Les années de formation
p. 27-34
Note de l’auteur
Ce texte est issu d'un entretien que Claude Bataillon avait eu avec Pierre Monbeig alors qu'il préparait ce qui est devenu l'article «Table-ronde imaginaire sur la géographie universitaire française 1930-1960», Hérodote «Le temps des géographes», n° 20, 1981, pp 116-153.
Texte intégral
C.B. Puisque vous avez reçu votre formation d'étudiant à l'époque où dans l'enseignement supérieur la géographie se présentait comme une annexe de l'histoire, il serait bon que vous évoquiez ce que fut votre choix pour la géographie, choix en somme assez particulier pour l'époque.
P.M. Comme la plupart des géographes de ma génération, j'ai été tout de suite mis en contact avec la géographie, puisque nous avions la Licence d'Histoire et de Géographie, et que nous étions obligés de faire 3/4 d'Histoire et 1/4 de Géographie. Il me semble que pour beaucoup d'entre nous au fond la question ne se posait pas, c'était comme ça. C'est évidemment au moment du diplôme qu'il a fallu faire un choix. J'avais été très séduit, une fois arrivé à l'Institut de Géographie, par les excursions, par le contact avec le terrain avec Demangeon, De Martonne. Probablement aussi par la satisfaction de se trouver avec des camarades : pour moi, cela a joué. La satisfaction de trouver toujours une même équipe de gens qui s'entendaient bien, qui étaient assez différents les uns de autres était une chose extrêmement agréable et, on s'en rend compte après, très fructueuse. Au moment du DES, lorsqu'il a fallu choisir, mon choix s'est fait en direction de la géographie humaine. Il est évident que Demangeon attirait beaucoup, par la clarté de son enseignement, et aussi, sans aucun doute, par une certaine affabilité à l'égard des étudiants. Sans me désintéresser de la géographie physique, que je n'ai jamais perdu de vue, je n'étais pas immédiatement passionné. Il y avait un obstacle éminent, c'est que je dessinais effroyablement mal, et avec De Martonne, il fallait dessiner.
C.B. Les études supérieures d'Histoire et de Géographie étaient-elles pour vous la première option ?
P.M. Au fond, j'ai eu une hésitation, très sérieuse, entre les études d'anglais et les études d'Histoire et Géographie. J'étais en proie à des influences très contradictoires, ma mère me poussait vivement à faire une licence d'anglais, disant que les professeurs d'Histoire et Géographie ne donnent pas de leçons particulières, alors que les anglicistes en donnent. Il faut dire que mes parents étaient des instituteurs passés dans les classes élémentaires des Lycées. La vie n'avait pas été toujours très facile pour eux, et l'aspect financier de la profession comptait. Mon père me laissait beaucoup plus libre mais son influence en était beaucoup plus durable et subtile parce qu'il adorait l'histoire. En un temps où c'était permis, bien que n'étant pas licencié, il avait fait un Diplôme d'Etudes Supérieures d'Histoire, tout en étant professeur de classe de 7ème au Lycée de Beauvais. Alors, je pense que j'ai dû en hériter un peu, sans bien m'en rendre compte.
Ce qui m'a aussi attiré vers la géographie aurait pu aussi bien m'attirer vers l'Histoire contemporaine, c'est un goût pour les questions d'ordre politique, économique et social ; mais la façon dont l'Histoire contemporaine était enseignée ne m'attirait pas beaucoup. C'était encore l'Histoire diplomatique. En revanche un historien poussait vers la Géographie, sans s'en rendre compte, c'était Henri Hauser. A cette époque-là, comme l'effectif de la Sorbonne était plus limité qu'aujourd'hui, les professeurs avaient davantage d'influence immédiate sur leurs élèves, et Demangeon avait recommandé à ceux de ses élèves qu'il avait remarqué dans les excursions de Géographie, probablement parce qu'ils lui posaient des questions, parce qu'ils tournaient autour de lui, d'aller suivre les enseignement d'Histoire économique d'Henri Hauser. Les enseignements d'Hauser me renvoyaient vers la Géographie.
C.B. Mais en quoi consitaient les excursions en Géographie humaine ?
P.M. Les excursions de Géographie n'étaient jamais exclusivement de Géographie humaine, même faites par Demangeon, car, dans ce temps-là, un géographe humain pouvait encore faire de la géographie physique sans dire trop de bêtises. Elles consistaient surtout dans des visites d'exploitations agricoles, en des analyses de paysages ruraux, sur le terrain, en des visites d'usines. Demangeon posait des questions pour essayer de nous entraîner un petit peu à l'art de la question. C'était essentiellement ça. Ni Demangeon, ni De Martonne ne se préoccupaient d'initier leurs étudiants à la recherche. Le goût venait tout seul, et on n'était pas du tout poussé par les patrons. Mais quand on allait les voir pour préparer le Diplôme, c'était autre chose ; là, ils nous prenaient en main. Je crois qu'ils avaient aussi un peu plus de temps que nous n'en avons de nos jours pour s'occuper de nos étudiants de Diplôme.
C.B. Vous avez travaillé essentiellement hors de France, en Espagne puis au Brésil. Qu'elle est la part du choix et celle du hasard ?
P.M. Il y a eu certainement un choix pour aller en Espagne. Tout en préparant l'agrégation, je me suis mis dans la tête qu'ultérieurement j'irai en Espagne. Pas au niveau du DES, mais après. Un peu pour des circonstances familiales ; certainement beaucoup parce que j'avais été très marqué, moi qui avait passé toute mon enfance à Paris pendant la première guerre, lorsque pour la première fois, vers 1923 ou 1924, je suis allé dans le Midi. Je l'ai découvert, et cela a été un choc : petit barbare blond descendu dans le Midi, j'ai eu une révélation, qui sans aucun doute était restée dans ma tête. Peut-être l'hérédité jouait-elle aussi, puisque j'ai un vieil atavisme béarnais. J'ai eu envie d'aller en Espagne.
C.B. En Espagne et pas en Italie ?
P.M. Ah ! Non pas l'Italie. Je détestais les italiens à cause de Mussolini (mais cela nous entraînerait trop loin), et parce que des Italiens avaient flirté avec ma femme juste avant que je ne la connaisse. Je les détestais sauvagement. Non, pas l'Italie, je n'ai pas pensé un seul instant à l'Italie, j'ai pensé à l'Espagne.
C.B. Et comment êtes-vous passé de l'Espagne au Brésil ?
P.M. J'ai passé deux ans à la Casa Velazquez, et commencé ma thèse sur les îles Baleares. Et puis, j'ai pris un poste au Lycée de Caen, pendant les vacances, je retournais aux îles Baléares, à mes frais, parce qu'il n'y avait pas le CNRS en ce temps là, évidemment. Et un beau jour, à la sortie du Lycée, ma femme m'attendait. Elle avait reçu deux lettres, l'une d'Henri Hauser, l'autre de mon beau-père qui était un camarade d'Hauser. Hauser me demandait une réponse dans les quarante-huit heures pour partir dans les 10 ou 15 jours au Brésil, comme professeur d'Histoire. A l'origine de cette étonnante proposition, il y avait un autre des vieux messieurs de l'Université de ce temps-là, le philosophe et psychologue Georges Dumas, qui était l'homme de confiance des Brésiliens, et qui avait été chargé par eux de recruter de jeunes professeurs. Georges Dumas s'est adressé à ses amis, dont Hauser, qui était l'un de ses camarades de l'Ecole ; Hauser a pensé à moi, j'ai répondu que je n'étais pas historien. Hauser m'a dit : "Ça n'a aucune espèce d'importance, pour aller au Brésil tu connais aussi bien l'Histoire qu'un autre". Et ma femme attendait un second bébé pour quelques semaines après la date qu'on me fixait comme départ. Malgré tout, j'ai dit : « Je suis tout à fait à vos ordres, s'il faut partir ». Je n'allais pas rater l'occasion d'aller passer ce que je croyais être six mois au Brésil. Et puis, au fond, j'ai tout à fait eu raison de répondre oui, parce que ça c'est arrangé, et je suis parti comme historien. A ce moment-là, on me disait que le contrat serait de deux ans, en fait, il était de trois, mais nous étions jeunes, et j'ai donc signé le contrat. Et en 1936 s'est déclenchée la Guerre Civile Espagnole, ce qui a mis fin à ma thèse sur les Baléares. J'ai jeté, il n'y a pas longtemps, ma documentation, qui était toute parcheminée, j'aurais rêvé d'en tirer deux ou trois articles en ce temps-là, des articles géographiques. La thèse sur les Baléares était tout à fait dans la ligne de la géographie humaine de cette époque, la liste des paysages, des études du passé. De Martonne en était enchanté, parce qu'il voyait l'ébauche, Ladoux avait commencé la sienne sur la Sardaigne, avec la mienne sur les Baléares, ça lui faisait deux îles de la Méditerranée à son actif.
C.B. Et en dehors de Demangeon, qui a compté dans votre formation ?
P.M. Je vous ai déjà cité le nom d'Henri Hauser avec qui ma femme avait fait son Diplôme ; elle avait continué de travailler avec moi aux Baléares, toujours sur les conseils d'Hauser. Puis, je ne sais plus très bien, de quelle manière, sans doute grâce à Demangeon, j'ai été reçu par Lucien Febvre. Ses avis, ses conseils, les conversations avec lui m'ont été très utiles. Et ultérieurement, Marc Bloch. J'ai eu une longue conversation avec Marc Bloch, après avoir choisi mon sujet de thèse, dans son appartement, rue de Sèvres, et il m'a dit des choses très profitables. Du côté des géographes, De Martonne a eu une certaine influence sur moi mais pas tellement. J'ai beaucoup profité d'un séjour qu'il a fait à Saint Paul, une année. Toutes les semaines nous étions sur le terrain, c'était évidemment assez excitant, même pour quelqu'un qui n'avait pas la passion de la géographie physique. M. Arbos qui était là, nous accompagnait dans les promenades, assez souvent.
C.B. Comment expliquez-vous que les géographes qui ont été en contact réel avec les historiens des Annales soient tellement peu nombreux ? C'est, tout de même un phénomène extraordinaire : voilà des gens qui ont sorti de la géographie une énorme masse de choses pour la réintroduire dans l'Histoire, et les géographes sont restés sur la touche dans cette opération.
P.M. Vous oubliez Dion, parce qu'il était devenu complètement historien mais sans cesser d'être géographe. Vous avez aussi eu un transfuge, Vilar, qui est passé de la Géographie à l'Histoire, et Bruat, qui a commencé en faisant un Diplôme de Géographie humaine. Mais il y a aussi eu un certain nombre de thèses de Géographie humaine, je pense notamment à la thèse de Derruau, qui est très Annales, et à celle de Papy. Vous savez que Papy était lié, d'une amitié très étroite avec Detruch qui, sans épargner Lucien Febvre, vénérait Marc Bloch et transmettait à Papy la bonne parole de Marc Bloch. Avant la guerre, le lien existait et il y avait des liens personnels entre les historiens des Annales et les géographes du style de Demangeon, sans aucun doute. Ils n'étaient peut-être pas de la même génération, mais ils se connaissaient personnellement.
C.B. Mais dans les années 1945-1955, tout cela a cessé.
P.M. Vous avez raison, je l'ai senti quand je suis revenu de mon séjour brésilien, quand j'ai repris le contact ; j'ai senti que la séparation entre l'Histoire et la Géographie ne se situait pas seulement au niveau de l'enseignement et de Licence, que c'était plus qu'une séparation : c'était une cassure. Une hostilité se développait, très nette. Et j'ai été frappé de voir qu'en ce moment-là les informations bibliographiques des géographes sur l'Histoire étaient beaucoup plus rares qu'elles ne l'étaient avant 1940. Et j'ai constaté plusieurs fois, quand je faisais des cours d'agrégation rue St. Jacques, que quand j'indiquais les Annales aux candidats d'agrégation de géographie, ils les ignoraient complètement. C'est regrettable. Une certaine hostilité s'est développée entre étudiants d'Histoire et de Géographie, hostilité qui n'existait pas autrefois.
C.B. Avez-vous eu des tentation de sortir de la Géographie vers d'autres disciplines, avez-vous trouvé important de collaborer avec d'autres disciplines, et lesquelles ?
P.M. Sortir, non ; mais essayer, sans y parvenir de boucher des lacunes, oui. Du côté de ce qu'on appelait jadis l'économie politique. J'étais alors effroyablement jeune, en 1929, j'étais le plus jeune agrégé de Géographie de France : j'avais 21 ans. J'ai appris par moi-même, et par mes camarades, peut-être plus que d'autres qui ont eu l'occasion de faire des étude plus longues. Tout particulièrement au Brésil, le fait que nous soyions un groupe de cinq ou six jeunes, de disciplines différentes, a été très utile, en tout cas pour moi. Je crois que cela n'a pas été inutile pour les autres non plus.
C.B. C'est tout de même une équipe dont on a entendu parler.
P.M. Oui, mais à ce moment-là, on n'en entendait pas encore parler, et aucun d'entre nous n'y pensait sérieusement, sauf peut-être un peu Braudel. Tout cela ne serait jamais arrivé si j'avais été en France : chacun aurait été dans son propre Lycée, tandis que là, nous avions des temps morts, surtout au commencement, avant que la machine de l'Université de Saint Paul ne se mette à marcher vraiment, nous avions le temps de bavarder, de discuter : nous ne nous en sommes pas privés. On parlait de tout, il y a eu des économistes, il y avait Perroux, Courtin, Froment, qui était d'origine géographique. Et puis, des sociologues, des ethnologues, etc. Je crois qu'il s'est passé quelque chose, j'avoue que j'ai été très surpris, quand j'ai fait ma thèse, d'entendre des collègues, plus jeunes que moi, m'en dire du bien sur certains points. Par exemple, on m'a dit que j'avais innové en attachant tellement d'importance à l'évolution du prix du café, alors que cela me paraissait tellement évident : là-bas, ça crevait les yeux. Et personne, à ma soutenance de thèse, aucun des membres du jury, ne m'a dit une parole, soit de louange, soit de blâme, pour les quelques pages que j'avais consacrées à la psychologie bandeirante. J'avais l'impression que c'était une nouveauté, et que j'allais probablement me faire taper sur les doigts, ou bien, qu'au contraire, on m'en dirait du bien.
C.B. Comment avez-vous avez été amené à exercer d'autres activités professionnelles que l'enseignement supérieur, au CNRS notamment. Est-ce dû au hasard ? Comment cela se situe-t-il par rapport à votre activité professionnelle avant et après ?
P.M. C'est dû au hasard, pur et simple. J'ai commencé, comme vous le savez, par être choisi comme Directeur de l'Institut d'Amérique latine. Le Recteur Sarrailh a proposé ma nomination au Conseil d'Administration de l'Institut. Pourquoi Sarrailh a-t-il pensé à moi ? Tout simplement parce que j'avais remis à M. Ronze, qui était le Secrétaire de l'Institut, un projet d'organisation de séminaire, qui a plu à Sarrailh. Il m'avait connu autrefois, quand j'étais à la Casa Velazquez. Il était venu à Madrid pour sa thèse, il était encore jeune et nous avions beaucoup bavardé. Il ne m'avait pas oublié, et il m'a demandé, si je voulais prendre cette direction : je n'ai pas refusé. Ensuite, lorsque Lejeune, était très lié avec Sarrailh, a quitté le CNRS, j'imagine que Sarrailh lui a suggéré mon nom. Je ne savais à peu près rien de ce qu'était le CNRS, j'avais bénéficié de crédits du CNRS avec Dresch, pour aller en Bolivie en 56, mais c'est Dresch qui avait fait toute la paperasse et qui avait rédigé le rapport.
Je souhaitais beaucoup sortir du monde, qui me paraissait un peu étroit, de professeur d'enseignement supérieur. C'est déjà ce qui m'avait fait aller au Conservatoire des Arts et Métiers. Un de mes vieux amis, Jean Dresch précisément, qui était passé au Conservatoire, m'a écrit, un jour, à Strasbourg, en disant, ''Un poste de géographie économique est libre : j'ai parlé de toi au directeur, et il est d'accord pour que tu poses ta candidature ». Je ne savais pas très bien ce que l'on faisait au Conservatoire, je me suis renseigné ; ça me plaisait beaucoup d'avoir des collègues qui ne soient plus des professeurs de Faculté et d'avoir des élèves bien différents des étudiants des Facultés. Je n'ai pas été déçu : les élèves du Conservatoire étaient absolument épatants, ils étaient décevants parce qu'on ne pouvait pas, au moins en géographie économique, obtenir d'eux un travail de recherche, mais ils étaient un excellent auditoire, ils aimaient venir bavarder, exposer leur problèmes avec une confiance, une spontanéité incroyable. Quand on m'a proposé d'entrer dans l'administration du CNRS, c'était pour moi une expérience nouvelle, une occasion de sortir, de faire autre chose. On pourrait peut-être, après tout, et vous me faites retrouver une constante dans ma vie, dire que quand on m'a proposé de faire autre chose, je n'ai jamais refusé. Je le désirais avec l'Espagne, je ne le pensais pas avec le Brésil, mais je n'ai pas refusé.
C.B. Comment voyez-vous la manière dont a été mise en place la profession de géographe ? Imaginiez vous qu'il aurait pu en être autrement et quel a été le rôle des gens qui dirigeaient le j eu en ce moment-là ? Arrivant après une coupure relativement longue, dans un milieu professionnel qui s'était transformé, vous avez pu être choqué ou avoir un sentiment sur ce qui se passait à ce moment-là ?
P. M. Avec De Martonne la géographie physique n'était pas encore hermétique, tandis qu'à partir de Cholley, et surtout après Cholley, elle l'est nettement devenue. Et il n'était pas facile, pour quelqu'un qui se sentait du goût pour la géographie humaine, de comprendre la géomorphologie telle qu'on la faisait ; il n'était plus possible, pour un historien, de s'intéresser à la géographie telle qu'on la faisait. Ce que j'ai vu une fois, et qui m'a beaucoup étonné, a été l'animosité d'un géographe à l'égard des historiens, des étudiants d'Histoire, à Strasbourg. J'ai systématiquement pris la défense et forcé les notes de ces étudiants d'histoire, et trois d'entre eux sont aujourd'hui professeurs d'Université : si je n'avais pas été là, ils auraient été recalés à leur licence. Comme j'étais à Strasbourg, je ne savais pas très bien ce qui se passait à l'intérieur de l'Institut de Géographie, dans les excursions interuniversitaires auxquelles j'ai participé, à ce moment-là, je me suis senti déjà un peu dépassé. Mon capital de connaissances de morphologie ne tenait pas très bien le coup, mais comme je n'avais jamais brillé par mes connaissances de géomorphologie, j'en prenais mon parti. Surtout, j'avais l'impression de comprendre quand on m'expliquait, mais d'être incapable de découvrir.
C.B. Le rôle du Parti Communiste en géographie a été capital dans l'orientation d'un certain nombre de professeurs ayant une position dominante, mais aussi dans la position de toute une génération de géographes qui ont été formés par eux.
P.M. Je crois que c'est dû essentiellement au fait que si l'on s'oriente vers la géographie, et surtout vers la géographie économique et humaine, quand on est jeune, c'est, presque toujours parce qu'on est attiré par certaines préoccupations de type social. Et on se trouve renforcé dans ses convictions par le fait même qu'on a commencé à faire de la géographie. Je suis toujours très étonné de découvrir des collègue qui font de la géographie humaine et qui sont réactionnaires : je ne le comprends pas. Le recrutement des étudiants de géographie a toujours été plus démocratique que celui des autres disciplines, particulièrement que celui d es économistes, et même que celui des historiens. Peut-être il faudrait chercher du côté de Saint-Cloud et de la Licence sans latin. Mais même autrefois, même lorsque j'étais étudiant, je crois que les étudiants qui préféraient la Géographie à l'Histoire étaient généralement d'une origine plus modeste et généralement d'opinion politique beaucoup plus marquée vers la gauche que vers la droite. Je crois que de par leurs origines, de par leur famille, de par la vie de leurs parents, tantes, cousins, de par toutes leurs attaches, ils étaient beaucoup plus près du travail manuel. La géographie est plus près du travail manuel. Peut-être aussi qu'un nombre plus élevé de jeunes ayant subi une forte éducation religieux, peut-être même sortis d'établissements en partie religieux, étaient dirigés, consciemment ou non vers l'Histoire, plus que vers la Géographie. J'ai eu la chance, grâce à Demangeon, d'être tout de suite en relation avec les Normaliens de la rue d'Ulm. C'est avec eux que j'ai préparé l'agrégation ; c'est grâce à eux, grâce à notre équipe, que nous avons passé l'agrégation, tous d'un seul coup, et tous ceux qui étaient géographes étaient d'origine plus humble que ceux qui étaient historiens : ils étaient déjà tous militants dans les partis de gauche. Mais quand je suis revenu de Strasbourg pour enseigner au Conservatoire, j'ai tout de même trouvé assez pénible, à l'Institut de Géographie, la force du Parti Communiste, qui était tout de même assez stalinien. Le prestige scientifique, la valeur scientifique d'hommes comme Dresch et George a certainement attirés des étudiants, elle attirait les étudiants sympathisants ou adeptes du parti mais même les autres se trouvaient entraînés.
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