A propos de l'Amazonie
Changements dans l'Amazonie brésilienne
p. 135-143
Texte intégral
1Dans ses ouvrages sur le Brésil, Pierre Monbeig fait, bien entendu, allusion à l'Amazonie. Mais jusqu'aux années 70, il en traite surtout à travers de longs comptes-rendus des ouvrages marquants d'autres observateurs portant plus sur la composition ethnique du peuplement amazonien que sur la région proprement dite. Ainsi se sert-il judicieusement des travaux de Claude Lévi-Strauss et d'autres ethnologues sur les Nambikwara du Mato Grosso et les Karamakoto du Venezuela1 pour mettre en garde les géographes contre les déterminismes trop simples du milieu naturel pour expliquer les genres de vie des populations appelées alors "primitives" : pour conserver leur genre de vie antérieur que leurs ancêtres menaient dans la forêt, les Indiens de la Savane n'ont pas trouvé d'autre solution que le nomadisme et l'errance pendant la saison sèche. C'est donc avant tout par la tradition et la mémoire qu'on peut rendre compte des différences entre les conduites de survie selon les saisons chez les Nambikwara. De même, s'opposant au sens commun, Monbeig fait remarquer que les besoins d'espaces des Karamakotos ne doivent pas être perçus en fonction de la relation espace/densité généralement pris en compte.
2Bref, tout au long des années 50-70, il est, dans les Annales de Géographie, un des rares géographes qui rappellent à leurs pairs combien l'apport des autres disciplines est important pour eux.
3Ce souci d'échange entre disciplines se retrouve plus tard, lorsque, directeur du Laboratoire associé 111 du CNRS, il propose aux chercheurs de s'interroger sur l'opération amazonienne lancée pendant les années soixante par les militaires au pouvoir dans plusieurs pays partiellement amazoniens.
4Mais comme participant à ce programme, c'est plus l'avancée du front pionnier que l'Amazonie en tant qu'espace géographique spécifique qui a intéressé Pierre Monbeig. Dans ses commentaires qui ont accompagné le déroulement des travaux, il tempère les propos des chercheurs qui croyaient découvrir dans le projet de mise en valeur, œuvre surtout des militaires brésiliens, un phénomène sans précédent. Son expérience lui permet de montrer la continuité du processus pionnier dans le temps et la répétiton de certains mécanismes, tout en rappelant qu'ils sont fait d'à-coups et de violence2.
5Répétition historique dans les formes donc, observe Pierre Monbeig, mais pas forcément dans les idéologies ; c'est là une idée forte. De « l'appel évangélisateur et la passion de la gloire, à l'appât des richesses et à politique du PIB », il retrace les étapes qui ont conduit l'Amazonie à la modernité.
6Autre idée forte par ailleurs, qui ressort des réflexions des années 70, une référence à la corrélation espace/valeur que d'autres confirmeront et expliciteront à la fin des années quatre-vingt3 : la valorisation de la terre, plus qu'à enraciner, incite le petit paysan à déménager.
7Sensible au problème de la destruction de la forêt sempervirens, mais faute de preuve absolument maîtrisable, il ne s'est jamais laissé aller aux incantations sur le "désastre écologique". Il observe seulement l'appauvrissement qu'a déjà représenté pour d'autres milieux forestiers, exploités de longue date, leur transformation en bois d'eucalyptus !. Pour lui, la dimension amazonienne ne crée pas un cas particulier mais un phénomène d'accélération.
Changements dans l'Amazonie Brésilienne ?
8Voici quelques dix ans que l’Amazonie brésilienne a paru lancée vers de nouveaux destins. La légende noire qui enveloppait la redoutable Selva s’est estompée. La mobilisation des mass media, à l’intérieur et à l’extérieur du Brésil, annonçait des changements radicaux, la naissance d’une Amazonie nouvelle rompant délibérément avec le passé. Les militaires, passés à la tête du pays et de son administration, affirmaient leur volonté d’ouvrir l’espace amazonien sur le reste du Brésil, d’y activer la colonisation et, grâce à la recherche scientifique, d’en connaître le potentiel agricole et minier assez exactement, en sorte que la mise en valeur en deviendrait possible.
9Quelques publications géographiques permettent de connaître convenablement les résultats de cette politique volontariste4. L’établissement d’un bilan n’est donc pas ici notre affaire mais plutôt, puisque l’on a si volontiers proclamé qu’on entendait rompre avec les méthodes du passé et innover en Amazonie, il n’est pas sans intérêt de rechercher jusqu’à quel point il y a eu vraiment rupture avec la tradition pionnière brésilienne.
10Une doctrine très élaborée de la « sécurité nationale » inspire l’action gouvernementale depuis la Révolution de 1964. Elle est à la source de la volonté d’intervenir en Amazonie et du choix des objectifs. Avec ses longues frontières internationales, la région « Norte » était l’une de celles qui devaient en bonne logique retenir les préoccupations des chefs de l’armée parvenus à la direction du Brésil. Compte-tenu à la fois des moyens modernes de la stratégie, de la perméabilité des frontières, de la diversité des idéologies des gouvernements voisins, des ressources potentielles et de la faiblesse du peuplement, le souci de la sécurité nationale imposait d’affirmer la présence brésilienne dans ce nord lointain. Auprès du Parlement de Brasilia comme auprès de l’opinion publique, la divulgation des acquisitions de terres par des étrangers et la curiosité qu’ils portaient aux ressources minières facilitaient l’adhésion à la renaissance du mythe amazonien. Le mot d’ordre « integrar para nâo entregar »5 devenait une sorte de devise. Bien frappée, la formule impliquait une rupture avec le passé et comme un blâme des régimes antérieurs.
11Ni la Couronne portugaise jadis, ni l’Empire ensuite et pas davantage les gouvernements de la République Fédérale n’ont négligé de poursuivre une politique amazonienne. La pénétration portugaise au long du grand fleuve et de ses affluents avait été une réponse systématique à la pression espagnole et elle l’avait même souvent devancée. Les luttes diplomatiques du xixe siècle aboutirent à établir le statut de la navigation, à fixer les frontières et à accroître le territoire brésilien (territoire de l’Acre). Les projets concernant l’installation de colonies de peuplement témoignent de l’attention gouvernementale. A la belle époque du caoutchouc, on publiait à Paris un journal6 qui s’efforçait de recruter des volontaires pour aller s’installer en Amazonie : trois quart de siècle en avance sur l’appel aux investissements étrangers ! Plus récemment, Getulio Vargas choisissait de se rendre à Manaus pour y lancer les directives qui ont été plus ou moins reprises par le Brésil des années 1970. C’est au Président Kubitschek, honni depuis lors, que revient l’initiative de la route Brasília-Belém, précieux outil d’intégration territoriale.
12L’Amazonie et ses frontières sont une constante de la diplomatie brésilienne et, avec des hauts et des bas au gré des opportunités économiques, elles figurent aux programmes des Présidents de l’Union.
13Il est dans l’ordre des choses que les autorités militaires, devenues maîtresses du Brésil et responsables de son destin, aient repris la tradition amazonienne, mais c’est avec une vigueur accrue.
14Les techniques modernes rendaient plus facile une pénétration pionnière jusqu’alors difficile. La construction relativement rapide des routes devenait possible grâce aux engins lourds des travaux publics. On pouvait s’écarter des eaux fluviales et des várzeas pour s’attaquer à la terra firme. Les mêmes engins lourds permettaient de construire des pistes où se posent les avions légers qui assurent le ravitaillement en denrées fraîches, la rotation du personnel et l’évacuation des malades o blessés. La mise en place d’un réseau de télécommunications met le pouvoir central à même d’être constamment présent tout comme le P.D.G. de Rio et de São Paulo décroche son téléphone automatique pour joindre ses correspondants de Belém ou de Manaus, l’administrateur de sa fazenda et le chef de son chantier routier. Les fazendeiros du café avaient su utiliser la machine à vapeur, les locomotives et les fils télégraphiques pour lancer la poussée pionnière pauliste et, du coup, s’installer à la tête de l’économie et de la vie politique du Brésil. L’ouverture pionnière de l’Amazonie est celle des militaires à l’époque du bulldozer, de l’avion et du relais hertzien.
15Les impératifs de la « sécurité nationale » n’ont pas éveillé d’oppositions valables dans le secteur privé et moins encore au sein des forces armées. Il n’en a pas été de même pour les autres motivations de l’action pionnière en Amazonie, ni plus encore pour les formes qu’elle devait prendre. Différences de points de vue et divergences d’intérêt n’ont pas cessé de jouer plus ou moins ouvertement. Ainsi s’expliquent des hésitations, des changements d’orientation et de décisions contradictoires.
16La pratique de la géographie n’incite guère à la recherche des circonstances dans lesquelles sont prises les décisions et à l’évaluation des pressions qui s’exercent alors ; tout cela relève davantage du sociologue et du politologue, mieux préparés à cet exercice. Il n’empêche que la géographie humaine ne peut pas, dans ce domaine, autant que dans d’autres, ne pas s’interroger sur le pourquoi et le comment. A propos du phénomène amazonien, elle le peut d’autant moins que quoique l’élan en soit donné par un pouvoir politique exceptionnellement concentré, les groupes de pression mis en jeu prolongent ceux des temps passés.
17On l’a vu lorsqu’en 1970, le Président Medici chercha à mettre en branle un grand mouvement d’émigration des populations du Nordeste vers les rives de la route Transmazonienne. Présentée comme une œuvre sociale destinée à soulager la misère des Nordestins, la tentative fut généralement approuvée. Elle n’enthousiasma pas outre mesure ceux en faveur desquels elle était conçue : l’attachement au pays natal, plus encore l’attrait des grandes villes de la région et des métropoles du sud bien, davantage sans doute la mauvaise réputation de l’Amazonie depuis les fiascos du caoutchouc au xixe siècle et lors de la Seconde Guerre mondiale, réduisirent les départs à un niveau très en -dessous de ce qui avait été espéré7. L’opposition pour sa part, si discrète qu’elle fût, eut beau jeu à affirmer que l’encouragement à l’émigration ne résolvait pas les problèmes permanents du Nordeste.
18Le flux migratoire vers la terre promise amazonienne fut beaucoup alimenté par les gens des États du sud du Brésil : quelques Paulistes, plus nombreux des habitants du Paraná et des Gauchos du Rio Grande do Sul. Parmi eux se trouvaient des petits propriétaires réduits à la possession de trop petits sitios par le jeu des héritages dans des familles prolifiques, ou d’autres ayant revendu leurs biens à de gros propriétaires. L’abandon de la culture caféiere, son remplacement par les cultures mécanisées du soja, du riz et du blé, mettaient en chômage les ouvriers agricoles ou privaient d’activités complémentaires lucratives beaucoup de petits propriétaires.
19Du coup les départs vers les terres neuves du Brésil équatorial ne sont-ils pas la répétition d’un phénomène traditionnel et non pas la manifestation d’un changement ? Depuis longtemps, l’issue d’une crise économique, le remède à un malaise social résident plus dans l’incitation (et le départ spontané) vers les défrichements que dans l’effort pour enraciner des populations paysannes et pour franchir une étape vers l’occupation intensive des vieux pays.
20Ce fut pendant longtemps l’histoire des franges pionnières du café. Parmi les colons fraîchement établis sur les marges sud de la forêt amazonienne, on retrouve plus d’un descendant de Bahianais ou de Mineiro jadis émigré à São Paulo ou au Paraná, plus d’un arrière petit fils defazendeiro de la vallée du Paraiba dont les grands parents s’en furent à Ribeirão Preto et les parents à Londrina. La séduction des espaces illimités n’a rien perdu de se puissance.
21L’analyse des différents types de colonisation conduit à reconnaître que, une fois encore, malgré quelques innovations, on a dans l’ensemble repris des modèles anciens.
22Le changement, lui, est dû à la colonisation officielle confiée à l’Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire (INCRA). En bordure de la Transamazonienne et dans le territoire de Rondônia, l’INCRA, organisme d’État, reçut mission de planifier la mise en place du peuplement et d’installer des colons. Les projets élaborés pour le secteur Maraba-Altamira ont été suffisamment décrits pour qu’il faille y revenir. Historiquement, ce n’était pas la première fois que les autorités fédérales se hasardaient à organiser la colonisation. Ici, les ambitions étaient à l’échelle de la région. Elles furent déçues sur la route transamazonienne, tandis que les expériences plus modestes du Rondônia ont attiré et fixé une proportion satisfaisante de pionniers. Le secteur privé accueillit sans bienveillance les réalisations de L’INCRA. L’intrusion de l’État dans la colonisation allait à l’encontre des habitudes et des intérêts ; elle était accompagnée d’un cadastre des propriétés et d’une fiabilité des titres fonciers peu compatibles avec les pratiques en usage dans les zones pionnières. C’est pourquoi aujourd’hui l’INCRA, et avec lui la colonisation officielle, ne jouissent plus de la sollicitude administrative de naguère.
23La colonisation spontanée et anarchique est typiquement brésilienne. Elle a pris en Amazonie des aspects dramatiques encore plus émouvants qu’ailleurs. Les violences qu’elle comporte n’ont d’égales que celles dont souffrent les Indiens8. Il s’agit de l’infiltration progressive de familles sans ressources, anciens garimpeiros9, anciens ouvriers du caoutchouc et paysans venus du Nordeste. Authentiques pionniers, ces pauvres gens en défrichant la terre et en la cultivant pour leurs besoins familiaux, en prennent possession : d’où leur appellation de posseiros. Classiquement, au bout de quelques années, ils sont sommé de déguerpir ou de devenir les salariés des propriétaires nantis de titres juridiques officiels, soutenus le plus souvent par la loi et ses représentants. Certes, il existe des dispositions légales, qui, théoriquement, protègent les posseiros mais, dans les faits, que peuvent opposer de pauvres analphabètes sans le sou à l’argumentation des gens de loi et à la pression impitoyable des puissants de ce monde ? La tragédie des posseiros n’est propre ni à l’Amazonie, ni à notre époque, ni à la conjoncture politique. C est une autre constante des régions pionnières du Brésil : on ne s’en émeut quelque peu que là où la poussée pionnière s’intensifie et que la terre devient source d’enrichissement.
24Elle le devient avant même d’avoir été défrichée et cultivée. On a décrit ailleurs comment les grandes glebas forestières se valorisaient et étaient ensuite divisées et vendues en propriétés moins vastes avant la phase finale de la plantation du café. Le système se retrouve depuis l’Acre à l’ouest jusqu’aux confins du Para et du Maranhão. Les superficies sont plus grandes que naguère au Parana, et l’on compte facilement en centaines de milliers d’hectares. Autre nouveauté : les bénéficiaires du système sont moins souvent de bons bourgeois, avocats, médecins, dentistes ou fazendeiros entreprenants, mais davantage des sociétés brésiliennes ou étrangères qui réinvestissent les profits tirés de leurs négoces, de leurs banques ou de leurs usines. L’affaire est d’autant plus profitable que l’Etat incite les particuliers et les entreprises à investir les sommes qu’ils auraient dû verser au titre de leurs impôts. C’est lui-même qui offre en outre des facilités de crédit qu’on ne connaissait pas quarante ans plus tôt.
25Les caféières étaient créatrices d’emplois et São Paulo leur est redevable de son peuplement. Sur ce point, il y a bien changement dans l’Amazonie moderne, mais un changement négatif. L’élevage qui est la grande forme de mise en valeur de la zone pionnière amazonienne n’a pas besoin de gros contingents de travailleurs. L’objectif fixé par l’État n’a pas été de peupler l’Amazonie, mais d’en tirer des carcasses pour l’exportation, ce qui ne vas pas à rencontre des intérêts des grands propriétaires.
26Ils ont cependant besoin d’un minimum de main-d’œuvre. Elle est nécessaire pour défricher la forêt, pour préparer les pâturages, pour fournir les denrées de base de V alimentation aux bouviers, aux camionneurs et au personnel administratif. C est pourquoi il n’est pas rare que les éleveurs prévoient la création d’une modeste cellule de peuplement agricole. On l’installe sur les marges du domaine ou, lorsqu’il y a accord entre éleveurs voisins, elle est encastrée entre leurs pâturages. Le procédé rappelle les « noyaux coloniaux » que le gouvernement de São Paulo avait fondés pour constituer des réserves de travailleurs à la disposition des planteurs.
27L’impulsion donnée à l’élevage serait depuis peu de temps moins vigoureuse. On préfère développer les cultures de soja et de riz, dans les cerrados au nord du Mato Grosso, comme cela s’est fait dans les municipes du sud10. Mais, cultures très fortement mécanisées, elles n’entraînent pas un appel de main d’œuvre. On assistera à la mise en valeur des sols de cerrado dans qu’il y ait un accroissement sensible du peuplement. L’intention de peupler les espaces vides passe derrière la poursuite de la croissance économique.
28Non pas cependant que l’Amazonie nouvelle ignore tout effort de colonisation privée. On y retrouve des entreprises tout à fait comparables à celles qui tinrent une grande place dans le peuplement pauliste et paranaense. Leurs sièges sociaux sont au Rio grande do Sul ou au Paraná, et c’est là qu’elles recrutent leur clientèle. Les lotissements sont localisés sur les axes routiers Cuiabá-Santarem et Cuiabá-Porto Velho ou sur les routes secondaires qui y sont greffées. Les cultures faites dans les parcelles sont d’abord celles qui répondent aux besoins des familles : riz, maïs, haricots, bananes, manioc. On a rapidement un surplus qu’on vend aux camionneurs en quête d’un fret de retour vers le sud. Sur les conseils des agronomes et par l’effet de la publicité, les plantations de caféiers et de cacaoyers sont faites sur les pans de forêt brûlés dans la seconde ou la troisième année qui suit l’installation. Egalement pratiquée par les fazendeiros, cette arboriculture attentive sera-t-elle la nouveauté la plus bénéfique pour l’Amazonie ?
29L’avenir des colonies privées est-il assuré ? Il dépend de la qualité des titres de propriété délivrés aux acheteurs, et c’est l’argument le plus utilisé par la publicité dans les journaux du sud et à la radio. Il dépend aussi de la qualité des chemins et des conditions de la commercialisation, elle risque fort d’être trop anarchique pour ne pas être préjudiciable aux producteurs et, dans quelques années, une cause de découragement et de départ. Les longues distances entre les secteurs pionniers amazoniens et les marchés consommateurs ou les ports exportateurs, la faible densité du réseau routier, la cherté des transports11, créent des conditions que ne connurent pas les sitiantes du Norte-Paraná. Ce qui n’empêche pas on vient de la dire que les jeunes plantations de café soient à la mode dans les confins amazoniens : nouvelle manifestation de l’optimisme traditionnel du pionnier brésilien ! Entrée à Belém voici deux siècles, le caféier se rapprocherait ainsi de son point de départ après une longue marche.
30Depuis 1974, le gouvernement a infléchi sa politique amazonienne. Au peuplement routier et à la colonisation agricole, on a préféré définir des régions pôles, minières, pastorales, agricoles ou mixtes dans quelques cas12. Schématisons en disant qu’au développement linéaire appuyé sur les axes routiers, on cherche à substituer un développement ponctuel. Pourra-t-on comparer les pôles amazoniens à d’autres enclaves minières ou énergétiques également insérées dans des milieux peu accueillants ? Au Brésil, les difficultés économiques nées de la crise du pétrole retardent le démarrage du nouveau plan. Les intentions n’en sont pas moins significatives.
31L’Amazonie reste conçue comme une réserve à exploiter, prenant la relève des forêts tropicales du sud et du sud-est. Réunissant les espaces qui paraissent inépuisables aux gisements miniers qu’on annonce fabuleux, peut-être aux trésors énergétiques, elle est l’étendue pionnière providentielle : les ressources qu’on s’apprête à un extraire serviront à la croissance économique plus qu’à son propre développement. En quelques années, le Brésil industriel et bancaire du Tropique a porté son empire jusqu’aux ultimes frontières du Brésil équatorial. Les Paulistes, maintenant accompagnés par les Gauchos, retrouvent les axes de pénétration de leurs ancêtres Bandeirantes. Mais comment ne pas voir que la croissance d’une partie du pays n’atténue pas les déséquilibres internes ?
Notes de bas de page
1 Voir Pierre Monbeig, « Les Indiens Nambikwara du Mato Grosso, d’après M. Claude Lévi-Strauss », Annales de Géographie, LX, n°332, 1951, pp.376-379. Et, « Les Indiens Kamarakotos », d’après l’article de George Gaylord Simpson, Annales de Géographie, LIX, n°313, 1950, pp.56-59.
2 Voir Pierre Monbeig, « les mouvements pionniers en Amérique Latine », In : les phénomènes de frontière dans les pays tropicaux. Travaux et Mémoires de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine, n°34, 1981, pp 49-59. Et « Changements dans l’Amazonie brésilienne », In : Etudes géographiques offertes à Louis Papy, Bordeaux, 1978, pp 61-65.
3 Voir notamment, Philippe Léna, « Aspects de la frontière amazonienne », Cahiers des Sciences Sociales, ORSTOM ; vol.22, n°3-4, 1986, pp.319-345.
4 A titre strictement indicatif : Amazonies nouvelles, Paris, 1977. Travaux et Mémoires de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine, n°30, 184 p. ouvrage collectif. Hilgard O’Reilly Stemberg, The Amazon river of Brazil, Geographische Zeitschrift, Wiesbaden, 1975, 74 p. J.M.G. Kleinpenning, A critical évaluation of the policy of the Brazilian government for the integration of the Amazon region. Mars 1977. Geografisch en planologisch, Institut Katholike Universiteit, Nijmengen, 44 p. dactyl. Rolf Wesch, « Planned rainforeste family farming on Brazil’s transamazonian highway », Revista Geografia, n°l, déc 1974, p. 105-114.
5 Intégrer pour ne pas livrer. Entregar signifie : livrer, abandonner, se rendre.
6 Le Brésil, courrier de l’Amérique du Sud. Paris, 1881 et années suivantes. Bibliothèque Nationale.
7 On trouvera des chiffres dans Amazonies Nouvelles et dans l’étude de J.M.G. Kleinpenning, cités note 4.
8 Il n’y a pas à l’égard des Indiens grand changement entre le comportement des pionniers amazoniens et celui de leurs ancêtres. La question indienne justifierait une longue étude qui est de la compétence d’un ethnologue plus que de celle d’un géographe.
9 Garimpeiro : orpailleur, chercheur de diamant, mais aussi de cassitérite. Une législation récente interdisant l’exploitation sauvage des dépôts de cassitérite a mis les garimpeiros en chômage et ils sont devenus posseiros un fait analogue s’est produit pour les travailleurs du caoutchouc après le micro-boom de la deuxième guerre.
10 Information de Michel Foucher.
11 En période de fortes pluies, la route Cuiaba-Porto Velho est souvent inutilisable. Des files de camions et d’autobus restent bloquées pendant plusieurs jours, en pleine brousse. On en devine les inconvénients financiers et sanitaires.
12 L’exploitation du manganèse de l’Amapa a déjà entraîné la formation d’un « pôle » au sens où le mot est utilisé dans le vocabulaire économico-administratif.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Meurtre au palais épiscopal
Histoire et mémoire d'un crime d'ecclésiastique dans le Nordeste brésilien (de 1957 au début du XXIe siècle)
Richard Marin
2010
Les collégiens des favelas
Vie de quartier et quotidien scolaire à Rio de Janeiro
Christophe Brochier
2009
Centres de villes durables en Amérique latine : exorciser les précarités ?
Mexico - Mérida (Yucatàn) - São Paulo - Recife - Buenos Aires
Hélène Rivière d’Arc (dir.) Claudie Duport (trad.)
2009
Un géographe français en Amérique latine
Quarante ans de souvenirs et de réflexions
Claude Bataillon
2008
Alena-Mercosur : enjeux et limites de l'intégration américaine
Alain Musset et Victor M. Soria (dir.)
2001
Eaux et réseaux
Les défis de la mondialisation
Graciela Schneier-Madanes et Bernard de Gouvello (dir.)
2003
Les territoires de l’État-nation en Amérique latine
Marie-France Prévôt Schapira et Hélène Rivière d’Arc (dir.)
2001
Brésil : un système agro-alimentaire en transition
Roseli Rocha Dos Santos et Raúl H. Green (dir.)
1993
Innovations technologiques et mutations industrielles en Amérique latine
Argentine, Brésil, Mexique, Venezuela
Hubert Drouvot, Marc Humbert, Julio Cesar Neffa et al. (dir.)
1992