Conclusion
p. 233-234
Texte intégral
La crise pétrolière et la recomposition des pouvoirs
1L’aggravation de la crise remet en cause les scénarios de consolidation économique successivement mis au point depuis 1933, ainsi que l’opportunité de faire avancer la décentralisation et la municipalisation dans le sens souhaité par les groupes régionaux et les promoteurs d’une réforme du système électoral municipal.
2Le gouvernement de M. Lusinchi avait dû négocier le reéchelonnement de la dette vénézuélienne et s’était engagé auprès de la banque internationale à payer cinq milliards de dollars par an pendant les douze prochaines années. Cette priorité donnée à la remise en ordre des finances de l’État, accompagnée de coupes budgétaires, a eu pour premier effet l’abandon du VIIème Plan de la Nation, de la relance économique qu’il prévoyait, ainsi que de la nouvelle méthodologie de « planification stratégique » (planification de situations et interactivité). Le Plan triennal d’investissements publié à la fin 1985 a lui-même été remis en cause, quant à sa faisabilité en raison de la nouvelle chute des prix du pétrole, menaçant de ramener à un niveau inférieur de moitié les rentrées de devises espérées.
3Dans cette phase de contraintes économiques accrues, le gouvernement central mène une action de reprise en main des courroies administratives et techno-bureaucratiques ; ainsi il resserre son contrôle sur les corporations de développement régional, en les rattachant1 à l’organisme central de planification, CORDIP et combat subtilement le régionalisme en ne proposant qu’une décentralisation administrative délégant aux gouverneurs — nommés — des États, certaines attributions des ministères et des organismes de développement.
4L’exemple du Zulia montre que : « la récession, en se prolongeant, a mis à nu les faiblesses des acteurs sociaux. Ceux-ci n’ont pu jusqu’ici que faire une défense assez molle de certains acquis régionaux, voire même de la corporation régionale CORPOZULIA. Aujourd’hui ce qui prime dans la région, c’est un peu le chacun pour soi et la recherche d’un rapport direct avec les pouvoirs centraux pour résoudre les problèmes sectoriels. »2
5Cet affaiblissement du poids politique régionaliste est également perceptible à l’intérieur du parti Action Démocratique au pouvoir. Lors des dernières élections aux instances internes d’A D, il n’y eut guère que l’ancien président de la République, Carlos Andrés Pérez, pour s’engager auprès des candidats « régionalistes » représentant les militants locaux des États de Mérida et du Zulia.
6C’était précisément pendant le gouvernement de Carlos Andrés Pérez qu’une conjonction s’était opérée entre un populisme national désirant faire éclore de nouveaux groupes économiques et les projets novateurs de corporations de développement régional voulant, comme CORPOZULIA, ancrer la région dans une économie mixte industrielle agglomérant anciennes et nouvelles élites. Mais les coalitions d’intérêts régionaux, portées un temps par la croissance et le boom pétrolier permettant de mener de front tous les projets, se fragmentent aujourd’hui que des arbitrages hiérarchisent les priorités d’investissements, et perdent l’appui conjoncturel des secteurs les plus traditionnels.
7Au niveau municipal, la revendication de liens plus directs entre les élus et les électeurs, telle que la portait et diffusait le movimiento de los vecinos, n’arrive pas à aboutir.
8Certes des progrès ont été apportés par la loi Organique du Régime Municipal de 1978 et par ses amendements de 1980. Entre 1958 et 1979 les élections locales avaient lieu le même jour que les élections nationales, ce qui occultait complètement les enjeux locaux, l’élection du président de la République focalisant l’intérêt. En 1979 et 1984 les différentes échéances électorales ont été détachées ; toutefois le délai très court de quatre mois entre élections présidentielles et élections municipales a converti ces dernières : « en un simple référendum national pour amplifier ou ratifier l’appui au parti politique qui a gagné les élections nationales. »3 De plus, le système des listes bloquées est dénoncé par des dirigeants du parti d’opposition MAS et par le mouvement de vecinos comme octroyant aux partis politiques (ce sont Action Démocratique et COPEI que l’on vise) le privilège de constituer les listes municipales en petit comité, sans une participation ouverte qui assurerait une représentativité par rapport à la réalité sociale locale.
9Sans que l’on puisse parler d’un reflux des mouvements régionalistes et municipalistes, il apparaît aujourd’hui clairement que l’austérité économique à laquelle l’État est contraint, et le centralisme interne des deux grands partis décidés à conserver le monopole de l’alternance gouvernementale, donnent un coup d’arrêt à un processus de décentralisation qui évolue de plus en plus vers un centralisme déconcentré.
10Avec les « événements » de Caracas au début 1989, la question de l’encadrement des populations urbaines et d’une gestion rapprochée des périphéries de la capitale semble devoir l’emporter dans les priorités du nouveau gouvernement de M. Carlos Andrés Pérez, sur la question régionale.
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