Pierre Monbeig et le CNRS
p. 193-205
Texte intégral
1Le texte qui suit est la transcription d'un entretien que Pierre Monbeig voulut bien accorder à Jean-François Picard le 16 mai 1986 pour une recherche sur l'histoire du Centre National de la Recherche Scientifique.
2Au début des années soixante, dans un CNRS dont la direction se réduisait alors à une sorte de trinité, aux côtés du physicien Pierre Jacquinot et du chimiste Fernand Gallais, le géographe Pierre Monbeig raconte comment il s'est vu confier la direction des sciences humaines. On ne parlait pas encore de "grands départements" et l'un des intérêts de ce témoignage est justement de porter sur cette période de transformation, peut-être la plus importante de son histoire, qui vit le CNRS passer de l'artisanale caisse des sciences qu'avait imaginé Jean Perrin avant la guerre, à l'établissement public et à la recherche finalisée que nous connaissons aujourd'hui. En 1966, la nouvelle administration scientifique de la Vème République (le CCRST) ayant décidé une réforme en profondeur du CNRS, Monbeig et Gallais perdaient en quelque sorte leurs statuts de directeurs adjoints pour celui moins prestigieux, des responsables de départements. Simultanément, les pouvoirs publics en profitaient pour installer un directeur administratif et financier à la tête de la république des savants.
3On peut se demander ce que la recherche a gagné au changement. A lire le témoignage de Pierre Monbeig, ne se prend-t-on pas à regretter ce vieux CNRS où un directeur prenait le temps de discuter de leurs projets avec ses chercheurs plutôt que de leur imposer quelque apriori comptable et où l'on débattait autour d'une table du destin des Annales de Géographie,... enfin où un président de section du comité national pouvait proposer à deux (ô combien éminents) sociologues de régler leur différent au pistolet à eau ?
4Finalement, le professeur Monbeig eut le privilège d'être le dernier directeur d'une institution de taille encore raisonnable qui n'avait pas eu besoin d'inventer "la gestion des ressources humaines" pour s'occuper de ses chercheurs.
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Dans quelles circonstances avez-vous pris vos fonctions au CNRS ?
En 1963. J'étais bien tranquille, chez moi, ici, quand j'ai reçu un coup de téléphone d'un de mes collègues de la Sorbonne, que je connaissais à peine, Michel Lejeune. Il ne m'a pas dit : « cher collègue » car il n'est pas cérémonieux du tout, mais simplement qu'il voulait me voir, qu'il était Directeur Adjoint au CNRS, qu'il voulait me voir très vite et même tout de suite. Il est venu ici et m'a expliqué qu'il allait quitter le CNRS et qu'il avait pensé à moi pour le remplacer. Je lui ai dit : vous êtes bien aimable, mais en quoi est-ce que ça consiste ? J'ai compris après pourquoi Lejeune avait pensé à moi : Lejeune avait des relations extrêmement amicales avec le recteur Sarrailh qui me connaissait depuis l'époque où j'avais été jeune pensionnaire de la Casa Vélasquez, d'où il venait de sortir. C'est lui qui m'avait fait mettre à la tête de l'Institut d'Amérique latine de l'Université de Paris. Ca a été très drôle, ça se passait au milieu de la semaine ; Lejeune me dit : Pierre Jacquinot, le Directeur Général, voudrait beaucoup vous voir, les choses se passaient à la bonne franquette, venez donc à Gif ! Mais moi je ne savais pas ce que c'était que Gif ! Lejeune m'a expliqué que le CNRS avait un château et un parc magnifique, que les directeurs et directeurs adjoints avaient des petits appartements et qu'on pouvait venir y passer le week-end. Je suis donc allé à Gif où il y a eu une séance de séduction absolument magnifique dans un endroit où il y avait des roses qui sentaient fort bons, nous étions au mois de juin. Là Jacquinot m'a expliqué ce qu'était le CNRS. Il y avait un autre type qui se balladait, Jacquinot l'a appelé : c'était Drach, l'autre Directeur adjoint pour les sciences naturelles était là comme par hasard ! C'était très drôle. Nous avons bavardé et finalement j'ai accepté de succéder à Michel Lejeune. Mais je ne savais pas très bien ce que c'était... J'avais été pendant quelques mois attaché de recherche au CNRS, mais je l'avais complètement oublié : c'était quand j'étais rentré du Brésil après la guerre, je n'avais pas de poste. Puis quand on m'a dit qu'il y avait une maîtrise de conférences à Strasbourg, j'ai laissé le CNRS. Je ne savais pas très bien comment ça fonctionnait.
Vous aviez tout de même l'expérience de la direction d'un laboratoire ou d'une maison importante...
J'avais l'expérience de cet Institut des Hautes Etudes d'Amérique latine et peut-être que Sarrailh, qui s'intéressait beaucoup à cet Institut, qu'il avait créé, avait trouvé que ça ne marchait pas mal. Comme Sarrailh n'avait aucune sympathie pour l'Espagne franquiste il faisait un transfert d'affection pour l'Espagne sur l'Amérique latine.
D'après votre conversation avec Jacquinot quels vous apparaissaient être le rôle et la mission d'un directeur des sciences humaines ?
Jacquinot m'a expliqué le fonctionnement du CNRS, le rôle des commissions et le rôle du directeur adjoint, représentant de l'administration dans les commissions. Il m'a expliqué aussi qu'au fond les directeurs étaient assez semblables aux Présidents de la République au temps de la IIIème République : c'était un pouvoir exécutif. Le Ministère des Finances attribuait un crédit au CNRS (c'était officiellement le Ministère de l'Education Nationale, mais en fait c'était celui des Finances), puis on faisait une répartition entre les différentes branches ou sections, ensuite chaque directeur avec l'aide des chefs de service faisait une répartition entre les commissions pour les crédits, les postes de chercheurs, les collaborateurs techniques, etc. Après quoi on transmettait le tout aux commissions, lesquelles trouvaient normalement que c'était insuffisant, elles engueulaient alors le directeur, d'une manière parfois désagréable ! J'ai proposé un jour à une commission, je ne sais plus laquelle, qui était particulièrement odieuse : « Puisque vous n'êtes pas contents, ne vous en prenez pas à moi, ni au Directeur Général, vous savez qui nous attribue un crédit : c'est le Ministère des Finances, il est là de l'autre côté de la Seine, il y a une passerelle, si vous voulez, si Monsieur le Président veut bien prendre la tête du mouvement, je vais avec vous, on traverse la Seine et on va au Ministère des Finances ». Ils n'ont pas ri, ils ont été scandalisés. Dès qu'il s'agit de toucher au Ministère des Finances...
Qu'est-ce qui vous a frappé dans cette découverte du CNRS ?
J'ai constaté par l'expérience que c'était extrêmement intéressant. Ce qui était particulièrement intéressant pour moi, en tant que Directeur des Sciences humaines, c'était d'être mis au courant, de savoir, de connaître ce qui se faisait dans les autres disciplines. Vous le savez peut-être maintenant, parce que la communication fonctionne mieux, mais autrefois on ne savait pas, tout était très cloisonné. On savait bien qu'il y avait des collègues assyriologues, mais on ne savait pas très bien ce qu'ils faisaient. Tandis que là on les voyait en commissions, on voyait les projets qui étaient déposés, découvrir ce que faisait les uns et les autres était extrêmement intéressant.
Mais le plus remarquable était au fond l'ardeur au travail des universitaires et des chercheurs. Ça travaille beaucoup toutes ces maisons là ! Pour l'extérieur, ça n'a pas la réputation de travailler. Vous, ça ne vous étonne pas que je vous dise que les profs et les assistants, les directeurs de recherche et les attachés de recherche, que tout ce monde boulonne, mais les gens ne le croient pas.
Que pensez-vous des relations du CNRS avec l'Université ?
Je crois que ce qui a été très utile ce fut la création des laboratoires associés, qui étaient d'abord de l'Université et où les gens du CNRS étaient un peu en surnombre. Les chercheurs CNRS voyaient là davantage leurs collègues universitaires. Il me semble que dans les laboratoires associés il y a eu un rapprochement entre universitaires et CNRS. Mais ils ne se sont jamais très bien entendus. Je lisais dans les journaux, ces jours derniers, quelques critiques, véhémentes et non renouvelées, contre le CNRS : ça exhalait fortement l'odeur de l'hostilité de beaucoup d'universitaires à son égard. Certains universitaires voudraient avoir tous les crédits que reçoit le CNRS et se les répartir entre eux. J'ai vu fonctionner un Conseil Scientifique dans une des Universités de Paris, au titre de l'Institut d'Amérique Latine, et je vous assure que du point de vue de la recherche c'était très inférieur à une commission du CNRS. Les petites querelles, les querelles politiques, les querelles personnelles, la suprématie d'une discipline par rapport à une autre, tout ça existe dans les commissions, mais avec moins d'intensité. Les commissions sont un peu mieux équilibrées que les Conseils scientifiques des Universités, en tout cas que celui que j'ai connu.
La formule des laboratoires associés est-elle plus utile au CNRS ou aux Universités ?
Je répondrai que ça a été profitable à la recherche, cela a conduit le CNRS a donner plus de crédits aux Universités. Pas à faire entrer davantage d'universitaires dans les commissions, puisque la proportion est fixée par décret. Ce qu'on peut dire, c'est qu'un universitaire membre d'une commission du Comité National a davantage de chances d'obtenir des moyens que son collègue qui n'est pas membre du Comité National. Il est possible, et même probable, que si je n'avais pas été directeur scientifique du CNRS, je n'aurais pas pu créer le laboratoire associé de l'Institut d'Amérique Latine. Les membres des commissions n'ont pas voulu me faire de rosserie !
Est-ce que de là vient le reproche qu'on vous a fait d'avoir favorisé la géographie ?
Non, mais je l'ai entendu depuis. J'ai entendu dire, je ne sais pas si c'est par Godelier ou par quelqu'un d'autre parmi les nouveaux grands maîtres du CNRS, qu'il avait dit un jour que Monbeig avait beaucoup favorisé les géographes. Je ne sais pas si c'est vrai, on me l'a dit. Pourtant Godelier n'avait pas à se plaindre de moi, j'avais fortement appuyé ses demandes de crédits de mission, quand il était chercheur. Je vous disais l'intérêt que je prenais à entendre les chercheurs : Godelier est venu probablement pour ses histoires de mission et il m'a raconté ce qu'il faisait, ça m'avait intéressé, tellement que je lui avais demandé de venir parler à un séminaire que j'avais à l'Institut de Géographie. Je sentais que mes jeunes étudiants de géographie oubliaient complètement l'existence des sociétés dites primitives. Je trouvais que c'était bien que quelqu'un vienne leur en parler et leur en parler justement en termes assez géographiques.
Est-ce que c'est une situation confortable d'être géographe directeur scientifique, face à une commission de géographie ?
Non. A la commission de géographie j'avais eu quelques difficultés avec une demoiselle collaborateur technique, probablement membre du Parti communiste, très gentille quand on la rencontrait en dehors de la commission et assez odieuse en commission. J'avais une excellente collègue en commission, quand je suis entré, Madame Alice Saunier-Séité qui s'appelait Alice Picard, et qui était représentante du SNESUP à la commission. Il y a eu des dames qui venaient me rendre visite dans mon bureau et visiblement elles essayaient d'être charmantes et charmeuses : elles laissaient un sillage parfumé... Alice Saunier-Séité était de celles-là !
Des décisions de politique scientifique étaient-elles réellement prises par le Comité National ?
C'était aux commissions de décider, et elles décidaient beaucoup. J'ai l'impression qu'elles jouent aujourd'hui un rôle moins important qu'autrefois, d'après ce que j'entends dire à l'Institut d'Amérique Latine par mes successeurs et anciens élèves. Pour les revues par exemple : je suis membre du comité de rédaction des Annales de Géographie et nous avons appris que la direction du CNRS nous refusait la subvention qu'elle nous donnait depuis très longtemps, malgré l'avis favorable de la commission de géographie. Autrefois la direction n'aurait pas osé faire ça. La commission était un parlement, le parlement avait donné son avis, et dans la mesure où il y avait des crédits, nous ne pouvions qu'entériner. J'ai reçu un petit mot de Pierre George qui fait fonction de Président du comité de rédaction, je crois que le prétexte invoqué est que justement les comptes de la revue pourraient être équilibrés... La direction du CNRS n'a absolument pas tenu compte du fait que la revue est envoyée dans des Universités étrangères à titre d'échange et que les revues que nous recevons en échange vont à l'Institut de Géographie de la rue Saint Jacques.
Quelle est la place des sciences de l'homme et de la société au CNRS ?
Elle est perpétuellement menacée, elle est généralement mal vue des pouvoirs. Je dirais presque, quelque soit le pouvoir, mais peut-être moins dans les dernières années, elle était moins mal vue du pouvoir de la dernière législature que des précédents.
Il y a eu des moments où ça allait très mal, par exemple sous Monsieur Pompidou, bien qu'il ait été ou parce qu'il avait été universitaire : ma petite expérience me montre qu'il n'y a rien de pire que les défroqués. Monsieur Pompidou avait manifesté l'intention, tout au moins le disait-on, de faire cesser complètement le recrutement de chercheurs de sciences humaines pendant quelques temps, ou même de séparer les sciences humaines : enfin il avait de très mauvaises intentions ! Ce qui l'a fait changer d'opinion, c'est d'avoir accepté de recevoir la visite d'un certain nombre de maîtres éminents, parmi lesquels il y avait Monsieur Bataillon, administrateur du Collège de France, le Doyen Renouvin, deux hommes sérieux et qui n'étaient pas des révolutionnaires. Bataillon avait une indépendance d'esprit remarquable. Il y avait encore deux ou trois autres personnes dont on ne pouvait pas mettre en doute l'honnêteté intellectuelle, la connaissance des problèmes et l'absence d'idéologie révolutionnaire. Monsieur Pompidou leur a dit : « je ne comprends pas qu'il faille entrer au CNRS pour faire sa thèse ; quand j'étais professeur beaucoup de mes collègues faisaient leur thèse tout en enseignant, alors pourquoi vos assistants ont-ils besoin d'aller au CNRS ? ». Je crois que c'est Renouvin qui l'a mis en boîte, en lui disant voilà ce que font mes assistants : ils ont des copies à corriger, il y a des TP, des tas de trucs, etc. Pompidou a dit : « Je ne connaissais pas cette situation, je ne me rendais pas compte ». Autrement dit il y avait une ignorance profonde de la part d'un homme qui n'avait tout de même pas coupé tous les liens avec l'Université où il avait encore quelques camarades.
Est-ce une filière normale à l'époque, pour les sciences humaines, d'entrer au CNRS pour faire sa thèse et de repartir ensuite dans l'enseignement ?
C'est là une difficulté que j'ai connue, un des problèmes que les commissions et les chercheurs en sciences humaines affrontaient constamment. C'était le point de vue de mes collègues universitaires : leur idée était que quand un assistant, ou un professeur de lycée, avait une thèse bien commencée et qu'il lui suffisait encore de deux ans pour la rédiger et la terminer, on pouvait alors le faire entrer au CNRS. En somme dans leur idée, le CNRS était une bourse de thèse, « trois petits tours et puis s'en vont » !
C'était encore pire chez les historiens que chez les géographes, chez qui il y avait la position des gens qui étaient entrés au CNRS pour finir leur thèse, mais qui parfois avaient le désir de continuer à faire de la recherche et d'avoir très peu ou pas du tout d'enseignement. Certains des universitaires souhaitaient aussi la création de laboratoires propres CNRS dans leur discipline : qui dit laboratoire propre dit un minimum de chercheurs permanents. Il se trouve que chez les géographes cette idée là a gagné un bon nombre de membres de la commission de géographie. Du même coup il y avait une assez forte tendance, à l'Institut de Géographie, à recruter des chercheurs devant rester assez longtemps. On n'envisageait pourtant pas que les chercheurs fassent carrière au CNRS, et la formule même était désagréable. Il arrivait parfois que des chercheurs, au bout de plusieurs années, manifestent le désir de retourner à l'enseignement. C'est pour cela qu'on a créé la possibilité d'un échange, entre assistants et chercheurs surtout, et éventuellement entre professeurs et directeurs de recherche. Ca se fait encore : il y a trois ou quatre ans, un de mes élèves géographes, qui voulait bien quitter le CNRS pour aller enseigner quelques années, a passé un accord avec le caïman de géographie de l'Ecole Normale, qui avait besoin de quelques années pour terminer sa thèse : l'échange a été fait, puis les choses sont revenues à leur état primitif. Mais cette formule n'a pas tellement bien rendu.
...Il y a tout de même une préoccupation, qui me parait raisonnable, c'est qu'il est très bien de faire de la recherche, d'aboutir à quelque chose, mais il faut aussi les faire connaître et se faire tester en ayant des contacts, c'est-à-dire en enseignant. J'ai toujours pensé que c'était une discussion un peu sotte, parce que, dans la pratique, beaucoup de chercheurs de sciences humaines donnaient des enseignements dans les Universités, ils participaient à des séminaires, des travaux pratiques, etc. Il y avait autrefois une réglementation assez stricte : ils avaient droit à trois heures d'enseignement par semaine, mais ils étaient obligés de prendre des subterfuges, de se cacher et quand cela apparaissait, justement, parce qu'ils l'avaient caché, c'était d'autant plus « scandaleux ». Certains venaient même de province, passant à l'époque les nuits dans le train, je n'ai jamais compris comment ils pouvaient à la fois faire de l'enseignement et de la recherche. Je le comprenais d'autant moins que pendant deux ou trois ans, j'ai fait la navette entre Paris et Strasbourg, puis entre Strasbourg et Paris, faute d'appartement, et ce n'était pas drôle ! Quand j'arrivais à Strasbourg pour faire mon cours, après avoir passé la nuit sur la banquette de troisième classe de la SNCF, je n'étais pas très en forme !
Je comprends parfaitement qu'il y ait des gens qui fassent carrière au CNRS. Mais je n'aime pas l'expression « faire carrière ». Etant donné que je n'ai jamais pensé à faire carrière, les hasards de l'existence, la chance si vous voulez, m'ont permis de faire une carrière, mais ça n'a jamais été mon intention.
Quel était le statut des sciences humaines dans un CNRS majoritairement consacré aux sciences expérimentales ?
Elles me sont tout de suite apparues comme étant le parent pauvre, par rapport aux sciences exactes et naturelles. C'était évident. Mais c'est dans la nature des choses, hélas ! Pour travailler nous n'avons pas besoin d'un matériel aussi onéreux que les physiciens ou les chimistes.
Est-ce qu'il y avait des tentatives de collaboration ?
Au début de mon existence CNRS, non. Il y avait des relations personnelles entre certains géographes et les géologues ou les botanistes ou phytobotanistes : c'est le cas de Jean Dresch, qui faisait parfois quelques excursions avec Chouard, le fondateur du phytotron, dont on parlait beaucoup, et avec les géologues. Mais ce n'était pas institutionnalisé. Il y a eu tout de même la création du laboratoire de Caen, le laboratoire de géomorphologie, dont Journaux était le directeur, et où il y eu davantage de participation de géologues ou de pédologues.
Je crois que c'est immédiatement après mon départ qu'il y a eu un remodelage des commissions du CNRS et on avait essayé de créer une commission d'archéologie. C'était une très belle idée, mais c'est le genre de choses où il y a toujours une minorité qui finit par être accablée. Les géographes y étaient minoritaires. On y trouvait des arabisants, des linguistes ou des spécialistes de la philosophie, on y trouvait les indianistes et on y trouvait les archéologues du Proche Orient, les archéologues de l'Amérique latine : ces gens n'avaient pas beaucoup de points communs, ils se disputaient.
Les sociologues aussi se disputaient. La première séance de la commission de sociologie à laquelle j'ai assisté était épique : j'étais affolé, j'étais bizuth, complètement ! Elle était présidée par Raymond Aron, il y a eu une prise de bec entre lui et Georges Gurvitch, il parait que ça arrivait souvent, mais je n'étais pas dans le coup, je ne savais pas, ils se sont menacés, ils étaient sur le point de sortir de la salle pour aller se battre dans le couloir. J'étais nouveau, je ne savais pas très bien quelle contenance prendre, pauvre président de la République, pauvre pouvoir exécutif ! Heureusement Stoetzel a eu du calme et du sang froid et les a calmés tous les deux en disant : « Attendez un peu avant de sortir, je vais sortir avant vous et aller vous chercher des pistolets à eau, et vous règlerez cette affaire ». Au fond tous les deux ont été très contents de cette issue, mais ils étaient furieux ; pourtant Raymond Aron était très calme dans les débats, mais il ne pouvait pas souffrir Gurvitch qui le lui rendait bien !
Quand la réforme du CNRS en 1966 a introduit un adjoint auprès de vous, comment vous êtes-vous réparti les sections avec Pierre Bauchet ?
Selon nos goûts et nos tendances. Il était par exemple tout à fait normal que Bauchet s'occupe de la commission de sciences économiques et de sciences juridiques et politiques. Ca s'est fait sans problèmes. Il a pris la sociologie, j'étais ravi de la lui laisser...
Avez-vous gardé les commissions d'histoire ?
Je les ai gardées, c'était normal, y compris l'Antiquité classique. Bauchet n'en avait aucune envie et n'y connaissait rigoureusement rien. C'était tout à fait normal : j'avais été et j'étais professeur de Faculté des Lettres, j'avais tout de même eu davantage de rapports avec les latinistes et les hellénistes.
Et la philosophie, la linguistique ?
Je crois bien que Bauchet a pris la linguistique, parce que ça l'intéressait, peut-être aussi parce que dans la linguistique, il y avait des hispanisants et que comme j'étais latino américaniste les hispanisants ne m'aimaient pas beaucoup ! C'est un autre sujet de querelle, pas tellement au CNRS, mais surtout à l'Université. Beaucoup d'hispanisants n'ont pas encore compris que les colonies de l'Espagne se sont révoltées et sont devenues indépendantes. Ils veulent toujours voir les pays d'Amérique latine à travers l'hispanisme. J'ai été amené à leur dire : « Vous êtes pires que le Général Franco, c'est l'hispanidad et le jour de la race ». Il faut être Franco pour faire ça, mais il faut être un hispanisant pour marcher.
Est-ce que vous avez éprouvé le besoin d'avoir une administration à vous en tant que directeur scientifique au CNRS ?
Je n'étais pas tellement accablé de besogne. J'éprouvais le besoin de connaître le plus possible les chercheurs ou les « clients » du CNRS, les universitaires. Bauchet a très vite pris un coadjuteur, moi je n'en éprouvais pas le besoin, j'aimais bien recevoir. C'était long, ça me prenait du temps : je n'ai pas pu travailler pour moi quand j'étais au CNRS, du coup j'en ai un peu perdu l'habitude. Je vous ai dit tout à l'heure que j'avais pris un très grand intérêt à connaître les projets de recherche, les idées de tous mes collègues dans toutes sortes de disciplines, de la même manière je prenais un très grand plaisir intellectuel à entendre untel ou untel qui venait dans mon bureau. Ca se terminait toujours de la même manière : « Monsieur j'aurais besoin d'une mission pour ceci, j'aurais besoin de cela... », mais il m'avait expliqué tout ce qu'il faisait, c'était passionnant et ça m'aidait pour répondre aux gens qui dans la vie courante disaient : oh les chercheurs du CNRS ne fichent rien, ils ont une bonne pantoufle.
Vous avez vu qu'il y a des bureaux du CNRS sur le palier d'à côté1 Un beau jour j'ai vu qu'on posait une plaque et l'année dernière ou il y a deux ans, un samedi soir, des cambrioleurs sont entrés dans les bureaux du CNRS. Eh bien le dimanche matin, il y a un chercheur du CNRS qui est arrivé pour travailler, il a été sidéré en voyant la porte enfoncée. On n'avait rien volé, les machines à écrire étaient trop lourdes ! Ils avaient transféré ma télévision au CNRS et l'avaient laissée là, probablement pour les distraire un peu ! J'en ai tiré cette conclusion que le dimanche il y a des chercheurs qui travaillent.
Quelle a été selon vous l'évolution la plus négative du CNRS ?
Je pense que j'ai eu la malchance d'assister à une évolution qui a fait que cette maison est devenue de plus en plus administrative, perdant beaucoup de son indépendance sur le plan administratif et du même coup peut-être sur le plan scientifique. J'ai vu se développer la tendance du contrôleur financier, du directeur administratif et financier, à opiner sur les projets de recherche. Je n'ai jamais compris pourquoi le contrôleur financier s'opposait, faisait des difficultés pour envoyer une subvention de mission à un latino-américain dans son pays pour travailler dans les archives de son pays. En quoi est-ce que ça le regardait ? Le crédit existait. C'était à la commission d'histoire et à moi de décider si le projet était bon ou n'était pas bon, si ce chercheur pouvait le mener à bien ou pas, mais pas au contrôleur financier.
Remarquez le contrôleur financier n'était pas méchant, on pouvait discuter avec lui, il était payé pour ça. Le directeur administratif et financier, conseiller d'Etat, Claude Lasry était un grand monsieur, mais il y avait des choses qu'il ne comprenait pas du premier coup. Je sais qu'un jour il protestait parce qu'il y avait eu une attribution de crédits à quelqu'un qui faisait une recherche sur un puissant ecclésiastique de France au xvème siècle : il disait : « Mais enfin, en quoi ça m'intéresse de savoir ce qu'il mangeait à son petit déjeuner ? » Alors je lui ai expliqué en quoi c'était intéressant, que ça pouvait permettre de savoir quel était le niveau de vie dans une certaine classe de la société française et comme en même temps il y avait d'autres recherches sur l'alimentation dans des classes inférieures, c'était là un thème historique qui jusqu'alors n'avait pas été très bien utilisé. Il a compris : « Je n'avais jamais pensé à ça ! ». Mais sa première réaction montrait qu'il était là pour juger de l'intérêt scientifique de la recherche.
Avec l'introduction au CNRS de ces hauts fonctionnaires, il y a donc eu une espèce de rivalité, une rivalité sourde, entre eux et les experts scientifiques du Comité National.
Oui, une rivalité sourde... Comme Claude Lasry et Pierre Creyssel, son successeur, étaient des gens fort bien élevés, ça ne faisait pas d'éclats, nous avions des relations personnelles. Mais leur présence a fait que l'administration est devenue une chose effroyablement compliquée, à partir du moment où il y a eu un directeur administratif et financier, la machine administrative du CNRS s'est compliquée, les réglementations, les instructions se sont multipliées rédigées dans des termes que le commun des mortels ne comprenait pas. Très souvent dans les laboratoires, les collaborateurs techniques qui étaient chargés de la partie administrative, dans les laboratoires propres et surtout dans les laboratoires associés, se grattaient la tête pour essayer de comprendre ce que voulaient dire les circulaires qui venaient de l'administration.
Quelle était la personnalité des différents sections du Comité national ?
Chaque commission avait son atmosphère. Il y avait des commissions désagréables parce que les membres étaient désagréables entre eux. C'était le cas au début en préhistoire anthropologie et ethnologie : il y avait des chamailleries entre préhistoriens, anthropologues, africanistes et américanistes ! Il leur a fallu plusieurs années pour réussir à trouver un modus vivendi, une manière de se répartir les crédits. Il y avait une commission où les gens n'étaient pas faciles non plus c'était langues et civilisations classiques : on avait l'impression qu'il y avait quelques vieilles rivalités qui devaient dater du temps des concours d'entrée à la rue d'Ulm, de nomination à une chaire... Je ne sais pas si ça a changé, mais autrefois les professeurs de faculté étaient très attentifs aux titres et à la gradation de chargé de cours, maître de conférence, professeur sans chaire, professeur titulaire, c'était affreux. Un professeur titulaire n'aurait pas supporté facilement qu'un professeur sans chaire passe devant lui à une porte ! Ca se ressentait un petit peu dans les commissions...
Chez les sociologues, les querelles étaient épistémologiques, les querelles politiques étaient camouflées par précaution. Raymond Aron a été un remarquable président de la commission de sociologie, à l'exception de ce pur où il a failli se battre en duel avec Gurvitch, il a fait mon admiration par sa sérénité et son impartialité, par l'attention qu'il portait aux propos que tenaient les membres de la commission, aux avis souvent contradictoires qu'ils portaient sur telle candidature ou promotion, sur les publications. C'était vraiment un président extraordinaire, dans un milieu où justement il aurait été tentant de se laisser entraîner par les bagarres. Il essayait le plus possible de se tenir au dessus de la mêlée. Il avait sur ses collègues une autorité morale et intellectuelle incontestable. Je le dis d'autant plus que je ne partageais pas tous ses points de vue.
Quand je suis arrivé en 1963 la commission de sciences économiques était dans les Sciences Humaines, et j'ai eu le plaisir d'y faire la connaissance de Monsieur Raymond Barre. Quand il était Premier Ministre, me rencontrant à je ne sais plus quel occasion à la Bibliothèque Nationale, il m'a tout de suite dit : « Ah ! mon cher collègue comment allez-vous ? », ce qui prouve qu'il a de la mémoire, c'est essentiel pour un homme politique. Je ne l'ai jamais vu dans les couloirs de Sciences Po, j'y mettais très peu les pieds pour une raison très simple : l'Institut d'Amérique Latine, rue Saint Guillaume est en face de Sciences Po, et en accord avec Chapsal, comme les salles de Sciences Po étaient très demandées alors qu'à l'Institut il y avait à ce moment là de la place disponible, j'y faisais mon cours. J'aimais assez ce cours de Sciences Po, j'avais l'impression que les gens qui venaient là en général venaient parce que l'Amérique latine les intéressait.
Ce n'est pas comme à HEC, c'est un de mes plus mauvais souvenirs de mon existence d'enseignant : une année on m'a demandé de faire cinq ou six conférences aux élèves d'HEC sur l'Amérique latine. L'amphi était plein : ils étaient 250-300, je n'ai jamais vu un chahut aussi épouvantable. A la fin tout de même j'ai réussi à pouvoir parler seul et je leur ai dit : « j'avais entendu dire que HEC ça voulait dire : honorabilité, élégance, chic, vous ne m'en avez pas donné la démonstration ! Je reviens la semaine prochaine, mais si la semaine prochaine vous vous comportez comme aujourd'hui, je ne reviendrai pas une troisième fois. » La semaine d'après, ça s'était arrangé. Ce n'était pas un cours à option, on les obligeait et c'était stupide : ils avaient parfaitement le droit de ne pas s'intéresser à l'Amérique latine et de préférer la Scandinavie ! Ceux que ça n'intéressait pas s'étaient mis dans le haut de l'amphi ils ont sorti leurs journaux et ceux que ça intéressait étaient dans les premiers rangs, ils écoutaient, ils m'ont posé des questions et un jour ils m'ont invité à déjeuner avec eux et à me poser encore des questions.
Ensuite, il fut question au CNRS de créer des commissions horizontales ou des intercommissions...
Il me semble que ce genre de commissions horizontales a commencé à fonctionner pendant que j'étais encore directeur scientifique, pour l'attribution de crédits de publications. J'avais à l'Institut d'Amérique latine les Cahiers des Amériques latines, avec des articles d'histoire, de sociologie, de géographie, c'était vraiment interdisciplinaire. Le personnel administratif du CNRS envoyait la demande de subvention à la section de géographie parce qu'elle était signée par moi, elle aurait aussi bien pu aller devant la section d'histoire, mais on ne pouvait pas passer devant toutes les commissions. Dans un cas comme celui là, et ce n'était pas le seul, des commissions interdisciplinaires sont utiles.
Pour rester dans l'interdisciplinarité, quel a été le rôle des RCP, "Recherches Coopératives sur programmes" créées en 1958 ?
Ça dépendait des "repistes" Je crois qu'il y a des RCP qui ont bien fonctionné et qui ont donné des résultats. Il me semble que ça a été une entreprise intelligente et assez fructueuse. Mais je ne sais pas pourquoi on a créé les ATP (Actions thématiques programmées lancées en 1971). Par goût de la complication administrative ! C'est l'impression que j'ai eue à ce moment là et je n'ai pas cherché davantage à comprendre. A la fin de mon existence directoriale au CNRS, j'avais un peu renoncé à comprendre les complications administratives et ce souci de faire compliqué alors qu'on pouvait rester dans le simple. Je ferai beaucoup de peine à Hubert Curien2 s'il m'entendait dire ça. Je n'ai pas envie de lui faire de la peine, c'était un très agréable directeur général, on s'entendait très bien. Il s'intéressait aux sciences humaines, sans en avoir l'air, il était au courant et il ne les méprisait pas du tout.
Et parmi les anciens directeurs comme Jean Coulomb ou Gaston Dupouy ?
Il y avait, je ne dis pas une institution, mais une pratique, quand je suis arrivé au CNRS, que j'ai trouvé très utile : il y avait une fois par semaine dans la matinée, si je me rappelle bien c'était le mardi, dans le bureau de Jacquinot, une réunion d'un Comité de direction qui n'avait absolument aucun caractère officiel, qui comprenait le directeur général les deux directeurs adjoints et des anciens : Coulomb venait très régulièrement, Champetier venait aussi, quand Dupouy passait à Paris il venait aussi. D'abord c'était très agréable et c'était très utile parce qu'ils pouvaient faire des comparaisons avec tel ou tel cas qu'ils avaient connu. Lejeune faisait d'aimables caricatures à la manière de son frère Jean Eiffel.... De temps en temps on demandait à Monsieur Gabriel ou à Madame Niéva de venir participer. Très rarement à Madame Plin3, parce que Champetier avait une dent contre elle : elle lui avait fait des difficultés quand il allait à Toulouse pour la réunion du Comité de direction d'un laboratoire propre assez important et il avait demandé à avoir un wagon lit pour aller à Toulouse. Il avait été obligé de se fâcher et elle ne le lui avait pas pardonné !
Finalement comment justifieriez-vous l'existence des sciences de l'homme et de la société au CNRS ?
D'abord d'une manière tout à fait empirique : ça permet tout de même aux sciences humaines et aux humanités, qu'on avait tendance à appeler les littéraires pour les distinguer des sciences humaines, d'avoir des crédits, sinon elles rien auraient pas, en vertu de la loi du plus fort. Le géographe perdu dans une commission de géologie a les rogatons, les miettes, parce qu'il est tout seul. Il y aurait un CNRS qui ne s'appellerait pas scientifique, un CNRS sciences humaines autonome, vous pouvez être persuadé que le Ministère des Finances lui donnerait encore moins qu'actuellement ! Au sein du CNRS, dans la répartition des crédits, nos collègues scientifiques ont tout de même une certaine connaissance, une certaine culture...
Si vous étiez en face d'un Inspecteur des finances qui vous demande pourquoi il y a des sciences sociales au CNRS, vous ne pourriez pas lui répondre ce que vous venez de nous dire ?
J'essayerais d'être sérieux ! Je répondrai que les sciences sociales ont fait des recherches : l'histoire n'est pas terminée parce qu'on sait que la Bastille a été prise le 14 juillet ! Il faudrait que je lui explique ce que j'ai un jour essayé d'expliquer à un de mes beaux-frères, qui était un des plus éminents pédiatres de Paris, et qui me disait : « mais qu'est-ce qu'on peut encore faire en histoire ? » Et ma femme, sa sœur, est historienne... C'est la réaction de gens très cultivés, mais qui ne savent pas... Il faudrait essayer d'expliquer ça à l'Inspecteur des Finances, il le sait peut-être pour l'histoire, parce que l'histoire a fait des progrès considérables, on publie des livres d'histoire en quantité. Les géographes ont été idiots, ils n'ont été capables d'écrire que pour leurs étudiants et leurs collègues. Ils passent leurs temps à courir après le fric au lieu de travailler ! J'ai vu ça un peu quand j'avais un laboratoire associé à l'Institut d'Amérique latine : je n'avais pas beaucoup le temps de m'en occuper, mais j'avais des collègues chercheurs plus jeunes que moi qui faisaient ça et le font toujours : ils passent leur temps à courir après des contrats. On arrive à des choses absurdes : le laboratoire associé a bénéficié d'un contrat avec le Ministère de l'Urbanisme, qui avait lancé une recherche sans spécifier que c'était en France. On a quand même obtenu quatre sous.
Est-ce que ça n'a pas un côté positif pour les sciences humaines d'être obligé de tester leur capacité à se vendre, à raisonner en terme de concurrence ?
Peut-être, peut-être, mais ça fait perdre tellement de temps. Et il faut avoir du personnel pour faire ça, il faut avoir quelqu'un qui tape à la machine, on rien a pas toujours ou on n'a pas de machine... Et surtout il ne faut pas prendre sa retraite, parce que quand on prend sa retraite on n'a plus rien, on n'a plus de bureau. Claude Lévi Strauss l'a dit un jour dans une interview, chez Bernard Pivot, maintenant qu'il est à la retraite, il n'a plus de bureau il est obligé de taper son courrier lui-même... Tout ça parce qu'il est sciences humaines ! Nos collègues scientifiques continuent d'avoir un bureau dans leur labo, mon beau frère Piveteau continue tous les jours d'aller dans son labo au Muséum !
Notes de bas de page
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