Conclusion
p. 137-138
Texte intégral
1Les émotions sont présentes et jouent un rôle important dans le processus d’organisation politique du mouvement de soutien à Ayotzinapa. Multiples et différentes, leurs impacts sur la mobilisation le sont tout autant. La présence d’une émotion ne signifie pas l’absence d’une autre, et elles varient suivant les personnes. La plupart du temps se joue une lutte entre les émotions qui favorisent la mobilisation et celles qui, au contraire, la freinent.
2Des émotions favorisent l’engagement, comme l’indignation et la colère, et restent présentes durant tout le mouvement. Elles ne sont néanmoins pas suffisantes pour que se prolonge une mobilisation, au contraire de la joie, du sentiment d’appartenance à un groupe, de la solidarité, de l’affirmation de ses principes moraux, de l’espoir de voir la situation du pays changer et de la responsabilité ressentie par les militants.
3D’autres émotions ont en revanche un effet négatif sur la mobilisation, comme la perte d’espoir face à l’absence de résolution du conflit après plusieurs mois de lutte, la fatigue émotionnelle des militants, la résignation, la colère et la frustration, fruits de tensions internes. Selon contre qui elle est dirigée, une émotion, telle que la colère, peut avoir un impact différent sur la mobilisation. La peur joue également un rôle complexe. Elle est, dans un premier temps, niée, et sa cible change : les manifestants disent ne plus avoir peur de la répression gouvernementale, mais ils expriment leurs craintes vis-à-vis du futur de leur pays. En cela, la peur devient un moteur de la mobilisation. Pourtant, avec la baisse de la participation, elle est à nouveau présente et devient un frein à la mobilisation. Émotions et mobilisation sont intrinsèquement liées.
4Par ailleurs, les émotions ne sont pas toutes spontanées. Le gouvernement cherche à créer la peur chez les manifestants et à faire naître dans la société des émotions négatives à l’égard de la mobilisation, alors que celles qui favorisent l’engagement sont sollicitées et amplifiées par les organisateurs du mouvement.
5Les émotions seules ne font pas un mouvement. Elles sont imbriquées au politique. Les étudiants se sentent investis d’une responsabilité quant à l’élévation du débat à un niveau politique. La colère et l’indignation vont être canalisées contre un ennemi commun qui, dans le cas d’Ayotzinapa, est le gouvernement fédéral. La désignation de cet ennemi commun et le partage d’une même colère à son encontre va permettre la convergence de nombreuses luttes. Les émotions permettent d’unir au-delà des différences. Pourtant, la défense de leurs valeurs morales respectives, définissant leurs moyens d’action, va être un obstacle à la naissance d’une organisation durable capable de fédérer toutes ces luttes. La joie d’être ensemble et d’être des milliers à lutter pour une cause commune se heurtent à l’envie de chaque organisation de conserver des traditions militantes singulières liées aux valeurs morales défendues. Le débat est au cœur des demandes des étudiants, mais la bureaucratisation de l’organisation semble s’opposer aux valeurs qu’ils défendent : soit la mobilisation étudiante s’institutionnalise et perd sa raison d’être initiale, soit elle n’est que temporaire.
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