Structures
p. 17-23
Texte intégral
Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
L’Écclésiaste, 1, 9 (traduction Louis Segond).
1DANS LA PREMIÈRE PARTIE de ce livre, les Structures, on s’est ingénié à présenter de l’Atlantique de Séville, il vaudrait mieux dire de ce vaste faisceau d’Atlantique transversal, une vue essentiellement descriptive et statique. Si on accepte les prémisses posées au début de ce travail, on s’est promis d’être plus sensible, d’abord, au permanent qu’au mouvant, il serait plus exact de dire, à ce qui ne bouge que lentement, à ce qui, vingt, trente, quarante ans durant, voire, au cours d’un siècle et plus, paraîtra immuable, à ce qui se résout plus commodément suivant l’axe spatial des êtres et des choses que suivant une direction temporelle. On se promet d’être plus attentif, ici, à ce qui s’exprime mieux en terme de cartes qu’en terme de graphiques. Étant bien entendu, naturellement, que s’il y a des aspects de la même réalité qui vont, sans hésitation possible, en conjoncture, et sans plus d’hésitation, en structures..., entre les deux se situe une large bande incertaine, la plus large, peut-être, d’éléments qui, suivant le champ pris face aux phénomènes que l’on veut construire en système, un peu, aussi, suivant l’humeur du moment, se situe presque indifféremment en structures ou en conjoncture. Ainsi, la conjoncture longue, les caractéristiques de l’intercycle et plus encore de la phase, qu’est-ce sinon de la conjoncture en train de se muer en structures, du temps en train de se muer en espace ?
2Le problème angoissant de classification perd, d’ailleurs, de son acuité, si on veut bien placer l’accent non plus tant sur l’aspect, procédé d’exposition de la présentation en « structures et conjoncture » que sur l’autre aspect, dans notre esprit, indissociable du premier et plus important encore, entendez le procédé d’analyse. La masse enchevêtrée de vies multiples et contradictoires que nous avons l’ambition de saisir non pas pour les restituer intégralement — ce qui serait chimérique et scientifiquement dépourvu d’intérêt — mais pour les ordonner en des touts logiques intégrables à notre présent et, pour lui, utiles, n’est évidemment pas saisissable au moyen d’un seul procédé. Elle n’est pas intégralement réductible à un exposé chronologique. Elle n’est pas uniquement événement, donc intégralement du domaine du récit. La conjoncture, qu’est-ce, pourtant, sinon, dans une certaine mesure, la concession nécessaire au récit, en histoire économique ou si l’on veut la part de l’événementiel économique. Elle n’est pas uniquement espace, activités économiques, marchandises, institutions. Elles est donc réductible, cette masse enchevêtrée et imparfaitement réductible, parce que vivante, à la condition seulement de l’aborder sous plusieurs angles à la fois. Nos procédés s’apparentent, sur ce point, à ce qu’est, pour la levée topographique, la technique de la photographie aérienne. Au cours de cette première partie, on va donc chercher des moyens d’analyse et d’exposé qui feront la part aussi large que possible à la situation dans l’espace, aux coordonnées non temporelles.
3Enfin et plus simplement, on s’efforcera, au cours de ce premier livre, de présenter, de définir et d’exposer, des espaces, des objets, des mécanismes, des entités humaines collectives, des institutions aussi peu dégagées que possible des hommes qui les font, qui, tous, sont appelés à être acteurs dans la série de drames au déroulement, en partie, logique et presque rationnel que forme la Conjoncture.
4Il fallait, pour organiser l’exposé des Structures — après avoir procédé à un premier choix, nécessairement tâtonnant, entre ce qu’il convenait de dire en structures et ce qu’il convenait de réserver à la conjoncture, — tenir compte de toutes ces préoccupations. C’est pourquoi, le résultat auquel on est parvenu risque de décevoir, puisque après avoir posé des principes rigoureux à notre action, nous allons nous empresser de ne pas nous y soumettre ou, du moins, de leur être très largement infidèle par fidélité à la vie. S’il en est ainsi, c’est bien, parce qu’il nous aura fallu, tout en restant, en gros, soumis au schéma logique que nous avons posé, — celui des deux grands axes simultanés de construction, spatial et temporel, celui d’une plus ou moins grande importance de la dimension temporelle des phénomènes étudiés — tenir compte, aussi, d’autres préoccupations, le besoin, notamment, d’être intelligible. D’où, d’apparentes hésitations, de réels repentirs.
5A l’intérieur même des structures, on a adopté un plan, en plus, conjoncturel, puisqu’on est parti de ce qu’il y a de plus immobile, le cadre géographique, pour aller en direction, du moins rigide, d’un mouvant relatif, les techniques de la mer et de l’économie, au centre, la politique, la guerre, les institutions, en nous efforçant de les retenir, toutefois, dans leurs relatives constantes, en nous élevant au-dessus de l’anecdotique pur, qui ne pouvait trouver sa place, dans notre étude, pas plus en structures qu’en conjoncture. On aboutissait, ainsi, après avoir soumis la matière de notre exposé à un premier test de plus ou moins grande consistance dans le temps, à un plan classique, éprouvé, qui nous conduisait des structures les plus solides, du moins les plus rigides et les plus durables, les structures géographiques
6*, aux structures techniques — techniques de la mer, techniques des échanges, techniques de l’économie —, aux superstructures des institutions et de la politique. Plus simplement, après la géographie, l’économie et après l’économie, le politique. Pas plus sur sur la nécessité d’une ventilation de l’exposé entre structures et conjoncture — dans la mesure où cette ventilation recoupait les démarches les plus intimes même de la recherche — il ne pouvait y avoir hésitation, sur la nécessité d’une séparation entre géographie, économie et politique. Ces rubriques — elles correspondent, chacune, à une forme spécifique d’approche de la réalité globale — constituent les trois grandes parties du présent livre. C’est à l’intérieur de chacune d’elle, toutefois, qu’on risque de se heurter à un minimum inévitable de contradictions, c’est à ce stade de l’exposé qu’il a bien fallu consentir aux inévitables concessions†. Inévitables, nous le croyons, du moins. Au lecteur d’apprécier si elles condamnent notre effort.
Notes de fin
* Les seules qui seront abordées dans ce livre, avec la conjoncture : structures techniques et structures politiques, encore en chantier, feront l’objet, prochainement, d’une publication sous la forme d’un tome VIII1bis.
† Sous forme, notamment, de quelques inévitables reprises — d’autres diront redites — inévitables pour donner à chaque livre assez d’autonomie par rapport au tout, pour le rendre compréhensible.
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