Chapitre 8. La construction d’un réseau d’échanges en sciences sociales Brésil-France dans les années 1960-1990
p. 168-189
Texte intégral
Introduction
1C’est à l’initiative de deux jeunes chercheurs brésiliens que se construit le réseau d’échanges en sciences sociales composé principalement d’enseignants-chercheurs et de doctorants du Brésil et de la France, au centre de l’attention dans ce texte. L’un, Moacir Palmeira, vient à Paris en 1966, avec l’objectif de participer à une recherche collective comparative sur les structures agraires en Amérique du Sud1 ; il suit le séminaire de Pierre Bourdieu. L’autre, Sergio Miceli, s’intéresse à la sociologie de la culture, lit les travaux de Pierre Bourdieu et de Raymond Williams. Il entre en contact avec Bourdieu en 1970, prépare puis publie dans une maison d’édition prestigieuse un recueil de ses textes, choisis avec lui, A economia das trocas simbólicas (L’économie des échanges symboliques), et il rédige l’introduction2. Il lui demande de diriger sa thèse à l’École pratique des hautes études et arrive à Paris en 1974.
2Ce n’est qu’un peu après, et de nouveau à l’initiative des Brésiliens, que des chercheurs résidant en France, membres du Centre de sociologie européenne (CSE) et/ou du Centre de sociologie de l’éducation et de la culture (CSEC), effectuent des missions d’enseignement et de recherche au Brésil. Plus nombreux cependant sont les chercheurs ou doctorants brésiliens qui se rendent en France. Ceux-ci réalisent de très nombreux et longs séjours d’études et de recherches, principalement au CSEC, tandis que les chercheurs des institutions françaises font de courtes missions d’enseignement et de recherche au Programa de Pós-Graduação em Antropologia Social (PPGAS) du Museu Nacional (Musée national) et à l’Instituto de Filosofia e Ciências Sociais (IFCS), tous deux de l’université fédérale de Rio de Janeiro, à la Fundação Getúlio Vargas (FGV), à l’université de Sao Paulo, pour ne citer que les premières institutions de recherche qui ont accueilli les chercheurs de France. Les uns et les autres, sociologues et anthropologues pour la plupart, parfois politistes, historiens, économistes, littéraires, non brasilianistes, mais fortement intéressés par les recherches menées dans l’autre pays, discutent leurs recherches et celles de leurs collègues, présentent des communications dans les grands colloques internationaux ou dans des séminaires, publient de nombreux articles et livres dans les deux pays, partagent, pour la plupart, une approche scientifique, et une manière de construire et de comprendre les objets de recherche, qui doivent beaucoup aux travaux de Pierre Bourdieu. Fréquemment unis par des liens d’amitié et de solidarité, ils ont plaisir à se retrouver et à échanger leurs hypothèses, leurs questions, de part et d’autre de l’Atlantique, parfois dans un pays tiers, par exemple en Argentine, ou en Russie3.
3Ayant participé et œuvré, dans le cadre du CSE de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et du CSEC de l’EHESS et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans les années 1970-1990, à la construction et au développement de ce réseau pluriel, de plus en plus diversifié, il m’a semblé utile de donner un point de vue, nécessairement partiel, sur des aspects souvent méconnus de ces échanges, afin de contribuer à leur histoire sociale. Pour ce faire, cette chronique, qui aurait dû accorder plus de place au contexte et aux engagements politiques, s’appuie principalement sur des souvenirs, sur des notes diverses, sur les rapports d’activité de la Maison des sciences de l’homme (MSH) et du CSEC, sur des correspondances, sur les textes et les témoignages d’autres observateurs ou chercheurs de ce réseau [Leite Lopes, 2003 ; Gheorghiu, 2018], sur des conversations et échanges avec plusieurs d’entre eux4. Elle demande à être lue en complément des textes publiés dans ce livre, en particulier ceux de Sergio Miceli, Francine Muel-Dreyfus et Maria Eduarda Rocha.
4L’intention n’est pas de dénombrer qui fait ou ne fait pas partie du réseau, ni même de proposer des critères d’inclusion dans ce réseau5. Elle est plutôt de comprendre comment se sont développés ces échanges, quelles voies y a empruntées l’activité scientifique internationale en reprenant la distinction entre les trois voies principales identifiées par Yves Gingras : la circulation des personnes, des textes et des objets, le mode de production du savoir, et le financement de la recherche [Gingras, 2002]. Elle est aussi de questionner leur impact sur l’activité scientifique des membres comme sur l’œuvre et la pensée de Bourdieu. La portée de ces échanges ne pourra cependant être comprise complètement que lorsqu’ils pourront être comparés avec les échanges qui s’étaient construits déjà avant et se construisaient en même temps avec ou autour d’Alain Touraine, de Roger Bastide, de Claude Lévi-Strauss, pour ne citer qu’eux6.
Les années 1970, des échanges denses et durables
5À la fin des années 1960 et au début des années 1970, plusieurs sociologues brésiliens viennent à Paris et demandent à travailler avec Alain Touraine. Après le Chili, Touraine était allé à l’université de Sao Paulo en 1960 où il avait donné des cours et noué des liens forts et durables, comme avec Fernando-Henrique Cardoso. Entre 1973 et 1980, il dirige neuf thèses sur le Brésil, à Nanterre puis à l’EHESS [Da Silva Mendes, 2019]7. Le Centre d’étude des mouvements sociaux (CEMS), qu’il fonde en 1967, est alors le laboratoire qui accueille à l’EHESS, le plus grand nombre de chercheurs et de doctorants d’Amérique du Sud, notamment brésiliens, et le plus en phase avec leurs attentes et leurs thématiques de recherche8.
6Le choix de Moacir Palmeira et Sergio Miceli, qui échangent avec Pierre Bourdieu, même s’il n’est pas leur seul interlocuteur, alors qu’il est très peu connu au Brésil, peut surprendre. Il marquera leur carrière scientifique et intellectuelle. Lors de leur premier séjour à Paris, Moacir Palmeira et Sergio Miceli rencontrent souvent Pierre Bourdieu et discutent beaucoup avec lui, sont très actifs et tissent de nombreux liens. Dès son retour au Brésil, après avoir soutenu sa thèse Latifundium et capitalisme au Brésil : lecture d’un débat, sous la direction un peu lointaine de François Bourricaud en 1971, Moacir Palmeira, très intéressé, raconte-t-il, par les travaux de Louis Althusser et de Pierre Bourdieu [Palmeira, 2020], fait lire à son équipe les textes de Bourdieu sur l’Algérie et sur le Béarn [Ducourant & Eloire, 2014]. Il oriente ses travaux sur les transformations du monde rural dans le Nordeste avant de s’engager dans des recherches sur la politique avec Beatriz Heredia. Sergio Miceli, alors professeur à la fondation Getúlio Vargas (FGV) à Sao Paulo, noue à Paris des relations scientifiques et d’amitié avec plusieurs membres du CSE et du CSEC. Il partage tous les moments de la vie de ces centres, où il effectue de longs séjours, et soutient sa thèse « Les intellectuels et le pouvoir au Brésil. 1920-1945 » à l’EHESS en 1978 sous la direction de Pierre Bourdieu. La même année, il la soutient à l’université de Sao Paulo sous la direction de Leôncio Martins Rodrigues, avec un titre et un contenu quelque peu différents « Intelectuais e classe dirigente no Brasil (1920-1945) ». Il la publie dans les deux pays [Miceli, 1979, 1981].
7C’est à l’invitation de Sergio Miceli en 1976 que j’effectue la première des onze missions que je ferai au Brésil, la dernière datant de 2011. Le pays est encore en dictature, sous la présidence d’Ernesto Geisel. La période dite « d’ouverture politique » est marquée par la croissance économique et, paradoxalement, le développement des sciences sociales. Je suis principalement invitée à l’École d’administration des entreprises de la FGV à Sao Paulo, et par Lygia Sigaud et Moacir Palmeira au Museu Nacional à Rio de Janeiro, institutions qui étaient alors plutôt aux marges du système universitaire. Cette mission d’un peu plus de deux mois est celle des découvertes d’un autre monde et de travaux passionnants ; elle génère des rencontres, des échanges, des lectures, des apprentissages partagés, des amitiés, qui doivent beaucoup à Arakcy Martins Rodrigues et Leôncio Martins Rodrigues, Sergio Miceli, Lygia Sigaud et Moacir Palmeira, Rosilene Alvim et Sergio Leite Lopes. Le séjour me donne aussi l’occasion de visiter de très nombreux centres de recherche parmi lesquels le Centre brésilien d’analyse et planification (CEBRAP), le Centre d’études des religions de l’université de Sao Paulo (USP) dirigé par Douglas Teixeira Monteiro, le Centre d’études rurales et urbaines de l’USP dirigé par Maria Isaura de Queiroz. La vitalité et le dynamisme des équipes de recherche, notamment de l’équipe du PPGAS du Museu Nacional, me frappent.
8Trois lettres que Bourdieu m’a adressées en 1976 et que je cite largement ici, donnent, me semble-t-il, une idée assez précise de ce qu’il attend de cette mission, de comment peuvent fonctionner les échanges selon lui, ainsi que de l’intérêt qu’il porte aux sciences sociales au Brésil et plus généralement en Amérique latine. La première lettre manuscrite, écrite avant mon départ au Brésil, et les deux suivantes, l’une dactylographiée par lui, l’autre manuscrite, écrites en réponse à des lettres que je lui ai adressées depuis le Brésil en août 1976, font voir que Bourdieu suit de très près cette mission et que la revue Actes de la recherche en sciences sociales, fondée l’année précédente, est au centre de ses préoccupations.
9Dans la première lettre, non datée mais probablement écrite en juillet 1976, il me donne des conseils très précis pour les séminaires que je serai appelée à faire. Il suggère de parler « du champ français », de décrire « la position du Centre », et précise : « Vous pouvez vous servir pour ça du topo “Sociologie et philosophie en France.” » [Bourdieu & Passeron, 1967]. Il recommande aussi :
« de faire voir des liens, par exemple entre socio de l’éducation/socio de l’art ; socio = un tout. Autre thème : la revue. Commenter une série de numéros […]. Dire qui sont les autres, comment ils travaillent, les rapports entre les travaux, etc. […] Une façon de faire entrer dans le labo, de communiquer ce qu’on ne voit pas du dehors, et en fait peut faire l’économie d’un voyage »,
comme si Bourdieu n’était alors pas convaincu de l’importance de la circulation des personnes, au moins dans le cas Brésil/France. Il note à la fin de sa lettre :
« Pour ce qui est de mon séjour là-bas…, ne m’engagez pas trop… Vous me direz comment c’est ! »
10Et en post-scriptum, il me conseille :
« Tâchez de savoir au mieux ce qui se fait de bien partout en Amérique latine. (À propos, je suis invité au Venezuela avec toute une bande de “grands savants” français : René Thom, Perroux, etc. Je ne suis pas chaud à moins que je puisse coupler avec autre chose. Mais ?) »
11Dans une longue lettre dactylographiée, datée du 30 août 1976, écrite depuis Lasseube dans le Béarn et qu’il m’adresse au Brésil, Bourdieu revient longuement sur la question des séminaires que je donne :
« Indication pour vos topos. Dire toujours que c’est une recherche ouverte (grand principe d’opposition avec Althusser et toutes les formes de dogmatisme et de commentarisme). »
12Il me donne des conseils et recommandations très précis, indique les auteurs à citer, les textes à faire lire. Alors que je lui avais très probablement écrit que je centrais ces séminaires sur la recherche sur le goût dans les différentes classes sociales en m’appuyant sur le texte « Anatomie du goût » [Bourdieu & De Saint Martin, 1976] auquel j’avais collaboré, et qui allait être publié, il me recommande :
« Ne vous enfermez pas dans un seul texte, par exemple utilisez “Reproduction culturelle et reproduction sociale” pour l’opposition entre les fractions ; pour fractions dominantes/dominées, le premier article sur Flaubert dans Scolies9. »
13Il ajoute en marge de la lettre :
« d’autant plus facile que ces textes existent en portugais dans le recueil de Sergio. »
14Plus loin, il me recommande « le truc de Bollack sur les Planctes » [Bollack, 1976]. Il m’écrit :
« Vous êtes là-bas perçue comme déléguée du centre. »
15Bourdieu rappelle aussi la nécessité d’obtenir des abonnements pour Actes de la recherche en sciences sociales.
16Dans la troisième lettre, manuscrite et non datée, écrite depuis Paris où il est rentré sans doute en septembre 1976, il précise sa conception des échanges :
« J’ai beaucoup d’espoir dans Moacir (Palmeira qu’il vient de rencontrer à Paris) plus les deux Sergio (Sergio Leite Lopes et Sergio Miceli). Je crois qu’on peut beaucoup les aider à s’affirmer là-bas avec la revue. Le problème est d’assurer une communication assez constante. Échange de lettres, papiers à lire, etc. Plus, éventuellement séjours. J’espère en tous cas qu’on puisse très vite publier des articles. »
17Si le réseau d’enseignants-chercheurs et de doctorants en sciences sociales du Brésil et de France peut se développer assez rapidement à partir du noyau initial, c’est notamment grâce aux actions des initiateurs. C’est aussi dans les années 1970 pour une part que les institutions et centres de recherche le soutenant deviennent plus nombreux et plus forts. Nous en retiendrons trois de poids et de portée très inégaux, et sans lesquels le réseau n’aurait pu se développer ainsi.
18Dès 1970, et à la suite de la séparation avec Raymond Aron, Bourdieu fonde le CSEC qu’il dirige jusqu’en 1984. Dirigé par Jean-Claude Combessie et moi-même de 1985 à 1996, puis par Rémi Lenoir de 1997 jusqu’à son absorption par le CSE en 1998, ce centre, qui est hébergé par la MSH comme le CSE, et est comme lui centre de l’EHESS, a la particularité par rapport au CSE d’être associé au CNRS. Il reçoit à ce titre des crédits du CNRS pour lequel il fait des rapports scientifiques très complets. Il a la possibilité d’établir des accords de coopération et de recherche pluriannuels avec des centres ou institutions partenaires. À plusieurs reprises, des accords sont signés avec des équipes et des centres de recherche brésiliens. Cependant, durant ces années 1970-1980, il me semble que dans les faits et la vie quotidienne, Bourdieu parle du « Centre » sans plus de précisions, ou qu’il met en avant le CSE, un peu comme si le CSEC n’existait pas. Toutefois, lorsqu’en 1985, le Collège de France accueille le CSE dans ses locaux rue du Cardinal Lemoine, les deux centres deviennent plus distincts l’un de l’autre. Le CSEC, qui reste boulevard Raspail, gagne en autonomie.
19La fondation de la revue Actes de la recherche en sciences sociales en 1975 marque fortement le réseau. Travaillent entre autres au lancement et à la mise sur orbite de la revue Anne-Marie Métailié qui, par la suite, fonde et dirige sa propre maison d’édition, Métailié, très liée au Brésil, aux intellectuels brésiliens, à la littérature et ouverte aux sciences sociales ; Renée de Carvalho, compagne de Apolonio de Carvalho, militante communiste, qui contribua avec son mari à la fondation du Parti des travailleurs, gère les abonnements ; Biga Nunes se charge de la maquette de la revue avec Jean-Claude Mézières, dessinateur de bande dessinée. Un vent du Brésil souffle sur les débuts d’Actes de la recherche en sciences sociales. Dès la première année, Sergio Miceli y publie « Division du travail entre les sexes et division du travail de domination : une étude clinique des anatoliens au Brésil » dans le volume 5-6, consacré à la « Critique de la tradition lettrée ». Il est le seul chercheur étranger dans ce numéro de la revue qui, dans sa première année, publie quasi exclusivement les travaux d’auteurs français10.
20Un troisième événement institutionnel est décisif pour la constitution du réseau : en 1979, le programme Brésil est fondé à la MSH et y constitue un des grands programmes internationaux. Il est initialement centré autour de la SBPC, Sociedade Brasileira para o Progresso da Ciência (Société brésilienne pour le progrès de la science). Administrée par Fernand Braudel qui avait séjourné au Brésil de 1935 à 1937, ce qui a compté pour l’élaboration de son œuvre, la MSH est alors marquée par Clemens Heller. Administrateur adjoint qui devient administrateur en 1986, il donne une grande impulsion à ce programme comme aux programmes internationaux sur l’Inde, plus tard l’URSS/Russie [Bruhns et al., 2017]. La MSH recrute Céline Sachs puis Ana Maria Montenegro pour animer le programme. De grandes réunions rassemblent les membres des différentes composantes, et le programme de la FMSH donne de l’élan, de la force aux échanges Brésil/France et apporte son soutien constant au réseau et à ses acteurs.
21La disposition des lieux incite aux échanges, à la confrontation des travaux et recherches. À Paris, au 54 boulevard Raspail, dans l’immeuble partagé par la MSH et l’EHESS, où le CSE et le CSEC sont hébergés dès 1970, l’organisation de l’espace favorise les rencontres et les discussions impromptues entre chercheurs, doctorants, personnel administratif des différents centres de recherche. En janvier et février notamment, les chercheurs brésiliens y sont très nombreux. Le grand hall, la spacieuse bibliothèque de la MSH, la cantine, la cafétéria, le fumoir, le jardin constituent autant de lieux où les rencontres sont nombreuses et les discussions, animées. Au 4e étage du petit bâtiment où le CSE et le CSEC sont installés et où Actes aura un moment son bureau, une petite salle de travail accueille les chercheurs invités pour un séjour. Le Centre de recherches sur le Brésil contemporain (CRBC) au 3e étage avec sa bibliothèque est proche à partir de 1985. Le secrétariat scientifique de la FMSH au 1er étage et les relations internationales de l’EHESS au 9e étage ne sont pas loin. Autant dire que les conditions sont réunies pour que de nouveaux liens se développent et que le réseau gagne en extension et en chaleur dans les relations.
22Des liens scientifiques forts et d’amitié se forment et se développent. Dès les débuts des échanges, la feijoada préparée par l’un ou l’autre des collègues brésiliens suscite la curiosité, l’envie de la partager, et surtout renforce les amitiés. Dans les années 1990, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, chercheurs au Centre de sociologie urbaine, proposent à leurs collègues et amis de différents pays des promenades et des pique-niques en des lieux insolites dans Paris et hors de Paris. Cela contribue aux échanges et au développement d’amitiés, et les Brésiliens sont toujours nombreux à participer.
Les années 1980, la consolidation
23La diversification du réseau est visible dès le début des années 1980. À la 32e réunion de la SBPC organisée à Rio de Janeiro en juillet 1980 participent grâce à la MSH plusieurs chercheurs parmi lesquels Jean Tavarès qui avait préparé sa thèse avec Bourdieu sur les intellectuels catholiques [Cardoso & Martinière, 1989, p. 173-185]. Un peu plus tard, Michael Pollak propose des thématiques de recherche sur le sida, l’homosexualité, la mémoire et l’identité, qui rencontrent les intérêts de nombre de chercheurs au Brésil. Il y effectue deux missions qui ont un important retentissement, à la fois par les séminaires qu’il donne au Museu Nacional et à la FGV à Rio de Janeiro, par les textes qui seront traduits et souvent cités au Brésil, par les liens qu’il tisse avec de nombreux professeurs et étudiants. Ce sont ensuite Sylvain Maresca et Rémy Ponton qui s’y rendent, chaque mission étant organisée autour des travaux des chercheurs concernés et des demandes des collègues brésiliens.
24Le noyau initial de chercheurs brésiliens venant au CSE ou au CSEC s’élargit rapidement. Moacir Palmeira et Sergio Miceli incitent leurs collègues à venir à l’EHESS. Ainsi, Maria Andréa Loyola qui, après une maîtrise au Museu Nacional à Rio de Janeiro a été exclue de l’université par la dictature militaire [Grün, 2005], vient en France, soutient sa thèse avec Alain Touraine en 1973 sur « Les ouvriers et le populisme ». Elle a des liens avec l’équipe du Museu Nacional et avec Sergio Miceli. Elle entre en contact avec Bourdieu et Luc Boltanski, vient en long séjour de postdoctorat au CSE et au CSEC de mars 1980 à décembre 1981, avec l’aide financière de la fondation Ford puis de la Maison des sciences de l’homme et de l’EHESS. En 1982, elle publie « Cure des corps et cure des âmes » dans Actes de la recherche en sciences sociales à partir d’un travail d’enquête approfondi à Nova Iguaçu dans la banlieue de Rio de Janeiro. En 1983, elle publie le livre L’esprit et le corps [Loyola, 1983]. Cette recherche ouvre de nouvelles perspectives pour la sociologie des religions comme pour la sociologie de la santé. Lorsque je pourrai peu après accompagner Andréa Loyola sur le terrain dans un terreiro de umbanda à Nova Iguaçu, je saisirai encore mieux cette imbrication du corps et de l’esprit. Naît ainsi mon intérêt qui se poursuit pour les différentes religions au Brésil [De Saint Martin, 1984, 2019].
25La MSH invite grâce à son programme plusieurs chercheurs brésiliens : en janvier 1981, ce sont Afrânio Garcia Jr., Lygia Sigaud, Moacir Palmeira, tous trois de l’équipe du Museu Nacional et à l’automne de la même année Sergio Miceli11. Les longs séjours de plusieurs mois, voire plusieurs années, deviennent plus nombreux. Ainsi, Leticia Bicalho Canêdo, professeure à l’université de Campinas, vient pour un premier postdoctorat à l’EHESS de 1989 à 1991 et revient pour un second en 1996-1997. Elle est, avec Afrânio R. Garcia, à l’origine de programmes de recherche collectifs sur la circulation internationale des universitaires brésiliens et des idées.
26Afrânio Garcia Jr. et Marie-France Garcia Parpet, qui étaient de fait des familiers du réseau depuis plusieurs années, réalisent un postdoctorat à partir de la fin 1983 jusqu’en 1986 au CSEC [Gheorghiu, 2018], et y font ensuite des séjours réguliers et fréquents. Afrânio, venu pour des études en France dès 1966, et Marie-France, venue au Brésil en 1969, sont l’un et l’autre depuis longtemps des artisans du réseau, connaisseurs des deux sociétés, de leurs institutions d’enseignement et de recherche, de leurs contradictions et des tensions qui les traversent. Ils deviennent des piliers et des foyers qui irradient autour d’eux, transmettent informations, conseils, manières d’agir, de rechercher. Marie-France est recrutée à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) en 1994, et Afrânio est élu à l’EHESS en 1995. Il devient directeur du Centre de recherches sur le Brésil contemporain en 2003. Tous deux publient beaucoup au Brésil et en France, comme dans d’autres pays, partagent leur temps et leurs investissements entre la France et le Brésil, et contribuent fortement à la circulation des personnes et des textes, ainsi qu’à la production de savoirs en commun.
27D’autres chercheurs effectuent de longs séjours de postdoctorat au CSEC, et partagent la vie scientifique des chercheurs. José Carlos Garcia Durand et Maria Rita Loureiro, tous deux professeurs à la fondation Getúlio Vargas, sont accueillis en 1986-1988, José Sergio Leite Lopes (PPGAS) et Rosilene Alvim (IFCS) au CSEC de septembre 1988 à juin 1990. Les uns et les autres sont très actifs dans le réseau, publient des articles dans Actes de la recherche en sciences sociales [Durand, 1991 ; Loureiro, 1995 ; Alvim & Leite Lopes, 1990], traduisent au Brésil des textes de Bourdieu ou d’autres auteurs, mènent parfois des recherches en commun comme Sergio Leite Lopes avec Sylvain Maresca. En 1989, ils publient « La disparition de “la joie du peuple”. Notes sur la mort d’un joueur de football12 » [Leite Lopes & Maresca, 1989]. Des réunions de travail et des séminaires sont organisés autour des projets des chercheurs accueillis en séjour. S’échangent, se transmettent dans ces réunions des manières de construire l’objet et des questions de méthode. Les réflexions de Jean-Claude Combessie [2001]13 sur la méthode sont souvent lumineuses, tout l’opposé d’une quête d’orthodoxie.
28Des recherches menées en commun dans le cadre du réseau voient le jour dans les années 1980. En 1984, Francine Muel-Dreyfus se rend pour la première fois pour une mission au Brésil et, avec Arakcy Martins Rodrigues, réalise une courte enquête dans le Vale do amanhecer (la Vallée du réveil), un centre spirite, près de Brasilia. La première avait auparavant réalisé des recherches sur le messianisme en Afrique, tandis que la seconde, qui connaissait mieux le terrain étudié, s’était intéressée au fanatisme. Il en résulte un article qu’elles cosignent dans Actes de la recherche en sciences sociales [Muel-Dreyfus & Martins Rodrigues, 1986].
29Au cours de ces échanges et recherches communes, différentes directions se dessinent et se reconfigurent sans cesse. À la fin des années 1980, le rapport d’activités du CSEC mentionne notamment à propos des échanges avec le Brésil : « sociologie du pouvoir et de la classe dominante », « les relations entre le champ religieux et le champ médical, la concurrence entre les différentes religions », « paysannerie et politique, la constitution de nouveaux groupes de paysans » et « étude de l’émigration du Nord-Est vers le Sud » [CSEC, 1988, p. 56].
30S’agit-il dans ces années 1980 de la tentative de construction d’une école sociologique « bourdieusienne » au Brésil ou de celle d’une internationale scientifique ? Les deux semblent avoir coexisté. La longue note dans l’introduction de son livre où Sergio Miceli cite très longuement « les travaux que Pierre Bourdieu a consacrés au champ intellectuel et aux intellectuels dans la classe dominante » [Miceli, 1981], et qui constituent l’appui principal sur lequel il se fonde, donne une idée du poids du projet d’école sur les chercheurs et les doctorants du réseau. Cependant, la construction du réseau international d’échanges apparaît plus en phase avec les attentes et la réalité à l’œuvre au Brésil et en France que le projet d’école.
31La circulation des textes entre le Brésil et la France devient plus intense. Il faudrait étudier les langues lues, parlées, écrites par les différents protagonistes, et utilisées dans les échanges. Bourdieu maîtrise parfaitement l’espagnol, il lui arrive de lire le portugais. Il se fait une idée assez précise du texte qu’il lit, il demande souvent à l’un ou l’autre de ses collaborateurs de lire un article et de le résumer. Parmi les membres du réseau résidant en France, à l’exception de Tavarés, aucun ne parle et n’écrit le portugais au début des échanges, tandis que les chercheurs et doctorants brésiliens, sauf de rares exceptions, parlent et écrivent le français en arrivant en France, ce qui révèle de fait une asymétrie dans les échanges.
32En 1981, la création de la collection « Brasilia » à la MSH, qui est peu après dotée d’un comité de lecture composé de Guy Martinière, Ignacy Sachs, Fernando Henrique Cardoso, Celso Furtado, Jean Revel-Mouroz, Maria Isaura Pereira de Queiroz, Luciano Martins, Daniel Pécaut et moi-même, ouvre des possibilités d’édition de leurs travaux aux chercheurs du réseau. Trois livres y sont publiés dans les années 1980 : après celui de Sergio Miceli, ce sont ceux de Maria Andréa Loyola et d’Afrânio Garcia Jr. [Loyola, 1983 ; Garcia, 1989]. Mais aucun chercheur du réseau, ni d’ailleurs d’Amérique du Sud, à l’exception de Luis J. Prieto [Prieto, 1975], n’est invité à publier un livre dans la prestigieuse collection « Le sens commun » que Bourdieu dirige activement aux Éditions de Minuit entre les années 1964 et 1992, comme s’il y avait une hiérarchie des continents et des pays dans les échanges internationaux promus par Bourdieu. Au Brésil, Renato Ortiz consacre un livre à Bourdieu chez un éditeur consacré et dans une collection reconnue [Ortiz, 1983].
33Les soutiens institutionnels aux échanges du réseau deviennent plus importants. L’EHESS développe le programme de relations et de coopération internationales avec les institutions brésiliennes, soutient les initiatives des chercheurs du réseau : invitations d’enseignants-chercheurs brésiliens en qualité d’enseignants associés, accueil de très nombreux étudiants brésiliens, envoi en mission au Brésil. Elle accueille de nombreux étudiants brésiliens, ayant de plus en plus souvent une bourse « sandwich14 » pour un séjour d’environ un an, associés à l’un ou l’autre de ses centres de recherche. Les étudiants brésiliens y constituent, après les étudiants italiens, le contingent le plus nombreux d’étudiants venus de pays étrangers. Si aucun étudiant brésilien associé au CSE ou au CSEC dans les années 1980 ni dans les années 1990 ne soutient de thèse15, ils sont nombreux à suivre à l’EHESS les séminaires de plusieurs chercheurs du réseau. À partir de 1982, le cours de Bourdieu au Collège de France constitue un foyer important de diffusion de sa pensée, et le Collège de France devient une institution de soutien au réseau.
34La création à l’EHESS en mars 1985 du Centre de recherches sur le Brésil contemporain (CRBC), véritable plaque tournante et force motrice, initiée par Ignacy Sachs, impulse de façon décisive la coopération et les échanges avec les chercheurs et les institutions brésiliens. La proximité dans l’espace au 54 boulevard Raspail entre CRBC, CSE et CSEC – un étage nous sépare – favorise les contacts, permet des discussions impromptues et suscite des initiatives communes. Le CRBC publie les Cahiers du Brésil contemporain, revue trimestrielle qui publie de très nombreux articles de chercheurs venus au CSEC ou au CSE.
35Au Brésil, la dictature militaire prend officiellement fin en mars 1985, et les chercheurs en sciences sociales sont sollicités pour des fonctions politiques. À la dixième réunion annuelle de l’Association nationale de post-graduation et de recherche en sciences sociales (ANPOCS) à Campos de Jordão en 1986 à laquelle j’ai la chance de pouvoir participer, « démocratie », « démocratisation », « redémocratisation », « avancée vers la démocratie », « consolidation de la démocratie », « transition démocratique », « question démocratique », « État », « parti », « politique » sont quelques-uns des mots et expressions qui reviennent le plus fréquemment dans les titres des communications présentées [De Saint Martin, 1988, p. 130]. Les chercheurs discutent avec enthousiasme du retour à la démocratie. Cette réunion, la plus importante réunion en sociologie, anthropologie et sciences politiques, encourage le dialogue des chercheurs brésiliens entre eux et avec des chercheurs étrangers. Au fil des années suivantes, les chercheurs français y viennent de plus en plus souvent et y participent activement.
Les années 1990, la pluralité
36Les années 1990 constituent une période d’intense coopération et d’échanges d’une grande densité, rendus possibles notamment grâce à des accords de coopération qui permettent des échanges de chercheurs et de doctorants : CNRS/CNPQ en 1989-1992 entre CSEC et PPGAS Museu Nacional, CAPES/Cofecub en 1994, qui s’élargit en France avec une équipe du Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France et de l’EHESS. De plus en plus d’enseignants chercheurs et doctorants du réseau vont en mission de part et d’autre de l’Atlantique. Pour donner une idée du fort développement de ces échanges, on notera que le CSEC accueille pour les années 1988-1992 treize chercheurs venant du Brésil sur un total de quarante-sept chercheurs, venant de pays étrangers accueillis pour des séjours d’un mois à un an. Pour les années 1993-1996, il reçoit dix-sept chercheurs venant du Brésil sur un total de quarante-huit chercheurs aux côtés de chercheurs algériens, canadiens, étatsuniens, indiens, marocains, russes, hongrois, espagnols, portugais, roumains et suédois. Plusieurs groupes de recherche internationaux se constituent au CSEC, par exemple sur la formation des élites avec les collègues suédois, russes, et d’autres pays ; deux chercheuses brésiliennes, Maria Rita Loureiro et Maria Drosila Vasconcellos, participent au colloque de Moscou sur ce thème en 1996 [De Saint Martin et al., 1997]. Les paysans et le monde rural font partie des objets d’études des chercheurs brésiliens en séjour à Paris. Plusieurs s’intéressent aux questions du marché du travail, aux rapports au travail, à l’esclavage, viennent de l’IFCS à Rio de Janeiro. Ils travaillent avec Michel Pialoux et Jean-Claude Combessie16.
37Les universités de provenance des chercheurs accueillis en postdoctorat, et les chemins d’accès au CSEC et au CSE se diversifient. César Barreira et Irlys Barreira, qui viennent en 1989-1990, sont professeurs à l’université fédérale du Ceará dans le Nordeste. Plusieurs viennent de l’université de Brasilia. Maria Helena Rocha Antuniassi du Centre d’études rurales et urbaines de l’université de Sao Paulo, après avoir assuré la coordination d’un accord de recherche Capes/Cofecub avec le CRBC sur les assentamentos de la réforme agraire dans l’État de Sao Paulo, vient en 1993-1994 en postdoctorat au CSEC pour travailler sur les familles de paysans « dépaysannés ». Si la plupart de celles et ceux qui viennent en séjour de recherche suivent les cours de Bourdieu au Collège de France, aimeraient publier dans Actes de la recherche en sciences sociales, les attentes se diversifient et la logique pyramidale rend de moins en moins compte de la réalité des échanges. La production de savoirs communs se développe, comme en témoignent les expériences d’Abdelmalek Sayad au Brésil et de Lygia Sigaud en France sur lesquelles il est nécessaire de s’arrêter un moment.
38Abdelmalek Sayad, chercheur au CSEC, directeur de recherche au CNRS, se rend au Brésil à deux reprises : en septembre- octobre 1990, puis en septembre-octobre 1994. Lors de ses séjours dans le cadre d’accords entre le CSEC et le PPGAS, il assure un enseignement auprès des étudiants du PPGAS du Museu Nacional à Rio de Janeiro qui porte sur trois grands axes d’une anthropologie de l’émigration-immigration, à savoir les conditions sociales de l’émigration de la Kabylie vers la France, les perturbations en lien avec la guerre d’indépendance et les trois âges de l’immigration algérienne en France. Déracinement des populations rurales et migrations en lien avec les processus de colonisation/décolonisation sont au cœur de ses séminaires. Ceux-ci permettent à Sayad de dire et développer des analyses qu’il n’aurait développées ni en Algérie ni en France. Il participe à des enquêtes de terrain sur les coupeurs de canne à sucre dans le Nordeste, coordonnées par Moacir Palmeira, sur les quartiers périphériques et très pauvres de l’État de Rio de Janeiro (Nova Iguaçu) et sur les bidonvilles (Rocinha, Morro Santa Marta). À Sao Paulo, il visite le quartier de l’ABC, zone des mobilisations ouvrières des métallurgistes [Garcia, 2009, 2018]. Partagé entre deux mondes, toujours en position d’outsider ou de marginal, Sayad ne cherche pas à transposer au Brésil les schèmes d’explication utilisés en Algérie ou en France, mais à comprendre et expliquer la réalité qu’il y observe. Il pose beaucoup de questions, discute du champ politique et pratique l’internationalisme scientifique [Dias et al., 2020]. Toujours proche des autres, les écoutant, ayant le sens du dialogue et, en même temps, sachant garder si nécessaire la distance critique, il fait œuvre de sociologue engagé qui met en évidence les faits « inconfortables » [Weber, 1959] et refuse toute explication sommaire. L’impact de ses séminaires et de ses séjours est immense, comme en témoignent entre autres les colloques organisés après son décès au Brésil et en France. En 2020 est publié à Sao Paulo un ouvrage sur la contemporanéité de son œuvre, avec des contributions de plusieurs chercheurs du réseau et de jeunes chercheurs brésiliens [Garcia, 2018].
39Lygia Sigaud, professeure au Museu Nacional, effectue au CSEC de nombreux séjours de recherche, de septembre 1991 à juin 1993, puis en mai 1994, en janvier 1995, en juin 1996, et en réalise plusieurs autres au Laboratoire de sciences sociales de l’École normale supérieure. Elle donne de nombreux séminaires à l’EHESS et à l’ENS. Elle y expose et discute ses recherches sur les paysans, le droit, les grèves dans les plantations sucrières du Nordeste, les occupations de terres, le règlement juridique des conflits, noue des amitiés avec de nombreux chercheurs et doctorants de différents pays. Comme Abdelmalek Sayad, elle pose sans cesse des questions, s’interroge et interroge les autres. Lors d’un exposé que je fais à la fin des années 1990 à partir de mes recherches sur la noblesse dans le séminaire qu’elle donnait au PPGAS à Rio de Janeiro, ses interrogations précises et nuancées me permettent de prendre la distance critique nécessaire par rapport à l’espace de la noblesse en France. Lygia publie de nombreux articles dans les revues françaises Cahiers de la recherche sur le Brésil contemporain, Études rurales, Genèses, Information sur les sciences sociales, Revue de synthèse où elle coécrit un article avec Benoît de L’Estoile et Federico Neiburg [De l’Estoile et al., 2000], mais pas dans Actes de la recherche en sciences sociales. Sans doute est-elle dans le réseau l’une de celles qui allient le plus fortement l’enquête de terrain et la recherche théorique. Elle fait ainsi une critique quelque peu hétérodoxe de la lecture dominante de l’Essai sur le don de Marcel Mauss [Sigaud, 1999, 2007]. Lygia Sigaud frappe ceux qu’elle rencontre par sa présence forte, son attention aux autres, et cherche à comprendre et expliquer les rapports sociaux souvent très violents qui opposent riches et pauvres, propriétaires et moradores, État et citoyens. En 1995, elle est à Paris et participe de près au mouvement social provoqué par la réforme des retraites. Partagée entre les deux sociétés qu’elle connaît en profondeur, elle ouvre les portes des institutions brésiliennes à de nombreux doctorants et chercheurs.
40Les publications de travaux deviennent plus nombreuses. Actes de la recherche en sciences sociales publie beaucoup d’articles de chercheurs brésiliens, comme dans le volume 121-122 de 1998. Les supports de publication de textes des chercheurs brésiliens en France se diversifient. En 1993 est édité le numéro spécial d’Études rurales « Droit, politique, espace agraire au Brésil » qui présente un bilan des recherches menées depuis vingt-cinq ans par des chercheurs du PPGAS du Museu Nacional17 de Rio de Janeiro sur les transformations sociales des grandes plantations du Nordeste. Information sur les sciences sociales, Genèses, Cahiers du Centre de recherches sur le Brésil contemporain publient de nombreux articles de chercheurs du réseau. Au Brésil, plusieurs articles des membres du réseau résidant en France sont publiés dans Mana, Educação e sociedade, Revista brasileira de ciencias sociais, et bien d’autres revues.
41En 1998, Maria Alice Nogueira et Afrânio Catani organisent au Brésil un recueil composé de onze articles écrits par Bourdieu, seul ou en collaboration sur l’éducation [Nogueira & Catani, 1998], qui connaît un énorme succès et est réédité de nombreuses fois. Si Bourdieu n’écrit pas la préface qui lui est demandée par les éditeurs du livre, il leur propose à la dernière minute d’insérer l’article « Sur les ruses de la raison impérialiste » rédigé avec Loïc Wacquant [Bourdieu & Wacquant, 1998], parce qu’il est « de grande importance pour les sociologues de différents pays », ce qui sera fait.
42Les recherches en commun deviennent aussi plus nombreuses. Celle qui a engagé le plus grand nombre de participants et qui a le plus marqué les esprits est l’enquête dans la région des grandes plantations sucrières de l’état du Pernambouc, organisée en septembre 1997 par Lygia Sigaud, Afrânio Garcia Jr. et Benoît de L’Estoile, avec Christian Baudelot et Jean-Claude Combessie. Elle est réalisée par une équipe plurinationale de seize chercheurs et étudiants brésiliens, français et argentins du Laboratoire de sciences sociales de l’ENS, du CSEC, du CRBC et du PPGAS, et donne lieu à un numéro spécial sur les « Occupations de terres et transformations sociales » des Cahiers du Brésil contemporain, puis à un livre au Brésil. Chercheurs et étudiants tentent de « comprendre les changements sociaux qui étaient en cours, suite à une crise dans l’agro-industrie sucrière, notamment la réforme agraire et la reconversion au tourisme » [De l’Estoile & Sigaud, 2001, 2006]. Plusieurs poursuivent l’enquête en 1999 et s’intéressent aux transformations sociales dans la zone des plantations sucrières.
Conclusion
43Le réseau poursuit ses activités et s’étoffe encore dans les années 2000. Ayant quitté le CSEC en 1998 pour rejoindre le Centre d’étude des mouvements sociaux (CEMS), à la suite de l’absorption demandée par Bourdieu du CSEC par le CSE, il m’est difficile de témoigner sur l’histoire de ce réseau après cette date18.
44Durant les années 1970-1990, trop rapidement évoquées ici, le réseau s’est construit avec différentes ramifications et surtout une pluralité d’acteurs très souvent unis par des liens d’amitié et engagés avec enthousiasme dans les échanges et le développement d’une activité scientifique internationale sous ses différentes formes. Ce réseau laisse des marques profondes sur les étudiants et les enseignants-chercheurs. Leurs manières de voir, d’observer, d’analyser, de penser, d’écrire en ont souvent été transformées.
45Pierre Bourdieu est sans doute dans ces années 1970-1990 partagé entre intérêt scientifique, soutien actif aux recherches menées par les chercheurs du réseau, accueil chaleureux de plusieurs chercheurs brésiliens et une forme de circonspection par rapport à ce qu’il entrevoit du monde des sciences sociales au Brésil. Il suit de près les missions et les publications, aussi bien les textes de chercheurs brésiliens susceptibles de devenir des articles pour Actes de la recherche en sciences sociales que les traductions de ses propres travaux et la composition des recueils de textes sur lesquels il veille avec une grande attention. Mais il ne s’investit directement qu’assez peu. Il est davantage dans une logique de transfert de son œuvre dans un pays dont il comprend l’importance, et dans une logique de recherche de travaux inédits et percutants pouvant être publiés dans Actes de la recherche en sciences sociales que dans une logique de production de savoirs ou de recherches en commun. L’impact du réseau et des échanges noués avec le Brésil me paraît au total plutôt faible sur l’œuvre et la pensée de Bourdieu. L’article « Sur les ruses de la raison impérialiste », écrit en 1998 avec Loïc Wacquant, est l’un des seuls où il se réfère au Brésil, et plus précisément au racisme et à l’œuvre de Gilberto Freire [Bourdieu & Wacquant, 1998]. Une recherche systématique sur l’œuvre de Bourdieu est sans aucun doute ici nécessaire.
46Si le réseau a favorisé les amitiés et les rapprochements, on ne saurait ignorer les divergences, voire des tensions entre visions et représentations différentes : entre les équipes et chercheurs de Rio de Janeiro et ceux de Sao Paulo19, entre le CSE et le CSEC, entre l’EHESS et la FMSH, voire entre les revues et éditeurs brésiliens, et les revues et éditeurs français, par exemple en ce qui concerne ce qui mérite d’être publié20. Actes de la recherche en sciences sociales a parfois entretenu de faux espoirs chez de possibles auteurs, en déclarant d’abord un grand intérêt pour un texte ou un thème, puis en refusant de publier l’article présenté. Les échanges ont ainsi connu quelques ratés, mais ont contribué à des publications marquantes et à des recherches individuelles et collectives novatrices. Si la circulation des personnes et des textes a été intense, et le financement de la recherche quasi continu en recourant à des institutions de différents pays, la production de savoirs communs n’a eu lieu que dans une assez faible mesure, mais n’en a pas moins progressé au fil des années. Enfin, ces échanges ont souvent eu une dimension politique. Nombre de celles et ceux qui y ont participé ont eu des expériences fortement marquées par l’engagement politique et scientifique.
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10.1522/cla.wem.sav :Notes de bas de page
1 Cette recherche ne sera pas réalisée. Moacir Palmeira décide cependant de rester en France et d’y préparer une thèse. Voir Palmeira [2020].
2 Sergio Miceli, « A força do sentido » (« La force du sens »), in Bourdieu [1974]. A economia das trocas simbolicas est le premier des ouvrages de Bourdieu publié au Brésil.
3 Les liens entre enseignants-chercheurs du PPGAS du Museu Nacional à Rio de Janeiro, enseignants-chercheurs et étudiants argentins sont anciens et forts, ce qui aura des effets et répercussions sur le réseau.
4 Je remercie profondément Marie-France Garcia Parpet et Afrânio Garcia qui m’ont incitée et soutenue dans ce travail que je n’aurai sans doute pas entrepris sans eux, et avec lesquels j’ai pu échanger et discuter librement. Je remercie aussi les collègues qui m’ont invitée à intervenir aux journées d’études de l’IHEAL, puis à écrire un texte. Amín Pérez, Franck Poupeau et Maria Eduarda Rocha ont relu et commenté ce texte. Je leur en suis reconnaissante, ainsi qu’à Paul Pasquali qui m’a fait d’importantes suggestions.
5 Cette chronique ne peut rendre justice à tous ceux qui ont travaillé à la construction de ce réseau.
6 José Sergio Leite Lopes [2013] a proposé une première tentative pour comparer la réception de Touraine et celle de Bourdieu au Brésil.
7 Ces thèses traitent des organisations de paysans, de travailleurs, des classes moyennes, de la bourgeoisie, alors qu’Alain Touraine s’intéressait aux sociétés postindustrielles, à l’industrialisation, à la modernisation, à la sociologie du travail.
8 Le CEMS est dirigé de 1981 à 1992 par Daniel Pécaut qui, tout en travaillant sur la Colombie, mène des recherches (et dirige des thèses) sur les intellectuels et la politique au Brésil.
9 Voir Bourdieu [1970, 1971].
10 Abdelmalek Sayad et Sergio Miceli sont les deux seuls auteurs venus d’autres pays que la France dans cette première année.
11 Source MSH Informations. Bulletin de la FMSH, février 1981, no 36, Brésil. Viennent aussi cette même année Beatriz Heredia et Marie-France Garcia Parpet.
12 Sur le football brésilien, voir aussi Leite Lopes & Faguer [1994].
13 Reproduite dans ce volume. Voir chapitre 13.
14 Une bourse sandwich est attribuée pour permettre un séjour doctoral. L’étudiant est inscrit dans deux universités, celle du pays d’origine et celle du pays d’accueil.
15 C’est dans les années 2000 que des thèses seront soutenues à l’EHESS en lien avec le réseau d’échanges Brésil-France, et ce seront alors surtout des étudiants dirigés par Afrânio R. Garcia et dans une mesure beaucoup plus faible par Monique de Saint Martin. Ana Maria Fonseca de Almeida prépare et soutient avec Monique de Saint Martin son mémoire de Diplôme d’études approfondies à l’EHESS, en étant associée au CSEC en 1997 sur « Le système scolaire, la production et le maintien des différences sociales, les écoles d’élite à São Paulo ». Daniella Rocha qui travaille avec Monique de Saint Martin le soutient en 1998 à l’EHESS sur « Le Parti des Travailleurs au Brésil : ses acteurs, ses ressources et ses rétributions. Le cas du District Fédéral » et soutient sa thèse en 2007. Toutes deux contribuent fortement par la suite au développement du réseau au Brésil et en France.
16 Centre de sociologie de l’éducation et de la culture, CSEC, Rapport d’activité 1988-1992. Perspectives de recherche, Paris, EHESS/CSEC, 1992.
17 « Droit, politique, espace agraire au Brésil », sous la direction d’Afrânio Garcia Jr., Études rurales, no 131-132, 1993, p. 9-105. Dans l’introduction au numéro, Afrânio Garcia remercie Jean-Pierre Faguer, membre du CSEC, pour sa collaboration étroite à la réalisation du numéro.
18 Pour le début des années 2000, voir Graziela Perosa & Mihai D. Gheorghiu [2018] qui donnent quelques informations sur la seconde génération de ce réseau dans l’éditorial écrit en ouverture du dossier consacré aux sciences sociales au Brésil dans la revue Psihologia Sociala, éditée par l’université de Iasi en Roumanie.
19 Voir dans ce volume le chapitre 7.
20 C’est ce qu’observe Afrânio R. Garcia dans un entretien réalisé par Mihai D. Gheorghiu. Il raconte comment un article publié dans Actes de la recherche en sciences sociales, reconnu en France comme un grand et important article novateur, rencontre d’abord l’indifférence au Brésil. Voir Gheorghiu [2018].
Auteur
Monique de Saint Martin est directrice d’études de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et chercheure à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS). Après avoir mené des recherches avec Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron sur l’enseignement supérieur et les étudiants, les grandes écoles, la sociologie du goût, elle s’est tournée vers la sociologie du pouvoir et des élites, anciennes et nouvelles, leurs reconversions et les processus d’internationalisation. Elle a été très active dans la constitution et la mise en œuvre de réseaux de recherche internationaux. Parmi ses nombreuses publications d’ouvrages et d’articles, notons L’espace de la noblesse [Métailié, 1993], la codirection de Éducation et frontières sociales. Un grand bricolage [Éditions Michalon, 2010], Étudier à l’Est. Expériences de diplômés africains [Karthala/FMSH, 2015].
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2023
Bourdieu et les Amériques
Une internationale scientifique : genèse, pratiques et programmes de recherche
Afrânio Garcia Jr., Marie-France Garcia Parpet, Franck Poupeau et al. (dir.)
2023