Chapitre 1. Les gens du centre
p. 33-54
Texte intégral
Vers une meilleure compréhension de l’Amazonie contemporaine
1Les régions orientales de la Colombie, situées au-delà de la cordillère, ainsi que le Trapèze amazonien, ont été pendant des siècles considérées comme des « territoires sauvages », des espaces vides ou des « enfers verts ». Même aujourd’hui, quand on pense aux Indiens de l’Amazonie colombienne, on les imagine souvent comme des groupes d’individus isolés qui vivent en accord avec des modèles de vie radicalement opposés à ceux de la société nationale.
2Malgré cette image d’isolement, l’histoire de l’Amazonie est faite de rencontres diverses. Dès l’époque de la conquête espagnole et portugaise, le commerce d’esclaves, le passage des voyageurs européens, les économies d’extraction, les missions religieuses, l’expansion de la frontière de colonisation, l’arrivée du narcotrafic et enfin l’adoption du multiculturalisme dans le discours étatique, modifient à jamais la vie des populations indigènes. Tous ces éléments – sans lesquels nous ne pourrions comprendre l’actuel processus de migration vers les villes et les enjeux des identités ethniques contemporaines – ont complexifié les territoires amazoniens en lançant aux populations indigènes le défi de reconstruire leur système de vie et de reproduction culturelle afin de s’adapter à la rencontre avec « l’autre ».
3Dans un effort pour mieux cerner les développements historiques de cette région qui ont déterminé l’avenir de sa population, nous tenterons d’élaborer un contexte régional permettant de prendre conscience des enjeux culturels, économiques et politiques de ce monde indigène éclectique, constitué dans des rapports de pouvoir nationaux complexes. Nous concentrerons notre attention sur les situations de contact entre groupes se réclamant d’identités ethniques différenciées ainsi que sur les phénomènes sociaux qui ont donné naissance à la configuration actuelle des communautés indigènes de la région.
La région du Medio río Caquetá-Igará-Paraná
4L’Amazonie colombienne, selon Gutíerrez et al. (2004), couvre 477 274 km2, soit 41,80 % du territoire national. D’un point de vue administratif, elle comprend six départements : Caquetá, Putumayo, Guaviare, Guainia, Vaupés et Amazonas. D’un point de vue géographique, l’Amazonie s’étend des fleuves Guayabero-Guaviare, au nord de la région, jusqu’aux fleuves Amazonas et Putumayo, au sud.
5La région à laquelle nous nous attacherons est située à l’ouest de l’Amazonie colombienne, délimitée par les fleuves Caquetá et Putumayo1. Peuplée d’environ 7 0002 personnes, elle comprend les territoires « traditionnels3 » de sept groupes ethnolinguistiques appartenant aux familles uitoto (les groupes uitoto, ocaina, nonuya) et bora (bora, miraña, muinane), ainsi qu’à la famille indépendante andoque. Les Uitoto sont relativement dispersés et habitent diverses localités sur les fleuves Orteguaza, Caquetá, Putumayo, Caraparaná, Igará-Paraná et dans les environs de Leticia. Les Bora vivent à l’embouchure du fleuve Cahuinarí ainsi qu’à Providencia, localité située sur le fleuve Igará-Paraná. Les Andoque vivent en aval du ruisseau Aduche et sur le fleuve Caquetá, près d’Araracuara (Pineda, 1993).
6Les Indiens vivent dans des resguardos4, administrativement reconnus depuis les années 1980. Il s’agit des resguardos suivants : le Predio Putumayo, Aduche et Villa Azul5. Le Predio Putumayo regroupe les municipios La Chorrera, El Encanto et Puerto Santader, d’où proviennent la plupart des migrants indigènes de Bogotá. Selon les données du recensement de 2005, la population de La Chorrera compterait actuellement 2031 personnes, celle d’El Encanto 4247 personnes et celle de Puerto Santander 2828. Cette population, pour la plupart indigène, vit le long des principaux fleuves et cours d’eau, dans de petits villages ou de petites communautés.
Un regard sur l’histoire
7Décrit dans les récits mythiques, le territoire traditionnel des « gens du centre » a toujours été en contact avec les différents acteurs indigènes et non indigènes de la société nationale. Bien avant les contacts sporadiques entre les Indiens de la région et les voyageurs et commerçants d’esclaves portugais au xviie siècle, les conflits interethniques et les luttes territoriales avec d’autres groupes natifs témoignaient déjà de rapports sociaux complexes6. L’avancée guerrière des Indiens caribes, par exemple, avait déjà modifié la situation spatiale des groupes uitoto, en les faisant reculer vers le fleuve Igará-Paraná et Cahuinarí (Urbina, 1994).
8Par la suite cette région est restée à l’écart pendant près de deux siècles. Elle n’était alors reliée au reste du pays que par la commercialisation de certains produits exotiques et la diffusion de chroniques de voyages portant sur de courageux aventuriers et naturalistes qui se battaient contre toutes les adversités dans les territoires lointains peuplés d’Indiens sauvages et de cannibales.
9Vers 1900, la société indigène de la région, divisée en groupes et sous-groupes dialectaux, vivait autour des fleuves et de leurs affluents. Ce n’est qu’au début du xxe siècle, à la suite des événements occasionnés par l’arrivée des marchands de caoutchouc et le conflit entre la Colombie et le Pérou, que cette région de forêts denses se transforme définitivement.
10Étant donné la complexité des phénomènes qui configurent cette région d’Amazonie colombienne7, nous nous concentrerons sur les trois acteurs sociaux dont l’incidence sur les populations indigènes et sur les dynamiques actuelles est fondamentale pour comprendre le processus migratoire : les marchands de caoutchouc, l’armée nationale et les missionnaires catholiques.
Le cycle du caoutchouc
11Les commerçants du caoutchouc se sont établis dans la région du medio río Caquetá à partir de 1890, quand la raréfaction du « caoutchouc noir » (Castilla Ulei) dans la région du fleuve Orteguaza, les obligea à se déplacer plus au sud. Au début du xxe siècle, Benjamin Larraniaga et Crisóstomo Hernandez – l’un des premiers caucheros8 –, fondent La Chorrera, le plus important baraquement situé sur le fleuve Igará-Paraná. Puis, Gregorio Calderon fonde El Encanto près du fleuve Cará-Paraná. Le caoutchouc y sera exploité pendant plus de trente ans, ce qui entraînera des changements radicaux dans les modèles d’économie locale et dans les structures sociales des groupes de la région.
12Peu après, le territoire connu comme le « Predio-Putumayo »est vendu à Julio Cesar Arana. En quelques années, sa compagnie, associée à l’industrie anglaise, fonde plus de onze plantations dont les sièges sont situés à La Chorrera et El Encanto. C’est de là que partiront les différents chargements de latex vers Manaos et Belén del Pará, au Brésil. Cette industrie, en plein essor, était basée sur l’endettement. Ce système de travail – qui liait les Indiens aux patrons caucheros et les obligeait à travailler à vie pour payer les outils de production agricole, les vêtements et les vivres – s’est rapidement distingué par la cruauté de ses méthodes et par ses conséquences néfastes sur les communautés locales.
13Comme l’ont montré les recherches sur le sujet (Gómez 2002 ; Gómez et al., 1995) les mauvais traitements, les journées de travail exténuantes, les épidémies et les embuscades tendues aux malocas provoquèrent la mort de plus de 40 000 Indiens sans que le gouvernement ou les autorités n’interviennent. Beaucoup d’Indiens mouraient, et des milliers furent transférés vers le fleuve Napo au Pérou, avec pour conséquence l’affaiblissement des structures sociales des groupes indigènes et la réduction drastique de la population (Pineda, 2000 ; Calle, 1981). La dépendance à l’égard des marchandises, comme en témoignent des auteurs comme François Correa (1989) et Christian Gros (1991) – dans le cas du Vaupés – introduisit définitivement les Indiens à l’économie monétarisée et consolida les inégalités face à une société qui s’avéra être non seulement indifférente mais véritablement hostile envers les habitants de la forêt.
14Après le départ des marchands de caoutchouc et le début du conflit entre la Colombie et le Pérou en 1932, plusieurs familles ayant survécu à ce qui constitue un véritable génocide retournèrent vers leur territoire. Une fois les familles réinstallées dans des régions proches, la limitation du nombre des nouveaux villages et la chute démographique provoquée par l’extermination quasi totale d’ethnies entières (l’exemple le plus représentatif à cet égard est le groupe andoque, réduit à quelques individus) modifièrent les modèles de résidence et d’organisation sociale. Les individus appartenant à des clans et lignages qui habitaient auparavant séparément furent amenés à se rassembler en unités politiques multiethniques et plus étendues comme San José del Encanto, sous l’autorité d’un capitan servant d’intermédiaire entre les communautés indigènes et les différents acteurs de la société nationale (Pineda, 1993).
Le conflit colombo-péruvien et la Colonie pénale d’Araracuara
15En 1922, les gouvernements colombien et péruvien signent l’accord Lozano-Salomon afin de délimiter les frontières nationales de la région amazonienne. Ce n’est pourtant qu’à partir des années 1930 que le gouvernement colombien décide d’être présent sur ce territoire éloigné du centre administratif du pays. L’Unité de Colonisation Militaire, créée pour prendre le contrôle des territoires amazoniens, établit des « colonies militaires » sur les points stratégiques de la région. Parmi ces colonies, certaines comme La Tagua, Tarapaca et notamment Leticia, sont devenues des pôles de croissance et des noyaux de colonisation.
16À la même période, une Colonie pénale voit le jour au pied des rapides d’Araracuara pour qu’y soient enfermés des prisonniers accusés de vol, d’oisiveté et de récidive9. À la fin de leur condamnation, plusieurs d’entre eux restèrent dans la région, devenant ainsi les premiers colons métis. La construction de cette prison, qui s’étendait sur un rayon de 400 km, introduisit de nouveaux rapports sociaux et économiques avec les communautés voisines car les Indiens furent embauchés pour remplir des fonctions de surveillance ou assurer l’approvisionnement en aliments et produits extraits de la forêt. Le monde du pénitencier devint, de ce fait, le moteur de l’économie de la région et la raison des voyages des commerçants qui remontaient le fleuve Caquetá. Cela consolida la dépendance des Indiens à l’économie monétarisée et confronta la population locale à de nouveaux problèmes comme la prostitution ou l’exploitation des ressources naturelles sans planification.
17Dans le même temps, un groupe de civils péruviens prit d’assaut le village de Leticia, arguant de l’invalidité des limites établies entre les deux pays. En peu de temps, ce qui n’était qu’une transgression de l’ordre public se transforma en guerre internationale. La Colombie décide alors d’envoyer une armée entière dans la forêt. Des centaines de soldats et de bateaux à vapeur arrivent pour défendre et occuper un territoire qui, jusque-là, ne faisait pas partie de l’imaginaire national. Si nous tenons à signaler ce conflit international, c’est surtout parce qu’il a marqué l’établissement définitif de l’armée colombienne dans le secteur du medio río Caquetá-Putumayo, une institution pratiquement méconnue dans cette région qui eut pourtant une influence significative sur les populations indigènes en tant qu’acteur de changement culturel.
18Quelques années plus tard, la fin du conflit entre la Colombie et le Pérou entraîna le renforcement de la présence de l’État par le biais de l’établissement de bases militaires, comme Puerto Leguizamo, et la progressive concentration de la population autour de petits centres administratifs. Mais c’est sans doute le renforcement de l’éducation missionnaire qui changea radicalement le destin des populations du fleuve Caquetá et Igará-Paraná ainsi que celui de tous les peuples indigènes du reste du pays.
Les missions religieuses
19Parallèlement à l’arrivée des caucheros, les Indiens assistèrent à un phénomène fondamental de l’histoire de l’Amazonie : l’évangélisation catholique. Bien que la présence de l’Église catholique remonte au xviie siècle – date à laquelle l’Espagne et le Portugal mandatent les ordres jésuites et carmélites pour entamer le processus civilisateur des Indiens –, ce n’est qu’au début du xxe siècle que l’action de l’église se consolide par la signature des Documents de Missions et du Concordat de 1887 entre l’Église et l’État colombien. Les missions furent alors chargées du processus de catéchisation et de « colombianisation » des peuples des territoires nationaux car la loi stipulait que seuls ceux qui adopteraient les coutumes de la vie civilisée seraient éventuellement considérés comme citoyens de la nation.
20En 1902, le Traité des Missions Patries déclara le Vicariat Apostolique du Caquetá responsable de l’établissement de résidences et de « fondations » sur les territoires frontaliers du pays. Les Prélatures de Mission du Caquetá et Putumayo sont alors créées sous la tutelle de prêtres capucins provenant de Catalogne et des Baléares. Depuis leur siège, situé dans le village de Sibundoy, les missionnaires, chargés des images de saints et de martyrs catholiques, font de courts voyages de reconnaissance pendant lesquels ils baptisent les Indiens trouvés en chemin. Ce n’est cependant que dans les années 1930 que les missions s’installent de manière définitive dans la région, avec la création des stations missionnaires de Leticia, La Chorrera, La Pedrera, puis San Rafael del Encanto. Ces institutions deviendront alors les agents les plus importants du changement culturel de l’ensemble du territoire amazonien.
21L’action des missions commence avec l’application d’un modèle de distribution de l’espace. En effet, les missions de cette période (1930-1950) étaient organisées en accord avec une logique coloniale. Il fallait tout d’abord installer un village autour d’une église, d’une maison destinée aux prêtres et d’une école. Le système missionnaire devait ensuite assurer la formation d’une économie de marché qui, en assignant des activités productives à chaque personne, rendait les Indiens « utiles » et « laborieux ». Les centres missionnaires avaient donc un double propos : d’une part, ils fonctionnaient comme des centres éducatifs et religieux ; d’autre part, ils devaient occuper et transformer le territoire par le biais de villages, de chemins, d’infrastructures et par l’établissement de systèmes économiques productifs. Les missionnaires devaient catéchiser la population tout en assurant l’arrivée de la modernité et du progrès dans les régions isolées du centre du pays. Le programme d’évangélisation et de « civilisation » a donc vu le jour et, avec lui, la lutte contre la « barbarie » des peuples, un choix idéologique qui a influencé de manière définitive les politiques menées en direction des populations indigènes.
22En 1935, les capucins et la congrégation connue sous le nom de Madres Lauras se sont définitivement installés à La Chorrera. Comme le montrent les études menées par Roberto Pineda (1987, 2000, 2006), les missions – en offrant une solution immédiate aux besoins matériels et psychologiques des Indiens pendant la crise causée par l’extraction du caoutchouc – tinrent avec succès un discours expressément messianique qui concourra à les faire accepter.
23Puis, dans les années 1950, la Préfecture apostolique d’Amazonie fut constituée afin d’élargir la zone d’influence des religieux aux principales rivières et fleuves du territoire amazonien. La présence de l’Église s’est alors renforcée grâce au monopole administratif des espaces de socialisation, notamment celui de l’éducation publique à travers la consolidation des écoles et des orphelinats. Ces derniers, dénommés « internats indigènes », furent créés afin de répondre aux demandes des survivants et d’installer des missions dans les territoires frontaliers délaissés afin d’assimiler les Indiens au modèle du citoyen de l’époque.
24Plusieurs des villages indigènes qui existent actuellement ont leur origine dans ces écoles, ce qui prouve l’efficacité de la logique de peuplement concentrée autour de cette institution. La vie des populations – qui dépendait de la présence des écoles et des internats – se développait donc autour des activités de nettoyage, d’enseignement, de culture et de vente de produits dans des boutiques attenantes aux écoles (Calle et al. 1979).
25Ayant à sa charge l’éducation des populations des territoires nationaux10, l’internat indigène a utilisé, pour sa réalisation, des notions d’hygiène, de pédagogie et de christianisation. Ses actions, directement liées aux discours sur le progrès et la modernité, avaient pour objectif l’intégration définitive des populations considérées comme inférieures, voire irrémédiablement dégénérées, ainsi que le prétendaient les explications racistes et ethnocentriques qui circulaient dans les milieux scientifiques et politiques depuis la fin du xixe siècle11.
26Si l’assimilation était la seule voie possible pour faire des Indiens des citoyens de la nation, l’éducation semblait l’outil le plus adéquat pour la conversion et l’inculcation des sentiments patriotiques. Car l’internat avait non seulement pour objectif de gagner des âmes pour le ciel, mais aussi et surtout des corps pour la République. Le processus éducatif commençait par l’apprentissage d’un espagnol standard, de la religion catholique, des symboles de la patrie, mais aussi d’un comportement dit civique.
27Dans une optique fortement ethnocentrique et décalée par rapport à la vie des communautés, les enfants indigènes devaient donc abandonner l’usage de leur langue, changer leurs systèmes sociaux de parenté, apprendre à vivre dans des villages organisés à l’image des villes occidentales et oublier les rituels traditionnels, qualifiés de païens par l’église catholique. Ainsi, l’école, en plus d’être un centre de civilisation et de christianisation, réussit à se constituer en tant que mécanisme de contrôle de l’ensemble d’activités quotidiennes (López, 2000).
28Si l’analyse de ce sujet nous semble essentielle pour comprendre les dynamiques actuelles des groupes indigènes, c’est surtout le modèle éducatif maintenu jusque dans les années 198012 qui nous intéresse dans la mesure où l’internat a conduit à la diffusion d’une image assez négative du monde indigène. En surévaluant le système social de la population blanche et métisse, ainsi que leurs objets de consommation, certains professeurs, la plupart non indigènes, ont inculqué aux élèves le rejet de leur propre culture. Mais la façon dont les Indiens valorisent leur appartenance ethnique est néanmoins extrêmement variable et ne peut s’expliquer que par rapport au modèle éducatif missionnaire suivi jusque dans les années 1980. Pour les jeunes générations, ce besoin de se rapprocher de la vie du « Blanc », tout en gardant certains éléments du monde indigène, trouve aussi des explications dans la conjoncture actuelle de la région et dans l’action d’autres acteurs qui, nous le verrons plus loin, ont contribué à la formation des identités ethniques contemporaines.
Quelques facettes de l’Amazonie contemporaine
29Dans la première partie de ce chapitre, nous avons tenté de montrer que les communautés indigènes de la région du medio río Caquetá-Putumayo n’ont jamais existé en dehors des rapports avec les différents acteurs de la société nationale et de dynamiques sociales, économiques et politiques qui s’articulent autour de l’État et du marché. Dans ce contexte, les peuples indigènes ont modifié leur système culturel pour mieux s’adapter aux changements d’une Amazonie appartenant désormais à la nation colombienne et à ses multiples acteurs sociaux. Nous nous concentrerons ensuite sur les enjeux actuels de cette région.
Un jour chez les gens du centre
30Eduardo
Je suis uitoto, j’ai 36 ans et viens d’Araracuara. Dans ma culture, on emmène les garçons dès qu’ils ont cinq ans au mambeadero, le cercle sacré. Puis le père ou le grand-père accomplissent les fonctions de l’ancien, aident à construire les ailes de l’enfant. Ça veut dire l’introduire aux mythes, aux enseignements et au monde tel qu’on le connaît. Moi, dès cinq ans, je me suis assis avec mon père dans le mambeadero, et ce jusqu’à dix-sept ans, pour apprendre ce qu’était notre tradition. Il fallait surtout apprendre ce que sont le tabac, l’ambil, le mambe, la coca ; leur histoire, leurs mythes ; les enseignements ; les chansons ; le respect de soi, de la communauté et de la nature. C’était comme ça, ma vie dans la communauté. Dans la journée, j’allais à l’école où on me castrait. Je dis castrer car les curés nous interdisaient de parler notre langue ainsi que de danser. Ils nous disaient que tout ce qui était à nous, c’était païen.
Moi, j’ai eu beaucoup de chance, parce que j’étais externe. Le matin, j’étais avec les curés, mais l’après-midi j’allais à la chagra13 pour enlever les broussailles, et le soir je restais avec mon père pour écouter les enseignements.
31Martin
Je suis bora, j’ai 28 ans. Je suis né à Providencia. Mon groupe, ma famille, ce sont les gens du perroquet rouge. J’ai commencé à fréquenter l’école primaire à Providencia, mais après, je suis entré à l’internat de la Chorrera pour continuer mes études. L’internat, ce n’était pas si dur parce que les premiers professeurs indigènes avaient commencé à donner des cours. Mais les curés nous donnaient parfois une claque, un coup de règle sur les mains. Je n’ai fait que l’école primaire. On apprenait l’espagnol, les mathématiques et le catéchisme.
Je me souviens toujours des fêtes qu’on célébrait au village. Chaque fois qu’une personne arrivait dans la communauté, on faisait une danse traditionnelle. Mais s’il n’y avait pas de danse, on devait travailler aux champs ou pêcher, comme tous les jours. Ma famille avait un jardin potager, une chagra qu’on déplaçait tous les deux ans. On cultivait de la banane et du manioc. Quand il n’y en avait plus pour la consommation, on recommençait sur une nouvelle parcelle de terre.
32Marcos
Dans ma vie, j’ai toujours été intéressé par la politique. J’ai commencé à l’école primaire où j’ai organisé une petite révolution contre les prêtres pour m’opposer aux cours de religion. J’étais l’un des meilleurs élèves, mais je n’ai pas fini le lycée car j’avais une autre idée en tête : étudier ma propre culture. Puis la lutte pour la reconnaissance du resguardo a commencé.
Comme les autorités traditionnelles ne savaient ni lire ni écrire, je suis devenu leur secrétaire dans toutes les démarches pour la reconnaissance des terres indigènes. J’avais des dispositions pour le faire car j’aimais mambear14 et écouter la parole des anciens. Je parcourais même chaque semaine les 180 kilomètres qui séparent Araracuara de La Chorrera. Plus tard, en 1988, quand le président de la République a formellement donné le resguardo aux communautés, j’ai voulu arrêter de travailler pour retourner à la chagra. Mais je me suis vite rendu compte que d’autres injustices frappaient alors les communautés. C’est comme ça que j’ai commencé ma carrière dans les organisations politiques. Maintenant je m’occupe des processus liés à l’aménagement du territoire, au contrôle des ressources naturelles et à la propriété intellectuelle. J’ai confiance en ma lutte. C’est à mon peuple que je consacre toute ma vie.
33Ces récits de vie des migrants indigènes révèlent l’influence de l’école, des organisations politiques ou même des autorités traditionnelles dans la vie quotidienne des communautés, ainsi que la diversité des activités des indigènes. Ils nous montrent que nous ne pouvons plus comprendre ces communautés amazoniennes comme s’il s’agissait de groupes homogènes. Ainsi, si certains voient aujourd’hui dans la tradition, dans l’apprentissage de la palabra (la parole), une voie pour que leur sentiment d’appartenance à la communauté se perpétue, d’autres trouvent de nouveaux chemins de réalisation personnelle, soit dans le jeu politique soit dans les activités professionnelles liées au monde occidental.
34Quels sont les facteurs qui ont déterminé ces changements dans les communautés ? Dans quel contexte devons nous situer les nouvelles identités ethniques de ces groupes amazoniens ? Nous verrons quelques aspects importants dans la configuration actuelle de ces communautés.
Les économies extractives, le narcotrafic et la croissance régionale
35Après l’essor de l’exploitation du caoutchouc, ce sont les modèles de l’économie extractive et de l’économie d’enclave qui ont produit de nouveaux changements dans la vie des communautés locales. Selon la classification des économies externes en Amazonie, réalisée par François Correa (1989), on peut considérer qu’il y a deux systèmes économiques qui s’installent en parallèle dans la région du medio río Caquetá-Putumayo à partir des années 1970. D’abord, un modèle extractif sporadique et intense comme celui des plumes, des résines, des bois et des fibres végétales. Puis, un modèle d’économie spécialisée et relativement prolongée comme l’or, les gommes, la pêche commerciale et la coca.
36L’introduction de ces modèles économiques a entraîné, en plus des altérations écologiques parfois irréversibles, la consolidation du processus de colonisation et le contact continu avec des marchands qui remontaient les fleuves pour pratiquer des échanges commerciaux avec les Indiens. Cette circulation de marchandises a généré de nouveaux critères de différenciation sociale qui ont participé à la configuration des frontières entre les zones semi-urbaines et les zones rurales sur le territoire. Ainsi, dernièrement, l’économie traditionnelle d’autoconsommation alterne avec la participation directe au système capitaliste, étant donné que les Indiens peuvent garantir l’obtention d’outils de production et de différents produits et biens de consommation culturelle qui circulent sur le marché.
37Afin de mieux comprendre ce qui se passe actuellement dans les communautés, il nous semble important de signaler quelques phénomènes de ces dix dernières années. D’abord, l’arrivée simultanée des groupes armés – les FARC (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia) – et des groupes paramilitaires. Ensuite, la crise économique qui a principalement touché la région de la Chorrera et qui a donné lieu, parmi d’autres phénomènes sociodémographiques importants, au processus de migration qui nous occupe.
38Au sujet du conflit armé, nous tenons à souligner brièvement que la région a été très affectée dans les années 1990 par la présence des groupes armés dont le narcotrafic constitue la base économique. Ce rapport entre cultures illicites et groupes armés irréguliers se situe dans un contexte de conflit généralisé, notamment dans les zones de colonisation du pays.
39En Amazonie colombienne, la guérilla des FARC vise le contrôle de territoires stratégiques et l’obtention de revenus par le biais de l’impôt sur la production, le traitement et le transport de la coca et des produits dérivés. Les groupes paramilitaires, quant à eux, constituent une réponse contre la progression des groupes guérilleros ; cela ne les empêche pas de s’attaquer à la population civile coincée au milieu. Comme la guérilla, les groupes paramilitaires se disputent le monopole des activités illicites ainsi que la souveraineté territoriale de vastes zones adaptées à la culture de la coca. Les actions de ces deux acteurs armés ainsi que les opérations antisubversives menées par l’Armée colombienne ont conduit à une désarticulation profonde des structures sociales se traduisant par la perte d’autonomie des autorités locales, l’affaiblissement des formes de représentation populaire ou le déplacement forcé des leaders politiques.
40Les acteurs non armés se trouvent alors enfermés dans un schéma de forces inégales qui a des coûts sociaux, politiques et économiques très élevés. Au niveau économique, la présence de ces acteurs a produit un affaiblissement des modèles traditionnels de subsistance en implantant des systèmes économiques très individualistes qui encouragent une consommation immédiate des revenus, empêchant la consolidation des modèles de développement local. Au niveau social, le contrôle de la population par ces groupes armés, basé sur la terreur et l’implantation d’un système très strict des comportements – qui comprend des mesures comme la prohibition de la consommation d’alcool et la mise en place d’un couvre-feu – a aussi produit le départ forcé d’acteurs bien implantés dans la région comme les commerçants, les chercheurs et les compagnies aériennes. Face à cette situation, l’armée colombienne a pris Araracuara et a installé une base militaire. Actuellement, les groupes armés ont initié un processus de recul partiel qui ne signifie pas pour autant la disparition définitive de ces acteurs dans la vie des populations de la région. Aujourd’hui, les communautés doivent faire face à la polarisation de la population entre ceux qui restent liés aux activités de la guérilla – car ils y trouvent un moyen de se procurer des revenus constants – et ceux qui s’opposent idéologiquement au contrôle exercé par ce groupe.
41L’influence des groupes armés explique en partie la crise économique que connaît à l’heure actuelle la région. Si cette crise a commencé dans les années 1970, ce sont l’expulsion des commerçants et la fin des couloirs aériens qui ont peu à peu entraîné l’isolement quasi total de cette partie de l’Amazonie ainsi que le manque de moyens d’approvisionnement en vivres et outils de production. La diminution du nombre de grands poissons destinés à la pêche commerciale et à l’autoconsommation a aussi contribué à la dégradation des conditions matérielles des Indiens, notamment des natifs de La Chorrera qui ont été forcés de se déplacer vers Araracuara et Leticia.
42L’ensemble des facteurs énoncés précédemment a configuré différentes zones de contact interethnique ; certaines avec une présence minoritaire d’agents externes et une immersion partielle dans l’économie de marché, d’autres centrées autour d’une économie diversifiée comme à Puerto Santander ou El Encanto. Ces pôles de croissance régionale se sont développés en fonction des voies de navigation et de l’implantation progressive des natifs et des colons (Cardona, 2003). Si ces petits foyers de population ne sont pas encore qualifiés comme des « centres urbains » ou cabeceras municipales, ils concentrent toutefois une offre de services, de logements et d’infrastructures à petite échelle qui entraîne d’importants changements socioculturels liés à l’expansion d’un modèle de vie plus urbain (Gutíerrez et al., 2004 : 17). Ce modèle garde néanmoins ses particularités dans le contexte de vie indigène puisque la plupart des familles partagent leur temps entre de petites maisons situées directement dans les caserios ou petits villages, et des maisons plus éloignées et dispersées dans les environs.
Des indiens aux indigènes
43Un panorama général de la région du medio río Caquetá-Putumayo étant maintenant établi, il nous est apparu pertinent de discuter brièvement du rapport des communautés indigènes avec l’État. Le changement progressif dans les politiques ethniques, résultant de la volonté de l’État de repenser la nation comme une communauté multiculturelle, a été amplement traité par Christian Gros (1991, 1993, 1997, 2000), Eduardo Restrepo (1998), Mauricio Pardo (1998), etc. Nous nous limiterons donc ici à examiner les points clés de cette révolution politique.
44Comme l’ont déjà souligné les travaux de ces auteurs, dans le cas des Indiens, c’est à travers les organisations politiques que les nouvelles générations des dirigeants – hommes et femmes – se sont constituées comme intermédiaires entre les discours liés au développement et une identité ethnique reconnue comme traditionnelle, mais désormais orientée vers l’acquisition des ressources provenant des institutions du réseau global – les banques transnationales, par exemple.
45Ce processus, commencé dans les années 1970 avec l’apparition du CRIC – Consejo Indígena Regional – dans le département du Cauca, constitue une véritable révolution idéologique dans la mesure où il a contribué à poser les bases des revendications qui verront le jour au sein de la nouvelle Constitution de 1991. Avec cette constitution et les lois qui en découlent, le pays est pour la première fois reconnu comme un ensemble pluriethnique et multiculturel, ce qui donne aux membres des groupes ethniques (Indiens, Roms et communautés afro-colombiennes) des droits spécifiques en matière de territoire, d’éducation et d’autonomie politique. Comme l’a dit Eduardo Restrepo (1998), ce processus de reconnaissance juridique et politique entraîna une véritable rupture dans les représentations et les pratiques de l’État colombien. En effet, ces hommes et ces femmes, auparavant réunis sous le terme générique de citoyens, ont désormais le droit de réclamer simultanément leur autonomie et l’aide de l’État, d’avoir des revendications identitaires, de demander leur intégration et de revendiquer des droits généraux qui respectent leurs spécificités culturelles.
46Pour que cette reconnaissance institutionnelle soit possible, il a aussi fallu qu’une valorisation des acteurs ethniques ait lieu à différents niveaux, ce qui a commencé avec la diffusion d’une image positive de ceux-ci, comme une partie importante et nécessaire de la spécificité nationale. Au niveau médiatique, cette image positive a pris de l’ampleur par l’utilisation faite d’un ensemble d’éléments auparavant méprisés par une certaine frange de la population urbaine et des classes supérieures. Citons par exemple, l’essor de la médecine traditionnelle, du chamanisme urbain et de l’artisanat des groupes à présent considérés comme porteurs de connaissances valorisées et applicables au reste de la société.
47Si nous focalisons notre attention sur ce processus de reconnaissance des droits spécifiques des populations indigènes, c’est parce que, d’après Olga Odgers, « … ce qui est en jeu – au-delà du processus de production et de reproduction de la différence –, c’est le statut même de la diversité à l’intérieur du social ; la place que celle-ci pourrait prendre dans la sphère du politique et les transformations que cette nouvelle perception implique dans la délimitation de l’espace privé et de l’espace public des populations en question » (2001 : 195). Les implications de ce nouveau contexte d’ouverture sociale et politique à la différence15 s’avèrent capitales pour le renforcement du processus de resignification culturelle et identitaire dont les groupes amazoniens signalés ont fait l’objet depuis la moitié du xxe siècle. C’est dans ce scénario particulier que les Indiens donnent un sens constamment renouvelé à leur identification comme groupe différencié du reste de la population nationale, un sens qui a entraîné une véritable politisation de l’identité ethnique.
48L’une des implications les plus importantes a sans doute été la constitution des resguardos. Bien que, comme l’a signalé Christian Gros (2000), dans le cas des basses terres, le mouvement politique indigène ne recherchait pas exclusivement la revendication des droits territoriaux, mais plutôt une renaissance culturelle – comme nous pouvons le constater dans le cas de la région du medio río Caquetá-Putumayo –, la reconnaissance d’un vaste territoire et la mise en place d’un projet idéologique visant à la réaffirmation culturelle d’une identité régionale très particulière : celle des « gens de la coca et du tabac ». En effet, c’est d’abord la lutte pour la délimitation du resguardo Predio Putumayo commencée à la fin des années 1980, puis celle menée pour les autres terres protégées qui ont conduit les autorités traditionnelles des différents groupes de la région à renforcer la mise en scène d’une identité positive. Cette démarche de récupération et de renforcement d’une culture définie comme ancestrale devient alors indispensable au moment où l’État doit inclure cette population indigène, sujet de droit sous un statut juridique particulier.
De nouvelles façons d’être indigène
49Il nous semble pertinent de nous demander maintenant ce qui se passe avec les identités ethniques indigènes au quotidien. Tout d’abord, et comme nous l’avons déjà signalé à maintes reprises, les différentes identités des groupes de la région se constituent aujourd’hui dans l’interaction entre une volonté de réaffirmation culturelle et un désir de reconnaissance de leurs particularités culturelles. Cette tendance est bien confirmée par les questions concernant le système scolaire. Comme l’ont déjà signalé des auteurs comme Hugue-Jones (1997), Londoño (1998) et Gros (2000), une éducation, qui garantit un renouvellement des savoirs traditionnels maintenant stratégiques, ainsi qu’un capital culturel suffisant pour affronter au mieux les conditions du monde moderne sont désormais exigés et définis comme un droit des peuples autochtones.
50Nous tenons à dire que dans le cas des personnes avec lesquelles nous avons travaillé, c’est-à-dire des hommes et des femmes entre 18 et 50 ans, cette identité, à la fois particulière et spécifique, est toujours contradictoire, puisqu’elle se construit dans une tension permanente entre se différencier et intégrer, à leur façon, le modèle de vie occidental. Ces identités, directement liées au contexte politique actuel, sont donc le résultat d’une superposition d’institutions traditionnelles et modernes, se traduisant notamment par des changements importants dans les processus et les instances de socialisation et, de ce fait, dans les marqueurs traditionnels d’identité ethnique de ses groupes amazoniens se reconnaissant comme « les gens de la coca et du tabac ».
51Toutes ces transformations, rapportées aux processus historiques, économiques et politiques de la dernière décennie, se sont faites dans un contexte très particulier d’interaction entre l’État et les communautés, spécialement à partir de 1986, année de la délimitation du resguardo Predio Putumayo. Dès lors, la consolidation des organisations politiques, la participation aux revenus de la nation (dans le cadre du système de transferencias) et l’arrivée des ONG ont créé de nouveaux paramètres internes de différenciation sociale. Dans ce contexte, les processus régionaux font de la maîtrise des éléments du monde blanc et du monde indigène une caractéristique très désirable dans la socialisation des Indiens. L’importance de l’éducation scolarisée, la reconnaissance de la valeur du bilinguisme et l’aide apportée par les familles à leurs enfants migrant vers les villes, témoignent du désir d’articulation autour de la société nationale sans pour autant nier les bases culturelles d’une tradition propre.
52Ainsi, dans l’actualité, ces différentes réalités configurent le grand scénario du resguardo Predio Putumayo, un milieu où les Indiens – héritiers du système éducatif missionnaire et des multiples dynamiques de la société de colonisation – doivent aujourd’hui relever le défi de garder et de transformer leurs frontières perméables à la différenciation dans un contexte de contact avec les multiples acteurs qui donnent un sens à leur différence et à leur configuration en tant que groupe social.
Notes de bas de page
1 On retiendra le nom de région du medio río Caquetá-Putumayo pour parler des communautés situées sur le cours moyen du fleuve Caquetá ainsi que sur les fleuves Igará-Paraná et Cará-Paraná.
2 D’après l’étude de Roberto Pineda (2006).
3 Par « territoire traditionnel », nous entendons l’espace physique et symbolique que les acteurs définissent comme leur, en tenant compte d’un corpus varié de délimitations mythologiques, géographiques, légales, etc. Ce territoire traditionnel peut largement dépasser les frontières légales ou d’utilisation physique pour inclure des dimensions symboliques très imbriquées.
4 Les resguardos sont des entités territoriales protégées, définies comme des terres à usage collectif appartenant aux groupes de population autochtones, à l’exception du sous-sol et de ses ressources. La loi les définit comme insaisissables, imprescriptibles et non hypothécables. Ces territoires disposent de leur propre gouvernement – le cabildo – et, de ce fait, du droit de juger leurs habitants selon leurs propres usages et coutumes. Voir plan n° 1.
5 Actuellement, le Predio Putumayo est composé de cinq entités territoriales appartenant au département de l’Amazonas : Puerto Santander, El Encanto, La Chorrera, Arica et Puerto Alegria. En plus des communautés représentatives des Gens du Centre, il y a aussi des communautés d’indigènes, inga, ticuna, matapi, yukuna, entre autres. Les localités indigènes se trouvent sur les rives des fleuves Caquetá, IgaráParaná, Caraparaná et Putumayo.
6 Pour une meilleure compréhension de l’ethnohistoire de ces groupes, voir l’étude de Pineda et Llanos (1982).
7 Pour une reconstruction de l’histoire régionale de l’Amazonie, nous pouvons signaler les travaux d’auteurs comme Juan Alvaro Echeverri, Carlos Franky et Juan José Vieco (2000), Camilo Domínguez et Augusto Gómez (1994), et aussi Roberto Pineda Camacho (2000).
8 Personne qui dirige l’extraction du caoutchouc.
9 Sur la Colonie pénale et son incidence dans les rapports économiques et sociaux de la région, voir Mariano Useche (1998).
10 « Territoires nationaux » était le terme utilisé jusqu’à la Constitution de 1991 pour désigner les régions du pays où la présence de l’État était faible.
11 Au début du xxe siècle, les débats sur l’eugénisme, le déterminisme climatique et l’hygiène reprenaient force dans les milieux intellectuels et politiques de l’époque. Cela, par l’intermédiaire de politiques publiques orientées vers l’amélioration d’une population supposée dégénérée du fait de leur appartenance aux minorités raciales ainsi que de leur localisation géographique dans des secteurs considérés comme hautement nocifs pour l’esprit humain. Pour une étude plus détaillée de ce lien entre discours biopolitique et discours religieux, voir Sánchez (2003).
12 Dans les années 1970, notamment à partir du concile Vatican II, le gouvernement éprouve le besoin de modifier le système éducatif et la ligne d’action pastorale des missions catholiques, en introduisant les notions de respect, de compréhension et de participation des Indiens à la catéchisation. L’objectif est d’améliorer la réception du message évangélisateur et d’empêcher la prolifération d’autres églises, et non de changer les contenus des curriculums pour mieux les adapter aux conditions réelles du monde indigène. Ainsi, même si la signature d’un nouveau concordat en 1973 signifie la perte de l’exclusivité sur l’éducation pour les missions, la continuité du programme d’évangélisation est assurée par le biais de l’« Éducation contractée », c’est-à-dire une figure légale à travers laquelle les internats indigènes, reconnus par le gouvernement, deviennent les seules entités compétentes et disponibles pour assurer l’éducation dans les territoires éloignés du centre du pays (López, 2000).
13 Le mot chagra dérive du mot quechua chakra qui signifie « champ de culture ». En espagnol amazonien, la chagra est un espace ouvert, utilisé pour des cultures temporaires. Ce mode de culture est caractéristique des groupes indigènes.
14 Mambear est un verbe utilisé en espagnol amazonien pour indiquer l’ingestion de feuilles de coca pulvérisées, combinées aux cendres de yarumo (Cecropia sp.). Cette pratique est avant tout réservée aux hommes, notamment le soir, lorsqu’ils dialoguent, transmettent des histoires, s’occupent de guérison, etc.
15 Il faut toutefois remarquer que si la loi et l’imaginaire national sont maintenant plus ouverts à la différence et que la nation n’est plus un ensemble de citoyens abstraits et culturellement égaux, cette image positive de certains groupes ethniques a laissé de côté d’autres identités moins performantes qui n’ont pas été incluses et valorisées de la même façon. C’est le cas notamment de la population paysanne.
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