Chapitre 5. Ce que traduire Bourdieu veut dire pour les « Suds »
Entretien avec Alicia Gutiérrez
p. 112-126
Texte intégral
– Que signifie traduire Bourdieu en Amérique latine, plus particulièrement en Argentine ?
Alicia GUTIÉRREZ – Je vais essayer de répondre à partir de mon expérience et de ma trajectoire personnelle. Dans un certain sens, pour moi, la traduction de Bourdieu a été et reste encore à la fois une arme et un enjeu.
J’ai commencé ce travail d’une façon fortuite, peu après avoir établi des contacts directs avec le monde bourdieusien. J’avais effectué un séjour à Paris en janvier 1998, motivée par une aimable lettre que Pierre Bourdieu m’avait envoyée après avoir lu mon petit livre sur sa perspective analytique [Gutiérrez, 1994 ; 2002 ; 2012]. Le 20 juin 1999, Franck Poupeau me fit une proposition inattendue : il m’expliquait par courriel que Bourdieu avait une téléconférence avec le Mexique et parlerait en espagnol, qu’il était en train d’écrire sa conférence, mais que penser dans une autre langue lui prenait trop de temps. Pour cela, il me demandait s’il m’était possible de traduire son texte français en espagnol. C’était dimanche midi en Argentine, et ils avaient besoin du texte pour le mardi à la même heure. Ça m’a surprise, et à ce moment-là, j’ai pensé : « Mais Bourdieu n’a personne qui le traduise en espagnol avec la rapidité que requiert la situation ? »
Je parlais français, j’avais lu Bourdieu en français et j’avais fait des études de français, mais je n’avais jamais rien entrepris de tel. En tant que nouvelle venue, je décidai d’accepter le défi : je lui répondis que je pouvais le faire et j’ai passé toute la nuit à traduire, sans dormir. Je me rappelle que, dans une partie du texte, Pierre Bourdieu reprenait la proposition de Lévi-Strauss sur les règles matrimoniales dominantes dans le monde arabe. Il le faisait pour expliquer comment ses études l’avaient amené à proposer la notion de « stratégie » en l’opposant à celle de « règle », et mettre ainsi l’accent sur l’agent social qui produit la pratique. Bourdieu avait écrit un très long paragraphe, avec plusieurs phrases subordonnées, et je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il voulait dire. Il était 2h du matin en Argentine : j’ai pris dans ma bibliothèque mon exemplaire du Sens pratique et j’ai tout relu sur cette question. Quand je me suis souvenue de toutes les étapes de son argumentation, j’ai directement effacé le paragraphe en français et lui ai proposé une autre façon de le dire en espagnol. Le lundi à midi, vingt-quatre heures avant l’échéance, j’ai envoyé mon travail. C’était une tâche que j’ai assumée avec la disposition de quelqu’un qui n’a pas beaucoup de capital dans le champ et au contraire, la possibilité de faire un investissement solide. Et c’est ce qui s’est passé. Ce fut le début de mes activités en tant que traductrice de Bourdieu en espagnol. Outre les compilations, les chapitres de livres et les articles pour des revues scientifiques, j’ai traduit La Noblesse d’État et Interventions pour Siglo XXI (Argentine) et Images d’Algérie pour le Colegio de Michoacán (Mexique).
– Comment as-tu réalisé les compilations de textes ? En particulier, comment as-tu travaillé avec les éditeurs ?
A. G. – La première compilation était pour la maison d’édition Eudeba de Buenos Aires. Dans un primer temps, je n’ai fait que la gérer : j’étais l’intermédiaire entre les éditeurs et Pierre Bourdieu. C’est justement au même moment qu’a eu lieu l’épisode de la téléconférence que je viens de raconter et d’un coup, à la demande de Bourdieu lui-même, je suis devenue d’abord collaboratrice pour revoir la traduction et ensuite traductrice. C’est comme ça que fin 1999 a été publiée ma première traduction officielle, publique, de Pierre Bourdieu, Intelectuales, política y poder, un ensemble de dix-sept textes soigneusement sélectionnés sur le pouvoir symbolique, le champ intellectuel et le rôle des intellectuels. Cela a représenté un énorme travail, et j’ai eu le plaisir de le partager vraiment avec Bourdieu et Poupeau : à cette époque, j’étais en thèse de doctorat à l’EHESS et je voyageais tous les ans à Paris, ce qui me permettait de concilier mes deux activités. C’est la première fois que j’ai senti la générosité de Pierre Bourdieu envers mon travail : il m’a envoyé une préface pour ce livre, ce qui m’a encouragé à lui montrer l’introduction que je venais d’écrire. À ce moment-là, il m’a aimablement suggéré que son propre texte passe en postface.
J’ai également travaillé avec Bourdieu et Poupeau pour le livre Creencia artística y bienes simbólicos publié en 2003 par Aurelia Rivera Editores, puis en 2010 sous le titre El sentido social del gusto, par Siglo XXI-Argentine. Ensemble, ils avaient réalisé cette compilation d’écrits qu’ils souhaitaient publier depuis longtemps. Ce recueil, qui permettait d’aborder les mondes symboliques, était composé de textes déjà « classiques » à cette époque, comme « Le marché des biens symboliques » [Bourdieu, 1971] et « La production de la croyance » [Bourdieu, 1977], et d’autres plus nouveaux qui présentent des réflexions sur le champ artistique et les dispositions à la perception esthétique. Ce travail inclut une introduction que j’ai écrite sur ce qu’on pourrait appeler la sociologie bourdieusienne de la culture.
La compilation publiée en 2007 dans la ville où je vis, à Córdoba, en Argentine, par Ferreyra Editor sous le titre Campo del poder y reproducción social et plus tard, en 2011, par Siglo XXI-Argentine comme Las estrategias de la reproducción social, mérite un commentaire à part. Elle représente un pari qui associe mon intérêt pour traduire et faire connaître l’œuvre de Bourdieu, et mes propres lignes de recherche. Elle contient un ensemble de textes essentiels pour comprendre la reproduction du monde social, en commençant par le concept clef de « stratégies de reproduction sociale » et l’ensemble des ressources et des capitaux impliqués, et d’autres qui permettent d’observer empiriquement l’usage de ces catégories analytiques. J’y ai publié une longue introduction dans laquelle j’explique comment Pierre Bourdieu a conceptualisé la notion de classe à partir de ses travaux « Condition de classe et position de classe » [Bourdieu, 1966] et « Espace social et genèse des “classes” » [Bourdieu, 1984], et je propose une lecture des textes inclus dans le livre. Cette compilation a été le fruit du travail de plusieurs personnes : Franck Poupeau et moi l’avons organisée, avec l’aide précieuse de Marie-Christine Rivière et la généreuse autorisation de Jérôme Bourdieu pour la traduire en espagnol peu après la mort de son père. Je commente toujours dans mes cours que ce livre est un exemple argentin des propositions de Bourdieu sur les conditions sociales de la circulation internationale des idées [Bourdieu, 1990]. On peut y observer le rôle du champ de réception : à cette époque en Argentine dominait le Bourdieu sociologue des intellectuels ou le représentant accompli de la sociologie de la culture, et je proposais un livre sur la reproduction des classes. On peut y déceler l’intermédiation de la maison éditoriale qui l’a publiée : initialement, une maison d’édition modeste, pratiquement en dehors du circuit des plus grandes, qui a accepté d’emblée mon projet, et ensuite une seconde édition avec la prestigieuse maison d’édition Siglo XXI, qui commençait à concurrencer l’éditeur espagnol Anagrama pour la traduction de l’œuvre de Bourdieu en espagnol. S’y manifeste l’intermédiation de qui sélectionne et traduit les textes, et de ses enjeux dans la discipline : mes intérêts de recherche s’associaient précisément à ces aspects à mon avis négligés de l’œuvre de Bourdieu. Enfin, on constate le transfert de capital symbolique de l’auteur consacré à celui qui préface son œuvre et qui, dans ce cas, sélectionne, traduit et ordonne les textes de l’auteur consacré, etc.
Je suis actuellement responsable de l’édition en espagnol des deux volumes de la Sociologie générale pour Siglo XXI-Argentine. Mon rôle est alors différent : je relis la traduction réalisée par quelqu’un d’autre, je donne mon avis sur le meilleur choix de tel ou tel mot ou sur la façon dont on peut traduire certaines expressions selon le contexte du discours. Avec le groupe d’édition de Siglo XXI-Argentine, et particulièrement avec Luciano Padilla, nous formons une équipe magnifique, capable d’échanger plusieurs versions par jour, par courriel ou par visioconférence, d’un texte qui est sur le point d’être publié. C’est un travail très enrichissant, qui conjugue mon intérêt et mes investissements dans le champ académique, avec le grand pari économique et symbolique de cette maison d’édition : en publiant les cours dispensés au Collège de France, elle complète son catalogue, dans lequel quinze titres de Bourdieu sont publiés et deux autres sont en passe de l’être.
Je reviens maintenant sur l’un de mes premiers commentaires : pour que la traduction soit bonne, il ne suffit pas de connaître la langue et il ne suffit pas non plus de connaître la pensée de l’auteur. Je crois qu’il faut s’impliquer, se compromettre, s’immerger dans ce regard sur la réalité. Il ne faut pas perdre de vue qu’à tout moment, l’acteur principal est Pierre Bourdieu. C’est pourquoi je conçois le travail de traduction comme un outil capable de faire connaître sa pensée à un lectorat qui ne comprend pas le français. Cela implique, par exemple, de respecter le plus fidèlement possible son discours et sa façon de l’exprimer, avec son rythme et sa complexité, en n’introduisant qu’un minimum de signes de ponctuation et en ne présentant des notes de traduction que pour certains termes, comme l’argot des grandes écoles dans La Noblesse d’État, ou les jeux de mots qui n’ont pas d’équivalent en espagnol.
Un autre aspect du problème est évidemment de savoir jusqu’à quel point nos stratégies pour faire connaître l’auteur au lectorat hispanophone sont efficaces, avec quelles autres stratégies elles peuvent être combinées, et en définitive quelle peut être la réception de l’œuvre dans ces conditions. J’aimerais mentionner ici un dernier aspect : j’ai toujours voulu présenter Pierre Bourdieu comme un sociologue engagé. C’est dans ce registre que je situe la traduction du texte de la visioconférence que nous avons organisée avec Franck Poupeau le 28 juin 2000. Elle a réuni Pierre Bourdieu, accompagné de Franck Poupeau, à Paris, et des intellectuels de l’université nationale de Córdoba, de l’université de Buenos Aires et de l’université catholique du Chili. La conférence et le débat tournaient précisément autour du thème « Le sociologue et les transformations de l’économie dans la société ». Cette activité très intéressante et qui mobilisa beaucoup de monde a été la deuxième et la dernière activité de ce genre réalisée par Bourdieu en Amérique latine, la première étant celle au Mexique dont j’ai parlé plus haut.
– Dans quel contexte se produisent ces traductions ? Quels étaient les travaux dominants jusque-là ?
A. G. – Jusqu’ici j’ai surtout répondu à partir de mon expérience. Je n’étudie pas spécialement le thème des traductions ni la réception de l’œuvre de Bourdieu en Amérique latine ou en Argentine, même je connais bien sûr les travaux de mes collègues Ana Teresa Martínez, Denis Baranger et Gustavo Sorá.
Denis Baranger [2008] indique que le premier texte de Bourdieu traduit en espagnol a été « Campo intelectual y proyecto creador » [Bourdieu, 1967], dans une compilation intitulée Problemas del estructuralismo, publiée par Siglo XXI-Mexique dès sa création. Selon l’auteur, ce texte n’a pas eu beaucoup d’échos parmi les sociologues, qui semblaient plus intéressés par la contribution de Godelier dans le même ouvrage. Le suivant a été « Condición y posición de clase », en 1969, dans une compilation intitulée Estructuralismo y Sociología [Bourdieu, 1969]. Selon Baranger, il a eu plus d’impact, mais dans le contexte argentin de l’époque, il a été considéré négativement, « structuraliste » et « trop webérien », ce qui voulait dire « pas assez marxiste ».
Selon Ana Teresa Martínez [2007], le premier livre de Bourdieu traduit très tôt en Argentine a été El oficio de sociólogo [Bourdieu et al., 1975]. Elle ajoute qu’avant même sa traduction par Siglo XXI-Argentine, ce texte circulait dactylographié dans quelques milieux universitaires. En d’autres termes, Bourdieu est arrivé très tôt en Argentine, et d’abord en tant qu’épistémologue, ce qui, selon Martínez et Baranger, a imposé un sceau caractéristique à la réception de son œuvre, au moins dans un premier temps.
Dans l’ordre chronologique, il faut souligner la présence depuis 1978, avec la fondation de la revue Punto de Vista, d’un groupe d’intellectuels de gauche menés par Carlos Altamirano et Beatriz Sarlo. Cela est intéressant à double titre. D’un côté, cette revue était l’un des rares espaces de débat intellectuel à une époque de dictature militaire : Bourdieu y apparaissait aux côtés d’Habermas et de Foucault, Williams et Hoggart. D’un autre côté, Altamirano et Sarlo ont introduit les propositions de Bourdieu pour penser la sociologie de la culture, et plus particulièrement de la littérature, et ils ont commencé à utiliser le concept de « champ littéraire ». Baranger explique que le microcosme littéraire argentin était défini comme un champ dépendant. Il veut dire par là que les modèles ou les principaux référents appartenaient à d’autres domaines nationaux, une caractéristique extensible à l’ensemble du champ intellectuel, sciences sociales incluses, attentives aux différentes modes nées en Europe et surtout en France, comme on l’a vécu avec le structuralisme lévi-straussien et ensuite — dans la prolongation de celui-ci à l’intérieur de la vague marxiste, avec Althusser — avec Lacan, Foucault et Derrida [Baranger, 2008]. Ce rapprochement avec Bourdieu depuis un vaste champ de la sociologie de la culture s’est accentué avec la publication de Campo del poder y campo intelectual en 1983 [Bourdieu, 1983] et, quelques années après, avec la compilation intitulée Sociología y cultura, publiée par Grijaldo en 1990 au Mexique sous l’influence de Néstor García Canclini. Cet ensemble de textes, précédé d’une longue introduction intitulée précisément « La sociología de la cultura de Pierre Bourdieu », a été largement diffusé en Argentine.
En 1985, Emilio Tenti Fanfani, un Argentin qui avait vécu en France et qui avait introduit Bourdieu au Mexique à un moment fondateur de la sociologie de l’éducation, revint en Argentine. La perspective bourdieusienne continua à imprégner ses travaux de recherche et de réflexion dans le domaine des sciences de l’éducation. Martínez soutient que c’est à ce travail que l’on doit en grande partie l’incorporation de Bourdieu en particulier dans le domaine des études sur l’éducation dans notre pays. Au cours des années 1990, explique Martínez, le nom de Pierre Bourdieu commence à figurer de plus en plus dans les programmes de séminaires, dans les cours de licence et de troisième cycle de différentes universités. C’est dans ce contexte qu’elle signale l’importance de mon livre sur Bourdieu, comme un texte introductif qui facilitait l’approche de l’auteur en expliquant ses concepts fondamentaux. Martínez juge aussi importantes les deux premières compilations, qui apportaient de nouveaux éléments pour la connaissance locale de l’auteur avec des textes récemment traduits [Martínez, 2007] et des introductions qui invitaient à les lire. Celles que j’ai traduites se situent dans les domaines déjà ouverts de de la sociologie des intellectuels et de la culture.
Le recueil qui montre, dans une certaine mesure, une autre facette de son travail est le dernier en date. Je voulais approfondir ce qui, pour moi, est un aspect central du regard de Bourdieu : la reproduction de la société et de ses mécanismes de domination, les classes et les différentes dimensions de la lutte des classes. Je considérais que, trop souvent, cet aspect avait été injustement oublié par les lectures « culturalistes », voire « interprétativistes » d’un regard qui a toujours souligné la dialectique entre l’objectif et le subjectif.
– Comment peut-on qualifier la réception ? Cette importation a-t-elle permis la création d’un champ académique qui mette en pratique la sociologie de Bourdieu ?
A. G. – À propos des conditions de réception de Bourdieu en Argentine, Baranger souligne qu’il est impératif de prendre en compte la faible institutionnalisation de la sociologie et de l’anthropologie sociale en tant que disciplines dans notre pays. Il suggère qu’au début, Bourdieu a été reçu de façon très différente au Brésil et en Argentine, et que ces différences s’expliquent, entre autres, par l’état du champ des sciences sociales et de la sociologie, et par l’influence des dictatures militaires, qui ont été très différentes dans les deux pays. Il suggère qu’en Argentine, le Bourdieu-épistémologue a plus de poids au moins jusqu’aux années 1995, et que c’est un regard théorique qui prévaut. Au contraire au Brésil, plus proche de la culture française parce que plusieurs intellectuels ont fait leur thèse de doctorat en France et ont rapporté chez eux les études ethnologiques de Bourdieu sur l’Algérie et le Béarn, c’est plutôt le Bourdieu-chercheur qui s’est imposé : ses études sur le monde paysan algérien et béarnais sont devenues des sources d’inspiration importantes pour analyser la réalité brésilienne.
Martínez rappelle de son côté que Bourdieu commence à apparaître dans les années 1970 dans les espaces académiques spécialisés en Argentine, s’affirme à partir des années 1985 et devient après 1995 une véritable star du monde intellectuel, avec une présence presque constante dans les médias, d’abord dans Clarín, puis dans Página 12. Cependant, et elle coïncide là avec Baranger, Martínez souligne que l’appropriation de son travail comme sociologue est plutôt lente et que, mis à part les travaux pionniers d’Altamirano et Sarlo, et ceux de Tenti Fanfani, il faut attendre la fin des années 1990 et le début du xxie siècle pour voir apparaître des travaux de qualité qui se réclament de la théorie bourdieusienne pour comprendre nos sociétés : les travaux de Ricardo Sidicaro, Javier Auyero, Federico Neiburg, Alicia Gutiérrez et Gustavo Sorá.
Dans un texte récent, Baranger [2020] montre qu’au cours de la première décennie de ce siècle, une série de facteurs a permis l’expansion des sciences sociales en Argentine : l’augmentation considérable du budget des universités et du système scientifique national (CONICET et autres), et donc leur consolidation ; le pari symbolique du nouveau ministère des Sciences et techniques ; le poids des revues scientifiques et des maisons d’édition, en soulignant le rôle clef de Siglo XXI-Argentine. Dans ce contexte nouveau, il identifie et reconstruit différentes trajectoires et appropriations de Bourdieu, depuis celles des chercheurs les plus jeunes qui travaillent surtout de façon individuelle, jusqu’à celles des chercheurs confirmés faisant partie de groupes de travail consolidés dans différentes institutions du pays. Il en conclut qu’il existe différentes trajectoires et modes d’appropriation de la pensée de Bourdieu et des manières diverses d’utiliser ses catégories, bien qu’il n’existe ni un champ du bourdieusianisme ni un champ propre et relativement autonome de la sociologie argentine, non par manque d’agents et de production, mais en l’absence d’une structure institutionnelle adéquate.
Pour en revenir à mon expérience, je dois dire que j’ai toujours été interpellée par l’intérêt de plusieurs de ces groupes pour partager les expériences, les doutes, etc. nés du travail dans une perspective si riche et si complexe. En ce sens, il m’est difficile de séparer la traduction, le professorat et la recherche. Depuis trente ans que je donne des cours sur l’œuvre de Pierre Bourdieu, j’ai surtout voulu la présenter comme « une boîte à outils », avec des potentialités pour rendre compte de problématiques différentes, insister sur les questions méthodologiques qu’elle implique, et consolider l’idée de construction et de réflexion. Si, par exemple, je dois parler des concepts de champ et d’espace social, je me réfère aux textes spécifiques de l’auteur, à l’analyse de correspondances multiples (ACM), et je montre comment Bourdieu l’utilise, par exemple lorsqu’il construit le champ des maisons d’édition françaises ou le marché du logement, pour finalement analyser de quelle façon, avec l’équipe de recherche que je dirige, nous construisons l’espace social de Córdoba et quels sont nos principaux résultats.
– Comment as-tu utilisé Bourdieu dans ton travail de recherche ?
A. G. – Depuis mes premiers contacts avec la sociologie bourdieusienne dans les années 1990, j’ai commencé à mettre en pratique son regard théorique et méthodologique, et à utiliser ses catégories conceptuelles comme de véritables outils analytiques.
Dans un premier moment, je l’ai fait dans l’analyse de la pauvreté urbaine, concrètement avec une étude sur les stratégies de la reproduction sociale dans un ensemble de familles d’un quartier de Córdoba en Argentine : cela a été ma première recherche importante, qui m’a permis de faire mon doctorat à l’EHESS en cotutelle avec l’université de Buenos Aires, et de compter sur l’appui et l’amitié permanente de Jean-Claude Combessie, qui a été mon directeur et mon ami.
Je partais de la théorie de l’action et de la reproduction sociale de Bourdieu, et j’utilisais deux de ses concepts clefs : l’espace social en tant que structure de la distribution des ressources d’une société, et les stratégies de reproduction sociale en tant que catégorie fondamentale pour rendre compte de la dynamique des classes et des relations de force dans cet espace. Les conclusions de ce travail ont été publiées sous forme de livre à Córdoba en 2004 [Gutiérrez, 2004], ainsi que dans de nombreux articles et chapitres de livres, dont les plus importants sont certainement un chapitre dans un livre compilé en Espagne en 2005 par Luis Enrique Alonso, Enrique Martín Criado et José Luis Moreno Pestaña [Gutiérrez, 2005a], avec pour objectif est de réfléchir sur les capacités heuristiques de la perspective de Pierre Bourdieu ; et une « Note de recherche » dans Actes de la recherche en sciences sociales [Gutiérrez, 2005b] la même année. Ces conclusions ont aussi été des paris qui m’ont permis de me positionner dans le champ académique.
Pour faire vite, les principales conclusions seraient : la pauvreté ne se reproduit pas de manière isolée ; pauvreté et richesse procèdent des mêmes principes dynamiques qui opèrent dans un espace social concret ; l’analyse des stratégies de reproduction sociale de familles qui vivent en situation de pauvreté doit partir des ressources et non des carences. De plus, dans ces familles dont le capital économique et le capital culturel sont faibles ou nuls, ce qui apparaît comme une ressource importante est le capital social, — ce qui serait appelé aujourd’hui le « capital d’autochtonie ».
Je voudrais m’étendre un peu là-dessus : les ressources sociales constituent un outil d’analyse fondamental pour les situations de pauvreté en Amérique latine, en particulier depuis les travaux de Larissa Lomnitz dans des quartiers mexicains [Lomnitz, 1975]. Je reprends quant à moi l’hypothèse de Lomnitz, mais dans une perspective bourdieusienne : les pauvres font appel à leurs ressources sociales en formant des réseaux d’échange de biens et de services qui ne sont pas nécessairement symétriques. J’introduis ainsi la possibilité de reconstruire deux aspects du même problème : a) d’un côté, les structures objectives qui génèrent la distribution inégale de cette ressource fondamentale (pour la possibilité d’accès à d’autres biens) et b) d’un autre côté, les tensions et les luttes concrètes pour la défendre et l’accumuler.
Il découle de tout cela que les « non-pauvres » interagissent aussi avec les pauvres à partir de ce qu’ils ont et pas de ce dont ils manquent. Les notions bourdieusiennes de réseau et de capital social permettent d’analyser comment les pauvres maintiennent des relations avec le reste des groupes sociaux à travers un réseau d’échange de capitaux. Dans ce réseau, les pauvres peuvent offrir un capital social collectif qui est susceptible de se transformer en d’autres espèces de capital. Dans le cas que j’ai étudié, le groupe le plus important de la guérilla urbaine en Amérique latine, les « Montoneros », a aidé des familles à occuper de facto un terrain public dont elles ont obtenu la propriété collective moyennant une cession du gouvernement local de ma province. Les « Montoneros » échangent dans ce réseau leurs propres ressources, – capital culturel, et capital social et politique –, tandis qu’ils accumulent un capital politique et se reproduisent dans leur champ spécifique. Les mêmes outils analytiques permettent d’analyser de quelle façon, dans un contexte historique ultérieur, les mêmes familles pauvres nouent des relations avec deux ONG et des groupes politiques qui participent du jeu démocratique. En définitive, on peut observer de quelle façon ces réseaux, qui se forment entre des agents qui occupent des positions différentes dans l’espace social, articulent des modes de reproduction différents. Par conséquent, analyser comment pauvres et non-pauvres sont liés à partir de ces réseaux d’échange de capitaux permet de consolider une première conclusion : les pauvres ne sont pas en marge de la société. Je soutiens que parler de la pauvreté en termes de « marginalité » ou d’« exclusion » sans plus de précisions revient à oublier que les pauvres occupent une position dans la société, la plus faible, celle qui est dominée dans le contexte général des champs.
Ces premières conclusions se sont lentement affirmées comme des outils analytiques et comme des enjeux de lutte symbolique. Cette façon d’analyser la pauvreté en Argentine était novatrice à l’époque, dans le contexte local et régional des productions sur le thème : les travaux les plus importants et les plus connus dans le champ scientifique local s’inspiraient surtout des thèses marxistes dans leurs versions latino-américaines.
Depuis 2010, avec mon équipe, nous poursuivons une étude des processus de reproduction sociale des inégalités dans l’Argentine contemporaine. Notre programme de recherche, « Reproduction sociale à Córdoba, stratégies familiales et dynamiques récentes, 2003-2021 » s’intéresse aux stratégies de reproduction de familles qui appartiennent à différentes classes et fractions de classe, dans divers domaines (travail, éducation, habitat et consommation). Il combine approches quantitatives et qualitatives. Notre regard analytique général est un regard bourdieusien. Cela nous conduit à affronter un ensemble de défis, et les décisions que nous prenons pour les affronter constituent également des enjeux : les uns se rapportent au processus même de connaissance, les autres au positionnement dans le champ scientifique et politique [Gutiérrez, 2021]. Je voudrais signaler ici les plus importants.
Un des problèmes scientifiques principaux se rapporte au « regard » sur les inégalités sociales. Notre point de départ est celui d’une forme particulière d’inégalités, qui n’est pas celle la plus à la mode dans le monde discursif académique contemporain : les inégalités de classe. Cela ne signifie pas que nous négligeons les questions relatives aux relations de genre, spatiales, éducatives ou générationnelles. Mais nous comprenons qu’à bien des égards la classe sociale reste une catégorie synthétique de structuration, sur laquelle se tissent de multiples tensions et de forces en conflit. En d’autres termes, nous comprenons avec Bourdieu l’inégalité de classe comme une configuration de relations sociales multidimensionnelles, et notre recherche se construit à partir de ce postulat dans les domaines théorique, méthodologique, analytique, et dans l’écriture elle-même.
Le « regard théorique » porté sur cette inégalité de classe est différent de celui qui a dominé le champ d’études sur l’inégalité et la stratification sociale qui, pendant des décennies, a privilégié les courants néomarxistes et néowebériens. Il est plus proche en tout cas, avec quelques différences, de la démarche CARs (Capital, Assets and Resources) à partir de laquelle Savage et son équipe continuent au Royaume-Uni la tradition de la pensée relationnelle de l’inégalité de la perspective bourdieusienne [Savage et al., 2013]. De fait, nous partons de la même hypothèse théorique – le schéma des classes ne provient pas d’une approche déductive : il existe d’abord l’espace social, et ensuite les classes s’identifient en lui –, nous considérons la classe comme un phénomène multidimensionnel et nous en appelons à une ACM. Ce genre d’étude des inégalités sociales implique toujours des efforts supplémentaires d’explicitation et de traduction conceptuelle et méthodologique.
Par ailleurs, une approche méthodologique doit tenir compte du fait que l’inégalité sociale a deux visages : un visage objectif et un autre subjectif. Capter les sens vécus de l’inégalité sociale est fondamental. Nous souhaitons expliquer et comprendre ce que font les gens pour reproduire l’inégalité sociale et ce qu’ils font pour y résister : ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire, comme ce qu’ils croient pouvoir et ne pas pouvoir faire ; comment les gens vivent, expérimentent, subissent, racontent et justifient le monde inégal dans lequel ils vivent, sans qu’ils aient l’intention explicite de le faire. Ces significations font partie de la compréhension complexe de la façon dont l’inégalité sociale se reproduit, comme la vie sociale, dans la dialectique entre l’objectif et le subjectif, entre les choses et les corps. Cela nous contraint, évidemment, à choisir des méthodes et des techniques qui permettent de couvrir les deux dimensions et l’approche relationnelle qui explique et comprend ces processus. Cela nous oblige aussi, c’est certain, à coordonner les méthodes et les objectifs, les hypothèses, les unités d’analyse et les sources d’information disponibles.
La question du « lieu de la recherche » invite à réaliser ce type d’études en dehors de Buenos Aires. Et cela est pertinent en particulier pour les enquêtes sur l’inégalité sociale en Argentine, pays dans lequel l’aire métropolitaine de Buenos Aires a généralement été considérée comme la totalité du pays. Nous ne prétendons pas combler le vide en étudiant l’inégalité sociale « à l’intérieur » ou « depuis l’intérieur » de l’Argentine, mais plutôt dialoguer, discuter et compléter la connaissance sociologique de l’inégalité sociale en Argentine. Tous ces aspects sont expliqués en détail dans le livre que j’ai écrit avec deux collègues de mon équipe, Héctor Mansilla et Gonzalo Assusa [Gutiérrez et al., 2022].
Je voudrais enfin signaler qu’il existe un enjeu politique à affirmer que l’inégalité sociale est un problème fondamental pour nos pays latino-américains, un axe de lecture central pour rendre compte des prises de décision politiques, et pour pouvoir comprendre les principes de vision et de division qui se sont imposés pendant très longtemps. Il est aussi important d’affirmer qu’il faut chercher l’explication et la compréhension de ces processus dans la reproduction de la société en tant que structure de classes, qu’il s’agit d’un phénomène multidimensionnel qui invite à utiliser un ensemble de méthodes complémentaires. Il faut assumer, finalement, que nous avons le devoir d’étudier l’inégalité sociale, de faire connaître nos résultats et de générer différents niveaux de discours pour démontrer ces mécanismes.
On m’a très souvent posé des questions du genre : « Est-ce que la pensée de Bourdieu est utile pour analyser l’actualité ? », ou encore « N’est-il pas erroné d’utiliser une théorie européenne pour analyser nos problèmes latino-américains ? ». Et ma réponse est : oui à la première question, non à la deuxième, à condition d’assumer la prémisse bourdieusienne de traiter la théorie comme un modus operandi.
Je ne prône pas l’importation acritique des catégories de Bourdieu, nées de préoccupations sociales et sociologiques différentes, dans des champs de production différents. Ce que je soutiens, c’est qu’il vaut la peine de récupérer les aspects centraux de sa théorie et sa logique de fonctionnement, en assumant son statut de « construction de la réalité », et en essayant d’apprécier les possibilités de rendre compte d’autres aspects de la réalité et de construire de nouvelles connaissances. À mon avis, il y a là deux questions clefs à prendre en compte. D’un côté, il faut considérer ces catégories comme de véritables outils analytiques, comme des constructions théoriques qui revêtent leur contenu spécifique dans nos problématiques, dans un espace et dans un temps concret. D’un autre côté, ces outils analytiques peuvent — et doivent — entrer en discussion avec nos propres débats théoriques et méthodologiques. Dans le cas de nos recherches, nous devons nous souvenir qu’il existe des traditions fortes, proprement latino-américaines et argentines, qui étudient depuis longtemps la pauvreté et l’inégalité sociale de divers points de vue. Toute nouvelle approche doit discuter et dialoguer avec elles. Il s’agit donc de situer la théorie bourdieusienne d’une double façon : dans le contexte historique spécifique que l’on veut expliquer et comprendre, et dans l’état du débat théorique, méthodologique et empirique qui va nécessairement au-delà de l’international, pour faire de la place au régional et au local.
Bibliographie
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10.1177/0038038513481128 :Auteurs
Alicia B. Gutiérrez est professeure de sociologie à l’université nationale de Córdoba (Argentine) et chercheuse au CONICET. Elle est titulaire d’un doctorat de l’École des hautes études en sciences sociales de Paris et d’un doctorat de l’université de Buenos Aires. Ses recherches portent sur la pauvreté et les inégalités sociales. Ses livres les plus importants sont : Las prácticas sociales: una introducción a Pierre Bourdieu [édition la plus récente : Villa María, EDUVIM, 2012], Pobre… como siempre. Estrategias de reproducción social en la pobreza [Villa María, EDUVIM, 2015] et De la grieta a las brechas. Pistas para estudiar las desigualdades en nuestras sociedades contemporáneas [en collaboration avec Héctor Mansilla et Gonzalo Assusa, Villa María, EDUVIM, 2022]. Elle a traduit une partie importante de l’œuvre de Pierre Bourdieu en espagnol pour des éditeurs argentins et mexicains.
Amín Pérez est professeur de sociologie à l’université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur les migrations, le colonialisme et la socio-histoire intellectuelle dans les Caraïbes, et entre la France et l’Algérie. Il a notamment participé à l’établissement et l’introduction des éditions critiques de trois livres : Abdelmalek Sayad, L’Immigration ou Les paradoxes de l’altérité. Tome 3 La fabrications des identités culturelles [Raisons d’agir, 2014] ; Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad, El Desarraigo [Siglo XXI, 2017] ; Pierre Bourdieu, Travail et travailleurs en Algérie [Raisons d’agir, 2021]. Il est l’auteur de Combattre en sociologues, Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad dans une guerre de libération (Algérie, 1958-1964), paru aux Éditions Agone en 2022.
Franck Poupeau est directeur de recherche au CNRS et directeur adjoint du CREDA (UMR 7227). Il a été en poste à l’antenne bolivienne de l’Institut français d’études andine de 2006 à 2010 puis de 2019 à 2022. Il a dirigé, entre 2012 et 2017, l’unité mixte internationale de recherche iGLOBES (Interdisciplinary and Global Environment Amín Pal Studies, UMI 3157) basée à l’université d’Arizona. Ses recherches portent sur les inégalités et les politiques environnementales en Amérique du Sud et aux États-Unis. Il a publié de nombreux articles et ouvrages dont les plus récents sont The Field of Water Policy. Power and Scarcity in the American West [Routledge, 2019] et Altiplano. Fragments d’une révolution (Bolivie, 1999-2019) [Raison d’agir, 2021]. Depuis les années 2000, il s’occupe des éditions Raisons d’agir qui ont, entre autres, publié les Cours au Collège de France de Pierre Bourdieu. Il a aussi coédité les livres inédits de Pierre Bourdieu Microcosmes. Théorie des champs [2022] et Impérialismes. Circulation internationale des idées et luttes pour l’universel [2023].
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