Le milieu scolaire et l’image du Brésil
p. 317-318
Texte intégral
1Il fut un temps qui n’est pas si loin où la découverte du monde se faisait à l’école et où la culture scolaire nourrissait pour l’essentiel notre savoir sur les autres civilisations proches ou plus lointaines dans l’espace. Ce temps est passé et il suffit pour s’en assurer de parcourir le passionnant programme de ce Colloque. Dans la construction de notre savoir et, pourquoi ne pas l’avouer, de nos idées reçues et de nos stéréotypes, les medias d’information et de culture, comme le regard souvent hâtif du touriste jouent un rôle déterminant. Dans un monde de la communication instantanée nous sommes devenus les habitants du grand village qu’évoquait Mac Luhan.
2La culture scolaire a-t-elle pour autant perdu toute importance et toute signification ? Les travaux dont on nous entretiendra ce matin répondront à cette question avec plus de précision que je ne saurais le faire dans cet avant-propos. En félicitant les auteurs je me bornerai ici à quelques réflexions d’ordre général :
3– la première portera sur la place de l’enseignement dans la construction des images réciproques de deux pays comme les nôtres. Le mot construction parle de lui-même. La première mission de l’école est de substituer aux images « éclatées » et à la vision discontinue que nous pouvons avoir de l’autre à travers l’actualité que nous proposent les moyens modernes de communication une représentation progressive, en fonction de l’âge de l’élève, cohérente par l’équilibre que l’enseignement s’efforce de maintenir entre les différents éléments matériels et spirituels qui constituent une civilisation. Il fallait que fût marquée cette responsabilité et la difficulté de la tâche.
4Des réunions comme celle-ci prennent ainsi toute leur signification. Nous devons en effet nous interroger dans une réflexion commune sur la place faite à l’autre dans la formation de nos jeunesses, sur l’authenticité de l’image que nous en donnons à travers l’enseignement. Dans le cas de la France et du Brésil les choses sont moins simples qu’il n’y paraît au premier regard :
- voici deux pays séparés par toute la largeur d’un Océan qui n’a jamais été un obstacle depuis les découvreurs portugais mais qui est depuis Mermoz un « trait d’union », qui ne se sont jamais affrontés dans aucune guerre et que les grandes causes ont toujours trouvés dans le même camp.
- une civilisation se définit d’abord par la continuité de l’effort humain dans un espace géographique donné. Entre la France et le Brésil la distance paraît ici infinie : la superficie de l’un est quinze fois et demi celle de l’autre et l’immensité de la selva amazonienne – la transamazonienne parcourt 4 500 km de João Pessoa à Cruzeiro do Sul – s’oppose à l’horizon des « coteaux modérés » cher aux Français. Comme l’écrivait Lucien Febvre dans sa préface à la traduction de l’ouvrage célèbre de Gilberto Freyre « Casa grande e senzala » qui fit tant au début des années cinquante pour la découverte du Brésil par les intellectuels français : « Terre immense, compacte, puissamment continentale... Tant de Brésils dans ce Brésil... mais qu’est-ce que leur variété d’aspects au prix de la diversité des hommes ?... »
- Depuis ce temps de la découverte d’un continent de la diversité l’exotisme a cédé la place dans l’enseignement à une approche qui se veut rationnelle, celle du développement dont les images contrastées ont créé de nouveaux stéréotypes. Je reviens à la préface de Lucien Febvre : « pauvre passant, prisonnier d’un Brésil à faux cols empesés, à régate bien nouée, à jaquette digne d’un lord anglais mais tout de même il sent bien monter, le soir, tant d’odeurs violentes qui sortent des terres cuites et recuites au soleil, de ces terres qui coupent en travers au nord l’Équateur, au sud, dans banlieue même de São Paolo, le Capricorne... »
- Un rééquilibrage s’impose. Il est au cœur de ce débat. Il appartient à l’enseignement de faire redécouvrir derrière ces inégalités de développement et ces images violemment contrastées et « éclatées » l’unité et la cohérence d’une civilisation – la plus grande de l’hémisphère sud – avec sa culture matérielle, son progrès agricole et son essor industriel mais aussi avec sa vision du monde telle que l’expriment ses pionniers, ses architectes, ses écrivains. Sans le Brésil l’aventure historique des peuples de civilisation latine ne serait pas ce qu’elle est.
Auteur
Doyen de l’Inspection Générale d’Histoire et de Géographie.
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