Chapitre XI. Les « îles » de terre ferme. Caractères généraux. L’Est
p. 587-624
Texte intégral
1De même que l’on passe presque sans transition de Cuba à la Floride, la contrescarpe de la Havane, on glisse de Saint-Domingue sur la côte de la Terre Ferme. La bande côtière, qui va de l’embouchure du Río Magdalena, dans le no man's land entre Carthagène et Santa Marta, d’une part, jusqu’à l’embouchure de l’Orénoque, d’autre part, ce n’est pas, bien sûr, les îles, au sens strict du mot, mais ce n’est pas encore le continent. Il faudrait parler des îles côtières, des avant-postes de la Terre Ferme.
2A plus d’un égard, en effet, et dans toute la première Modernité, ce monde est beaucoup plus proche des Antilles que des positions continentales du plateau mexica et du Pérou. Il serait facile de jouer le jeu des analogies.
3Analogie Îles-Terre Ferme, par l’ancienneté de leurs histoires coloniales respectives. Cette côte avec celle des îles, grandes et petites Antilles, est la plus anciennement dessinée sur une carte. Ses extrémités ont été découvertes par Colomb : à l’Est, lors du troisième voyage, la région de la Boca del Sierpe, c’est-à-dire la partie occidentale de l’immense delta de l’Orénoque, la longue presqu’île de Paria et ses avant-scènes insulaires, Belaforma, la Trinité, les Testigos et la Marguerite ; à l’ouest, lors du quatrième voyage, en dehors des limites mêmes que nous avons proposées, Colomb trace d’une main ferme, le dessin côtier du Honduras, du Nicaragua, de Costa Rica, Veragua, du Panama-Atlantique jusqu’au fond du Darien. Entre ccs deux termes géographiques. Ojeda explore la plus grande partie de la côte du Venezuela actuel de la Marguerite à Maracaïbo, Bastidas, en 1502, réalise la jonction, en gros, du Darien à l’énorme lagune de Maracaïbo. Dès les dernières années du xve siècle et les premières années du xvie siècle, ce long ruban de côte est bien connu. La découverte de la côte Nord de l’Amérique du Sud est postérieure, de sept à huit ans, à celle de Saint-Domingue, mais elle précède, dans une certaine mesure, la plus grande partie de Cuba.
4Aussi ancienne que les Antilles, cette côte se rapproche d’elles, encore, par une histoire difficile. Il n’y a pas, aussi profondément creusé que pour les grandes Antilles, un échec de la côte orientale de Terre Ferme, mais son avènement comme élément lourd dans la géographie des Indes ne se produit pas avant le xviiie siècle. L’histoire administrative dans ses précieuses démarches nous renseigne une fois de plus. La côte du Venezuela a été, pendant la plus longue partie de son histoire coloniale, rattachée à l’Audience de Saint-Domingue. Le Vice-Royaume de Nouvelle Grenade date du début du xviiie (1718). Cette promotion administrative tardive appartient au mouvement global de l’histoire profonde de la Terre Ferme orientale coloniale. Le Venezuela — patrie de Bolivar — se hausse à l’altitude de troisième (ou de quatrième) grand de l’Amérique espagnole, il précède, sur cette voie, la Plata, dont l’avènement nous conduit jusqu’au dernier quart du xviiie siècle. Quoiqu’il en soit, le brillant empire du cacao, du tabac, du sucre des contreforts fertiles de la cordillère côtière, avec ses élites créoles ouvertes aux lumières, où les synthèses intellectuelles américaines de l’Indépendance se sont forgées, au contact d’une Europe qui n’est plus que, secondairement, ibérique — tout cela, présent à tous les esprits, — n’appartient pas à notre époque. C’est le xviiie siècle, l’Atlantique européen et dispersé, l’Atlantique charnière de richesses matérielles et de valeurs intellectuelles qui ne sont plus, à ce moment, des richesses et des valeurs ibériques. La côte orientale de la Terre Ferme est, de 1500 à 1650, quelque chose de plus modeste. La pacification du Venezuela côtier n’est pas achevée avant 1634. La série des îles bordières, si peu occupée que Curaçao tombe définitivement entre les mains des Hollandais en 1636. On sait combien de temps, une présence hollandaise a été supportée aux alentours des immenses salines d’Araya. C’est qu’en réalité la côte orientale de Terre Ferme n’a jamais été autre chose dans toute cette première histoire de l’Atlantique qu’une série de positions isolées, un archipel mal rattaché au continent et dont les îles menacées ne communiquent entre elles que par la mer.
I. — GÉNÉRALITÉS : DIFFICULTÉS, ISOLEMENT, MENACES ET LENTEURS
5En effet, les entreprises de la côte orientale de la Terre Ferme, bien qu’elles soient anciennes, ont toujours été des entreprises plus ou moins frustrées Elles n’ont pas réussi à s’approprier l’intérieur des terres. Elles n’ont pas réussi à créer, avant près de deux siècles, un réseau de communications pas plus Est-Ouest entre elles qu’avec l’intérieur d’un continent qui se dérobe.
ÉCHEC RELATIF DES « ÎLES » DE TERRE FERME. SES CAUSES
6Cet échec relatif constitue la caractéristique majeure, selon toute vraisemblance, d’une géographie historique valable de cette côte délaissée de Terre-Ferme. C’est elle qu’il faut expliquer et la chose n’est pas simple. Comme toujours, vraisemblablement, hasard des hommes et logique des choses se mêlent.
1. Hasard des hommes, logique des choses
7C’est toute l’histoire détaillée de la conquête qu’il faudrait reprendre par le menu et ceci dépasse le cadre de nos possibilités. Quelle que soit l’extraordinaire richesse en géants du xvie siècle ibérique, le moule des plus grands capitaines de la conquista n’en est pas moins l’exception. Les Cortès, pas plus que les Einstein n’abondent dans une génération. Le hasard — il vaudrait mieux dire la revanche de la logique des choses — aura voulu qu’aucun Cortès, ni aucun Pizarre n’ait débarqué, en possession de ses moyens, de Santa Marta à l’embouchure de l’Orénoque.
2. La concurrence continentale : Pérou et Mexique
8On peut évoquer, heureusement, d’autres raisons plus satisfaisantes. L’existence à proximité dès 1531 de l’exutoire du Pérou. La fabuleuse réussite de Cortès en Nouvelle Espagne avait décapité à la hauteur des années 20 les îles occidentales d’une bonne partie de leur avenir. L’ouverture par l’isthme du Pérou fera de même, dans une mesure non négligeable, pour la côte orientale de la Terre Ferme. Le Pérou a constitué ici, une concurrence intolérable qui soumet la Terre-Ferme à des tensions insupportables. Ce monde de la conquista est un monde non saturé. Malgré leur isolement, ses parties communiquent, au stade, du moins, des populations dominantes. Un espace ne peut se développer, au-delà d’un certain rythme, sans prélever sur d’autres espaces voisins une partie de sa population active — on l’a vu déjà, — partant, sans saper ses structures. La côte de Terre Ferme s’est trouvé placée en concurrence avec le Pérou. Il suffit de voir, à travers les croquis du tome VII1, comment le poumon complexe du Pérou, l’ensemble Nombre de Dios/Puerto Belo-Carthagène finit, dans son développement prodigieux, par masquer et compromettre le destin de cette côte abandonnée.
9Ceci pour une première approche. Hâtons-nous de préciser, en effet, que la concurrence continentale — le continent, c’est le plateau mexica et le Pérou ; la côte Est de la Terre Ferme, c’est encore les îles — ne s’est pas exercée de la même manière que dans l’espace proprement antillais. Le système des flottes — la flota et l’armada balayent, à l’Aller la côte orientale de la Terre Ferme — a été moins directement pernicieux, peut-être, ici que pour les îles plus au Nord. Donc, tout ce qui est vrai pour les Antilles, le demeure pour les îles de Terre Ferme, mais avec quelques nuances.
3. Les structures géographiques du pays
10La cause la plus importante de l’échec relatif des entreprises, de la côte Est de la Terre-Ferme résulte, peut-être, tout simplement de la structure géographique du pays.
11Tous les efforts entrepris de la côte pour pénétrer à l’intérieur des terres et joindre le cœur continental du pays ont échoué. C’est sur cet échec que devait péricliter, finalement, le Venezuela allemand des Welser. Or, une simple carte nous enseignera la raison de cet échec. A l’Est, à l’extrémité orientale de l’Amérique espagnole de la première Modernité, les immensités marécageuses des deltas de l’Orénoque constituent une barrière infranchissable et, réellement, infranchie. Au centre, de Maracaïbo à Paria, le problème reste le même. La cordillère maritime est facilement franchie, elle ne constitue, nulle part, un obstacle infranchissable, pas même la Cordillère de Merida avec ses sommets situés entre 4 et 5 000 mètres, à plus forte raison les Monts Caraïbes, dont les sommets — ils ne dépassent jamais 3 000 mètres — décroissent régulièrement de l’Ouest vers l’Est. Les conquistadores ont vaincu des obstacles incomparablement supérieurs. Mais cet obstacle franchi, on débouche sur quoi ? Sur l’immense plaine de l’Orénoque. La cordillère côtière du Pérou, le long du Pacifique est incomparablement plus difficile que les chaînes moyennes du Venezuela. Mais elle mène à un monde organisé, sur une Europe des plateaux, à l’air rare, sans doute, mais au sol ferme.
12Le gros handicap de la Terre-Ferme orientale, c’est son arrière-pays, l’immense étendue fiévreuse, marécageuse, informe des llanos. Ils ne débouchent sur rien, ils sont infiniment plus infranchissables que l’Océan. Ils font écran entre la mince frange côtière à quoi se résume finalement la Terre-Ferme orientale et les réserves des plateaux andins2. Le premier poste à la lisière des llanos n’est pas antérieur aux années 1583-15843. Les llanos ont toujours constitué une frontière. Plus tard, quand, au xviiie siècle, ils sont le théâtre d’une forme d’élevage tellement extensif qu’il ressemble plus à la chasse qu’à l’élevage, ils resteront encore autre chose, tandis que la vraie frontière du Venezuela continuera de courir tout au long du rebord de la chaîne qui court d’une extrémité à l’autre du pays, parallèlement à la mer.
4. La résistance indienne à la pénétration espagnole
13Une des causes, encore, de ces échecs est liée à la géographie humaine du pays indien. Rarement les Européens allaient se heurter à semblable résistance.
14La côte vénézuélienne de Santa Marta à l’Orénoque constitue une zone de résistance maximale des populations indigènes. En raison même de leur retard. Pas de grands États, pas d’unités politiques préalables auxquelles se substituer. En raison, peut-être, également, du caractère accidenté du terrain. La soumission des montagnes demande près d’un siècle et demi. Toute l’histoire du Venezuela, telle que la conte par le détail Oviedo y Baños4 est remplie d’avancées, de reculs, de surprises. Nulle part, ailleurs, sauf, peut-être, sur la frontière araucane et dans les districts miniers du Mexique sec, les pertes ne furent aussi lourdes qu’elles ne le furent, ici. Nulle part, le combat aussi long, aussi ingrat, aussi incertain. Il faut attendre les années 1566-1567, pour que, grâce à l’occupation du site de Caracas, disparaisse le plus gros morceau de « costa brava » et qu’une jonction soit faite, d’une manière combien grossière, d’ailleurs, entre les deux Terre-Ferme, celle de Cumana, de la Marguerite et des Perles, d’une part, à l’Est, celle de Coro, Maracaïbo, Cabo de la Vela, Rio de la Hacha, Santa-Marta, d’autre part, à l’Ouest.
15Cette pénétration d’un type particulier et, finalement, peu fréquente dans l’histoire de la conquista rappelle presque autant, à certains égards, la pénétration du continent nord-américain par la colonisation anglo-saxonne que les modalités courantes de la conquista. Marche lente, marche précautionneuse à partir de la côte. Tout cela est vrai, la plupart du temps, à une exception près, toutefois, pour Santa-Marta, base de départ, d’une expédition réussie dans un arrière-pays prometteur. La conquête du Nouveau Royaume de Grenade est, pour l’essentiel, une œuvre de colonisation dont le Pérou a été la métropole, elle est un peu l’œuvre, aussi, de la Terre-Ferme, grâce à Gonzalo Ximénez de Quesada accourant depuis Santa-Marta, en 1537, sans le savoir, au secours de Belalcàzar qui, du Pérou, avait déjà accompli l’essentiel. Mais cette conquête dont Santa-Marta a été une des métropoles secondaires ne lui profitera pas. Le Nouveau Royaume respire, nous le verrons5, par ailleurs, par Carthagène, accessoirement, plus délibérément, encore, par la côte du Pacifique. L’expédition réussie de Quesada est l’exception qui confirme la règle. La pénétration par la côte de Terre-Ferme a été une pénétration lente et frustrée.
ANALYSE DU TRAFIC
16Cette histoire est, tout entière, contenue, dans la courbe du trafic. Cette courbe n’est pas donnée dans les volumes de la partie statistique, mais on peut facilement l’obtenir en additionnant entre elles quelques-unes des séries précédentes : la Trinidad, San Tome de la Guyana, Guyana, la Margarita, les Perles, Santa-Marta, Nueva Cordoba, Río de la Hacha, San Antonio de Gibraltar, Maracaybo, Venezuela, Caracas, Burburata, Cumana, Cumangote, Orénoque6.
1. Critique des indices
17Les séries du trafic avec l’Espagne ne représentent pas toute l’activité d’échanges de ces régions. Dans bien des cas, pour le Venezuela, par exemple, nous le savons de source sûre7 le trafic avec l’Espagne ne représente qu’une faible partie d’un trafic global qui s’effectue, pour l’essentiel, d’Inde en Inde, avec Saint-Domingue ou le continent8. Importance du trafic d’Inde en Inde, dont l’étude sérielle, en partie, possible, n’a pas encore été faite. Existence d’un trafic diffus à partir des flottes. Il n’est pas possible, dans l’état actuel des recherches, de faire un tri, de savoir, d’une manière précise, dans ce qui est officiellement destiné à Carthagène ou à l’isthme, la fraction, évidemment très faible, de transactions qui, lors du long cheminement des flottes à l’Aller à proximité des côtes, est destinée, en réalité, aux ports isolés de la Terre-Ferme orientale. Tout un cabotage, à partir de Carthagène, surtout, et de Nombre de Dios/Puerto-Belo, complète ce mouvement. Il est beaucoup plus difficile, encore, d’apprécier la fraction des transactions qui échappent au domaine espagnol et qui sont assumées par le trafic au bout de la pique. Importante autour d’Araya, au moment de la mise en exploitation par les Hollandais des salines de la région comme le montre Engel Sluiter, importante après 1630, — il faudra en tenir compte tout à l’heure — au moment de la décomposition générale du système. Toutes ces réserves n’empêchent pas, faute de mieux, d’utiliser, au premier chef, des indices d’activité relatifs dont nous disposons, le trafic global de cette région avec l’Espagne, tel qu’on le voit de Séville, dans le cadre du système officiel.
2. Identité des résultats
18Ce moyen d’investigation grossier n’en donne pas moins quelques résultats intéressants. Tout d’abord, il permet d’affirmer l’unité de la région quelque peu arbitrairement délimitée. La plupart des ports envisagés obéissent, en effet, à un rythme propre et profondément original. Dans l’ensemble, on est en présence d’un mouvement croissant jusqu’à la décade des années 20 du xviie siècle, à quelques exceptions près qui ne contredisent pas la règle.
19Il faut tenir compte, en effet, dans un espace limité donné de la mouvance des sites et de la substitution des points de colonisation. Burburata, par exemple, dont l’apparition dans les contrôles de Séville est tout à fait épisodique9. Nous savons, par ailleurs, que la ville a eu une existence limitée dans le temps10, de 1549 à 1568. En raison d’un site mal protégé, à un peu moins de 200 kilomètres à l’Est de la Guayra11, l’actuel port de Caracas, sa vie a été une longue agonie, constamment exposée aux coups des corsaires. Elle disparaît quand l’occupation tardive de la vallée de Caracas lui substitue sur la côte centrale du Venezuela un site meilleur de grand avenir. Burburata peut être considérée, à la limite, malgré la distance considérable qui la sépare de Caracas comme un archétype de la future capitale de la côte. Le retrait progessif de Cabo de la Vela12 est largement compensé par la ferme allure de Río de la Hacha et Santa-Marta13. Il y a simple translation du Nord au Sud sur une même unité du rivage. Quant à la Marguerite, son destin est étroitement lié à celui des Perles14. Et pourtant, sa courbe générale15 ne se distingue que bien superficiellement de celle de l’ensemble de la région.
20Ces exceptions toutes relatives mises à part, l’ensemble des ports se présentent d’une manière identique. Dans 50 % des cas, environ, et pour les plus importants d’entre eux, il y a montée rapide jusqu’aux alentours des années 90, puis maintien, la plupart du temps, jusqu’en 1630, sur un plateau élevé, décroissance ensuite. Ces ports sont les plus nombreux, ils sont, aussi, sous l’angle envisagé, les plus importants. Dans 40 % des cas, le mouvement ascensionnel se poursuit au-delà de 1630. Il en résulte que pour l’ensemble, le mouvement avec l’Espagne, dans le cadre reconstitué du trafic officiel, est rapidement croissant jusqu’en 1590, sur un plateau très légèrement ascendant jusqu’en 1620-1630, puis légèrement descendant de 1630 à 1650.
3. Trafic de Terre Ferme et trafic antillais
21D’une manière tant absolue que relative, ce mouvement est infime, on aboutit aux meilleurs moments, à des moyennes semi-décadaires Allers-Retours de 6 à 7 000 toneladas, pour cette importante fraction de territoire. Malgré toutes les réserves que l’on est en droit de présenter16, ce test est un bon test de médiocrité.
22Au sommet de ses splendeurs, dans le cadre chronologique du premier Atlantique de Séville, l’ensemble au maximum étiré de la Terre-Ferme orientale ne dépasse pas le quart de l’ensemble antillais. Même si on fait une réserve, en raison des Retours, démesurément gonflés de la Havane17 on arrivera à un ordre de grandeur de l’ordre de 30 à 40 % seulement du bon terme de référence du groupe antillais. L’ensemble du trafic Terre-Ferme orientale/Espagne n’arrive pas à équilibrer tout à fait le trafic de l’ensemble de l’île d’Espanola, à peine, à l’Aller, seulement, celui de Cuba. Cette constatation ne renferme pas toute l’activité économique de la région. Elle permet, toutefois, de lui attribuer un ordre de grandeur.
23Mais à partir de 1630, la situation se modifie, alors que les îles s’effondrent rapidement18 dans le miroir déformant, bien sûr, de la statistique sévillane, l’ensemble des parents pauvres de la Terre-Ferme orientale finit par équilibrer pratiquement le trafic de l’ensemble antillais, il arrive à surclasser très sensiblement les trafics globaux d’Espanola et de Cuba.
4. Conjoncture globale et comportement spécifique
24Et cette constatation conduit à une autre certitude. La Terre-Ferme orientale obéit, mais avec une amplitude atténuée, à la conjoncture globale de l’Atlan tique espagnol. Le renversement de la tendance y est dans l’ensemble plus tardif et la phase descendante, beaucoup moins creusée19 qu’ailleurs, qu’elle ne l’est, notamment, dans les grands espaces continentaux.
25Les parents pauvres de la Terre-Ferme (pauvres relations avec l’Espagne, du moins, dans le cadre du trafic officiel recensé) obéissent à la conjoncture globale de l’Atlantique et de l’Europe. Au-delà de 1620-1630, ils accusent non seulement un ralentissement de la pente ascendante mais un repli objectif. Ce repli, même s’il est en partie compensé par la croissance du trafic au bout de la pique, subsiste. Il y aurait, de toute manière, à la hauteur des années 30 et des années 40 du xviie siècle, ralentissement du rythme de croissance des échanges commerciaux entre la côte et l’Europe. C’est, peut-être, la seule concession mais c’est une concession énorme à la conjoncture globale, une concession extraordinairement significative, parce que paradoxale. En effet, l’espace de la Terre-Ferme orientale est un espace ouvert, à la différence du Mexique humide et des hauts plateaux du Pérou, dont l’assise essentielle est close, pratiquement, depuis la deuxième moitié du xvie siècle. Or cette ouverture de l’espace vénézuélien, lato sensu, dont la conquête par déplacement de frontières multiples se poursuit au-delà de 1600, constitue un facteur favorable à l’expansion20. La date de 1634 marque, peut-être, le terme de la conquête militaire21, elle ne marque pas le terme de l’agrandissement effectif du territoire colonial, du territoire que l’on peut effectivement rattacher à l’économie coloniale. Au caractère spécifique de cette conquête étalée, la Terre-Ferme orientale doit l’essentiel des traits les plus marquants de son trafic avec l’Espagne. Lent départ au début. Pratiquement rien avant 1550. Élimination après 1610 des facteurs d’essoufflement, atténuation après 1630, des facteurs de ralentissement de la conjoncture générale. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer de l’indépendance de la Terre-Ferme orientale à l’égard de la conjoncture longue générale de l’Atlantique ou de sa sensibilité, quand même, à cette conjoncture, malgré la spécificité de son cas. En réalité, les deux termes sont indissociables, aussi révélateurs, l’un que l’autre, de l’histoire vénézuélienne et de l’Atlantique.
LES CYCLES DE LA TERRE-FERME
26Cette analyse a, alternativement, tantôt rattaché, tantôt éloigné la côte orientale de la Terre-Ferme des Antilles. On aura été sensible, soit à une plus grande conformité de son trafic métropolitain avec la conjoncture résultante, soit encore à la médiocrité du volume global. Mais il est d’autres points par les quels, les parents pauvres de la Terre-Ferme affirment également leurs similitudes profondes avec le groupe des Antilles.
27C’est, tout d’abord, l’isolement de chacun des noyaux qui les constituent. Ces îles continentales ne communiquent guère entre elles que par la mer. Par terre, on risque toujours le massacre par les indios bravos et l’aventure, sous une forme ou sous une autre. On hésite à emprunter des chemins aussi chanceux. Jusqu’au xviiie siècle, il n’y a pas une côte, mais des côtes de Terre Ferme et des côtes, fait important, dont les évolutions sont étonnamment synchrones.
28Le destin de la Terre-Ferme orientale rappelle encore celui des îles par la succession des cycles de productions dominantes qui marque son économie.
1. Le cycle de l’or et des perles
29Comme dans les Antilles, la présence espagnole sur la côte de la Terre-Ferme orientale a, d’abord, été soutenue par l’exploitation d’un produit de grande valeur sous un très faible volume. A Saint-Domingue, à Puerto-Rico, Cuba et à la Jamaïque, c’était le cycle de l’or. Ici, ce n’est pas seulement l’or mais ce sont, aussi, les perles, un cycle de l’or et des perles, plus des perles que de l’or. Première différence. Il en existe, une seconde, une assez longue période de simples rapports commerciaux a précédé les premières tentatives sérieuses d’occupation effective du sol.
30Le cycle des produits précieux, en l’occurrence, ici, les perles et accessoirement l’or, se divise en deux périodes, la période du troc (le rescate) et celle de l’exploitation directe. L’exploitation directe suit le rescate quand ce dernier a cessé de produire. La période du rescate dure, en gros, vingt ans, de 1498-1499 jusqu’aux alentours des années 20. Elle ne cède pas instantanément le pas à l’exploitation directe. Le système des échanges furtifs continuera dans certains secteurs quand l’occupation politique et l’exploitation directe auront déjà débuté. Mais dans le même temps, la côte de Terre Ferme sert de grande pourvoyeuse de main-d’œuvre en direction des îles. L’exportation d’esclaves de 1528 à 1540 constitue la principale activité, peut-être, de l’entreprise allemande au Venezuela. Et c’est, sans doute, le meilleur test que nous ayons du succès médiocre, du très lent départ de la côte orientale de la Terre-Ferme. L’économie des îles est, aux alentours des années 3022, en pleine décadence. Que la Terre-Ferme soit bailleuse de main-d’œuvre, à quel prix et dans quelles conditions, en direction de territoires en pleine phase de récession, où les rendements sont manifestement décroissants, on ne peut trouver preuve plus sûre de l’infériorité, au cours de la première moitié du xvie siècle, de ces territoires marginaux.
2. Économies relais
31Au delà du cycle des perles et de l’or, aucun produit ne joue dans l’économie des îles un rôle comparable.
32La production longtemps la plus caractéristique de la côte vénézuélienne, c’est le blé23. Elle est largement excédentaire et permet des exportations de farine. La côte vénézuélienne assure une partie de l’approvisionnement en « mantenimientos » de la Carrera au Retour, sur la partie du parcours où il est le plus difficile. A l’Aller, grâce aux richesses de l’Andalousie, cet approvisionnement est relativement facile. Il est vraisemblable, en outre, que la côte vénézuélienne ait joué un rôle dans l’approvisionnement des centres urbains déficitaires autour de la Méditerranée américaine. La « harina » (farine de froment assez noble pour supporter les frais d’un transport nécessairement onéreux) aura alimenté en pondéreux un important trafic d’Inde en Inde. Les documents avancés par Eduardo Arcila Farias24 dans son bel et bon livre, sont trop minces pour qu’on puisse parler trop vite — Arcila Farias, fort prudemment, se garde bien, d’ailleurs, de le faire — d’un cycle de la farine. Au même moment, dans la seconde moitié du xvie siècle, la côte se porte — mais timidement, encore, comparativement aux îles — exportatrice de cuirs. De la farine, un peu de cuir, un peu de sucre, des plantes médicinales, encore, beaucoup de perles, et à nouveau un peu d’or, telle se présente, dans ses grandes lignes, dans la seconde moitié du xvie siècle, l’économie des parents pauvres de la Terre-Ferme. Économie médiocre, parce qu’elle n’est pas entraînée par un produit dominant. Les exportations de blé, sous forme de farine, ne jouent pas ce rôle. Pour modeste qu’en ait été la production, par contre, la reprise de l’or, après une longue éclipse, grâce à la découverte en 1551, de nouvelles mines d’or, à San Felipe de Buria25, aux alentours de la vallée de Barquisimeto à l’Ouest du futur emplacement de Caracas, a pu jouer le rôle d’un stimulant. On observe la création, en effet, presque dans l’immédiat, à proximité de la mine, d’une cité nouvelle, la Nueva Segovia. Bien que l’on manque de chiffres précis, il est possible, d’ailleurs, que la production de San Felipe de Buria ne soit pas si négligeable qu’on pourrait le croire. C’est de 1551 à 1560, consécutivement, donc, à la découverte de San Felipe de Buria que les importations officielles d’or à Séville, d’après E. J. Hamilton26 passent par un maximum extraordinairement bien détaché, 42,62 tonnes contre un peu moins de 25 tonnes et 11,5 tonnes au cours des décades 1541-1550 et 1561-1570.
33Au cours de la première moitié du xviie siècle, l’économie de la côte orientale de Terre-Ferme prend une direction nouvelle. Elle s’oriente définitivement et d’une manière très originale et pleine d’avenir, vers l’économie de plantation. Il y a, à partir de 1620, au plus tard, une extraordinaire floraison du tabac. Parallèlement au tabac, le sucre et le cacao (pactole du Venezuela au xviiie siècle) se développent sur des bases plus larges. Lentement mais sûrement, le xviie siècle vénézuélien prépare les prospérités du xviiie siècle. On comprend, ainsi, qu’il accuse, en l’atténuant, la grande récession Atlantique du milieu du siècle. La situation de la côte orientale de Terre-Ferme, n’est pas sans offrir quelques similitudes profondes avec le Brésil du xviie siècle, tel que Frédéric Mauro27 nous en propose l’histoire28.
II — LA TERRE-FERME ORIENTALE
34Dans toute la période du premier Atlantique, la Terre-Ferme, lato sensu, quelle que soit l’unité superficielle de ses mouvements à long terme, ne constitue pas un front continu, homogène, de présence espagnole. Elle s’articule, en fait, en deux ou trois grandes masses mal soudées entre elles.
35A l’origine, deux centres de colonisation que sépare un vide de plus de cinq cents kilomètres. A l’Est, le groupe des perles et ses velléités imprécises en direction de l’Orénoque, de l’Amazone, du Maranhão et du Brésil. La zone orientale est limitée par deux îles ou groupes d’îles, à l’Est, la Trinité, à l’Ouest, la Marguerite et la capitale perlière de Cubagua. Sur le continent, sur la contrescarpe de ces îles, un chaînon de la cordillère côtière donne les presqu’îles opposées de Paria, face à la Trinité, d’Araya, avec ses salines naturelles. Au centre, Cumana. Telles sont les bases, les seules bases permanentes à l’extrémité orientale de la côte de Terre-Ferme. Elles forment un peu comme l’Extrême-Orient des Indes de Castille. Au delà, en effet, deux mille kilomètres séparent encore les positions avancées de l’Espagne des marches du Brésil. Les frottements et les heurts de ce côté, ne sont pas à craindre dans l’immédiat, avant, en gros, la seconde moitié du xviie siècle.
36A l’autre extrémité, à l’Ouest, les bases de Terre-Ferme constituent une présence partiellement continue, sur un front de moins de cinq cents kilomètres, environ, prodigieusement étiré par le dessin tourmenté de la côte, depuis l’extrémité occidentale du delta de la Magdalena, marqué par le poste de Santa-Marta, jusqu’à la presqu’île de Paraguana où Coro, l’antique capitale du Venezuela, ferme à l’Ouest l’entrée des baies de Maracaïbo.
37Ces deux systèmes ne seront pas véritablement liés avant la fin du xviie siècle. Mais sur le front de mer de six cents kilomètres qui les séparent, un troisième ensemble se constitue péniblement. Marqué, d’abord, par la base éphémère de Burburata (1549-1568) à deux cents kilomètres, environ, au droit de Caracas, il ne trouve pas son assiette avant que Caracas ne surgisse (1567), bientôt doublé d’un vrai port à la Guayra.
38Ces cheminements exceptionnellement longs et précautionneux, loin d’être un handicap, assurent, au contraire, un enracinement plus solide qu’ailleurs de peuplement espagnol. Il n’existe pas, à l’exception du fertile Costa Rica, un territoire aussi proche de l’équateur et habité par une population aussi exclusivement hispanique que l’actuel Venezuela.
DU BRÉSIL A PARIA
39Entre la Trinité et les bouches imprécises de l’Orénoque, d’une part, et le Maranahão, d’autre part, près de 3 000 kilomètres sur la côte, l’Amazonie, toute l’épaisseur d’un continent, à travers les terres, séparent les avant-postes des Indes de ceux du Brésil.
1. Entre Terre Ferme et Brésil : « no man’s land » et terres frontières
40Si ces terres restent vides, ce n’est pas faute de tentatives et de convoitises. Mais toutes se soldent par un échec. La colonisation est, ici, comme à bout de souffle. L’occupation superficielle et tardive de l’embouchure de l’Orénoque semble avoir absorbé la totalité de ses forces. Elle parvient à pousser vers le Sud mais elle ne fait rien de valable à l’Est. Les bases possibles de l’ensemble continental insulaire Cumana-Trinité sont trop éloignées des centres de gravité des plateaux de haute culture indienne, pour permettre une expansion sensible.
41a. Tentatives d’occupation.— Plusieurs tentatives sont faites, pourtant, pour fonder les droits de l’Espagne dans ce vaste no man’s land. Il suffit de retenir les plus marquantes.
42Celle de 1527, directement, en provenance d’Espagne, sous le commandement de Ordas29. Malgré l’importance relative des moyens mis en œuvre, 4 navires, 800 hommes, un morisque à bord pour servir d’interprète, l’entre prise partie « en demanda de la Guyana y de las otras provincias » devait échouer. Aucun établissement fixe n’en est, apparemment, sorti.
43A plusieurs reprises des expéditions, dont on ne connaît pas les détails, devaient atteindre l’embouchure de l’Amazone, mais toujours, sans laisser de traces durables, autre qu’une amélioration progressive du dessin de la côte sur les cartes du temps. Dans un livre qu’il faut retenir, Ladislao Gil Munilla en a suivi les efforts30. Mais le pas décisif dans la connaissance de l’Amazonie se place en 1543, avec la grande exploration d’Orellana. Pas plus que les précédentes, elle n’aboutit à une occupation effective du terrain. On retiendra, toutefois, qu’elle part du Pérou de Pizarro. Malgré la distance (six mille kilomètres au lieu de quinze cents), malgré la difficulté relative incomparable d’une route à travers la selva marécageuse et d’une voie d’eau pleine d’embûches, par rapport aux facilités de la voie maritime, la plus grande expédition en direction de l’Amazonie part du Pérou continental. Elle révèle, ainsi, par opposition, l’infériorité des bases de départ de la TerreFerme de Cumana et des bases insulaires de la Trinidad. L’impuissance espagnole sur ces marges lointaines tient à l’éloignement des métropoles dynamiques de l’empire, les hauts-plateaux au peuplement indien dense. Il ne semble pas, d’ailleurs, que les tentatives faites d’Espagne, dans cette voie, aient été plus heureuses. C’est le cas du « descubrimiento Serpa », dans le domaine des indiens Aruacas, entre 1569 et 1570, malgré l’importance, là encore, des moyens mis en œuvre (4 navires, 700 hommes, d’après Velasco)31.
44b. Bases imprécises et tardives.— On sait ce qu’il adviendra de cette zone, en direction de laquelle l’Espagne n’a pas eu la possibilité de faire l’effort nécessaire. Quelques postes se sont, peut-être accrochés, sans qu’on puisse les localiser avec précision entre la Trinité et la Guyane. Simple hypothèse. Ils seraient approvisionnés par la Trinité et plus particulièrement Santo Tome de la Guyana32. Ne faut-il pas voir dans cette apparition du mot Guyana, dans le Livre de Registres, à partir de 1621, comme un désir difficilement réalisable, comme la prise de conscience d’une menace au moment où des colonisations concurrentes commencent à prendre pied sur le rebord du plateau de Guyane, ajoutant entre la colonisation espagnole et la colonisation portugaise, l’écran supplémentaire de présences politiques concurrentes33 ?
2. La Trinité
45Elle reste, combien fragile, la base la plus orientale de la côte de Terre Ferme, une position avancée difficilement conquise, plus difficilement maintenue, encore. L’intérêt de la Trinité, pourtant, est évident. Outre des possibilités économiques que l’histoire ultérieure démontrera, la Trinité jouit d’une position stratégique exceptionnelle. Elle couvre un fragment très riche de la côte de Terre Ferme : Paria et Cumana, les salines d’Araya, les énormes richesses perlières dont le centre de gravité se trouve à la Marguerite et à Cubagua. Elle couvre encore par le Nord le delta de l’Orénoque, région peu séduisante, mais qu’il est bon de ne pas laisser entre des mains étrangères. La Trinité constitue, en outre, avec Tobago toute proche, un relais possible sur la route des Allers34 — l’expérience le prouve — pour les convois destinés à la Terre Ferme, qui empruntent, de ce fait, la route la plus méridionale possible.
46a. Premières tentatives. Lenteurs. Position de l’île.— Là non plus nous n’avons pas la prétention d’épuiser la liste très longue des tentatives dont la Trinité a été la cible. L’intérêt de la position géographique de l’île a été compris très tôt, comme le prouve un document du 15 décembre 152135. D’autres tentatives comme celle-ci devaient échouer, du fait de l’insuffisance des moyens et de la résistance des Indiens. Encore en 1569, une tentative qui devait être menée depuis Puerto Rico, la grande île la plus proche, subissait le même sort36.
47Peu de temps après, pourtant, une présence espagnole peut être décelée. On note un voyage sporadique avec destination précise en 157137. Le Livre de Registres ne retient pas la Trinité, en tant que destination ou provenance nommément désignée, de 1571 à 161438. Cela n’exclut pas, bien sûr, la possibilité d’une présence de la Trinité dans la Carrera au cours de cette période. Il est très vraisemblable, en effet, que la Trinité ait été desservie, au cours de cette période, indirectement, soit par escales en cours de convoi, soit par un trafic de cabotage d’Inde en Inde. Nous avons, en effet, la preuve d’une présence administrative permanente au cours de cette période39, tournée en direction de l’exploration et de la garde des marches imprécises de l’Orénoque, du Maranhão et des Amazones.
48Mais, cette position fait de la Trinité une place très disputée. Position stratégique de l’Empire, certes, mais, sous l’angle de la Carrera, position marginale. Constamment au xviie siècle, en effet, Séville se plaint que la Trinité lui échappe, soit à cause du bout de la pique, soit au profit du commerce créole40 suivant un processus facile à comprendre. Les métropoles secondaires du continent américain sont pourvoyeuses de produits manufacturés bon marché, de moindre qualité. Ce qui convient mieux que les produit ? de luxe d’Espagne et d’Europe à une colonie pauvre qui en est à ses premier ? balbutiements. Mais la Trinité (et la côte dite de Guyana qui lui est, administrativement rattachée) n’est pas ouverte, seulement, au commerce créole d’Inde en Inde, elle est, surtout, offerte au « bout de la pique » anglo-français41. Mais le danger s’exerce, en dehors du cadre étroit de la Trinité et des marges orientales. Par ricochet, c’est l’ensemble de la côte de Terre Ferme qui est atteinte par la brèche de la « Trinidad ».
49b. Le cycle du tabac et la fortune tardive de l’ile.— Ce qui attire, irrésistiblement, semble-t-il, la Trinité et son secteur, en dehors de l’orbite de la Carrera, c’est le développement dans la région du cycle du tabac. C’est déjà vrai, en 1611, puisque, on s’en souvient42, Don Gregorio de la Palma Hurtado, le porte-parole quelque peu abusif des intérêts bornés de Séville réclame une thérapeutique digne des médecins de Molière, l’arrachage des plants de tabac, source de richesse, certes, mais de contrebande.
50On a vu, ailleurs43, les énormes espoirs et, en même temps, les insolubles difficultés que le développement royal du cycle du tabac pose au Monopole. Les éléments chiffrés que nous possédons sur les arrivées officielles du tabac à Séville ne permettent pas autre chose qu’une approche sommaire. D’une part, ils sont inférieurs à la réalité, réalité des exportations en direction de l’Espagne et, a fortiori, inférieurs à l’ensemble de la production du tabac aux Indes. D’autre part, la série très courte ne couvre que quelques années, au mieux de 1607 à 161644.
51Ces données permettent quelques conclusions, sûres, toutefois. Plantation récente (récente en tant que produit d’exportation sur une grande échelle, en tant que spéculation coloniale pilote), le tabac connaît un prodigieux essor au cours des douze ou treize premières années du xviie siècle. Le tournant que toutes nos séries placent entre 1612 et 1613, nous paraît susceptible d’une double interprétation. Il est impossible de ne pas le mettre en rapport avec la cassure conjoncturelle maximale de toutes les activités de l’Atlantique de Séville45 et, par conséquent, de lui dénier une réalité profonde. Cependant il s’agit moins d’un renversement intrinsèque de l’indice d’activité que d’une modification du rythme de croissance. En effet, la prospérité du tabac, les documents non chiffrés le disent clairement46, a provoqué la captation insidieuse de la côte Est de la Terre Ferme par les trafics concurrents des puissances coloniales atlantiques montantes. Il est difficile de savoir dans quelle mesure, chacun des deux facteurs concourt à cette modification.
52Nos séries incomplètes47 fournissent, par contre, sur la géographie économique ancienne du tabac des éléments précieux et moins suspects, encore. En gros, la Casa de la Contratación divise le secteur géographique du tabac en deux blocs, un bloc occidental qui va de Carthagène inclusivement à la Nouvelle Espagne, un bloc oriental qui comprend la côte de Terre Ferme à l’Est de Carthagène et les petites îles bordières.
53Le premier secteur est le plus ancien — il est de beaucoup, géographiquement, le plus étendu, puisqu’il comprend les masses continentales lourdes des plateaux dominants. Au début de l’histoire de l’Atlantique, il fournit la plus grosse part de la production. Le second secteur, beaucoup plus mince, comprend toute la côte des îles de Terre Ferme, avec une mention spéciale pour la baie et la lagune de Maracaïbo et la Trinidad. Entre 1611 et 1612, les proportions sont renversées, le volume global des exportations officielles de ce secteur oriental à Séville dépasse celui du secteur Carthagène/Nouvelle Espagne. De 1612 à 1613, les exportations du secteur oriental représentent plus de 60 % du total, à peine, moins des deux tiers. Le secteur oriental, à lui seul, entraîne le mouvement, il l’entraîne malgré le repli rapide et profond du secteur occidental. Il a d’autant plus de mérite à le faire sur nos statistiques imparfaites, que le secteur oriental extérieur est — incontestablement — de beaucoup le plus exposé au commerce au bout de la pique et que, par conséquent, le mouvement vrai y est plus masqué qu’ailleurs. Son avantage sur la statistique élaborée constitue donc un minimum.
54L’événement des années 1605-1620, c’est donc, sous cet angle, la construction à une vitesse record d’un vaste espace du tabac sur la côte abandonnée de la Terre Ferme orientale, longtemps, parent pauvre classique. Mais cet espace n’appartient plus qu’indirectement à l’ordre économique de Séville. D’où inquiétudes et méfiances. Il est difficile de savoir quelle est la part précise de la Trinité dans cet essor secondaire. Dans tout le domaine du tabac, le secteur de la Trinité est le plus exposé, le plus intégralement capté par les forces concurrentes de la Carrera celui, par conséquent, qu’on est le plus à même de sous-estimer48. A côté du tabac, le sucre, difficilement évaluable, n’est peut-être pas quantité négligeable. A quoi s’ajoutent, mais non utilisables pour le radoub des navires fatigués, des goudrons de pétrole, signe non interprétable au xviie siècle de richesses futures49.
55Mais c’est le tabac qui nous paraît responsable de l’importance tardive de la liaison directe, complexe portuaire andalou/Trinité50 Cette incrustation et ce renforcement tout relatif51 certes, mais à contre-courant de l’ensemble des mouvements, traduit le dynamisme spécifique de cette économie trinitaire que l’on ose à peine attribuer à la Carrera, tant elle lui échappe. La législation, elle-même, traduit l’importance accrue, autour de 1650, de ce secteur52. En 1686, par contre, le processus de captation par d’autres Atlantiques, hors de la Carrera, peut être considéré comme achevé. Osorio53 définit d’un mot, en effet, la situation de la Trinité, vue de l’Andalousie : pour lui, comme pour le complexe portuaire, la Trinité n’a pas de commerce.
56Sa prospérité tardive aura contribué à la faire sortir du monde commercial espagnol. L’événement politique aura été préparé de longue date — on l'a vu déjà pour la Jamaïque et l’Ouest de Saint-Domingue —-par l’événement commercial et économique.
DE PARIA A CUMANA. LES SALINES D’ARAYA
57Une des fonctions de la Trinité aura consisté, pendant longtemps, à couvrir contre des périls qui montent toujours à l’Est, la double presqu’île trapue de la terre des Cumangotes. Cette côte encore très orientale, comme l’ensemble de cet extrême-orient des Indes de Castille, apparaît tardivement. Son rythme de croissance tardif chevauche le xviie siècle de la grande récession et emprunte un peu de ses prospérités tardives au Brésil lointain.
1. Imprécision et symbiose
58Il est difficile de distinguer, à travers une région qui, vue de très loin, se révèle peu réductible à l’analyse. En fait, ce sont les grandes lignes communes de son histoire que l’on cherchera à préciser.
59a. Débuts difficiles et incertains.— La région s’est révélée difficile d’accès, en raison de l’opiniâtre résistance des Indiens cumangotes. C’est après plusieurs échecs, seulement, que l’on a réussi à maintenir, non sans mal, quelques postes d’observation54 sur la côte, autour des années 30 du xvie siècle. Cette région n’apparaît donc que tardivement, en rapport direct avec le complexe portuaire andalou-canarien. La région, en raison de ses médiocres séductions, a dû être visitée, longtemps, soit indirectement, en seconde position, soit par le commerce d’Inde en Inde. La côte n’apparaît guère, d’abord, qu’un prolongement et un sous-produit des îles à perles, Cubagua et la Marguerite55. Le trafic Cubagua-Perlas est le plus anciennement individualisable de Séville, à une époque, pourtant, où l’instrument dont nous disposons est particulièrement imprécis, incomplet et maladroit. Mais Cubagua, c’est aussi, par ricochet, les postes de Cumana. La dernière mention spécifiquement cubaguenne que nous ayons, est de 1537. On ne peut rien en déduire, pourtant, en raison de l’état des sources, à cette époque. La Marguerite56, d’ailleurs, après un hiatus moins long que la documentation ne le laisse croire, prend le relais de Cubagua57
60b. La côte et les îles. Transferts et solidarités.— La Marguerite a pris, dans les relations directes entre cette région des Indes (la Terre Ferme orientale) et le complexe portuaire, le relais de Cubagua. Il en va un peu de même pour Cumana avec la Marguerite58. Le trafic officiel, complexe/Marguerite, est passé par un sommet de 1586 à 1590, il s’est retrouvé, après le creux des années 90, de 1601 à 1615. Au-delà de 1615, la Marguerite s’efface progressivement. Cumana, dans le même temps, se redresse. On aura noté que la série autonome de Cumana commence très tard, en 1592. Il y a un véritable décrochement entre 1616-1620, d’une part, 1621-1625, d’autre part, sur les échanges Allers et Retours, à l’intérieur de la Carrera, après une régulière montée depuis le creux du début du xviie siècle. Tandis que Cumana passe de 415 toneladas à 1 494 toneladas (1611-1615, 1621-1625)59, la Marguerite sur une série homologue60, dans le même cadre chronologique descend de 1 375 toneladas à 250 toneladas. On est donc en présence d’une compensation parfaite, puisque, si on envisage l’ensemble complémentaire Marguerite/Cumana, on passe, dans le même cadre chronologique, de 1790 toneladas à 1754 toneladas, c’est-à-dire que l’on reste bien sur un plateau à peu près parfait.
61Dans ses rapports avec le complexe portuaire, surtout, il est impossible de dissocier, gravement, les territoires de la Trinité, de Paria, Cumana, la Marguerite, Cubagua et Araya. Ils forment un tout, entre lesquels des transferts s’opèrent. Ils sont successivement approvisionnés, dans leur ensemble, par un port plus que par un autre. Le cabotage (il est particulièrement actif dans cette région) assure la ventilation du trafic à l’intérieur de cet ensemble. La seconde caractéristique de l’histoire de la Terre Ferme orientale est marquée par une lente et progressive occupation de la côte continentale en partant des îles bordières de la côte.
62L’économie de cet important secteur de la Terre Ferme repose sur deux richesses, l’une, ancienne, le sel ; l’autre, de développement plus récent, le tabac.
2. Le sel
63Les immenses salines naturelles d’Araya — Oviedo en donne une description émerveillée61 — ont constitué, pendant longtemps, une richesse fabuleuse et particulièrement difficile à évaluer. Les salines d’Araya ont assuré, tout au long Je la période qui nous intéresse, l’approvisionnement commode d’une fraction importante de la cote de Terre Ferme. Mais cette richesse ne reste pas cantonnée dans les limites étroites d’une économie régionale. Le sel d’Araya entre, au cours des dernières années du xvie siècle, dans le cadre de la grande économie mondiale.
64a. L’exploitation hollandaise.
65On rappellera, derrière la belle étude d’Engel Sluiter62, les étapes de la pénétration hollandaise dans la mer Caraïbe. Elles sont celles, aussi, un peu, de la fortune des salines d’Araya. Le développement de l’exploitation des richesses naturelles d’Araya et son inclusion dans l’économie mondiale sont liés aux besoins en sel de l’industrie hollandaise.
66Les étapes de la pénétration.— Engel Sluïter place en 1572 les premières apparitions des navires de Hollande et de Zélande dans la mer Caraïbe, en 1591, les premiers voyages réguliers, en 1596, les premières expéditions de quelque amplitude. C’est donc, à la hauteur de ces années, entre 1594 et 1596, qu’il faut placer la mise en exploitation, sur une grande échelle, des salines d’Araya. En 1597, par exemple, dans une lettre au Conseil des Indes, du 3 avril, la Casa de la Contratación63 parle du départ d’une flotte de sel de Hollande et Zélande en direction du Cap Vert. C’est une grosse expédition de 54 navires, il faudrait ajouter de petits navires à fond plat. La Casa donne, en un mot, la raison de ces paradoxales expéditions lointaines, « ... por estarles cerrada la puerta de venir a estos rreynos... », entendez la fermeture, il vaudrait mieux dire, les difficultés mises à l’approvisionnement traditionnel dans la péninsule ibérique. La mise en exploitation d’Araya contemporaine de l’accroissement du commerce du sel d’Afrique ressort du même réflexe. Certes, Hermann Kellenbenz64, tout récemment, a bien montré combien, avec la complicité, notamment, des Hanséates, la fermeture des ports de la péninsule ibérique aux navires de Hollande était restée partielle. Pourtant, comme toujours, en pareil cas, les pondéreux moins faciles à dissimuler sont frappés plus que les produits de grande valeur sous un faible volume.
67La guerre du sel.— La Hollande, premier client de Sétubal, premier consommateur du monde, est coupée de la plus grande zone productrice de sel du monde. Il est incontestable que Philippe II a compté sur la guerre du sel pour briser la force des rebelles contre laquelle les piques transplantées, à quel prix, dans les Pays-Bas espagnols sont restées impuissantes. Le choc a été rude en Hollande et en Zélande. Toute l’industrie des conserves de poissons, une partie de l’alimentation de ce peuple nombreux et pauvre dépend par ricochet de son approvisionnement en sel portugais. Mais le choc est non moins rude pour Sétubal : les séries et les graphiques de Virginia Rau le montrent bien65 par un puissant décrochement à la hauteur des années 1593-1594.
68Pour faire face à une pénurie extrême, la Hollande a dû jeter dans la balance le poids de ses innombrables flottilles de bateaux plats. Le propre de l’économie de guerre n’est-il pas d’écarter les considérations capitales, en toute autre circonstance, du prix de revient ?
69Les marins de Hollande et de Zélande coupés de leur source d’approvisionnement logique en sel, en sel rentable, vont entre 1593 et 1597, méprisant le coût fabuleux de ces richesses potentielles, utilisant, au maximum, les réserves de puissance de la plus grande force maritime du monde d’alors, mettre en exploitation le Cap Vert, mais surtout Araya. La flambée d’Araya est aussi courte qu’elle est paradoxale et impressionnante. Progressivement, en effet, dès les premières décades du xviie siècle, des accommodements hypocrites interviennent qui permettent la reprise logique d’un approvisionnement important auprès de Sétubal. Ne nous hâtons pas de conclure. Tant que dure la guerre hispano-hollandaise, tant que dure l’Union des deux Couronnes, l’approvisionnement hollandais, à Sétubal, restera précaire et inférieur à ce qu’il avait été et à ce qu’il aurait pu, à ce qu’il eût dû, logiquement, être. Si l’exploitation d’Araya ne reste pas longtemps au niveau exceptionnel qu’il avait, un moment, atteint à la charnière des xvie et xviie siècles, sous l’action d’un concours momentané de circonstances, elle subsistera, longtemps, encore, comme ressource d’appoint. La courbe des exportations de Sétubal établie par Virginia Rau en montre la nécessité logique. Il ne pouvait en être autrement, puisque de 1600 à 1640, la plus grande source d’approvisionnement en sel négociable66 n’a pas recouvré ses anciens niveaux de production.
70Ordres de grandeur et importance du phénomène.— Au moment suraigu de la crise du sel, c’est-à-dire entre 1599 et 1609, Engel Sluïter croit pouvoir affirmer que 300 navires hollandais se sont donné, annuellement, rendez-vous, dans l’immense baie d’Araya. Retenons en l’indication, sans trop l’entendre au pied de la lettre. Non qu’Araya ne puisse contenir semblable flottille, mais des masses aussi considérables ne sont guère à l’échelle de l’Atlantique hispano-américain contemporain. Il s’agit d’impressions d’observateurs affolés, désireux, en outre, de se donner de l’importance. Il est possible, voire vraisemblable, pratiquement certain, que nos observateurs n’ont pas fait, toujours, la distinction nécessaire entre les navires du transport du sel proprement dits, petits navires, certes, tout petits navires, même, à l’échelle de nos galions, mais vrais navires et les lanchas employées à l’exploitation.
71Même si on est tenté de réduire, quelque peu, l’importance, de toute façon exceptionnelle, des salines d’Araya, il n’est pas douteux que l’on est en présence d’un phénomène de premier plan dont les nombreuses implications ne sont pas faciles à saisir.
72La première leçon tombe sous le sens. On est, en présence, sous la poussée paradoxale de facteurs extra-économiques, de la première entreprise d’exploitation en vue d’un trafic transatlantique, d’un produit alimentaire pondéreux. Le sel d’Araya constitue, toutes proportions gardées, comme la réplique, au Retour, du paradoxe, à l’Aller, de l’admission, au début, des pondéreux alimentaires, vin, huile et blé, surtout. Saluons, donc, dans le sel d’Araya, la première grande exportation pondéreuse, sans doute, d’Amérique sur l’Europe.
73La seconde leçon d’Araya n’est pas moins claire. Ce premier trafic — mieux, l’exploitation, elle-même, de cette richesse — échappe totalement à l’Espagne. Le sel d’Araya est intégralement entre les mains des Hollandais. La chose ne va pas sans ironie. La mise en exploitation sur une grande échelle des salines d’Araya (auparavant, elles servaient, seulement, à couvrir quelques besoins locaux) est une réponse hollandaise en territoire juridiquement espagnol, à la prétention de l’Espagne de couper les rebelles, grâce à l’Union des deux Couronnes, d’une source vitale pour eux d’approvisionnement située en territoire portugais, donc, politiquement contrôlée par l’Espagne. La réponse hollandaise d’Araya montre que le roi d’Espagne contrôle d’une manière beaucoup plus efficace le Portugal tout proche qu’il ne le fait de la Terre Ferme orientale lointaine.
74La troisième leçon que l’on sera tenté de dégager est un corollaire de la précédente. Cette implantation hollandaise, cette tranquille exploitation, cette jonction régulière, quelques mois durant, plusieurs années d’affilée..., montreraient, si besoin était, combien l’occupation espagnole de la côte de Terre-Ferme est une occupation théorique. Les escadres hollandaises ont pu, en toute liberté, au sommet même de la puissance de l’Espagne, installer librement leurs entreprises, à quelques dizaines de kilomètres de Cubagua, de la Marguerite et à la vue même de Cumana. Voilà qui vient nous rappeler combien l’occupation du sol dans cette Amérique ancienne est différente de ce que nous entendons, puisque sont possibles de semblables interpénétrations d’éléments hostiles.
75b. Bilan.— Les conséquences de cet état de fait ne sont pas faciles à apprécier. Il s’agit, pour l’essentiel, d’une économie plaquée et comme étrangère à l’Amérique espagnole coloniale. La plupart des documents de la correspondance de la Casa de la Contratación lui attribuent un effet extrêmement défavorable. Cela va de soi. Le point de vue est nécessairement hostile, et 1es arguments avancés sont plausibles.
76Incidence négative : la ruine de l’industrie perlière.— Les sources attribuent à l’implantation hollandaise dans la région d’Araya la destruction de l’industrie perlière dont les bases géographiques recouvrent, à peu de chose près, celles de l’exploitation du sel. On peut accepter, en gros, ce point de vue corroboré, dans ses grandes lignes, par les chiffres. Autant, en effet, qu’une série incomplète et un peu courte67 permet d’en juger, sur laquelle il y aurait, peut-être, beaucoup à dire, la production perlière culminerait entre 1583 et 1589, en passant par un point haut en 1587. Dans ces conditions, le reflux commence, suivant le recul que l’on accepte de prendre à l’égard d’une série assez médiocre, soit en 1587, soit en 1589.
77En gros, donc, le point de vue soutenu par la Contratación peut être accepté, mais il reste plus vraisemblable, encore, que le reflux de la production perlière précède, de près de dix ans, l’invasion hollandaise des salines. L’exploitation sur une grande échelle du sel d’Araya — avec ses destructions physiques et les concurrences qu’elle entraîne dans le domaine de l’utilisation de la main-d’œuvre — a, plutôt, accéléré le reflux de la production perlière qu’elle ne l’a véritablement provoqué. On comprend mieux, dans cette hypothèse, l’extrême rapidité de la contraction perlière. Dans le secteur, par conséquent, de la côte orientale de la Terre-Ferme, on peut dire, au prix d’une certaine simplification, qu’une production pondéreuse a contribué à chasser une production de valeur. Le phénomène va assez à l’encontre de ce à quoi on est accoutumé pour valoir d’être rappelé.
78Les conséquences de l’exploitation des immenses salines d’Araya ont-elles été purement négatives pour le pays ? On hésite à suivre sur ce point le tableau pragmatiquement pessimiste de la Contratación.
79Incidence positive : lamontée de Cumana.— Il est impossible, en effet, que l’arrivée d’une telle masse d’hommes, de navires, de biens et la création d’une richesse considérable n’ait pas tant soit peu bénéficié à la Terre-Ferme orientale. On observera, par exemple, que la montée de Cumana compense et au-delà, la récession de la Marguerite68. Si on accepte l’indice d’activité, au vrai, contestable des rapports tels que nous les calculons avec l’Espagne du commerce officiel, il faudrait admettre que même sous l’angle de la colonisation espagnole, la mise en exploitation massive des salines d’Araya n’a pas été purement négative. En fait, cette fausse contradiction est parfaitement logique.
80Il y a pu avoir évolution, d’ailleurs, des effets subis par l’exploitation du sel. Les énormes armadas des toutes premières années du xviie siècle ont eu, très vraisemblablement, des effets plus uniformément négatifs pour la côte orientale de la Terre-Ferme que le trafic installé des années d’après 161069. On peut, ainsi, réconcilier deux points de vue moins contradictoires qu’il n’apparaît. A nouveau, en 1622, avec la rupture de la Trêve de Douze Ans, il y a, semble-t-il, renforcement des frottements et poussée d’hostilité. Il y a gonflement, aussi, du rythme de l’extraction, pour un court laps de temps. Les mêmes causes produisant, en gros, les mêmes effets, Araya, en 1622, bénéficie d’un transfert au détriment de Sétubal. Mais il semble que, rapidement, les choses reviennent en l’état antérieur.
81De cette longue incrustation des Hollandais dans la régie d’Araya, quelque chose subsiste... une habitude, une connaissance des lieux. Araya a préparé, ainsi, les implantations politiques ultérieures d’Aruba, Curaçao et Surinam, ces cruelles épines enfoncées dans le corps d’une Terre-Ferme orientale que la Carrera n’a pas pu annexer tout entière à l’Espagne.
3. Le tabac
82Le sel n’est pas le seul responsable de la prospérité de la côte. Certains diraient même qu’il fût plus une entrave qu’un gain. La grande affaire, ici, comme à la Trinité, c’est, à partir des premières années du xviie siècle, le tabac. Le tabac, dont on a déjà dit la marche ascendante70. Mais la culture du tabac, ne retient pas, à proprement parler, la côte de Cumana dans l’orbite de la Carrera.
83a. Une économie hors monopole.— A Cumana, comme à la Trinité71, le tabac est une richesse qui n’entre que très imparfaitement dans le moule de l’Atlantique du Monopole. Les plaintes sont nombreuses à Séville contre Cumana, domaine du commerce au bout de la pique. Une lettre de Cumana, de Francisco Turrillo à la Casa72 présente comme un fait reconnu, depuis toujours, dans cette région, la coutume du commerce au bout de la pique. L’aveu, certes, est tardif, mais il est précieux, car il vaut, incontestablement, bien avant 1644. Cumana est apparue, tardivement. L’imprécision du texte de Velasco73, à l’ordinaire, si ferme et si net, prouve qu’en ce début des années 70 du xvie siècle, Cumana n’était pas encore beaucoup plus qu’un nom. Un peu plus tard, l’implantation sur la côte de Cumana se précise, puisqu’une campagne contre les Cumangotes aussi insoumis qu’irréductibles est conduite en 158574 depuis Cumana.
84b. Analyse du trafic officiel.— Toute cette histoire est assez bien résumée, finalement, dans les tables très grossières du trafic officiel Cumana-Complexe portuaire75.
85Rien de perceptible avant 1592. La côte de Cumana, ravitailleuse en produits grossiers, vivriers et en bois des pêcheries des îles de Cubagua et de la Marguerite n’est pas, dans l’ordre hiérarchique des valeurs coloniales, suffisamment classée pour avoir droit à une jonction directe avec la Métropole. Elle n’est touchée que par ricochet. C’est entre 1592 (date de la première direction autonome recensée en partant du Livre de Registres76) et 1614 (date du premier Retour indépendant77) que Cumana connaît, dans l’ordre des hiérarchies de la Carrera, une importante promotion. Cette promotion n’est pas sans rapport, sans doute, avec la mise en exploitation de la grande saline d’Araya dans des conditions déjà examinées78. Il y a eu, d’une part, repli sur la côte de Cumana d’une partie des activités perlières détruites des îles de Cubagua et de la Marguerite, reconstitution, reconstruction de toute l’économie de la région autour du tabac, fleurissant sur la côte. L’important, l’incontrôlable mouvement du sel aura beaucoup servi à cette reconstruction. En offrant aux exportations de tabac hors Monopole des possibilités inégalées.
86Cette économie hors Monopole de Cumana a, d’abord, servi au Monopole (trafic officiel élevé de 1621 à 163079 ; pour des raisons, en partie, stratégiques), mais elle finira par exclure à peu près totalement Cumana de la Carrera, après 163080, définitivement, après 1645.
87Si on cherche à résumer la situation de cette Terre-Ferme continentale orientale, on constatera un enracinement politique et humain de la présence espagnole, d’une part, une exclusion progressive du système commercial et maritime du Monopole, d’autre part. Terre hispanique, terre qui s’hispanise, mais précocement portée hors du système colonial. A la limite, on pourrait trouver, dès le xviie siècle, sur la côte de cette Terre-Ferme, parent pauvre, les germes de l’Indépendance. Ils sont, ici, le fruit de la médiocrité.
CUBAGUA ET LA MARGUERITE : LES ILES PERLIÈRES
88L’histoire de la côte de Cumana est particulièrement indissociable des îles côtières de Cubagua et la Marguerite. L’occupation des îles précède celle de la côte. Longtemps, cette dernière n’a été autre chose qu’un point de ravitaillement pour l’économie des bancs perliers des îles. Cubagua et la Marguerite possèdent les plus importants bancs de perles de l’Amérique, elles sont un peu comme le Potosi des perles. On sait le rôle joué par les perles dans l’histoire de la Carrera. Pendant la plus grande partie du xvie siècle, elles ont été un élément non négligeable des trésors, d’où la formule immuable des textes : « oro, plata y perlas ». L’ordre est celui du tout premier xvie siècle, il sera conservé, dans toute l’histoire de la Carrera, même quand l’argent aura, pour le meilleur, supplanté l’or et que les perles auront pratiquement totalement disparu.
89Aux origines de l’histoire coloniale de la Terre-Ferme, les perles ont été, on l’a vu81, un élément du rescate, la hase même du troc qui attirait sur la côte les navires espagnols. Mais les perles n’étaient guère dans l’économie indienne qu’un sous-produit d'un produit alimentaire très recherché, l’huître. C’est la raison pour laquelle, très rapidement, on devait passer du sirop !-troc à une occupation politique et à une mise en exploitation directe.
1. Le centre de l’industrie perlière se déplace de Cubagua à la Marguerite
90Le premier centre de gravité de l’industrie perlière s’est trouvé, d’abord, dans la petite île de Cubagua, avant de se déplacer en direction de la Marguerite au Nord. Il suffit de suivre, dans les textes les plus anciens, l’importance relative accordée à Cubagua et à la Marguerite. Au début, tout est manifestement concentré autour de Cubagua. Une grande ville éphémère, Caliz y est fondée, en 1523, elle disparaîtra après quelques décennies d’existence avec la récession de l’économie perlière de l’île82.
91a. Richesse perlière, richesse éphémère.— La richesse perlière, plus, peut-être encore, que les richesses minières, s’use vite. Elle s’use par la destruction des huîtres exploitées sans souci de conservation des banes, par la terrible usure des hommes, par la fragilité du produit lui-même. La perle ne constitue pas, au même titre que l’or ou l’argent, une valeur refuge. Elle ne conserve pas son éclat, elle est facilement détruite. Elle est essentiellement une parure, sans utilité monétaire.
92Il semble que le prix des perles n’ait pas suivi la courbe ascendante de tous les prix. L’indice sur lequel nous nous appuyons est mince83. La série est courte, les prix sont des planchers de douane, sujets à caution. Il est difficile, avec les documents dont on disposait, d’affirmer que l’on a bien conservé, toujours, sur quarante ans, la même qualité. L’appréciation des perles dépend de la mode et d’une foule de facteurs dont des planchers de douane (généralement, en retard, de toute manière, nous l’avons dit, souvent84, sur la réalité) ne rendent qu’imparfaitement compte. Quoiqu’il en soit, si on fait confiance au « l’un portant l’autre », cher à l’imprécision de l’Ancien Régime de la mesure, on sera obligé de constater qu’entre 1558 et 1597, le prix des perles n’évolue pas au rythme de la révolution générale des prix, avec d’importants repentirs. On peut même parler d’un véritable effondrement de 1587 à 159785. Modification du goût, de la mode, saturation des besoins... Il est incontestable que ce grand tournant précède l’invasion hollandaise des salines d’Araya et termine, en fait, le cycle de la prospérité des perles.
93Mais le cycle des perles dure, pratiquement, un siècle.
94b. Cubagua culmine et décroît.— Au début, le centre de gravité des bancs se trouve autour de Cubagua. Oviedo insiste86 avec enthousiasme sur les prospérités de la petite île. Elle ferme à l’Ouest le détroit entre Araya et la Marguerite, que Coche garde à l’autre extrémité. Les perles sont sa presque unique richesse, à part un peu de gaïac et d’huile de pétrole, dont les usages limités sont des usages médicinaux87. La prospérité perlière de Cubagua semble culminer, très tôt, dans la seconde moitié de la décade des années 20 du xvie siècle. L’entreprise est étroitement conduite depuis Saint-Domingue. Toutes proportions gardées, il y attirance de la colonie dominicaine par les perlières de Cubagua comme par les pactoles du monde mexica. En 152088, par exemple, quand les colonies des îles s’enfoncent à corps perdu dans la conquête cortésienne, une expédition part de Saint-Domingue avec trois cents hommes et plusieurs caravelles pour repousser de l'île de Cubagua les raids indiens et châtier les populations responsables du massacre des missionnaires. L’importance de la production de Cubagua se trouve impliquée dans une provision royale du 13 décembre 1527 adressée au Cabildo municipal et aux officiers royaux de Cubagua89. Les ressources de la région ne sont pas encore épuisées, puisqu’en décembre 1528, on découvre encore à l’île de Coche, annexe de Cubagua des bancs prometteurs. Diego Caballero écrit de Saint-Domingue à leur propos, le 6 mars 152990. Ce qui montre, par ricochet, la part que l’on prend de l’île Espanola aux entreprises perlières du long détroit de la Marguerite. Il semble qu’à Cubagua, comme ailleurs, les possibilités de la production aient été limitées, longtemps, par le goulot de la main-d’œuvre, une main-d’œuvre traitée avec une extraordinaire brutalité. D’où un effort, parfois, mal couronné de succès, de progrès technique. En 152891, par exemple, on propose à Cubagua l’emploi d’espèces de grands rateaux qui permettraient d’alléger la rude épreuve de la plongée pour le ? indiens et les noirs. Le projet n’aboutit pas. Ce genre de préoccupations est symptomatique de la rareté de la main-d’œuvre consécutive à l’expansion.
95A partir de quand s’effectue la translation qui va frustrer Cubagua de sa position centrale au profit de la Marguerite ? Le mouvement est commencé avec le milieu du siècle. Dans la mesure où l’on peut faire fond sur les données tellement fragmentaires du début du xvie siècle, on aura constaté que le mouvement Espagne du Monopole/Cubagua culmine en 152792. Le passage par un point haut en 1527 est d’autant plus remarquable que la connaissance que l’on a, au cours de ces années, de la ventilation géographique du mouvement est plus médiocre93. En 1527, Cubagua totalise 16 % du trafic de direction et provenance connues. Il ne faudrait pas se hâter de généraliser trop vite en partant de séries tronquées. Un hasard a certainement grossi la part de Cubagua en 1527. Toutefois, on ne peut nier qu’au cours de ces années, la toute petite île, une centaine à peine de kilomètres carrés, capitale des perles, n’ait totalisé une part appréciable du trafic Espagne-Terre-Ferme.
96Le rôle de Cubagua94 s’estompera, peu à peu, devant le rôle croissant de la Marguerite. Quoiqu’il en soit, Velasco en 1574, en général, bien informé, encore que prisonnier un peu du passé, accorde à Cubagua un rang primordial dans l’ordre des terres perlières95. Et pourtant, il note déjà un signe certain de décadence : l’abandon de Caliz et le repli de sa population sur Cabo de la Vela96.
2. La Marguerite à travers les deux cycles perliers du xvie siècle
97La translation du complexe perlier de Cubagua vers la Marguerite se sera faite d’autant plus facilement, peut-être, que le grand port de Cubagua était sur la côte Nord97 de la petite île, face, par conséquent à la Marguerite.
98a. Mise en place.— La position n’est pas excellente. Certes, la Marguerite (un millier de kilomètres carrés environ) offre une base territoriale plus vaste que Cubagua. Mais le manque d’eau y entrave le développement du bétail98. D’où un problème constant de ravitaillement. Cette difficulté explique, peut-être, la lenteur de son développement au début de son histoire coloniale. Plus de quarante-cinq ans après la première implantation dans l’île, cette dernière ne comptait, encore, au moment où écrit Velasco, que 35 à 40 vecinos, malgré l’abondance des bancs et l’existence d’un bon port sur la côte Nord. Ce développement lent et difficile s’explique, peut-être, tout simplement par une position excentrique, particulièrement exposée, Velasco l’avait bien senti, aux coups des corsaires. Cubagua et Coche, a fortiori, la côte de Cumana sont, partiellement, couverts par l’écran allongé de la Marguerite. Il en va ainsi de toute la vaste bande étirée sur près de quinze cents kilomètres des îles-sous-le-Vent. Elles sont appelées, les unes après les autres, à être arrachées à l’empire politique et culturel de l’Espagne : Aruba, Curaçao, Buen-Aire, la Trinité et Tobago, la Marguerite participant un peu à cette disgrâce.
99L’implantation espagnole à la Marguerite est postérieure à 1525. On en trouvera le point de départ dans la capitulation signée à Madrid le 18 mars 1525 par l’auditeur Marcelo de Villalobos99 Les possibilités de peuplement de l’ile sont appréciées dans ce texte révélateur en fonction des bancs de perles de Cubagua.100. Il semble qu’on attende des établissements de la Marguerite un rôle, d’abord, d’approvisionnement101 de la main-d’œuvre des bancs. L’expédition devra être conduite dans les six mois. Les habitants de la Marguerite recevront licence de construire les navires nécessaires à leur commerce sous le contrôle administratif symptomatique de Saint-Domingue et le droit de commercer librement avec la Terre-Ferme et les îles des Indes nouvelles.
100b. Le premier cycle 1528-1535 et la crise du demi-siècle.— La principale activité de la jeune colonie de la Marguerite va se résumer, près d’un siècle durant, dans la production des perles. Tout d’abord, lors d’un premier cycle de 1528 à 1535, en gros, en direction des bancs communs Marguerite-Cubagua, en direction plus exclusivement des bancs propres à la Marguerite ensuite. Dans un article déjà cité102, Manuel Luengo Munoz, en mettant en cause un nombre considérable de documents traditionnels, arrive à distinguer deux paroxysmes dans la production perlière, 1528-1535, d’une part, 1573-1585, d’autre part. Cette position recoupe celle que nous tirons de documents tout à fait différents.
101On peut distinguer, en effet, un premier cycle de perles — le cycle de Cubagua. Nous serions tentés, toutefois, de le faire commencer plus tôt, à partir, en gros, de 1523-1524, vraisemblablement103 Cycle Cubagua pur, d’abord, jusqu’en 1528, puis Cubagua-Marguerite, de 1528 à 1535.
102A partir de 1535, il y aurait comme ralentissement et difficultés à la production des perles. Question de goût et de mode, peut-être, en Europe. Question de main-d’œuvre, certainement. L’expansion de l’économie minière, les débuts de l’économie de plantation de-ci, de-là, la crise de conscience de la révolution lascasienne posent de gros problèmes à cet approvisionnement.
103Une des sources d’approvisionnement des bancs perliers se trouvait c u Brésil. Il s’agissait des Indiens que les Portugais ne se faisaient pas scrupule de faire prisonniers et d’exporter très loin hors de leur domaine. Une cédule du 21 septembre 1556104 montre l’ampleur de cet approvisionnement. Elle fait état d’une caravelle portugaise qui vient d’amener à la Marguerite, 300 pièces d’indiens Brésil, hommes et femmes. Elle montre, aussi, les difficultés qui sont, alors, opposées à ce mode d’approvisionnement. Même si la cédule, qui interdit l’importation d’indiens Brésil, n’a pas été, immédiatement, et parfaitement, obéie, — comme c’est vraisemblable, — elle laisse supposer une crise. Crise, peut-être, par suite du manque de main-d’œuvre, crise, peut-être, antérieure au manque de main-d’œuvre, d’où l’entrave qui est mise à son libre approvisionnement en esclaves bon marché. La pièce d’esclave du Brésil est moins chère que la pièce d’Afrique. Elle est aussi apte au travail de plongée, donc, à tous égards, plus économique. Celte mesure n’est pas due, uniquement, sans doute, à des raisons humanitaires, mais peut-être, à une tension générale des besoins en main-d’œuvre servile. Plus certainement encore, à la crainte de la contrebande portugaise sur la côte névralgique des perles.
104La Marguerite, au cours de ces années, paye de malchance. Elle est cible de prédilection de la course durant les années mouvementées de la sombre décade 1551-1560105, et le siège de graves troubles civils, sous la domination passagère du « Tirano » Lope de Aguirre, conquistador rebelle, venu du Pérou, générateur d’humanités belliqueuses et rebelles. Aguirre, par le meurtre et la fourberie, s’empare du pouvoir à la Marguerite en juillet 1561 et plusieurs années durant, tient l’ile dans une dissidence stérile106 qui en fait un repaire involontaire de brigands.
105c. Le second cycle 1573-1585 et la crise de la fin du siècle.— Le second cycle de prospérité perlière, à la différence, du premier est centré sur la Marguerite et se situe, d’après Manuel Luengo Muñoz107, entre 1573 et 1585.
106La série dont on dispose est trop courte et trop fragmentaire108 pour qu’on puisse corroborer l’affirmation de Luengo Muñoz. Elle est, a priori, vraisemblable. Le départ d’un nouveau cycle perlier supposait, en effet, le retour à la stabilité politique acquise vers 1565 dans l’île. Il a dû être favorisé, en outre, par un accroissement très rapide du prix des perles, de 1558 à 1571109. Il est possible que le second cycle commence un peu avant 1573. Il est stoppé au-delà de 1585 par la chute des cours qui compromet la rémunération de l’entreprise110.
107On pourrait, à partir de 1589, date, suivant nos séries111, du renversement de la tendance majeure des importations officielles des perles, ouvrir tout un dossier de la crise de l’économie de la Marguerite. Le synchronisme est, d’ailleurs, parfait — au-delà de toute espérance — entre le cycle des perles et le volume du mouvement entre le complexe portuaire et l’île de la Marguerite112. Le point haut du mouvement direct recensé de Séville entre la Marguerite et le complexe se place entre 1586 et 1590, plus exactement en 1588, avec un total de 6 navires et 990 toneladas. Le reflux des perles provoque, donc, un reflux de toute l’activité de la Marguerite. Il y a des présomptions raisonnables de le penser
108Dès 1589, le premier S.O.S. retentit dans la correspondance de la Casa avec le Consejo113. La Marguerite a accusé, avec une extraordinaire sensibilité, la rupture d’approvisionnement à la hauteur de l’année 1588114. Le passage du rythme des départs de 5 à 1 unités, de 840 à 150 toneladas115., ne se fait pas sans peine. Immédiatement après la poussée de 1588, avec la rupture d’équilibre du rythme de l’approvisionnement, la Marguerite accuse une pénurie qui frappe ses activités116.Aussitôt après 1588, la Marguerite s’aligne sur le rythme des « parents pauvres » de la Carrera, c’est-à-dire sous approvisionnement, régime des navires sous licence et contrebande. Régime des licences — on le voit instauré en 1589. L’unique navire de 1589 est celui-là même auquel fait allusion la Contratación dans sa lettre au Consejo du 16 juillet117et c’est, déjà, un navire de permission. En même temps que les liaisons officielles s’estompent, apparaît la crainte des liaisons hors Monopole118, la crainte que la nave qui a reçu licence pour la Marguerite ne se détourne d’elle et n’assure, en fait, une liaison plus lucrative. Ce schéma, pour la première fois dessiné, à notre connaissance, en direction de la Marguerite, indéfiniment répété, ensuite, un peu partout, le long des axes Monopoles/Parents pauvres, classe nettement la Marguerite dans le groupe des marginaux du système. L’isolement sera d’autant plus sensible au début, surtout, qu’il n’est pas facile à la Marguerite, surtout de suppléer totalement aux liaisons avec le complexe portuaire. Faute d’en bénéficier directement, Santa Marta peut recevoir les marchandises d’Espagne, soit de Carthagène, soit de Nombre de Dios. Or, la distance vraie (non pas kilométrique mais en jours de navigation effective) qui sépare Nombre de Dios de la Marguerite n’est pas inférieure de plus d’un tiers à la distance vraie Espagne-Marguerite. Un document de 1591 donne 29 jours119. C’est une bonne moyenne, contre 45 jours environ120 pour le temps de parcours moyen du complexe portuaire à la Marguerite. Mais les 29 jours Nombre de Dios-La Marguerite s’ajoutent aux 60 jours complexe-Carthagène ou aux 80 jours complexe-Nombre de Dios/Puerto Belo. On comprend quel handicap constitue sur les liaisons de la Marguerite la disparition virtuelle, pour un temps de la jonction directe. Désormais, corsaires et commerce au bout de la pique constituent, pour la Marguerite, vue de Séville, la plaie majeure121. La présence physique des corsaires est une entrave ou une justification à la non-exploitation des bancs122.
3. La Marguerite au xviie siècle : ralentissement et reconstitution
109Les perles sont tellement au centre de toute l’économie de l’île qu’elles traversent la crise et se reconstituent, au-delà des mauvaises années du début du xviie siècle à un niveau plus réduit. Mais d’autres activités viennent se joindre à cette industrie ralentie, tendant à se substituer à elle.
110a. L’économie perlière subsiste jusqu’en 1620.— En 1609, à l’intérieur même de l’île, les perles constituent encore la seule monnaie qui ait cours123. On n’y trouve pas même, comme souvent, ailleurs, aux Indes, l’humble vellón, aliment des transactions de chaque jour. Or il est certain que la crainte que l’on a, à Séville, de voir la Marguerite sortir un peu plus de l’Atlantique espagnol est une crainte paralysante, elle entrave la reconstruction, après 1610, des perlières124. Ces craintes sont, d’ailleurs, étayées. Au fur et à mesure où au-delà de 1600-1610, la Marguerite échappe à Séville, elle est prise dans le faisceau des rapports Portugal/Brésil125 Un crochet par la Marguerite est assez monnaie courante. Des entreprises portugaises existent dans l’île. Elle semble en rapport, aussi, avec l’archipel canarien. De petites barques vont des Canaries à la Marguerite où elles restent employées dans les pêcheries de perles126.
111De 1613-1614 à 1620, les pêcheries sont, à nouveau, en pleine crise. On nous présente, tour à tour, l’île dépourvue de tout127 et la production arrêtée depuis six ans128. La Casa visiblement hostile accuse l’exploitation destructive des bancs au mépris des règles royales de conservation.
112Mais, à nouveau, en 1620, il semble qu’il y ait reprise129 passagère, sans doute, des pêcheries. Tant les perles constituent bien le fondement véritable de l’économie de la Marguerite. Le tournant doit se situer dans la première, moitié de l’année. Le 18 février 1620, la Casa fait encore état dans une lettre au Conseil des Indes130 de l’état lamentable des pêcheries, mieux, de leur quasi-inexistence131 On a renoncé à envoyer un galion depuis la base de Carthagène pour collecter les perles, une patache suffit pour l’acheminement des dépêches officielles. Le 20 août 1619, la Casa niait la nécessité de maintenir une liaison directe avec la Marguerite en raison de la disparition de son économie motrice132 Or le 16 juin 1620, la Casa a modifié ses positions car on apprend la découverte de nouveaux bancs133. Elle se décide, alors, à l’envoi de deux bâtiments légers.
113Il ne faut, peut-être, pas attacher à ces fluctuations, une importance excessive. Elles ont le mérite, toutefois, de démontrer une caractéristique de l’exploitation perlière. Elle est sujette à un rythme lié à l’épuisement plus ou moins rapide des bancs. La production est, d’abord, rapidement croissante, puis décroissante sur une période plus longue, jusqu’au moment où l’extrême pénurie pousse à la découverte de ressources nouvelles. La courbe décroissante des perles se trouve être, de ce fait, une courbe sinusoïdale descendante. Mais le soubresaut de 1620 est pratiquement sans lendemain.
114b. Activités complémentaires et relais.— Ce soubresaut est illusoire. En 1620, en effet, d’autres activités ont sauvé, à la Marguerite, une existence coloniale ralentie.
115La Marguerite apparaît, au début du xviie siècle, comme exportatrice de maïs vivrier, en direction de Puerto Rico134. Nous sommes à un creux de la production perlière et à un creux du trafic officiel avec l’Espagne135. Cette exportation de maïs n’est, peut-être, qu’un fait de reconversion assez passager.
116Il en va, autrement, du tabac. La Marguerite appartient à l’empire du tabac des débuts du xviie siècle. Il faut, peut-être, y placer le début de la production du tabac sur une grande échelle entre 1611 et 1615136. C’est au tabac, nouvelle production dominante qu’il faut attribuer, non aux perles, la reprise du trafic Espagne/Marguerite à l’intérieur du complexe, à la hauteur de 1611-1615, voir de 1611-1620... et le niveau assez élevé de 1626-1630.
117Mais à la Marguerite, comme à la Trinité ou sur la côte de Cumana, le tabac, plus, peut-être, encore que les perles sollicite l’île en dehors de la Carrera. Le décrochement des années 1636-1640 est, sans doute, moins imputable à une défaillance du tabac, qu’à une perte à peu près complète de ses contrôles sur la région par Séville.
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118La Terre-Ferme orientale dont la Marguerite constitue un élément présente une profonde unité et une grande originalité. En raison de l’ancienneté de son occupation et des deux cycles d’activité autour desquels s’organise son économie, cycle des perles, cycle du tabac. Mais alors que les perles soudaient le destin de ces îles maritimes et continentales à celui de Séville et de l’Espagne, le tabac les en éloignait.
119Pendant la plus grande tranche chronologique de l’Atlantique de la première Modernité, îles à perles (Marguerite, Cubagua), îles continentales de Cumana, îles d’Araya à Paria, Trinité et contours incertains de l’Orénoque et du Marañon communiquent soit avec Séville et l’Espagne, soit avec les îles de la Méditerranée américaine, rarement avec l’isthme et avec l’autre Terre-Ferme, celle qui va de Carthagène au golfe de Maracaibo, Paraguana et Coro. Ce que l’on a pu mesurer du mouvement total de Nombre de Dios137 de 1544 à 1572, le montre clairement, le graphique, plus vigoureusement encore138.
120S’il en est allé longtemps, ainsi, c’est, vraisemblablement, qu’un vide, sur cinq à six cents kilomètres de côte, a longtemps séparé les deux Terres Fermes opposées à l’emplacement du cœur du Venezuela actuel.
Notes de bas de page
1 T. VII, p. 92-99.
2 Une liaison par terre a été établie deux fois, au xvie siècle, une fois dans un sens (1566), une fois dans l’autre, entre le Pérou et la côte vénézuélienne, mais toujours au prix d’un effort inouï. Presque tous les hommes sont morts en coins de route et ceux qui arrivent au but sont à la limite de l’épuisement. Cf. Joseph de Oviedo y Banos. Historia de la conquista y población. de la provincia de Venezuela, Madrid, 1723, in-f°, 14 + 380 + 8 p.
3 Fondation de San Sebastián de los Reyes (Oviedo y Baños, op. cit., p. 364).
4 Oviedo y Baños, Historia de la conquista... de Venezuela, op. cit.
5 Cf. ci-dessus, p. 1071-1072.
6 VI2. Pour le mouvement annuel, on prendra les tables 309-310 à 320, p. 545-550, pour les îles complémentaires et bordières de la côte de Terre-Ferme extrême-orientale, les tables 391 à 415, p. 600-615, pour la côte proprement dite de la Terre-Ferme de Santa Marta à l’embouchure de l’Orénoque et les tables 474-486, p. 648-652 et 515-538, p. 676-685, respectivement pour le mouvement semi-décadaire.
7 Eduardo Arcila Farias. Economta colonial de Venezuela, Mexico, Fondo de Cultura Económica, in-8°, 1946, X-509, p. 68..., d’après le Libro común y general de Tesoreria de l'Archivo de la Nación de Caracas.
8 La prédominance des relations intra-américaines semble une constante du trafic colonial venezuelien, comme le prouve une autre étude d’Eduardo Arcila Farias, Comercio entre Venezuela y Mexico en los Siglos XVII y XVIII, Mexico, Fondo de Cultura Econômica, in-8°, 1950, 324 p.
9 T. VI2, table 410, p. 610.
10 Oviedo y Baños, op. cit., p. 129 sq.
11 A sept lieues de la « ciudad de Nueva Valencia » fondée en 1555 dans son arrière pays, à pratiquement quatre lieues de la lagune sub-côtière de Tacarigua. Oviedo y Baños, op. cit., p. 139.
12 T. VI2, tables 397-398, p. 604.
13 T. VI2, tables 391-392, 394-395, p. 600-601, 603-604.
14 T. VI2, tables 482-484, p. 651-652.
15 Cf. ci-dessus, p. 592-593.
16 Cf. ci-dessus, p. 592-593, critique des indices.
17 T. VI1, tables 174-176, p. 373-375.
18 T. VI2, tables 435-437, p. 625-627 ; tables 459461, p. 638-640.
19 Cf. t. VIII2, p. 1529-1953.
20 Cf. ci-dessous, p. 625-655.
21 E. Arcila Farias, Economia, op. cit,, p. 51.
22 Cf. ci-dessus, p. 495-517,..534-536,..544-549,..555-559,..569-574.
23 C’est ce qui apparaît, du moins, de quelques registres utilisés par Eduardo Arcila Farias, Economia, op. cit., p. 68.
24 Ibid.
25 Oviedo Y Banos, op. cit., p. 132.
26 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 42.
27 Frédéric Mauro, Le Portugal et l’Atlantique (1570-1670), op. cit.
28 Entendez par là que la récession séculaire est atténuée — comme dans l’Atlantique luso-brésilien si bien décrit par Frédéric Mauro. Elle affecte moins la masse globale que le rythme de croissance.
29 Velasco, op. cit., p. 152-153. Cf. Florentino Perez Embid, Diego de Ordas, compañero de Cortès y explorador del Orinoco, Séville, 1950, in-8° (22 X 16 cm), 156 p.
30 Ladislao Gil Munilla, Descubrimiento del Marañón, Séville, 1954, in-8°, XVI, 389 p., prologo de D. Amando Melón.
31 Velasco, op. cit., p. 153-154 : « Provincia y tierra de los indios Aruacas contenida en el descubrimiento de Serpa, son como 200 leguas o mas de Costa desde la isla de la Trinidad levante hacia la boca del rio de las Amazonas. »
32 T. VI2 tables 307-313, p. 544-546.
33 Hollandais, à la fin du xvie siècle, Français, autour de 1626 et Anglais.
34 T. VII, p. 20-21.
35 C. Fernandez Duro, Armada I, p. 454, Real Consejo de Indias, fol. 5 : « Asiento con Rodrigo de Bastidas para poblar la isla Trinidad. »
36 Velasco, op. cit., p. 135 sq.
37 T. VI2, table 307, p. 544.
38 T. VI2, tables 307-308, p. 544-545.
39 Colec. Fern. Navarrete, t. XIII, dto 80, fo 359 sq : « Carta escrita por el governador Antonio de Verrio al Rey desde la Isla Trinidad... con la relación de lo sucedido en el descubrimiento de Guayana y Mariva y otras Provincias que estan entre el Rio Orinoco y Maranon despues que salio a la Margarita y volvió, a entrar para acabarlas de descubrir... », 23 juin 1593.
40 Ct. 5113 — 6 avril 1606 — constate que Péruviens et Mexicains disputent fa Trinité aux produits d’Espagne.
41 Dans un grand mémoire, daté de Séville, le 28 mai 1611, Don Gregorio de la Palma Hurtado s’en plaint amèrement (Colec. Fern. Savarrete, t. XXIV, dto 49, fo 363-361, Mo, cf. t. IV, p. 317, note 1-1). La Trinité apparaît clairement, à travers ce plaidoyer passionné, comme en dehors des prises de la Carrera. Il met clairement en cause la complicité du gouverneur avec le rescate étranger. Les chiffres que l’auteur avance (les 13 naos qui sont devenues 30, cf. t. IV, p. 347, note 1-1) sont vraisemblablement exagérés, bien que, le rescate dont il est l’objet, ne vise pas seulement Pile, mais par delà l'ile des fractions importantes de la côte de Terre-Ferme.
42 T. IV, p. 347, note 1-1.
43 T. IV, 1620 A., note 7, p. 572 à 578.
44 T. VI2, tables 753-758, p. 1032-1033.
45 T. VIII2, p. 1353-1397.
46 IV, p. 347, note 14, p. 572-578, note 1.
47 T. VI2, tables 753-758, p. 1032-1033 et plus particulièrement 757, 757 A et 758, p. 1033.
48 Cette soudaine prospérité s’ajoutant à une position stratégique exceptionnelle, explique l’importance des convoitises. Une lettre écrite le 1er mars 1638 de Puerto Rico, apportée par un navire qui entre à Oporto, annonce l’entrée des Hollandais à La Trinidad (Ct. 5174, lib. 20, 27 mai 1638, C.C. au Consejo).
49 Veitia Linaje, op. cit., lib. 2, cap. 13, § 23, p. 615 : « La isla de la Trinidad (que es la que llaman de Sotavento) distante de la Margarita quarenta eguas... de temple enfermo, solía en ella fabricarse azucar, y en una fuente della que se llama tierra de brea, se saca mucha copia de pez, pero no sirve para las carenas. »
50 T. VI2, tables 307-308, p. 544-545.
51 T. VII, p. 82-84.
52 Veitia Linaje, op. cit., lib. 2 cap., 17, § 33, p. 205 : « Demas de los puertos regulares, donde se dan los registros para Flotas, refieren unas leyes, que el governador de la Isla de la Trinidad pueda dar registro a los navíos que della se despacharen para Espana, y el governador y oficiales reales de la Nueva Andaluzía lo puedan dar a los navlos que allí fueren, como no seau arribados para que vengan a Espana con frutos de la tierra... »
53 Osorio (ed. Campomanes), op. cit., I, p. 157 : « ... La isla de la Trinidad no tiene comercio... »
54 En 1532, des mémoires de, « Jacome de Castellan alcayde de la Fortaleza de Cumana escritas a S.M. desde la isla Española a 26 de mayo de 1532 en que expresa la llegada de el gobernador Diego de Ordas y su armada a la dicha fortaleza, de Cumana, y lo acontecido posteriormente hasta su retirada a la ysla de las Perlas... » Colec. Fernandez Navarrete, XIII, dto 93, fo 544. En 1536, « Capitulación con D. Juan d’Espes, vecino de Valencia : para conquistar y poblar desde el Rio Salado, cerca del golfo de Paria, 300 leguas hacia Oriente... », Codoin, Ind. I, t. 22, p. 472-496. Sur les premières installations sur la contrescarpe continentale de Cubagua et sur les tentatives philanthropiques de Las Casas dans cette région, cf. entre autres, pour un récit bien documenté (ironique, à l’égard de la personne de Las Casas), Oviedo, op. cit. I, p. 599-600 et Lewis Hanke, Spanish Struggle for justice in the conquest of America (Philadelphie, 1949, in-8°, X-217 p.), p. 58 et p. 68, surtout.
55 T. VI2, tables 315-320, p. 548-550.
56 T. VI2, tables 314-317, p. 547-549 et t. VII, p. 82-83.
57 Est-il besoin de rappeler qu’outre les navires qui desservent ces points en principal objectif, il y a le trafic par ricochet et d’une manière plus générale, le commerce d’Inde en Inde ?
58 On s’en apercevra, d’une manière particulièrement incisive, en comparant les tables 431 et 536 (T. VI2, p. 652-635).
59 T. VI2, t. 536, p. 685.
60 T. VI2, tables 48-1, p. 652.
61 Oviedo, op. cit. I, lib. 6, cap. 19, p-205.
62 Engel Sluiter, Dutch Spanish rivalry in the Carribean Area, 1594-1609, Hispanic American Historical Review, mai 1948, p. 32. Cf. t. IV, 1601 A, note 82, p. 126-127 et 1606 A, note I, p. 210-211.
63 Ct. 5170, lib. 10, fo 128-130 « ... 54 naos que por diziembre passado se aprestavan en Glanda y Zclanda con cappitana y almiranta para yr a cargar de Sal a la ysla de Maya (sic pou : Mayo) que es una de las de Cavoverde por estarles cerrada ia puerta de venir a estos rreynos... »
64 Hermann Kellenbenz, Unternchmcrkräfte im Hamburger Portugal und Spanienhandel, Hamburg, 1954, in-8°, 429 p.
65 Virginia Rau, A exploracão e o comercio do sal de Setdbaï, Estudio de historia economica I, Lisboa, 1951, in-8°, 208 pages.
66 On imagine, sans peine, la position unique au monde des salines de Setubal, pour un approvisionnement en sel négociable à l’intérieur de circuits d’échange Atlantique ; le long d’une baie profonde, plus vallée ennoyée qu’estuaire, à proximité de Lisbonne (moins de 30 kilomètres par terre, un peu plus par mer), entre Lisbonne et le complexe portuaire andalou, entendez entre les deux plus grands systèmes portuaires du xvie siècle. Le sel de Setubal a l'incomparable privilège, de constituer un fret de retour idéal pour des navires qui, sans lui, risqueraient de naviguer à vide.
67 T. VI2, table 759, p. 1034-1035.
68 T. VII, p. 82-83, 86-87.
69 Au début, ce sont d’énormes armadas, même si elles n’atteignent pas, nécessairement, les niveaux records que leur prête Engel Sluiter. Cf. notamment, Tres cartas al Rey de Don Diego Suarez de Amaya governador de Cumana del 2 de julio de 1600, del 19 de junio de 1601, del 15 de junio de 1602... a cerca de la salina de Araya y de las muchas urcas de los reveldes de Olanda que vayan a cargar a ella, y otras de rescate, proponiendo varios medios para cegar dicha salina y asegurar la pesquería de las Perlas. » Colec. Fern. Navarrete, t. XXVII, dto 33, fo 289-301. L’expédition du sel se double, à cette époque, d’ailleurs, d’arrière-plans militaires. Un document de Juan de Portu (au Roi, San Lúcar, 30 avril 1602, I.G. 2535) prête aux hourques hollandaises « des intentions » offensives à l’égard des galions. On apprend à San Lúcar (Ct. 5113, San Lúcar, Séville, le 18 mai 1604) par un navire parti de Puerto Rico le 8 mars 1604 et qui revient de la Marguerite, la présence dans la baie de Araya de 8 à 10 hourques qui chargent du sel. On peut retenir l’ordre de grandeur, il paraît plus sûr que les chiffres par trop gonflés de Sluiter (Cf. en outre, les lettres de D. Diego Suarez de Amaya, de Cumana, du 22 mai et 10 juillet 1604, la première, notamment, à propos d’Araya, Colec. Fern. Navarrete, t. XXVII, fo 303, dto 36). Pendant ce temps des projets se forment pour arrêter l’exploitation hollandaise des salines (Colec. Fern. Navarrete, t. VIII, fo 233, dto 34 et I.G. 2535, 4 novembre 1604).
En 1605-1606, après le départ de l'armada de D. Luis Faxardo, « algunas... urcas y navfos de reveldes... » sont venus faire du sel comme de coutume : « ... quedavan haciendo sal como antes solian... » (Ct. 5170, lib. II, fo 137, vto-138, 25 avril 1606). A partir de ce moment, on a l’impression d’une présence presque discrète et, en quelque sorte, supportable, des modus vivendi ont dû s’établir. Au cours de ces années de présence discrète, les effets positifs pour la région ont dû l’emporter sur les effets négatifs.
Il faut attendre la rupture de la Trêve de Douze Ans, pour qu’on passe, pour un an environ, en 1624, par une brève phase de tension. Des lettres de Cumana recommandent, en raison de la présence des naves hollandaises dans la zone des salines, d’en user, dans ces eaux, avec une extrême prudence (Ct. 5173, lib. 16, fo 83 vto-84, 29 juin 1622, lettres de Cumana, des 30 novembre 1622 et 13 janvier 1623, Colec. Fern. Navarrete, t. VI, dto 12, fo 76-82, C.C. au Consejo). Il est à nouveau question, cette année, d’une énorme armada de 104 « navios de olandeses », dans les eaux de la « gran salina de Araya ».
70 Cf. ci-dessus, p. 602-604 et t. VI2, tables 753-758, p. 1032-1033. Su le développement du tabac au détriment des perles, cf. Ct. 5114, Cumana, 10 février 1614, Christobal de Garica de Sotomayor à C.C.
71 T. IV, 1620 A, note 7, p. 572-578.
72 Ct. 5119, Cumana, 7 juillet 1644 : « Por el testimonio de la declaración que va con esta verá V.S. lo que se ofrece, en razon de aver admitido el conquistador Don Juan Orpin las ureas de ingleses con esclavos y mercaderias... »
73 Velasco, op. cit., p. 149-150. Le texte de Velasco englobe toute la région continentale de Cumana à l’embouchure de l’Amazone, dans les généralités les plus floues : « ... aunque par ser estas provincias no bien descubiertas basta agora, no se puede tener de ellas cierta notacia, y loque en general se sabe es, que en la demarcación de estas gobernaciones hay muchas y diferentes naciones de indios y todos barbaros, y por la mayor parte valientes y guerreros sin orden ni gobierno... »
74 Oviedo Y Baños, op. cit., p. 366.
75 T. VI2, tables 411 à 412 A., p. 611-612 et tables 534-536, p. 684-685.
76 T. VI2, table 411, p. 611.
77 T.VI2, table 412, p. 612.
78 Cf. ci-dessus, p. 606-612.
79 T. VI2, table 536, p. 685.
80 Ibid., et t. VII, p. 86-87.
81 Cf. ci-dessus, p. 119-123.
82 Velasco, op. cit., p. 137-138 et Oviedo, op. cit., lib. 19, cap. I, t. I, p. 589.
83 T. VI2, tables 762, 762 A., 762 B., p. 1052-1054.
84 Cf. t. VI1, p. 103-110.
85 T. VI2, table 762 B., p. 1054.
86 Oviedo, op. cit., lib. 19, cap. I, t. I, p. 589 sq. L’île a été découverte par Colomb et reconnue pour ses richesses perlières, par Colomb lui-même, lors du troisième voyage : « ... De alli pasó adelante y descubrió la Isla Rica, llamada Cubagua... o Isla de las Perlas, donde se fundó la nueva ciudad de Caliz... e allí es la pesquería de las perlas... » Elle est située à la vue même de la côte d’Araya « dista de la grand Costa de Tierra-Firme quatro leguas a la primera tierra de la provincia que se dice Araya... ». Le bruit des perles se répand rapidement, car la gent de mer est crédule et bavarde : « ... pues como en los marineros hay poco secreto..., publicaron en la villa de Palos... ». Oviedo place Cubagua au cœur des mobiles de l’exploration de la Terre-Ferme. C’est pour les perles de Cubagua que les Niños envoient en Terre-Ferme des expéditions, dont l’une d’entre elles, particulièrement fertile en contestations, devait ramener hommes et perles en Galice. La première cargaison de Cubagua, antérieurement à la création de la Casa de la Contratación, allait être saisie par le Vice-Roi Hernando de Vega, en réponse, peut-être, à un crochet suspect en direction de l’Espagne du Nord. Quoiqu’il en soit, malgré les incidents d’un retour hors monopole, la première expédition de Niño aura fait de Cubagua le premier centre provisoire de la future Terre-Ferme en révélant l’abondance et la qualité de ses perles : « ... Aquel Pero Alfonso Nino e sus companeros llevaron basta cinquenta marcos de perlas que rescataron a trueco de alfileres y cascavelcs y cosas semejantes de poco valor, y muchas de aquellas perlas eran muy buenas e orientales e redondas, aunque pequenas, porque ninguna avfa que llegasse a çinco quilates... » Un peu plus loin, Oviedo précise, à propos des pêcheries de Cubagua : « ... la pesquerfa de las perlas... cosa tan notable e rica... »
87 Oviedo I, p. 593 : « ... en tanta manera abundante que corre aquel betan o licor por ençima del agua de la mar, haciendo señal mas de dos y de tres leguas de la isla... »
88 Oviedo I, Lib. XIX, cap. 3.
89 Codoin Ind. II, t. 9, p. 290-297.
90 Codoin Ind. I, t. 40, p. 435-438. Diego Caballeros a donné l’ordre de reconnaître les nouvelles ressources : « ... ver el descubrymientos de los hostiales de perlas en la ysla de Coche ques quatro leguas de Cubagua, que sin dubda se puede tener por cierto quen loque hasta agora se a visto es muy rrica cosa... » Le rendement du banc, un mois après sa découerte, a excédé, en janvier, 1500 marcs de perles.
91 Manuel Luengo Muñoz, Inventos para acrecentar la obtention de perlas en America durante el siglo XVI — Anuario de Estudios Americanos, t. IX, 1952, p. 51-72 — p.
92 T. VI2, tables 318-320, p. 550. La rubrique « Perlas » (table 320, t. VI2, p. 550) doit être entendue « Cubagua », selon toute vraisemblance. Cubagua, aveu symptomatique, est syneny tue de « perles » en 1527.
93 T. VI2, tables 136-171, p. 334-370 et t. VII, p. 66-67.
94 Velasco, op. cit., p. 317-138.
95 Ibid. : « ... a la redonda desta isla es todo placeles de ostiales en la mar, de que hay gran cantidad... »
96 Ibid. : « ... que se despobló y se pasó al cabo de la Vela...... »
97 Oviedo, lib. 19, cap. 2, t. I, p. 491 : « ... tiene la isla... buen puerto a la parte del Norte... »
98 Velasco, op. cit., p. 136-137.
99 Codoin Ind. I, t. 22, p. 116-124 (et I, t. 10, p. 89-95) : « Capitulación con el oidor Licenciado Marcelo de Villalobos. Sobre conquistar y poblar la isla Margarita. »
100 Codoin Ind., I, t. 22, p. 116 : « ... ques casi junto a la Costa de Tierre Firme, en comarca de la Isla de las Perlas... »
101 Ibid., p. 117p « ... de poblar la... Margarita de cristianos, espanoles e indios y críar en ella los ganados... e hazer las otras grangerías... »
102 Manuel Luengo Muñoz. Inventos para acrecentar la obtención de perlas en Améraa durante el siglo XVI, article cité, p. 51 sq.
103 Le peuplement de la Marguerite, base de ravitaillement des bancs de Cubagua, à partir de 1525, les statistiques imparfaites et tronquées des rapports Cubagua-Monopole (T. VI2, tables 318-320, p. 550) invitent à préférer cette chronologie.
104 Richard Konetzke. Colección de documentas para la historia social, t. I. cp. cit., p. 339-340.
105 Cf. t. VIII2, p. 257 à 351. Au cours de ta grande récession intercyclique demi-séculaire. Avant déjà. Le 16 juillet 1543, l’Audiencia de Saint-Domingue écrit au Roi pour lui demander un renfort de galère en raison des événements de la Marguerite, à la puissante attaque de laquelle elle a dû, faute de moyens, assister impuissante : « 5 navios de corsarios de Francia con 800 hombres... », Colec. Fern. Navarrete, t. XXV, dto 8, fo 28-29.
106 Oviedo Y Banos, op. cit., p. 119.
107 Manuel Luengo Munoz, article cité, q. 616, note 3.
108 T. VI, table 759, p. 1034-1035.
109 T. VI2, table 762, p. 1052.
110 T. VI2, table 759, p. 1034-1035 (point haut en 1587, effondrement après 1589) et tables 762 A. et B„ p. 1053-1054.
111 T. VI2, table 759, p. 1034-1035.
112 T. VI2, tables 314-317, p. 547-549 ; tables 482-484, p. 651-652 ; t. VII, p. 82-83.
113 Ct. 5169, Lib. IX, fo 28 vto, 16 juillet 1589, C. C. au Consejo
114 T. VI2, table 314, p. 547, et t. VII, p. 82
115 Et encore, ce départ est obtenu, après coup, grâce à l’intervention de la Casa sensible à l’appel de la Marguerite dont fait état la lettre du 16 juillet 1589 (cf. ci-dessus, note 1, p. 620)
116 Ct. 5169, Lib. IX, fo 28 vto, 16 juillet 1589 : « ... no... avia... ydo a la ysla de la Margarita ningun navio ni bastimentos despues partió la flota de la nueba espana el ano pasado estan los vezinos y negros de la pesquería de las perlas de la dicha ysla muy necesitados de todas las cosas destos reynos... »
117 Ct. 5169, Lib. IX, fo 28 vto : « ... lo que en esto tenemos que dezir es que en esta fluta de Tierra Firme se despacho un navio de que fue por maestre Estevan de Yricar para yr a la dicha ysla de la Margarita... ». Cf. t. III, p. 430-431, no 51, et note 21, p. 436
118 Ct. 5169, Lib.IX, fo 28 vto : « ... y escusara que franceses y ostrosestranjerosnotrateny contraten con que de fianças en cantidad de 2 000 ducados de que la nao yra a Margarita y en ella descargara los bastimentos y mercaderias que Hevara y pagara sus derechos... »
119 . Ct. 5109, mai-août 1591
120 T. VII, p. 30-31
121 . En 1594, un raid corsaire sur la Marguerite lui inflige de lourdes pertes (Ct. 5110, octobre-novembre 1594). Les pertes s’élèvent à 10 000 pesos de perles, 18 nègres, plus des incendies dans les installations fixes. A une demande de prolongation du privilège de permission, Consulado de Séville et Contratación rappellent le danger permanent que fait peser sur l’île, la présence hollandaise dans la grande saline d’Araya (Ct. 5170, Lib. II, fo 140 vto, 25 juillet 1606, C.C. au Consejo). Depuis 1591, la situation des perlières, principale ressource de l’île s’est considérablement détériorée, « ... las nescesidades de la dicha ysla y grangería de Perlas son agora mayores respeto de los daños y rrobos que les hazen los enemigos, que de ordinario estan en aquella costa y salinas de arraya » (Ct. 5170, Lib. II, fo 140 vto, 25 juillet 1606). Comme toujours, la politique de Séville consiste à aggraver le mal, puisque la situation paraît si peu sûre, en effet, à la Marguerite, aux yeux de la Contratación, que cette dernière déconseille d’y envoyer des navires en dehors des flottes de Terre-Ferme : « ... que el año que no fuere flota a Tierra Firme no conviene despachar navío ninguno a la dicha ysla por el rriesgo que corre de derrotarse... ». Une fois de plus, donc, c’est la hantise de la fraude plus encore que celle de l’ennemi qui est paralysante.
122 En 1603, désillusion, le galion chargé de la collecte des droits du Roi sur les perles n’a pas trouvé ce qu’il attendait. On met en cause la pluie et l’ennemi (Ct. 5113, Marguerite, 5 juin 1603). En 1604, le creux est plus profond encore (on peut le suivre sur la courbe des Allers. — T. VI2, table 314, p. 547, de 4 à 1 bateau, de 510 toneladas à 100 toneladas, seulement) : avia salud y quietud », dit une lettre du 18 mai 1604 à la Casa (Ct. 5113) « ... pero muy pocas y ningunas perlas porque en las rancherías, no osavan pescar de miedo de los enemigos... ». Fin 1604, début 1605, présence d’ennemis sur les bancs (Ct. 5170, Lib. II, fo 27 vto, 1er mars 1605 et fo 84 vto, 2 août 1605). C’est pourquoi, la demande des trois navires annuels de 1607 apparaît comme un vœu pieux (Ct. 5170, Lib. II, fo 250 vto-259,10 juillet 1607 et pour la manière dont elle reste théorique, t. VI2, table 314, p. 547).
123 Ct. 5171, Lib. XIII, f. 19, 24 février 1609, C.C. au Consejo. Le texte se plaint de ce que les noirs sont habiles à les dérober à leurs maîtres.
124 Contre les intérêts des îles qui réclament 3 navires annuels de 80 toneladas, la Casa conseille au Consejo de se limiter à deux unités, sous prétexte que l’île se livre à un commerce de réexportation avec les stocks dont elle est censée disposer (Ct, 5170, Lib. XIII, fo 330 vto, 3 mai 1611). La Marguerite a besoin de nègres, mais les négriers sont des fraudeurs potentiels. Une lettre du 3 juin 1612 annonçait la venue dans l’île de trois navires d’esclaves, la Casa transmet, non sans méfiance (Ct. 5171, Lib. XIII, fo 499 vto, 15 janvier 1613).
125 Ct. 5114... 14 juillet 1613, la Marguerite, 15 décembre 1613, Saint-Domingue ; Ct. 5116, la Marguerite, 16 juin 1622.
126 Ct. 2840.
127 Ct. 5172, Lib. IV, fo 295,17 mai 1616.
128 Ct. 5115, La Marguerite, 18 juin 1617, oficiales reales à C.C.
129 A une époque, pour laquelle, malheureusement, nous manquons de séries qui permettraient de suivre même d’une manière indirecte comme pour les dernières années du xvie siècle, la marche de la production (Cf. t. VI2, table 759, p. 1034-1035).
130 Ct. 5172, Lib. XV, fo 380-380 vto, 18 février 1620, C.C. au Consejo.
131 Ibid. « Despues que cessé la pesquería de perlas en la Margarita a dejado de yr a quella ysla uno de los galiones de la armada de la plata como solía yr antes y en su lugar a ydo estos anos uno de las patacbes que an ydo para servicio de la harmada a solo dar en aquella ciuda de los pliegos y despachos de V.M... »
132 Ct. 5172, Lib. XV, fo 278, 20 août 1619, C.C. au Consejo : « ... y nos pareze que mientras no havi (e)r(e) pesquería de perlas en la dicha ysla Margarita les basta un navío de menos porte con dicha flota de Tierra Firme... ».
133 Ct. 5172, Lib. XV, fo 403, 16 juin 1620, C.C. au Consejo.
134 Ct. 5113, Lettre du 6 mars, reçue le 18 mai 1604 à San Lúcar.
135 T. VI2, tables 482-484, p. 651-652.
136 Ct. 5114, Trinidad, 24 mai 1615.
137 T. VI2, tables 544-572, p. 690 à 802.
138 VII, p. 104 à 110.
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