Chapitre XVII. Les isthmes. — Caractères généraux du Tehuantepec au désert Maya
p. 821-846
Texte intégral
1À côté de la Nouvelle Espagne, l’Amérique espagnole n’a jamais connu qu’une autre réussite, le Pérou. Il a, comme la Nouvelle Espagne, soudé, conquis, peuplé, uniformisé. Il faudrait, en toute justice, après avoir cherché le plateau mexica, voler jusqu’aux plateaux andins, étudier, successivement, les deux expériences, dans leurs solidarités et dans leurs dissemblances.
2Mais la réalité n’est pas aussi simple. Entre les îles « Antilles » au Nord-Est, les « îles » de la Terre Ferme à l’Est, la Nouvelle Espagne au Nord-Ouest et le Pérou au Sud, s’étend, imprécise, une terre aux contours mal définis, tissu léger de présences discontinues, le monde des isthmes.
I. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX
3Ces terres s’étendent depuis l’isthme de Tehuantepec à l’Ouest et au Nord-Ouest, jusqu’à une ligne qui vaut, en gros, du delta du Magdalena, au Cap des Courants, suivant un axe Sud-Ouest-Nord-Est. La colonisation espagnole, n’a pas réussi, dans toute notre période, à y mordre profondément. Dans le miroir du trafic de Séville, sa présence est discrète et sa masse, médiocre1. Elle apparaîtra telle, en effet, si on veut bien se souvenir que ni Nombre de Dios/Puerto Belo, ni même Carthagène ne lui sont directement imputables. C’est le Pérou et le Pérou exclusivement, qui anime le trafic de Nombre de Dios/Puerto Belo, et dans une très large mesure, celui de Carthagène, flanc-garde Atlantique de l’isthme. La part de la région des isthmes dans le commerce de Séville se résume donc à peu de choses2 : Honduras, seul point de quelque importance, Campêche, le Yucatan, presque imperceptible, Costa-Rica et Guatemala. Une fois encore, le réactif du commerce espagnol des ports américains est un bon test du volume global de la colonisation. Les isthmes y apparaissent ce qu’ils sont, en réalité, c’est-à-dire, le no man’s land par excellence, une zone vide, presque totalement déserte.
DÉSERT HUMAIN, TERRE DE PASSAGE
4Cette pauvreté résulte, moins, de conditions naturelles que d’une série d’accidents. Le départ brillant de la Castille d’Or, du Veragua, notamment, champ béni de l’orpaillage entre 1510 et 1515, montre, si besoin était, que, même suivant les exigences des structures économiques coloniales anciennes, les terres des isthmes ne sont pas dépourvues de chances. En fait, ces promesses n’ont pas été immédiatement suivies d’effets, parce que ces terres étirées ont été tout entières, dévorées par les océans irrésistibles trop proches et par le poids fantastique du Pérou. Au terme d’une évolution très rapide, les terres qui s’étendent de Tehuantepec au Rio Atrato sont devenues un simple lieu de passage, un obstacle, une gêne, sans que les richesses qui y transitent les aient fécondées. À la limite, on peut assimiler l’histoire des isthmes à celle des îles Antilles. Un départ trop brillant, par Uraba et Veragua, mais sans lendemain, une zone vidée par l’irrésistible sollicitation de l’insoutenable concurrence des terres plus riches. Une chose, au moins, a manqué à l’isthme, le solide substrat humain précolombien qui a tant contribué à la fortune de la Nouvelle Espagne et du Pérou.
5Vide d’hommes, vide relatif de population indienne, vide plus réel de présence coloniale, cela n’entrave pas la principale fonction, la fonction de passage. Elle a fini par se concentrer tellement entre Panama et Nombre de Dios/Puerto Belo, au point faible par excellence de la jonction fragile des deux continents, qu’on a tendance à oublier que la victoire justifiée de Panama n’est pas totale et qu’il y a d’autres isthmes et d’autres osmoses.
6Pourquoi les isthmes ? Le continent nord-américain n’en finit pas de mourir tout au long des trois mille kilomètres qui vont de Tehuantepec à l’Atrato (2 933 kilomètres)3. Il s’étrangle, une première fois, entre le golfe du Mexique et l’océan Pacifique, 197 kilomètres séparent Coatzacoalcos de Tehuantepec, une seconde fois, entre le golfe du Honduras et son prolongement à l’intérieur des terres par « el golfo de Dulce » d’une part, et San Jose, d’autre part, 200 kilomètres environ, une troisième fois et de plus en plus, à partir du lac du Nicaragua et du Desaguadero jusqu’à l’étranglement par excellence des portages du Río Chagre. Cette réduction progressive de l’épaisseur des terres s’accompagnera d’une réduction parallèle du relief, réduction des sommets volcaniques, réduction plus encore, du substratum continental qui porte l’appareil volcanique. Cette réduction de relief, pour des terres comprises entre le 6° et le 22° de latitude entraîne un lourd handicap climatique. Les terres froides et tempérées reculent devant des terres chaudes, exceptionnellement malsaines.
LIMITES
7Ces données sommaires d’une géographie élémentaire sont-elles valables dans la réalité humaine du passé colonial ? Vraisemblablement. Au prix, pourtant, de quelque accommodement.
8Les limites de la zone des isthmes ne cadrent pas avec les frontières politiques de l’Amérique Centrale d’après l’Indépendance, celles, du moins, que nous proposons. Elles ne cadrent pas, non plus, avec les limites juridiques combien imprécises des anciennes administrations. La juridiction du Vice-Roi de Mexico s’étend, théoriquement, jusqu’aux confins de Costa Rica et de Veragua. Celle du Vice-Roi de Lima englobe Panama. La frontière, jamais tracée sur le terrain, est celle de l’ancienne Colombie. Vice-Royaume de Nouvelle Espagne et Vice-Royaume du Pérou (Vice-Royaume de Nouvelle Espagne et Vice-Royaume de Nouvelle Grenade, après le morcellement de 1718) se partagent, donc, théoriquement, d’une manière très inégale, le no man’s land du désert des isthmes. Mais ce partage est au xvie et tout au long du xviie siècle, purement théorique. Puisque dans cet espace presque vide d’hommes il n’y a pratiquement pas d’administration. Les Anglais ont pu, à la fin du xviie siècle, s’installer sur la côte de Belice4 noyau du futur Honduras britannique, presque sans attirer attention et résistance. Le cas rappelle étrangement le peuplement dérobé des petites Antilles par des colonisations concurrentes5.
9Les limites que nous proposons ne trouvent pas leur justification, à l’intérieur même de cette zone, mais en dehors.
1. Nord
10La frontière Nord nous paraît se confondre assez bien avec la route Nord-Sud qui unit Coatzacoalcos à Tehuantepec. Parce que l’isthme de Tehuantepec constitue bien le premier des nombreux isthmes de l’entre-deux Amériques, le seul, même, que Panama n’ait pas totalement éclipsé. Mais surtout, parce que le véritable Mexique se termine là, à ce niveau. A la hauteur de l’isthme, autant qu’on en puisse juger, il y a rupture du peuplement indien et, plus encore, rupture de la densité du peuplement blanc. Bien sûr, la frontière idéale du Tehuantepec n’est pas un bout du monde. On trouve, par exemple, à l’Est de l’isthme, le petit centre sucrier de Chiapa, les terres à blé de San Cristóbal6. Mais rapidement, l’agriculture cède le pas, d’une manière révélatrice, aux terrains de parcours pour élevage extensif. Le choix du Tehuantepec, pour marquer la limite Nord-Ouest de la zone des isthmes est donc, essentiellement, dicté par une rupture de densité du peuplement et d’occupation du sol. Ce n’est pas la région des isthmes qui commence entre Coatzacoalcos et Tehuantepec, c’est le Mexique, la Nouvelle Espagne, stricto sensu, qui s’achève. Réalité profonde et non superficielle, puisqu’elle est vraie encore, dans le Mexique du xxe siècle7. Il existe, encore, de nos jours, deux ruptures de peuplement, l’une court au Nord de l’Anahuac, le long de l’antique frontière du demi xviie siècle, entre indiens sédentaires et nomades, retrouvée par François Chevalier, fidèle, en gros, à la décisive isohyète des 500 mm, l’autre borde l’Oaxaca et longe, en gros, le Tehuantepec. Mieux encore, cette frontière de l’isthme recoupe, en partie, aussi, une frontière linguistique — considération non négligeable, à une époque, où l’hispanisation est à peine commencée. Elle marque la limite des pays d’expression maya.
11Or, la frontière que nous proposons dépasse, très sensiblement, la frontière politique qui a fini par prévaloir, puisque le Mexique a englobé, à l’Est de la ligne Coatzacoalcos-Tehuantepec, le Soconusco, Chiapa, San Cristóbal et la plus grosse partie de l’énorme presqu’île du Yucatan. La frontière à la fin de l’époque coloniale s’est donc établie autour d’un compromis, entre la réalité humaine et l’interprétation politique. Le Mexique n’a pas réussi à retenir tout l’ancien vice-royaume au Sud, mais il a débordé hors de ses limites humainement les plus sûres. Ce compromis cristallise, il est vrai, une situation tardive, celle qui prévalait à la fin des deuxièmes structures coloniales, qui se sont durcies, en partie, dans les cristallisations de l’Indépendance. Cette adjonction de terres aux limites, désormais, traditionnelles de l’Amérique Centrale est considérable. Après l’étranglement du Tehuantepec, le continent s’enfle à nouveau, 860 kilomètres du cap Catoche à la frontière mexicano-guatemaltèque, et c’est plus de 250 000 kilomètres carrés qui s’ajoutent à l’Amérique Centrale politique issue de l’Indépendance.
2. Sud
12Même problème pour la frontière Sud. Les limites politiques du XXe siècle ne conviennent guère. Il nous est apparu impossible, en effet, de dissocier le complexe portuaire de l’isthme de Panama. C’est par lui, sinon pour l’essentiel, du moins pour le meilleur, que le Pérou communique avec l’horizon Atlantique du monde. Or, Carthagène a bien une vie propre, mais cette vie est peu de choses à côté de celle que lui confère la protection de l’isthme. La carte graphique sommaire8 du trafic américain de Nombre de Dios suffit à montrer l’importance des liaisons de Carthagène avec les portages de l’isthme. Non seulement Carthagène est l’avant-port de Nombre de Dios, mais on peut considérer qu’une jonction très ténue entre les deux Océans s’opère, par le canal de Carthagène, le Río Magdalena et les portages entre les vallées du Magdalena, du Cauca et de l’océan Pacifique. Il s’ensuit qu’on peut annexer aux isthmes la masse des terres qui va de Carthagène jusqu’au cap Corrientes, au moins, jusqu’à Buenaventura, peut-être. Si on accepte, pour définir l’espace des isthmes, la solution que nous avons proposée pour la frontière Nord, on retrouvera le noyau dense de peuplement du plateau de Bogota, entre les axes parallèles du Cauca et de la Magdalena, à l’Est de la ligne limite Carthagène, Tolu, Corrientes, Buenaventura.
13La zone des isthmes se trouve, ainsi, comprise entre deux pôles de fort peuplement, le rebord mexicain de l’Oaxaca, le haut plateau dur et dense de Santa Fe de Bogota. Entre ces deux pôles, traversant sans l’effleurer la masse plus ou moins large des terres, les isthmes de Tehuantepec, du Guatemala, de Nicaragua, de Panama, voire de Carthagène au Pacifique par le Rio Magdalena. Mais ces routes qui retiendront trop longtemps, peut-être, notre attention, ne doivent pas dissimuler l’ampleur des terres non effleurées qu’elles laissent de part et d’autre dans leur tracé incertain. Ainsi défini, l’espace des isthmes couvre plus d’un million de kilomètres carrés. Dans le monde des Indes du xvie et du xviie siècles, ces territoire mal saisis rappellent les îles... l’occupation humaine y a, presque partout, battu en retraite après le trop brillant départ des premières décades du xvie siècle. Mais à la différence des îles, leur masse morte loin d’être un facteur favorable constitue une gêne sur la route des Indes véritables du Pérou.
II. — L'ISTHME DE TEHUANTEPEC
14Un obstacle vide d’hommes sur la route du Pérou, la définition ne s’applique pas à l’isthme de Tehuantepec. La position du Tehuantepec, est, en effet, toute particulière. Il appartient, au moins, autant au Mexique colonial ancien qu’à la région des isthmes proprement dite. Sa position est très forte. Et indépendamment même du grand trafic transocéanique, la route de Tehuantepec est nécessairement liée à la vie quotidienne des échanges intérieurs de l'économie mexicaine.
SES CHANCES
15Les chances de l’isthme sont nombreuses.
1. La chance géographique
16Deux cents kilomètres, seulement, du Nord au Sud, un ensellement du relief. Presque toute la route se tient en-dessous de 200 mètres d’altitude, aucun point qui atteigne mille mètres. L’isthme de Tehuantepec est situé, en effet, à la hauteur d’une excroissance de la plaine Atlantique, à la charnière des provinces de la Vera-Cruz à l’Ouest et de Tabasco à l’Est, mais pour sa plus grande partie et jusqu’au Pacifique, sur le bord de la riche province de Oaxaca, le marquisat de Cortès. Zone de transition entre les fortes densités de l’Anahuac et les déserts de l’Amérique centrale, ce morceau d’Oaxaca constitue, il est vrai, la région la moins peuplée9, la moins fertile de la riche province. La vocation de passage de la région est renforcée par le réseau hydrographique. Le Coatzacoalcos déroule ses méandres jusqu’au golfe de Campêche, jusqu’à un embarcadère appelé de son nom, Coatzacoalcos, à l’emplacement, pratiquement, de l’actuel Puerto Mexico. Sur le versant Pacifique, le Tehuantepec descend des montagnes de l’Oaxaca. Sur son cours, à un peu plus de vingt kilomètres à l’intérieur des terres, au fond de la baie, l’excellent port de Tehuantepec.
17La faible distance (200 kilomètres à vol d’oiseau, environ, la plus faible distance, à proximité des fortes densités humaines du Mexique, pour trouver mieux il faut aller deux mille kilomètres plus à l’Est et plus au Sud), la possibilité d’une voie d’eau réduisant considérablement les coûteux portages terrestres10, l’existence de deux débouchés de valeur inégale mais acceptables, la « descarga » pour les marchandises à Coatzacoalcos, sur le versant Atlantique, l’excellent port de baie et d’estuaire, totalement abrité et d’accès relativement facile, de Tehuantepec, sur le versant Pacifique, ont valu à l’isthme d’être envisagé à plusieurs reprises, au cours du xvie siècle, avec des apparences solides de raison, comme le « passage », par excellence, entre les deux océans.
2. Tehuantepec, le « passage » ? Intentions et réalité
18Le premier projet d’utilisation de l’isthme et de sa voie d’eau — la position du Tehuantepec rappelle, étrangement, celle du Nicaragua et de son « desaguadero », de Panama et du Río Chagres — est contemporain de la découverte du pays, il est l’œuvre de Cortès. La plus grande partie de l’isthme dépend, en effet, de sa juridiction11.
19C’est presque immédiatement après sa découverte, entre 1520 et 1540, qu’il faut placer, sans doute, la période d’utilisation maxima de cet axe. Les causes en sont diverses. L’isthme de Tehuantepec ne subit pas encore à un même degré la concurrence de Panama12 .Facteur négatif.
20Facteur positif, surtout, le trafic de l’isthme semble en relation avec la flambée de prospérité des chantiers de Tehuantepec13, prospérité, elle-même liée à la grande activité exploratrice de Cortès, et autour de Cortès, dans la mer du Sud. C’est par l’isthme de Tehuantepec que s’effectue le transport des matériaux de constructions navales provenant des navires démantelés dans le port de la Vera-Cruz. L’activité du Tehuantepec des premières décades n’est pas sans rapport non plus avec le Pérou, avant que ne prévale définitivement le chemin de Panama. En 1539, par exemple, le chemin est utilisé par Hernando Pizzarro, le père de Francisco qui, fuyant Panama, va de Tehuantepec à Coatzacoalcos14.
21Dans la seconde moitié du xvie siècle, Tehuantepec sera, insensiblement, détrôné de son rôle de premier plan et relégué à une position de portée plus restreinte, plus étroitement régionale, dans un Pacifique nord-américain, de plus en plus exclusivement construit autour de Panama et d’Acapulco, mais la pensée politique, le plus souvent, ne suit qu’avec retard les démarches de la réalité. C’est pourquoi la Couronne reprend à son compte le projet de Cortès. L’achat, en 1560, au second marquis del Valle de la juridiction de Tehuantepec contre une rente en maïs et en espèce, n’est pas sans arrière-pensée15, Il s’agit pour la couronne d’être à même d’exploiter, directement, une voie dont on attend beaucoup : l’idée d’utiliser l’isthme, avec le problème de plus en plus lancinant des épices et la recherche d’une route directe en direction des Moluques, est à nouveau dans l’air. En 1573, un long rapport16 adressé au Vice-Roi replace le problème de l’isthme de Tehuantepec dans le large contexte géographique des isthmes. Le problème de la navigation entre l’océan Atlantique et le Pacifique est, peut-être, théoriquement résolu. Il ne l’est pas d’une manière pratique et sur une échelle économiquement valable. Le rapport de 1573 souligne, en effet, avec raison, les inconvénients de la route par le Détroit de Magellan et l’importance qu’il y a pour la Nouvelle Espagne à faire prévaloir une route terrestre qui traverserait son territoire. L’isthme deviendrait, dans le projet du Licenciado de la Madrid, la route des épices. Il ne s’agit, rien moins, que de greffer sur le mince filet d’un transit local, l’énorme artère d’un trafic à l’échelle planétaire17
SON ÉCHEC
22L’isthme promu — en projets, surtout — au rang de passage entre les deux océans, n’était transversalement qu’une route secondaire. Les raisons de son échec s’expliquent aisément. Les inconvénients l’emportent, finalement, sur les avantages.
1. Voie d’eau, mais voie terrestre
23La configuration du réseau hydrographique est moins bonne qu’il n’apparaît, d’abord.
24L’axe Atlantique du Coatzacoalcos est orienté du Sud au Nord. Le Tehuantepec, par contre, coule du Nord-Ouest vers le Sud-Est. La rivière Pacifique ne peut donc, guère être remontée au-delà de Tehuantepec si on veut emprunter ensuite la route fluviale Atlantique. Elle ouvre la voie, par contre, en direction de Antequera de Oaxaca, carrefour, par excellence, des routes de Huatulco à Mexico l’antique chemin aztèque, la route des hommes et désormais, des troupeaux, reliant l’empire des plateaux à l’Amérique « del Mediodía », au-delà de Tehuantepec, par le Soconusco, le Guatemala... et la suite des isthmes. Tout ce système18 routier, qui fait communiquer plateau mexica et Amérique du Sud, se noue à Tehuantepec, à l’embouchure de la rivière du même nom. La puissance même des communications le long de l’axe terrestre fondamental du continent, contrecarre les possibilités d’un axe transversal. L’orientation de la rivière Tehuantepec favorise uniquement les relations du premier type. C’est la raison pour laquelle, malgré l’orientation du Coatzacoalcos, il faut compter cent-dix kilomètres, environ, de portage terrestre, avant et après les périls de la mer... et en outre, plusieurs ruptures de charge.
2. L’impératif du portage
25Mais — toute question d’une géopolitique des routes à grand spectacle mise à part — la valeur technique du chemin se détériore rapidement. Les portages s’usent, plus ou moins rapidement et suivant des modalités qui leur sont propres. Nous verrons ce qu’il advient de Panama19. Ici, le morceau de route terrestre (110 kilomètres) entre les deux tronçons de rivière navigable n’excède pas ce que beaucoup d’échanges sont susceptibles de supporter. D’autant que le relief est modéré, le sol ferme et le terrain facile. Mais le facteur principal, c’est l’homme.
26La route de Tehuantepec longe les noyaux denses de peuplement indien, elle laisse, à l’Ouest, le noyau de l’Oaxaca, dont Antequera est le centre de gravité. Mais à partir de 1560, le dépeuplement accéléré de la région va peser sur ses possibilités. La présence d’une route fréquentée constitue une très rude épreuve pour une population indienne. C’est vrai pour la province de Tlaxcala20 dont la population indienne est ravagée par l’axe la Vera-Cruz-Mexico. C’est vrai pour Tehuantepec. Quant à la province de l’Oaxaca excentrique elle se trouve dans une situation exactement intermédiaire. La route coloniale, en usant les indiens du voisinage, finit par détruire les propres conditions de son existence. Une fois épuisé le stock proche de population indigène, les conditions d’une exploitation rentable sont modifiées. Et c’est alors, après 1560-1570, que le handicap de la distance jouera à plein parce qu’elle se trouve brusquement décuplée par le manque d’hommes.
3. Conditions portuaires
27C’est alors, aussi, que les limites des ports de Coatzacoalcos et de Tehuantepec seront plus sensibles. Ni Coatzacoalcos, une « descarga » parmi des marécages, ni même Tehuantepec, ne sont des ports de tout premier plan. Ouverts aux petits navires de l’exploration et de la conquête, l’accès des galions issus de l’évolution qui pousse le matériel de ligne vers le gigantisme, leur est interdit. Tehuantepec avait été choisi par Cortès en raison de ses aptitudes pour la construction navale. Mais d’accès difficile, à vingt kilomètres de la côte, dans le renfoncement d’un estuaire peu profond, il fut vite supplanté — on l’a vu21 — par Huatulco, mieux protégé et plus facile d’accès, le port, par excellence, des relations entre la Nouvelle Espagne et le Pérou de 1535 à 1575.
28Il résulte de ce glissement, pour le portage de l’isthme, une complication supplémentaire. Tehuantepec n’a pu se maintenir comme port à côté de Huatulco, dont il n’est plus qu’une annexe — après 1575, il sera engagé dans une même relation avec Acapulco — Coatzacoalcos a moins encore, de réalité, dans l’ombre épaisse de la Vera-Cruz-San Juan de Ulúa. Or la route Tehuantepec-Huatulco, c’est, en raison des difficultés du cabotage, souvent une route terrestre, via l’énorme crochet par Antequera. L’axe (mi-fluvial, mi terrestre) Coatzacoalcos-Tehuantepec, devient ainsi, un axe la Vera-Cruz-Coatzacoalcos-Tehuantepec-Huatulco, soit un nombre considérable de ruptures de charges, 7 à 800 kilomètres et non plus 200 kilomètres, comme dans l’hypothèse favorable d’une utilisation au maximum, de la voie d’eau.
29On comprend ainsi, que, dans beaucoup de cas, le passage par Tehuantepec ne puisse supporter la concurrence du chemin de Mexico. L’isthme de Tehuantepec n’a jamais réussi à mordre, sensiblement, au Nord, au détriment du réseau de communications transversales centrées autour de l’antique Tenochtitlán. Le Mexique humide, tout entier, est un isthme aussi bien doué, malgré son épaisseur, en raison du volume naturel de ses échanges et de la densité du peuplement indigène que les isthmes plus étroits mais excentriques de l’Amérique centrale. C’est évidemment entre Mexico et Tehuantepec, que les tensions concurrentielles sont les plus fortes.
4. Les inconvénients de la voie maritime
30Ce sont les difficultés de la navigation le long de la côte Atlantique, aux abords de Coatzacoalcos, comme de la côte Pacifique, aux abords de Tehuantepec qui ont eu, finalement, raison de l’isthme. Les inconvénients de l’approche maritime de ces ports semblent avoir annulé les avantages de la navigation fluviale. Les « nortes » soufflent sur le golfe de Campêche, comme ils le font, dans le golfe du Mexique, à la hauteur de la Vera-Cruz22 à partir de septembre. On a vu l’incidence qu’ils ont sur le mouvement des navires à la Vera-Cruz. Ils condamnent, pratiquement, l’accès de Coatzacoalcos à partir de septembre. Ils soufflent avec une violence au moins égale, sur la baie de Tehuantepec d’autant plus que des dépressions secondaires y font office de foyers d’appel. Des coups de vent soufflent d’octobre à mai et rendent très chanceuse la navigation entre Huatulco et Tehuantepec. C’est pourquoi, il arrive que de Tehuantepec à Huatulco23, il faille recourir à un portage paradoxal par l’Oaxaca.
31Si la jonction avec Huatulco était déjà difficile, la liaison Tehuantepec-Acapulco est plus chanceuse encore. La victoire définitive d’Acapulco sur La Navidad pour les relations transpacifiques et d’Acapulco sur Huatulco pour la navigation méridienne Nouvelle Espagne-Pérou devait achever de diminuer les chances de l’isthme de Tehuantepec. Le licenciado de la Madrid en avait eu, en 1573, la prémonition24 quand il écrit que la réussite de son projet dépend de la fixation définitive de la tête de ligne de la navigation orientale.
5. Mutation des structures. Pondéreux et marchandises de prix
32La décade 1570-1580, marque donc une véritable mutation dans l’histoire de l’isthme. Avant, il assume beaucoup plus qu’une fonction purement locale. Après, il n’est plus animé que par un trafic régional. Dernier argument, enfin, à porter au dossier d’un long procès d’effacement de l’isthme, l’isthme de Tehuantepec semble avoir été plus doué pour un transport de pondéreux que pour le transport d’une marchandise chère, fragile et pressée. C’est pour le transit de pondéreux que Cortès avait jeté son dévolu sur l’isthme de Tehuantepec. Il s’agissait alors d’alimenter les chantiers de construction navale de l’exploration Pacifique à l’aide de la matière première Atlantique, en l’occurrence, les matériaux de récupération des navires démolis à la Vera-Cruz et autour de la Vera-Cruz. Le franchissement de l’isthme de Tehuantepec avec ses innombrables transbordements devait être particulièrement éprouvant, pratiquement, impraticable, par contre, pour la marchandise extrême-orientale, fragile et précieuse.
33L’isthme de Tehuantepec, route éphémère entre les deux océans aux temps héroïques des premières découvertes dans la mer du Sud, devait être ruiné au cours du troisième quart du xvie siècle par les grandes expéditions des Philippines et l’établissement d’une carrière du Ponant. À la fois trop proche et trop éloignée de l’axe central de la Nouvelle Espagne, dont Mexico constituait le pivot, l’isthme ne pouvait être dans les structures du xvie et du xviie siècles que le point de jonction des deux Carreras, celle de l’Atlantique et celle du Pacifique. Ainsi, malgré quelques brillantes tentatives, malgré les espoirs jamais abandonnés, il resta, plus encore qu’un lieu de contacts réduits et un lien entre les deux espaces océaniques, comme avant la conquête, l’antique chemin de terre entre le Nord et le Sud25
III. — CAMPÊCHE ET YUCATAN : LE DÉSERT MAYA
34L’isthme de Tehuantepec est donc resté, en dehors de nos centres majeurs d’intérêt, une voie de communications terrestres. Les routes qui l’empruntent débouchent sur un désert. Tehuantepec participait encore à l’espace mexicain ; avec la zone de Tabasco, de Campêche et du Yucatan, commence, sans ambiguïté, l’Amérique centrale, c’est à dire, au moment de la conquête et plus encore après, une zone vide. S’il y a eu un moment d’échanges relativement importants à l’époque pré-colombienne à travers Tehuantepec, cette période était révolue depuis plusieurs décades et, sans doute, depuis plusieurs siècles, au moment de la conquête, depuis l’auto-effondrement du monde maya.
35Entre l’isthme de Tehuantepec et l’isthme guatémaltèque, la masse du continent s’épaissit à nouveau. Il y a 860 kilomètres du cap Catoche an Pacifique, autant que le continent en mesure au Nord de Mexico. Nous pénétrons dans les ruines de ce qui fut le domaine maya26 : Yucatan, Campêche, Tabasco Chiapas, Guatemala atlantique et Honduras occidental. Des quinze millions d’âmes que compta, peut-être, au moment de ses splendeurs, ce domaine de la civilisation parfaite du maïs, dès avant le débarquement de Cortès, il ne reste presque plus rien. Le processus colonial achèvera de défaire ce que l’usure des sols avait fait, vraisemblablement, dès avant la conquête. Le monde maya offre un autre exemple du rythme d’autosédimentation et d’autodestruction alternées de la population dans l’ordre des civilisations tropicales du maïs. Mais alors que la conquista a effleuré le monde mexicain, lors de la période d’expansion maximale du cycle plusieurs fois séculaire du peuplement, elle l’a touché, ici au creux de la vague. Cette particularité rend compte et du succès de l’aventure espagnole sur le plateau mexica, et de son échec dans le domaine maya. La présence coloniale ayant empêché, à son tour, l’auto démarrage postérieur de la population indienne. Les mouvements portuaires donnent un bon réactif du faible niveau des présences coloniales.
La côte de Tabasco
36À l’Est de Coatzacoalcos, la côte de Tabasco ne figure pas dans les liaisons, directement repérables, de Séville. Elle est zone de transit entre le plateau mexica et l’ensemble côte de Campêche Yucatan27 En 1570, elle apparaît marécageuse et presque vide d’hommes, dans les relevés de Velasco28 quelques Espagnols, 2 000 indiens. Les liaisons qui unissent Tabasco à l’économie Atlantique se font par l’intermédiaire d’un cabotage dont la Vera-Cruz est le centre, soit au rythme à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle, d’un peu moins de dix voyages par an29. Une cédule de 161930 s’efforce de faire couler dans un moule moins anarchique, un trafic officiel ou semi-officiel, dont les modalités s’apparentaient dangereusement à celles d’un trafic « au bout de la pique ».
CAMPÊCHE ET YUCATAN : CAMPÊCHE OU YUCATAN
37De même que la côte de Tabasco se distingue malaisément du Campêche et du Yucatan, la distinction de Séville, entre Campêche et Yucatan, n’est ni sûre ni aisée. Yucatan, l'île de Yucatan, a, d’abord, désigné l’ensemble mal défini de la côte du continent à l’Ouest de Cuba31, point de référence et base de départ de la conquête. L’étymologie32, comme toujours en pareil cas, dans la toponymie de la conquête est incertaine.
1. Imprécision, limites dans l’espace et dans le temps
38Campêche et Yucatan, deux pays vivant en symbiose et dont l’ensemble constitue une unité régionale. Campêche, plus à l’Ouest, c’est le golfe, la côte, la mer. Là se trouvent les ports, Saint-François de Campêche, Champotón (Sisal...), Yucatan, désigne, de préférence, par contre, l’arrière-pays, la presqu’île, ses capitales, Merida, Valladolid... Le Yucatan, axe central, du pays maya, constitue une masse compacte entre deux isthmes, le Tehuantepec prolongé par la côte de Tabasco, à l’Ouest, d’une part, l’isthme Guatemala-Honduras, d’autre part. La masse de la presqu’île du Yucatan s’avance en direction de Cuba et des îles, auxquelles elle s’apparente, étroitement, dans la géographie ancienne. Le Yucatan est bien une île, dans le sens même où le mot est employé également pour la Floride.
39La côte de l’ensemble Yucatan-Campêche est basse33, d’accès difficile et dangereux pour les navires qui sont contraints d’y aborder. Le tribut payé par les convois de Séville est lourd. La carte des pertes le montre34. Ces pertes sont d’autant plus significatives qu’elles portent sur des navires qui ne commercent pas sur la côte, mais se bornent à la longer. Cettre restriction est importante quand on sait la proportion énorme des pertes dues aux manœuvres portuaires. Quand les nortes soufflent en tempête, il arrive qu’ils rejettent les navires des flottes de Nouvelle Espagne sur les « bajos » de Campêche35 Quand les convois sont retardés, ils sont particulièrement exposés36, en raison, précisément, des « nortes ». Cette côte basse ne comporte aucun abri sur : seuls, des navires de petit tonnage peuvent y aborder. Cela ressort clairement de la statistique37 et des textes38. Les navires de plus de deux cents tonneaux doivent rester à deux lieues du mouillage de Santa Maria de Sisal, située à 9 lieues de la ville de Merida, capital du Yucatan.
40En raison de sa proximité de la pointe occidentale de l’arc des grandes Antilles, plus particulièrement de Cuba, la découverte de la côte du Yucatan est ancienne. C’est le premier morceau de la future Nouvelle Espagne, qui soit atteint en 1517, depuis Cuba39. Cette antériorité explique l’assimilation, au cours des premières années, de la Nouvelle Espagne, tout entière40 au Yucatan, cette nouvelle île41. L’ancienneté de cette apparition n’implique pas, il s’en faut de beaucoup, une conquête rapide et facile. Le Yucatan a été placé, presque immédiatement, dans l’ombre de la conquête du plateau mexica. Ce qui explique un procès lent d’occupation, qui contraste avec la rapide annexion du Mexique humide. 1517, premières prises de contact, or, presque dix ans plus tard, en 1526, la capitulation de Francisco de Montejo pour la conquête du Yucatan, datée de Grenade, du 8 décembre, concerne encore les futures découvertes et le futur peuplement des îles de Yucatan et de Cozumel42. L’occupation du pays, autour de 1530, en est toujours des plus lâches, elle ne dépasse pas, apparemment, quelques points mal reliés entre eux. Il en va de même, on s’en souvient, pour la côte des « îles de Terre Ferme ». Le 20 avril 152943, par exemple, Francisco de Montejo demande à l’Empereur la cession du mouillage à l’entrée du Rio de Grijalba. En 1543, l’occupation de l’immense presqu’île (sa superficie n’est-elle pas comparable à celle de la péninsule italienne) n’est pas achevée, puisque le cabildo municipal de Merida donne encore avis à Charles-Quint sur la « conquista de la tierra »44.
2. Une prospérité de « parent pauvre »
41En 1571, des progrès ont été réalisés, les chiffres de Velasco témoignent, en effet, d’une bonne implantation de parent pauvre.
42Quatre « pueblos de espanoles », dont un (Merida) a rang de « ciudad » peuplés par trois-cents familles (vecinos), deux cents « pueblos » indigènes qui rassemblent 60 000 indiens soumis45, entendez 60 000 familles indiennes. Mais ce chiffre est, peut-être, inférieur à la réalité. Ce qui reste du peuplement maya vit du maïs, son dénombrement n’est pas facile. Il y a là comme un volant de peuplement où puiser. En 1616, encore, un rapport de la Casa de la Contratación note le grand nombre d’indiens de cette province46. Ils sont assez facilement utilisables dans un procès d’économie coloniale. D’où un échantillonnage de productions diverses, dont aucun n’arrive, vraiment, à jouer un rôle de premier plan47. Cette dispersion, plus que le manque ou l’insuffisance des indiens, constitue un obstacle au développement économique de la région.
43Velasco porte sur cette population, d’un point de vue purement pragmatique, des jugements favorables, peu enclin, qu’il est, à l’ordinaire, à considérer avec indulgence la population indigène. Les indiens du Yucatan sont, à ses yeux, laborieux, ils ne sont ni voleurs, ni anthropophages, bien qu’ido1âtres48. Peu d’Espagnols, les principaux noyaux de peuplement colonial sont Merida, à l’Ouest, la capitale qui compte 90 à 100 foyers et son port Santa Maria de Sisal, Valladolid, au Sud-Est, qui compte 50 foyers dont 36 d'encomenderos San Francisco de Campêche, 68 vecinos, dont 18 encomenderos, Salamanca, vingt foyers, pour moitié d'encomenderos. Cozumel, enfin, à l’extrémité Nord de la presqu’île, malgré son importance comme point de repère de la navigation, ne compte pas de population blanche49. Une seule ville fait figure de port : Campêche.
44a. Campêche : concentration et niveau du trafic. — Campêche est, en réalité, le port non seulement de la côte occidentale de la presqu’île, à laquelle il donne son nom, mais celui, en fait, de toute la grande péninsule du pays maya. Ainsi s’explique l’apparente anomalie du mouvement du Yucatan avec la péninsule ibérique50, pratiquement inexistant. Un mouvement relativement important s’établit, par contre, entre Campêche et le complexe portuaire51. Mouvement qui met en cause, en moyenne, chaque année, cinq navires environ (à l’Aller et au Retour), au cours du premier quart du xviie siècle, 60 % environ du mouvement dans le même temps du complexe avec Puerto Rico. Simple ordre de grandeur52, empressons-nous d’ajouter. Non seulement, il y a niveau élevé mais niveau ascendant. Le trafic avec Campêche, dans le cadre du Monopole, croît jusqu’à la demi-décade de 1616-1620, c’est-à-dire, plus longtemps que ne le fait la moyenne du trafic.
45Cette prospérité, modeste mais vigoureuse, qui s’apparente à celle des points successivement les plus favorisés des îles de Terre Ferme, serait impensable, si Campêche ne mettait pas en cause beaucoup plus que la simple côte de Campêche, en fait, la presqu’île du Yucatan tout entière. C’est donc, le mouvement de Campêche qui situe, assez bien, le rang du Yucatan dans la vie d’ensemble de l’Atlantique de Séville53. Campêche est le centre d’où se fait le cabotage dans la mesure où il y a cabotage, autour de la côte du Yucatan. En 1620, un rapport de l'Universidad de Mareantes de Séville signale que les navires qui ont abordé au Yucatan peuvent hiverner à Campêche en attendant le retour en compagnie de la flotte. Santa Maria del Sisal n’est qu’un port de décharge, simple exutoire pour les marchandises de Merida54. Le couple Merida, Santa Maria del Sisal rappelant, sur une échelle beaucoup plus réduite, l’ensemble Caracas/la-Guayra, aux xvie et xviie siècles55.
46Les conditions naturelles expliquent cette concentration, presque parfaite, en un seul port, Campêche, qui, assez paradoxalement, assume tout le trafic de la presqu’île, sans que l’on puisse invoquer, d’une manière aussi évidente que pour la Vera-Cruz ou Nombre de Dios/Puerto Belo, une conspiration du relief et des éléments.
47La côte basse, difficile, encombrée de coraux et souvent précédée d’un cordon littoral, limite les sites possibles. L’insécurité n’est pas seulement le fait direct des conditions naturelles. Elle découle, aussi, d’une côte difficile qui repousse l’homme. Le relief karstique et l’absence d’un réseau hydrographique véritable auront agi dans le même sens. L’embouchure des rivières sert, en effet, faute de mieux, de mouillage pour les navires. Même cette ressource fait défaut ici. Velasco, l’avait déjà noté qui écrit : « ...y con no haber en toda la superficie de esta provincia río, fuente ni agua corriente... »56. Les routes terrestres pallient imparfaitement cette défaillance des voies d’accès maritimes. Entre les principaux centres de colonisation, peu de chemins : 50 kilomètres de piste, environ, de Santa Maria del Sisal à Merida. De Campêche à Merida, de Merida à Valladolid, les moyens de communications se sont beaucoup améliorés, note Velasco57, en 1571, tout en restant élémentaires. Cette infériorité, le Yucatan la doit à la nature de son relief. Karst tropical58, certes, karst usé, mais karst, d’abord, la surface du plateau du Yucatan ne présente aucune trace de vallée, mais une surface classique en coupoles et dépressions, avec au fond des dépressions, des étangs épisodiques. Il n’y avait rien, dans un tel cadre, qui pût favoriser l’installation d’un réseau routier même aussi rudimentaire, que ceux dont se contente l’Amérique hispanique coloniale.
48À la différence, enfin des populations mexica ou mieux, encore, incaïque, les Mayas ne léguèrent à la colonie aucun réseau de routes valable. L’isolement des cités mayas souvent décrit par les classiques du précolombien, découle, vraisemblablement, pour l’essentiel, de cette structure physique du plateau calcaire, berceau de la civilisation maya. Cette impossibilité à résoudre le problème de la route terrestre d’une part les difficultés, d’autre part, d’un cabotage de substitution ont pesé lourdement sur le développement du Yucatan colonial. Le miracle, c’est qu’elles ne l’aient pas totalement mis hors de cause.
49Yucatan et son exutoire de Campêche figurent à un rang estimable dans la hiérarchie du grand trafic vu de Séville. Les séries statistiques le montrent59, malgré la récession générale qui, bien que tardive, affecte Campêche comme l’ensemble du trafic officiel de la Nouvelle Espagne..., c’est-à-dire plus tardivement mais plus profondément60. Ce rang estimable subsiste en 1672, dans la pensée très avertie de Veitia Linaje61.
50Mais cette prospérité n’en reste pas moins toute relative. Campêche et le Yucatan n’ont pas réussi, au cours des xvie et xviie siècles, à se tailler une place notable dans l’économie d’échanges. Cela est vrai, à travers les indices d’activité sévillans62, nous venons de le voir. Mais c’est vrai, également, à travers les indices d’activité américains de portée plus limitée. Le mouvement de cabotage des ports de Nombre de Dios/Puerto Belo, par exemple, ou celui de la Vera-Cruz.
51Avec la Vera-Cruz, les courants d’échanges sont appréciables63. Ce trafic a pu atteindre, en certaines circonstances, et tardivement, un niveau assez impressionnant. Au cours des six derniers mois de 1615 — si on prend les exemples les plus favorables — Campêche et San Francisco de Campêche totalisent 16 entrées dans le port de Saint-Jean d’Uloa sur un total de 50 entrées, 2 naves, 13 frégates et une barque, au cours des six preniers mois de 1616, beaucoup mieux encore, 16 entrées, à nouveau, sur 26 entrées seulement au total. Dans l’ensemble, l’étude attentive du mouvement de la Vera-Cruz le montrerait, la part de Campêche, partant du Yucatan dans le trafic de la Vera-Cruz est une part croissante. Pourtant, il y a des points de repère qu’il ne faut pas perdre de vue. En valeur, cette participation reste des plus modestes. Campêche et le Yucatan ne communiquent avec le reste du monde, pratiquement que par deux truchements, celui du commerce officiel de Séville et celui de la Vera-Cruz. Tout incite aux échanges avec la Vera-Cruz : la proximité, la configuration générale des côtes et du relief, le rôle de la Vera-Cruz comme plate-forme relais de la Carrera. D’où quantitativement, une part croissante de Campêche dans le miroir de l’activité portuaire de Saint Jean d’Uloa.
52Et pourtant, dans les six derniers mois de 1615, par exemple64 les exportations en valeur de Campêche et du Yucatan ne dépassaient pas 2,6 % du total des entrées en valeur dans le grand port du Mexique. La part de l’ensemble Yucatan/Campêche dans le mouvement portuaire du Mexique-Atlantique varie considérablement d’une année sur l’autre. Elle est insignifiante, quand la liaison normale avec l’Espagne est assurée par la flotte. Elle est par contre impressionnante, quand pour une raison ou une autre, la flotte n’a pas lieu. Cette position nuancée résume bien celle du commerce de Campêche-Yucatan, minime à l’échelle des échanges intercontinentaux, considérable dans l’ordre des cabotage d’Inde en Inde. En année normale, dans les six derniers mois de 1615, par exemple65, Campêche/Yucatan représente en valeur 2,6 % des entrées et 8,7 % des sorties de la Vera-Cruz (3,3 % pour Campêche, 5,4 % pour le Yucatan). En année exceptionnelle, par contre, quand la flotte d’Espagne n’arrive pas, Campêche apparaît au premier rang de l’activité de Saint-Jeand’Uloa. En 1611, par exemple, 59,8 % des Allers, 40,9 % des Retours66. En 1612 (six premiers mois), 74,7 % du mouvement valeur-entrées mais 0 % des sorties67 (la flotte absorbe presque tout). En 161668, 86,9 % des entrées, en l’absence du convoi d’Espagne, 1,24 % seulement, par contre, des sorties du port, en présence de ce dernier. En raison du caractère tout à fait exceptionnel des années sans flotte les moyennes se tiennent beaucoup plus près des pourcentages inférieurs, avec lesquels elles se confondent pratiquement que des pourcentages supérieurs.
53S’il y a participation de Campêche et du Yucatan au trafic de la Vera-Cruz, ils sont à peu près totalement absents du trafic de Nombre de Dios/Puerto Belo69. Or, cette exclusion de fait est lourde de signification (le Yucatan apparaît, une fois, en 1598, par une patache et une frégate, en provenance de la Villa de Valladolid de Yucatan70, en raison de la proximité relative et de l’importance exceptionnelle des ports Atlantique de l’isthme. Il est évident que les communications sont beaucoup plus faciles entre le Yucatan et la Vera-Cruz plus proche qu’entre le Yucatan et Nombre de Dios et Puerto-Belo71. Cependant cette inégalité flagrante de la participation du commerce du Yucatan dans les deux grands ports de l’Amérique espagnole exprime les limites géographiques très étroites de l’économie de Campêche et du Yucatan, entendez, d’ailleurs, moins pauvreté que paradoxale fermeture. Le Yucatan colonial, malgré ses avatars, demeure, dans ses structures économiques profondes, très conforme à son proche passé maya.
54b. Ressources. — Pendant tout le xvie siècle, le Yucatan colonial est resté étroitement agricole, essentiellement centré sur la production du maïs, c’es-tà-dire l’essentiel de la production maya72. Plus tard, au xviie siècle, seulement, les produits tinctoriaux viendront fournir les bases indispensables d’une économie d’échange. Une chose est certaine les besoins alimentaires de base de la population du Yucatan, Campêche, auront été, grâce au maïs, facilement et abondamment pourvus.
55Cette facilité alimentaire permettra le développement progressif de ressources complémentaires. Au premier rang, les tinctoriaux, cochenille et indigo73 François Chevalier fixe le point de départ de son essor en 1561. Les statistiques de Séville74 en rendent mal compte parce que les tinctoriaux nobles de la presqu’île ne sont pas dissociés, dans nos séries, de la Nouvelle Espagne et, surtout, du Honduras. Il est à peu près certain que le Honduras collecte une partie de la production tinctoriale de la côte orientale de la péninsule. Il est presque aussi sûr qu’une bonne partie de la production tinctoriale de la côte occidentale s’écoule en direction de la Vera-Cruz. C’est ainsi que s’explique l’important courant d’échanges qui unit, on l’a vu, San Francisco de Campêche à San Juan de Ulúa75.
56Le même raisonnement s’applique à d’autres ressources exportables de la péninsule, salsepareille, gaïac, bois tinctoriaux et notamment, une variété de bon bois brésil. Le Campêche n’a-t-il pas associé son nom, d’ailleurs, à une variété de bois tinctorial ? Là encore, à quelques exceptions près76, Campêche et Yucatan s’individualisent mal, mais cela procède davantage d’un appareil portuaire insuffisant et de la trop grande proximité des centres polarisant de la Vera-Cruz, la Havane et Honduras, que d’une infériorité vraie de la production négociable.
57Particulièrement révélatrices de ce processus, les séries des bois tinctoriaux77. On y voit du bois de Campêche exporté, exceptionnellement, de Campêche78, mais la plupart du temps réexporté de ports voisins. La Nouvelle Espagne, au sens de la Vera-Cruz, et la Havane79 semblent jouer un rôle particulier dans cette fonction réexportatrice. S’apparentant assez étroitement aux bois tinctoriaux, le bois sacré, autrement dit, le gaïac — ce sudatif antisyphilitique partiellement abusif entouré d’un respect quasi superstitieux. Le Yucatan en est un producteur notable si on suit Velasco et les sources littéraires. Mais pour le gaïac comme pour les tinctoriaux, la mauvaise organisation portuaire de la presqu’île et la nécessité d’emploi des ports relais masque, dans les statistiques80, la part véritable de cette dernière. Tinctoriaux et gaïac appartiennent à la catégorie des demi-précieux, il en résulte qu’ils parviennent à briser le handicap considérable de l’isolement de la presqu’île.
58Il n’en va pas de même des produits moins nobles, maïs, dont le Yucatan a toujours été riche, qui sert, le cas échéant, d’appoint pour l’alimentation des flottes de la Vera-Cruz, sel, dont le Yucatan est particulièrement riche81, cire et miel82. Ces humbles produits nécessaires à la vie expliquent l’important flux et reflux de petits navires, barques et frégates83, qui joignent par la côte de Campêche et San Francisco du même nom, la péninsule à la Vera-Cruz. Par ce biais, le Yucatan se trouve participer à l'approvisionnement des convois. Il en résulte une position qui ira, très lentement mais sûrement et assez paradoxalement, s’affermissant, au cours du xviie siècle colonial de la grande dépression séculaire, plus vraie, encore, en Amérique que partout ailleurs : « ...es la provincia mas rica de generos y tinta que hay en las Indias.. »84. Cette montée est animée, sans conteste, par les tinctoriaux.
59Ce sont eux qui, tardivement, en partie, en dehors des limites chronologiques du premier Atlantique, ont brisé l’isolement que la nature imposait dans le cadre technique du xvie et du premier xviie siècle, avant la poussée tinctoriale, à la presqu’île. C’est pourquoi, de Séville, le Yucatan est, peut-être, le plus favorisé des « parents pauvres ».
3. Un « parent pauvre » pourtant. Complexe et réalité
60Il n’en est pas moins, d’abord, parent pauvre. Les registres en font foi. Les plaintes analogues85 à celles qu’on recueille partout, sur les lignes secondaires, celles du Honduras, par exemple, malgré ses prestiges relatifs, celles aussi, on l’a vu, du Cabildo de Caracas86. Les étroites colonies du Yucatan sont, subjectivement, du moins, toujours insuffisamment approvisionnées en marchandises d’Europe.
61a. Conditions économiques. — On chercherait, en vain, l’apparition périodique des crises de surapprovisionnement que l’on note avec tant d’acuité en Nouvelle Espagne ou en Terre Ferme87, dans l’axe médian du système. Quelle que soit la conjoncture du moment, l’approvisionnement de la presqu’île comme celui de tous les « parents pauvres », est toujours paralysé par le manque de tonnage. La conjoncture n’intervient que dans la variation de l’intensité du besoin non satisfait. Il en va, ainsi, parce que la Carrière de Campêche et du Yucatan est, évidemment, de moindre attrait et de moindre profit. Tout au long de la correspondance de la Casa de la Contratación, on a relevé des demandes de licences qui n’ont pas abouti88.
62Cet état de sous-approvisionnement finit par engendrer dans les populations coloniales une véritable psychose collective de frustration. À tel point qu’il est difficile dans l’étude des parents pauvres de dégager ce qui découle de cette psychose et ce qui est état de pénurie véritable. Mais psychose ou pénurie véritable des biens d’Espagne — les deux aspects sont indissociables, l’un ne fait qu’exprimer et renforcer l’autre — caractérisent, face au grand commerce Atlantique, la situation du Yucatan, ou de l’un quelconque des domaines sacrifiés de l’espace de la plus grande Méditerranée américaine, en comparaison de la Nouvelle Espagne ou du Pérou. Psychose et pénurie justifient pleinement l’appellation de « parent pauvre ».
63Aux mauvaises conditions économiques, l’absence — avant le triomphe tardif sur une grande échelle des colorants — d’un produit moteur, s’ajoutent, permanentes, les conditions d’un accès difficile.
64b. Conditions naturelles et techniques. — Configuration des côtes, on l’a déjà vu89, pas de véritables ports, à l’exception à peine du mauvais site de San Francisco de Campêche. Cette configuration interdit l’accès aux naves biscayennes d’un emploi courant, à la belle époque, sur les lignes maîtresses de la Carrera.
65Pour aborder Campêche et Yucatan, il faut recourir soit à des hourques à fond plat, tout à fait exceptionnellement (c’est sans doute à cette catégorie qu’appartient, bien que les documents ne précisent pas, le gros matériel des années 80 du xvie siècle90, soit, presque toujours, au classique petit matériel des parents pauvres de la Carrera, pour les liaisons directes avec le complexe portuaire et, à bien plus forte raison, bien sûr, pour le cabotage essentiel Yucatan la Vera-Cruz. Soit l’usage du matériel classique des mauvais petits ports des Indes, avec tout ce que cela comporte d’aléa et d’insécurité. Il arrive même qu’il n’y ait pas d’autre recours que celui des pataches des capitanes et almirantes des convois d'armada.
66La navigation étant particulièrement difficile au Cap Catoche et sur les bancs de Campêche, le plus sûr consiste à rester le plus longtemps possible sous la protection de la navigation collective de la flotte.
67À l’Aller, on restera le plus longtemps possible dans le convoi. Il arrive qu’on ne se résolve pas à s’en séparer avant Saint Juan d’Uloa. Le départ, une fois encore, n’est pas facile à faire de la contrainte et de la fraude91. De toute manière, les navires qui se dirigent vers le Yucatan et Campêche resteront en conserve de la flotte jusqu’aux approches de la Vera-Cruz. Mais la navigation en convoi en direction de la Nouvelle Espagne n’a pas été conçue, naturellement, en fonction du Yucatan, mais en fonction des conditions météorologiques et économiques de l’accès de la Vera-Cruz. Il en résulte que les navires allant au Yucatan avec la flotte de Nouvelle Espagne ne naviguent pas dans les limites saisonnières optimales. Ils sont plus particulièrement handicapés quand la flotte arrive tard. Ou, si on préfère, la tendance à prendre du retard, à dépasser la date d’arrivée optimale — elle constitue un des dangers presque inévitables de la navigation en convoi — est plus grave encore pour les territoires marginaux desservis par la Flotte que pour la Nouvelle Espagne proprement dite. Ce risque ne suffit pas, pourtant, à détourner le plus souvent, la navigation avec le Yucatan et Campêche des avantages du convoi. Pourtant, dès que le convoi prend un retard, ce retard est aggravé pour l’escadrille de Campêche. Il lui reste encore du chemin à parcourir, elle aura, par conséquent, à aborder des côtes dangereuses, bardées de coraux et de hauts fonds avec un risque accru de tempêtes. On retrouve ce même grief, a fortiori, dans la correspondance avec le Honduras. Même bien partie, une flotte de Nouvelle Espagne arrive toujours juste avant le début des « aortes ». D’où quelques demandes de navires « sueltos » partant avant la flotte. Mais la navigation en convoi, pourtant, l’emporte.
68Au Retour, le problème se pose dans des termes peu différents. Les retours, avec crochet par Saint Jean d’Uloa, pour se former en convoi, sont conseillés afin, surtout, d’éviter les corsaires nombreux autour du cap, Catoche. Parfois, pourtant, quand la sécurité semble suffisante, il peut arriver que les navires venant du Yucatan-Campêche92 gagnent directement la Havane pour se joindre au convoi. Là encore les navires de la liaison avec l’Espagne sont coincés par l’impératif météorologique. L’impossibilité ou l’extrême difficulté de joindre la Vera-Cruz ou la Havane en temps de « nortes » commande le peu rentable hivernage à San Francisco de Campêche. Voyages « sueltos » ou voyage en flotte, n’en sont guère moins exposés aux corsaires93.
69c. Corsaires et commerce au bout de la pique. — A la différence de la Vera-Cruz, protégée par la distance, par la densité du peuplement proche et par l’importance de l’enjeu, la côte de Campêche est infestée de corsaires. Elle appartient avec le Honduras à la zone polluée de la mer des Caraïbes. Elle coince le trafic, empêche les arrivages de blé nécessaires aux besoins de la population coloniale, provoque, sinon la disette (grâce au volant de la production locale indienne de maïs), du moins des gênes94 psychologiquement amplifiées par une sorte de complexe obsidional de la colonie-parent pauvre. Elle intercepte, quelquefois, les navires de retour, chargés de cochenille et d’indigo95. Et il faut tenir compte de ce réseau hostile pour comprendre le lent essor de la production tinctoriale de la péninsule. Les hommes ajoutent encore à l’isolement dont les conditions naturelles sont responsables. La présence corsaire déborde l’espace proprement maritime.
70Les corsaires s’attaquent, en effet, au pays lui-même. Ils organisent des razzias sur la côte, mettant à mal le navire de registre annuel en attente à Campêche, s’il est là, équipages et habitants, église et maisons ; les « pueblos » indiens eux-mêmes ne sont pas épargnés. Si le Yucatan est pauvre en mines, « los vecinos, écrit l'Alcalde en 156196, tienen mucho oro y plata ». Cette situation s’explique par la position même du Yucatan, profondément engagé dans l’espace dangereux de la mer caraïbe. Plus encore, par contraste avec la côte de la Vera-Cruz, en raison de la faible densité du peuplement humain de la côte. On est, comme toujours, en présence moins de liens simples de causes à effets que d’interréactions complexes. Si le faible peuplement appelle les corsaires, les corsaires, à leur tour, empêchent un plus fort peuplement. Par le truchement de l’insécurité qu’il crée, le vide appelle le vide.
71La défense, de ce fait, est précaire et la riposte, nécessairement tardive. Il ne faut pas trop compter sur l’aide problématique des navires espagnols qui croisent au large et sur les forces militaires de l’intérieur, entendez, pratiquement, de la seule région de Merida, la capitale. En raison de la distance, de la lenteur des échos à travers des espaces vides d’hommes, cette dernière sera toujours tardive. En 1561, vingt-cinq Espagnols encadrant cinq-mille indiens expédiés de Merida vers la zone menacée arrivent à la côte après le départ des pirates. Qu’une tempête opportune survienne rejetant sur la côte navires, pirates et équipages, en les livrant à la vindicte des habitants, c’est encore le plus sûr moyen, malheureusement purement fortuit, de défense97. C’est évidemment bien peu de choses contre toute la série d’attaques qui déferleront. Attaques françaises vers 1560, puis attaques anglaises, hollandaises. En 1634, après une razzia en Honduras, sept hourques hollandaises munies d’artillerie dérobée à Truxillo passent à San Francisco de Campêche en y saccageant tout98. Le pays est si mal défendu que les Anglais finiront par s’installer à la base sud-orientale du Yucatan, dans la zone de Belice, noyau du futur Honduras britannique, à la fin du xviie siècle, sans entraîner de réactions efficaces de l’Espagne.
72De cet état de choses naît, aisément, le commerce au bout de la pique. Autour de 1600, la salsepareille, ce purgatif — pas une demande de licence qui n’en fasse état — qui constitue une des ressources de la province de Yucatan, faisait l’objet, à Caracas, on s’en souvient, d’un commerce actif entre les habitants et les corsaires99. En va-t-il de même ici ? Nous n’avons pas rencontré de documents ; peut-être, est-ce dû simplement, aux insuffisances d’une recherche trop étendue en surface pour n’être pas superficielle — qui permettent d’établir, d’une manière formelle, la collusion des habitants avec l’ennemi. Faute de preuves, on se contentera de présomptions100. Le ton de l'Alcalde mayor, dans une lettre au Roi relatant l’attaque française de 1561101, laisse à penser qu’une telle éventualité n’est pas radicalement à exclure. Invoquant à honneur le fait que la province a toujours jusqu’ici repoussé les attaques, l'Alcalde n’en rappelle pas moins la précarité d’une victoire dont il ne faudrait pas se hâter de tirer argument ; le hasard d’une tempête, l’aide d’une barque de soldats de Floride passant au large l’ont assuré d’une manière trop fortuite pour qu’on puisse en espérer la réédition facile. Un long « blocus » un grand dénuement chez l’habitant, moins de férocité et de zèle religieux chez l’agresseur et le commerce au bout de la pique serait inévitable.
73On peut être certain qu’il n’a pas été évité. Il importe d’en tenir compte pour ne pas sous-estimer la quelque peu paradoxale croissance d’un pays maya qui semble avoir gardé, en raison de son isolement, de ses médiocres attraits, une assez grande autonomie à l’égard des mouvements les plus spectaculaires de la conjoncture longue.
Notes de bas de page
1 Cf. t. VII, la série « Trafic espagnol des ports américains », p. 92-99.
2 Cf. t. VI2, tables 342-361, p. 568-580 et tables 496-505, p. 663-666.
3 Max Sorre, Le Alexique et l’Amérique centrale, t. XIV, Géographie Universelle, p. 83.
4 José Antonio Calderon Quijano, Belice, 1663 ?-1821, Séville, 1944, in-8°, XIV-504 pages.
5 Cf. ci-dessus p. 474-478.
6 François Chevalier, Les grands domaines, op. cit., carte hors-texte.
7 On se reportera avec profit, malgré son âge, à la carte de Max Sorre (Mexique et Amérique centrale, op. cit., p. 73), expressive, parce que construite suivant la méthode des points.
8 T. VII, p. 110.
9 S. F. Cook and L. B. Simpson, The population of Central Mexico, op. cit., carte hors texte.
10 Woodrow Borah (Mexico and Peru, op. cit., p. 6) parle de 20 lieues de portage terrestre, soit un peu plus de cent kilomètres.
11 W. Borah, Mexico and Peru, op. cit., p. 24.
12 Le triomphe de Panama est lié, dans une certaine mesure, à la mise en place du Pérou. C’est alors et alors seulement que l’avantage de sa position sur Tehuantepec joue pleinement.
13 W. Borah, Mexico and Peru, op. cit., p. 23 et Toribio de Benavente, op. cit., p. 106.
14 W. Borah, Mexico and Peru, op. cit., p. 23.
15 Ibid.
16 Colec. Fern. Navarrete, t. XVIII, dto 9, f° 9 « Discurso del Licenciado de la Madrid dirigido al Virrey de Nueva-España Don Antonio de Mendoza, en el mes de abril de 1573, sobre si desde España navegando por el Estrecho de Magellanes o de los Puertos de Nueva España sería mejor que navegasen las armadas para las Islas de la Especería y Maluco y los demas del Poniente ».
17 Colec. Fern. Navarrete, t. XVIII, dto 3, Licenciado de la Madrid, avril 1573, f° 15 vto. « Puerto o Vaya de Tegüantepeque, quanto viniere de la Especería, se puede llebar desde alli hasta el embarcadero del río de Coatzacoalcos en carros y harrias y desde alli en varias hasta cl Puerto de San Juan de Ulúa donde se embarcara todo en las naos que iran para España... »
18 Ponce de Léon en donne le détail, d’après Woodrow Dorah, Mexico and Peru, op. cit., p. 140, note 17.
19 On peut négliger, ici (cf. ci-dessous p. 908-923) la population indienne insignifiante, l’usure technique de la route est le résultat d’un mouvement de sédimentation des nègres laissés de part et d’autre du chemin lors du franchissement de l’isthme. Ils vont alimenter des maquis qui freinent, ensuite, les communications.
20 S. F. Cook and L. B. Simpson, The Population of Central Mexico, op. cit., p. 47. La population indienne de Tlaxcala, traversée par le fameux « camino de Castilla », passe de 400 000 habitants en 1565, après des réductions massives, déjà, à 59 177 habitants en 1793, dans le même temps, Mexico et sa région passent de 826 672 à 1 043 223 habitants.
21 Cf. ci-dessus p. 797.
22 Cf. ci-dessus p. 696-700 et 721.
23 Cf. ci-dessus p. 829.
24 Colec. Fern. Navarrete, t. XVIII, dto 9 : « ... el inconveniente mas principal que se nos puede poner delante, es no haver acertado hasta agora con la navegación de la vuelta de la Especeria para la Nueva España... »
25 Velasco (op. cit., p. 285) évalue, pour une époque ancienne, avant que le troupeau ait pris son monumental essor, à trois mille ovins, chaque année, la quantité de bétail qui, par l’isthme de Tehuantepec, chemine de l’Oaxaca au Guatemala.
26 S. G. Morley, The ancient Maya, op. cit. et Roland Mousnier, Les Européens hors d’Europe de 1492 jusqu’à la fin du xviie siècle, Paris, C.D.U., 1957, ronéotypé, 335 papes, p. 144-158.
27 Autour de 1537, elle reçut la visite de missionnaires, qui se dirigeaient vers le Campêche Toribio DE Benavente, op. cit., p. 107.
28 Velasco, op. cit., p. 238 : « ... un pueblo pequeño de españoles... solo dos mil indios... tierra llena de esteros, lagunas, pantano y rios... »
29 T. VII, p. 112 ; t. VI2, tables 576-600, p. 814-854.
30 Veitia Linaje, lib. 2, cap. 17, § 42, p. 208. La cédule du 3 mars 1619 interdit que « ... los navíos que llegassen el Río de Tabasco pudiessen descargar en sus orillas sino que desde el navío se llevasse todo a los almacenes ».
31 Veitia Linaje, Norte, op. cit., lib. 2, cap. 13, § 28, p. 166 : « ... Yucatan o por otro nombre Campeche... ». Toribio de Benavente (op. cit., p. 130), en 1541, précise : « ... Este Campeche llamaron los Espanoles, al principio, quando vinieron a esta tierra, Yucatan y de este nombre se llamó esta Nueva España... »
32 Selon Toribio de Benavente (op. cit., 1541, p. 130), repris par Gomara (Historia de las Indias, I, p. 185,1552), le mot Yucatan dériverait de la réponse faite par les indiens aux questions des premiers découvreurs : « Tectetán », « ... nous ne comprenons pas »... L’histoire est trop souvent reprise sous des formes diverses pour ne pas susciter une juste méfiance. Beaucoup plus vraisemblable, par contre, l’étymologie proposée par Bernai Díaz del Castillo (Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, vol. I, p. 69). Le mot Yucatan dériverait de deux mots indiens yuca, la racine du pain « cazabe » et tali, la terre où elle pousse, d’après un article d’Enriqueta Lopez-Lirac. La conquista de Mexico y su problema historiográfico, Revista de Historia de América, no 18, décembre 1944, p. 307-333.
33 « La côte est si basse que les navires s’y perdent... » Ct. 1099, 1593, registre Hernando Guerra, flotte de Marcos de Aramburu, demande de licence pour un navire de « menos porte ». Cf. t. III, p. 515, note 65.
34 T. VII, p. 120-121 et t. VI bis, table 664, p. 970-971.
35 Ct. 5105, 13 octobre 1571, Cristóbal de Eraso à C.C.
36 Cela se vérifie, statistiquement, par la répartition saisonnière des pertes, t. VI2, table 664, p. 970-971.
37 T. VI2, tables 345-348, p. 570-572.
38 On lit un peu au hasard de la correspondance de la Casa de la Contratación des textes comme celui-ci (Ct. 5172, lib. 14, f° 299 vto-300, 24 mai 1616), à propos des difficultés de la côte du Yucatan : « de que se siguen ynconvenientes y riesgos respecto de ser la costa de aquella provincia vaja sin que aya en ella parte donde los nabíos tengan abrigo seguro ni pueden surgir aunque no Scan de mas de cien toneladas sino es una legua desviados de tierra especialmente en la parte de Santa Maria de Zisal que es la derecha descarga por estar 9 leguas de la ciudad de Yucatan que es la cabeza de la dicha provincia y de los nabíos mayores han de surgir 2 leguas y mas a la mar con gran riesgo de perderse con qualquier temporal y assi los descargan con tanta prissa que dize es impossible tener la quenta que conviene para cobrar los derechos reales... »
39 Velasco, op. cit., p. 247.
40 T. VI2, table 358, p. 580.
41 Protocolos, V, p. 363, contrats du 4 mars 1524, f° 224 vto, du 5 mars 1524, f° 227, etc. où il est question des « ... vecinos de Nueva España que esta en el Yucatan... »
42 Codoin, Ind. I, t. 22, p. 201 sq. Même expression, en outre, dans une « Información » du découvreur Francisco de Montejo sur les terres à découvrir (Codoin, Ind., 19 novembre 1526).
43 Codoin, Ind., I, t. 13, p. 86-91, la Vera-Cruz, 20 avril 1529, Francisco de Montejo à Charles-Quint.
44 Codoin, Ind., I, t. 13, p. 227-235.
45 Velasco, op. cit., p. 247.
46 Ct. 5172, lib. 14, f° 299 vto-300, 24 mai 1616.
47 Velasco, op. cit., p. 249. Beaucoup de maïs vivrier, pas de blé, par contre,... du coton dont la production indigène locale tire beaucoup de « mantas », de la cochenille, de l’indigo, de la soie, des « morales, un palo que da siete colores,... brasil, zarzaparilla y guayacán... » Peu de mines ; du sel, du miel, de la cire, par contre.
48 Velasco, op. cit., p. 249 : « ... no hurtan ni comen came humana, aunque eran grandes idólatras y cultores del demonio... »
49 Velasco, op. cit., p. 250.
50 VI2, tables 502-503, p. 666.
51 T. VI2, tables 499-501, p. 664-665.
52 T. VII, p. 92-99.
53 Rappelons le caractère très partiel de l’indice d’activité du trafic direct avec le Monopole, sur des côtes où le cabotage et la fraude risquent de jouer un grand rôle. Sa signification est relative. Elle donne, ce qui importe, l’ordre de grandeur, une position dans les hiérarchies du Monopole.
54 I.G. 2009, 31 janvier 1620.
55 Cf. ci-dessus p. 631-634. 638-641.
56 Velasco, op. cit., p. 249.
57 Velasco, op. cit., p. 250.
58 Max Sorre, op. cit., p. 68.
59 T. VI2, tables 545-398, p. 570-572 ; tables 499-501, p. 664-665.
60 T. VII, p. 98-99.
61 Veitia Linaje, lib. 2, cap. 13, § 28, p. 166.
62 Cf. ci-dessus, p. 836-837, note 1, p. 837 et note 6, p. 834.
63 T. VI2, tables 576-590, p. 814-S49 ; t. VII, p. 112-113.
64 T. VI2, table 588, p. 844.
65 Ibid., p. 844.
66 T. VI2, tables 586-586 A., p. 836.
67 T. VI2, tables 587-587 A., p. 840.
68 T. VI2, tables 590-591, p. 848.
69 T. VI2, tables 544-572, p. 690-805 et Appendice ci-dessous, p. 1010-1012.
70 Cd. 1469.
71 D’autant que le grand port — le port presque unique du médiocrement maritime Yucatan — se trouve être San Francisco de Campêche à la racine Sud-Ouest de la presqu’île. Le trafic pour atteindre Nombre de Dios Puerto Belo, à moins d’emprunter la rade médiocre de Valladolid, doit contourner la péninsule. Handicap supplémentaire.
72 Velasco, op. cit., p. 249 : « dase bien el mais encima de fa laja y es muy fertif en otras semillas... de España... » Pour le blé, par contre, la graine pourrit, en raison de l’humide chaleur. Les fortes précipitations tropicales de la saison chaude d’avril à octobre, facilitent, par contre la production du mais.
73 François Chevalier, Les grands domaines, op. cit., p. 87.
74 T. VI2, p. 980 sq. et t. VII, p. 142-143.
75 T. VI2 tables 576 à 591, p. 814-848, nos 26 et 27, tableaux des entrées, nos 10 et 11, tableaux des sorties.
76 T. VI2, table 734, p. 1027.
77 T. VI2, tables 680-698, p. 996-1001.
78 T. VI2, table 688, p. 999.
79 T. VI2, tables 687-689, p. 999.
80 T. VI2, tables 736 à 744, p. 1027-1029 et plus particulièrement, table 744, p. 1029.
81 Velasco, op. cit., p. 153.
82 Velasco, ibid. Le Yucatan est riche, aussi, en étoffes grossières, mantas, produits d’une petite industrie.
83 Cf. ci-dessus, p. 709-711,.. p. 839.
84 Osorio, op. cit., I, 686, p. 153.
85 Tomes II à V.
86 Cf. ci-dessus p. 643.
87 T. VIII2 et t. VIII2 bis.
88 T. IV et V, notamment cf. Ct. 5170, lib. 11, f° 292,14 août 1607, demande de deux navires de « menos porte », Ct 5172, lib. 14, f° 299 vto-300, Ct 5175, lib. 21, f° 187 vto-188, 8 novembre 1639.
89 Cf. ci-dessus, p. 834-835.
90 T. VI2, table 345, p. 570.
91 En période de contraction, notamment, quand il y a queue dans le Rio, il peut arriver qu’on obtienne plus facilement licence pour un « parent pauvre » que pour la Nouvelle Espagne. Or, il est d’observation courante que les « parents pauvres » reçoivent moins de navires qu’on ne leur accorde de licences à Séville.
92 Ct. 5172, lib. 15, f° 312-312 vto, 5 septembre 1619.
93 I.G. 2009, 31 janvier 1620.
94 On pense à Caracas, Cf. Codoin, Ind. II, t. 13, p. 244-263.
95 À titre d’exemple, on peut rappeler, notamment, Ct 5172 lib. 12, 5 septembre 1619 : un navire en 1618, un autre en 1619, sont interceptés avec leur cargaison de « grana », respectivement, 400 et 300 @. En 1648, Gregorio Martin de Guijo, dans son Diario (p. 5), note la prise d’une frégate allant de Campêche à la Vera-Cruz et qui transportait, d’après lui, une cargaison de 100 000 pesos.
96 Codoin, Ind. II, t. 13, p. 244-263.
97 Codoin, Ind. Il, t. 13, p. 244-263.
98 Ct. 5101, Cadereyta à C.C., 26 janvier 1634, de la flotte de Nouvelle Espagne, en route, à 50 lieues du cap Catoche.
99 Cf. ci-dessus, p. 643-646.
100 Il n’est pas douteux, en effet, que le commerce au bout de la pique ait trouvé un champ de prédilection sur certains produits, prédilection variable, d’ailleurs, suivant les périodes. Parmi les produits tinctoriaux, la grand, par exemple, n’a été recherchée par le commerce des corsaires que relativement tard. Vers 1561, dans l’ensemble Yucatan-Campêche, c’est l’or et l’argent thésaurisés depuis avant la conquête par les Indiens qui fait plus particulièrement l’objet d’un rescate frauduleux avec les corsaires.
101 Codoin, Ind. II, t. 13, p. 244-263.
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