Rapport de synthèse
p. 91-93
Texte intégral
1L’objet de la première partie de ce colloque était de préciser le rôle des médias dans la construction des images réciproques de la France au Brésil et du Brésil en France.
2M. de Marigny, dans son exposé introductif, a rappelé l’importance des médias dans la formation de ces images et a situé les grandes lignes du débat. Il a insisté sur le fait que l’image n’est pas neutre, qu’à travers elle se manifeste fréquemment la persistance de préjugés. Ces préjugés peuvent avoir pour origine la presse qui perpétue les clichés ou le public lui-même qui voudrait être conforté dans ses a priori.
3Mme Montenegro et M. Campan ont mené une réflexion en profondeur sur le jeu des images. Ils ont présenté, dans leur communication, les résultats d’une enquête sur les émissions diffusées à la télévision entre 1975 et 1987 et sur les articles publiés par 5 grands quotidiens parisiens entre 1983 et 1985. L’étude a montré les similitudes de rythme, de moments forts entre la presse écrite et la télévision. Elle a surtout mis à jour la polarisation des émissions sur quelques thèmes fondamentaux. Le voyage du Pape et ceux des présidents français au Brésil ont, à eux seuls, constitué une part substantielle des diffusions au cours de ces douze dernières années. Le carnaval, le sport automobile et la musique ont été l’objet d’un nombre important de retransmissions, tandis que les différentes élections et Tancredo Neves venaient respectivement au 4e et 8e rang du palmarès thématique, dans lequel figuraient en bonne place les nazis avec l’affaire Mengele, les inondations et l’Amazonie. Les auteurs de la communication ont, à partir de cette étude de la télévision et de la presse écrite, fait une analyse dialectique, montrant comment les mécanismes fondamentaux du discours médiatique aboutissent à une orientation très précise de l’image, en l’occurrence de l’image du Brésil. Leur travail met à jour trois processus principaux :
4– un isolement, une mise hors contexte qui mène à une recherche du spectaculaire et du fait divers, et qui vide de leur sens les questions graves. Inondations, bidonvilles, émeutes attirent les médias plus par l’intensité émotionnelle qu’ils déclenchent que par le problème qu’ils soulèvent.
5– une cacophonie, comme l’a baptisée Mme Montenegro, cacophonie qui serait constitutive de la communication de masse, l’actualité étant un flux d’énoncés absolument hétérogènes – une double polarité, à laquelle Edgar Morin fait référence dans ses travaux. Polarité négative, c’est-à-dire chargée d’aventures, de meurtre, d’agression. Les médias donnent ainsi en sumombre des images du Brésil liées aux faits divers (délinquance, catastrophe de Cubatão) ou au risque (Amazonie). Polarité positive, c’est-à-dire amour, érotisme, bonheur. Les images sont, elles aussi, classiques : le Carnaval, la fête, la musique, le paradis touristique tropical.
6Mme Montenegro, après avoir noté avec humour que l’image des Brésiliens s’apparentait, somme toute, à celle de la cigale de la fable, a conclu en mettant en évidence la logique inhérente à la communication de masse et en soulignant que l’image que les Brésiliens avaient d’eux-mêmes modelait indirectement la perception qu’en avaient les autres.
7Cette importante communication a permis à M. Camp, président de l’Association des Journalistes sur l’Amérique latine, de lancer un débat marqué par de nombreuses interventions. Certains des journalistes présents ont défini les contraintes auxquelles ils sont soumis dans l’exercice de leur métier. M. Bailby a situé le mécanisme des décisions thématiques et rédactionnelles prises au sein du journal, montrant l’importance du propriétaire et de la ligne générale suivie par l’organe ou le groupe de presse. Mme Jarry, soulignant le rang secondaire de l’Amérique Latine dans l’actualité française, a rappelé que la quantité d’articles publiés à une période donnée pouvait se devoir à des aspects tout à fait conjoncturels comme des invitations reçues par les journalistes pour se rendre dans un pays donné. M. Réali a indiqué que chaque journaliste écrivait pour un public spécifique et rédigeait des articles déjà adaptés à l’attente de celui-ci. Cette première partie du débat a permis de mieux comprendre les intéractions entre Brésil, journaliste, public et média. La seconde partie de la table ronde a porté sur la nature même de l’image fournie par les médias : quantité suffisante ou insuffisante d’information ? Image faussée ou réaliste ? Image imprégnée d’idéologie et porteuse de symboles ? Image positive ou négative ? Les participations ont été nombreuses. L’auteur du rapport a soutenu que les informations données en France sur le Brésil étaient par un jeu complexe d’influences, conditionnées par les relations « réelles » des deux pays (échanges commerciaux, diplomatie, tourisme...). Il a défini la presse comme un miroir déformant, focalisé sur les éléments du changement et de la nouveauté. M. Réali a précisé que la vision donnée par les médias n’était pas nécessairement celle dont le public était porteur, question centrale qui fut reprise par la suite.
8Le caractère éminement événementiel de l’information culturelle a été souligné par M. Pontual. Mme Barthélemy, en s’appuyant sur l’analyse de 16 articles publiés par la presse écrite parisienne au mois de novembre, a décelé un regard assez équilibré sur le Brésil, regard de journalistes cherchant à comprendre la situation d’un pays confronté à de graves difficultés, regard percevant souvent la justesse de certaines batailles comme celles de la dette ou de l’informatique, regard évaluant sereinement la situation. Mme Barthélemy a fait remarquer, en ce domaine, la différence de ton entre la presse française et des presses étrangères. Plusieurs chercheurs ou journalistes ont alors précisé quelques limites. M. Bailby et M. Chonchol ont signalé que la presse parisienne ne pouvait à elle seule servir de base pour définir l’image du Brésil, en fonction même du poids des organes de province. Mme Bourrier a très lucidement indiqué que l’on ne pouvait souhaiter que l’image du Brésil soit nécessairement bonne, ni même œuvrer en ce sens, et que le meilleur service que les médias français puissent rendre au pays était d’en donner une vision critique. D’autres interventions, comme celles de Mme Ruis, de M. Riaudel, de Mme Rosa de Aguiar, de Mme de Lacerda Nazario, ont permis de mieux situer la charge symbolique ou le contenu idéologique des informations véhiculées par la presse. Actualité, reportages, articles d’analyses ont ainsi été commentés, un article récent de M. Fontaine intitulé : « le Brésil, un géant en panne d’ambition » donnant d’ailleurs lieu à polémique.
9La richesse et la diversité des idées présentées et débattues rend difficile une conclusion. Mais, indiscutablement, il est un point où les interventions convergent : les médias, bien sûr, interviennent dans la formation de l’image du Brésil en France, mais en même temps la nature de cette image dépasse largement leur cadre. Les medias sont ambivalents. Ils fournissent des signes et des symboles alimentant l’imaginaire collectif, et sont nourris par les systèmes dominants de pensée. Mais ils fournissent aussi des informations concrètes et objectives, et sont l’instrument contemporain de la connaissance.
Auteur
Chercheur au CREDAL
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