâte pas trop vite de conclure à l’irréalisme des vues de Juan Garcia. Panama a été sauvé en 1598 par l’abandon de Nombre de Dios au profit de Puerto Belo. Cette mutation a prolongé son existence d’un peu plus d’un siècle, sur le plan de son utilisation pour une économie-monde. Le xviiie siècle s’en passe. L’isthme, alors, est relégué, du moins, à un rôle purement local. Ce n’est pas la solution Juan Garcia qui finira par l’emporter, mais d’autres portages, ceux qui aboutissent à Buenos-Aires, ou des routes entièrement maritimes par le détroit de Magellan, plus tard, encore, par le cap Horn. L’appel de Juan Garcia n’en marque pas moins une date. La première grande prise de conscience de la fragilité du grand isthme impérial, le premier signe sûr d’auto-engorgement, le premier signe, aussi, de la montée d’un isthme concurrent ou de la possibilité, du moins, d’une concurrence. Cette revendication du Honduras traduit, aussi, la promotion du Sansonate... ses premiers succès cacaoyers, la réussite d’un exutoire local le conduisent à poser sa candidature au portage des pactoles modeleurs de la grande histoire.
72b. Valeur et portée. — La revendication hondurienne est, il faut bien le reconnaître, malgré quelques naïvetés, présentée avec beaucoup d’habileté128. Juan Garcia propose, en effet, la substitution de l’isthme hondurien, à titre d’essai, mieux comme moyen de régénérer, sans frais, l’isthme de Panama. Heurter les noirs révoltés de front est une opération terriblement coûteuse en raison du terrain, du nombre croissant des « cimarrones » et, surtout, des niveaux différents de morbidité des blancs et des noirs opposés sous le climat du terrible Panama. Abandonner l’isthme de Panama, pour un temps, c’est en les privant de leur approvisionnement en vivres, en armes, en femmes, provoquer sans frais l’auto-extinction des noirs. Par delà, la revendication hondurienne naïve, le projet de Juan Garcia entrevoit un système d’utilisation alternée des isthmes. On parlera, si on veut recourir à des images évocatrices, soit à une mise en jachère, soit à un système de dragage naturel par courants alternés. On pourra toujours rêver à ce qu’il serait advenu, si la Carrera avait suivi le conseil de Juan Garcia. Peut-être aurait-elle retardé la grande cassure finale de l’Empire par engorgement de l’isthme central, sans substitution raisonnable possible. Simple jeu, sans conséquence, puisqu’il a manqué pour que l’idée géniale de Juan Garcia Hermosilla fût réalisable que Realejo se trouvât à 250 ou 300 kilomètres au Nord-Est du point où la nature l’avait placé.
73Parmi les avantages que Juan Garcia attend de son système, il faut ajouter le renforcement des moyens de défense129. Le rapport d’Hermosilla date, en effet, du milieu du xvie siècle ; il se place donc au plus fort de la guerre française. Le choix de Truxillo se trouve dicté, ainsi, par des considérations militaires intéressantes mais contestables d’un point de vue économique. Truxillo est à mi-chemin entre l’isthme et la Vera-Cruz. En adoptant l’isthme hondurien, on ferait bénéficier les convois d’une protection double dans la traversée de la Méditerranée américaine. Il s’agit en confondant presque jusqu’à son terme la navigation de la Nouvelle Espagne et celle du Pérou, de renforcer, à moindre frais, les moyens de défense. On comprend du même coup ce qu’il y a de paradoxal à préconiser Truxillo comme tête de ligne de préférence à Puerto Caballos.
74On prendrait, ainsi, par le Honduras, un chemin intermédiaire entre les routes pratiquées des flottes de Nouvelle Espagne et de Terre Ferme, restituant à Saint-Domingue à l’Aller une partie de son rôle depuis peu déchu. On utiliserait en la Jamaïque une base relais supplémentaire. On aurait un chemin, solidement balisé et protégé, ainsi, de Puerto Rico à Saint-Domingue et de Saint-Domingue à la Jamaïque130. Pour les Retours, les deux convois se rejoindraient à l’extrémité du Yucatan et de Campêche et gagneraient, de là ensemble, sous une même protection, le cap Saint-Antoine à l’extrémité occidentale de Cuba. La proximité relative des deux bases désormais rapprochées du commerce de Terre Ferme et de la Nouvelle Espagne faciliterait, au Retour, la coordination toujours délicate des navigations131. Toutes ces préoccupations, jointes à ce que nous savons, par ailleurs, des pressions ennemies qui s’exercent à cette époque, font aussi du projet Hermosilla un projet de circonstances. Un projet à la fois révélateur des structures profondes de la géographie économique des isthmes et bon réactif, également, des tensions politiques et militaires des années 50 du xvie siècle.
75Il y a bien autres choses dans le long rapport de Juan Garcia Hermosilla. Un hymne en faveur des naves petites, ne dépassant pas 200 toneladas considérées comme limite optimale supérieure132. Cette revendication, apparemment, mal reliée au contexte, est amenée, pourtant, par le désir de servir les intérêts honduriens-guatémaltèques. Elle contient l’aveu implicite qui pointe, quand même, malgré l’effort fait pour le dissimuler, des doutes de Juan Garcia sur les vraies possibilités techniques des ports honduriens. L’aveu est grave, puisque la limitation du tonnage que la solution Garcia exigerait, va à l’encontre des tendances les plus profondes de la Carrera133. En fait, Juan Garcia a bien compris que pour le triomphe de son projet, un retour au matériel ancien utilisé dans la Carrera, au cours des premières décades du xvie siècle, serait souhaitable. Mais c’est aussi avouer un échec. Pour clore son argumentation et avant de réclamer lourdement la récompense que lui paraît mériter son projet, Juan Garcia Hermosilla écarte, d’un revers de main, les chances de la Vera-Cruz, entendez de l’isthme de Nouvelle Espagne. Il voudrait, en raison des difficultés du site de San Juan de Ulúa, que l’on adoptât comme exutoire du plateau mexica un port plus au Nord134. Tout cet aspect du rapport de Juan Garcia sent trop son tratadista et cesse d’être sérieux. A trop vouloir démontrer, il ne démontre plus, à son insu, qu’une médiocre confiance dans l’excellence du projet, trop passionnément défendu, au prix de plus de sophismes que de logique.
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76Et pourtant, l’affaire n’est pas close aussitôt. Un second rapport reprend et résume les arguments du rapport précédent135. La suite qui est donnée à ces démarches montre bien qu’il y avait en 1556 un sérieux problème des isthmes.
77Le 17 octobre 1556, en effet, le premier pas est franchi, une enquête est décidée auprès des fonctionnaires des Indes, par Cédule Royale. L’enquête sera menée auprès des audiences de Saint-Domingue, de Guatémala, du gouvernement de Terre Ferme et des officiers de la Casa de la Contratación. Menée avec beaucoup de diligence au cours de l’année 1558 ; les résultats en ont été consignés dans un document de 1560136. Une étude détaillée des réponses fournies nous entraînerait trop loin. On notera, toutefois, que les experts consultés constituent une gamme largement ouverte qui comprend des gens aussi différents qu’un ancien gouverneur de Terre Ferme137, des pilotes titulaires138, des maîtres de la Carrera139, un cosmographe140, un haut fonctionnaire141. Bien sûr, les questions étaient insidieuses, bien sûr, les experts, selon toute vraisemblance, intelligemment choisis par Juan Garda lui-même.
78Pourtant, il est difficile de nier toute valeur à l’unanimité des positions favorables aux thèses de Juan García de Hermosilla142. Impossible de ne pas conclure, entre 1556 et 1560, entre la date du premier rapport de Hermosilla et la rédaction du parecer favorable de Salgado Correa, à l’existence à Séville, d’un fort courant antipanaméen et pro-hondurien, certainement d’ailleurs plus antipanaméen encore que pro-hondurien, dans la mesure où il est plus facile d’exprimer un avis négatif que de faire un choix positif. Que représente ce courant ? Il est difficile de trancher. Sans doute, serait-il dangereux de le grossir, mais plus encore, de le minimiser, sous prétexte qu’il n’a pas réussi à déplacer le grand passage. Panama bénéficiait, de toute manière, du prodigieux atout de l’habitude. Une route peut se survivre par simple vitesse acquise. Même si le Honduras — ce que Hermosilla n’a nullement réussi à démontrer — avait été plus avantageux que l’isthme classique, il ne l’eût pas pour autant immédiatement détrôné. Les conditions particulièrement favorables à une solution hondurienne, particulièrement défavorables à la voie classique de 1556 à 1560, se modifieront peu à peu, par la suite. 1556, c’est la brutale croissance du Sansonate, c’est aussi le paroxysme de la guerre. Or, l’argumentation d’Hermosilla se place sur un plan statégique avec une particulière insistance.
2. Portée à long terme. Un problème de structure
79Mais la leçon du conflit dépasse grandement le cadre étroit de la crise de la demi-décade 1556-1560. La crise, en outre, est révélatrice, surtout, de strutures. Elle prouve qu’il n’y a pas un isthme mais des isthmes. Elle montre la fragilité d’un système qui reposerait sur l’utilisation exclusive d’un seul et unique portage. Le débat des années 1556-1560 suit, avec quelques années de retard, la croissance d’isthmes secondaires à côté de l’isthme principal. Le débat de 1556-1560 a l’avantage de montrer combien grande et presque nécessaire est la pluralité même des portages terrestres continentaux et interocéaniques dans l’Ancien Régime économique. On songe, superficiellement, au bassin oriental de la Méditerranée, à la mouvance et aux substitutions successives des portages terrestres du xiiie à la fin du xvie siècle. La situation des isthmes de l’Amérique étroite n’est pas sans présenter de sérieuses analogies avec le bassin oriental de la Méditerranée, bien que la tranche chrono logique couverte soit moins longue, ce qui limite les possibilités de transferts. Face à la servitude, en effet, du double transbordement, la servitude du portage proprement dit est peu de choses. Les routes terrestres enfin, en pays tropicaux, sont fragiles. Elles s’usent rapidement, sous le poids des hommes et des choses. Juan Garcia a montré suivant quels mécanismes — il fournit, du moins, quelques éléments qui permettent de comprendre le processus de ces fragilités. Difficulté de se procurer des vivres, difficulté à faire vivre un grand nombre de bêtes et d’hommes sur un espace réduit, comme le montrent les chertés qui en découlent. Problème plus grave, encore, des noirs, de la sédimentation hostile que laisse sur ses bords, la route panaméenne.
80A côté, donc, de l’isthme par excellence, Panama, le plat, l’incomparablement rapide, malgré ses périls, la fièvre et la mort, d’autres isthmes ont servi. Pour les besoins le plus souvent d’une économie régionale. Mais avec, de temps à autre, des bouffées d’orgueil, des aspirations à participer à l’économie-monde.
81Jamais plus la revendication ne sera portée avec autant de force qu’au cours des années 1556-1560. Elle reste latente, pourtant. C’est avec les besoins de l’isthme, en effet, qu’il faut mettre en relation la recherche de nouveaux ports mieux placés, parce que plus à l’Ouest, plus proches du véritable étranglement de l’isthme honduro-guatémaltèque. Malgré son acharnement à défendre la thèse hondurienne, Juan Garcia avait été gêné, parce qu’il était incapable de proposer le franchissement de l’isthme à l’endroit le plus commode, c’est-à-dire, entre le « Río dulce » et le Sansonate. Le point faible dans le système présenté par Juan García, c’est l’absence d’un bon port, bien placé, à l’intersection de l’exutoire naturel de la route transversale depuis Sansonate, avec la côte Atlantique. Les grands projets honduriens du xvie siècle ont été paralysés par la faiblesse portuaire de la côte Atlantique. Truxillo est un excellent port, mais il est beaucoup trop à l’Est, il prend l’isthme plus près de sa plus grande largeur (et de sa plus grande difficulté, parce qu’à l’endroit où il est moins peuplé), que de sa plus grande étroitesse. Puerto-Caballos est mieux placé, mais il n’est pas parfaitement placé, puisqu’à l’écart du « Rfo dulce » ; par surcroît, ses qualités sont médiocres. D’où l’hésitation de Juan Garcia. Il avait besoin d’un bon port. Ce ne pouvait être que Truxillo. Mais Puerto-Caballos, suffisant pour les seuls besoins du Honduras, insuffisant pour l’ambition qu’il avait pour lui, le séduisait, nécessairement, par sa position près de l’étranglement des terres, à la racine du Yucatan. D’où un flottement, une hésitation latente qui nuisait à la vigueur de la démonstration.
82Toute recrudescence d’ambition hondurienne pour capter au profit de l’axe hondurien-guatémaltèque le grand trafic, nécessitait qu’une solution fût apportée à l’insuffisance portuaire Atlantique. Il y a, toujours — du moins, on peut vraisemblablement l’imaginer — à l’arrière-plan, des projets qui tendent à remplacer Puerto-Caballos, d’ambitieux projets tendant à faire servir l’isthme hondurien au profit de l’économie-monde.
83Il est question, en 1591, de déplacer Puerto-Caballos143. Les attaques anglaises de 1591 et 1596 lui portent un coup sensible. Les vecinos quittent la plage exposée et s’installent un peu plus de cent kilomètres plus à l’Ouest, au sortir du « Río dulce », dans la région d’Amatique144. Le problème se pose, alors, pour la Carrera, de savoir si elle va, ou non, entériner le changement qui s’est fait sous la pression de l’ennemi. Un énorme effort est fait en 1606 — la correspondance de la Contratación en a gardé la trace pour obtenir, dans l’esprit de la substitution qui s’était produite, huit ans plus tôt, de Puerto-Belo à Nombre de Dios, la substitution du port nouvellement découvert d’Amatique au vieil Puerto-Caballos usé. Animée par les intérêts guatémaltèques, l’argumentation insiste sur les avantages de l’isthme. On la trouve dans une lettre de la Casa au Consejo du 21 février 1606145. Un ordre du Consejo du 8 mai 1607 donne satisfaction à la revendication guatémaltèque146. Désormais, l’isthme a trouvé sa véritable assiette entre Fonseca sur le Pacifique et Amatique sur l’Atlantique, substitution s’était faite, apparemment, d’après l'Audiencia de Guatémala en 1604147. Tous les espoirs exprimés en 1606 seront-ils tenus148 ? Comme toujours, il faut se garder de généralisations hâtives. De même que les années 50 du xvie siècle avaient marqué, avec l’entrée en scène de l’économie cacaoyère du Sansonate, les premiers beaux jours du Honduras (les chiffres de la décade 1551-1560149 sont en pourcentage les plus importants de toute la série, soit pourcentage au mouvement global, soit pourcentage par rapport à la Vera-Cruz) de même la découverte et la mise en exploitation de la nouvelle route, la meilleure de l’isthme hondurien-guatémaltèque entre Fonseca et Amatique au début du xviie siècle, commande sur l’indice d’activité de la participation globale du Honduras à l’économie Atlantique, une belle poussée. Mouvement absolu record de 1606 à 1610150, mais mouvement relatif très élevé également, moindre, certes, que de 1551 à 1560, considérable pourtant, si on compare le mouvement du Honduras avec le complexe à son terme de référence naturel, le mouvement Séville-la Vera-Cruz151. La statistique sévillane prouve donc que si tous les espoirs des premières années du xviie siècle ne sont pas frustrés, ils ne sont pas, tous, réalisés. La meilleure preuve, les plaintes dont, soixante-dix ans plus tard, Veitia Linaje se fait l’écho. Pour s’être opposé à la fonction interocéanique de l’isthme hondurien, Séville en a vu le progrès d’un fort mauvais œil. Veitia Linaje est le témoin de cette mauvaise humeur : « Il est certain, écrit-il152, que cette nouvelle route de l’isthme entre Amatique et Fonseca... (bien qu’elle ne fût pas utilisée autant que ceux de la Province du Honduras l’eussent aimé) a porté un grand préjudice au commerce de l’Espagne, parce que les navires du Pérou qui vont sur la côte guatémaltèque, sous le prétexte d’y aller quérir des fruits de cette province (à savoir encore, cacao, blé, suif et bois), vont chargés de vins qu’ils introduisent en contrebande », pour le plus grand préjudice, bien sûr, des négociants espagnols qui trouvent en arrivant la terre approvisionnée. Cet aveu est précieux, joint aux séries statistiques, il fournit la preuve d’une réussite partielle.
84L’isthme hondurien guatémaltèque a longtemps hésité. Il a grandi avec les besoins croissants et les réussites croissantes d’une économie régionale centrée sur la côte Pacifique. Il a trouvé sa véritable assiette après la substitution d’Amatique à Puerto-Caballos. Il vient, alors, derrière Panama, au premier plan des isthmes secondaires. En se déplaçant de l’Est où elle a longtemps hésité, vers l’Ouest où elle a fini par trouver son terrain le plus ferme, la route méridienne individualise l’isthme hondurien-guatémaltèque par rapport à l’isthme nicaraguayen, avec lequel il avait encore, un siècle plus tôt, dans l’esprit de Juan Garcia Hermosilla, un peu trop tendance à se confondre.
III. — LES ISTHMES NICARAGUAYENS
85Les possibilités des isthmes nicaraguayens, grâce à la lagune et au « desaguadero », notamment, étaient considérables. Il ne semble pas, pourtant, à la différence du Honduras, que ces voies de passage potentielles se soient jamais élevées jusqu’à un rôle appréciable dans l’économie Atlantique.
86Pourquoi ? En raison, vraisemblablement, de la trop grande proximité de l’étranglement panaméen. On a pu être tenté, un moment, de placer deux mille kilomètres plus au Nord-Ouest le passage entre Fonseca et Amatique. Cela impliquait l’utilisation d’une route différente à travers la Méditerranée américaine, le long d’un chemin jalonné par les grandes Antilles depuis Puerto Rico jusqu’à Puerto-Caballos et Amatique, entendez l’adoption par les convois de Terre-Ferme de la route de la Nouvelle Espagne améliorée et écourtée. Pour le Nicaragua, il n’en irait pas ainsi, la voie d’accès ne serait plus que la route traditionnelle de Terre-Ferme alourdie et compliquée.
87La seconde raison est plus importante, encore. La partie Sud de l’Amérique étroite est une terre de pénétration coloniale récente, vide d’hommes — ce qui n’exclut pas une certaine facilité de vie modeste pour ceux qui l’habitent. Le Nicaragua, par exemple, en raison de la chaleur et de l’humidité du climat tropical que ne corrige plus l’altitude est riche en maïs, en coton, voire même en cacao. Nous sommes ici, dans la région de León de Nicaragua, du moins, c’est-à-dire au Nord du grand Lac, à l’extrémité Sud de la grande zone cacaoyère du Guatémala largement entendu. Mais le Nicaragua accessoirement, plus encore le Costa Rica, subissent le handicap de leur position, c’est-à-dire une position frontière à l’extrême limite des zones d’action respectives de deux grands centres de rayonnement de peuplement colonial, la Castille d’Or, le Nouveau Royaume et le Pérou, au Sud, le Mexique au Nord.
88Le Costa Rica est le type même d’une terre fertile, longtemps oubliée parce que trop éloignée du Mexique, trop éloignée des centres de dispersion importants du Nouveau Royaume et du Pérou. Mais une fois de plus — c’est là, selon toute vraisemblance, l’argument essentiel — la colonie a suivi les grandes lignes, ici, d’un proche passé précolombien. Nous entrons à Costa Rica dans le domaine des populations indiennes les moins douées. Dans un espace de luttes et de conflits qui sont antérieurs à la conquête européenne. C’est au début du xve siècle, vraisemblablement, que la colonisation nahualt153 (donc mexica) avait commencé à mordre sur la côte Atlantique du Nicaragua. L’intérieur du pays est le domaine d’un rameau médiocre de la civilisation et du peuplement chibcha. L’histoire précolombienne annonce, donc, d’une manière frappante, les schémas de l’histoire coloniale.
89Le Nicaragua, lato sensu, précolombien s’est trouvé constituer une espèce de no man’s land entre les flots inverses et hostiles de centres différents de peuplement indien. Le choc de la colonisation nahualt venue de la mer avait été, peut-être, responsable du niveau de la population indigène. Quand, en 1523, Gil Gonzalez de Avila prend pied au Nicaragua, il en évalue la population à 500 000 âmes154. Simple ordre de grandeur, bien sûr, vraisemblablement exagéré. On peut le retenir, toutefois. C’est, finalement, assez peu155. Le niveau plus faible de la population initiale n’a pas empêché le choc de la colonisation européenne. Il ne reste plus, en 1570, que des bribes des populations rencontrées par Gil Gonzalez de Avila. Si on se reporte aux évaluations très sûres de Velasco, il ne semble pas qu’il faille accorder au Nicaragua plus de 500 vecinos et quelques 15 000 indiens tributaires : concentrés pour le meilleur autour du grand lac central, cette autre « mar dulce », des Espagnols, soit 150 vecinos dont 100 encomenderos et 5 500 indiens tributaires sur la face Nord, autour de León de Nicaragua, d’une part, 200 vecinos, 6 500 à 7 000 tributaires sur la rive Sud du Lac, autour de Granada d’autre part156. Ailleurs, quelques noyaux de trente à quarante familles de colons et la mention, très peu d’indiens. De 500 000 âmes au moment de la conquête à 60 000-70 000 âmes environ en 1570, le fléchissement de la population en cinquante ans est conforme à ce que l’on peut attendre d’une population globale peu nombreuse,157 c’est-à-dire ici, peut-être, plus fragile, plus sensible au choc158. La faible densité humaine pré-colombienne, en outre159 aura constitué une entrave à l’utilisation sur une grande échelle de l’axe naturel de communications centrée autour de la « Mar dulce ».
LES DEUX NICARAGUAS
90Quand on descend du Guatémala et du Honduras colonial en direction de l’isthme de Panama, on a l’impression d’une vie qui peu à peu se retire. Elle ne reprendra, que l’isthme de Panama franchi, avec le Nouveau-Royaume et ses véritables épaisseurs. Par rapport au Costa-Rica et au Veragua, le Nicaragua constitue, pourtant, un domaine relativement favorisé. Mais une région qui n’a jamais réussi, dans le cadre chronologique du premier Atlantique, à nouer des relations directes avec l’Espagne et l’Europe. Il suffit de se reporter aux indices d’activité du complexe portuaire andalou. En un siècle et demi, trois mentions de jonction directe avec l’Amérique centrale, en dehors du Honduras, une avec Costa-Rica, deux avec Guatémala, rien avec le Nicaragua. Le Nicaragua ne communique avec le reste du monde que par l’intermédiaire d’un cabotage, particulièrement actif, il est vrai. En moyenne, en gros, une dizaine de frégates (entrées + sorties) chaque année, qui vont et viennent entre l’isthme (Nombre de Dios ou Puerto-Belo) et le débouché du desaguadero. Un cabotage, au moins comparable, entre le Realejo, sur la côte Pacifique et les ports voisins, Panama, surtout, sans parler du trafic avec Lima que l’on ose à peine appeler cabotage. L’isolement du Nicaragua est donc tout relatif, mais son rayonnement ne dépasse pas un cadre étroitement américain.
91Il en va, sans doute, un peu, ainsi, parce que le Nicaragua colonial n’a pas trouvé, tout de suite, la bonne fortune d’un produit moteur. Dans les toutes premières années de son existence coloniale — le début de l’occupation remonte à 1523 — aux alentours des années 30 du xvie siècle, le Nicaragua connut une prospérité perlière160, mais sans lendemain. Oviedo en parle, puis on en perd la trace. Velasco, notamment, toujours si attentif, n’en dit rien. Auparavant et conjointement, le Nicaragua avait servi de « carrière à esclaves ». Woodrow Borah, dans son excellente étude161, a retrouvé la trace, à partir du milieu de 1526, d’importantes exportations d’esclaves nicaraguayens en direction de Panama. Le mécanisme en est facilement compréhensible. Il s’agit de trouver la main-d’œuvre nécessaire au terrible passage. Il y a peu d’hommes, vite épuisés à Panama. Realejo est un bon port. Ces transferts brutaux de main-d’œuvre servile auront encore contribué à creuser une sphère de dépression démographique dans la zone du Nicaragua. Panama a ainsi tué dans l’œuf, inconsciemment bien sûr, la concurrence virtuelle de l’isthme susceptible de la concurrencer, physiquement le mieux doué, et géographiquement le plus proche. Les réserves de main-d’œuvre exportable se sont dissipées, plus vite, encore, que les perles. Le cap de la première moitié du xvie siècle franchi, le Nicaragua reste, avec le maïs, le coton, le miel et la cire162, dépourvu d’une production exportable de choc. Le cacao localisé autour de la lagune ne suffit pas comme dans le Sansonate à briser le cercle qui emprisonne l’économie nicaraguayenne et lui interdit de grandes ambitions.
92Il y a, en fait, deux Nicaraguas, un Nicaragua Pacifique et un Nicaragua Atlantique. La frange Pacifique est la plus limitée. Le relief qui court le long de la côte Pacifique, la situation de la lagune du Nicaragua, tout concourt à diviser le Nicaragua en deux zones d’inégale étendue. Le Nicaragua Atlantique s’étale largement sur une épaisseur de 400 kilomètres au Nord, inférieure à 200 kilomètres au Sud, le Nicaragua Pacifique se résume à une même frange côtière de trente à cinquante kilomètres environ. Cette dissymétrie se lit sur la lagune elle-même. Le grand port Atlantique nicaraguayen, Granada, au fond de la lagune — c’est par Granada, dans la proportion de 80 % au moins, que le Nicaragua figure dans les indices d’activité des mouvements portuaires de Nombre de Dios163 — est à 150 kilomètres à vol d’oiseau de l’Atlantique, distance théorique, 300 kilomètres, en fait par la seule sortie possible du « desaguadero », à 60 kilomètres, par contre, de la côte du Pacifique. Et, pourtant, on ne retrouvera pas, il s’en faut de beaucoup, dans la réalité du commerce d’Inde en Inde, cette inégalité des deux Nicaragua.
93La côte Pacifique du Nicaragua bénéficie de bons ports. Elle prolonge la côte guatémaltèque et salvadorienne. Elle bénéficie, surtout, d’un port exceptionnel Realejo. Il éclipse presque totalement les petits ports nicaraguayens de la côte Pacifique. C’est autour de Realejo (La Posesión) que s’est organisée l’énorme activité de découverte à laquelle participe le Nicaragua des dernières années 20 et des années 30 du xvie siècle164. Ce rôle considérable dans la découverte de l’Océan et du Continent, Realejo le doit à ses qualités portuaires ; il le doit, aussi, à ses remarquables chantiers de construction navale, les plus renommés, peut-être, de toute la côte du Pacifique espagnol165, jusqu’au jour où Manille, à l’autre extrémité du plus grand Océan, les supplantera. Malgré son importance, Realejo est une ville très modeste. Velasco lui attribue 30 familles espagnoles, seulement, en 1570166.
94L’importance de Realejo a considérablement varié au cours des temps. Au début, elle est dominante jusque profondément à l’intérieur des terres. Autour de 1570, si on en croit Velasco, c’est par ses cinq ports Pacifique, au premier rang desquels, le Realejo, par l’intermédiaire paradoxal des portages de Nombre de Dios à Panama, que le Nicaragua reçoit la plus grosse part de ses importations d’Espagne167. Cette situation est, a priori, paradoxale. Elle tient aux difficultés d’accès, entre autres, du Desaguadero168. Il en va ainsi, jusqu’à l’extrême fin du xvie siècle. Les comptes fragmentaires que l’on possède de la caisse du Nicaragua169, pour un peu plus de vingt années comprises entre 1573 et 1613 fournissent de précieuses confirmations. Il suffit de suivre, dans les comptes de la caisse du Nicaragua, les séries respectives des almojarifazgos à l’entrée du port de Realejo et à l’entrée du port de Granada170. Realejo totalise 80 %, peut-être, des entrées sur la côte Pacifique du Nicaragua. Granada totalise 80 %, sûrement, des entrées sur la côte Atlantique du même Nicaragua. Comparer, comme il est possible de le faire, grâce aux comptes de la caisse royale du Nicaragua, le mouvement présumé171, en valeur, de Realejo et de Granada, c’est donc comparer le trafic de la côte Pacifique et de la côte Atlantique du Nicaragua.
95Jusqu’en 1593, les entrées à Realejo172 dépassent de 20 à 50 %, au moins, les entrées à Granada. La série couvre, avec des lacunes, la période 1573-1593. Au cours de cette période, la supériorité de Realejo ne subit aucun démenti. Velasco s’en porte garant pour la période exactement antérieure. Jusqu’à la fin du xvie siècle, la plus grande partie du commerce du Nicaragua se fait, donc, par la côte Pacifique. C’est en 1597, pour la première fois, que Granada l’emporte sur Realejo. A partir de 1597, les positions sont généralement inverses et Granada l’emporte sur Realejo, pour une courte période de 1597 à 1605, car à partir de 1606, le rapport redevient normal. Realejo, après une courte défaillance, supplante à nouveau Granada. Dans l’ensemble, la conjoncture longue de Realejo apparaît conforme à la conjoncture globale de l’Atlantique de Séville, dans le laps de temps où on peut la saisir. Morceau de phase longue descendante jusqu’à la fin du xvie siècle, plateau élevé, dans l’ensemble, après un court fléchissement, ascendant de 1597 à 1611. On possède, d’autres moyens, d’apprécier l’importance de Realejo. Mesurer son rôle dans les indices d’activité des mouvements des grands ports de la côte du Pacifique : Lima173, Panama174. A Panama, par exemple, les navires en provenance de Realejo occupent la troisième place dans la seconde moitié du xvie siècle175, après Lima-Callao et Guayaquil, en troisième position176 après le Callao de Lima et Truxillo, pour la première moitié du xviie siècle, en quatrième position pour l’ensemble de la période après Lima, Guayaquil et Truxillo. Realejo n’en aligne pas moins, avec une surprenante constance, 12 % environ des entrées recensées dans le port de Panama. On sera sensible à cette régularité qui s’oppose aux violentes fluctuations qui marquent, par exemple, vus de Panama, les mouvements de Guayaquil et de Truxillo, ses concurrents les plus directs.
96Le Nicaragua Atlantique, dans la mesure où le trafic de Granada est une bonne prise sur lui, se tient légèrement en deçà, malgré sa masse beaucoup plus considérable. Le Nicaragua se place, donc, très exactement, dans le prolongement de l’isthme hondurien-guatémaltèque. Il accentue, si possible, encore, le déséquilibre des deux rivages que l’on a déjà constaté177. Presque toute la vie du Nicaragua se trouve concentrée, en effet, autour de la lagune et de son prolongement, le lac de Managua ; c’est là qu’à peu de distance se trouvent Granada et Santiago de Léon, les deux principales cités de la province. Les terres volcaniques assurent la fertilité. Entre la lagune, ses terres fertiles, son habitat indien lacustre et l’Atlantique, un large espace presque vide qui se termine sur la mer, par la lamentable côte des Moustiques. Par le « desaguadero », l’Atlantique est à 300 kilomètres de Granada, d’une navigation difficile, de l’aveu même de Velasco, accessible, seulement, à des frégates légères. La liaison essentielle, celle qui couvre, pratiquement, tous les besoins du Nicaragua Atlantique est la liaison Granada-Nombre de Dios-Puerto-Belo. On peut la saisir, soit directement, mais par bribes seulement, dans ce qui reste des comptes de la Caisse Royale du Nicaragua178. On notera, par exemple, 27 frégates entrant et sortant du port de Granada en 1597. Il est vrai que le mouvement en valeur nous montre qu’il s’agit d’une année exceptionnelle179. 17 frégates, dans les mêmes conditions en 1598, 22 frégates en 1599, 14 en 1603, 11 frégates pour un exercice à cheval sur 1603 et 1604, 6 en 1605. Dans l’ensemble, le mouvement semble avoir culminé entre la fin du xvie et le tout début du xviie siècle180. La conjoncture longue de Granada calque fidèlement celle de Nombre de Dios-Puerto Belo. Economiquement, Nicaragua-Atlantique et isthme de Panama appartiennent apparemment, au même espace. On peut encore saisir la vie de la grande lagune du Nicaragua paradoxalement Atlantique, à travers le mouvement de Nombre de Dios, puis de Puerto Belo. De 1544 à 1572, un peu plus de cinq frégates en provenance de la lagune (il vaudrait mieux dire le complexe Mar Dulce181, lac de Managua). En 1583, on notera encore aux entrées du trafic-cabotagel182 3 frégates sur un total de 20 frégates183, en 1585, 5 sur un total de 27 frégates184, de juin 1586 à juin 1587,4 sur 39185, en 1588, d’octobre à décembre, 3 sur 17186, en 1591, 3 frégates sur un cabotage à l’entrée de 10 frégates et une nave187, rien en 1595 sur 27 entrées188, toutes frégates de Carthagène en 1596, par contre, 5 frégates de Nicaragua sur 37 bateaux, dont 34 frégates, 1 caravelle et 2 pataches189. En 1597,5 nicaraguayens sur 31190, en 1598.au moment de la grande flambée de prospérité, correspondant au passage dans l’isthme de Nombre de Dios à Puerto Belo, 9 frégates de Nicaragua sur un total de 75 entrées, dont 63 frégates191, en 1599, 4 frégates sur 41 bateaux dont 39 frégates192, 4 encore, en 1600, sur 28 unités dont 25 frégates193. On pourrait poursuivre194 ; on noterait après le fléchissement du début du xviie siècle, une sensible reprise et une très grande constance. En gros, donc, si les avatars du trafic du Nicaragua Atlantique sont ceux, sommairement, de Nombre de Dios-Puerto Belo, dans ses rapports avec l’Espagne — cette constatation prouve indirectement l’étroite dépendance du Nicaragua à l’égard des importations espagnoles de l’isthme — dans l’ensemble, l’importance du trafic nicaraguayen s’accroît, une fois passée la crise des premières années du xviie siècle. En 1637, par exemple, les importations du Nicaragua représentent 30,8 % de la valeur totale des importations américaines (Espagne et Canaries), exclusivement195, 13 % en 1638196.
97Tel se présente, en gros, le Nicaragua, dans l’économie d’échanges. Il ne s’est jamais totalement remis de l’énorme saignée des chocs consécutifs à la conquista. Il reste dépendant de l’isthme, par excellence, et des bases prestigieuses de Panama et de son annexe mouvante de Nombre de Dios ou de Puerto Belo. Aucun danger qu’une concurrence ne s’établisse entre le Nicaragua et le Panama, aucun risque que le Nicaragua ne se pose en concurrent au même titre que l’isthme hondurien guatémaltèque. Le Nicaragua est tellement peu susceptible de constituer un isthme rival, qu’il n’a jamais réussi à souder ses deux rivages. Il y a un Nicaragua Pacifique et un Nicaragua Atlantique qui se tournent le dos. Le Nicaragua Atlantique dépend de Nombre de Dios-Puerto Belo, le Nicaragua Pacifique dépend de Panama. Ils communiquent entre eux, par les portages de Panama, plus, peut-être, qu’ils ne le font directement. Cet effacement des réseaux du grand commerce est plus sensible encore pour le modeste Costa-Rica.
COSTA-RICA
98Tard venu dans l’histoire américaine, Costa Rica constitue comme une excroissance tardive du Nicaragua vers le Sud, dont, aux origines, il se distingue mal. Une première tentative de peuplement venu du Sud, de Panama, échoua. Une seconde, du Nord, sera couronnée de succès, au cours des années 60 du xvie siècle197. En 1573, on en est encore au stade des contrats de découverte198 et la pacification du pays n’est pas terminée, comme en témoigne Velasco, lui-même199. Tout ce qu’on a pu dire du Nicaragua condamné par sa position ambiguë200 au point de confluence de deux vagues colonisatrices arrivées, l’une et l’autre, à bout de souffle, tout ce qu’on a pu dire, à plus forte raison encore201, de la tache d’ombre de la proximité dévorante de l’isthme, par excellence, l’isthme panaméen... s’applique plus encore qu’au Nicaragua, à Costa Rica.
99De l’économie de cette péninsule en construction, on sait peu de choses. Au tout début, au moment de la première occupation durable au cours des années 60 du xvie siècle, un peu d’or, comme partout202. Moins vraisemblablement que, dans les placers du Veragua qui contribueront à valoir à la première région des isthmes le nom de Castille d’Or. Une production vivrière considérable et, en raison du très faible niveau vraisemblable de la population, en partie exportable. La fonction fondamentale du Costa-Rica du premier siècle semble s’être limitée à l’approvisionnement en main-d’œuvre, en vivres, en animaux de bât, de l’énorme portage de Panama. Au xviiie siècle, les mules de Costa-Rica seront justement célèbres203. La nature de cette production explique le volume relativement élevé des échanges entre le CostaRica et l’isthme de Panama, dans la mesure où il est essentiellement pourvoyeur de vivres, donc de pondéreux.
100On retrouvera dans la géographie économique de Costa-Rica, la même opposition, si possible plus accentuée, encore, entre la côte Pacifique et la côte Atlantique. Le premier Costa-Rica est, essentiellement, Pacifique. On peut affirmer, que dans leur quasi-totalité, ses échanges avec le reste du monde sont assurés par les ports de la côte Ouest, entendez Parsa et surtout Nicoya. La côte Ouest est une côte difficile204, c’est la raison, sans doute, pour laquelle, l’admirable golfe de Nicoya y constitue une base d’un prix exceptionnel.
101Que représente l’ensemble portuaire de Nicoya, Parsa et Costa Rica, sans plus ? On possède quelques éléments d’appréciation, soit directement, par les comptes de la caisse du Nicaragua, soit plus sûrement, encore, par la caisse de Panama et ce que l’on peut espérer connaître, par ce biais, du mouvement de Panama. Les entrées des navires originaires de Costa Rica s’élèvent, d’après la Contaduría de Panama205, à 66 unités au cours des 25 années retenues de 1569 à 1600, 24 navires pour 16 ans de 1601 à 1651. Il s’agit, en outre, de tout petits navires, 43 barcos de 1569 à 1600, 7 frégates et 13 barcos de 1601 à 1651. Ces chiffres sont très faibles. Entre deux et trois voyages par an. Juste ce qu’il faut pour faire parvenir dans l’isthme, incapable de s’approvisionner lui-même206, des vivres pour les besoins de la population et des flottes d’Espagne et du Pérou. Costa-Rica les produit d’autant mieux que, avec la réapparition d’altitudes de plus de trois mille mètres, tierras templadas et tierras frias, à nouveau, abondent. Costa-Rica, a, donc, quelques possibilités pour la production des fruits recherchés de la vieille Europe. Il s’agit de pondéreux, étant donné la proximité de Panama, qui permet le transport de marchandises bon marché et encombrantes. Si, en volume, Costa-Rica arrive, encore, à apparaître dans le mouvement de Panama, en valeur ce trafic est à peine perceptible207. On a, ainsi, la preuve qu’il porte presque uniquement sur des pondéreux. On trouvera d’autres preuves dans les quelques bribes que nous possédons de l’almojarifazgo de Nicoya, le plus grand port de la côte Pacifique costaricaine. Comparé à l’almojarifazgo de Realejo, l’épreuve n’est guère favorable. En 1592208 avec 850 pesos 5 tomines, Nicoya l’emporte sur Realejo et Granada, de peu (646 pesos 2 tomines et 533 pesos 4 tomines 6 granos), le chiffre que l’on possède pour 1604-1607 est proprement dérisoire, par contre, 175 pesos 3 tomines.
102A cette médiocre activité de la côte Pacifique, correspond le silence à peu près total de la côte Atlantique. Une seule liaison directe recensée avec le complexe209, pas même un cabotage perceptible. Tout au plus, un souscabotage trop mince pour être reconnu par nos moyens d’approche grossiers. Prolongement encore mal différencié vers le Sud du Nicaragua, Costa-Rica n’est pas beaucoup plus, encore, qu’une promesse fragile pour un avenir éloigné. Une histoire de l’Atlantique de la première modernité pourrait, sans risque grave, l’oublier.
VERAGUA
103Entre l’isthme costaricain et l’isthme panaméen, la masse de Veragua s’interpose. Découverte en 1502, peuplée par des Espagnols à partir de 1508210, elle fait ainsi la jonction entre les isthmes du Nord-Ouest et l’isthme, par excellence. C’est un des éléments les plus anciens de l’antique Castille d’Or211. C’est, sans doute, auxplacers du Veragua que la Castille d’Or doit son nom212. Mais cette prospérité est de courte durée. Il pouvait en être difficilement autrement, d’ailleurs, s’agissant d’une prospérité édifiée sur du métal jaune d’orpaillage. De cette rapide décadence, on possède plusieurs preuves. Le projet souvent et vainement réitéré de repeuplement de la province213. Cette réitération prouve, à la fois, l’ampleur de la chute de la population et la vanité des efforts faits pour y remédier. Elle prouverait, aussi, l’intérêt longtemps porté à une région qui n’en valait, peut-être pas tout à fait la peine, en raison de ses prestiges passés — l’or est infiniment, au-delà de sa vraie valeur, porteur de prestiges — en raison plus encore, peut-être, de sa proximité de l’isthme capital. De ce rapide effacement, on a la preuve, mieux encore, par les bribes de comptes de Veragua que l’on peut trouver pour la période 1559-1584214. Douze frégates touchent le port de Veragua, sur la côte Atlantique au cours de cette période, en provenance de Tolu et du Nicaragua, notamment, entre novembre 1563 et juillet 1564. Il s’agit, tout au plus, d’ailleurs, d’une simple relâche pour des navires qui desservent de vastes morceaux de la côte Atlantique. Un rapide coup d’œil sur la série de comptes conservée de 1559 à 1584 montre que le nombre de ces escales est allé en décroissant d’une manière régulière. Parmi les raisons de cette incœrcible décadence, on peut retenir, mentionnée par Velasco, l’insalubrité du climat215. Veragua ne se distingue pas, sur ce point, de Panama tout proche, sans offrir les correctifs que présente à Panama la route, par excellence... Médiocrité, mieux vaudrait dire inexistence du réseau routier. Les chemins sont si mauvais, de l’aveu même de Velasco216, qu’ils ne sont accessibles ni aux mules ni aux chevaux » en raison des fondrières, des racines et des lianes qui en condamnent l’accès. A la différence du Costa-Rica dont il se sépare, nettement, le Veragua est Atlantique et presque uniquement Atlantique. Il sera rapidement absorbé par l’isthme dévoreur. Le Veragua, à plus d’un égard, c’est déjà l’isthme.
Annexe
ANNEXE. MOUVEMENT DES PRINCIPAUX PORTS DU NICARAGUA (1573-1611)
Notes de bas de page
1 T. VI2, tables 349-356-357, p. 573-579 ; tables 496498, p. 663-664.
2 T. VIII, et T. VIII2bis.
3 T. VI2, tables 496-498, p. 663-664. Le mouvement culmine entre 1606 et 1620. Le renversement de la tendance des Allers et retours et des Retours se place après 1610, celui des Allers, après 1620.
4 T. I et T. VII, p. 92-99.
5 220 à 250 000 km2 d’un espace théorique qui est loin — est-il besoin de le rappeler ? — d’être intégralement occupé par l’homme, bien moins encore saisi par l’économie coloniale.
6 Velasco, op. cit., p. 282.
7 Fray Antonio de Remesal, Historia general de las Indias occidentales, y particular laprovincia de Chiapa y Guatemala (Madrid 1620, in-folio, 6 f. + 784 p.), p. 2 et 3. « Supieron, écrit Remesal, los senores y Reyes de la tierra y Provincias de Guatemala que la ciudad e Imperio de Mexico estavan sugetos al Rey de Castilla ; y de su libra voluntad... », ils viennent faire leur soumission à Cortès.
8 Annexe I, chapitre XIX, p. 960-1007.
9 T. VI2, tables 544-572, p. 690-805 et Appendice, p. 1010-1012.
10 T. VI2, tables 349-356-357, p. 573-579 et tables 496-498, p. 663-664.
11 T. I, p. 280 sq.
12 T. VI2, tables 350-351, p. 574-575.
13 On s’efforce d’en prendre compte, une à une, dans la Conjoncture, (T. VIII2 et VIII2bis). Les années de défaillance complète pour le Honduras correspondent aux années où la Vera-Cruz ne reçoit pas beaucoup plus qu’un aviso et quelques navires « sueltos » (t. VI., tables 330, 332, p. 558-560). Les années où la liaison avec la Vera-Cruz est plus impériale et politique qu’économique.
14 T. VI2, tables 492, p. 659 et 498, p. 664.
15 Cf. ci-dessus, p. 534 sq.., 563 sq..
16 T. VI2, table 435, p, 625 ; table 459, p. 638 et table 496, p. 663.
17 Cf. ci-dessous p. 1013-1039.
18 Cf. ci-dessus, p. 1112-1123.
19 T. VIII2bis, appendice p. 1958-1978.
20 T. VIII2bis, p. 1958-1978.
21 Velasco, op. cit., p. 289.
22 Velasco, op. cit., p. 301.
23 Max Sorre, op. cit., carte, p. 95.
24 Les Philippines et le Pacifique.
25 Cf. Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007.
26 Cf. Annexe I, p. 895-897.
27 I. G. 2537, 8 mars 1651. Le Conseil des Indes rend compte au Roi de l’Asiento conclu par le Vice-Roi de la Nouvelle Espagne avec le Guatemala, sur la contribution de ce dernier au financement de l’armada de Barlovento.
28 Colec. Fera. Navarrete, t. XXVI, fo 67, dto 14.
29 Codoin, Ind. I, t. 14, p. 537-540.
30 Colec. Fernandez Navarrete, t. XIII, fo 151, dto 54 : « Capitulación... de la Audiencia de Guatemala con el capitan Diego Lopez, vecino de la ciudad de Truxillo de la provincia de Honduras para el descubrimiento, pacificación y población de la Provincia de Costa Rica ». Fait à Santiago de Guatemala, le 4 décembre 1576.
31 Cf. ci-dessous, p. 895, p. 896, p. 897.
32 Ct. 5118, 20 octobre 1643.
33 C. Fern. Duro. Disq. V, p. 356-357, Lettre de l’Adelantado Pedro de Alvarado, du 1er septembre 1532 (d’après Colec. Munoz, t. XXIX, fo 139) ; Colec. Fern. Navarrete, t. XV, fo 142, dto 23, 20 novembre 1535, Codoin, Ind. II, t. 10, p. 237-238. On lit dans cette cédule du 6 février 1535 : « Por cuanto somos informado que muchos de los vezinos de la provincia de Guatemala hazen navíos en los puertos de la mar del Sur, para descubrir tierras e islas en la dicha costa y porque esto es cosa de que Dios nuestro Señor sera servido per el ensalçamienlo de su Sancta Fee Catholica, y sería acrecimiento de nuestras rentas y patrimonio Real, por la presente doy licencia y facultad a los dichos vezinos de la dicha provincia de Guatemala para que puedan hazer y hagan en los dichos puertos de la mar del Sur, qualesquier navíos que quisieren y por bien tuvieren. Y mandamos al nuestro gobernador de la dicha provincia y a qualesquiera nuestras justicias dellos que no les pongan en ello embargo ni impedimiento alguno, antes les favorescan y ayuden para ello... ».
34 Les Philippines et le Pacifique.
35 Velasco, op. cit., p. 303-304.
36 Velasco, op. cit., p. 305-306.
37 Velasco, op. cit. : « 17 pueblos » indiens et 4 000 tributaires. « Hubo antiguamente... muchos pueblos de indios, mas de lo que hay agora, los cuales se ocupan en hacer cal, teja, ladrillo y loza y en cazar por los montes unos pajaros de que se sacan plumas de colores, que contratan en otras provincias para hacer las imagenes de pluma que los indios hacen... ».
38 Velasco, op. cit., p. 301 : « Solo un pueblo de espanoles y 33 publezuelos en que debe haber como 2 000 tributarios ».
39 Velasco, op. cit., p. 302 : « Han venido en mucha diminución los indios desta provincia, a lo que dicen, por la vejación y moleslia que se les ha dado con la exacción del cacao : dan los 2 000 indios tributarios que hay en esta provincia 400 cargas de cacao, en cada un año, y cada carga de 24.000 almendras, que es lo que comunmente lleva un indio a cuestas ».
40 Velasco, op. cit., p. 296.
41 Velasco, op. cit., p. 296...va en crecimiento este pueblo cada día por la contralación del cacao ». Quant à la population de Santissima Trinidad de Sansonate, la capitale terrestre (à 26 lieues au Sud-Sud-Ouest de Santiago de Guatemala, 12 lieues de San Salvador et 4 lieues de Acajutla), elle est tout entière très clairement liée, dans l’esprit de Velasco, au commerce du cacao : « 400 vecinos espanoles, mercaderes y tratantes en el cacao y otras cosas, y ninguno dello encomendero... ».
42 Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007.
43 Rodolfo Baron Castro, La población de El Salvador, Estudio acerca de su desenvolvimiento desde la época prehispánica hasta nuestros d'as, Madrid, 1942, in-4°, 644 p.
44 La décadence est, peut-être, même plus précoce que ne le suppose Rodolfo Baron Castro (op. cit., p. 368 sq.) dans son excellente étude : « ...semejante prosperidad agricola no duró mucho. Mediado el siglo XVII la competencia de los cacaos de Guayaquil y Caracas aniquiló la produccion sonsonateca, de manera que los mercados de Espana y Mejico fueron perdiendose poco a poco. Incluso en el mismo reino de Guatemala llegó a venderse cacao guayaquileno, ingresado por el proprio puerto de Acajutla. La exportación, que en épocas bonancibles había llegado a ser en todo el reino de unas 25 000 cargas, por valor de unos 750 000 pesos, bajo hasta ser casi nula en el siglo XVIII... ».
45 Velasco (op. cit., p. 296) attribue au Sansonate (qui signifie 400 rivières en langue indienne), une grosse production agricole diversifiée, mais, en raison d’un climat chaud et humide, dominée par le cacao « ...y es muy fertil de frutos de la tierra y de Espana, y senaladamente de cacao, mas que de otra tierra ninguna, de que se saca por el puerto de Acaxutla..., cada año, en cantidad de 300 000 ducados... ».
46 Velasco, op. cit., p. 296 : « ...no consienten andar ganados dentro de esta provincia en veinte leguas que tendra de contomo, por los cacagualales ».
47 Velasco, op. cit., p. 296 : « y asi se proveen de came de fuera de la provincia... ».
48 « El camino de este pueblo à Guatemala es aspero de sierras y pantanos... » dit Velasco (op. cit., p. 293), à propos du chemin pourtant très animé qui unit Guatemala à San Salvador.
49 Velasco, op. cit., p. 300-301 : « Costa limpia de bajios y peligros y no brava ; navegase en todo este tiempo y siempre costa a Costa... ».
50 Velasco, op. cit., p. 301 : « ...El puerto de la Chaluteca y aunque no es puerto frecuentado de navfos, se reparan en el, y hay aparejo para la fabrica dellos ».
51 Velasco, ibid., p. 301 :..Acaxutla... es el principal puerto de esta provincia, por donde entra y sale toda la contratacion que en ella se hace para Nueva Espana y el Peru ».
52 Cf. ci-dessus, ch. XIX, Annexe I, p. 960-1007.
53 Velasco, op. cit., p. 293 : « Audiencia de Guatemala-San Salvador... la tierra de la comarca es llana, mas caliente que fria ; fertil de maiz que se coge dos veces al año... ».
54 Velasco, ibid., p. 293 :...peu de blé,...beaucoup de coton... « balsamo, mas que en otra parte... liquidambar... y abundancia de los frutos de la provincia y de España... ».
55 Velasco, ibid., p. 292-293. A San Salvador ou « ...Cuzcatlan en lingua de indios... », 150 familles de colons (vecinos) dont 60 à 70 « encomenderos y los demas pobladores y oficiales y en su juridicción... 80 o mas pueblos de indios... » qui comptent, au total, 10 000 familles d’indiens tributaires.
56 Velasco, ibid., p. 293. Ce chemin qui est dit (cf. ci-dessus p. 591, note 146) « ...aspero de sierras y pantanos... aunque se anda bien cen (sic) recuas... ».
57 Velasco, ibid., p. 297. Dans la région, notamment, de San Miguel « ...descubrieronse en su comarca buenas minas de plata... », mais difficiles d’exploitation en raison de l’humidité du climat et des difficultés de communications.
58 Cf. t. VIII2bis, Appendice, p. 1958-1978.
59 Cf. p. 852 et t. VIII2bis, p. 1958-1978.
60 A son propos, Velasco écrit, se référant à la situation autour de 1570 (Velasco, op. cit., p. 283-284) : « ... el temple de todas estas provincias en general conviene en ser caliente y humido por la mayor parte, mas y menos en algunas, y todas casi fertiles de maiz, agí, cacao, miel, cera y frisoles, y dispuesta para trigo en algunas partes, aunque en pocas se siembra... » et un peu plus loin (p. 285) : « algodón, y trigo... en abundancia... en partes templadas ».
61 Velasco, op. cit., p. 285.
62 Velasco, op. cit., p. 285. Velasco, dans son enthousiasme d’Ibérique mangeur de blé, va jusqu’à prétendre à propos du blé, que les indiens le préfèrent au maïs « ...que lo comen los indios de mejor gana que el maiz... » Si c’est vrai — mais l’assertion est difficile à vérifier — il faut imaginer que le blé est revêtu du prestige des dominants. Par contre, l’avantage résultant de l’équilibre n’est pas douteux, il découle de l’atténuation du risque de famine. Ce risque, moindre, nous l’avons vu déjà (cf. ci-dessus p. 802-809) dans les civilisations du maïs que dans les civilisations à blé céréale dominante, diminue encore, quand au maïs s’ajoute un peu de blé : « ...y el trigo,... ayuda a los años pobres de maiz, y el maiz a los de trigo, que por ser diferentes coseclias pocas veces falta todo... ».
63 Cf. ci-dessus, p. 856.
64 Velasco, p. 285 : « ...hay muchas vacas y yeguas de que es la mas ordinaria grangería en esta tierra ; las vacas por la corambre y cueros curtidos al pelo, aunque por estar los puertos lejos es la ganancia poca... ».
65 Cf. t. VII, p. 142-143 et t. VI2, table 710, p. 1015.
66 Velasco, op. cit., p. 285 : « ...Cameros se crían pocos, y asi se traen mas de 3 000 cada año del valle de Guaxaca... ».
67 Remesal, 1620, op. cit., p. 1.
68 Ibid., p. 1 : « ...casi todos los reyes y senores que se estavan sugetos, fueron con grandes presentes a dar obediencia al capitán Fernando Cortés... ».
69 Ibid., p. 5.
70 Ibid. « Y es de notar la carestfa de aquellos tiempos que en un cabildo que se tuvo a los 23 de agosto de 1526, mandaron los Alcaldes que los buevos se vendiessen a real de oro (q. monta cinquenta y seis maravedis...) ».
71 Ibid., p. 39 : « ...entendido que en aquella parte que confina con la Provincia de Santa Marta, que aora se llama la provincia de Venesuela, avía una muy rica tierra, de la qual se podía sacar mucho provecho, por las muchas minas que en ella se avían descubierto... ».
72 Ibid., p. 39.
73 Ibid., p. 170.
74 L’acuité du manque de cadres techniques (Remesal, op. cit, p. 174.) semble avoir affecté très particulièrement, autour de 1540, l’activité des mines.
75 Entendez, pour le meilleur, apparemment, des actes de Cabildo, aujourd’hui, vraisemblablement, perdus.
76 Remesal, op. cit., p. 173 : « ...Lo mas precioso que los vezinos tenian, que era el ganado mayor. Bueyes, vacas, caballos y yeguas... » en butte aux lions et aux chiens.
77 Remesal (op. cit., p. 173) parle en 1540 des extraordinaires ravages d’une « ...gran muchedumbre de ladrones ».
78 Cf. ci-dessus, p. 630-631.
79 Velasco, op. cit., p. 301.
80 Velasco, op. cit., p. 307 : « Los indios del tierapo de su descubrimiento eran idólatras, andaban vestidos, son mentirosos, noveleros, haraganes, y que no curan de tener mas de lo que de presente han menester y asi son muy pobres y desventurados... ».
81 Velasco, ibid. « Los caminos desta provincia son ásperos por el sitio de la tierra que es fragosa y llena de montanas y serranía de muchos ríos malos... en el tiempo de aguas... ».
82 Velasco, op. cit., p. 311.
83 Velasco, op. cit., p. 312 : « El puerto de Truxillo se llama Juan Gil y es muy bueno, aunque no tiene barra sino bahía muerla abrigada de todos los vientos... ». Mais il peut abriter, le cas échéant, une flotte, et son approvisionnement en eau potable est bon.
84 Ibid. « ...y no se descarga en el sino lo que es menester para la ciudad, porque lo demas pasa al Puerto de Caballos... La ciudad de Truxillo, el primer puerto que las naos toman yendo de Espana a Guatemala... quaranta leguas por mar de Puerto de Caballos... ».
85 C’est la raison pour laquelle Trujillo dispose de quelques moyens de défense et qu’il a été en butte, parfois, à des attaques ennemies. Dans la lettre qu’il écrit, le 28 janvier 1634, au large du cap Saint-Vincent, le marquis de Cadereyta (Ct. 5101) rend compte de l’attaque menée contre Trujillo par 7 hourques hollandaises et de la manière dont elles se sont emparées de 7 à 8 pièces d’artillerie et de quelques cargaisons de cuir et d’indigo.
86 T. VI2, tables 349-353, p. 573-576.
87 Remesal, op. cit., p. 31.
88 Velasco, op. cit., p. 310 : « La Villa de San Juan del Puerto de Caballo en quince grados de altura... habrá en el pueblo como veinte casas no mas, que todas casi son de factores de mercaderes y negros de servicio, a causa de que el sitio es muy enfermo y humedo y de muchos mosquitos por estar en playa y muy cerca de montes... ».
89 Ibid., p. 310 : « Y asi los oficiales reales residen en San Pedro, y acuden alli al despacho de los navios... ».
90 Ibid., p. 311 : « ...no hay pueblo de indios ninguno en su comarca por ser tan mal sana... El Puerto es bueno, aunque es habia ascntada entre dos cienagas de montes, y habiendo muchos nortes pueden los navios irse a una laguna, anconada de agua salada... » Velasco, Ibid., p. 301, précise que le Guatemala n’atteint pas directement la côte de l’Atlantique par le Nord, mais qu’il est desservi par un cabotage qui depuis Puerto Caballo3 emprunte le « golfo dulce » : “...Por la parte del norte no alcanza esta provincia costa ninguna, porque no allega a la mar ; pero 40 leguas de Guatemala, en el río que llaman de Golfo Dulce, tiene un desembarcadero que llaman el puerto de Golfo Dulce, donde se descargan las mercaderias de Espana que vienen hasta alli, costa a Costa desde puerto de Caballos... ».
91 Par muletage. On fait beaucoup de mulets au Guatemala pour couvrir les besoins de Puerto Caballos : « ...y las yeguas porque las echan al asno para el bestiaje mular por el aprovechamiento de las arrierías para las mercaderias, que se llevan de puerto de Caballos... ».
92 Annexe II, ch. XIX, p. 1010-1012.
93 Cf. ci-dessus, p. 834 sq.
94 Ct. 5169, lib. 9, fo 295, C.C. au Consejo, 14 avril 1594 : « ...Pedro de Mendoça a echo relacion (au Consejo de Indias) que tiene mucha cantidad para ynviar a la provincia de Honduras y que lo dexa por no aver navios vizcaynos en que fletarlas para yr con esta flota de Nueva España... ».
95 En 1618, à une époque où les signes récessifs, pourtant, commencent à l’emporter, à une époque où la Carrera dispose, par rapport à ses besoins, d’un stock incomparable de navires, la Casa de la Contrataciôn se fait l’écho d’utiles mises en garde. La perte de la capitana et do l’almiranta de Honduras en 1617 sont attribuées à la surcharge, de rappeler, par conséquent, « ...que las naos que ban a Onduras no bayan sobre cargadas... » (Ct. 5172, lib. 15, fo 82 vto, 18 juin 1618).
96 Ct 5172, lib. 15, fo 313 vto-314, 9 novembre 1619.
97 Colec. Fern. Navarrete, t. XXV, fo 80, dto 19. Rend compte d’un raid français sur Puerto Caballos en 1558, cf. aussi Registro del Consejo de Indias, d’après Fern. Duro, Armada II, p. 463.
98 Veitia Linaje (op. cit., lib. 2, cap. 5, § 26, p. 96) rappelle la législation (ordonnance, du 17 janvier 1591 et du 20 juin 1628) qui fixe les modalités juridiques de la formation du petit convoi. Il se trouve, une fois séparé de la flotte commune, ipso facto, placé sous le commandement du plus ancien des maîtres. Il s’agit toujours d’un petit convoi, en moyenne 2 à 5 unités... tout à fait exceptionnellement jusqu’à 9 unités (t. VI2, tables 349-351, p. 573-575).
99 Ct. 5113, lettres du 26 mars 1603 de Juan de Monasterios à la Contrataciôn, du 2 mai 1603...
100 Ct. 5114, Benavides à C.C., le 8 juillet 1615.
101 En 1613 et 1614, la correspondance de la Casa de la Contratación fait valoir que le manque de mercure paralyse la production (Ct. 5171, lib. 13, fo 579,6 novembre 1613 ; Ct. 5172, lib. 14, fo 4646 vto, 14 avril 1614). Mais le manque de mercure (on va rétablir en 1615 les exportations) est autant question de transport que question de production.
102 Ct. 5173, lib. 18, fo 368 vío, 7 décembre 1632.
103 T. VI2, table 351, p. 575.
104 Ct. 5113, San Tomé de la Trinidad, 6 avril 1605, Baltazar de Salcedo.
105 Cf. ci-dessous, p. 881-883.
106 Ct 5113, 6 avril 1605, cf. ci-dessus, note 201.
107 Cf. ci-dessus, p. 866-888.
108 T VI2, tables 496-498, p. 663-564.
109 Rodolfo Barón Castro, La población de San Salvador, op. cit., p. 361.
110 T. VI2, tables 171-172, p. 370-371.
111 C’est-à-dire après pondération pour éliminer le pourcentage légèrement différent des directions et provenances inconues.
112 T. VI1, tables 139 et 143, p. 337 et 341.
113 Cf. ci-dessus, p. 850-852.
114 Cf. ci-dessus, p. 856-858. On pourrait l’établir de beaucoup d’autres manières.
115 Colec. Fera. Navarrete, t. XXI, dto 53, fo 223-261 : « Memorial que dió Juan Garcia de Hermosilla natural de Chiffon al Rey, en Valladolid... 1556 para que se mudase la navegación y derrota de las flotas a los Puertos de Honduras, en lugar de la que se hazla al Nombre de Dios, manifestando los danos é inconvenientes que havóa en la que se hazía en los Reynos de España a las Provincias del Peru por los Puertos de Nombre de Dios y Panama, y las ventajas y comodidades que se seguirían haziendose por los Puertos de Cavallo y Truxillo de la Provincia de Honduras, y el de Fonseca en el Mar del Sur... ».
116 Nous nous sommes contenté d’une source excellente, d’ailleurs, la collection manuscrite Fernandez de Navarrete, constituée, il y a un siècle et demi, à une époque où la conservation des archives était bien meilleure qu’elle ne l’est de nos jours.
117 Colec. Fera. Navarrete, t. XXI, dto 53, 1556, fo 223 : « ... Juan Garcia de Hermosilla... naturel de Chillon, que es en tierra del Marques de Comares (localité proche d’Almaden dans l’âpre Sierra Morena, pépinière de conquistadores)... yo he estado en las dichas vuestras Indias del Peru, y Nueva España, y en Honduras y en la provincia de Guatemala, y Nicaragua, y tierra Firme, y en todas las villas é cibdades é partes donde digo y he residido muchos anos en ellas en servicio de Vuestra Alteza y bien de la Republica y acrecimiento y provecho de sus rentas reales, y descanso, paz, y contentamiento de los vuestros subditos que en aquella partes viven... » Hermosilla prend la parole ici, au nom des intérêts, ceux des Indes qui n’ont pas, à l’en croire, en raison de la distance et des difficultés des communications, l’occasion de se manifester commodément auprès des pouvoirs publics « ... que por ser tan lexos y baber tanta distancia de camino, y ser de agua y alfa mar y tan peligroso el camino no vienen à quexarse de los agravios que reciven... ».
118 Ibid., p. 223 vío : « ... que Vuestra Alteza debre mandar expresamente, que las Naos que salen de la vuestra cibdad de Sevilla para las vuestras Indias del mar Oceano, de particulares y en Flotas, y en Armadas de Vuestra Alteza, y van cargadas y traen los vuestros tesoros, y de particulares, que las dichas Naos que van a Tierra Firme fuese Vuestra Alteza servido de mandar quitar y mudar la derrota y viaje que lleban al Nombre de Dios... ».
119 Ibid., p. 223 vto : « ... y pasallo a Honduras el Puerto y gran Balla (sic) que se dice de Truxillo... ».
120 Ibid., p. 223 vto : « ... Truxillo que es un puerto muy limpio, y muy abrigado (tout cela n’est pas absolument sûr, seule l’expérience d’un emploi sur une grande échelle pourrait le démontrer, mais il est certain que Nombre de Dios n’a aucune de ces qualités, et c’est ainsi, négativement, en quelque sorte, que Juan Garcia de Hermosilla a pu facilement trouver l’oreille du Consejo), y donde no hay broma... » A la différence de Nombre de Dios. Là encore, l'affirmation est, peut-être, un peu rapide dans sa partie positive, très forte, par contre dans sa partie négative, quand le mémoire dénonce avec beaucoup de force les terribles ravages causés par la broma aux navires qui séjournent dans les eaux de Nombre de Dios.
121 Le plus important, incontestablement, au moment où Juan Garcia Hermosilla écrit, comme le prouve clairement les mouvements portuaires (celui, surtout, de Panama) reconstitués en annexe (ci-dessous, ch. XIX, p. 959-1007).
122 Colec. Fern. Navarrete, t. XXI, dto 53, p. 223, vto-224 : « ... y por el dicho puerto de Truxillo y por la tierra de la dicha Provineia de Honduras se pasaren las dichas mercadurias y navegación a la Mar del Sur, para lo llebar a las vuestras Provincias del Peru, como se lleba desde el dicho Nombre de Dios a Panama con grandes costas, que por las mismas y menos, e no con tanto trabajo, y por tierra sana y fresca y saludable y fertil de comida, si llebarían y podrían llebar hasta el parage de San Miguel, que esta junto a la Mar del Sur, que hay distancia de camino de 60 leguas y menos de una mar a otra, de muchos bastimentos, y suficientes caminos y por otras muchas partes en la dicha tierra de Honduras, y de alli se pueden envarcar en navíos pequenos, y en varcos grandes, y llebar las dichas mercadurias por la mar del Sur al Puerto de Realejo que se dice la Posesión... ».
123 Ibid., p. 224 :”... y es villa (... il s’agit du port de Realejo) poblada de vuestros subditos, a donde se hacen muchos navfos, y hay mucha madera para ello, y Maestros oficiales carpinteros que los hacen, y es muy fertil de bastimentos, y ganados, y hay de camino desde el dicho Sant Miguel al dicho Realejo por la dicha mar del Sur 25 leguas de camino que se andan en una noche y un dia... » La rade (« una gran Bahfa y ensenada... ») naturelle de Realejo peut protéger simultanément jusqu’à 500 navires et au milieu de la ville un estuaire profond soumis à la marée utilisable sur plus de dix kilomètres. Ce qui renforce, encore, les possibilités du port en tant qu’abri et entrepôt.
C’est l’estuaire qui facilite la construction navale : « ... por este dicho rfo Estero entran los navios a dar carena con la creciente, y de baxa mar se quedan seco donde sin ninguna pesadumhre, ni gastos de ningun artificio quedan en seco los navios y les dancarena y los vuelven de un lado y de otro como quieren con la creciente y la menguante... » On procède au carénage sur les bords de la rivière en utilisant le flux et le reflux et les arbres qui bordent le rivage. Outre Realejo (où plusieurs navires peuvent être construits et plusieurs récupérés simultanément le long du rivage battu par la marée), toute la côte du Nicaragua présente les mêmes avantages et une grande activité constructrice en raison de l’importance des marées et des bois de cèdre. « En otros muchos Esteros... se hacen otros muchos navfos, porque hay mucha madera de cedro, y otras maderas... buenas para ello... ».
T. VI1, p. 28-29.
124 T. VI2, tables 18-21, p. 178-182.
125 Colec. Fera. Navarrete, t. XXI, dto 53-225 : « ... c asi mismo es muy cierta y mas segura y mas cerca desde la vuestra ciudad de Sevilla al dicho Puerto de Truxillo, que es en las dichas Honduras y es cerca del Puerto de Caballos ; y por aqui se tendra siempre aviso de muchas cosas muy utiles y provechosas al servicio de Vuestra Alteza, las quales y ninguna destas tiene el Puerto y camino del dicho Nombre de Dios... ».
126 Ibid., p. 225 vto-226 : « Iten conviene al servicio de Dios y descargo de la conciencia de Vuestra Alteza que se mude la dicha navegación y derrota, como lo digo y pido, el camino del Nombre de Dios, y se pase a Honduras por las causas dichas, y porque en el Nombre de Dios Panama mueren cada un a ño mil personas christianas, y dende arriba entre hombres y mugeres y niños por ser la tierra enferma en demasia, y la mayor parte de las creaturas que passan por la tierra del Nombre de Dios, para el Peru que van destos vuestros Reynos de Castilla, mueren... » Quant à ceux qui ne meurent pas et semblent résister quelque temps aux rigueurs du climat, ils sortent de l’épreuve débilités et économiquement dépréciés, dirions-nous... A la morbidité s’ajoute l’insécurité. Morbidité et insécurité s’épaulent l’une par l’autre. La défense contre les noirs est d’autant plus délicate que les blancs sont malades. Il y a, en moyenne, sur le chemin de l’isthme de Panama, 500 noirs soulevés « ... que andan en unas sierras muy agras y asperas, y muy montuosas, que se dicen arcabucos y salen a los caminos a saltear las mercadurias, y matan los mercaderes, y los harrieros que las lleban, como parece que el ano pasado de 1554 que mataron 8 hombres, e un hijo de Gonzalo Jorge, mercader y consul en la vuestra Casa de la Contratacion... ». Les nègres marrons poussent, désormais, leurs raids jusqu’aux portes, voire jusqu’au cœur même de Nombre de Dios et de Panama.
127 On trouvera quelques éléments, encore, sur les prix de revient relatifs dans l’isthme de Panama et dans l’isthme de Honduras. Juan Garcia s’efforce de prouver, avec des données qui sont, sans doute, exactes, mais dont le maniement est suspect, que malgré la différence des chemins à parcourir Honduras peut supporter la comparaison avec Panama. Le prix du hétail y est incomparablement plus bas, 3 à 4 fois moins pour les mules, 20 à 25 fois moins pour les chevaux. Cette disparité est à porter au bénéfice de l’altitude qui, au Honduras, à la différence de Panama, corrige le climat tropical. Juan Garcia, il est vrai, oublie volontairement deux facteurs : le handicap de l’altitude qui s’ajoute à celui de la distance, le fait que le prix du bétail n’est pas seulement, facteur de la salubrité et des conditions climatiques en général, mais aussi, de la demande. Si le bétail est beaucoup moins cher au Honduras, cela résulte du fait qu’il n’est qu’un isthme moins fréquenté : « ... Que en el dicho Nombre de Dios y Panama (Ibid., p. 237) vale una Mula o Mulo de requa 300 pesos de oro, que son 360 ducados y en la tierra de Honduras vale 100 y menos, porque nacen y se crian en la dicha tierra, e un caballo vale en cl dicho Nombre de Dios no muy bueno 100 pesos, que son 120 ducados y de Honduras vale 4 a 5 pesos... ».
Le Honduras présenterait beaucoup plus d’agréments et moins de périls pour le transport des hommes. Il suffirait d’acheter un cheval dans un port, le revendre dans l’autre. En huit jours de promenade salubre, l’isthme est franchi. Juan Garcia, plein de rancœurs et d’amères expériences, insiste beaucoup sur le fait que le séjour à Honduras serait pour les hommes, moins coûteux et, à tout prendre, moins dangereux que celui de l’isthme de Panama. Or, ce séjour forcé entre deux flottes, celle de l’Atlantique et celle du Pacifique peut atteindre quatre à cinq mois. Tout cela émeut, tout cela convainc. Le malheur, c’est que l’argumentation est plus stratégique, plus humaine, même, qu’elle n’est économique. C’est pourquoi, sans doute, elle ne l’a pas emporté.
128 Ibid., p. 227 : « ... porque para los dichos Negros no hay tierra enferma como sea caliente donde ellos habiten, como es el dicho Panama y Nombre de Dios, y se espera de los dichos Negros el gran dano que digo... » — Par contraste, Juan Garcia revient souvent sur le caractère d’extrême salubrité des passages hondurien, guatémaltèque, nicaraguayen qu’il préconise (p. 227-227 vto). Dans ces retours au thème positif du début, Juan Garcia est moins convaincant. Il est manifeste, en effet, que des imprécisions subsistent. Le chemin optimal est mal balisé, placé trop à l’est et au sud, les facilités qui sont susceptibles de compenser le handicap du presque quadruplement de la route terrestre, généralement surestimées : par contraste, le Honduras « ...por ser la tierra muy sana y muy fertil de bastimentos y de ganados, bacas, cameros, corderos, y gallinas, y de todo genero de aves... y otras cazas y frutos de Castilla... tambien es asi mismo (Ibid., p. 229) muy sana la Provincia de Nicaragua y dicho puerto del Realejo..., es asi que no les da una calentura a los hombres en muchos anos, porque si muy sana es la dicha tierra de las dichas Honduras... muy mas sana es la de Nicaragua, y Choluteca, que dicen... : hago cierto a Vuestra Alteza que salido de las dichas 10 leguas que hay desde la Mar del Norte, hasta la Villa de Sant Pedro, que es Pueblo de vuestros subditos poblado de todo lo demas hasta entrar en Peru, y en el Peru es mas sano que esta Villa, ni sus comarcas, y toda la Costa de la Mar del Sur azia la parte de la Nueva Espana excepto Panama, todo es asi muy saludable... ».
129 Ibid., p. 232 sq.
130 Juan Garda confie à ccs îles et plus particulièrement à Saint Domingue, un rôle de poste d’observation et de dispersion des nouvelles sur les mouvements de l’ennemi (Ibid., p. 233).
131 Colec. Fera. Navarrete, t. XXI, dto 53, fo 233-233 vto : « ... que dende la dicha tierra de Honduras podría el capitan general de la dicha Flota avisar al Almirante que esta en la Nueva Espana..., de manera que se vengan a juntar entre Yucatan y Campeche y el Cabo de Sant Anton, que es a donde vienen a reconoscer todas las naos de las dichas partes que digo... ».
132 Ibid., fo 235 vto-236 : « ... Ventajas de navíos de 200 toneladas en la navegación de Indias, comparados con las naos de mucho porte... ». Les arguments employés contre les gros navires forment un curieux mélange de sophismes et d’aveux habilement dissimulés. Premier argument, la surcharge des navires compromet leur sécurité et la santé des marins et des passagers : « ... porque las naos que salen de la vuestra ciudad de Sevilla siendo grandes..., lleban mucha gente y les da grandes dolencias y enfermedades, por ir metidas en gran cantidad, adolecen y mueren muchos, y la nao va en gran peligro por ir embalumada con las muchas caxas de muchos pasajeros que lleban, y faltales el agua por ser la gente mucha, y mucha la cobdicia, y echan mucha gente à la mar ». Ce premier argument attribue injustement ou, du moins, avec une part énorme d’exagération aux seuls plus gros navires, ce qui est le propre, en fait, de tous les navires. Ce mal résulte, en effet, d’un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande et du coût élevé intrinsèque des transports. Il tend à masquer, en outre, le second, le vrai argument, celui de l’accès des ports : « ... y por ser las naos grandes peligran a la entrada de los puertos las dichas naos... ».
133 T. VI1, table 13, p. 168.
134 Ibid., p. 252 sq. Quelque chose ne va pas dans la navigation de la Nouvelle Espagne. Il y a perte de gens, de biens et de trésors en raison des « nortes » qui affligent Saint Jean d’Uloa et la Vera Cruz. Panuco est plus proche de Mexico que la Vera-Cruz, il conviendrait d’adopter ce site beaucoup plus au Nord.
135 Colec. Ferri. Navarrete, t. XXI, dto 54, fo 265-279. « Segundo memorial que dió al Rey Juan Garcia de Hermosilla en Valladolid ano de 1556, pidiendole diose su Real cedula para en su virtud hacer la justificación competente, en comprovacion de lo que tenía declarado a S.M. en otro Memorial a cerca de que convenía mudar la derrota que llebaban las Naos que partian para la Prov(inci)a de Tierre-Firme y Navegacion que de alli se hazían al Peru, y pasar por la Provincia de Honduras a los Puertos de Cavallos y Truxillo, y lo mismo de las que hubiesen de yr a la Nueva España y Vera Cruz y Panuco y golfe Dulce, y que fuesen todos a surgir al dicho de Truxillo por ser navegacion mui mas segura y tierra mas firme... ».
Par rapport au premier mémoire, il marque, tout au plus, un léger progrès, dans la mesure où apparaît une vue plus saine de l’isthme... Puerto Caballos et le « golfo dulce » constituaient une meilleure approche que Truxillo trop à l’Est. Un nouvel argument, en outre, purement affectif, la conversion des indigènes du Honduras en serait facilitée.
136 Colec. Fera. Navarrete, t. XXI, dto 55, fo 279. C’est ce document que l’on trouve, soigneusement recopié, dans Colec. Fern. Navarrete, t. XXI, dto 58, fo 289-329. « Interrogatorio de preguntas presentadas por Juan Garcia de Hermosilla a los Jueces oficiales de la Casa de la Contratacion en 25 de mayo de 1558 para la justificacion de lo que propuso en los Memoriales que dio al Rey el ano de 1556... ». Il comprend un interrogatoire très précis et habilement mené, rédigé par Juan Garcia de Hermosilla. Au total, 27 questions et les réponses recueillies auprès d’un certain nombre d’experts. La seconde question est la question fondamentale : la navigation depuis San Lûcar de Barrameda jusqu’au cap Honduras, Truxillo et Puerto Caballos est-elle meilleure que celle de Nombre de Dios ? Beaucoup de questions habilement posées sur le caractère malsain de Nombre de Dios. On ne risque guère, étant donné les opinions qui courent et les tristes expériences dont la Carrera est pleine, de se heurter à quelques démentis. Beaucoup de questions sur le Honduras, Guatemala et Nicaragua, sur les distances respectives des différents isthmes. Enfin des questions très adroites sur les liaisons commerciales qui peuvent, dès maintenant, exister entre le Pérou, l’isthme du Honduras et la Nouvelle Espagne..., autrement dit sur les bases concrètes, dès maintenant, du projet Hermosilla.
137 Colec. Fera. Navarrete, t. XXI, dto 58, fo 295 sq. (interrogatoire du 25 mai 1558). Il s’agit de Juan Barba de Vallecillo Cabeza de Vaca, « gobemador que fue del Reyno de Tierra Firme... ».
138 Ibid,., fo 301 sq., Juan Rodriguez, Piloto, vecino de Triana, Ibid., fo 306 vto sq. Anton Martin de Benavente, le 27 novembre 1558, Alvaro de Colombres ; Ibid., fo 309 vto.
139 Ibid., fo 316 sq., Juan de Escalante ; Ibid., fo 324 sq., Gonzalo Hernández.
140 Ibid., fo 325 sq., Luis Gutierrez, le 20 décembre 1558.
141 Ibid., fo 326 vto sq., Parecer del Licenciado Salgado Correa, 24 janvier 1560.
142 L’impression est d’autant plus forte que les opinions, malgré leur unanimité, quant au fond, s’expriment d’une manière plus personnelle et plus nuancée. Rien d’automatique ou de préfabriqué, rien qui ne soit, somme toute, d’assez bon aloi. Pour un Juan Barba de Vallecillo Cabeza de Vaca, par exemple, l’ancien gouverneur de Terre Ferme, ce qui importe, c’est l’effarante morbidité de l’isthme. A la question 4, sur la mortalité infantile, Juan Barba répond : « ...a tanto que estoy por certificar, que desde que el Puerto se poblo no han llegado 6 a se críar a ser de edad de 25 años... » (Ibid., fo 296)... Et chacun de répondre, suivant l’ordre de ses pensées, de ses préoccupations, ses souvenirs et ses rancœurs.
143 Colec. Fern. Navarrete, t. XXIII, dto 63, fo 436439 : « Memorial que escrivieron a S. M. el Maestre de Campo Juan de Texeda y Bautista Antonelli sobre la mudanza de la descarga de Puerto de Cavellos... ».
144 Veitia Linaje, Norte, op. cit., lib. 2, cap. 5, § 28, p. 97.
145 Ct. 5170, lib. II, fo 124vto-125, 21 février 1606 et Colec. Fern. Navarrete, t. XIII, dto 87, fo 407408 : « Parecer que dieron de orden del Rey a 21 de febrero de 1606 el Presidente de la Casa de la Contratación... a una en el Prior y Consules de la universidad de Mercaderes sobre las ventajas que resultaban de que se mudase la descarga de los navíos de Honduras al nuebo Puerto de Amatique descubierto por el Doctor Alonso Criado de Castilla Governador de las Provincias de Guatemala ». Le nouveau port aussitôt mis en fonction, des accrochages se produisent au large (Colec. Fern. Navarrete, dto 31, fo 230-231, 12 avril 1606, « Primera relaciôn de la Victoria primera, que en el puerto nuebo de Santo Tomas de Castilla tubieron las Naos de Honduras, contra dos Naos, un Patache y 4 lanchas de Corsarios que al dicho Puerto vinieron a los 12 de abril de 1606... »).
146 Veitia Linaje, op. cit., lib. 2, cap. 5, § 24, p. 96.
147 Ct. 5170, lib. II, fo 124 vto, 21 février 1606.
148 Tous les maîtres et pilotes consultés (Ct. 5170, lib. II, fo 124 vto) ont répondu par l'affir mative. Il faut continuer avec Amatique. Il est raisonnable d’agir ainsi, en raison du propre commerce d’Amatique (celui que lui vaut le Sansonate et qu’attestent les statistiques portuaires que nous proposons. Cf. Annexe II, ch. XIX, p. 1010-1012, et de celui que l’on peut attendre d’un détournement d’une partie du trafic du Pérou. Il y a donc retour très net aux positions de Juan García mais repensées, améliorées, intelligemment nuancées également : « ...demas de la mucha contritacion que se tiene por cierto abra dellas al peru y haciendose camino del dicho puerto al de Fonseca que es en la mar del Sur... » La liaison Amatique exutoire de la nouvelle route est, dans la lettre du 21 février 1606, précisée, sans équivoque (Ibid., fo 125-125 vto) : « Amatique... mas a proposito que Cavallos y se escusa mucha costa a las mercaderias porque descargados en el pueblo de Sancto Thomas con facilidad se pueden conducir la tierra dentro por el nuevo camino que sea abierto para Guatemala (c’est nous qui soulignons) y se escusa la segunda embarcation que dellas se hazía en puerto de Cavallos para el golfo dulce de donde se traxinavan con mucho travajo por no poder llegar las requas al golfo por el aspero camino que ay hasta el rancho quemado ni andarse estas tres leguas sino con mulas muy diestras y cursadas en cl y esta dificultad a sido causa que los enemigos ayan hecho alli pressas de consideration... ». Il faudra fortifier Amatique, précisent, enfin, les experts consultés.
149 Mouvement entre le complexe portuaire andalou et le Honduras, considéré, ici, comme réactif de la position hondurienne à l’intérieur de l’économie mondiale. T. VI2, table 498, p. 664.
150 T. VI2, table 498, p. 664.
151 Cf. ci-dessus p. 851. Les pourcentages du mouvement hondurien global par rapport au mouvement global du complexe la Vera Cruz-Saint Jean d’Uloa, sont les plus élevés de 1601 à 1640, entendez après l’ouverture de la nouvelle route, soit de cinq ans en cinq ans, 9,24 %, 9,82 %, 10,6 %, 9,25 %, 11,76 %, 13,1 %, 12 et 10,71 %, aussitôt après le taux de 1551 à 1565, 18,9 %, 19,14 %, 14,82 %, entre les creux relatifs de 1566-1600, 5,25 %, 6,10 %, 7,44 %, 8,43 %, 6,65 %, 7,03 % et 8,24 % et ceux de 1641 à 1650, 2,78 % et 6,1 %.
152 Veitia Linaje, op. cit., lib. 2, cap. 5, § 31, p. 99.
153 Fray Toribio de Benavente (Motolinia), Relaciones, op. cit., p. 14-15. « No he podido bien averiguar cual de estos hermanos fue a poblar la provincia de Nicaragua, mis de cuanto sé que en tiempo de una grande esterilidad, compelidos muchos Indios con necesidad, salieron de esta Nueva Espana, y sospecho que fue en aquel tiempo que hubo cuatro anos que no llovió en toda la tierra ; porque se sabe que en este proprio tiempo por el mar del Sur fueron gran numero de canœs o barcas, las cuales aportaron y desembarcaron en Nicaragua, que esta de Mexico mas de trescientas y cincuenta leguas, y dieron guerra a los naturales que alli tenían poblado y los desbarataron y echaron de su señorío, y ellos se quedaron, y poblaron alli aquellos Nahuales ; y aunque no hay más de cien anos, poco mas o menos, cuando los Españoles descubrieron aquella tierra de Nicaragua, que fue en el ano de 1523... ».
154 Fray Toribio de Benavente, Ibid., p. 15 : « ...en el ano de 1523, y fué descubierta por Gil Gonzalez de Avila, juzgaron haber en la dicha provincia quinientas mil Animas..., muchos se maravillan de ver que Nicaragua sea y este poblado de Nahuales, que son de la lengua de Mexico, y no sabiendo cuando ni por quien fue poblado, pongo aqui la manera (cf. ci-dessus, note 1, p. 884), porque apenas hay quien lo sepa en la Nueva España... ».
155 En effet, ces 500 000, il faut les comparer aux 10 500 000 de Cook et Simpson pour le Mexique humide, compte même tenu des surfaces différentes, cela fait, en gros, une densité trois fois moindre. Que l’on accepte ou non l’évaluation forte initiale de Cook et Simpson. L’évaluation de Gil Gonzalez de Avila procède, en effet, du même mouvement.
156 Velasco, op. cit., p. 318-321-326.
157 Le Mexique humide, par contre, a été protégé par son étendue et par sa masse.
158 Cette position pourra surprendre puisque nous avons invoqué, au Mexique, la densité du peuplement pré-colombien pour expliquer la rapidité de la décroissance du premier siècle de la conquista. Cette contradiction est purement apparente. La forte densité mexica est un élément de faiblesse, non pas en soi, mais par ce qu’elle laisse supposer sur la structure démographique de cette population et ses rapports avec les sois (cf. ci-dessus, p. 802-809).
159 T. VI2, tables 360-361-504-505, p. 580-666.
160 Oviedo, op. cit., t. I, lib. 19, cap. 9, p. 606-607.
161 W. Borah, Mexico and Peru, op. cit., p. 4.
162 Velasco, op. cit., p. 318 et p. 361.
163 VI2, tables 544-572 (n° 49 et 50, pratiquement équivalents, soit Nicaragua pour le desaguadero et Granada), p. 690-805, t. VII, p. 110 et pour la période fin xvie et début xviie siècle, cf. Annexe, p. 895-897.
164 Nombreux documents. On retiendra, par exemple... Colec. Fera. Navarrete, t. XV, dto 20, dto 21, fo 130-136, « El Adelantado Pedro Alvarado al Rey desde el Puerto de la Posesión, et 18 de enero de 1534, dandole cuenta de su partida desde aquel Puerto con el Armada compuesta de 12 velas de 300 toneladas hasta 40, proveydo de todo lo necesario y 450 espanoles, de cavallo, vallesteros, escopeteros y 140 de mar y 200 negros esclavos, y que su derrota sería desde los 13 hasta 20 grados de la otra parte de la linea para descubrir todos los secretos de aquella Mar y Tierra Firme... ».
165 Cf. notamment Woodrow Borah, Mexico and Peru, p. 5.
166 Velasco, op. cit., p. 327 « ...junto a la mar... treinta vecinos espanoles.. pueblo rico por la contratacion que tiene ; esta en tierra caliente, sin trigo como las demas de Nicaragua... y abundosa de la tierra y ganados de vacas y gallinas... de los mas seguros que hay en la mar del Sur... ».
167 Velasco, op. cit., p. 317 : « ...proveese de mercaderías y cosas de Espana, por la mar del Sur, de Panama, y tambien, aunque ni tanto, por Puerto Caballos y por cl Desaguadero, del Nombre de Dios para Granada... ».
168 Velasco, op. cit., p. 322 : « ...desagua esta laguna en el mar del Norte, de la cual dista 30 leguas, y por ella y por su desaguadero se provee toda la provincia de Nicaragua de las cosas que se llevan de Espana al navegaciôn della hasta la mar del Norte no se tiene por muy segura... ».
169 Cd. 984 et 985.
170 Annexe, p. 895-897.
171 Valeurs fiscales, avec les précautions et les réserves préconisées.
172 Annexe I, p. 895-897.
173 Annexe, p. 1137-1169, d’après l’almojarifazgo.
174 Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007.
175 Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007. Pour 25 années de 1569 à 1600, soit sur un total recensé de 664 navires à l’entrée, 263 pour le Callao et la côte voisine du Pérou, 141 pour Guayaquil et 78 pour Realejo.
176 Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007. Pour 16 années de 1601 à 1651, soit un total recensé de 267 navires à l’entrée, 109 pour le Callao et la côte voisine du Pérou, 61 pour Truxillo, 29 pour Realejo.
177 Cf. ci-dessus p. 853-858.
178 Cd. 984, Cd. 985, cf. Annexe, p. 895-897.
179 Cd. 985, 3159 pesos, I tomin de plata corriente.
180 Sans anticiper en « structures » sur des problèmes de conjoncture, on constatera que l’allure générale du mouvement de Granada est assez strictement conforme à celui de Nombre de Dios, entendez que le renversement de la tendance semble légèrement avancé par rapport à la conjoncture globale de l’Océan et plus particulièrement par rapport à celle des mouvements portuaires de la Nouvelle Espagne.
181 Oviedo, op. cit., I, p. 606-607 : « ...la ville de Granada sur la lagune... que les indiens appellent Ayaguabo et les Espagnols, Mar Dulce. »
182 Entendez le trafic avec l’Amérique, d’Inde en Inde, à l’exclusion des entrées en provenance du complexe portuaire, Espagne et Canaries.
183 Cd. 1459.
184 Cd. 1463.
185 Cd. 1463.
186 Cd. 1465.
187 Cd. 1465.
188 Cd. 1467.
189 Cd. 1468.
190 Cd. 1468.
191 Cd. 1469.
192 Cd. 1470.
193 Cd. 1471.
194 Soit encore, 2 nicaraguayens de Granada en 1601,2 frégates, bien sûr, sur 24 bateaux, aux entrées dont 23 frégates (Cd. 1471) ; en 1602, 1 nao du Nicaragua (ce qui exclut, pratiquement, la possibilité qu’elle vienne directement de Granada, sur 37 bateaux, dont 29 frégates et une seule nave, celle-là), Cd. 1471 ; en 1605, 2 entrées du Nicaragua, 1 frégate, 1 barque, sur 25 bateaux, 24 frégates, 1 barque, Cd. 1505, en 1607,2 frégates du Nicaragua sur 33 entrées, Cd. 1473 A ; 3 sur 44 en 1609, Cd. 1474 ;...puis 8 sur 58 en 1626, Cd. 1474 ; 9 sur 28 en 1637, Cd. 1476 ; 5 sur 26 en 1638, Cd. 1477.
195 58,5 % pour Carthagène, 10,7 % pour les autres provenances américaines.
196 80,1 % pour Carthagène, 6,9 % pour les autres provenances américaines.
197 Velasco, op. cit., p. 329 sq., Cf. également, W. Borah, Mexico and Peru, p. 329.
198 C. Fern. Duro, Armada II, p. 472.
199 Velasco, op. cit., p. 330 « ...por no estar la provincia pacifica... ».
200 Cf. ci-dessus p. 885.
201 Cf. ci-dessus p. 889.
202 Velasco, p. 351.
203 Igor Boussel, L’Amérique centrale, Encyclopédie de l’Amérique Latine, Paris, P.U.F. 1954, p. 257. Au xviii siècle, par contre, les plus renommées viennent encore du Nicaragua. Colección de libros y documentas referentes a la historia de América, t. VIII, Relaciones históricasy geográficas de América Central, éd. par Serrano y Sanz, [Madrid 1908, in-8°, lxxx-510 p. Description de l’Audience de 1607, p. 151 : « ...Tambien se crían algunas mulas, pero las buenas para recua traense de Norte y de la villa de los Santos y del pueblo Nuevo, y las mejores de la Contaduria ».
204 Velasco, op. [cit., p. 327. De mai à septembre, des vents violents gênent la navigation : « ...que se llaman... suestes... que suelen ser muy bravos y recios... ».
205 Cf. Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007.
206 Panama, n’a ni grain ni moulin. Elle doit importer ces farines toutes moulues de Panama. Relaciones históricas y geográficas de América Central, Description de l’Audience, 1607, p. 398. Il n’y a pas de moulin à Panama. On importe la farine du Pérou. Elle vaut 10 à 20 renies l’arrobe. Elle se corrompt vite et elle est très dangereuse poux la santé.
207 Annexe I, ch. XIX, p. 960-1007. Mouvement du port de Panama, cf. les années pour lesquelles on a le mouvement valeur présumable, en partant de l’almojarifazgo, cf. 1569, 1570, 1571, 1572, 1580, 1581, 1608, 1626, 1637, 1638, 1651.
208 Annexe, p. 895-897. — Almojarifazgos du Nicaragua, d’après Cd. 985.
209 VI2, table 360, p. 580.
210 Velasco, op. cit., p. 347.
211 Veragua est nommé avec Uraba, dans les capitulations les plus anciennes..., dès 1508, par exemple Codoin Ind. t. 32, p. 25-29 ; p. 2943 ; p. 43-45 ; t. 22, p. 13-26.
212 Velasco (op. cit., p. 348-349) qui se place pourtant à une date tardive, mais il est, peut être, victime des prestiges du passé écrit, à propos de Veragua : « Es la tierra toda lastrada de oro, que se halla en qualquiera parte della que se cave hasta un estado, y cada negro saca por lo menos un peso cada dia, y en todos los ríos y quebradas se hallan buenas minas y nacimientos dello, y el oro llega a la ley... ».
213 En 1534 (Codoin, Ind. I, p. 22, p. 383-406), en 1540 (Codoin, Ind. t. 23, p. 74, d’après C. Fern. Duro, Armada II, p. 459), en 1566 (Codoin, Ind., t. 42, p. 35-37).
214 Cd. 1456, « Cuentas de la Real Hacienda de la provincia de Veragua... ».
215 Velasco, op. cit., p. 347 : « ...humide, chaud, malsain,... moins, toutefois, qu’on ne l’a cru d’abord... ».
216 Ibid., p. 349.
Notes de fin
* Cd. 984, 985.
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