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p. 349-398
Texte intégral
La présence économique française au Mexique en 1939
Note présentée par M. Georges Pinson président du comité « France libre » de México, au sujet des affaires françaises au Mexique. (12 janvier 1942)
1. Capital investi
1A différentes reprises, on a essayé de faire l’évaluation des capitaux français placés au Mexique. La complexité du problème a toujours empêché de le résoudre. On ne peut donc donner que des chiffres approximatifs.
2Doivent être considérés comme partie intégrante du Capital français au Mexique :
En $ | |
1. - Le montant des fonds d’Etat mexicains placés en France et cotés à la Bourse de Paris. Ils s’élèvent, d’après le tableau no 1 à | 132 507 000 |
2. - Les valeurs mexicaines (actions, bons, obligations, etc. d’affaires bancaires, industrielles, minières, etc.) souscrites en France et cotées à la Bourse de Paris. Leur montant, d’après le tableau no 2 était de | 165 497 600 |
3. - La valeur des établissements industriels, commerciaux, etc. fondés par des résidents français au Mexique, avec leurs propres capitaux | 266 600 000 |
4. - La valeur des propriétés agricoles qui appartenaient à des Français et qui leur ont été ôtées en totalité ou presque, pour doter des communautés agraires | 30 000 000 |
Total | 594 604 600 |
3Remarque : La piastre mexicaine ($) vaut, au change de ce jour (12 janvier 1 942) 4 dollars 85 cents.
4Les importations de capitaux français au Mexique cessèrent pratiquement dès le début de la période révolutionnaire (1911). Depuis lors, elles ont été pour ainsi dire insignifiantes.
5Pour le calcul de la valeur des titres émis en France, l’on a pris pour base leur cote à la Bourse de Paris au 31 décembre 1910.1
6Sur la somme indiquée au paragraphe 3, les immeubles commerciaux possédés par des Français à México représentent environ $ 20 500 000. Il convient d’ajouter à ce chiffre la valeur des immeubles appartenant à des établissements bancaires dont la majorité du capital fut souscrite par des Français, ainsi que les résidences ou maisons de rapport appartenant à des Français et les immeubles que des Français ont construits sur des terrains appartenant à des tiers, en échange de baux à long terme, soit pour ces trois catégories de propriétés environ $ 10 000 000.
2. Conséquences de la guerre
7La guerre cause à nos affaires de sérieux préjudices. Les plus affectés parmi nos compatriotes sont ceux qui étaient spécialisés dans les affaires de représentation et d’importation de nos produits pharmaceutiques, vins et liqueurs, parfumerie, etc., puisqu’ils ne peuvent absolument rien recevoir, le commerce entre la France (occupée et non-occupée) et le Mexique étant tout à fait nul.
8Nos grands magasins de nouveautés (la majeure partie du commerce de nouveautés est entre les mains de Français) sont de même dans l’impossibilité de recevoir des marchandises de France.
9Les listes noires n’affectent pas nos compatriotes en ce sens qu’aucun d’eux n’y figure.2 Mais l’interdiction de commercer avec des sujets de l’Axe aurait pu causer des torts à nos représentants de produits pharmaceutiques et de parfumerie, étant donné qu’en temps normal, leurs principaux clients sont précisément les drogueries allemandes, qui dominent au Mexique le commerce de ces articles.
Tableau no 1. Emprunts du gouvernement mexicain
En $ | |
Dette mexicaine consolidée au 3 % | 44 545 300 |
Dette intérieure amortissable au 5 % | 87 961 700 |
Total | 132 507 000 |
Tableau no 2. Actions, bons, obligations, souscrits en France3
En $ | |
Banco Nacional de México, S.A | 31 765 400 |
Banco de Londres y México, S. A | 21 500 000 |
* Banco Central Mexicano, S.A | 30 000 000 |
Banco Hipotecario de Credito Territorial, S.A. (Crédit foncier mexicain) | 5 000 000 |
* Banco Hipotecario de Credito Territorial, S.A. (Crédit foncier mexicain) Série A | 912 500 |
Banco Hipotecario de Credit Territorial, S.A. (Crédit foncier mexicain) Série BCD | 2 869 700 |
* Banco Peninsular, S.A | 8 500 000 |
* Banco de Guanajuato, S.A | 3 000 000 |
* Almacenes Generales México-Veracruz, S.A | 2 000 000 |
* La Abeja, S.A | 500 000 |
Cia. Industrial de Atlixco, S.A | 6 000 000 |
El Buen Tono, S.A | 4 000 000 |
Cerveceria Moctezuma, S.A | 1 500 000 |
Cigarrera Mexicana, S.A | 2 000 000 |
* Cia. Litografica y Tipografica Mexicana S.A | 497 000 |
Cia. Industrial de Orizaba, S.A | 15 000 000 |
Cia. Industrial de San Antonio Abad, S.A | 3 500 000 |
San Ildefonso, S.A | 3 000 000 |
Cia. de las Fabricas de San Rafael y Anexas, S.A | 7 000 000 |
* Cerveceria de Toluca, S.A | 2 000 000 |
Cia. Industrial Veracruzana, S.A | 3 500 000 |
Cia. Minera Dos Estrellas, S.A | 9 000 000 |
* Cia. Blanca y Anexas, S.A | 2 500 000 |
Total | 165 497 600 |
L’Europe en guerre vue du Mexique
Message du président Cardenas 1er septembre 1939. (Ouverture de la session parlementaire)
10La nation toute entière s’unit à moi pour déplorer profondément le fait qu’un groupe de grands Etats, pour une raison ou pour une autre, ait recouru à la lutte armée pour chercher une solution à leurs différends, substituant ainsi la violence à l’autorité de la loi et de la justice. En présence de l’état de guerre existant et afin de préciser et de faire connaître l’attitude de notre pays dans le conflit actuel, le gouvernement que je préside déclare sa résolution de rester neutre dans cette dispute et de régler sa conduite d’après les normes établies par le droit international et les préceptes contenus dans les traités existants qui déterminent respectivement les obligations du Mexique et celles des belligérants. Le Mexique, dans ce grave moment, réaffirmant sa conviction juridique dans la possibilité de régler pacifiquement les conflits internationaux et loyal à l’esprit de solidarité continentale, offre de s’associer à tout appel ou de participer à tout effort qui aura pour objet de rétablir la paix, limiter l’extension des hostilités et diminuer par suite ruines, destructions, morts.
11(mae, G. 1939-1945, d. « 1939 » no 125, Henri Goiran (México) à mae (Paris) et presse mexicaine des 1er et 2 septembre 1939)
Le Mexique à la veille de l’élection présidentielle
Extrait d’une note sur la situation au Mexique 10 mai 1940 rédigée par la légation de France au Mexique
Attitudes des candidats présidentiels
12Le général Avila Camacho est obligé de compter avec les éléments communistes et communisants. Néanmoins, il fait dire volontiers par ses amis que, dès son arrivée au pouvoir, il éliminera les leaders bolchevisants, notamment Lombardo Toledano, avec l’aide de l’armée. Différents témoignages montrent que l’armée, est mécontente de la prépondérance des syndicats et qu’elle est particulièrement blessée par le développement des milices ouvrières comme une sorte d’armée concurrente.
13Le général Almazan s’appuie essentiellement sur les éléments germanophiles, chez lesquels l’accord germano-russe n’a pas toujours, loin de là, supprimé ou apaisé l’élan anti-communiste. Ce général a fait récemment des déclarations par lesquelles il se solidarisait avec les démocraties, en répudiant explicitement tous les régimes totalitaires.
Les élections
14Si les élections présidentielles se déroulent normalement, c’est-à-dire sous l’impulsion de la machinerie officielle, le général Avila Camacho sera nécessairement élu et, en même temps, une majorité de députés, sénateurs et gouverneurs, présentés par ce qu’on appelle « la aplanadora » (rouleau compresseur), dirigée en sous-main par Lombardo Toledano, le secrétaire général de la ctm. Le général Camacho se trouvera aux mains d’une camarilla bolchevisante et germanophile, comme le général Cardenas en 1934 s’était trouvé aux mains d’une camarilla calliste. L’expérience même de Cardenas prouve qu’un président peut être assez fort pour se dégager d’une telle emprise. Il va sans dire que l’hypothèse selon laquelle le général Almazan serait élu doit être absolument exclue.
15Trois cas peuvent alors se présenter :
- Le général Camacho, une fois élu, arrive à s’imposer et tout rentre dans le calme.
- Après les élections, les partisans d’Almazan déclarent que le scrutin a été faussé, forment un parlement dans le nord (à Monterrey, par exemple, ville 100 % almazaniste) qui proclame Almazan président. Une guerre civile s’ensuivra.
- Avant les élections, certains éléments de l’entourage d’Almazan poussent celui-ci à se soulever. Alors la ctm offre au président Cardenas l’aide des contingents ouvriers militarisés. Si la guerre civile a pour résultat l’écrasement d’Almazan, la ctm victorieuse maintient Cardenas au pouvoir comme un simple « pelele » (fantoche), derrière lequel gouverneront les agents soviéto-allemands. Ce dernier plan consisterait en somme à fomenter une guerre civile dont les deux candidats à la fois seraient les victimes, précisément par ce qu’on craint leurs velléités d’indépendance.
16Au contraire, plusieurs indices et informations concordants conduisent à croire que ces derniers temps le président Cardenas est tombé entièrement sous l’influence des éléments anti-alliés, pro-russes et pro-allemands. Il aurait même d’importants intérêts matériels à une telle combinaison. Quant aux agents allemands qui travaillent les milieux alzamistes et aux agents russes ou communistes qui travaillent autour d’Avila Camacho, leur apparente opposition recouvre un plan unique.
17On ne peut que mettre en relation avec ce plan supposé les activités d’importants agents de l’Internationale communiste et de la Gestapo, activités sur lesquelles le Comité Dies a attiré l’attention du public, mais qui nous étaient déjà connues. Plus encore que Lombardo Toledano, personnage intelligent, mais vaniteux et tapageur, la cheville ouvrière de cette affaire semble être Narciso Bassols, ancien ministre du Mexique à Paris. Bassols, chargé à Paris de filtrer les réfugiés espagnols qui devaient venir au Mexique, a eu soin de n’envoyer que des éléments communistes, de façon à se donner une base solide pour l’action politique qu’il projette. Sa maison à Cuernavaca est le quartier général des communistes étrangers ici.
18Le but de toute cette activité serait évidemment de transformer le Mexique en une base « anti-impérialiste » d’agitation contre les Etats-Unis, de façon à détourner ceux-ci entièrement de l’Europe. Au cas où les Etats-Unis prendraient part à la guerre, le Mexique constituerait le refuge et la base de départ des agents de l’espionnage, saboteurs, etc. Au cas même où le plan échouerait, il aurait pour conséquence de retenir pendant des mois l’attention du gouvernement de Washington.
19En conclusion, il apparaît évident que seuls les Etats-Unis sont à même d’intervenir efficacement dans cette affaire, le rôle des puissances alliées ne pouvant être que d’observation.
20(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique, Mexique d. 8)
Les premières traces d’une correspondance entre M. Jacques Soustelle et le général de Gaulle
21Londres, le 20 juillet 1940
22A M. Jacques Soustelle
23México
24Référence à votre télégramme no 96. Suis heureux connaître votre action et vous félicite de votre résolution de continuer la lutte aux côtés de nos alliés. Mon seul représentant désigné pour l’Amérique du Nord est M. Jacques de Sieyès à New York. Cordiale sympathie.
25Général de Gaulle
26[4]
27Londres, le 30 août 1940
28A M. le lieutenant Jacques Soustelle
29México
30Voudriez-vous vous charger de la propagande dans l’Amérique centrale pour les forces françaises libres en coopération avec le ministère britannique de l’information ?
31Général de Gaulle
32[4]
La mise à la retraite du ministre anglophile Albert Bodard
33« New York Herald Tribune » Dimanche 8 décembre 1940
Les nazis imposent le renvoi du ministre de France à México
34Son refus d’aider les Allemands à contrôler la Colonie française de cette capitale coûte à Bodard son poste
35Par Jack O’Brine
36México City, déc. 7. On apprend aujourd’hui ici, dans les cercles diplomatiques, que la pression nazie sur le gouvernement français de Vichy s’est faite sentir à travers l’Atlantique pour provoquer la destitution du ministre de France à México, Albert Bodard, sur lequel on ne pouvait compter pour seconder les efforts allemands tendant à contrôler les 6 000 Français résidant dans ce pays.
37Depuis la chute de Paris, Bodard, qui avait été envoyé à México il y a un an par le président Albert Lebrun, pour couronner trente-cinq années de service dans la diplomatie française, a montré, par sa résistance passive, son opposition au gouvernement de Vichy. Il va maintenant être remplacé par Gilbert Arvengas, dont on attend qu’il apporte son appui aux intérêts totalitaires au Mexique.
38Aussitôt que les dispositions auront été prises pour son voyage en Amérique, Arvengas, qui est actuellement à Vichy, viendra ici pour assumer la direction de la légation de France et s’efforcer de rompre l’attachement professé par la colonie française du Mexique à l’égard du Mouvement France libre du général de Gaulle.
39Par un congédiement anticipé, Bodard, qui a près de 60 ans, sera privé de ses droits à une pension de retraite — mais il apparaît que cela ne le préoccupe pas autrement. Il a refusé d’obéir aux ordres de Vichy qu’il estimait préjudiciables à ses compatriotes ici, et il s’est rallié plusieurs hauts-fonctionnaires mexicains par son adhésion explicite aux principes démocratiques.
40En raison de son contrôle virtuel sur le commerce des tissus, la Colonie française du Mexique aurait suscité la jalousie de l’Allemagne, dont les opérations commerciales au Mexique sont généralement limitées aux produits chimiques et à la quincaillerie.
41Les agents de propagande allemande, apparemment avec l’appui du gouvernement de Vichy, ont fait de sérieux efforts pour diviser la colonie française du Mexique. Une des dernières rumeurs qu’ils répandent est que la Grande-Bretagne tombera avant le 1er janvier, et qu’ensuite ceux qui s’opposent actuellement à l’Allemagne « apprendront à connaître la colère nazie ».
42Bodard, qui a mis ses compatriotes du Mexique en garde contre ces fanfaronnades, s’est déjà trouvé auparavant dans des situations difficiles. Sa femme, Mme Madeleine Fromentin Bodard, est une des rares femmes françaises qui ait gagné la Légion d’Honneur. Elle lui fut décernée pour la bravoure dont elle fit preuve lors du siège qu’elle soutint avec son mari dans la Légation de France à Addis Abeba, il y a quatre ans, au moment où la capitale éthiopienne était la proie des pillards indigènes et des conquérants italiens.
43México, le 24 mars 1941
44No 53
45Suite à mon télégramme no 33-36.
46Répondant à la question du département sur l’attitude de M. Bodard, j’ajoute que mon prédécesseur, comme on me l’assure de divers côtés, s’est inscrit tout récemment ainsi que sa femme au Comité du Mouvement de Gaulle. Il hésiterait encore à accepter la présidence d’Honneur de ce Comité. Il escompte manifestement un retour de la fortune qui lui assurerait, pense-t-il, une brillante reprise de sa carrière...
47Arvengas
48(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique] d. 8)
49Vichy, le 26 mars 1941 à 23 h 15
50Ministre français Mexico — 51
51Je me réfère à votre télégramme no 53.
52La position d’attente prise à l’égard de M. Bodard (mon télégramme no 59) ne pourrait être maintenue si les sentiments de cet ancien agent se traduisaient par une adhésion publique au Comité de Gaulle. Je vous serais en conséquence obligé de convoquer M. Bodard, de lui demander des explications, et, le cas échéant, de le rendre attentif aux conséquences qu’entraînerait pour lui un ralliement au groupement gaulliste...
53Diplomate PO
54Rochat
55(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique] d. 8)
L’accord franco-mexicain sur les réfugiés espagnols du 23 août 1940
56(mae, G. 1939-1945, Vichy d 284 (1))
57Monsieur Luis I. Rodriguez
Ministre des Etats-Unis du Mexique en France
58Le 23 août 1940
59Monsieur le ministre,
60Par lettre en date du 22 août, vous avez bien voulu me faire part de la communication suivante :
61J’ai l’honneur de porter à la connaissance de Votre Excellence qu’à la suite de diverses conférences que, sur l’invitation expresse de votre ministère, j’ai eu l’avantage d’avoir avec les représentants des ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Défense nationale, de la Guerre, de l’Agriculture et de la Production industrielle et du travail, au sujet de l’évacuation vers les Etats-Unis du Mexique des réfugiés espagnols résidant en France, dans les colonies françaises et dans les pays de protectorat français, je fais parvenir à Votre Excellence la confirmation écrite des instructions que j’ai reçues à cet égard de mon gouvernement, après décision personnelle et expresse prise par Son Excellence Monsieur le Président de la République, Général Lazaro Cardenas, instructions qu’il m’avait été particulièrement agréable de communiquer verbalement à Son Excellence Monsieur le Maréchal de France, Chef de l’Etat français, dans les précédentes occasions.
- Le gouvernement et le peuple mexicains mus par une profonde sympathie à l’égard des réfugiés espagnols, sympathie dont l’origine remonte à des causes d’ordre historique, sont désireux de contribuer efficacement à la solution des problèmes intérieurs qui se posent devant le gouvernement et le peuple français auxquels les lient des relations traditionnelles de loyale amitié. Ils font connaître qu’ils sont disposés à recevoir avec empressement, sur le sol du Mexique, tous les Espagnols, sans distinction de sexes, ni d’âges, ni d’opinions religieuses ou catholiques, qui se trouvent actuellement réfugiés en France, dans ses colonies, et dans les pays de protectorat français, avec la seule condition qu’ils expriment librement leur désir de bénéficier de l’offre qui leur est faite par un pays ami, au nom de la plus haute compréhension humaine.
- Dans le cas où l’Etat français, fidèle aux principes juridiques et aux traditions humanitaires qui ont constamment inspiré son action, estimerait opportun de faire savoir qu il maintient et assure, pour ce qui le concerne, aux personnes qui ont cherché asile sur son territoire, le respect de leur existence et de leur liberté, notamment en limitant exclusivement aux crimes ou délits de droit commun non connexes à d’autres de nature politique, toute mesure d’extradition, et en excluant toute mesure de répression qui ne serait pas de la compétence des tribunaux français, le gouvernement et le peuple mexicains font connaître, par la présente, leur décision de subvenir, avec leurs propres ressources et par l’entremise de la légation dont j’ai la charge, à la subsistance de tous les réfugiés espagnols qui ne sont pas compris dans les groupes qui reçoivent une aide financière des autorités françaises à la suite de prestation de services ou autres causes et qui sont obligés de demeurer en France jusqu’au moment de leur émigration.
- Le gouvernement et le peuple mexicains, dans le but de mener à bien leur œuvre en faveur des réfugiés espagnols résidant en France, dans les colonies françaises et les pays de protectorat français, ont décidé, en outre, de prendre à leur charge le transport maritime de ces derniers jusqu’en territoire mexicain. Il compte pouvoir disposer pour cela, dans un délai très rapproché, de bateaux navigant sous pavillon mexicain ou neutre.
- La coordination de tous les services qu'exigera cette importante émigration, sans, doute la plus importante de toutes celles qui ont traversé l’Atlantique au cours de l'histoire, rendra indispensable le fonctionnement d’un service spécial, dépendant de la légation du Mexique, et qui devra être assuré de l’étroite collaboration de l’administration française.
62Les idées ci-dessus, exprimées d’une façon générale, constituent l’essentiel de la contribution que le gouvernement et le peuple de mon pays désirent apporter à la solution du problème qu’impose à la France l’existence de 100 000 réfugiés espagnols sur son territoire métropolitain et colonial, j’éprouve la plus grande satisfaction de ma Carrière en les transmettant à Votre Excellence et je tiens à ce qu’Elle soit convaincue du complet désintéressement qui les anime.
63Je prie Votre Excellence de bien vouloir considérer cette proposition sous cet aspect et d’y voir le témoignage de la loyale affection que la France inspire à mon pays.
64J’ai l'honneur de vous faire savoir que le gouvernement français a accueilli cette généreuse initiative avec une vive sympathie et que, sensible aux considérations élevées qui l’ont inspirée, il se félicite de pouvoir, en collaboration avec le gouvernement et la nation mexicains, participer à une œuvre dont il y a lieu d’attendre les répercussions les plus favorables.
65En remerciant Monsieur le Président Général Lazaro Cardenas de bien vouloir offrir une aussi large hospitalité à des réfugiés auxquels la France n’est plus en état, en raison des circonstances, de continuer à assurer des conditions d’existence suffisantes, le gouvernement français est heureux de lui faire connaître son complet accord sur le principe et sur les modalités du projet dont il est saisi.
66Conscient de collaborer ainsi à l’une des entreprises d’émigration les plus considérables qui aient été tentées, fermement convaincu qu’elle est destinée à comporter d’importants résultats dans tous les domaines, le gouvernement français ne doute pas non plus que cette œuvre, menée en commun avec le gouvernement mexicain, ne resserre encore les liens traditionnels d’amitié qui unissent la France et le Mexique...
67Je saisis cette occasion pour vous témoigner, Monsieur le Ministre, ma gratitude personnelle pour la part que vous voulez bien prendre à la solution de cette importante question et vous prie d’agréer, l’assurance de ma très haute considération.
68Vichy, le 1er avril 1941
69Je me réfère à votre télégramme
70La décision de suspendre le départ à destination du Mexique des réfugiés espagnols d’âge mobilisable a un caractère provisoire. Elle a été prise dans les conditions suivantes :
- La délégation allemande à Wiesbaden en marquant sa désapprobation du projet d’embarquement a indiqué que d’une manière générale il serait « préférable » à l’avenir de ne laisser sortir de France aucun républicain espagnol en attendant la décision du gouvernement du Reich au sujet du départ éventuel de convois de réfugiés à destination du Mexique.
- D’autre part, faisant état d’informations d’après lesquelles une armée de volontaires espagnols seraient recrutés au (Mexique) pour le compte du mouvement de Gaulle, le gouvernement de Madrid a demandé d’empêcher toute nouvelle neutralisation de réfugiés espagnols. En donnant satisfaction au gouvernement espagnol, nous lui avons marqué que nous ne saurions continuer à héberger ces réfugiés sur notre territoire.
71L’Espagne n’accepterait pas d’accueillir ceux d’entre eux qui expriment le désir d’être rapatriés.
72Des négociations sont donc en cours à ce sujet à Wiesbaden et à Madrid et c’est dans l’attente de leur résultat que les embarquements ont été suspendus. D’ailleurs ceux-ci ne peuvent pratiquement avoir lieu sans l’agrément des autorités allemandes au terme des conventions d’armistice contrôlant la navigation de nos ports.
73J’ajoute que la décision du gouvernement français ne visant que les hommes de 17 à 48 ans, il ne sera pas mis obstacle en principe au départ des personnes ne rentrant pas dans cette catégorie.
74Diplomatie
75(mae, Papiers d’agents, « Arvengas », vol. 8)
76Depuis septembre 1940, le ministre Albert Bodard n’a plus la confiance de Vichy, attend à la légation son successeur Gilbert Arvengas. Mariano Lemaître renseigne Vichy, jusqu’à l’arrivée le 13 janvier 1941 de Ghislain Clauzel (page suivante).
77Excelsior, 10-02-1941
La modération du représentant de Vichy
78México, le 21 février 1941
79M. Gilbert Arvengas, ministre de France au Mexique,
80A Son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte,
81Ministre Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères
82Vichy
83No 17
84A.S. du mouvement gaulliste au Mexique
85Dès et avant même mon arrivée ici, j’avais été averti que j’allais trouver une colonie presque entièrement acquise au mouvement de Gaulle.
86Ayant déjà pris quelques contacts avec nos compatriotes je crois pouvoir dire — sous réserve de changement d’opinion après un long séjour — que l’état réel de l’opinion française au Mexique est beaucoup plus complexe. A ne pas tenir compte de cette complexité et à considérer l’ensemble de la Colonie française comme étant en état de dissidence, on risquerait de compromettre le succès des efforts tendant à unir les Français autour du gouvernement du Maréchal Pétain.
87La Colonie française du Mexique dans son ensemble est animée d’un ardent patriotisme. Elle en a donné de nombreux témoignages notamment par sa générosité à l’égard des œuvres françaises. Nos compatriotes éprouvent au plus haut degré la fierté d’être français. Au lendemain de notre défaite, faute d’éléments suffisants d’appréciation, ils ont été conduits à critiquer la conclusion de l’armistice. Beaucoup ont cru que le gouvernement français n’exerçait son action que sous la tutelle du vainqueur, que toutes les mesures qu’il prenait étaient prises sous la pression de l’Allemagne.
88Certains éléments avides de jeter le trouble dans l’esprit de nos compatriotes, ont entretenu cette tendance sans qu’elle fût sérieusement combattue d’autre part. Il en est résulté que la plupart des Français en étaient venus à la conviction que le patriotisme bien compris leur faisait un devoir de se rallier au mouvement de la France libre établi en Angleterre et de refuser de voir dans le gouvernement établi à Vichy le vrai gouvernement de la France.
89C’est ainsi que, quand ma nomination ici a été connue l’automne dernier, on a répandu le bruit que le mouvement diplomatique français était soumis à l’agrément de l’Allemagne, que, quant à moi, j’allais venir au Mexique avec une mission spéciale de collaboration avec les Allemands. Ma longue carrière en Allemagne faisait présumer mes sympathies à l’égard de ce pays. Au surplus on a assuré que j’étais marié avec une Allemande. Ma nomination apparaissait donc comme une décision assez scandaleuse. Des journaux américains et cubains se sont faits avec plus ou moins de précision l’écho de ces bruits désobligeants sur moi. Lors de mon passage à Washington notre ambassade m’a montré une lettre où il était indiqué que je serais une sorte d’agent allemand, que j’aurais épousé une Allemande de Brême, que mes enfants ne parlaient que l’allemand.
90Maintenant que les Français, au fur et à mesure qu’ils prennent contact avec moi, s’aperçoivent que je suis très loin d’être l’agent germanophile qu’ils croyaient appelé à représenter ici la France, j’ai lieu de penser qu’une évolution favorable s’accomplit.
91À vrai dire cette heureuse évolution vis-à-vis du gouvernement de M. le Maréchal Pétain avait commencé à se dessiner avant même mon arrivée ici. La crise de décembre a apporté à tous ceux qui en doutaient la démonstration que le Maréchal gouvernait effectivement et librement. On a senti plus nettement encore par la suite que le Maréchal était résolu à résister à la pression allemande, qu’il entendait déterminer conformément à l’honneur national les limites de la collaboration avec l’Allemagne. Le prestige du gouvernement français n’a cessé dans ces conditions de grandir ici. Beaucoup de nos compatriotes conviennent maintenant qu’ils ont été égarés par des informations inexactes et affirment qu’ils entendent désormais soutenir le gouvernement établi à Vichy.
92Est-ce à dire qu’il n’y a plus de sympathies gaullistes ici ? Il serait assurément très exagéré de le prétendre. Au vrai, le loyalisme à l’égard du gouvernement français coexiste avec des sympathies gaullistes. La majorité des Français ici fait des vœux ardents pour la victoire de l’Angleterre. Les succès militaires éclatants des Anglais au cours de ces dernières semaines et l’héroïsme de leur résistance ont eu un retentissement considérable parmi nos compatriotes qui ne peuvent s’empêcher d’applaudir à la présence de formations militaires françaises aux côtés des Anglais. Tel est le sens du gaullisme.
93En présence de l’évolution favorable qui s’accomplit indubitablement, mon sentiment est qu’il ne faut pas brusquer ces bons Français. Je m’efforce de les éclairer en dissipant des malentendus et des illusions. J’ai l’impression que mes efforts ne seront pas stériles. Il va sans dire que je m’abstiendrai d’avoir des relations avec les représentants attitrés du mouvement de Gaulle ainsi qu’avec ceux qui se sont ouvertement compromis dans ce mouvement (M. Soustelle, délégué des Gaullistes, a quitté México pour l’Angleterre et on ne sait quand ou s’il reviendra ici). En revanche je ne crois pas devoir tenir à l’écart les Français qui affirment leur loyalisme vis-à-vis du gouvernement du Maréchal Pétain et dont les sympathies gaullistes ne sont pas telles qu’ils ne puissent être ramenés à d’autres sentiments.
94Je craindrais, je le répète, qu’à brusquer nos compatriotes par des mises en demeure on ne contrariât une évolution favorable.
95Je serais très obligé au département de vouloir bien me faire savoir s’il approuve cette attitude.
96Arvengas
97(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique, [Mexique], d. 8)
Position internationale du délégué de la France libre au Mexique, J. Soustelle
98México, le 24 mars 1941
99No 49 à 52
100(Je me réfère à votre télégramme no) 46 du 22 mars.
101M. Soustelle, délégué pour le Mexique du mouvement de Gaulle revenant d’Angleterre (ma lettre no 17 du 21 février) est arrivé ici le 15 mars. Il réside ici avec sa femme. Il a repris aussitôt contact avec nos compatriotes ; il organise des réunions et des collectes. On m’assure que dans les exposés publics qu’il fait ici il s’abstient de toutes attaques directes contre le gouvernement français ou contre la Légation.
102Un informateur, qui le connaît beaucoup sans partager ses idées, s’est entretenu avec lui et m’a rapporté les propos qu’il a tenus. Je crois devoir reproduire la substance de ces propos qui constituent vraisemblablement le thème de sa propagande.
103M. Soustelle se montre plus franchement optimiste sur la situation de l’Angleterre qu’il ne paraissait l’être avant son départ. Il reconnaît l’immensité des destructions qu’il a constatées lui-même à Londres et à Liverpool. Il précise même que la cité de Londres serait presque entièrement détruite. Les services publics n’en seraient pas moins convenablement assurés et les restrictions alimentaires seraient modérées.
104Son optimisme se fonde sur l’appui des Etats-Unis mais plus encore sur le moral de la population anglaise sans cesse affirmé par l’indignation que causent les destructions et par l’enthousiasme en présence des succès remportés en Afrique et en Albanie.
105En ce qui concerne la situation politique actuelle en France, les milieux britanniques autorisés se montreraient par contre très pessimistes. Ils s’inquiètent, prétend-il, des contacts de l’amiral Darlan avec M. Laval. Ils auraient l’impression que le gouvernement français croit à la victoire allemande et adopte de plus en plus nettement une politique qui escompte cette victoire.
106Les récentes déclarations de l’amiral Darlan sur les difficultés provoquées par le blocus britannique pour le ravitaillement de la zone non occupée ont produit, dit M. Soustelle, le plus fâcheux effet.
107Les milieux britanniques sauraient, de source sûre, que divers chargements de produits coloniaux arrivés dernièrement à Marseille auraient été réquisitionnés puis achetés, pour la moitié ou les 3/4 par les Commissions allemandes d’achats qui opéreraient dans les principales villes de la zone libre. M. Soustelle a ajouté que l’on en viendrait à craindre à Londres que l’amiral Darlan ne cherche sur la question du ravitaillement un incident naval franco-anglais que les Anglais sont résolus à éviter coûte que coûte...
108Arvengas
109(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique, [Mexique])
1941 : La collaboration vue de México
110Vichy, le 13 septembre 1941
111A M. Gilbert Arvengas, Ministre de France à México Il résulte de votre correspondance que vous vous êtes abstenu jusqu’ici d’entrer en relations avec le ministre d’Allemagne et avec le ministre d’Italie à México.
112Veuillez saisir la première occasion pour prendre contact avec ces deux chefs de mission...
113F. Darlan
114(MAE, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique]) et vol. 7
115México, le 27 septembre 1941 à 15 h 55
116Reçu le 28 à 17 heures
117M. Gilbert Arvengas, ministre de France à México,
118A son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte,
119Ministre secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères
120Nos 180-181
121Je me réfère à votre télégramme no 160.
122Lors de l’audience de départ qu’il m’avait accordée au début de janvier, M. Flandin examinant la question des relations avec les légations d’Allemagne et d’Italie, avait conclu que je devrais m’inspirer des circonstances.
123Or, la situation que j’ai trouvée ici et que j’ai exposée dans ma correspondance, m’a nettement détourné d’entrer en relations avec mes collègues allemand et italien. Cette situation demeure très délicate et le souci de ne pas la rendre plus aiguë m’oblige à ne pas donner prise à des attaques nouvelles. Je ne pourrais entrer en relations avec mes collègues qu’en me déjugeant ouvertement. J’aurais alors contre moi la quasi-totalité de la Colonie française et je perdrais une grande partie de mon crédit auprès du gouvernement mexicain et de beaucoup de mes collègues du corps diplomatique, dont l’ambassadeur des Etats-Unis est le doyen. Ceux qui avaient affirmé que j’avais été nommé ici à la demande des Allemands, en raison de mes sentiments présumés hitlérophiles avec une mission spéciale de collaboration, ne manqueraient pas de reprendre contre moi une campagne à laquelle mon attitude les avait obligés à renoncer.
124Enfin, on serait d’autant plus choqué que je prenne maintenant contact avec le ministre d’Allemagne que la situation de celui-ci est gravement compromise depuis l’incident avec le gouvernement mexicain (...). Je ne saurais au surplus trouver d’occasion de le rencontrer, car depuis cet incident, il se montre fort peu...
125Arvengas
126(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique])
127México par New York, le 22 mai 1941
Le Mexique et la question de la rupture avec Vichy
128Nos 92 à 94 Ainsi que ma correspondance l’a maintes fois indiqué, la tendance du gouvernement mexicain à lier sa politique extérieure à celle des Etats-Unis se manifeste de plus en plus nettement en dépit de l'assez vive résistance d’une partie de l’opinion dont le sentiment dominant est hostile aux Etats-Unis.
129Le frère du Président de la République, qui vient de rentrer ici d’un assez long voyage semi-officiel aux Etats-Unis, au cours duquel il a été comblé d’attentions, paraît devoir exercer désormais sur la conduite des affaires une grande influence dans le sens d’un rapprochement de plus en plus étroit avec les Etats-Unis.
130La presse de ce matin publie une circulaire du ministre de la Guerre exposant les raisons pour lesquelle le Mexique ne peut rester neutre ; (j’ai) la conviction que le Mexique suivrait les Etats-Unis en cas de rupture diplomatique de ce pays avec la France ; cette éventualité que les derniers événements font redouter, inquiète certains Français déjà profondément troublés par les nouvelles de notre pays. Ils se demandent si la rupture diplomatique avec le gouvernement de Vichy ne serait pas suivie de la reconnaissance d’un gouvernement de Gaulle.
131Il y a lieu de craindre que cette perspective n’incite des Français, dont les sympathies gaullistes n’étaient encore que tièdes, à donner désormais des gages plus favorables de leur attachement à la cause britannique.
132Je m’efforce de mon mieux, à l’aide des indications que le département a bien voulu me fournir, de corriger les fausses interprétations et de dissiper le trouble des esprits sans cesse accru par une propagande extrêmement active...
133Communiqué ambassade Washington.
134Arvengas
135(MAE, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique])
L’opinion mexicaine, les États-Unis et la guerre
136México, le 18 septembre 1941
137M. Gilbert Arvengas, ministre de France au Mexique, A son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte, Ministre secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères
138No 133
139Evolution de plus en plus hostile à l’Allemagne de l’opinion mexicaine
140En politique le sentiment dominant au Mexique est assurément la haine des Etats-Unis. Ce n’est pas seulement que les Etats-Unis par des guerres de conquête ont arraché au Mexique de grandes parties de son territoire et le dominent presque économiquement, c’est aussi qu’il n’y a entre les deux pays aucune affinité. Des conceptions de la vie opposées les séparent.
141Pendant longtemps l’Américain, avec un orgueil de parvenu, a considéré le Mexique, demeuré anarchique et pauvre par suite de son incapacité à exploiter ses richesses, comme une sorte de pays colonial. Toutefois depuis les dernières années mais surtout depuis la guerre actuelle les Etats-Unis ont compris la nécessité de pouvoir s’appuyer avec confiance sur le Mexique. D’où une politique habile de démonstrations cordiales, de gestes amicaux, de procédés flatteurs, de concessions destinés à séduire le Mexique. Cette politique, sur les faits concrets de laquelle on est encore mal renseigné, (d’importantes négociations sont en effet en cours) paraît avoir déjà porté des fruits : les relations entre les deux pays n’ont, semble-t-il, jamais été meilleures et leur politique extérieure concorde à souhait. La haine pour les Etats-Unis, bien qu’elle demeure foncière au cœur du peuple mexicain, est pour le moment sensiblement assoupie.
142Logiquement cette haine des Etats-Unis devrait déterminer toute l’attitude politique du Mexique en conséquence l’incliner vers les ennemis des Etats-Unis, c’est-à-dire vers l’Allemagne. Il n’en est cependant pas ainsi dans la réalité. D’une manière générale l’opinion du Mexique (du moins celle qui compte, parce qu’elle est susceptible de peser sur la politique) est favorable à la cause de la démocratie. L’Allemagne représente nettement la tyrannie, résolue à fouler aux pieds toutes les libertés. J'ai déjà plusieurs fois signalé dans ma correspondance combien ce pays est épris de liberté et de démocratie. Il est fier de ses révolutions et il en célèbre à toute occasion les conquêtes. Tout gouvernement doit, pour se maintenir, proclamer hautement sa foi révolutionnaire ; mais à vrai dire cette ardeur révolutionnaire se traduit maintenant beaucoup plus par des gesticulations et des vociférations que par des actes. On ne parle ici que de la liberté du peuple, de son affranchissement, de son émancipation, on en parle jusqu’à s’en étourdir, ce qui fait oublier le mal, l’appauvrissement causé par le désordre et la démagogie.
143Quand la France était dans cette guerre le champion de la cause démocratique, le peuple mexicain était de tout cœur avec elle. Maintenant que la France a cessé de défendre cette cause, on se détourne d’elle (voir lettre no 127 du 13 septembre) et malgré le peu de sympathie que l’on nourrit ici à l’égard de l’Angleterre, orgueilleuse et avide, on applaudit chaleureusement à sa résistance et à sa fidélité à l’idéal démocratique.
144Ce n’est pas à dire que l’Allemagne ne compte pas ici sinon des amis du moins des admirateurs. L’aristocratie et la haute bourgeoisie d’origine espagnole, ultra-réactionnaires et cléricales, sont dans l’ensemble très germanophiles par haine des partis de gauche qui les ont dépouillés de leurs terres. Elles se laissent égarer par une propagande qui leur représente l’Allemagne hitlérienne comme protégeant le capitalisme et la religion. Mais cette classe est ici dépourvue d’influence.
145D’autre part beaucoup d’indiens sont émerveillés des conquêtes de Hitler. Celui-ci est l’homme fort aux exploits duquel les peuples primitifs applaudissent volontiers, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’ils souhaitent sa victoire définitive. Mais au fur et à mesure que Staline paraît mieux résister aux armées d’Hitler, tenues jusqu’ici pour invincibles, l’admiration pour Staline pourrait bien chez ces indiens se substituer à l’admiration pour Hitler, d’autant plus que la personne du chef soviétique éveille plus de sympathies dans le prolétariat que celle du dictateur nazi. L’agression contre les soviets a d’ailleurs manifestement déterminé une prise de position très catégorique contre l’Allemagne dans les masses ouvrières. Leurs journaux, qui ne soutenaient pas sans beaucoup de réserves l’Angleterre conservatrice, se livrent à une campagne acharnée contre l’Allemagne et magnifient la résistance russe.
146Les révélations faites ces derniers temps au sujet des menées allemandes dans l’Amérique latine ont ouvert les yeux de ceux qui refusaient de croire à l’existence d’une menace allemande. Enfin l’incident causé par la lettre du ministre d’Allemagne (...) a précipité l’évolution de plus en plus hostile à l’Allemagne.
147En résumé, l’aversion à l’égard des Etats-Unis étant neutralisée par une habile politique, tout pousse le Mexique à prendre parti pour le camp anglo-soviétique, sans qu’il y ait toutefois lieu pour cela de penser qu’il participe quelque jour à cette guerre...
148G. Arvengas
149(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique])
Les événements de Syrie et le ralliement de la colonie française au gaullisme
150México, le 13 juin 1941
151No 112
152J’utilise de mon mieux le texte des déclarations faites le 10 juin par Votre Excellence et qu’Elle a bien voulu me transmettre.
153Mais je crois confesser que, depuis les événements de Syrie, il s’est accompli ici dans l’opinion mexicaine et française à l’égard du gouvernement français un vaste mouvement de désaffection que j’ai grand peine à combattre, et que la propagande gaulliste, s’exerçant avec une activité redoublée, met puissamment à profit.
154Cette constatation est d’autant plus fâcheuse qu’au cours des derniers mois, à la suite de la crise du 13 décembre, le gouvernement français était considéré avec une faveur croissante, en sorte que de nombreux gaullistes étaient ébranlés dans leur foi...
155Arvengas
156(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique])
157México, le 30 juin 1941
158M. Gilbert Arvengas, ministre de France au Mexique
159A Son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte,
160Ministre secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères
161No 190
162Vichy
163Progrès du mouvement gaulliste
164A la suite des événements de Syrie quatre de nos agents consulaires m’ont envoyé leur démission en l’accompagnant des considérations les plus sévères sur la politique française.
165Ce sont : MM. Reynaud à Mazatlan, Lartigue à Orizaba, Nopper à Santa-Rosalia et Béraud à Hermosillo, tous quatre de nationalité française.
166Je ne suis pas en mesure de les remplacer, car dans les villes de province plus encore qu’à México les colonies françaises sont maintenant presque entièrement acquises au mouvement gaulliste. Mais à vrai dire leur remplacement ne présente pas un caractère d’urgence, les attributions de nos agents consulaires étant minimes.
167D’après les renseignements qui me parviennent, la mesure qui a frappé M. Soustelle (...) ne paraît pas avoir eu d’autre effet que de réchauffer le zèle de ses partisans et de lui en amener de nouveaux. Aux yeux de beaucoup de Mexicains et de Français il fait désormais figure de martyr de la cause gaulliste et il reçoit de nombreuses lettres de sympathie.
168Je suis de plus en plus convaincu que la déchéance de la nationalité française est une menace inopérante ici. Sans compter qu’ils pensent que cette mesure sera un jour rapportée, les gaullistes paraissent désormais fermement attachés à leur cause en le triomphe de laquelle ils croient de plus en plus. Ceux dont la foi gaulliste paraissait encore mal assurée semblent maintenant convaincus d’être les apôtres d’une cause juste.
169Certains français, ainsi que je l’écrivais peu après mon arrivée ici, prétendaient concilier leurs sympathies gaullistes avec le loyalisme à l’égard du gouvernement du Maréchal Pétain. Sous l’influence des derniers événements ils ont maintenant renoncé à cette position.
170J’avais, quant à moi, cru pouvoir, il y a quelques mois, en vue de détourner nos compatriotes de la dissidence, donner des assurances touchant les limites de la collaboration, assurances qui, je dois l’avouer, m’embarrassent maintenant.
171Ceux-là même, qui parmi nos compatriotes condamnent l’agression britannique contre la Syrie, rejettent sur le gouvernement français la responsabilité initiale. Ils estiment — et j’ai quelque peine à réfuter cette opinion — que les clauses de l’armistice n’autorisent pas les Allemands à survoler la Syrie et à utiliser ses aérodromes. Ils reprochent au gouvernement français de n’avoir pas élevé une protestation.
172En résumé, les gaullistes, sur lesquels, il y a quelques semaines encore, il était possible d’exercer une certaine influence, refusent maintenant d’écouter les voix qui viennent de Vichy.
173Je tiens surtout à attirer l’attention sur ce que les Français qui ne sont pas gaullistes paraissent être appelés presque inévitablement à le devenir. Nos compatriotes, privés de relations avec l’Europe, sont de plus en plus tributaires des Etats-Unis pour la marche de leurs entreprises. Les Etats-Unis disposent ainsi de moyens de pression quasi-irrésistibles sur eux ; dès maintenant par exemple ils ne délivrent guère de visas aux Français que si ceux-ci prouvent qu’ils sont affiliés au mouvement gaulliste.
174Il n’est pas exagéré de dire que les sanctions qui seraient prises par le gouvernement français contre nos compatriotes gaullistes désigneraient ceux-ci à la plus grande bienveillance des autorités américaines.
175Cette situation d’une colonie très nombreuse, active, prospère et faisant particulièrement honneur à la France, qui se détourne avec hostilité de son gouvernement national est certes profondément douloureuse ; elle me paraît hélas ! pour le moment sans remède...
176Arvengas
177(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique] et — Papiers d’agents « Arvengas » no 7)
Jacques Soustelle déchu de la nationalité française
178Vichy, 1er août 1941
179M. Soustelle a été déchu de la nationalité française non seulement à la suite des renseignements que vous avez envoyés à son sujet mais aussi de ceux fournis par d’autres postes (Cuba, Guatemala).
180Se basant sur cet ensemble d’informations la Commission de la Déchéance a estimé que l’intéressé était un agent actif de la propagande gaulliste en Amérique centrale et qu’il y avait lieu de prononcer contre lui la déchéance de nationalité...
181Diplomatie
182(mae, Papiers d’agents, Arvengas, v. 8)
De Gaulle demande au gouvernement mexicain un statut pour son représentant J. Soustelle
183De Gaulle (Jean Escarra) à Ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis mexicains —
184México
185Londres, le 11 août 1941
186Monsieur le Ministre,
187Depuis plusieurs mois, mon représentant au Mexique, le lieutenant Jacques Soustelle, bénéficie de la part de votre noble pays, d’une hospitalité pour laquelle je ne saurais trop vous témoigner ma gratitude. Grâce à la tradition démocratique chère aux Mexicains, grâce à la généreuse attitude qui caractérise l’administration de S. Excellence le général Manuel Avila Camacho, Président de la République, le lieutenant Soustelle a eu toutes facilités pour faire connaître l’œuvre de la France libre, son idéal, ses moyens d’action. Tout le Mexique sait aujourd’hui que la France libre représente la France tout court dans ses aspirations vers la libération du territoire et la restauration des libertés essentielles. Je ne puis vous dire à quel point les rapports de M. Soustelle m’apportent de réconfort, en me montrant combien notre cause est comprise et encouragée dans votre pays.
188Toutefois, le lieutenant Soustelle n’exerce son activité que grâce à la bienveillante courtoisie des autorités mexicaines. Il ne possède pas de statut, même officieux, lui permettant d’entretenir avec le gouvernement des relations précises et suivies.
189Il m’a semblé que je pouvais m’autoriser de l’attitude si sympathique de votre administration pour suggérer à Votre Excellence l’examen d’une proposition qui, avec votre approbation, permettrait de donner au lieutenant Soustelle un statut défini. L’histoire contemporaine du Mexique contient du reste, ce me semble, des précédents en ce sens.
190Il s’agirait de reconnaître M. Soustelle en sa qualité de mon représentant personnel et, en même temps, d’« agent confidentiel ». Sans bénéficier, assurément, d’un statut diplomatique, cet agent se trouverait ainsi dans une position officieuse, mais parfaitement définie vis-à-vis du gouvernement et de l’administration du Mexique. De la sorte, il pourrait poursuivre son œuvre dans de meilleures conditions et apporterait ainsi une contribution plus complète et plus efficace à la cause de la France qui, parce qu’elle est celle de la civilisation et de l’idéal démocratique, est aussi celle de votre pays.
191Compliments.
192(mae, G. 1939-1945, Londres cnf, d. 265)
Le Mexique et la France libre, 02-1942
193Commissariat national aux Affaires étrangères
194Londres, le 19 février 1942
Note pour le général de Gaulle. Mexique
195Président : Le général Camacho.
196Ministre des Affaires étrangères : M. Padilla.
197Ministre à Londres : M. Alonso de Rosenzweig-Diaz.
198L’attitude du Mexique à notre égard, d’abord douteuse, nous est devenue extrêmement favorable après l’arrivée de M. Soustelle, qui y a accompli un remarquable travail d’information et de propagande.
199Avec l’Uruguay, le Mexique est aujourd’hui notre meilleur allié en Amérique espagnole.
200Pendant la dernière conférence de Rio de Janeiro, M. Padilla a soutenu la proposition uruguayenne d’inscrire le message du Comité national français au compte rendu de la Conférence.
201Il y a huit jours, un groupe de sénateurs américains a voté une motion en faveur de la reconnaissance du Comité national français et l’a déposée sur le bureau des Chambres. Si les Etats-Unis ne s’y opposait pas, le Mexique serait certainement le premier Etat latin d’Amérique à voter cette reconnaissance.
202Le Mexique a été un des premiers Etats d’Amérique latine à rompre les relations diplomatiques avec les puissances de l’Axe...
203(mae, G. 1939-1945, Londres cnf, d. 264 [108])
La légation de France au Mexique 1939-1942
204Excelsior, le 12 janvier 1942
La légation de France
205par Edmond Sigler
206Tandis qu’à Vichy se déroule une lutte silencieuse, et pour cela d’autant plus acharnée entre les Allemands et la volonté de résistance du Maréchal Pétain, une série d’événements se sont produits à la légation de France, lesquels sans avoir une très grande importance au point de vue diplomatique et sans affecter en rien les relations franco-mexicaines, pratiquement inexistantes, sont de telle nature qu’ils nous aident à voir plus clairement l’aspect actuel du problème français. Nous commencerons par un court historique. La guerre déclarée en septembre 1939 surprit à México M. Bodard, à la tête de la légation de France ; celui-ci était pénétré de sa mission, qui était celle de maintenir un contact intime et fraternel avec les diplomates alliés et amis, de conduire une intelligente propagande en faveur des alliés et de faire clairement ressortir le grand danger que représentait pour l’Europe et pour la civilisation le régime nazi.
207L’armistice de juin 1940, outre son aspect douloureux et incroyable, plaça le diplomate français dans une situation embarrassante parce qu’il obligeait à changer, rapidement et du tout au tout, de tactique, d’idées et d’amis. Heureusement intervint une décision de Vichy remplaçant M. Bodard pour raison d’âge. Cette mesure avait d’ailleurs un caractère général et affectait beaucoup d’agents parmi le groupe le plus âgé du Quai d’Orsay. M. Gilbert Arvengas, ministre plénipotentiaire, succéda à M. Bodard ; ce diplomate de réputation ne se fit pas d’illusion, dès le début, sur les difficultés de sa tâche et de sa position, comme représentant du gouvernement de l’armistice.
208M. Arvengas avait passé une grande partie de sa carrière diplomatique en Allemagne, et il ne pouvait cacher le mépris et la profonde antipathie que lui inspiraient la politique et les méthodes allemandes. Par suite d’une cruelle ironie, il se vit, dès le premier jour de son arrivée à México, accusé de sympathie pro-nazie, mais il sut, par une attitude aussi intelligente que discrète, dissiper les soupçons et s’attirer même de vives et cordiales sympathies parmi les Français de la colonie du Mexique, dont la majorité a préféré, devant la tragédie de leur patrie, conserver une attitude réservée et discrète, sans cesser cependant de soutenir la cause alliée.
209Le nouveau ministre de France, grâce à sa vaste expérience et à sa claire compréhension de la situation, s’en tint à une politique absolument personnelle, dont le principe essentiel était d’éviter tout contact et toute « collaboration » avec les ministres de l’Axe accrédités à México.
210Comme il était naturel, cette attitude ne pouvait plaire à M. Collenberg, ministre d’Allemagne, qui, froissé par l’indifférence et par l’intransigeance de son collègue « vaincu », s’applique à envoyer à Vichy, par l’intermédiaire de la Wilhemstrasse, une série d’accusations, demandant soit le changement du ministre de France, soit un revirement de cette attitude envers le nazisme en général et envers M. Collenberg en particulier, sur les ordres du ministère présidé par l’Amiral Darlan. Nous ignorons le résultat des représentations effectuées par le diplomate allemand, mais nous savons qu’il y a quelques semaines, par suite d'une décision de Darlan, tous les diplomates français, aussi bien les chefs de mission que les simples fonctionnaires, furent invités à prêter serment par écrit au chef de l’Etat. En présence de cette exigence, qui comportait l’adhésion à une politique qu’il avait toujours désapprouvée, M. Arvengas — qui s’était borné jusque-là à suivre une politique de routine et de tradition diplomatique — se décida cette fois à adopter une attitude non-équivoque, se refusant à prêter serment au Maréchal Pétain et mettant son poste à la disposition du gouvernement français, ce qui lui fut d’ailleurs facilement accordé.
211Un jeune secrétaire, M. Clauzel, lui succéda à la tête de la légation, en qualité de Chargé d’Affaires ; ce dernier, faisant partie de la « carrière » et appartenant à l’école du Quai d’Orsay, n’a pas estimé opportun, en tant que fonctionnaire, d’adopter une attitude contraire au gouvernement qu’il représente.
212L’attitude M. Clauzel a suscité de nombreuses discussions. Mais pour nous autres, qui connaissons très bien l’esprit de la jeune diplomatie français, une telle décision, que nous ne pouvons d’ailleurs pas approuver, nous semble facile à expliquer, parce qu’au fond il ne s’agit que de continuer à servir la « maison », indépendamment des changements qui interviennent chaque jour dans la politique internationale.
Jules Romains et la France libre mexicaine
213Londres, le 22 juillet 1942
Pour le prochain Comité note du service d’Amérique latine
214La lettre de México, du 8 juin dernier, pose un problème assez sérieux, qui est celui des relations du Comité national avec M. Jules Romains.
215D’une part :
- L’attitude douteuse prise par cet écrivain, et l’émotion soulevée par ses paroles dans les milieux français et alliés au Mexique, rendent peu désirable une collaboration effective de sa part au journal « La Marseillaise ».
- Ses exigences financières montrent qu’il est plus intéressé par l’argent que patriote.
216D’autre part :
217M. Jules Romains a une renommée mondiale ; et il importe, s’il ne peut être gagné à notre cause, tout au moins qu’il soit neutralisé afin de ne pouvoir nuire.
218Ce point me paraît suffisamment important pour retenir l’attention du Comité national...
219Dayet
220(mae, G. 1939-1945, Londres cnf, d. 266)
La colonie française soutient le Mexique en guerre
221« Journal français du Mexique »
22210 juin 1942
La colonie française affirme son adhésion au président Avila Camacho
223Par l’intermédiaire des présidents de ses diverses sociétés, la Colonie française du Mexique a solennellement déclaré son adhésion à la politique internationale du Mexique.
224Lundi, à neuf heures du soir, une délégation de notre Colonie a été reçue en audience par le Président de la République, général Manuel Avila Camacho.
225Elle comprenait M. Alexandre Génin, président de la Chambre de Commerce ; M. Albert Signoret, président du Comité central de France libre et de l’Alliance française ; M. Camille Jean, président du Cercle français ; M. René Dubernard, président des Anciens Combattants ; M. Henri Tron, président du club hippique ; M. Pierre Fouque, président du Lycée franco-mexicain et M. Alphonse Proal, président de la Mutuelle.
226Au nom de tous, M. Alexandre Génin prit la parole et exprima au Président de la République les sentiments d’amitié et d’attachement qui unissent les Français au Mexique.
227Il félicite le président de la noble et virile attitude adoptée par son gouvernement en réponse aux lâches agressions de l’Axe.
228M. Génin affirme ensuite au Président de la République que le gouvernement mexicain peut compter absolument sur la pleine et loyale coopération de la Colonie française dans tous les domaines, et même au prix de tous les sacrifices.
229Le général Manuel Avila Camacho remercia les délégués de la collaboration qu’ils venaient de lui offrir en ajoutant qu’il savait parfaitement que la Colonie française était pleinement unie au sentiment national mexicain.
230Il dit que les Français peuvent se sentir chez eux au Mexique, comme dans leur propre pays natal.
231Le général Manuel Avila Camacho affirma qu’il connaissait l’étendue des malheurs de la France, mais que les Français doivent conserver plein espoir que la dure épreuve par laquelle passe actuellement leur patrie prendra fin bientôt peut-être, et que s’ouvrira une ère meilleure pour la grande République française.
232Avant de se retirer, les délégués de la Colonie française remirent au Président de la République la lettre suivante contenant l’affirmation précise de ce qu’ils venaient de déclarer au nom de leurs compatriotes :
233Monsieur le Président,
234La Colonie française du Mexique, unie dans un sentiment unanime d’adhésion aux graves et transcendantales résolutions adoptées finalement par le Mexique, en réponse aux agressions injustifiées et odieuses dont il a été victime de la part des pays totalitaires, se permet de vous adresser, Monsieur le Président, ses plus chaleureuses félicitations pour la noble attitude que vous avez prise dans ces historiques circonstances ; elle a l’honneur de Vous offrir sa complète et inconditionnelle collaboration, et fait des vœux pour le triomphe du Mexique dans ses justes revendications, considérant que c’est seulement du triomphe des nations démocratiques, auxquelles le Mexique s’est uni, que nous pouvons espérer la libération de notre infortunée patrie.
235Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre respect le plus profond.
236Déclarations publiques très sévères pour Vichy de l’ancien représentant mexicain à Vichy
237Nos 2830-2831
238Washington, le 24 juillet 1942 — 8 h 32 Reçu le 25 à 15 h 0
239L’ancien ministre du Mexique à Vichy, le général Aguilar, a fait à son arrivée hier à New York par avion transatlantique des déclarations d’ordre politique qui manquent singulièrement de réserve diplomatique. Le ministre du Mexique a donné aux journalistes un long compte rendu de l’entrevue qu’il aurait eue avec Votre Excellence au début du mois de mai. Il en a conclu « que M. Laval ne désire pas seulement la victoire de l’Allemagne, mais qu’il souhaite aussi celle du Japon. L’intérêt de la France, d’après M. Laval, est d’ailleurs de voir le Japon gagner ». Le général Aguilar s’est plaint aussi (mot passé) termes les plus violents de la manière dont Votre Excellence concevait le problème de l’aide aux réfugiés espagnols. Il a ajouté que son principal effort à Vichy avait été de tenter en vain de dissuader le gouvernement français de livrer au gouvernement du général Franco les Espagnols réfugiés sur notre territoire.
240Les Américains donnent naturellement la plus large place aux propos que M. Aguilar attribue à Votre Excellence...
241Henry Haye
242(mae, G. 1939-1945, Vichy-Amérique [Mexique])
Le Mexique reconnaît le Comité national français
243México, 2 décembre. Un communiqué officiel du gouvernement mexicain annonce que des lettres ont été échangées entre ce gouvernement et le Comité national français. Ces lettres équivalent à une « reconnaissance partielle » du Comité national français par le Mexique.
244On estime, dans les milieux autorisés de México que le gouvernement publiera prochainement une nouvelle déclaration définissant les relations nouvellement créées entre ce pays et la France combattante.
245On pense, d’autre part, que M. Médioni, délégué du général de Gaulle au Mexique recevra le titre de ministre à México.
***
246La déclaration du ministère des Affaires étrangères mexicain est ainsi conçue : « Depuis l’établissement à Londres du Comité national français le gouvernement mexicain a suivi avec une attention croissante les efforts patriotiques de ce comité en vue de la libération de son pays et du triomphe des idéaux exprimés dans la Charte de l’Atlantique.
247Malgré l’aide appréciable, fournie par l’organisation du général de Gaulle à la cause des démocraties, le gouvernement mexicain n’avait pris aucune décision, bien qu étant complètement en accord avec les tendances du Comité et sa position dans le domaine de la politique internationale, car une pareille décision aurait pu donner naissance à des difficultés imprévues quant aux intérêts qui lui sont confiés.
248Après la rupture des relations diplomatiques avec Vichy le ministère des Affaires étrangères mexicain a informé le délégué du Comité national français au Mexique, M. Gilbert Médioni, de ce qui suit :
- Le ministère mexicain des Affaires étrangères aura un plaisir particulier à recevoir un représentant du Comité dûment accrédité à México afin de traiter avec lui pour tout ce qui concerne les Français qui résident dans la République de México et qui appuient le Comité national français aussi bien que pour tout ce qui intéresse à la fois le gouvernement mexicain et le Comité.
- Le gouvernement mexicain reconnaît comme valides les passeports et tous autres documents émis par les représentants du Comité.
- Une validité similaire sera reconnue pour ce qui concerne les documents émis par les autorités compétentes du Comité national français dans tous les territoires où ils exercent, de manière indiscutable, la souveraineté ».
249France, 3 décembre 1942.
La reconnaissance mexicaine de la France libre, argument de propagande pendant « la traversée du desert »
250Pour Washington, Ottawa, La Havane, Bogota, Lima, Montevideo, Rio de Janeiro, Johannesburg, Sidney, Wellington, Lisbonne, Reykjavik, Beyrouth, Le Caire, Téhéran, Chungking, Istamboul, Kuybischev.
251Reconnaissance du Comité national français par le gouvernement mexicain.
252Diplo/
253Par une déclaration dont je vous communique par ailleurs le texte, le gouvernement mexicain a reconnu le Comité national.
254Au moment où l’Afrique du Nord est le théâtre des événements que vous connaissez, cette reconnaissance revêt à nos yeux une importance particulière. Venant au lendemain de la décision prise par le Canada de désigner un représentant auprès du Comité national, elle montre au département d’Etat l’opposition générale à une politique qui tendrait à accorder à l’expédient Darlan une durée indéterminée.
255Vous ne devez pas manquer de tirer du geste accompli par le Mexique tout le parti possible pour notre action dans le pays de votre résidence. Profitez de cette occasion pour resserrer vos relations avec les représentants des pays sud-américains.
256Francelib.
257(03-12-1942)
258(mae, G. 1939-1945, Londres cnf, d. 265)
Notes de bas de page
1 À cette date la piastre mexicaine valait un demi dollar.
2 Deux maisons de représentation de produits pharmaceutiques ont été placées sur la liste noire américaine, mais en ont été retirées presque aussitôt.
3 Les entreprises marquées d’un astérisque (*) ont disparu. Elles représentent au total $ 52 632 200.
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