Le Laboratoire associé 111 : du CEPES au CREDAL
p. 183-191
Texte intégral
Ce qui m'a attiré vers la Géographie, c'est un certain goût pour les problèmes politiques, économiques et sociaux. "Pierre Monbeig.
1Géographe, mais aussi à moitié historien par sa formation, Pierre Monbeig a toujours été convaincu que l'ouverture vers les autres disciplines était nécessaire. Lors de son long séjour au Brésil, de 1935 à 1946, il avait développé ses liens avec les autres sciences sociales, grâce aux relations personnelles établies alors avec les historiens (F. Braudel), les ethnographes (R. Bastide, C. Levi-Strauss) et les économistes (R. Courtin, F. Perroux). Sa thèse de géographie intègre des démarches propres à l'histoire, à l'économie et même à la psychologie. Ce caractère pluridisciplinaire de sa géographie humaine, bien affirmé à son retour du Brésil, tranche, selon ses propres termes, par rapport au caractère "sacralisé" et souvent hermétique de la géographie alors enseignée à l'Université.
2Il n'est donc pas étonnant qu'il mette en place dès 1958, au sein de l'Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine qu'il dirige, non pas un centre d'études géographiques mais le CEPES - le Centre d'Etudes Economiques et Sociales pour l'Amérique latine - qui a pour objectif d'organiser des séminaires de recherches.
3Pendant dix ans le CEPES enracine une pratique de réflexion et de recherche sur l'Amérique latine, avec la collaboration de spécialistes chargés de conférences à l'IHEAL. Dans la deuxième moitié des années soixante, le retour d'Amérique latine de géographes, sociologues et historiens français venant soutenir leur thèse et se réinsérer au CNRS ou à l'Université permet la cristallisation d'un projet de centre de recherche au personnel permanent ; les RCP (recherches coopératives sur programme du CNRS) d'Alain Touraine ("Implications sociologiques de l'industrialisation en Amérique latine") et d'Olivier Dollfus ("Rôle régional des villes en Amérique latine") avaient également préparé le terrain. En 1968, le C.N.R.S. qui, à cette époque encourageait le regroupement par équipes interdisciplinaires autour de programmes précis, accepta la création du Laboratoire Associé 111, qui reprit l'intitulé du CEPES.
4On retrouve Pierre Monbeig aux deux pôles de cette initiative volontariste, en tant que directeur de l'IHEAL et en tant que directeur scientifique du CNRS pour les Sciences Humaines. A son poste au CNRS Pierre Monbeig mène en effet une politique de structuration de la recherche par zones géographiques et aires culturelles. Mais ce n'est qu'après avoir appuyé la création du Laboratoire d'Etudes africaines (Paris) et du Centre de Géographie Tropicale (CEGET-Bordeaux) qu'il porte son effort sur l'Amérique latine et qu'il prend lui-même la direction du LA 111 jusqu'à sa retraite (1978).
5Le LA 111 est rattaché à la Section de Géographie du CNRS, du fait de la discipline de son fondateur et du nombre de chercheurs CNRS relevant de cette section. A l'évidence les géographes ont bien été au cœur de la définition des programmes et du dynamisme collectif du LA 111 depuis sa création, et ceci pour deux raisons fondamentales : l'affinité, l'entente entre les chercheurs géographes qui dès le départ prirent l'habitude de travailler sur des projets communs, et l'ouverture de la Commission de géographie du CNRS qui les a considérés comme géographes à part entière et non comme des marginaux latinoaméricanistes, ce que n'ont su admettre pour leurs propres chercheurs des commissions comme celle d'Economie et même d'Histoire.
6Mais la structure du laboratoire reste bien pluridisciplinaire. Pierre Monbeig a constitué le LA 111 en quatre groupes à dominante disciplinaire : Sociologie-Démographie, Géographie, Economie, Histoire moderne et contemporaine. Un cinquième groupe, apparu plus tard, celui d'Ethnohistoire, dura deux ans, disparut par suite de divergences scientifiques entre les membres et de la médiocrité des crédits alloués par la Commision du CNRS ; il devait renaître sous forme d'une équipe dans les années 80.
7Le LA 111 comprenait également dès sa naissance un fort volet documentaire en assurant une cogestion du centre de Documentation de l'IHEAL sous la coordination de Claude Bataillon, avec la collaboration de Marie Noëlle Pellegrin et Hélène Le Doaré. Depuis 1966 l'IHEAL avait organisé ce centre et collaboré à un travail de documentation réalisé sous la direction d'Alain Touraine pour sa RCP qui prit fin en 1967 ; à partir de cette même année le Centre de Documentation assura des travaux analogues pour la RCP dirigée par Olivier Dollfus. A ces travaux documentaires spécifiques le Centre de Documentation ajouta un travail permanent de documentation de base : fichier de dépouillement d'articles de revues, dossiers sur les organismes réalisant des études et publications en sciences humaines, recherches bibliographiques limitées, publications (ex : recensements latinoaméricains disponibles dans les bibliothèques parisiennes). En outre, le LA 111 participe au développement de la bibliothèque de l'IHEAL en y affectant des personnels CNRS (Mmes Lefort et Duport) et en finançant des acquisitions.
8Le LA 111 bénéficiait au moment de sa création de l'affectation de plusieurs chercheurs du CNRS :
9en Géographie Claude Bataillon, Yves Leloup, Jean Revel-Mouroz ; en Economie Raymond Prats et Louis Jeanjean ; en Sociologie Henri Favre, Michel Gutelman, Luciano Martins ; en Histoire, la politique des postes accueils menée par la Commission permet une rotation, avec Jean Meyer, Jean Piel, Andrée Diniz-Silva.
10Ce noyau de permanents et la participation d'enseignants-chercheurs en poste dans d'autres établissements (notamment Claude Collin Delavaud et Olivier Dollfus pour les géographes, Jean-Pierre Berthe et Frédéric Mauro pour les historiens, plus tard Pierre Duviols et Nathan Wachtel pour les ethnohistoriens) donnent un point d'ancrage à l'IHEAL (qui n'a encore aucun enseignant titulaire) au moment où celui-ci est heurté de plein fouet par la réforme universitaire et la fragmentation de l'ancienne Sorbonne qui lui font perdre son autonomie inter-facultés.
11L'existence du CREDAL facilita également la création du DEA et Doctorat "Etudes des Sociétés latinoaméricaines", en 1974. Pierre Monbeig concentrait désormais les responsabilités de directeur de l'IHEAL, du LA 111 et du DEA : lourde tâche sans doute, mais aussi position bien favorable pour maintenir la cohérence du projet initial, celui du principal pôle français d'études sur l'Amérique latine. En renforçant l'ancrage dans les "sciences sociales" de l'IHEAL, le CREDAL contribua sans doute à ce que l'IHEAL ne soit pas fondu à la fin des années soixante-dix dans une ectoplasmique UER de "Langues Romanes" que tenta d'imposer un ministère des Universités qui escomptait un laissez-faire de l'Université. Mais déjà Pierre Monbeig avait quitté ses fonctions, et ce furent Jean-Pierre Berthe pour l'IHEAL, Claude Collin Delavaud pour le LA 111 et le DEA qui menèrent alors le combat en s'appuyant sur une forte mobilisation des personnels de l'IHEAL et du CREDAL.
12Pendant sa décennie (1968-78) Pierre Monbeig sut canaliser vers le LA 111 de nouvelles forces : une nouvelle vague de recrutement de jeunes chercheurs CNRS (Hélène Rivière d'Arc, Anne Collin Delavaud, Martine Droulers, Graciela Schneier, Hervé Théry chez les géographes, Thierry Saignes en Histoire, Julio Neffa en économie) vient compenser et au-delà, les départs dus aux promotions dans les carrières universitaires. Les premières nominations d'universitaires à l'IHEAL viennent renforcer ce mouvement avec l'arrivée de sociologues comme Christian Gros et Jacques Chonchol.
13Plusieurs styles d'organisation caractérisent alors le laboratoire 111 : Pierre Monbeig assure directement une coordination souple des géographes, avec la tenue de séminaires réguliers autour de programmes collectifs ; Frédéric Mauro bâtit un vaste réseau de thésards et de correspondants étrangers historiens ; Jean-Pierre Berthe et Henri Favre organisent de petites équipes, respectivement d'histoire coloniale et de sociologie/ethnologie des sociétés indiennes (l'ERSIPAL - Equipe de recherche sur les sociétés indiennes-paysannes en Amérique latine- est constituée en 1974 sur la base d'un séminaire et d'un système de documents de travail, initiative qui sera reprise par d'autres équipes du laboratoire). Chez les économistes le style universitaire l'emporte : ce secteur économie, appuyé de l'extérieur par les Professeurs Leduc et Barrère (Paris I) qui enseignaient également à l'IHEAL, ne se structurera véritablement en petites équipes que dans les années 80. La direction de thèses et le réseau international l'emportent ici sur le fonctionnement par projets collectifs.
14C'est au sein du LA 111 que sont alors préparées des thèses (même si parfois les directeurs sont extérieurs à celui-ci) qui marqueront des années plus tard la production scientifique française latinoaméricaniste : thèse de Thérèse Bouysse en anthropologie (médaille du CNRS), de Jean-Pierre Lavaud et Luciano Martins en sociologie, de François-Xavier Guerra en histoire, de Marie-Eugénie Cosio en démographie... C'est alors que sont préparés les dernières thèses "brésiliennes" sous da direction : Hervé Théry et Martine Droulers.
15Grâce à la liaison établie avec la Formation de DEA/Doctorat de l'IHEAL, ce sont aussi plusieurs dizaines de thèses de troisième cycle qui sont lancées à partir de 1975/76 sur les axes de recherche du CREDAL ; et ici les jeunes chercheurs latinoaméricains sont les plus nombreux.
16Tout en accroissant ses forces, le LA 111 apparaît comme une plateforme vers des postes universitaires ou vers la création de nouvelles équipes provinciales : Claude Bataillon va fonder le GRAL à Toulouse, Yves Leloup et Michel Foucher implantent la géographie latinoaméricaniste à Lyon, Jean Meyer crée l'Institut d'Etudes Mexicaines à Perpignan (dans les années 80 cet essaimage se poursuivra, Nathan Wachtel créant le CERMACA à l'EHESS et François-Xavier Guerra développant le centre de recherches historiques hispanoaméricaines à Paris I).
17Les liens tissés par Pierre Monbeig avec Bordeaux (en particulier avec Guy Lasserre, alors directeur du CEGET), et Toulouse II le Mirail, préfigurent également la constitution du réseau d'études de l'Amérique latine qui prendra forme en 1978/79, à l'initiative de la Mission de la Recherche et de latinoaméricanistes comme Olivier Dollfus et Romain Gaignard. En 1980 le CNRS crée le GRECO 26 "Réseau Amérique latine", à vocation documentaire, et en étend les fonctions à l'animation de la recherche en 1988.
18Cette croissance du laboratoire sous l'impulsion de Pierre Monbeig et des animateurs d'équipes s'accompagne d'une plus grande formalisation à l'occasion des renouvellements quadriennaux..
19Le passage aux programmes collectifs bien définis est systématisé pour l'ensemble du laboratoire en 1975, avec la préparation du contrat 1976-1979. Correspond aussi à la mise en place d'un conseil de laboratoire plus formel ainsi que d'un comité de direction présidé par Olivier Dollfus. Le laboratoire bénéficie de l'appui des directeurs scientifiques du CNRS comme Edmond Lisle, qui débloque des moyens en personnel administratif et technique pour permettre au LA 111 d'entrer comme fondateur du Réseau documentaire Amérique latine (GRECO 26 du CNRS) et de répondre aux contraintes croissantes de gestion administrative. C'est au moment où Pierre Monbeig quittte sa direction que le CEPES devient le CREDAL, le Centre de Recherche et Documentation sur l'Amérique latine, ce qui souligne l'importance donnée à l'activité documentaire nouvelle des bases de données informatisées.
20De même que Pierre Monbeig avait fait de l'IHEAL un lieu important de rencontres internationales sur l'Amérique latine (ainsi le grand colloque du CNRS sur le thème des structures et réformes agraires en Amérique latine), dans les années soixante-dix il oriente la projection internationale du LA 111. Au-delà des relations établies par les personnalités qui en sont membres, au travers de l'organisation de toute une série de colloques rassemblant des spécialistes de toutes les sciences sociales (encore que historiens et géographes forment les plus gros bataillons de ces rencontres) :
- colloque international du CNRS sur l'Histoire quantitative du Brésil (1971)
- table-ronde du CNRS sur "Changements dans les sociétés et les mentalités en Amérique latine au xixe siècle" (Paris 1972)
- colloque franco-mexicain sur les Migrations de population au Mexique (1975)
- prise en charge de plusieurs symposium au Congrès des Américanistes du centenaire (Paris 1976) où malheureusement l'état de santé de Pierre Monbeig l'empêcha d'en assurer la présidence effective.
- table ronde internationale du CNRS sur "les foyers industriels nouveaux en Amérique latine, Afrique Noire et Asie" (Paris 1977)
- table ronde sur "l'Encadrement des Paysanneries dans les zones de colonisation en en Amérique latine "(Paris 1978)
- colloque international du CNRS sur " Les phénomènes de 'frontière' dans les Pays tropicaux", organisé par le CREDAL en l'honneur de Pierre Monbeig (Paris 1979)
21Les intitulés de ces colloques portent la marque des grands thèmes de recherche du laboratoire qui reflètent eux-mêmes les orientations données par Pierre Monbeig directement ou au travers de ses disciples.
22L'objet majeur des recherches du LA 111, du CEPES à l'actuel CREDAL, ce sont ces "sociétés en mouvement" chères à Pierre Monbeig. Bien sûr son étude des franges pionnières est de fait la matrice des recherches géographiques conduites par ses disciples. C'est le cas des études amazoniennes développées au Brésil (H.Rivière d'Arc, M. Droulers, H. Théry, M. Foucher...) et au Pérou (C. Collin Delavaud et plus tard J.Gomez) ; c'est également le cas pour l'étude de la colonisation des terres chaudes au Mexique (J. Revel-Mouroz), en Equateur (A. Collin Delavaud). De jeunes géographes latinoaméricains associés au CREDAL soutiennent des thèses sur ce même thème (ainsi Carvalho pour la Belem Brasilia, O. Jaen pour le Panama).
23Tout naturellement ce tronc commun va se ramifier avec des recherches sur un nouveau processus pionnier, celui des pôles miniers, énergétiques et industriels (zones pétrolières du Mexique et du Venezuela, les pôles pétrochimiques et miniers au Brésil, étudiés par A. Vanneph, M-F. Schapira, D. Ramousse...).
24"Une frange pionnière est une affaire d'Etat" rappelait Pierre Monbeig, et cet acteur omniprésent de l'Etat latinoaméricain, les chercheurs du CREDAL l'ont bien rencontré et étudié, à l'initiative également de Claude Bataillon qui lança des recherches collectives de géographie politique et administrative, et une réflexion sur les encadrements étatiques tandis qu'Olivier Dollfus poussait à l'étude des échelles d'organisation de l'espace (articulation région-espace national, et espace régional-"pays" : au Mexique, en Equateur, au Guatémala,).. Ceci devait aboutir dans les années 80 à des travaux sur le pouvoir local, la géopolitique interne et externe.
25Autre point fort des recherches du CEPES/CREDAL, celui des migrations de populations que ce soit dans le contexte des phénomènes pionniers ou dans celui des rapports villes-campagnes. Des méthodes originales d'enquêtes de terrain étaient élaborés par de jeunes thésards (R. et A.L. Piétri) tandis que ME. Zavala de Cosio rappelait à tous les rigueurs des méthodes démographiques.
26Mais cette prédilection pour les sociétés en changement n'est pas caractéristique des seuls géographes. Ainsi pour s'en tenir aux programmes des années 1972-1975 on constate que la section Anthropologie-Ethnologie se fixait pour objectif l'étude de "1 'occupation de l'espace à l'époque préhispanique et les changements survenus à l'époque coloniale et post-coloniale (répartition géographique et succession des groupes ethniques, relations côte-sierra, démographie et bouleversement des structures agraires...)" ; la section sociologie-démographie abordait les " rapports entre métissage culturel et métissage biologique", et le " processus d'indianisation" et d'autre part "1' étude de l'internationalisation du capital et de son impact sur les structures de domination en Amérique latine". La Section sciences économiques : conduisait des recherches sur l'intégration latino-américaine (zone caraïbe, marché commun centraméricain, Pacte Andin).
27Pierre Monbeig voulait éviter les écueils du repli sur des recherches individuelles (aussi brillantes soient-elles) et du cloisonnement entre disciplines, voire en sous-disciplines. Dans un premier temps la définition de thématiques de regroupement par thèmes et par aires géographiques y contribua : ainsi le groupe de recherche amazonien structuré en 1973 réunissait géographes, sociologues, économistes. La création d'un séminaire carrefour du laboratoire où chaque équipe venait présenter ses recherches visait également le décloisonnement de la recherche.
28Cette exigeance aboutit au terme du mandat de Pierre Monbeig à la mise en place en 1979 d'un thème fédérateur : l'Industrialisation en Amérique latine où l'on retrouvait la sociologie du développement industriel avec Luciano Martins, l'économie du travail avec Julio Neffa, les stratégies de développement avec Raymond Prats, l'Aménagement et les complexes industriels avecJean Revel-Mouroz, les pôles industriels brésiliens avec Hervé Théry et Hélène Rivière d'Arc, l'Histoire de l'Industrialisation avec Frédéric Mauro.
29Au total quel aura été le rôle de Pierre Monbeig en tant que directeur du LA 111 ? Ce n'était ni un gestionnaire ni un directeur féru de hiérarchie (il déléguait beaucoup de tâches et de responsabilités) mais une personnalité qui savait garder du temps pour l'essentiel : écouter, faire parler les chercheurs, non pas derrière un bureau directorial, mais en confiance, assis dans les grands fauteuils rouges de l'IHEAL ou dans sa bibliothèque du Boulevard Saint-Michel, pour une conversation familière. Cette direction scientifique, cette direction de conscience pourrait-on presque dire, utilisait la mise en question, le doute, l'ironie discrète, bien loin de l'esprit de système ; comme le faisait remarquer Claude Bataillon : "il a su aider beaucoup d'entre nous à prolonger et à critiquer notre propre pensée.... surtout en ne restant jamais dans la ligne" (cf. introduction à Les phénomènes de 'frontière' dans les pays tropicaux).
30Autre qualité, celle du choix des hommes, de l'art de les mettre en compétition sans les opposer, de faire cohabiter les personnalités les plus éloignées, (mais nul n'est tenu à l'impossible).Ceci demande du temps et c'est précisément ce qui lui manqua lors de la succession à la direction de l'IHEAL, accélérée par un accident de santé, et qui ne se passa pas sans heurts (non pas avec lui, mais au sein du microcosme) bien qu'il eût choisi Jean-Pierre Berthe comme directeur adjoint de puis plusieurs années.. En revanche le changement de direction du LA 111, au cours de l'année 1978/79, fut préparé, concerté entre lui-même et les successeurs potentiels et le relais fut pris par Claude Collin Delavaud.
31Pierre Monbeig, dans son rapport de fin de direction (22 juin 1978), a bien souligné les avantages du statut de Laboratoire associé : "les chercheurs ne sont jamais coupés de l'enseignement, les collaborateurs techniques C.N.R.S. travaillent à la bibliothèque de l'IHEAL qui met ses fonds à la disposition des chercheurs". En effet Pierre Monbeig -et le CNRS l'a suivi- a donné pour mission au LA 111 de développer des recherches mais aussi de collaborer aux secteurs de l'Enseignement, de la Documentation, de l'Edition de l'IHEAL. Cette originalité du LA 111 le place en dehors des schémas plus répandus des équipes de recherche tours d'ivoire ou des laboratoires de service.
321990. : le CREDAL est lui aussi une "société en changement". Si les pôles géographie,-Aménagement, sociétés indiennes -paysannes, ethnohistoire sont toujours reconnaissables, d'autres équipes ont radicalement évolué : l'Histoire est en pleine restructuration, orientée désormais vers un projet comparatif Brésil-Amérique hispanique, l'économie repose sur deux équipes, l'une sur les innovations technologique et le travail, l'autre sur les systèmes alimentaires, agro-industriels et agro-exportateurs. Après avoir passé la direction du CREDAL à Jean Revel-Mouroz, Claude Collin Delavaud a créé une équipe de production audiovisuelle scientifique au sein du laboratoire, "America-Communication". Les services documentaires sont engagés dans une ambitieuse entreprise : leur informatisation et leur collaboration au réseau français Amérique latine (GDR 26) et au réseau européen REDIAL.
33Le CREDAL bénéficie aujourd'hui de la participation de chercheurs ORSTOM et INRA, intégrés dans des projets collectifs internationaux (avec le Mexique, le Brésil et l'Argentine) ; il participe également à des réseaux sur l'étude du tiers Monde (GEMDEV), à des programmes du GIP RECLUS, à certains programmes interdisciplinaires du CNRS (PIRTTEM).
34La coopération avec les partenaires latinoaméricains est la règle, la recherche de financements extérieurs au CNRS l'est également : la rançon en est malheureusement l'omniprésence des mécanismes bureaucratiques de coopération : les formulaires et dossiers envahissent la vie quotidienne d'un directeur de laboratoire, Pierre Monbeig signalait déjà en 1979 " la pluralité des ressources pour la recherche est une nécessité, mais la quête aux subventions, la complication des démarches à faire, la difficulté que l'on rencontre souvent pour toucher les aides acccordées sont autant de temps perdu pour le travail scientifique en même temps qu'elles sont profondément lassantes ! Le responsable d'une équipe n'y parviendrait pas sans la bonne volonté de quelques chercheurs qui acceptent de se muer, eux aussi, en solliciteurs et rédacteurs administratifs".
35Mais face positive de ce mouvement le CREDAL, est inséré dans un réseau de relations permanentes avec une vingtaine d'institutions latinoaméricaines et la mise en marche de projets conjoints n'est limité que par les effectifs de chercheurs disponibles et les lignes budgétaires.
36En effet, malgré les commémorations, l'Amérique latine n'est plus -provisoirement ?-intellectuellement à la mode ; elle n'est pas non plus prioritaire dans les grandes orientations des budgets des établissements de recherche. Il n'y a pourtant jamais eu autant de désir de coopération scientifiques et de latinoaméricanistes sur le marché. Dans ce contexte l'ambition de constituer un pôle national de recherches latinoaméricanistes autour de l'IHEAL et du CREDAL ne rencontre pas la même détermination politique qu'avait rencontré ou sû provoquer Pierre Monbeig dans les années cinquante et soixante.
37Mais la lutte n'est pas solitaire, le concept de pôle se combine à celui de réseau, et la compétition européenne rend toute sa validité à la notion de masse critique : l'IHEAL et le CREDAL peuvent la revendiquer. Les perspectives d'une nouvelle localisation dans le cadre d'une grande opération culturelle et scientifique (celle de la Bibliothèque de France et du "nouveau quartier latin") permettent d'avoir une ambition, celle d'oeuvrer à un projet de nouvel Institut, quarante ans après la création de l'IHEAL. Pour un tel projet il faut également lever une incertitude, celle du recrutement de jeunes latinoaméricanistes de talent (au CNRS ou dans l'enseignement supérieur) pour prendre la relève de ces générations formées à la recherche sur l'Amérique latine dans les années 55-75. Il faut espérer que l'on retrouvera- dans les instances de décision des organismes de tutelle le volontarisme pour l'Aire Culturelle Amérique latine qu'avait manifesté Pierre Monbeig.
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