Chapitre VI. Les premières fissures mai-décembre 1941
p. 183-218
Texte intégral
Le scepticisme mexicain à l’égard de Vichy
1« Depuis les événements de Syrie, écrit le représentant de Vichy, il s’est accompli ici dans l’opinion mexicaine et française à l’égard du Gouvernement français un vaste mouvement de désaffection que j’ai grand peine à combattre, et que la propagande gaulliste, s’exerçant avec une activité redoublée, met puissamment à profit »1. Voilà, brièvement exposée, la dégradation très rapide des relations politiques franco-mexicaines (Vichy/Mexique), durant les mois de mai et juin 1941.
Les événements
2Jusqu’au tout début de mai, l’arrivée de l’amiral Darlan au pouvoir en France n’avait été marquée par aucun événement important — si l’on n’attribue pas ce qualificatif à l’emprise économique croissante de l’Allemagne sur la France des deux zones, occupée comme non-occupée [139, p. 285]. Le 2 mai, la révolte de Rachid Ali contre l’arrivée des Anglais en Irak entraîna une rupture de cette « monotonie ». La Wehrmacht, inquiète de voir le Reich ouvrir incessamment un deuxième front sans en avoir terminé avec les Anglais en Méditerranée, fit en sorte que soient prises au mot les multiples déclarations d’intention de Vichy afin d’obtenir un soutien logistique pour les troupes de Rommel en difficulté en Cyrénaïque et pour les insurgés irakiens... Darlan pensait obtenir de Hitler, aux dépens de l’Angleterre, une paix qui sauvegarderait la puissance maritime et les intérêts coloniaux français. Dès lors, « la collaboration de Darlan marchait à pas de géant ». Le 5 mai, l’amiral apporta à l’ambassadeur allemand à Paris, Otto Abetz, un accord du maréchal Pétain : des avions allemands pourraient transiter par le Levant, sous contrôle français, afin de fournir des armes aux insurgés irakiens. Dès le 9 mai, un officier aviateur allemand arriva à Damas. Le 1 b les premiers avions allemands transitèrent par la Syrie tandis que Darlan conférait avec Hitler et Ribbentrop à Berchtesgaden. D’autres mesures de collaboration militaire avec l’Allemagne suivirent, en Tunisie en particulier. L’apogée fut enfin atteint les 27 et 28 mai avec la signature des célèbres Protocoles de Paris. Aux termes de ces accords, l’Etat français s’engageait à fournir aux troupes de l’Axe un soutien logistique et se déclarait prêt « en principe » à faire de Dakar un point d’appui pour la Kriegsmarine. Par ailleurs, un protocole complémentaire précisait que « le gouvernement allemand fournirait au gouvernement français, par la voie de concessions politiques et économiques, les moyens de justifier devant l’opinion publique de son pays l’éventualité d’un conflit armé avec l’Angleterre et les Etats-Unis ».
3« Dès le 6 mai, écrit J.B. Duroselle, les Français libres pressentirent l’éventualité d’une aide allemande à Rachid Ali. Et, une fois ce fait accompli, le 16 mai, le général de Gaulle proclama le caractère déshonorant de la concession faite par Darlan. Le 3 juin, de Gaulle soupçonna l’existence d’accords entre Darlan et Hitler » [139, p. 291].
4Au Mexique, affecté par un violent tremblement de terre le 15 avril, les nouvelles des événements d’Europe et du Moyen-Orient parviennent rapidement par l’intermédiaire de la presse et des agences de presse américaines. Les bruits répandus au Mexique dès la deuxième semaine de mai ont préparé l’opinion ; mais la nouvelle selon laquelle le gouvernement français aurait concédé au Reich le droit, non seulement de survoler la Syrie, mais d’utiliser ses aérodromes, suscite « une très vive émotion », selon les termes de la légation de Vichy qu’on a tout lieu de croire en la circonstance. De même, la presse mexicaine confirme que l’attitude du gouvernement français est très violemment critiquée par l’opinion mexicaine et française du Mexique2.
Les réactions
5Dans la colonie française, beaucoup manifestent immédiatement leur indignation. Le sentiment général, c’est la « consternation » ; pour la plupart, la « désillusion » : Vichy n’aura plus le bénéfice du doute.
6La colonie libano-syrienne est logiquement l’une des premières à réagir. Avant les événements déjà, Meurehg, Libanais chargé à la légation de France plus spécialement des affaires consulaires syriennes et libanaises, faisait campagne pour la France libre dans les milieux syro-libanais et lui apportait une aide substantielle au consulat ; il semblait déjà être soutenu, au moins moralement, dans sa démarche par la majorité de cette riche colonie de quelque 20 000 membres. Apprenant les événements, celle-ci réagit, notamment en demandant au responsable de la légation de recevoir d’urgence une délégation... Lorsqu’enfin arrive au Mexique la nouvelle de l’entrée en Syrie des Forces françaises libres (8 juin), la position politique de cette colonie est claire puisque ses représentants adressent un télégramme chaleureux au Comité « France libre »3. Le mois suivant, lors des manifestations organisées au Mexique pour célébrer le 14 juillet de « la France de la liberté », les colonies libanaises « pro-ffl » jouent un rôle de tout premier plan4. Jusqu’à la crise de l’automne 1943 et les manifestations nationalistes au Liban, la colonie syro-libanaise se montre d’autant plus solidaire de la France libre que les liens personnels (Miguel Abed, leader de la colonie libanaise, et Jacques Soustelle, par exemple) sont excellents5.
7La colonie française se montre « consternée », voire « indignée ». Gilbert Arvengas, lors de son arrivée au Mexique, avait constaté que certains Français « prétendaient concilier leurs sympathies gaullistes avec le loyalisme à l’égard du gouvernement du maréchal Pétain » ; ceci encourageait le ministre de Vichy à croire qu’il pouvait « détourner de la dissidence » ces Français au moins « en leur donnant des assurances touchant les limites de la collaboration ». Force lui est de constater que, « sous l’influence des derniers événements, ils ont maintenant renoncé à cette position »6.
8Le ministre français, déjà en proie à un certain « malaise », le pressentait en mai avec exactitude :
« La position des gaullistes va se trouver puissamment renforcée et j’ai lieu de craindre que l’action de propagande que j’avais entreprise avec quelque succès, profitable il semble, pour amener nos compatriotes à une juste appréciation de l’œuvre, ne se trouve réduite à néant. »
9Et même si le ton est encore réservé lorsque le ministre français évoque, le 22 mai, les « Français dont les sympathies gaullistes ne sont encore que tièdes »7, pour la première fois il ne fait plus de distinction à l’intérieur de la colonie... Gilbert Arvengas explique implicitement ici, malgré des précautions de langage, que la colonie, dans son ensemble, s’est dissociée de Vichy. Le ministre ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit le mois suivant qu’il « s’est accompli dans l’opinion (...) française à l’égard du gouvernement français un vaste mouvement de désaffection » et que « cette constatation est d’autant plus fâcheuse qu’au cours des derniers mois, à la suite de la crise du 13 décembre, le gouvernement français était considéré avec une faveur croissante, en sorte que de nombreux gaullistes étaient ébranlés dans leur foi »8. Plus encore, « la plupart de nos compatriotes » paraît « désormais ancrée dans la conviction que le gouvernement français s’emploiera le plus activement qu’il pourra pour faire obstacle à une victoire britannique en fournissant à l’Allemagne une aide aussi substantielle que possible »9.
10Enfin, le ministre français transmet à Vichy un constat d’échec qui, à bien des égards, semble son testament diplomatique :
« En résumé, les gaullistes, sur lesquels, il y a quelques semaines encore, il était possible d’exercer une certaine influence, refusent maintenant d’écouter les voix qui viennent de Vichy.
Je tiens surtout à attirer l’attention sur ce que les Français qui ne sont pas gaullistes, paraissent être appelés presque inévitablement à le devenir. Nos compatriotes, privés de relations avec l’Europe sont de plus en plus tributaires des Etats-Unis pour la marche de leurs entreprises. Les Etats-Unis disposent ainsi de moyens de pression quasi-irrésistibles sur eux ; dès maintenant par exemple, ils ne délivrent guère de visas aux Français que si ceux-ci prouvent qu’ils sont affiliés au mouvement gaulliste.
Il n’est pas exagéré de dire que les sanctions qui seraient prises par le gouvernement français contre nos compatriotes gaullistes désigneraient ceux-ci à la plus grande bienveillance des autorités américaines.
Cette situation d’une colonie très nombreuse, active, prospère et faisant particulièrement honneur à la France, qui se détourne avec hostilité de son gouvernement national est certes profondément douloureuse ; elle me paraît hélas ! pour le moment sans remède10. »
11Toutes les sources concordent, la séparation, la rupture entre la colonie française du Mexique et le gouvernement français sont consommées. La lucidité du ministre est donc incontestable. Mais, il est aussi évident que le ministre — peu sensible au mouvement gaulliste — protège, comme son prédécesseur Albert Bodard, la colonie et rejette trop la responsabilité de son évolution sur les Etats-Unis : il est vrai pourtant que la vie économique de la colonie française dépend partiellement du grand marché voisin, qu’une relation trop étroite avec Vichy peut sembler suspecte aux consuls américains et que les archives du Congrès tendent nettement à confirmer les affirmations du ministre français, trop systématiques cependant : les Etats-Unis utilisent de mieux en mieux les moyens de pression à leur disposition, notamment l’octroi ou le refus après enquête des visas demandés.
12Le ministre Arvengas, sans dissimuler un certain trouble, protège apparemment du mieux qu’il peut, non pas le gaullisme, mais une colonie qui lui apparaît réagir logiquement, une colonie pour laquelle il ne dissimule pas sa sympathie. Ses tentatives de médiation, d’explication discrète de la situation française à qui voulait bien l’entendre sont devenues caduques avec les événements de Syrie. Le rôle qu’il s’était assigné, peu de temps après son arrivée, auprès de la colonie est devenu impossible à tenir. La dernière phrase du document cité est donc un constat d’impuissance et presque, pourrait-on dire, de démission momentanée d’une des tâches qui lui étaient assignées : le maintien de la colonie française dans l’obédience de Vichy. En conséquence, le 14 juillet au Mexique, avec son cortège de manifestations gaullistes, sa messe unitaire et le discours aimablement moraliste du ministe à la légation apparaît, non sans fondement, comme une première « apothéose de la France libre »11.
13Au sein même de la légation, de tous les services diplomatiques et consulaires, ces événements de mai-juin 1941 provoquent de profondes modifications. Fin avril, le personnel de la légation et du consulat de France à México était composé comme suit :
Un ministre, Gilbert Arvengas, arrivé au Mexique le 9 février.
Un premier secrétaire, Ghislain Clauzel, arrivé peu avant Arvengas.
Un second secrétaire, Lionel Vasse (depuis plusieurs années).
Un attaché commercial, André Gabaudan (depuis 1936).
Un vice-consul, François Giocanti, chargé de la chancellerie de la légation et du consulat ; au Mexique depuis 17 ans.
Un spécialiste des Affaires consulaires syriennes et libanaises, Meurehg, Libanais.
141) La position du ministre Arvengas, a été déjà longuement abordée. Précisons qu’au moment des événements de Syrie, il n’a toujours pas réussi à rencontrer l’un ou l’autre des représentants diplomatiques alliés, en dépit de plusieurs tentatives sérieuses12 et qu’il ressent déjà un certain « malaise » ; à la suite d’une part des rappels sévères de Darlan sur l’interdiction formelle de tous rapports « personnels » avec les « collègues » anglais13 ; à la suite d’autre part des explications très « collaborationnistes » qui lui sont fournies sur la suspension de la réémigration espagnole14. Il a affirmé qu’il n’avait aucun rapport avec les légations d’Allemagne et d’Italie : selon J. Soustelle « certaines informations confidentielles tendraient à prouver qu’en fait Arvengas a eu des contacts secrets avec la légation d’Allemagne ». Ces informations ne semblent toutefois pas fondées puisque le ministère français, constatant qu’Arvengas ne s’est jamais mis en relation avec les ministres de l’Axe au Mexique, lui en donne plus tard l’ordre (le ministre refuse d’ailleurs, en justifiant son refus). Au milieu de ces rumeurs, le ministre est dans une situation très délicate en raison de l’attitude de la colonie, de son gouvernement et du gouvernement mexicain ; il cherche à se maintenir dans une position d’attente, dans une réserve prudente à l’égard de tous. Ses velléités initiales de détourner les Français du Mexique de l’obédience londonienne, attestées au moins par la transmission à tous les agents consulaires du décret du 28 février contre les Français libres (privation de la nationalité), disparaissent semble-t-il définitivement avec les événements du Proche-Orient. Sa décision ultérieure de suspendre sine die ses fonctions trouve là son origine.
152) Ghislain Clauzel, autant que l’on puisse en juger en l’absence presque totale d’information précise, affecte la même attitude que son chef de mission ; il est le fonctionnaire de la légation le plus loyal à son gouvernement, et est de ce fait assez isolé.
163) Lionel Vasse, deuxième secrétaire, se démarque nettement de ses supérieurs hiérarchiques. Connaissant mieux qu’eux, et depuis plus longtemps, le Mexique, il a vraisemblablement une influence supérieure à son poste au sein de la légation. Familier de l’ancien ministre Albert Bodard, il est aussi l’ami personnel de Jacques Soustelle depuis plusieurs années. Avant les événements de mai-juin, il cherchait visiblement à « concilier le maintien de sa situation administrative avec des sympathies très nettes, quoique prudemment exprimées », pour la France libre15. Soustelle entretient des « contacts amicaux » avec lui, comme avec Giocanti et Meurehg, estimant sa collaboration à l’intérieur même de la légation de France utile, voire nécessaire, à l’expansion de la France libre. Il démissionne peu avant les événements de Syrie et sera plus tard nommé représentant de la France libre à Caracas.
174) L’attaché commercial, Gabaudan, « de caractère changeant et impressionnable » si l’on en croit son ancien collègue Jacques Soustelle16, a commencé par proclamer à l’automne 1940 son attachement pour la France libre. En ce début de printemps 1941, l’attaché commercial fait campagne pour son ministre dans les milieux français, estimant que la froideur manifestée par la France libre à l’égard de ce dernier n’est pas justifiée. En juillet 1942, il rejoindra les ffl17.
185) Quant au vice-consul, Giocanti, il observe dans l’ensemble la même attitude que Lionel Vasse ; son aide est précieuse aux Français libres puisque c’est lui qui délivre, sans explication aucune, les passeports français des volontaires de la France libre, des Forces françaises libres.
196) Enfin, Meurehg fait ouvertement campagne pour la France libre dans les milieux syro-libanais et lui apporte au consulat une aide complémentaire de celle de Giocanti.
20Nous avons peu d’informations sur le devenir de ces membres de la légation à la suite des événements du Levant ; il est possible que Meurehg quitte la légation dans les semaines suivantes. Lionel Vasse démissionne : nous n’avons cependant aucun élément permettant d’en connaître exactement la date ; mais on le retrouve à la tête de la délégation de la France libre pour la Colombie et le Venezuela [139, p. 323] et il est très probable qu’il ait quitté la légation avant l’hiver, avant l’obligation de prêter serment au maréchal, avant le départ du ministre lui-même. Giocanti quitte vraisemblablement la légation à la même époque ; comme au Brésil, la France libre a préféré maintenir au sein de la légation vichyssoise un ou plusieurs diplomates pour son information et pour ses besoins matériels (visas, pensions, inflexions de directives de Vichy...). En ce qui concerne Gabaudan, de longs memorandums économiques continuent à parvenir à Vichy au moins jusqu’au 12 août 1941, peut-être jusqu’en mai 1942 ; mais après, rien, jusqu’à l’apparition en octobre d’un nouvel attaché18.
21Dans le corps des agents consulaires, les répercussions des événements de Syrie sont plus évidentes ; car, d’une part, ils ne sont pas de la « carrière » et sont donc peu soumis au sentiment du service de la « maison » indépendamment des changements politiques ; et, d’autre part, ils sont intimement liés à la colonie française, dont nous connaissons l’évolution favorable à la France libre.
22Avant mai 1941, les agents consulaires de France dans les divers Etats de la République étaient neutres ou même bienveillants, s’excusant auprès de la France libre de ne pouvoir se prononcer plus ouvertement en sa faveur. Un seul, Fruchier, à Guadalajara, manifestait une hostilité violente à la France libre, mais semblait voir son influence sur la colonie locale décroître rapidement19.
23Après les événements de Syrie, l’on assiste à une défection massive de ces agents consulaires. Ils accompagnent leur lettre de démission au ministre « des considérations les plus sévères sur la politique française » : ce sont, dans l’ordre de démission, Manuel Reynaud à Mazatlan, Lartigue à Orizaba, Nopper à Santa Rosalia et Béraud à Hermosillo ; il faudrait y ajouter Léautaud à Durango, dont la démission est plus tardive20.
24Le ministre écrit le 30 juin qu’il n’est « pas en mesure de les remplacer, car dans les villes de province plus encore qu’à México les colonies françaises sont maintenant presque entièrement acquises au mouvement gaulliste ». C’est donc par son point le plus sensible que la légation de France franchit la deuxième étape de sa désagrégation, après celle initiée par Signoret et Soustelle et en quelque sorte conclue par Bodard. Il faut bien reconnaître, enfin, que la démission d’un agent consulaire n’entrave en rien sa carrière qui est ailleurs, dans les activités locales.
25Nous ne saurions clore ce bref aperçu de la légation de France et de son évolution pendant l’année 1941 sans évoquer les circonstances qui conduisent Gilbert Arvengas à « mettre son poste à la disposition du gouvernement » de Vichy, à se mettre à l’écart des Affaires extérieures de l’amiral Darlan (sans pour autant démissionner).
26Au lendemain de l’autorisation donnée aux avions allemands d’atterrir au Levant, le ministre écrit à Vichy que son « œuvre » s’en trouve « réduite à néant »21. Six jours plus tard, le 22 mai, il fait part à Vichy de sa « conviction que le Mexique suivra les Etats-Unis en cas de rupture de ce pays avec la France », rupture que « les derniers événements font redouter »22. Avant même la signature des Protocoles de Paris, avant la guerre fratricide de Syrie, outre son amertume personnelle, le ministre voit s’éloigner de la légation qu’il dirige et la colonie française et le gouvernement mexicain. Après la guerre opposant les armées vichystes du général Dentz au Forces françaises libres et aux Britanniques en Syrie, le ministre écrit que « les Français qui ne sont pas gaullistes, paraissent être appelés presque inévitablement à le devenir »23 ; si les Etats-Unis reconnaissaient un gouvernement gaulliste, « le Mexique procéderait lui-même peu après à cette reconnaissance »24 ; enfin, « ceux-là même, qui parmi nos compatriotes condamnent l’agression britannique contre la Syrie, en rejettent sur le gouvernement français la responsabilité initiale. Ils estiment — et j’ai quelque peine à réfuter cette opinion — que les clauses de l’armistice n’autorisaient pas les Allemands à survoler la Syrie »...
27Arvengas se voit ainsi placé devant l’alternative suivante : ou bien il se contredit pour rester solidaire de son gouvernement, ou bien il se désolidarise de ce dernier.
28Le ministre, après avoir constaté l’embarras de sa situation, se justifie :
« J’avais, quant à moi, cru pouvoir, il y a quelques mois, en vue de détourner nos compatriotes de la dissidence, donner des assurances touchant les limites de la collaboration, assurances qui, je dois l’avouer, m’embarrassent maintenant »25.
29Il choisit une voie moyenne et se borne « à suivre une politique de routine et de tradition diplomatique »26 ; il essaie de protéger une majorité de ses compatriotes d’éventuelles sanctions prises par Vichy tout en rédigeant des rapports « objectifs » quant à la situation mexicaine (J. Soustelle est toutefois déchu de la nationalité française à la mi-juin). Il demande aussi le 7 août au département Amérique du ministère de revoir la décision de rupture avec le journal français du Mexique, seul journal de langue française au Mexique — vainement. Lorsqu’il reçoit un télégramme du ministère des Affaires étrangères signé Darlan le mettant en demeure de « saisir la première occasion pour prendre contact avec » les ministres d’Allemagne et d’Italie27, après deux semaines de réflexion, il répond le 27 septembre 1941 par un télégramme très circonstancié : ce serait une erreur très préjudiciable à sa fonction au Mexique et à l’image du gouvernement français. Gilbert Arvengas ne semble pas avoir reçu de réponse précise à son argumentation masquant le refus d’obtempérer. Nommé par le ministre des Affaires étrangères d’alors, Flandin, il avait défini avec lui sa ligne de conduite, sa liberté d’action : il devait juger par lui-même l’utilité de contacts avec les légations d’Allemagne et d’Italie ; s’étant aperçu du danger inhérent à cette démarche, il oppose à l’ordre de Darlan les consignes de son prédécesseur Flandin... et une annotation manuscrite sur le télégramme parvenu à Vichy indique que l’amiral Darlan a lui-même pris connaissance de la réponse de Gilbert Arvengas, qu’il « comprend sa position », et qu’il n’y a donc « aucune suite à donner à ce télégramme »28. Dans une lettre à Bressy, Arvengas explique que cet ordre de Laval est le premier des facteurs l’ayant poussé à quitter la légation29. Serment de fidélité au chef de l’Etat aux « fonctionnaires de tous ordres, ainsi qu’au personnel de direction des services publics concédés » [134, p. 409] ; Gilbert Arvengas refuse, comme le deuxième secrétaire Lionel Vasse, de s’y soumettre et préfère demander la « mise à disposition du gouvernement » de son poste30 : accepter de prêter serment l’obligerait à accepter des ordres du type de celui qu’il vient de refuser. Giocanti et Clauzel prêtent serment. Le 3 novembre ordre est donné à Arvengas de confier la légation à Clauzel dès que possible. « Je me suis borné, écrit-il au capitaine de Boissieu qui le pressait plus tard de s’inscrire au ffl, à me faire placer à la disposition, afin de me désolidariser d’une politique que mon expérience en Allemagne ne me permettait pas d’approuver. Je ne compte pas prendre une position plus marquée, tant qu’il n’y aura, du côté de Vichy, de fait nouveau. Et j’incline à penser que Vichy n’ira pas plus avant, peut-être au contraire... »
30Mais le ministre, sait d’une part qu’en Allemagne la Wilhelmstrasse est sans nul doute prévenue de sa réserve totale à l’égard de son ministre von Collenberg ; et que d’autre part son frère est prisonnier en Allemagne (Vichy exerce un net chantage au rapatriement) : Arvengas sait donc ce qu’une attitude explicitement hostile à Vichy ou à l’Allemagne nazie surtout pourrait avoir comme fâcheuses conséquences : dans une réponse à la demande d’adhésion à la France libre présentée par de Boissieu, Gilbert Arvengas ne dissimule pas ces faits qui renforcent, selon lui, une position proprement politique31. Mis « à la disposition », comme Lionel Vasse, il démissionne en octobre 1942 après de longues hésitations32 et fait le 6 février 1943 une offre de service à la France du général de Gaulle, acceptée dès le 22 février33.
31Après l’ère de la dissimulation d’Albert Bodard, l’ère de la conciliation illusoire s’achève avec le renoncement de Gilbert Arvengas fin décembre 1941. Commence avec son successeur une ère de durcissement, de strict alignement sur les positions de Vichy, d’isolement de la légation.
La presse mexicaine contre Vichy
32Parallèlement à cet ostracisme progressivement plus sévère de la colonie à l’égard de la légation et du gouvernement de Vichy, la presse mexicaine durcit sensiblement son attitude vis-à-vis du gouvernement de Vichy.
33S’il est vrai qu’on ne trouve dans la presse mexicaine ou dans la correspondance diplomatique aucune trace d’une campagne dirigée contre le ravitaillement de la France — et peu de traces d’une hostilité explicite au gouvernement de Vichy avant mai 1941 —, les événements de Syrie précipitent une évolution en cours. Jusque-là, les principales manifestations d’hostilité de la presse à l’égard de Vichy étaient circonscrites au problème des réfugiés espagnols. Il y allait de l’honneur du gouvernement mexicain engagé par Cárdenas aux côtés des réfugiés républicains. Si le Nacional, organe officieux du gouvernement, publie le 1er avril des informations relativement optimistes sur les réfugiés espagnols, la presse mexicaine se divise néanmoins au sujet de Vichy :
la presse « conservatrice » ou modérée (Universal, Orbe, Excelsior...) envisage le gouvernement du maréchal Pétain et de l’amiral Darlan comme un gouvernement en pratique prisonnier de celui du Reich vainqueur. La situation des réfugiés espagnols en France en est l’une des meilleures illustrations : Manuel Albar, dans « Orbe », y voit ainsi le cas sans précédent d’un gouvernement dictant à un autre sa propre politique intérieure à l’égard de citoyens — réfugiés politiques de surcroît — d’un pays tiers ; à son avis, la « Gestapo » impose ses décisions au gouvernement de Vichy. France prisonnière, tel est aussi l’avis d’un correspondant de l’Excelsior à Marseille, le docteur Lara Pardo (17 avril)... Prisonnière de facto.
La presse « radicale », emmenée par le Popular, condamne explicitement « la bourgeoisie française » coupable de haine envers les républicains espagnols qui pourtant « défendirent leur patrie contre l’invasion fasciste ». Certaines revues parlent de « barbarie fasciste », sans qu’apparemment la personne du maréchal Pétain y soit jamais associée.
34Le ministre français, lucide, fait observer à ses supérieurs de Vichy le 9 avril 1941 qu’au « cas où le cours des événements amènerait ceux qui sont encore nos amis sur ce continent à nous considérer comme dans le camps adverse, la question des réfugiés espagnols pourrait alors servir de prétexte à une campagne susceptible de troubler nos relations avec le Mexique »34. Les événements de Syrie, tels qu’ils sont perçus à México, et le déclenchement de l’opération Barbarossa par Hitler contre l’URSS le 22 juin 1941 donnent toute sa valeur de prédiction au constat du ministre.
35Excelsior publie le 21 mai un article violent de la France libre, « Le stratagème hitlérien de Vichy ». Le ton est donné contrastant vigoureusement avec celui, impartial, utilisé dans la description des événements quelques jours auparavant. Le 18 juin apparaissent sur la même page des nouvelles du conflit en Syrie et d’alarmistes informations : un citoyen mexicain, résidant en Zone libre, aurait été interné dans le camp de réfugiés espagnols du Vernet, dans les Pyrénées orientales ; l’article précise qu’on est sans nouvelles de lui depuis son arrestation. Simple concours de circonstances, peut-être ; mais qui justifie étonnamment les propos de Gilbert Arvengas du mois précédent : il prévenait son gouvernement de l’utilisation possible au Mexique de l’argument « réfugiés espagnols » pour provoquer une dégradation rapide des relations entre les deux pays... Si tel est le désir du gouvernement mexicain.
36La discussion sur « la fausse neutralité du gouvernement de Pétain » [E, 21-05-1941] est portée en place publique sous forme d’affirmation on ne peut plus explicite. Conformément aux instructions de Soustelle, on écrit dans l’Excelsior du 21 mai 1941, sous la signature de Pedro Gringoire :
« Il est certain que la soumission de Vichy aux ordres de Berlin ne paraît pas avoir été obtenue sans de nombreux froissements internes. Le silence du vieux Pétain dans ces moments décisifs est digne d’être noté. Darlan est celui qui parle, qui va et qui vient, qui distribue ses portraits « made in Germany », à un peuple qui a besoin de pain et non d’images présomptueuses d’un futurisme servile. L’expulsion de Laval, laquais de Hitler, du cabinet de Vichy, a fait espérer à beaucoup, contre toute espérance, un geste digne, bien qu’il fût posthume, du gouvernement de Pétain. Mais il apparaît maintenant qu’il s’agissait uniquement de querelles personnelles... »
37Cet éditorial avec la place de choix qui lui est réservée, marque à coup sûr une étape décisive dans l’attitude de la presse mexicaine à l’égard de Vichy. D’autant plus que, jusqu’à ce 21 mai, l’auteur et le journal avaient fait preuve d’une modération certaine dans leurs appréciations de la politique française. Pour l’Excelsior désormais, la souveraineté française a été, sans aucun doute possible, volontairement aliénée à l’Allemagne : « la France a perdu le droit d’accuser l’Italie de l’avoir attaquée dans le dos ». [E., 21-05-1941]
38Le 16 juin, le même quotidien publie un article « extrêmement sévère pour le gouvernement de Vichy », selon les propres termes du responsable de la légation vichyste. L’article réclame la reconnaissance rapide de la France libre. Le 18 juin donnant lieu à des manifestations pour l’anniversaire de l’appel du général de Gaulle, la presse rend compte des événements et des cérémonies : telles cette « garde d’honneur » « en hommage à la démocratie mexicaine » à la colonne de l’Indépendance sur le Paseo de la Reforma [E., 18-06-1941]. Le 14 juillet est, pour l’ensemble de la presse mexicaine, l’occasion d’une vigoureuse critique de la révolution nationale « en réaction contre l’idéologie de 1789 », critique du reniement par la France de Vichy de sa tradition libérale.
39Le mois d’août est marqué par une nouvelle progression de l’hostilité de la presse mexicaine à la politique française : le maréchal Pétain n’est plus ménagé. Au moment où en France la Révolution nationale marque le pas, le discours du 12 août 1941 du maréchal Pétain à Saint-Etienne provoque dès le 13 une recrudescence des attaques de la presse de México. Il faut cependant constater que le début de l’été 1941 marque dans l’histoire du rapport de l’opinion mexicaine à Vichy un tournant décisif. Tandis qu’au Mexique les sympathisants de la IIIe Internationale, dont l’essentiel des responsables de la ctm, abandonnent le concept importé de guerre entre impérialistes, en France, le parti communiste passe à la résistance active après l’entrée des nazis en urss le 21 juin 1941 ; les actions terroristes contre l’occupant se multiplient. Le gouvernement de Darlan répond à cette poussée de la Résistance par une avalanche de textes réglementaires qui donnent la priorité à l’ordre public aux dépens de la Révolution nationale. L’allocution radiodiffusée du maréchal Pétain, le 12 août, indique la signification de toutes ces mesures « dictatoriales », non sans avoir rendu un hommage explicite au fascisme [134, p. 408]. « La crise d’août 1941 montre aussi comment Vichy, pris au piège de l’armistice, en vient à se faire de plus en plus complice de la répression ennemie » [148, p. 218], ce qui ne suscite aucune sympathie de la presse mexicaine. Surtout, l’éloge de l’Espagne franquiste par le gouvernement de Vichy ne peut qu’être immédiatement rejeté par une presse mexicaine dans l’ensemble fidèle — dans son discours — à la tradition nationaliste cardeniste. Le maréchal commence son allocution :
« Français,
J’ai des choses graves à vous dire. De plusieurs régions de France, je sens se lever depuis quelques semaines un vent mauvais. L’inquiétude gagne les esprits, le doute s’empare des âmes. L’autorité de mon gouvernement est discutée. Les ordres sont souvent mal exécutés.
...Un long délai sera nécessaire pour vaincre la résistance de tous ces adversaires de l’Ordre Nouveau, mais il nous faut dès à présent briser leurs entreprises en décimant les chefs. Si la France ne comprenait pas qu’elle est condamnée par la force des choses à changer de régime, elle verrait s’ouvrir devant elle l’abîme où l’Espagne de 1936 a failli disparaître et dont elle ne s’est sauvée que par la foi, la jeunesse et le sacrifice... »
40En conséquence, le 13 août 1941, le Nacional, avec toute son importance de porte-parole officieux du gouvernement mexicain, titre :
« Le maréchal Pétain adopte une attitude totalitaire » ;
41l’Universal, au public plus populaire,
« L’unique espérance de la France, c’est M. Hitler, ainsi que l’affirme le maréchal Pétain » ;
42l'Excelsior,
« Le maréchal Pétain décide de s’aligner sur M. Hitler » ;
43le Popular, en des termes logiquement plus vifs encore, puisqu’organe de la centrale syndicale ctm à la fois très liée au gouvernement et familière de la IIIe Internationale :
« La France a cessé d’exister comme pays libre et s’est convertie en une colonie soumise aux nazis ».
44Le 13, la presse publie sous ces titres le discours, sans généralement le commenter. Le 14, ces journaux expriment, comme le fait remarquer le ministre de Vichy Gilbert Arvengas, « dans les termes les plus violents leur réprobation de la politique française », « réprobation violente et quasi-unanime »35. Puis, durant tout le mois d’août, la presse mexicaine maintient son ton hostile et méprisant ; le Popular mène l’offensive en publiant des articles très violents, où le mot « trahison » revient fréquemment ; ces articles comparent le gouvernement trançais au gouvernement germanophile de Vidkun Quisling en Norvège, gouvernement entièrement dévoué à la cause nationale-socialiste. Plusieurs de ces articles sont accompagnés de caricatures fort sévères en ce qui concerne le chef de l’Etat français lui-même. Parallèlement, la presse fait une très large place aux informations, souvent fournies par le bureau de la France libre, relatives à la résistance croissante du « peuple français », en territoire métropolitain ou ailleurs (notamment depuis l’assassinat de l’aspirant Moser à Paris le 22 août).
45La presse mexicaine, selon le ministre français, « voit dans cette résistance et les manifestations dont elle s’accompagne la réponse du peuple français au discours du maréchal Pétain » ; de ce fait, « elle y applaudit en déclarant que le peuple français reste fidèle à ses courageuses traditions de lutte contre la tyrannie » (25 août).
46En réponse à une observation de Gilbert Arvengas qui faisait remarquer le caractère « injurieux » de certains articles et de caricatures, le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères mexicain J. Torres-Bodet se borne à indiquer « qu’il n’y a rien à entreprendre, dans l’état actuel de la législation, pour empêcher ces abus de la presse et que toute tentative risquerait de se retourner contre le but à atteindre »36 : un pays qui se veut démocratique ne peut répondre autrement. Avertissement parfaitement courtois : la législation sur la presse ne sera pas contournée et il serait illusoire d’espérer que le Secrétariat des Relations extérieures puisse exercer une quelconque pression (dont il a les moyens) sur la presse — en faveur de Vichy, s’entend.
47Cette distance marquée vis-à-vis de la légation de France, tout comme la prise de position du Nacional, sont confirmées début septembre. Une exposition d’art français est organisée par la délégation à México ; lors de l’inauguration le 12 septembre, le gouvernement mexicain ne délègue aucune personnalité de premier plan... « Il s’était mis plus en frais lors de l’inauguration récente d’une médiocre exposition de peinture des Etats-Unis », constate le ministre de France ; il ajoute qu’ayant « invité à la légation un grand nombre de personnes en particulier d’artistes et de critiques d’art », « beaucoup ne sont pas venus ». Le ministre écrit encore qu’il a su « que leur abstention avait pour cause leur détermination de n’avoir pas de relations avec la représentation de Vichy »37.
48Fin 1941, se dessine ainsi au Mexique le bilan suivant vis-à-vis de Vichy : presse réservée voire hostile ; gouvernement réservé ; opinion des élites intellectuelle, artistique et politique très réservée si ce n’est hostile (V. Lombardo Toledano lance de violentes diatribes contre Vichy, « instrument de la tyrannie fasciste », et contre sa représentation au Mexique, « au service de l’ignorance et de la barbarie ») ; opinion des Français de la colonie enfin, très dégradée : en témoigne le fait qu’un « certain nombre d’invités français qui venaient jusqu’ici à la légation (pour la fête nationale), se sont excusés ».
49Ce bilan des relations entre la France de Vichy et le Mexique est donc très négatif pour cette année 1941, avant que Pearl Harbor et les agences de presse nord-américaines n’accentuent le manichéisme de la perception mexicaine et n’entérinent la dégradation des relations entre le groupe des pays liés à l’Axe et le Mexique. Lucide, mais non sans préjugés, le représentant de Vichy écrit :
« Quand la France était dans cette guerre le champion de la cause démocratique, le peuple mexicain était de tout cœur avec elle. Maintenant que la France a cessé de défendre cette cause, on se détourne d’elle... et malgré le peu de sympathie que l’on nourrit ici à l’égard de l’Angleterre orgueilleuse et avide, on applaudit chaleureusement à sa résistance et à sa fidélité à l’idéal démocratique »38.
L’insertion du Mexique dans le champ diplomatique allié
Mexique/Allemagne
« Ce n’est pas à dire que l’Allemagne ne compte pas ici sinon des amis du moins des admirateurs. L’aristocratie et la haute bourgeoisie d’origine espagnole, ultra réactionnaires et cléricales, sont dans l’ensemble très germanophiles par haine des partis de gauche qui les ont dépouillées de leurs terres. Elles se laissent égarer par une propagande qui leur représente l’Allemagne hitlérienne comme protégeant le capitalisme et la religion. Mais cette classe est ici dépourvue d’influence.
D’autre part beaucoup d’indiens sont émerveillés des conquêtes de Hitler. Celui-ci est l’homme fort aux exploits duquel les peuples primitifs applaudissent volontiers, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’ils souhaitent sa victoire définitive...
Les révélations faites ces derniers temps au sujet des menées allemandes en Amérique latine ont ouvert les yeux de ceux qui refusaient de croire à l’existence d’une menace allemande...39. »
50Mais les éléments germanophiles au Mexique, affirme le ministre français, sont en septembre 1941 désormais « dépourvus d’influence » dans l’Etat. Le déclenchement du conflit germano-russe le 22 juin ne modifie pas fondamentalement la position mexicaine ; le secrétaire d’Etat E. Padilla précise simplement que « le cas de l’URSS doit servir d’exemple de ce qui attend ceux qui croient que l’abstention et même l’aide aux puissance nazi-fascistes sera appréciée par les totalitaires dans le développement d’une politique qui ne connaît d’autre frein que celui de la force40 ».
51L’établissement des « listes noires » (aucune entreprise « française » n’est concernée) par le gouvernement des Etats-Unis, quinze jours après la mise en vigueur de l’important accord économique mexicano-américain, provoque le plus vif incident diplomatique entre le Mexique et l’Allemagne depuis la Révolution41 [129-130-116]. Ces listes mentionnent près de 1 800 noms de personnes ou de sociétés entretenant des liens avec l’Allemagne ou l’Italie ; parmi les personnes citées, des citoyens allemands résidant au Mexique ; parmi les sociétés, des sociétés mexicaines à capitaux allemands. Malgré « la présence de nombreux agents au Mexique », et une phobie continentale de la 5e colonne42, aucun incident grave ne s’est jusqu’alors produit. Le 1er août 1941 la presse mexicaine, informée par le gouvernement, révèle que le gouvernement allemand, par la voix de son ministre à México, von Collemberg, vient — vainement — d’exercer sur le gouvernement mexicain une pression accompagnée de menaces : le but étant d’amener ce dernier à protester auprès du gouvernement des Etats-Unis contre les listes noires frappant des maisons allemandes du Mexique. La lettre, en date du 28 juillet, faisait, non sans raison, remarquer au secrétaire d’Etat que l’initiative des Etats-Unis « portait atteinte » à la liberté du commerce et à la souveraineté du Mexique ; surtout, von Collemberg concluait, sur ordre de son gouvernement :
« Un acquiescement passif de la mesure en question de la part du gouvernement du Mexique ne pourrait être sans influence sur les décisions du gouvernement allemand lorsqu’il reprendra les relations commerciales avec le Mexique, après la guerre43. »
52Trois jours après la remise de la note allemande, le secrétaire d’Etat Ezequiel Padilla répond. Trois jours pendant lesquels le secret a été gardé... le temps d’une consultation nationale et internationale plus que vraisemblable. Le Mexique rejette donc « vivement » la « prétention du Reich de s’ériger en juge » des atteintes portées à la souveraineté du Mexique. Il appartient au Mexique seul de « choisir l’attitude à adopter, sans qu’aucun représentant de puissance étrangère ait à la lui suggérer » ; México s’élève contre la menace « inacceptable » formulée dans la note allemande. L’incident « provoque un sursaut d’orgueil national »44 E. Padilla reçoit un grand nombre de messages d’associations mexicaines le félicitant de sa réponse. La presse adopte dès la publication des documents la même attitude, soulignant d’autre part avec satisfaction les déclarations habilement opportunes de Sumner Welles (1er août) :
« Il n’y a pas au monde de pays aussi jaloux que le Mexique de la défense de sa propre souveraineté et de ses droits légitimes. »
53« La presse enregistre également avec satisfaction les commentaires chaleureux en provenance des pays de l’Amérique latine et de Londres. Les milieux parlementaires, enfin, manifestent leur émotion : le sénateur Alfonso Flores demande ainsi au président que le ministre allemand soit déclaré « persona non grata » ; un député, Trueba Urbina, se déclare partisan de la rupture des relations diplomatique avec l’Allemagne et, comme une partie de la presse, favorable à des mesures rigoureuses contre les agents allemands45. Neuf mois plus tard, le président Manuel Avila Camacho déclare à la nation [presse du 29-05-1942] :
« ...L’Allemagne avait voulu blesser en plusieurs circonstances le sentiment de notre souveraineté, en exigeant l’adoption de certains systèmes qui n’étaient pas conformes à notre volonté politique nationale, comme en ordonnant de la façon la plus discourtoise la fermeture de nos consulats dans la zone occupée de France. »
54En effet, conséquence de la fin de non-recevoir du gouvernement mexicain aux remarques allemandes, le gouvernement de Berlin demande la fermeture de tous les consulats mexicains en zone occupée : soit le retrait de l’unique fonctionnaire mexicain, faisant fonction d’archiviste, demeuré au consulat parisien (dès juillet 1940, le consulat s’est déplacé de Paris à Marseille) ; et la fermeture de quelques consulats honoraires dans les régions occupées par l’Allemagne. Les mesures de réciprocité ne se font pas attendre : le 23 août, le gouvernement mexicain décide de fermer tous ses consulats en territoire allemand (Saint-Nazaire, Bayonne, Bruxelles, Liège, La Haye et Christiansund) ; à partir du 1er septembre, il retire l'exequatur aux consuls allemands établis au Mexique [129, p. 111].
55Le communiqué publié à ce sujet par le secrétariat d’Etat aux Relations extérieures et la déclaration présidentielle devant le Parlement mexicain du 1er septembre spécifient que « le Mexique ne peut en aucune manière reconnaître l’état de choses créé en Europe par la violence » et rappellent que le gouvernement mexicain a encore énergiquement condamné ces derniers mois « l’injuste invasion subie par la Yougoslavie et par la Grèce ». « D’une manière générale, écrit le ministre français, l’opinion du Mexique (du moins celle qui compte, parce qu’elle est susceptible de peser sur la politique du gouvernement) est favorable à la cause de la démocratie. L’Allemagne représente nettement (désormais) la tyrannie, résolue à fouler aux pieds toutes les libertés »46.
56Avant la rupture de décembre entre les deux pays, les relations diplomatiques entre le Mexique et l’Allemagne connaissent une relative accalmie. A l’occasion des fêtes de l’Indépendance mexicaine de la mi-septembre, un message personnel de Hitler au président mexicain Manuel Avila Camacho célèbre les vertus de la nation mexicaine et flatte le nationalisme mexicain ; puis, on annonce la nouvelle du retour à son poste berlinois du ministre mexicain le général Azcarate, alors même que l’on pensait à México que la légation mexicaine en Allemagne resterait — comme celle de Rome — dirigée par un chargé d’affaires47. Ce répit dans la dégradation des relations germano-mexicaines est toutefois de courte durée : à la suite d’une protestation mexicano-chilienne contre l’exécution par l’Allemagne d’otages en territoire occupé, une note est remise par la légation allemande au gouvernement mexicain ; ce dernier la juge « blessante » : le gouvernement allemand, invitant le gouvernement mexicain à retirer sa note, aurait ajouté qu’il n’était pas disposé à recevoir des déclarations verbales ou écrites d’Etats tiers au sujet des représailles pour l’assassinat de membres de l’armée allemande48.
57Aucun autre incident entre le Mexique et l’Allemagne ne sera à noter avant la rupture entre les deux pays le 11 décembre, quatre jours après Pearl Harbor, fait évidemment extérieur aux relations strictement germano-mexicaines.
Mexique/Italie
58Depuis la saisie des navires italiens mouillant dans les eaux mexicaines, aucun événement notable n’intervient dans les relations entre les deux pays. La légation mexicaine à Rome demeure dirigée par un chargé d’affaires en l’absence, devenue définitive depuis son rappel, du ministre mexicain49. [98, p. 112-114 ; 99, p. 32 ; 303, p. 99].
Mexique/Japon
59Depuis la fin de septembre 1940, on compte au Tonkin environ 25 000 soldats japonais. En mai 1941, le Japon intervient comme médiateur entre la France et la Thaïlande. Suite à un ultimatum japonais, l’amiral Darlan et l’ambassadeur japonais Kato signent à Vichy le 29 juillet un protocole : la colonie française du Tonkin passe pratiquement dans son ensemble sous le contrôle des Japonais.
60Au Mexique, la conclusion de ces accords est interprétée dans les milieux mexicains et français « soit comme une démonstration de la docilité du gouvernement français à l’égard des puissances de l’Axe, soit comme la confirmation de sa politique essentiellement anti-britannique ». On reproche en particulier à la France de Vichy d’essayer de justifier sa politique à l’aide d’accusations contre l’Angleterre, de feindre d’être satisfaite par l’accord avec le Japon comme s’il avait été librement conclu ; enfin de présenter cet accord comme un succès parce qu’il assurerait la protection de l’Indochine par le Japon contre la menace des anciens alliés de la France. On compare l’affaire de l’Indochine à celle de Syrie : « Dans les deux cas, dit-on à México, la France a permis aux puissances de l’Axe d’utiliser son territoire colonial pour que celles-ci puissent atteindre plus aisément l’Angleterre50 ».
61La propagande allemande répandue au Mexique confirme d’ailleurs ces interprétations « si fâcheuses » données par l’opinion mexicaine à l’accord franco-japonais. En effet, les bulletins de propagande allemande du Mexique commentent sur un ton triomphal, sans souffler mot de la France, « le succès obtenu par le Japon ». L’attitude du Japon n’est donc que rarement blâmée par l’opinion et la presse mexicaine, tandis que les critiques contre le gouvernement de Vichy, visiblement atténuées depuis la fin de l’affaire de Syrie, se font de nouveau entendre. Dans un article intitulé « La presse dans la porcherie », l’Universal du 29 juillet dénonce l’attitude des journalistes français de Paris qui se complairaient dans les reniements et la servilité à l’égard du vainqueur. L’article cite des textes de Marcel Déat, de Georges Suárez, et de Paris-Soir ; « nous ne nous souvenons pas, ajoute l’auteur, que l’Allemagne défaite de 1918 ait donné de tels exemples de bassesse ».
62Bien que les relations entre le Mexique et les Etats-Unis s’améliorent rapidement et qu’un traité de commerce entre les deux pays entre en vigueur le 15 juillet 1941, les relations entre le Mexique et le Japon conservent une bonne apparence. La diplomatie mexicaine joue de sa position de glacis et de l’antagonisme croissant dans l’océan Pacifique entre les Etats-Unis et le Japon. A la suite de l’embargo anglo-saxon sur les pétroles, le Japon s’était révélé être l’un des marchés de substitution : pétrole contre « frijoles » (haricots) et rayonne. Dès la fin 1940, les offres commerciales japonaises étaient judicieusement signalées aux Nord-Américains dans le but d’accélérer la procédure de règlement du contentieux commercial entre les deux pays — avec un succès incontestable.
63Une mission officielle japonaise de quatre diplomates arrive dans le courant de juin 1941 au Mexique où vivent 4 500 Japonais. Reçue significativement par le président, par le secrétaire d’Etat aux Relations extérieures et par le ministre de la Défense nationale, cette mission a pour but avoué « de faire connaître à l’Amérique latine que la politique extérieure du Japon tend à obtenir dans le monde entier une paix basée sur la justice, par laquelle les aspirations de chaque pays pourront être satisfaites ». Dans un pays où le « gringo » n’est pas aimé, la présentation du Japon comme garant des libertés et des aspirations nationales, face aux Anglo-Saxons, ne déplaît pas nécessairement... Ainsi, cette mission japonaise peut se comprendre comme un test du degré de solidarité réelle entre les Etats de l’Amérique latine et la politique de Washington51.
64Contrairement à l’Allemagne qui ne cherche pas spécialement à ménager le Mexique, le Japon use du maximum de finesse politique, ce qui lui vaut une image de marque plutôt positive dans l’opinion publique mexicaine. Au début de mois de septembre 1941, le ministre japonais au Mexique, Yoshiaki Miura donne une conférence de presse que rapporte le journaliste Alfonso Taracena [98, p. 113]... Le « télégramme Zimmermann » et ses conséquences du printemps 1917 n’ont pas obscurci les relations mexicano-japonaises : « l’Empire du soleil levant et le Mexique n’ont connu en plus de trois siècles d’histoire aucune ombre dans leurs relations », déclare le ministre japonais ; il ajoute, chiffres en main, que la collaboration économique entre les deux pays va croissant, que ce fut le ministre japonais qui donna asile à la famille du président Madero, tandis que l’ambassadeur américain tirait les fils de sa destitution, et que la colonie japonaise proposa alors main-forte au président Madero.
65Le ministre Yoshiaki Miura affirme donc en septembre 1941 que son pays est prêt à acquérir les matières premières que le Mexique pourrait lui proposer et à céder au Mexique, en échange, les biens d’équipement et les produits manufacturés dont il a besoin. Il termine en flattant son pays hôte :
« Je me permets de réitérer maintenant, une fois de plus, que le Japon nourrit les sentiments les plus sincères d’amitié et de profond respect envers le Mexique, pays qui, depuis la Révolution a affirmé son prestige de grande nation qui marche à pas sûrs sur le chemin du progrès. »
66En conclusion, seules les rumeurs d’espionnage japonais, diffusées principalement par les agences américaines et reprises surtout par la presse à sensation,... affectent les relations mexicano-japonaises. Ces relations conservent donc une bonne façade que la politique de solidarité continentale prônée par le gouvernement de Manuel Avila Camacho peut toutefois briser d’un moment à l’autre : le Mexique ne peut échapper à sa position de glacis des Etats-Unis.
67L’attaque japonaise du 7 décembre ne surprendra donc personne par ses conséquences au Mexique.
Mexique/URSS
68« Ni guerre, ni paix, ni belligérant, ni neutre », cette appréciation de la situation mexicaine est valable depuis l’automne 1941 au moins pour le grand public, bien avant si l’on considère l’effective dépendance des relations mexicano-nord-américaines.
69L’agression allemande contre l’URSS le 22 juin détermine en outre une attitude publique plus nette du Mexique à l’égard du conflit mondial dans le sens d’un appui au camp anglo-soviétique ; cela, alors que les relations diplomatiques du Mexique avec l’URSS d’une part et l’Angleterre d’autre part son rompues depuis plusieurs années. A nouveau, l’attitude du Mexique à l’égard des grands événements internationaux semble principalement inspirée du souci de se conformer aux positions essentielles adoptées en matière de politique étrangère par le gouvernement de Washington. C’est ce que pense par exemple le ministre français52. Nous parlerions cependant plus volontiers d’axe vis-à-vis duquel aucune contradiction n’est envisageable et envisagée par le Mexique. Lorsqu’un événement, tel le conflit germano-russe, affecte plus ou moins directement une question aussi passionnément débattue que celle de l’évolution de la politique intérieure mexicaine, le gouvernement avila-camachiste, par une déclaration habilement balancée, s’efforce de ménager à la fois les tendances des milieux modérés sur lesquels il fonde son autorité et celles des milieux radicaux dont il redoute l’opposition53.
70C’est en ce sens que l’on peut interpréter la déclaration faite par le secrétaire d’Etat aux Relations extérieures au lendemain de l’ouverture des hostilités entre l’Allemagne et l’URSS. « L’agression des armées allemandes contre l’URSS, dit E. Padilla, ne doit pas nous faire tomber dans des conclusions de caractère idéologique. Notre pays a réitéré en de multiples occasions sa loyauté aux principes démocratiques qui constituent la cause de l’Amérique. D’autre part, cette agression est une des plus tragiques violations de l’éthique internationale qu’enregistre l’histoire. Le cas de l’URSS doit servir d’exemple de ce qui attend ceux qui croient que l’abstention et même l’aide aux puissances nazi-fascistes sera appréciée par les totalitaires dans le développement d’une politique qui ne connaît d’autre frein que celui de la force. »
71La première partie de cette déclaration est destinée à apaiser les inquiétudes de ceux qui redoutent le développement de l’influence communiste. La seconde, déjà citée, constitue une condamnation formelle de l’agression dont l’URSS a été l’objet et contre laquelle — cela a son importance — le président Roosevelt s’est déjà prononcé énergiquement ; surtout, elle permet au gouvernement Avila Camacho, dont l’américanophilie est contestée par certains responsables du prm et surtout de la ctm, de faire taire ces contestations, un temps au moins : les éléments proches de la IIIe Internationale peuvent désormais, sans contradiction majeure, rallier le gouvernement.
72Ce n’est donc pas un hasard si, faisant écho aux paroles du secrétaire d’Etat aux Relations extérieures, le charismatique leader ouvrier Vicente Lombardo Toledano, affirme le 23 juin 1941 dans un message adressé aux groupements ouvriers de l’Amérique latine que « la cause de l’URSS est aussi celle des démocraties. En conséquence, le Mexique doit, selon lui, se ranger sans hésitation dans le camp des nations qui luttent « contre le fascisme ». Critiqué par certains modérés pour son attitude assez flottante à l’égard du conflit mondial, l’ancien responsable de la Confédération des Travailleurs Mexicains balaie ainsi énergiquement ces suspicions ; il réclame en outre des mesures contre ses adversaires, accusés d’avoir des affinités avec les pays totalitaires.
73L’URSS passait pour l’alliée non-belligérante d’Hitler : la gauche mexicaine et en particulier les milieux liés au Parti communiste (pcm) faisaient preuve de peu d’engouement pour une participation plus intense du Mexique à la croisade continentale menée par les Américains du Nord. Après le 22 juin 1941, le pcm adhère sans réserve majeure à la politique du président Avila Camacho, l’URSS étant « le champion des démocraties ».
74Les événements d’Union soviétique facilitent donc la pratique d’une étroite collaboration México-Washington : ils rallient à la politique extérieure du président les éléments les plus à gauche de l’opinion qui combattaient récemment encore toute participation, même indirecte, à une guerre « impérialiste ». Ce phénomène est précisément l’inverse de celui observé en France à la même époque... Et la France libre apparaît, du Mexique, renforcée par ce revirement des partis communistes puisque le Parti communiste mexicain inscrit dans son programme officiel la reconnaissance par le Mexique de la France libre [67, p. 269].
75Les différents groupes de la gauche mexicaine convergent alors sur la nécessité de renouer rapidement des liens diplomatiques avec l’URSS, conclusion logique de ces événements ; pourtant, à l’automne de 1941 les démarches officielles ne progressent que lentement. Le soutien de Carrillo, président de la Chambre des députés, et de Narciso Bassols, ancien ministre à Paris, à l’Association des amis de l’URSS n’accélère pas sensiblement le processus54. Le gouvernement mexicain, modéré, ne souhaite pas donner trop vite satisfaction à l’URSS pour des raisons de politique extérieure comme, surtout, de politique intérieure : par un rétablissement sans empressement des relations soviéto-mexicaines, Avila Camacho et son environnement politique immédiat affirment notamment leur différence vis-à-vis du précédent président, Cárdenas, encore très influent. Au total, l’impact du conflit germano-russe au Mexique est considérable, mais essentiellement dans le domaine de la politique intérieure, puisqu’il permet au gouvernement Avila Camacho de réaliser à peu de frais « l’Union sacrée » jusque-là difficile.
Mexique/Grande-Bretagne
76Le souci du gouvernement mexicain de renouer rapidement des relations est plus manifeste en ce qui concerne la Grande-Bretagne. Les événements que nous venons d’évoquer contribuent à cette évolution : la Grande-Bretagne, qui personnifiait jusqu’à présent pour les ouvriers syndicalisés mexicains le type de la nation capitaliste, n’est plus du tout perçue ainsi dès lors que Churchill accepte de collaborer avec l’URSS : cette thèse est reproduite et développée dans le journal syndical le Popular immédiatement après l’invasion de l’URSS par les armées allemandes.
77Le discours devant le Congrès du président mexicain, le 1er septembre 1941, passe sous silence dans sa partie « politique étrangère » trois nations européennes, vers lesquelles se porte pourtant l’attention du public mexicain : l’Espagne, la Grande-Bretagne et l’URSS, pays avec lesquels le Mexique n’entretient pas de relations diplomatiques. En ce qui concerne l’Espagne, nommer un ambassadeur équivaudrait à reconnaître le gouvernement du général Franco : aucun indice ne permet de considérer en septembre 1941 cette décision comme prochaine ! Pour l’Angleterre, il en est autrement. A la fin de l’été, une véritable campagne se développe dans le pays en vue de renouer les relations avec Londres. L’opinion mexicaine, nous l’avons vu, évolue depuis plus d’un an dans le sens d’une faveur croissante pour la cause britannique ; l’absence de rapport diplomatique entre les deux pays apparaît comme une survivance regrettable du conflit pétrolier de 1938. Une campagne se développe à la fin de l’été dans la presse et auprès du gouvernement mexicain : elle vise à la reprise des relations sans subordonner celle-ci au règlement du litige pétrolier et en s’inspirant simplement de la situation d’allié virtuel dans laquelle se trouve le Mexique à l’égard de la Grande-Bretagne, qualifiée, elle aussi, mais pas par les mêmes personnes, de « championne des démocraties ». « Un peuple qui combat et qui souffre pour les libertés humaines avec autant d’héroïsme que le fait l’Angleterre est virtuellement en relations avec tous les peuples du monde déclare le secrétaire d’Etat aux Relations extérieures. Dans notre cas poursuit-il, la reprise de relations étant en suspens, l’expression de notre amitié souffre dans la forme, mais, en esprit, cette lacune est plus que comblée55. »
78Des nouvelles reproduites par la presse mexicaine et provenant du Canada ou de Londres laissent entendre que des négociations seraient déjà entamées début septembre en vue de la nomination simultanée de représentants diplomatiques à Londres et à México : toutes soulignent qu’en fait les rapports n’ont pas été à proprement parler rompus entre les deux capitales puisque les consuls respectifs sont restés à leur poste. Des rumeurs font même état du sous-secrétaire Beteta comme prochain ministre à Londres !... Ces rumeurs sont démenties par les faits ; les relations entre les deux pays renouées le 22 octobre 194156, Rosenzweig-Diaz est nommé en poste à Londres, tandis que Charles Bateman l’est à México. La Charte de l’Atlantique signée par Churchill et Roosevelt le 14 août 1941, l’élaboration en cours des « Convenios Generales » entre les Etats-Unis et le Mexique (ratifiés le 19 novembre)..., tous ces éléments d’une part jouèrent en faveur de la reprise des relations diplomatiques anglo-mexicaines et, d’autre part, manifestent le caractère fondamental du relai nord-américain, cette pierre d’angle également inévitable entre France libre et Mexique.
Mexique/Etats-Unis [99]
79« J’ai la conviction, écrivait le ministre français au lendemain des événements de Syrie, que le Mexique suivrait les Etats-Unis en cas de rupture diplomatique de ce pays avec la France57 ».
80Maximino Avila Camacho, le frère du président, qui ne cache ni ses ambitions politiques, ni sa francophilie, effectue en mai 1941 un voyage semi-officiel aux Etats-Unis : il y est comblé d’attentions [72, p. 15 ; 98, p. 69]58. Réciproquement, les « listes noires » sont acceptées au Mexique sans difficulté aucune59 et le ministre E. Padilla affirme la loyauté du Mexique à l’égard des « principes démocratiques qui constituent la cause de l’Amérique ».
81Au lendemain même du renversement des alliances soviétiques, cette sensible amélioration des relations satisfait, outre les modérés mexicains, le gouvernement de Washington60. Le 15 juillet, un accord entre les deux pays est mis en vigueur : il stipule que « le Mexique s’engage à réserver aux pays américains, c’est-à-dire principalement aux Etats-Unis, l’exportation de tous ceux de ses produits présentant une certaine valeur stratégique »61. Depuis septembre 1940, l’immigration des capitaux au Mexique s’était progressivement accélérée : les dispositions fiscales des Etats-Unis étaient pour beaucoup dans l’origine du phénomène ; mais la stabilité de ce courant d’investissement restait conditionnée par la signature d’un accord économique entre les Etats-Unis et le Mexique. C’est chose faite en juillet 1941. Dans le domaine purement politique, une surveillance est mise en place contre les éventuelles menées étrangères en territoire mexicain tandis que le mouvement sinarquiste, sorte de « fascisme mexicain » très particulier, ouvertement hostile aux Etats-Unis, est l’objet d’une nouvelle condamnation gouvernementale. Car « il semble bien (...) que les récentes manifestations de ce mouvement constituent une nouvelle preuve des efforts déployés par la propagande nazie, en vue de s’assurer, d’une part, en cas d’une victoire définitive en Europe, des bases d’opérations politico-militaires au Mexique, d’autre part, des cellules d’agitation anti-yankee destinées à troubler les relations de bon voisinage entre le Mexique et les Etats-Unis et de gêner éventuellement la coopération du Mexique au programme américain d’aide aux démocraties62 ».
82Cette sommaire liste d’éléments concordants, ces « bonnes dispositions manifestées par les deux gouvernements permettent d’annoncer, déclare le président mexicain le 1er septembre, la solution prochaine de ces problèmes qui, pendant de longues années, ont constitué de sérieux motifs de divergence entre les deux Républiques63 »... Et ce n’est pas le départ de l’ambassadeur Josephus Daniels (officiellement pour des motifs personnels) qui modifie sensiblement les échéances [2] : un accord de principe entre les deux pays (« Convenios generales ») est signé le 19 novembre.
83Cet accord regroupe en fait une convention des réclamations, un échange de notes établissant les bases sur lesquelles sera déterminée l’indemnisation pétrolière, une garantie d’achat par les Etats-Unis de l’argent mexicain et un prêt américain de quarante millions de $ pour stabiliser le pesos. La résolution des problèmes pendants entre les deux pays est sur le point d’aboutir lorsque la guerre, désormais inéluctable, se déclenche brutalement dans le Pacifique : ont été respectés les délais souhaités clairement par Washington pour la résolution du contentieux USA/Mexique. Les événements ne font qu’accélérer le processus. Le Mexique s’assure donc une place ferme, tant du point de vue intérieur que du point de vue international, dans le groupe des pays démocratiques : il s’assure, par là même, à l’intérieur de ce cercle une certaine autonomie de décision sur des points de politique extérieure d’importance mineure ou modérée, c’est-à-dire ne mettant pas en cause la stratégie globale des Etats-Unis. Enfin, l’URSS, désormais dans le bloc des démocraties, élargit par sa présence les possibilités d’action d’un « petit » pays allié en fournissant à son opinion une alternative politique.
84L’adhésion de moins en moins réservée du Mexique à la cause des démocraties anglo-saxonnes a, dans l’hémisphère américain, une incidence directe sur sa politique à l’égard de la France. Dès la fin mai 1941, la presse publie des articles d’inspiration nord-américaine préconisant une occupation préventive des possessions françaises d’Amérique afin d’éviter qu’elles ne servent de base aux entreprises de l’Axe. La Confederación General del Trabajo attire d’ailleurs à cette époque l’attention du secrétaire d’Etat aux Relations extérieures sur l’opportunité qu’il y aurait à saisir l’occasion pour réintégrer l’îlot de Clipperton dans la souveraineté mexicaine ; mais ce contentieux séculaire n’est nullement réactivé.
85L’insertion du Mexique dans le champ diplomatique allié est donc évidente dans le deuxième semestre de 1941. La situation internationale a en outre rendu possible la formation d’un relatif consensus de l’opinion mexicaine autour des positions d’un gouvernement pourtant contesté à sa formation et jusque là critiqué pour son américanophilie notoire. La mise sur pied d’une active propagande nord-américaine y a, sans nul doute, grandement contribué, comme le développement des autres propagandes démocratiques.
La propagande française libre et la formation du Comité national français
86Pour favorable qu’il soit, l’environnement politique de la France libre au Mexique n’est pas sans ombre : les regards portés par les pays américains sur les possessions françaises de la région ne laissent pas de préoccuper, par exemple, l’équipe de la rue Marsella ; l’unité de la France libre mexicaine n’est pas sans faille ; le recrutement de ses sympathies mexicaines n’a pas la diversité politique souhaitable...
87Cependant, le mouvement de désaffection qui affecte la représentation « du gouvernement paralytique de Vichy » à la fin du premier semestre 1941, provoque un mouvement inverse de ralliements à la France libre autour de son premier « martyr » local, Jacques Soustelle [E., 21-05-1941] ; car Vichy, nonobstant les objections renouvelées de Gilbert Arvengas, le déchoit par décret du 16 juin 1941 de sa nationalité64 : « la mesure qui a frappé M. Soustelle, écrit le ministre français le 30 juin, froissé de ne pas avoir été écouté, ne paraît avoir eu d’autre effet que de réchauffer le zèle de ses partisans et de lui en amener de nouveaux. Aux yeux de beaucoup de Mexicains et de Français, il fait désormais figure de martyr de la cause gaulliste et il reçoit de nombreuses lettres de sympathie ». « Ceux dont la foi gaulliste paraissait encore mal assurée semblent maintenant convaincus d’être les apôtres d’une cause juste ». Et, tandis que la mesure contre Soustelle, comme celle, un an auparavant, condamnant à mort par contumace le général de Gaulle, reste inopérante, c’est « le stratagème hitlérien de Vichy » qui est unanimement dénoncé par la presse mexicaine [E., 21-05-1941].
Voyages de propagande à travers l’Amérique
88Le 31 mai, l’aviation britannique avait lancé son premier raid massif contre le territoire du IIIe Reich... C’est aussi un message d’espoir fervent en la victoire alliée (que les faits ne rendent plus improbable) que Jacques Soustelle emporte avec lui dans son voyage à travers la zone sous son contrôle. Commencé après le 22 avril, ce voyage a deux buts : renforcer par un contact direct les différents Comités nationaux de la France libre et structurer efficacement leurs liens ; représenter officiellement le général de Gaulle auprès des gouvernements concernés [13, p. 224]. Après une mise en route laborieuse, Jacques Soustelle, « courroie de transmission » officielle de la France libre pour les comités nationaux du Mexique, du Guatemala, du Costa-Rica, Salvador, Panama, Honduras...65 arrive le 30 avril à La Havane ; l’étude précise de la situation internationale du pays du général Batista et de son attitude à l’égard de la France libre n’entre pas directement dans notre champ de vision. Néanmoins, deux témoignages sur ce voyage à Cuba ouvrent largement ce propos : celui de la presse cubaine et celui que le protagoniste en fait lui-même [13, p. 224]. La politique intérieure cubaine ne suscitant pas de problèmes idéologiques analogues à ceux posés par le gouvernement mexicain (de Cárdenas notamment), et la légation française de La Havane ayant une attitude plus cassante et résolue que son homologue de México, la question des relations entre le gouvernement cubain et la France se pose en des termes bien différents de son homologue mexicaine. En outre, l’adhésion spectaculaire du premier secrétaire de la légation, René Grousset, à la France libre, peu après le voyage de Jacques Soustelle, modifie considérablement la situation de la France libre à Cuba... où le général-président avait déjà reçu — officiellement bien que de manière impromptue — le représentant du général de Gaulle ! Cuba, élève-modèle de la doctrine de Monroe, sera le premier pays à reconnaître en Amérique la France libre : la rupture de Philippe Grousset avec Vichy, bien préparée avec J. Soustelle à La Havane puis avec R. Pleven à New York, a pour conséquence sa reconnaissance immédiate comme « délégué, avec les prérogatives diplomatiques », de la France libre [13, p. 228]. C’est donc de Cuba, où il séjourne une quinzaine de jours, que J. Soustelle suit les événements du Levant.
89Après une escale écourtée en Haïti, il se rend en hydravion à Ciudad Trujillo, en République Dominicaine pour trois jours. Là, le « généralissime docteur Don Rafael Leonidas Trujillo Molina, bienfaiteur de la patrie » ne reçoit pas le « représentant du général de Gaulle »... d’ailleurs venu officiellement pour remettre des médicaments à un résident dominicain ! Rien ne transparaît, ni dans les archives diplomatiques, ni dans les mémoires du délégué, de ce qui a pu se faire pendant ce séjour ; même les archives nord-américaines sont très discrètes. Pourtant, dans un pays comptant peu de Français, celui-ci avait été jugé suffisamment important pour que le séjour en Haïti fût différé : espoirs déçus de Jacques Soustelle d’obtenir de l’homme fort une prise de position globale en faveur des Alliés et de la France libre dont il aurait récolté les fruits (le moment choisi, les célébrations anniversaires de l’accession au pouvoir de Trujillo, pouvant flatter celui-ci) ? Rencontre discrète dans l’anonymat d’une journée de « réjouissance nationale » ?... Jacques Soustelle se rend enfin à Porto-Rico où il visite les journaux, les comités locaux France libre et donne des conférences comme à Cuba. Il est également reçu par les autorités locales qui suivent avec beaucoup d’attention ses déplacements, le gouverneur américain Guy Sworpe et le commandant de la base navale, l’amiral Spruance : ce dernier lui aurait confié que la marine américaine s’apprêtait à appareiller pour Fort-de-France. Mais, la divulgation par la presse de la nouvelle, les déclarations à la presse de Jacques Soustelle sur l’inaliénabilité de la souveraineté française et sur la nécessité d’un accord préablable Etats-Unis/France libre et, surtout, le fait que le Département d’Etat impose finalement à Washington sa conception du ménagement nécessaire de Vichy, entraînent l’annulation du projet [13, p. 233].
90Avant de rentrer au Mexique, Jacques Soustelle se rend à nouveau en Haïti cette seule enclave indépendante de langue française au sein de l’Amérique ibérique.
« Lorsque je me retrouvais à México, fin mai, je pouvais dresser une sorte de carte politique de la mer Caraïbe, avec les comités constitués, les journaux sympathisants, les adresses à alimenter en matériel de propagande, les dispositions plus ou moins favorables des gouvernements. Etant donné que la France libre ne pouvait se permettre de créer partout des délégations, je me proposais de confier à Grousset toute cette zone dès qu’il aurait pu prendre la tête de notre mission à La Havane. Puerto-Rico, territoire américain, relèverait de notre délégation aux Etats-Unis, mais nous l’alimenterions en matériel de propagande en langue espagnole. Nos comités nous tiendraient lieu d’agences consulaires et de bureaux d’information. Tel fut le dispositif qui se mit en place avant la fin de l’année... La représentation et le rayonnement de la France libre sans toute cette partie de l’Amérique latine se trouvaient dès lors assurés ».
« Au milieu de juillet, nos affaires au Mexique étant déjà fort avancées, je décidai de partir pour l’Amérique centrale, la Colombie et le Venezuela, afin d’y poursuivre ma mission... [13, p. 237-258].
91En effet, Jacques Soustelle, depuis son retour de Londres, tout en s’occupant de la délégation mexicaine, se soucie à la demande du général d’organiser, de structurer et de développer les réseaux spontanés de sympathies pour la France libre. Il laisse donc à nouveau la responsabilité de la délégation de México à Gilbert Médioni, « délégué adjoint » au Mexique : fort de son succès cubain, il part en Amérique centrale moins d’un mois après son retour d’Haïti.
92Au Guatemala, il vient soutenir un important comité en conflit ouvert avec le ministre français, Bradier. Le délégué propose par télégramme au dictateurprésident de le rencontrer afin de l’informer de la réalité de la France libre dans le monde. Ubico répond qu’il est déjà au courant et refuse de rencontrer le représentant du général de Gaulle. J. Soustelle s’entretient cependant avec son ministre des Affaires étrangères, Carlos Salazar.
93Les autres présidents des pays visités le reçoivent. A San Salvador, Maximiliano Martinez Hernandez ; à Tegucigalpa (Honduras), Tiburcio Carlas ; Anastasio Somoza à Managua (Nicaragua), où l’accueil est particulièrement chaleureux ; le docteur Calderón, francophile érudit, à San José de Costa-Rica ; après un bref passage à Panama, le docteur Santos l’accueille à Bogota (Colombie) où séjourne le professeur Paul Rivet. Seul le Venezuela refuse d’ouvrir ses portes, ou plus exactement diffère suffisamment sa décision pour ne pas a avoir à la prendre.
Vers un statut officiel ?
94Ce travail de liaison accompli et l’effort mexicain poursuivi sous la direction de Gilbert Médioni, le chargé à Londres des relations de la France libre avec le Foreign Office et les gouvernements étrangers, Jean Escarra, s’adresse au secrétaire d’Etat Ezequiel Padilla — d’une certaine manière son homologue — : il sollicite officiellement un « statut défini » pour son représentant, le lieutenant Jacques Soustelle, simple réfugié politique. « Il s’agirait, écrit J. Escarra, de reconnaître Soustelle en sa qualité de représentant personnel et, en même temps, d’« agent confidentiel » du général de Gaulle. Apparemment laissée sans réponse immédiate, cette requête a néanmoins le mérite de donner le signal officiel de timides négociations : à la fin de septembre, J. Soustelle dit avoir rencontré plusieurs fois Ezequiel Padilla à ce sujet et que les démarches sont en cours66. La création du Comité National Français, en instituant une entité politique reconnaissable, ajoute bientôt à la crédibilité de la démarche en cours.
95Le premier anniversaire de l’« appel du 18 juin » donne lieu au Mexique à de multiples démonstrations de sympathie pour la France libre et son fondateur. Outre les télégrammes venant de personnes privées d’au moins 7 villes, la presse rend compte de cet anniversaire : Excelsior réclame alors dans un article extrêmement sévère pour Vichy la reconnaissance de la France libre par le gouvernement mexicain. La presse continue à se rapprocher de la France libre : le 14 septembre, la revue Defensa se met à la disposition du général de Gaulle ; ce même mois, le journal du soir Ultimas Noticias publie abondamment le matériel de propagande de la France libre ; l’hebdomadaire Hoy, une des revues les plus importantes de la capitale, publie régulièrement des articles illustrés fournis par la France libre. Le tableau suivant, établi d’après les dépôts de l'Hemeroteca Nacional de México, rend compte des étapes et du travail de la propagande française libre au Mexique :
96Sur une période plus restreinte, une évolution similaire à celle visible sur le tableau « Vichy, la France libre et les Français du Mexique » (donné en fin de chapitre VII) est perceptible : influence anti-France libre des Etats-Unis en début d’année, influence en mai-juin des événements de Syrie, dégradation en août des relations germano-mexicaines ; en février, ce sont les troupes française libres du Tchad qui font parler d’elles et suscitent, avec l’arrivée d’un nouveau ministre français, un regain d’intérêt de la presse mexicaine. La progression du travail réalisé en province par le « Servicio Mundial » apparaît tout à fait remarquable.
La création du CNF et la campagne « Pro-Francia »
97Globalement, la situation de la France libre au Mexique se renforce donc lorsqu’est constitué le 24 septembre à Londres le Comité national français. La création d’un organisme collégial dissipe les accusations présentant de Gaulle comme un dictateur [139, p. 312] : c’est un exécutif de huit membres destiné à partager les responsabilités avec lui qui est créé ; au Commissariat national aux Affaires étrangères, Maurice Dejean.
98Ce cadre étatique défini, qui réserve le nom de « gouvernement » pour plus tard, permet une reconnaissance formelle de l’instance londonienne par des gouvernements étrangers : les Britanniques reconnaissent le cnf non comme un gouvernement mais « comme représentant de tous les Français libres, où qu’ils soient, ralliés pour servir la cause alliée » ; les gouvernements alliés adoptent les mêmes termes, la Tchécoslovaquie et l’URSS y ajoutant une promesse d’aide et d’assistance [1]. La décision du général de Gaulle, à son retour de Syrie, « de donner à la Lrance libre une structure nouvelle pouvant la rapprocher des gouvernements alliés réfugiés ou formés à Londres » [139, p. 312] reçoit ainsi un début d’application ; et la démarche s’étend à tous les pays exprimant des sympathies pour la cause alliée : c’est dans ce cadre précis que nous devons comprendre la démarche de Jean Escarra auprès d’Ezequiel Padilla, visant l’attribution d’un statut officiel à Jacques Soustelle... Car, la création d’un organisme central des Affaires étrangères intégré à un organisme politique collectif, le cnf, rend possible, dès lors que des « puissances » traitent avec lui, une reconnaissance officielle du comité par d’autres pays. En Amérique, étant donnée la position pour le moins réservée du président Roosevelt, toute reconnaissance par un pays important du continent est essentielle à l’influence et à la crédibilité du cnf. Tout succès de ce type sur le continent américain et surtout sur le glacis méridional des Etats-Unis revêt donc un caractère prioritaire pour les délégations locales du cnf.
99Pour la première fois, en septembre 1941, le Mexique peut juger lui-même de la réalité des forces armées françaises libres : le contre-torpilleur « Le Triomphant », passé aux Forces françaises libres, fait escale à Acapulco puis à Mazatlán avant de remonter vers le nord67. Quelques protestations provenant des ministres français d’Amérique centrale restés fidèles à Vichy sont, au fur et à mesure, de Panama et Guatemala notamment, envoyées aux gouvernements concernés ; sans résultat.
100Or, avant même l’annonce par la presse mexicaine de la création du CNF un mémoire intitulé « Motion de citoyens mexicains pour la reconnaissance légale du gouvernement français que préside le général de Gaulle » avait été déposé entre les mains du général Manuel Avila Camacho68 ; preuve de la bonne coordination française Londres/México. Ce mémoire de caractère juridique était signé de trois personnalités de l’Etat de Tabasco, « bien entendu » adhérentes du mouvement français libre, « amis » de surcroît du représentant personnel du général de Gaulle. Par ce geste qui anticipait sur l’annonce officielle de la création du CNF, Jacques Soustelle souhaitait et réussit à donner le maximun d’acuité à l’annonce par la presse mexicaine de la création du cnf ; la presse et l’opinion publique retiennent seulement l’heureuse coïncidence des deux nouvelles diffusées le même jour et se donnant un relief mutuel.
101Tandis que la Prensa (quotidien illustré à grand tirage) publie un long article sous le titre sensationnel « Rupture du Mexique avec Vichy », l'Universal du 27 septembre reprend les arguments du mémoire pro-France libre déposé à la présidence par les députés Ojeda Caballero et Garizurieta et par le gouverneur suppléant de l’Etat : « Le gouvernement de De Gaulle. Initiative au président de la République et au Congrès de l’union pour que le Mexique reconnaisse le régime de la France libre. » La formation à Londres du Comité national français (cnf) est donc accueillie au Mexique dans les milieux sensibilisés « comme un acte d’une énorme importance — marquant le début d’une nouvelle phase dans le développement du Mouvement français libre ». La presse mexicaine reproduit des informations en provenance de Londres présentant le cnf comme « un gouvernement de fait ». Et bien qu’un télégramme du général de Gaulle l’avise d’éviter cette expression, Jacques Soustelle signale en retour :
« S’il est parfaitement justifié que nous observions nous-mêmes sur ce point une réserve bien compréhensible, il nous serait difficile, et il pourrait être dangereux, de prendre ouvertement le contre-pied de l’interprétation que tous, Français et Mexicains, amis et ennemis, ont donné à la formation du Comité national. Spontanément, et avec une sympathie totale, nos organisations, la presse et le public ont vu dans ce Comité le gouvernement français dont on attendait depuis longtemps la formation69
La campagne « Pro-Francia »
102Toutefois, la consigne venue de Londres trouve son effet lorsque deux députés mexicains viennent à plusieurs reprises s’informer auprès du représentant personnel du général de Gaulle à México ; Jacinto López et Cesar Garizurieta demandent des indications juridiques, historiques... sur le gouvernement de Vichy et sur le Comité national. Après leur avoir clairement exprimé que les représentants de la France libre ne sauraient « à aucun prix prendre part à une campagne quelconque qui pourrait donner lieu à des reproches embarrassants » ; J. Soustelle estime qu’il est cependant « de son devoir » de leur fournir les renseignements demandés, sous forme « d’un mémorandum de caractère absolument objectif » n’engageant ni sa responsabilité, ni celle du CNF. L’aval du CNF lui est d’ailleurs donné dans ces conditions.
103Les deux députés en possession de la documentation nécessaire, Excelsior peut alors titrer le 1er octobre 1941 : « Thèse juridique pour de Gaulle. Le député Garizurieta prépare l’atmosphère pour la reconnaissance ». C’est le lancement d’une très active campagne, qui occupe le début de l’automne 1941, « en vue de l’établissement de relations diplomatiques avec un Gouvernement “France libre” présidé par l’ex-général de Gaulle » : la presse mexicaine, les archives nord-américaines et françaises, celles de « Vichy » comme celles de « Londres » confirment la vigueur de cette campagne.
104Le mémorandum rédigé par J. Soustelle est tout d’abord répandu, par le soin des députés pour qui il a été élaboré, à la Chambre et au Sénat. Il y reçoit un accueil « extrêmement favorable », selon les milieux « gaullistes ». A la Chambre, se constitue même un « groupe gaulliste » qui fait parler de lui dans la presse. Pendant tout le mois d’octobre, se poursuit cette campagne dans les milieux parlementaires. « Les députés López et Garizurieta continuent à agir énergiquement avec l’aide de nouveaux représentants tels que les députés fédéraux Zapata Vala, Gíl Preciado, etc., et les sénateurs León Garcia (chef de la majorité du Sénat) et Vidal Díaz Munoz. Chaque jour, poursuit le représentant de la France libre enthousiaste, augmente le nombre des membres des deux assemblées disposés à aider nos amis et à poser ouvertement la question de la rupture avec Vichy et de la reconnaissance du Comité national »70. Le 16 octobre, le sénateur de l’Etat de Veracruz, Vidal Díaz Munoz, propose au cours d’une intervention la rupture avec Vichy et l’établissement de relations avec « le gouvernement français du général de Gaulle » ; la proposition est ensuite normalement transmise à la Commission des Affaires étrangères, laquelle doit se prononcer ultérieurement. La presse, commente favorablement cette initiative qui donne lieu dans les milieux politiques à des spéculations sans fin.
105Parallèlement, un nouveau groupe parlementaire se constitue dans le but avoué de travailler l’opinion publique en faveur des Alliés. Les milieux parlementaires mexicains, par leur fonction et surtout par leur influence et puissance personnelles, sont de non-négligeables moteurs de l’opinion publique ; ils incarnent aussi une certaine « yankeephobie » de bon aloi, ancestrale et relativement modérée. Ils ne vont cependant pas jusqu’à s’opposer à la politique étrangère de leur gouvernement !
106Le député López, « désireux de ne rien faire qui pût lui valoir une semonce de la direction du Parti de la révolution mexicaine, parti officiel au pouvoir », ménage à Jacques Soustelle une entrevue avec le sénateur Villalobos, président du PRM71. Le député constate ainsi que la direction « majoritaire » du PRM ne s’oppose pas à la campagne. De son côté, le délégué du CNF montre clairement au président du PRM qu’il entend conserver dans cette affaire une attitude réservée ; néanmoins, il souligne devant lui que la constitution du Comité national français « pose un problème de fait devant lequel aucune nation démocratique comme l’est le Mexique ne saurait demeurer indifférente ».
107Toutefois, l’attitude des milieux gouvernementaux est « naturellement réservée »72, et Soustelle constate qu’il « serait erroné d’attendre (de cette campagne) des résultats rapides » ; car « le poids des Chambres et de l’opinion publique dans la vie politique de ce pays est faible. Tout dépend en dernier ressort de l’attitude du ministre des Affaires étrangères et du président qui dépend elle-même de celle qu’adoptera le gouvernement des Etats-Unis » ; cette logique n’est pas démentie par les archives. Il paraît néanmoins « utile » que ce mouvement se développe, sous un aspect purement mexicain, afin de « préparer un geste du président et, peut-être, de rendre plus facile une solution d’attente ».
108Le député Jacinto López est reçu vers le 20 octobre 1941 par le président Manuel Ávila Camacho ; il lui expose la nature et les buts de la campagne « gaulliste » au Congrès. Selon les sources françaises libres, après avoir réfléchi quelques instants, le président aurait encouragé le député : « Continuez »73. De fait, Jacques Soustelle remarque dans les semaines qui suivent plus de cordialité et reçoit un accueil plus aisé au ministère des Affaires étrangères, tandis que sa position personnelle est certainement renforcée. Il est reçu plusieurs fois par le Secrétaire d’Etat Padilla ; le sous-secrétaire d’Etat, Torres Bodet, d’origine française, avec lequel il entretient de bonnes relations, souligne dans une conversation privée que « l’on traite toujours M. Soustelle avec la plus grande considération ». Surtout, les autorités mexicaines commencent à reconnaître au représentant de la France libre certaines prérogatives consulaires, précisées ce même mois d’octobre 194174.
109Sous l’influence des prises de position gouvernementales et de celles de Lombardo Toledaro, des organisations syndicales viennent, dans le même temps, apporter leur soutien officiel à la France libre : la puissante ctm apporte son « appui complet » au cnf. Par l’intermédiaire de la Confédération des ouvriers de l’Amérique latine (ctal), dirigée par le mexicain Lombardo Toledano, les Confédérations ouvrières de Cuba, du Chili et de l’Argentine apportent leur soutien. Couronnement symbolique de cette campagne, le 11 octobre « l’ami de toujours » de la France libre au Mexique, José de Nuñez y Dominguez, organise une réunion de masse d’intellectuels et de fonctionnaires mexicains : former un comité mexicain pour la reconnaissance par le gouvernement mexicain du Comité national français comme seul gouvernement de la France est le but avoué de cette réunion spectaculaire ; établir des liaisons entre les milieux politiques actifs et d’autres sympathisants, « par exemple les intellectuels », est l’un des objectifs recherchés par J. Soustelle75. Un fructueux processus de renouvellement de la francophilie au Mexique est alors engagé.
110Enfin, tandis que la reprise des relations diplomatiques avec l’Angleterre apporte un regain de confiance aux amis de la France libre, « le pas suivant » consistant, selon certains, à reconnaître le cnf, une commission d’experts mexicains en droit constitutionnel est organisée : elle doit établir le fondement juridique mexicain d’une rupture avec le gouvernement de Vichy et de la reconnaissance d’un gouvernement de Gaulle : paravent mexicain, en fait, des thèses exposées en novembre 1940 par René Cassin68. Cette commission, écrit le premier secrétaire de la légation de France G. Clauzel (sous la signature de son ministre), « se vante de contribuer » à la création d’une doctrine internationale touchant « la méconnaissance ou la reconnaissance des gouvernements de pays envahis ou des gouvernements de facto constitués par les éléments dissidents » ; présidée par Antonio Castro Léal, ancien recteur de l’université nationale et ministre plénipotentiaire, elle comprend Luis Garrido, ancien chef du département diplomatique au secrétariat d’Etat aux Relations extérieures, et un certain nombre d’avocats, d’enseignants universitaires... La première conséquence du travail de cette commission est l’intervention au Sénat de Vidal Díaz Muñoz : il demande le 17 octobre que soit « nommée une commission chargée de demander au président de la République (...) la reconnaissance du gouvernement français du général de Gaulle ». La seconde est le premier mouvement d’humeur, attesté par les archives, du jeune premier secrétaire, Ghislain Clauzel ; ce dernier écrit en effet :
« Il me revient que les partisans de « France libre » ne désespèrent pas de voir triompher ici leur cause, surtout depuis que M. Soustelle a réussi à se faire recevoir par le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, « à titre tout à fait personnel ». Estimeraient-ils donc qu’un pays comme le Mexique, qui est assez connu de par le monde pour ses révolutions et ses coups d'Etat, est particulièrement qualifié pour se poser en interprète méticuleux du droit constitutionnel français et qu’il lui appartient, sans conteste, d’être le premier à procéder, à son tour, à la “reconnaissance” d’un général dissident ?76 »
111Ce jugement sévère de l’histoire récente mexicaine et, par là, de la politique mexicaine contraste brutalement avec le climat apparent de compréhension presque égalitaire régnant entre la France libre et le gouvernement mexicain magnanime. Le poids de la tradition, diplomatique notamment, le sentiment et l’auto-suffisance d’une puissance, même déchue, s’oppose à la prise de conscience d’un rééquilibrage au profit du Mexique des rapports avec la France.
112Ghislain Clauzel pense que la France, en dépit d’un accident de parcours, conserve un rang dans le concert des nations qui ne permet en aucun cas au Mexique révolutionnaire de lui donner des leçons. Un diplomate formé en France durant l’Entre-deux guerres peut difficilement, il est vrai, avoir une autre perception de ce pays : la plupart des livres édités alors en France sur le Mexique traitent soit des événements des premières années de la révolution, soit de la question religieuse ; même les guides touristiques mettent en garde le visiteur sur l'insécurité du pays : l'impression générale est celle d’un pays en ébullition perpétuelle, le calme étant plutôt l’anomalie, d’un pays débiteur de la France et où il est dangereux d’investir (nationalisations cardenistes). L’intérêt pour les civilisations précolombiennes et pour le monde indien n’est en France qu’à l’orée de son développement ; et le sentiment de supériorité culturelle des Européens, et Français en particulier, reste donc au Mexique sans limite conséquente.
113Au début des années 1940, la conception de Gilbert Médioni et Jacques Soustelle, politiquement et culturellement très avancée, est issue d’une certaine clairvoyance de la déchéance internationale de la France, d’une passion personnelle pour le pays et surtout d’une connaissance pratique fine d’un pays séduisant. Or ce pays est très attentif aux marques d’attention particulières des puissances, étant conscient du potentiel de valorisation de sa position et de son image internationales émanant du conflit européen. Si, pour Ghislain Clauzel, la « France-grande puissance » n’est pas remise en cause substantiellement, pour la délégation de la France libre à México, le problème doit être radicalement remis en cause, ne serait-ce qu’en tant que moyen de promotion sine qua non de cette France libre encore fragile.
Les premiers fruits
114Quoi qu’il en soit de ces divergences de conviction, la campagne mexicaine en faveur d’une reconnaissance rapide du Comité national français présidé par le général de Gaulle confirme les espoirs de Jacques Soustelle ; « sans attendre des résultats trop rapides et trop étendus de toutes ces activités, je les crois susceptibles de hâter l’évolution naturelle du gouvernement mexicain et de nous aider à conquérir progressivement une position plus satisfaisante ».
115Le 16 octobre 1941, le secrétariat d’Etat aux Relations extérieures fait au délégué du cnf à México la proposition suivante :
Le secrétariat d’Etat et, dans les autres pays, ses agents du service consulaire délivreront aux Français libres qui n’ont pas de passeport ou dont le passeport est périmé des certificats ou « lettres de voyage » (cartas de viaje) qui jouent le rôle de passeports.
Ces lettres seront délivrées aux intéressés sur présentation soit de leur passeport périmé renouvelé par J. Soustelle, soit d’un « certificat d’identité » délivré par lui. Les visas mexicains, s’il y a lieu, ne seront pas apposés sur le passeport renouvelé par lui, ni sur le certificat d’identité, mais sur les lettres de voyage ; néanmoins, le passeport renouvelé et le certificat seront considérés par les autorités mexicaines comme preuves de l’identité et de la nationalité française des intéressés.
Les mêmes règles seront appliquées dans le cas des Syriens et des Libanais, « protégés des Français »77.
116Les progrès accomplis par la France libre sont donc considérables, même si la reconnaissance formelle du cnf par le gouvernement mexicain paraît encore fort éloignée. Tandis qu’un manifeste signé par la majorité des parlementaires et par de nombreuses autres personnalités demande la reconnaissance « claire, décidée et énergique » du cnf [E.N. 17-10-41], Excelsior titre « de Gaulle doit recevoir de l’aide. On insistera pour qu’il soit reconnu par le gouvernement du Mexique ». L’argument « protection des réfugiés espagnols en France » est relégué à un plan très secondaire [E. 18-10-41] et ne fonctionne plus efficacement comme modérateur des prises de position gouvernementales mexicaines à l’égard de la France libre.
117Le 3 décembre 1941 enfin, le général Manuel Avila Camacho, convoque le représentant personnel du général de Gaulle : Jacques Soustelle est reçu une vingtaine de minutes en fin d’après-midi au Palais national. Le président se montre aimable et évoque longuement « son amour pour la France dont il semble bien connaître l’histoire et notamment les gloires militaires », écrit aussitôt le délégué sans nuancer suffisamment dans son compte-rendu la savoureuse exubérance du castillan. Lorsque Soustelle remet une photographie autographe du général de Gaulle au président, ce dernier exprime alors « la plus haute opinion du chef des Français libres ». Mais, parallèlement, le président mexicain se borne à dire « qu’il ne peut croire qu’un vieux soldat comme Pétain soit vraiment un traître et qu’il continue à espérer qu’un jour, si par exemple les Alliés débarquent en France, Pétain prendra une autre attitude ». Jacques Soustelle, prudent, se contente de répondre « que les situations dominent les hommes et qu’en politique les intentions comptent moins que les réalités ». Le président poursuit : « Mon gouvernement maintient encore des relations officielles avec Vichy. Mais, en dehors de ce plan diplomatique, vous pouvez vous considérez ici comme dans votre propre pays (« como en su propio país »), et vous pouvez compter sur mon appui personnel78...
118Au lendemain de sa rencontre avec le président, le délégué de la France libre en fait cette analyse, rétrospectivement pertinente :
« Mon impression personnelle est que le président m’a accordé cette entrevue pour nous faire patienter et bien poser en principe que son gouvernement ne nous est nullement hostile. Sans vouloir prendre de décision immédiate ni surtout devancer les Etats-Unis, il a voulu sans doute préparer un avenir peut-être prochain en prenant contact officieusement mais d’une manière tout à fait sympathique et cordiale79. »
119La croissance de l’influence française libre au Mexique n’est pas sans accroc. Si, du côté mexicain, Jacques Soustelle parvient à maintenir l’équilibre entre les deux principales factions du prm (« majoritaires » et « rénovateurs », du côté français la situation est plus complexe : le délégué de la France libre avait sévèrement critiqué l’attitude de l’ancien ministre Albert Bodard, rallié au printemps 1941, après sa mise à la retraite d’office.
120Un article violent, provocateur, dresse une analyse extrêmement critique du rayonnement de la France libre au Mexique. Le 21 novembre 1941, en effet, Rafael Munoz écrit dans la Revue-brûlot de propagande alliée dont il est le directeur Candil que l’on « pourrait obtenir par une intense propagande auprès des nouveaux fonctionnaires (du gouvernement Avila Camacho) une attitude plus favorable (que celle du gouvernement Cárdenas) en faveur du Comité national français »... Tout en critiquant l’attitude « pro-soviétique » du gouvernement Cárdenas, Rafael Munoz explique que l’influence de la France libre dans les sphères gouvernementales est limitée « parce que la colonie française n’est pas unie autour du Comité de la France libre pour des questions de personnes » ; la personnalité de Jacques Soustelle, ses opinions politiques proches de la SFIO, surtout sa rivalité larvée avec l’ancien ministre Albert Bodard et sa nonappartenance à la colonie barcelonnette paraissent au coeur de cette « question de personne ». Cependant, la clé de cet article, « une personne possédant un niveau et des relations plus élevées pourrait obtenir de plus grands résultats pour la cause de la France libre au Mexique », est doublement interprétable :
ou bien cette phrase et le texte entier sont une critique directe du représentant personnel du général de Gaulle, en l’occurrence Jacques Soustelle, dont le nom et la fonction ne sont jamais mentionnés, ce qui, en un sens, constitue une présomption supplémentaire ; dans ce cas, le texte pourrait être favorable à l’ancien ministre de France Albert Bodard ;
ou bien il s’agit d’une énergique sollicitation d’une importante personnalité mexicaine, proche mais non encore engagée directement dans le mouvement français libre : peut-être en ce cas Maximino Avila Camacho, frère du président, candidat potentiel à la Présidence et ami de l’ex-ministre Albert Bodard. Maximino est en effet fréquemment en 1942 à la tête des soutiens actifs mexicains à la France libre.
121La première hypothèse demeure néanmoins la plus vraisemblable. L’introduction anti-cardeniste et anti-soviétique de cet article serait alors une critique des affinités politiques radicales du délégué local du CNF, proche sympathisant de la SFIO avant-guerre : cela tend certainement à modérer l’enthousiasme d’une partie de la colonie ; l’amitié de Jacques Soustelle et du peintre Diego Rivera, dirigeant difficile à suivre d’un parti trotskyste aux effectifs fort réduits, peut être ainsi visée par le journaliste Munoz ; tout comme le soutien à la France libre des députés et sénateurs les plus « radicaux », souvent étroitement liés au président sortant, Cárdenas ; tout comme, enfin, les nombreuses amitiés de Jacques Soustelle parmi les réfugiés espagnols de la capitale. Toutefois, l’allusion du rédacteur de l’article à la série de conférences données à México par la journaliste Geneviève Tabouis, venue du 1er au 7 novembre 1941 spécialement de New York, est également outrancière et donne bien le ton de l’attaque : « l’assistance aux conférences (...) était, selon Munoz, composée surtout d’éléments d’extrême gauche ». S’il est malheureusement impossible d’établir rétrospectivement avec un tant soit peu de précision le public des conférences mises en cause, il est néanmoins certain qu’invitée par l’Action démocratique internationale dirigée par Férandel, la journaliste a été reçue par les ministres de l’Education, de l’Intérieur et des Affaires étrangères, le président de la République, le chargé d’affaires britannique et l’ambassadeur des Etats-Unis ; que la presse mexicaine a largement rendu compte — sans critique — de ses interventions où, d’accord avec J. Soustelle, se glissaient des considérations favorables à la France libre ; que, quelle que soit la langue utilisée, l’assistance a été relativement importante ; bref, que ce séjour peut-être considéré comme fructueux pour la propagande alliée et française libre.80.
122L’article sévère de R. Munoz, tout en mettant en évidence certaines faiblesses et un certain manque d’unanimité autour de la personne de Soustelle ne doit donc pas être accepté sans de sérieuses réserves... Serait-ce un plaidoyer pour l’anglophile et modéré Albert Bodard, ancien ministre à México, et donc titulaire d’une carte de visite plus prestigieuse ? A l’appui de cette hypothèse, l’article de Rafael Munoz, paru dans l’hebdomadaire très anglophile Candil, met en cause le manque de contact entre le Comité et les Mexicains des sphères supérieures, les leaders mexicains de la campagne « Pro-Francia » au Parlement étant considérés comme « du dernier rang »...
123Si Jacques Soustelle, « ethnologue de talent », ne fait pas l’unanimité des ambitions à la veille de la mondialisation du conflit, il demeure premièrement que, dès les premiers instants avec la petite équipe de la rue Marsella, puis de la rue Colima, le développement de la France libre mexicaine a été mené avec rigueur, opiniâtreté et efficacité ; deuxièmement, que la réceptivité du gouvernement mexicain est nécessairement limitée par l’attitude des Etats-Unis à l’égard de la France libre ; troisièmement, que l’audience de cette dernière et du Comité national est quelque peu limitée au sein de la colonie par la mexicanisation de la colonie et son respect de la position gouvernementale mexicaine, par la non-appartenance du délégué à la colonie permanente, par ses relativement modestes fonctions antérieures, enfin, par des opinions politiques sensibles bien que peu mises en avant ; mais plus que d’audience limitée, nous devrions alors parler de sympathie évidente et globale mêlée de prudence politique.
124Dans les derniers jours de novembre, le capitaine Lavergne, des Forces françaises libres, effectue un voyage de propagande au Mexique qui est aussi une inspection du travail de J. Soustelle. Après avoir rencontré plusieurs ministres mexicains et de nombreux reponsables politiques du pays, il rédige le 2 décembre un rapport au commissaire national aux Affaires étrangères ; c’est, au moins pour nous, une réponse aux accusations de Rafael Munoz :
125Les résultats obtenus sont remarquables : au début de la guerre, l’opinion publique, les sphères gouvernementales étaient dans leur majorité proallemandes. Aujourd’hui, la situation est complètement renversée, la grande masse du peuple est pour les Alliés et sa sympathie va surtout à la France, mais à la France libre et à son chef. »
126Le Gouvernement, ouvertement, ne cache pas ses sympathies à notre cause, et (...) le lieutenant Soustelle est reçu, par les ministres, comme un véritable représentant d’un gouvernement légal. Il est certainement mieux reçu et écouté que le ministre de Vichy (...). Le déplacer serait une très grosse erreur81. »
127Lorsqu’on sait que le dit envoyé spécial du CNF ajoute le lendemain qu’« au moins 99 % de la communauté française peut-être considérée comme française libre »82, l’on comprend les fondements assez superficiels de la diatribe de Rafael Muñoz : l’implantation de la France libre au Mexique est bien réelle, sérieusement enracinée dans le substrat mexicain et français ; aucune division profonde n’affaiblit sensiblement l’action de propagande « gaulliste » au Mexique, à la veille de l’entrée des Etats-Unis dans la guerre.
128Jacques Soustelle écrit après la guerre qu’il pouvait à ce moment « considérer sa mission comme terminée et qu’il en rendit compte au Comité national ». Et il ajoute ailleurs qu’il « s’apprêtait à laisser la charge (de la délégation pour le Mexique et l’Amérique centrale) à Gilbert Médioni ».
129Ainsi, à partir d’une même constatation initiale, J. Soustelle et le capitaine Lavergne aboutissent à des conclusions diamétralement opposées : pour J. Soustelle, « sa mission terminée », il demande de nouvelles fonctions. Pour « l’inspecteur » et capitaine Lavergne, il ne faut surtout pas que Soustelle quitte México... Le premier obtiendra gain de cause ; parce que telles étaient ses intentions initiales ; parce qu’aussi les compétences et les énergies de la France libre ne sont pas innombrables à la fin de 1941.
L’autre voisin : le Guatemala et la guerre
La Seconde Guerre mondiale est l’occasion de vives tensions entre le Guatemala et les Etats-Unis, en dépit d’un alignement progressif jamais démenti des politiques de Guatemala Ciudad sur celles de Washington.
Plusieurs faits tendent les relations :
— les affinités du régime du général Ubico (secrétaire aux AE Carlos Salazar) avec les régimes totalitaires, notamment italien (en mai 1936, le Guatemala se retire de la sdn juste après l’Italie et l’achèvement de la conquête de l’Ethiopie) et espagnol (en novembre 1936, le Guatemala est le premier pays à reconnaître le général Franco !) ;
— l’importance du Guatemala dans la propagande allemande pour l’ensemble des pays de l’Amérique centrale ; la légation allemande au Guatemala, dirigée par le Dr. Otto Reinebeck, est la légation pour toute l’Amérique centrale : la concentration des activités de propagande pour la région est donc logique. La légation fait imprimer du matériel de propagande sans grande discrétion, dont une partie est diffusée au Mexique. Un mémorandum des Etats-Unis de janvier 1941 souligne que « le ministre allemand au Guatemala continue à diriger l’affaire en Amérique centrale. Il est l’un des agents nazis les plus actifs en Amérique latine et l’un des plus dangereux ». Henry Morgenthau, secrétaire au Trésor de Washington, note dans son journal en mars 1941 que « le Guatemala est le centre de la propagande allemande pour l’Amérique centrale », mais que le président « prend de très vigoureuses mesures pour supprimer les activités de l’Axe » [286b ] : les Etats-Unis commencent à dénouer l’écheveau ;
— les Etats-Unis, une fois engagés dans la guerre, se montrent peu respectueux des nécessités économiques du Guatemala dans leur politique continentale d’économie de guerre ; ceci est d’autant plus gênant pour le Guatemala que les intérêts allemands y sont importants et que, jusque-là, le gouvernement Ubico a joué en matière économique « sur les deux tableaux » à la fois, nord américain et allemand. La publication des Listes Noires par Washington pose un sérieux problème au pays du général Ubico ; la guerre permet néanmoins la nationalisation d’intérêts étrangers (allemands), notamment dans le domaine agricole [286b].
Dès 1937 | propagande anti-nazie au Guatemala |
mai 1939 | décret restreignant les activités des étrangers |
septembre 1939 | neutralité, après consultation des Etats-Unis |
juin 1940 | fin de la double nationalité, contrôle des étrangers |
septembre 1940 | mission militaire guatémaltèque aux Etats-Unis |
1940/1941 | toutes facilités militaires accordées aux Etats-Unis |
11 décembre 1941 | déclaration de guerre à l’Axe. |
La légation de France à Ciudad Guatemala, dirigée par Bradier, semble imperméable aux influences de la France libre, entravant au contraire toute propagande « dissidente » dans la mesure de son possible ; il semble en outre que le ministre français ne s’abstienne pas, comme son collègue de México, de tout contact avec les représentants des pays de l’Axe et qu’il adresse à Vichy quelques informations sur la situation de la légation française du Mexique et sur les activités de la France libre.
(mae, Papier d’agents, Arvengas, 8, (81) et (193) ; d’autres indications éparses dans la série Vichy-Amérique « Mexique » et plus vraisemblablement « Guatemala ».)
Notes de bas de page
1 V/ 13-06-1941, no 112, Arvengas.
2 V/ 16-05-1941, no 89, Arvengas.
3 Idem 1.
4 L/ d. 264, 12-08-1941, Médioni à de Gaulle (Londres).
5 Papiers d’agents/ Arvengas, d. 8, 12-04-1941 ; 05-04-1941.
6 V/ 30-06-1941, Arvengas ; dépêche interceptée par la France libre et transmise le 31-07-1941.
7 V/ 22-05-1941, no 92, Arvengas.
8 V/ 13-06-1941, no 112, Arvengas.
9 V/ 13-06-1941, no 113, Arvengas.
10 V/ 30-06-1941, no 90, Arvengas.
11 L/ d.264 (39), 07-1941, note, Soustelle.
12 L/ d.264 (14), 14-04-1941, Soustelle.
13 Papiers d’agents/ Arvengas d. 8, 05-04-1941 et 29-03-1941.
14 Papiers d’agents/ Arvengas d. 8, 01-03-1941.
15 V/ 13-09-1941, no 160, Arvengas.
16 L/ d. 264 (15), 15-04-1941, Soustelle.
17 L/ d. 264, 26-09-1940, no 143, Consul général britannique (Rees) (México) à cnae.
18 V/ 12-08-1942, no 115, Arvengas.
V21101942, - / no 205, Clauzel.
19 L/ d. 264 (15), 15-04-1941, Soustelle.
20 L/ d. 264 (37), 31-04-1941, Soustelle.
V/ 16-05-1941, no 89, Arvengas.
15-10-1941, no 153, Arvengas.
13-06-1941, no 113, Arvengas.
21 V/ 16-05-1941, no 89, Arvengas.
22 V22-05-1941,/ no 92, Arvengas.
23 V/ 30-06-1941, no 90, Arvengas citée par
L/ d. 264 (37), 31-07-1941, Soustelle à de Gaulle.
24 V/ 18-06-1941, no 116, Arvengas.
25 L/ d. 264 (38), 31-07-1941, Soustelle.
26 V/ 16-01-1942, Clauzel.
Excelsior, 12-01-1942, article d’Edmond Sigler.
27 V/ 13-09-1941, no 160, Darlan (Vichy) à Arvengas (México).
28 V/ 27-09-1941, no 180, Arvengas.
29 Papiers d’agents, Arvengas, d. 8, 29-12-1941 à Arvengas à Bressy.
30 Excelsior, 12-01-1942.
31 L/ d. 264 (97), 19-01-1942, De Boissieu (Londres) à Arvengas (México).
132), (19-03-1942, Arvengas à de Boissieu (Londres).
32 Papiers d’agents/ Arvengas, d. 8, 06-04-1942, 22-03-1942, 19-12-1942.
33 Papiers d’agents/ Arvengas, d. 8, 06-02-1943, 22-02-1942.
34 V/ 09-04-1941, no 58, Arvengas.
35 V/ 25-08-1941, no 119, Arvengas.
15-08-1941, no 159, Arvengas.
36 V/ 25-08-1941, no 119, Arvengas.
37 V/ 13-09-1941, no 127, Arvengas.
38 V/ 18-09—1941, no 133, Arvengas.
39 Idem 30.
40 V/ 24-06-1941, no 118, Arvengas.
02-07-1941, no 92, Arvengas.
41 V/ 01-08-1941, no 145, Arvengas.
02-08-1941, no 147, Arvengas.
02-08-1941, no 108, Arvengas.
12-08-1941, no 115, Arvengas.
42 V/ 02-08-1941, no 108, Arvengas.
43 Presse mexicaine du 01-08-1941. Note du 28 juillet 1941 de F. H. Rudt von Collenberg à E. Padilla.
44 V/ 02-08-1941, n“147, 148, Arvengas.
45 Idem 36.
46 V/ 23-08-1941, no 170, Arvengas.
11-09-1941, no 124, Arvengas.
18-09-1941, no 133, Arvengas.
47 V/ 20-09-1941, no 137, Arvengas.
14-10-1941, no 148, Arvengas.
48 V/ 31-10-1941, no 204, Arvengas.
18-11-1941, no 209, Arvengas.
05-11-1941, no 160, Arvengas.
49 V/ 14-10-1941, no 148, Arvengas.
30-07-1941, no 105, Arvengas.
50 Idem 41.
51 V/ 01-07-1941, no 93, Arvengas.
52 V/ 02-07-1941, no 92, Arvengas.
53 V/ 24-06-1941, no 118, Arvengas.
54 V/ 12-09-1941, no 125, Arvengas.
55 Idem 41.
56 V/ 22-10-1941, no 196, Arvengas.
57 V/ 22-05-1941, no 92, Arvengas.
58 Idem 49, Arvengas et la presse des 21 et 22 mai 1941.
59 W 02-08-1941, no 108, Arvengas.
60 W 24-06-1941, no 118, Arvengas et déclarations de Sumner Welles du 01-08-1941.
61 V/ 29-07-1941, no 103, Arvengas.
62 V/ 29-07-1941, no 103, Arvengas.
63 V/ 11-08-1941, no 113, Arvengas.
64 V/21-02-1941, Arvengas.
L/ d. 264 (37), 30-06-1941.
65 L/ d. 266 (19) de Gaulle à Soustelle (México).
(29 à 38) Gaulle à Soustelle.
66 L/ d. 264 (46), 11-08-1941, Escarra (Londres) à Padilla, mae (México).
(60), 29-09-1941, Soustelle (México) à Foreign office (Londres).
67 L/ d. 264 (55), Lavondès à Arvengas (México).
68 L/ d. 264 (59), 29-06-1941, Soustelle à de Gaulle.
69 L/ d. 264 (64), 06-10-1941, Soustelle à de Gaulle.
70 L/ d. 264 (68), 22-10-1941, soustelle à de Gaulle.
71 L/ d. 264 idem 61.
72 Idem 62.
73 Idem 62.
74 L/ d. 264 (60), 28-10-1941, Soustelle à cnae.
(73), 28-10-1941, Soustelle à cnae.
(67), 28-10-1941, Soustelle à cnae.
75 L/ d. 264 (64), 06-10-1941, Soustelle à cnae.
(69), 22-10-1941, soustelle à cnae. — Conditions de la révision constitutionnelle irrégulières,
— illégalité de l’abrogation de l’article 2 de 1875 ; Pétain est donc un usurpateur,
— le gouvernement français libre contrôle des territoires, au contraire des gouvernements en exil reconnus internationalement, comme la Pologne et la Tchécoslova quie,
— Vichy ne vaut pas mieux que le gouvernement du président Hacha à Prague.
76 V/ 23-10-1941, no 155, Arvengas.
Vidal Diaz Muñoz est sénateur de l’Etat de Veracruz.
77 L/ d. 264 (67), 22-10-1941, Soustelle à cnae.
78 Expression proche de mi casa es su casa, dont l’emploi peut être très formel au Mexique.
79 L/ d. 264 (86), 04-12-1941, Soustelle à cnae.
80 L/ d. 266 (73), 15-11-1941, Soustelle à cnae.
81 L/ d. 264 (84), 02-12-1941, Lavergne (México) à cnae.
82 L/ d. 264 (89), 03-12-1941, Lavergne (México) à cnae.
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