Postface
p. 145-147
Texte intégral
Juillet 2008, ouvertures et fermetures
1Le 28 avril 2008, le quotidien mexicain La Jornada titrait « Le Sénat votera aujourd’hui les réformes pour dépénaliser la migration clandestine » [28.04.2008]. Les rapports des analystes de la migration (académiques et humanitaires), la somme des publications, le battage médiatique, les pressions de la société civile, des Nations unies et d’autres acteurs politiques nationaux et internationaux ont porté leurs fruits. Cette réforme est aussi le produit des relations bilatérales avec les États-Unis : le Mexique veut contrecarrer les arguments des États-Unis qui lui reprochent de ne pas appliquer sur son propre territoire les droits que l’État mexicain réclame pour ses émigrants dans leur pays voisin. La législation mexicaine s’est harmonisée avec les traités internationaux que le pays a signés et ratifiés en modernisant ainsi les dispositions juridiques en matière des droits de l’homme et en renforçant l’État de droit sur son territoire. Ces réformes ont supprimé ou modifié les articles de la Ley General de Población qui « criminalisaient la pauvreté, la recherche de mobilité, et qui se fondaient sur une politique criminelle contraire au droit pénal qui ne faisait que générer et faciliter l’extorsion, la menace, les abus et l’arbitraire » envers les centaines de milliers de Centre-Américains qui traversent chaque année le pays. Désormais être clandestin, avoir de faux documents ou venir en aide à un illégal n’est plus un délit pénal passible de prison et d’amende, désormais c’est un délit mineur. Pour autant, on ne doit pas attendre trop des effets à court terme de cette réforme car le migrant sans-papiers demeure « un illégal » devant faire l’objet d’une reconduite à la frontière, et il n’y a aucun doute quant au fait que la relation avec les autorités qui détiennent encore le pouvoir d’arrêter le migrant sur sa route va continuer à générer des abus et maintenir les transmigrants dans une extrême vulnérabilité. Avec cette réforme l’État de droit gagne peu à peu, et on l’accueille avec l’espoir qu’elle soit un premier pas vers la gestion réaliste et humaine des flux humains qui ne peut se faire que dans la fluidité des frontières.
2Le 18 juin 2008, de l’autre côté de l’Atlantique, le quotidien français La Tribune titrait « Immigration : les Eurodéputés ont adopté la “Directive Retour” » [18.06.2008] et que quelques jours auparavant le quotidien espagnol La Vanguardia annonçait « Le risque de déshumaniser l’Europe » [05.06.2008]. Les mises en garde de la société civile, du milieu académique et de certains médias, les rapports officiels, et les pressions d’acteurs politiques des États-membres et du monde entier n’ont rien pu y faire : le Parlement européen a doté l’Union européenne de lois communes en matière d’expulsion des clandestins qui permettent notamment aux gouvernements des vingt-sept États-membres de maintenir les immigrés illégaux dans des centres de détention pendant dix-huit mois avant de les expulser. Les enfants non-accompagnés et les familles nombreuses ne pourront être détenus qu’en dernier recours. L’Europe prétend avec ces lois s’enfermer dans une « forteresse européenne » en dépit du réalisme, de l’interdépendance avec les pays du Sud, des liens historiques avec les continents qui ont jadis accueilli ses migrants dans des proportions bien plus importantes, et en dépit des analyses scientifiques et académiques que les États eux-mêmes contribuent à financer.
3De manière dramatique et difficilement compréhensible, les États-membres font mine d’ignorer les tendances démographiques. Inéluctablement l’Europe aura besoin d’hommes et de femmes d’autres continents pour maintenir sa population et son économie, mais avec des lois comme celles-ci, elle se prépare à le faire dans les pires conditions d’intégration et de respect des immigrants, en favorisant la xénophobie et le racisme envers des populations qui vivront sur son territoire mais qui n’y seront pas souhaitées. L’idéal européen d’universalisme qui a formé l’Union Européenne est aujourd’hui mis à mal.
4Les États-Unis, quant à eux, se situent actuellement entre ces deux tendances. La réforme migratoire, remise à plus tard depuis presque dix ans, devra avoir lieu sous la prochaine présidence. Le mur haute-sécurité que George W. Bush avait promis d’élever sur les 3 200 kilomètres avec le Mexique n’est toujours pas construit et ne le sera probablement pas dans sa forme initiale. La nouvelle réforme sur laquelle semblent déjà s’accorder Démocrates et Républicains devrait consister à renforcer considérablement les contrôles aux frontières et les déportations, tout en facilitant la légalisation de millions de clandestins sous certaines conditions [Los Angeles Times, 29.06.08]. Les États-Unis apparaissent dans ces projets de réforme moins répressifs et xénophobes que l’Union Européenne, visiblement plus pragmatiques et réalistes.
5La question migratoire est une priorité pour un grand nombre de pays au Nord comme au Sud : des lois sont votées, des réformes proposées, ici des frontières se ferment et se renforcent, ailleurs on mène des tentatives pour rattraper le réalisme des flux migratoires de l’ère globale. Le siècle qui s’ouvre verra les frontières évoluer, espérons que ce sera dans le meilleur sens pour l’Humain et pour les sociétés.
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