Chapitre 13. Les redevances comme levier pour la gestion collective de l’eau : exemples au Brésil et en France
p. 300-319
Texte intégral
Introduction
1Des politiques décentralisées et participatives de gestion de l’eau s’inspirant de l’expérience française ont été mises en place dans les années 1990 dans plusieurs États brésiliens ainsi qu’au niveau fédéral1. Plusieurs évaluations de ces politiques en dressent un bilan mitigé après vingt ans de mise en œuvre [Agência Nacional de Águas, 2019b ; OECD, 2015 ; OECD, 2017 ; Freitas, Molejon & Formiga-Johnsson, 2018] : 226 comités de bassin ont été créés dans le pays, mais moins d’un quart d’entre eux disposent d’une agence de bassin. Or ces agences sont chargées de gérer les redevances pour l’usage de l’eau qui constituent les ressources financières des comités de bassin. Même dans les bassins brésiliens où existent des agences, les montants des redevances sont insuffisants pour répondre aux besoins en personnels techniques de gestion de l’eau comme à ceux relatifs au financement d’ouvrages.
2Nous présentons ici, à titre exploratoire, une analyse comparée des politiques de l’eau mettant en regard une expérience brésilienne et une expérience française menées à des époques différentes. Nous faisons l’hypothèse qu’une étude historique de la mise en place et du fonctionnement de comités et d’agences de bassin en France à partir des années 1960 peut aider à comprendre le processus en cours au Brésil depuis les années 1990.
3Ce travail s’inscrit dans la continuité d’une réflexion sur l’histoire des agences et des comités de bassin français basée sur des données acquises entre 2010 et 20142. En regard du cas du bassin Seine-Normandie, nous présentons le cas du triple bassin des rivières Piracicaba, Capivari et Jundiaí (PCJ), au Brésil, choisi en raison de son caractère pionnier dans le domaine de la gestion de l’eau par bassin3.
4Les trois bassins du PCJ abritent une population de 5,5 millions d’habitants et alimentent en plus neuf millions d’habitants de la métropole de Sao Paulo par un transfert d’eau interbassin à partir d’un ensemble de réservoirs dénommé système Cantareira. Ce sont donc environ quinze millions de personnes qui dépendent directement des eaux des bassins PCJ, chiffre comparable à la population du bassin Seine-Normandie en 1975, estimée à seize millions d’habitants.
5En revanche, la superficie des bassins PCJ, de l’ordre de 15 000 km², n’est guère comparable à celle du bassin Seine-Normandie, qui couvre près de 100 000 km². Comme le montre la carte ci-dessous, le triple bassin PCJ est l’un des six sous-bassins du bassin de la rivière Tietê4, d’une superficie de 72 000 km². Autre différence : la Seine a un débit moyen de 540 m³/s à son estuaire, tandis que la somme des débits moyens des rivières Piracicaba, Capivari et Jundiaí à leur confluence avec le Tietê est de l’ordre de 160 m³/s. Mais l’un et l’autre de ces bassins sont confrontés à d’importantes demandes en eau pour les populations, l’industrie et, dans une moindre mesure, l’agriculture, nécessitant des politiques de gestion de l’eau efficaces afin d’éviter des pénuries.
6Dans les deux cas, la méthodologie utilisée a consisté à examiner les comptes-rendus de réunions des comités de bassin et de leurs commissions techniques sur une période de quinze ans et analyser les discussions concernant les redevances et aides financières.
Expériences de gestion de l’eau en France et au Brésil
7Nous examinerons dans un premier temps la façon dont les agences et comités de bassin ont prélevé des redevances afin de financer des interventions dans les deux contextes différents.
Agence et comité de bassin Seine-Normandie, France
8Mis en place en 1967 en application de la loi sur l’eau de 1964, le comité de bassin Seine-Normandie était originellement constitué à parts égales de représentants des usagers (industrie, distributeurs d’eau, pêche et pisciculture, agriculture, batellerie, Électricité de France, tourisme et consommateurs d’eau), des collectivités locales et de l’administration. Les études prospectives menées par l’Agence financière de bassin, elle aussi nouvellement créée à l’époque, montraient alors que la consommation d’eau de la région parisienne augmenterait de 44 m3/s en 1967 à 53 m3/s en 1975. Or les eaux de la Seine et de ses affluents ne suffisaient déjà plus à fournir cette quantité d’eau en étiage. Par ailleurs, leur pollution s’aggravait rapidement.
9À partir de ce constat, les techniciens de l’Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN) ont proposé un programme d’intervention sur quatre ans (1969-1973). L’action la plus importante de ce programme était la finalisation d’un barrage sur la Marne5, destiné à la rétention des crues et au soutien d’étiage, dont la dernière tranche des travaux se montait à cent quinze millions d’euros6. La somme allouée par l’État était de soixante-cinq millions d’euros. Pour poursuivre la construction, un financement complémentaire de l’Agence du bassin, de cinquante millions d’euros, était nécessaire. Dans le volet « ressources » du programme d’intervention étaient également prévus la construction de nouveaux réseaux et stations de traitement permettant aux industries d’abandonner leurs captages d’eaux souterraines au profit des eaux superficielles, ainsi que l’achat de terrains autour de zones de captage afin de constituer des réserves stratégiques pour l’avenir. Sur le plan de la qualité de l’eau, le programme prévoyait de doubler le rythme des constructions de stations d’épuration dans le bassin par rapport à ce qui était prévu avec les financements existants, pour traiter la totalité des eaux usées du bassin à un horizon de vingt ans.
10Au total, quatre cents millions d’euros d’aides financières de l’Agence étaient nécessaires pour que le programme de travaux d’une durée de quatre ans puisse être exécuté. Sur la base de ce montant, les équipes techniques ont calculé les assiettes et les taux des redevances à proposer au comité de bassin. Les redevances destinées à fournir ce montant de quatre cents millions d’euros étaient basées sur deux principes : elles devaient être supportées en priorité par les acteurs bénéficiaires des travaux ; leurs montants devaient inciter les usagers à modifier leurs comportements de consommation de la ressource dans le sens de l’intérêt commun du bassin7. L’Agence a donc proposé un zonage des redevances pour prélèvement et consommation d’eau (voir Figure 2 et Tableau 1).
Tableau 1. Redevances pour prélèvement et consommation de l’eau lors du premier programme d’intervention de l’Agence Seine-Normandie (1969-1973)8
Zone | Eaux superficielles | Eaux superficielles | Eaux souterraines | Montant prévisionnel |
Zone 1 | Prélèvements : | Prélèvements : | Prélèvements : | 37 M€ / an |
Zone 2 | Consommation : | 0 | Prélèvements : | 4,3 M€ / an |
Autres zones critiques en termes de gestion quantitative de la ressource9 | Prélèvements : | Prélèvements : | Prélèvements : | 9,3 M€ / an |
Reste du bassin | Prélèvements : | 0 | Prélèvements : | 0,8 M€ / an |
Source : Patrick Laigneau, 2014. Élaboration à partir des données AESN (1968).
11Dans la zone 1, la région parisienne, les prélèvements d’eau dans les rivières ont été fortement taxés en été, afin d’inciter aux économies d’eau pendant la période d’étiage, et les prélèvements des nappes l’ont été toute l’année, afin d’encourager le transfert des prélèvements industriels vers les rivières et de réserver les nappes pour les usages exigeant une eau de meilleure qualité. Dans la zone 2, la partie du bassin située à l’amont de Paris, les taux de redevances les plus élevés concernaient l’eau consommée en été, c’est-à-dire prélevée et non restituée au réseau hydrographique après usage, ayant un impact direct sur la disponibilité en eau à l’aval. Compte tenu des volumes prélevés et/ou consommés dans chaque zone, une grande partie des cinquante millions d’euros annuels de redevances ont été acquittés par les usagers de la région parisienne, principaux bénéficiaires du programme.
12Pour la partie du programme visant à traiter les pollutions, les taux des redevances ont été modulés géographiquement en fonction de la qualité des rivières, partant du principe qu’un rejet dans un cours d’eau de bonne qualité, par exemple dans les têtes de bassin, devait être soumis à un taux de redevance élevé, car exigeant un niveau de traitement avancé. Les taux ont été fixés entre 0,02 € et 0,06 € par kilo de matières organiques déversé dans le milieu naturel. Compte tenu de la pollution organique rejetée, la contribution des usagers a été estimée à soixante-cinq millions par an pour l’ensemble du bassin.
13Le projet de programme d’intervention élaboré par les techniciens de l’Agence a été amélioré grâce aux commissions techniques du comité de bassin, où les représentants des principaux usagers et les responsables politiques concernés ont négocié chaque détail. Ceux-ci ont par exemple décidé une mise en place progressive des redevances pour pollution, avec un abattement des taux de 50 % la première année et de 25 % la deuxième. Le programme et les taux des redevances ont été votés à la quasi-unanimité des membres du comité de bassin, malgré leur fort impact pour la population et les entreprises (augmentation de l’ordre de 10 % du prix de l’eau dans la région parisienne).
14Les premières redevances ont été perçues en 1969 pour un montant total de quatre-vingt-cinq millions d’euros. Les premières aides financières ont été accordées la même année pour un montant total de deux cent six millions d’euros10. Dès 1971, la totalité des aides prévues pour le premier programme pluriannuel d’intervention ayant été attribuée, le second programme a été anticipé pour couvrir la période 1972-1975. Dans la continuité du premier, il a été discuté et négocié dans les commissions techniques puis voté à l’unanimité par le comité de bassin (y compris les taux des redevances correspondants).
15Au total, plus d’un milliard d’euros d’aides financières ont été attribués par l’Agence au cours de ses deux premiers programmes (1969-1975), permettant la réalisation de milliers d’ouvrages dans le bassin. La région parisienne a évité le pire au moment de la sécheresse de 1976. Les résultats étant au rendez-vous, les membres du comité de bassin ont accepté une augmentation des redevances lors des programmes ultérieurs.
16Le graphique de la figure 3 montre les montants des redevances perçues et des aides accordées par l’Agence Seine-Normandie pendant ses douze premières années d’activité, ainsi que le rythme du versement des aides financières aux maîtres d’ouvrage, qui a suivi l’avancement des travaux.
Bassins des rivières Piracicaba, Capivari et Jundiaí (PCJ) - Brésil
17Le triple bassin des rivières Piracicaba, Capivari et Jundiaí (PCJ) fait figure de pionnier au Brésil en ce qui concerne la gestion de l’eau. Un consortium regroupant communes et entreprises industrielles y a été créé en 1989, et un comité de bassin en 1993. Celui-ci est composé à 40 % de représentants des pouvoirs publics (État fédéral, États de Sao Paulo et de Minas Gerais, communes des bassins), à 40 % de représentants des usagers de l’eau et à 20 % de représentants de la société civile.
18Faisant face à des crises récurrentes en termes de ressources en eau et de pollution, les acteurs du PCJ ont voulu créer une agence de bassin et un système de redevances en s’inspirant de l’expérience française11. Malgré le vote d’une loi sur l’eau dans l’État de Sao Paulo en 1991 et d’une loi fédérale sur l’eau en 1997, des blocages politiques et administratifs ont retardé cette perspective12. Face à ces difficultés, le consortium PCJ a proposé en 1999 une « redevance volontaire ». Fixée à un taux de 0,004 €/m3 d’eau prélevée, celle-ci a été acquittée par une dizaine de communes et a permis de collecter jusqu’à 500 000 € par an pour la réalisation de projets dans les bassins en attendant la mise en place en 2006 des redevances officielles.
19Précédant le comité PCJ, des redevances avaient été mises en place dès 2003 sur le fleuve Paraíba do Sul à l’initiative de l’Agence nationale des eaux (Agência Nacional de Águas – ANA). Celle-ci, tout juste créée, avait conditionné un ambitieux programme d’assainissement à la mise en place de ces redevances [Formiga-Johnsson et al., 2007]. En pratique, ces premières redevances ont été établies de façon à éviter tout impact significatif sur les usagers et à faciliter le consensus au sein du comité de bassin [Laigneau et al., 2018b].
20En décembre 2005, après une année de discussions en groupes de travail et commissions techniques, le comité PCJ a approuvé à son tour, à la quasi-unanimité (une abstention), des taux de redevance identiques à ceux pratiqués dans le bassin du Paraíba do Sul : 0,0033 €/m3 (R$ 0,01/m³)13 d’eau prélevée, 0,0066 €/m3 d’eau consommée et 0,005 €/m3 d’eau transférée vers l’agglomération de Sao Paulo. Concernant la pollution, le taux retenu a été de 0,033 €/kg de matières organiques rejetées.
21Depuis lors, ces redevances permettent de collecter des montants de l’ordre de vingt millions d’euros par an, soit soixante millions de réais brésiliens. Ces sommes, hormis celles, mineures, affectées aux frais de fonctionnement, sont utilisées pour financer des projets dans les bassins. Un système de sélection permet de choisir chaque année les projets en fonction de leur qualité technique et de leur cohérence avec les priorités retenues dans des plans de bassin élaborés à intervalles réguliers. Le graphique de la figure 4 présente les valeurs des redevances perçues et des aides attribuées par le comité des bassins PCJ.
22Contrairement à l’Agence Seine-Normandie qui a attribué immédiatement des aides d’un montant atteignant la moitié du budget de son programme d’intervention pluriannuel, l’Agence PCJ n’a sélectionné chaque année que des projets correspondant aux montants des redevances déjà perçues. De plus, l’exécution des projets s’est avérée laborieuse et certains ont même été abandonnés par les maîtres d’ouvrage. Pendant les premières années d’activité de l’Agence, le montant des aides financières attribuées s’est donc trouvé inférieur au montant des redevances perçues. Les paiements ont augmenté à un rythme plus faible encore, selon l’avancée des travaux. Depuis 2014, les surplus financiers accumulés pendant les premières années sont utilisés pour financer davantage de projets. L’Agence a atteint ainsi un « rythme de croisière » où les montants prélevés et les aides aux projets sont globalement équilibrés.
23Définis en 2006 pour une durée de deux ans, les taux des redevances n’ont été révisés qu’en 2012, tandis que l’inflation avait minoré d’un tiers leur valeur. Les représentants des industriels et de la Compagnie des eaux de l’État de Sao Paulo14 (SABESP) se sont alors fermement opposés à l’augmentation des redevances proposée par l’Agence PCJ, estimant que celles-ci devaient être fondées sur une analyse précise de leur efficacité et de leur impact sur les usagers. Le groupe de travail formé pour proposer de nouveaux taux de redevance a conclu ses travaux sans parvenir à un consensus. La proposition finalement votée par le comité PCJ a prévu une légère augmentation des taux chaque année à partir de 2013, à peine suffisante pour compenser l’inflation future, et sans qu’elle rattrape la perte de valeur constatée depuis 2006. Les représentants des industriels ont voté contre cette proposition, pourtant peu ambitieuse.
Éléments de comparaison entre les expériences française et brésilienne
24Nous examinerons à présent les principales différences entre les processus français et brésilien, avant de revenir sur le potentiel réflexif d’un regard croisé entre des expériences menées en des lieux et des époques différents.
Proposition d’action des agences et moyens financiers
25L’Agence financière de bassin Seine-Normandie a été créée deux ans avant la mise en place du comité de bassin correspondant, sous la forme provisoire d’une « mission technique de bassin ». Elle a recensé les problèmes concernant les ressources en eau et la pollution, a étudié les moyens d’y remédier, puis a présenté les redevances comme le moyen nécessaire et suffisant pour l’exécution d’un programme d’intervention. Concrètement, une « commission des travaux et des programmes » et une « commission des finances et des redevances » du comité de bassin ont discuté de façon conjointe selon un processus itératif. Lorsque la première commission proposait des travaux, les services techniques de l’Agence calculaient les taux de redevance qu’ils impliqueraient. Et, quand la seconde commission proposait des modifications de ces taux, les mêmes services en calculaient les conséquences sur le programme d’intervention. Le programme d’intervention a été voté par le comité de bassin Seine-Normandie en même temps que les redevances permettant de le financer.
26Le comité PCJ, de son côté, fonctionnait depuis plus de dix ans lorsque les redevances ont été mises en place en 2006. Ces dernières ont été présentées comme un moyen de poursuivre et d’intensifier les actions de gestion de l’eau déjà engagées, sans qu’il soit fait référence à un programme d’intervention. Un plan de bassin avait été élaboré quelques années plus tôt par un bureau d’études, mais le montant fixé pour les redevances ne permettait de couvrir que 20 % des dépenses qu’il prévoyait, sans que d’autres sources de financement soient identifiées de façon précise. Un nouveau plan de bassin a été adopté en 2010, définissant des actions à mener à court et moyen termes, mais toujours sans que soient précisément définies les modalités de leur financement. Lors des discussions de 2012 concernant la révision des redevances, les principaux sujets abordés ont été la nécessité (ou pas) d’actualiser automatiquement les valeurs des redevances en fonction de l’inflation, l’équité entre les usagers et l’impact des redevances sur leurs activités. En revanche, il n’a quasiment pas été question des actions nécessaires pour résoudre les problèmes des bassins PCJ, le déphasage entre la discussion sur les redevances et l’élaboration du plan de bassin étant d’ailleurs évoqué.
27Examinons à présent les points de vue et les postures adoptées dans chaque cas par les usagers de l’eau sollicités pour approuver les redevances puis les payer.
Réactions des usagers de l’eau
28Dans le bassin Seine-Normandie, élus et industriels ont d’abord été réticents à acquitter des redevances dont les montants étaient élevés. S’ils l’ont finalement accepté, c’est avant tout parce qu’ils ont été convaincus que la seule façon de faire face au risque imminent de pénurie d’eau dans la région parisienne était la participation de tous à l’effort collectif. Pour les industriels, un autre élément a été décisif : le versement par l’État d’une aide au paiement des redevances dues par les installations les plus polluantes lorsque leur montant dépassait un certain seuil15. Les réticences vis-à-vis des redevances ont diminué pour les programmes suivants de l’Agence Seine-Normandie, les usagers ayant rapidement pu constater les travaux réalisés grâce à ces redevances et ayant pris conscience qu’ils pouvaient bénéficier d’aides financières pour des investissements qu’ils auraient bien souvent dû réaliser de toute façon, compte tenu des exigences de la réglementation. La réticence des communes a disparu lorsqu’elles ont cessé de payer les redevances pour pollution domestique, transférées en 1975 dans les factures d’eau des usagers des services d’eau et d’assainissement16. Les agriculteurs, quant à eux, ont obtenu des reports successifs concernant le paiement des redevances.
29Dans le cas des bassins PCJ, une dizaine de communes a décidé le paiement d’une redevance volontaire dès 1999 pour contribuer financièrement aux actions collectives de gestion de l’eau. Les représentants des autres communes et du secteur industriel ont également montré leur disposition à contribuer financièrement en votant en faveur de la mise en place des redevances en 2005, même si les montants de celles-ci étaient modestes. Six ans plus tard, une partie de ces usagers s’est montrée réticente à l’augmentation des redevances. Dans les réunions du comité, les industriels ont exprimé un refus d’être associés à l’effort collectif des autres usagers et ont critiqué les bases techniques présentées par l’Agence de bassin pour la révision des redevances. Un document d’analyse publié en 2012 par la Fédération nationale des industries du Brésil [CNI, 2012] souligne que relativement peu de projets ont pu être financés grâce aux redevances et que les industriels n’en ont quasiment pas bénéficié17. Les services d’eau et d’assainissement, même s’ils étaient parfois bénéficiaires d’aides de l’agence d’un montant supérieur aux redevances payées, n’en ont pas fait mention au cours des discussions sur les redevances. Les représentants des deux secteurs ont argumenté qu’ils investissaient de leur propre initiative des sommes importantes en faveur de la lutte contre la pollution et de la préservation des ressources en eau des bassins, et qu’en conséquence, il n’était pas justifié qu’ils s’acquittent des redevances. Contrairement au cas du bassin Seine-Normandie, les investissements réalisés au moyen des redevances n’ont pas eu une visibilité suffisante pour justifier l’utilité de ce mécanisme aux yeux de ces usagers.
30L’analyse comparative suggère que le lien direct entre les redevances et les aides financières constitue un facteur essentiel pour la construction et/ou le maintien d’une solidarité entre les usagers. On peut dès lors se demander pourquoi les acteurs brésiliens n’ont pas accordé davantage d’importance à cet aspect particulier, alors même qu’ils se sont inspirés de l’expérience française.
Points de vue divergents sur l’expérience française
31Pendant les années 1990 et 2000, les responsables brésiliens qui s’intéressaient à l’expérience française n’avaient pas sous les yeux les agences financières de bassin du début des années 1970, mais des institutions qui fonctionnaient depuis plus de trente ans. L’agence Seine-Normandie, lors de son septième programme d’intervention (1997-2002), prélevait des redevances et distribuait des aides d’un montant de l’ordre de sept cents millions d’euros par an, sans commune mesure avec ce qui pouvait être envisagé au Brésil, où le processus ne faisait que débuter.
32Il existait des documents relatant l’histoire des agences financières de bassin18 et certains acteurs français présents à leurs débuts pouvaient en témoigner. Mais les pratiques ne correspondaient pas toujours aux théories, et les redevances ont été au cœur d’un débat qui a accompagné les agences depuis leur création. Prolongeant une analyse proposée par Bernard Barraqué [2001], nous avons résumé ce débat en distinguant deux points de vue divergents, chacun défendu par un ensemble d’acteurs que l’on peut regrouper dans une advocacy coalition19.
33Le premier point de vue conçoit les redevances comme un moyen financier au service d’une action collective. Cette conception remonte à l’expérience des Genossenschaften de la Ruhr, qui a inspiré les agences financières de bassin françaises20. Elle est basée sur l’association étroite entre des redevances et un programme d’intervention, comme dans le cas du bassin Seine-Normandie. Mis en commun, l’argent est utilisé par l’agence de l’eau elle-même (Ruhr) ou redistribué au profit des acteurs locaux qui réalisent des investissements (France). C’est le point de vue de la « coalition de gouvernance communautaire et subsidiaire ».
34Le second point de vue conçoit les redevances comme un outil d’incitation économique sans restitution dans un programme d’intervention. Il a été défendu en France à partir des années 1970 par des économistes néolibéraux et par des fonctionnaires du ministère des Finances qui désapprouvaient la façon dont fonctionnaient les agences. Selon eux, l’argent devrait partir dans le budget de l’État et c’est le niveau de la taxe qui devrait faire bouger les usagers de l’eau. Ce second point de vue est défendu par la « coalition libérale étatique ».
35L’histoire politique des comités de bassin et des agences de l’eau françaises sur la longue durée montre que leur fonctionnement s’est progressivement éloigné du principe initial consistant, selon la coalition de gouvernance communautaire et subsidiaire, à rassembler des usagers de l’eau pour qu’ils décident ensemble des redevances et aides permettant de résoudre les problèmes communs de leur bassin [Laigneau, 2014, tome II]. En 1997, remises en question par des membres de la coalition libérale étatique et accusées injustement d’être devenues des mutuelles complaisantes, les agences de l’eau se sont trouvées dans l’incapacité de produire un discours cohérent sur les principes et les pratiques de leur fonctionnement en ce qui concerne la relation entre redevances et aides financières [Barraqué & Laigneau, 2017 ; Barraqué & al, 2018].
36Sans entrer ici dans les détails21, nous pouvons citer comme exemple le fait que 90 % des redevances pour pollution de l’Agence Seine-Normandie sont acquittés par les usagers domestiques et assimilés, valeur sans rapport avec l’impact relatif de ces usagers dans la pollution de l’eau, mais correspondant aux besoins d’aides financières des collectivités pour terminer leurs équipements en matière de lutte contre la pollution, puis les renouveler.
Interprétations concernant les redevances au Brésil
37Au Brésil, la loi fédérale sur l’eau de 1997 définit trois objectifs pour les redevances : reconnaître l’eau comme bien économique et donner à l’usager une indication de sa réelle valeur ; inciter à un usage rationnel de l’eau ; enfin, créer des fonds pour financer les actions prévues dans les plans de bassin.
38Les deux premiers objectifs reviennent à considérer les redevances comme des outils d’incitation financière, dont la valeur doit être suffisamment élevée pour influencer le comportement des usagers. Selon le principe pollueur-payeur tel qu’il a été formulé par l’OCDE [1972], les sommes prélevées ne devraient pas dans ce cas être rendues aux usagers, sous peine d’une perte d’efficacité économique (en théorie). Or la législation brésilienne prévoit justement le retour des redevances dans le bassin où elles ont été collectées.
39Le principe pollueur-payeur, tel que défini à l’époque par l’OCDE, se trouve également en contradiction avec un autre aspect de la législation brésilienne, qui prévoit que les comités de bassin votent les taux des redevances. En pratique, cela n’est politiquement possible que si leur montant est suffisamment faible pour ne pas avoir d’impact significatif sur l’activité des acteurs qui y sont représentés.
40Selon la façon dont ils sont interprétés, les deux premiers objectifs des redevances s’apparentent à l’advocacy coalition libérale étatique, alors que leur vote par les comités de bassin correspond au contraire à l’advocacy coalition de gouvernance communautaire, tout comme le troisième objectif des redevances, la création de fonds pour financer des actions. Les recherches menées par Rebecca Abers et Margareth Keck permettent de comprendre ces apparentes contradictions, en montrant l’influence combinée de trois cadres cognitifs ou « récits de politiques publiques » (policy narratives22) dans la conception et la mise en œuvre des politiques de l’eau au Brésil [Abers & Keck, 2013] :
La policy narrative « développementiste », centrée sur une intervention forte de l’État dans l’économie, a eu un rôle dominant dans les politiques menées par le régime militaire qu’a connu le Brésil entre 1964 et le début des années 1980. Elle a ensuite perdu de sa force au bénéfice des deux récits alternatifs suivants ;
La policy narrative néolibérale prône un désengagement de l’État au profit du marché. Portée par les institutions financières internationales, elle a servi de cadre à l’action des gouvernements brésiliens des années 1990 ;
La policy narrative de la démocratie participative propose un renouveau de l’action publique à partir du niveau local, dans le contexte de la redémocratisation du Brésil. Elle a été portée par des mouvements sociaux et par le Parti des travailleurs pendant la même période que la vision néolibérale, et a eu une importante répercussion internationale23.
41Concernant plus précisément les redevances et les aides financières, l’influence de la policy narrative néolibérale a conduit la plupart des professionnels du secteur de l’eau au Brésil à adopter (plus ou moins consciemment) le principe pollueur-payeur tel que défini par l’OCDE [1972], tandis que l’influence de la policy narrative de la démocratie participative a conduit les mêmes professionnels du secteur de l’eau à considérer que les comités de bassin devaient voter les taux de redevance. La conjonction des deux est source de nombreuses difficultés dans le processus de détermination des redevances au Brésil : les membres des comités de bassin sont logiquement réticents à voter des taux de redevance suffisamment importants pour infléchir leurs propres comportements.
Conclusion
42Les difficultés à augmenter le montant des redevances au Brésil traduit un phénomène de fragmentation sociale et de faible coopération entre usagers, et surtout entre institutions pourtant appelées à coopérer pour une bonne gouvernance. En France, la solidarité de bassin a été effective pendant les premiers programmes pluriannuels des agences, mais une fragmentation est également apparue par la suite, d’une part avec l’impression que les usagers domestiques payaient pour les usagers industriels, et d’autre part à cause des traitements d’exception dont ont toujours bénéficié les agriculteurs.
43Au-delà de la différence historique entre les deux pays24, la comparaison entre l’expérience du bassin Seine-Normandie à partir de la fin des années 1960 et celle des bassins PCJ à partir du milieu des années 2000 met en évidence une différence de fond entre les deux processus politiques.
44Le premier peut être décrit comme la construction puis la mise en œuvre d’un projet visant à identifier les problèmes du bassin, proposer des solutions (le programme d’intervention) et se donner collectivement les moyens de les mettre en œuvre (les redevances et la capacité de les appliquer selon le programme d’intervention). Le processus a été conduit essentiellement par les techniciens de l’agence avec un soutien important de l’État, notamment au travers d’une aide aux industriels pour payer les redevances dont le montant dépassait un certain seuil. Il a réussi en quelques années à gagner la confiance des représentants des usagers de l’eau réunis.
45Le second peut être considéré comme l’ultime étape de mise en œuvre d’un système décentralisé et participatif de gestion de l’eau, aboutissement d’une quinzaine d’années de mobilisations et de négociations associant acteurs locaux et représentants de l’État aux niveaux provincial et fédéral. Le processus a été conduit à la fois par un groupe de responsables techniques et politiques constitué autour du consortium PCJ et par des techniciens de l’État de Sao Paulo, avec une influence croissante des experts de l’Agence nationale des eaux (ANA) lors des discussions sur les taux et les assiettes des redevances.
46Les discussions sur les redevances ont été au cœur du processus politique dans les deux cas, français et brésilien. Dans le bassin Seine-Normandie, elles ont été structurées autour des équilibres permettant de mettre en œuvre un programme de travaux dont le besoin était reconnu par tous. Dans le bassin PCJ, elles ont été centrées sur la garantie que les redevances seraient effectivement utilisées dans les bassins où elles auraient été prélevées, sur leur proportion par rapport au coût total du plan de bassin et sur leur impact sur les différents usagers.
47Si la nature et les objectifs des redevances dans l’expérience française ont servi de référence pour les discussions au Brésil, leurs présentations et leurs interprétations furent parfois contradictoires, laissant penser à certains Brésiliens que les usagers accepteraient facilement de voter des montants de redevance élevés. En cela, les professionnels de l’eau brésiliens ont privilégié les approches techniques par rapport aux dimensions politiques du processus de discussion des redevances.
48Depuis quelques années, des techniciens de l’ANA et d’agences de bassin brésiliennes s’intéressent à la relation entre redevances et aides financières. Ils cherchent à structurer et à faciliter les financements de projets à partir des redevances en élaborant des plans de bassin plus opérationnels, et explorent de nouvelles modalités de financement pour en faciliter l’accès aux acteurs privés. L’agence PCJ a initié en 2020 une réflexion en vue d’une nouvelle révision des redevances. Ses techniciens pourront s’appuyer sur les résultats concrets obtenus depuis 2006 pour convaincre les usagers de l’importance de poursuivre leurs efforts. Ils pourraient s’appuyer également sur les retours d’expérience de plusieurs autres bassins brésiliens25 où des redevances ont été mises en place depuis une dizaine d’années ou davantage. Comme nous venons de le voir, la comparaison avec l’expérience du bassin Seine-Normandie à la fin des années 1960 pourrait aussi contribuer aux réflexions. Elle montre en tout cas l’importance de mieux appréhender les différentes conceptions des redevances et des aides financières pour construire la prochaine étape de mise en œuvre du système décentralisé et participatif de gestion de l’eau que les acteurs des bassins PCJ appellent de leurs vœux.
49Si l’étude historique de l’expérience française est utile à la compréhension de la situation brésilienne actuelle, réciproquement, cette mise en perspective peut contribuer à construire un nouveau regard sur l’expérience française contemporaine. Depuis 2006, les redevances peuvent être assimilées, du moins juridiquement, à des impôts, et une portion non négligeable est utilisée chaque année pour des actions sans lien direct avec la gestion de l’eau. Dans ce contexte, il est peut-être temps, pour les acteurs français, d’y voir plus clair dans les différentes conceptions des redevances et des aides financières, pour que l’expérience innovante des années 1960 puisse continuer à évoluer face aux défis actuels et à venir [Barraqué, 2020].
50La réflexion présentée ici se veut exploratoire, et indique plusieurs perspectives de recherche. En France, il serait intéressant d’étendre l’étude historique à d’autres bassins. On peut penser notamment au bassin Artois-Picardie, où la priorité a été donnée, à la fin des années 1960, aux dimensions incitatives des redevances. Les échanges entre la France et le Brésil pourraient faire l’objet d’une relecture spécifique, afin de mieux comprendre les dynamiques des advocacy coalitions dans les échanges transatlantiques, en lien avec la circulation des policy narratives et des divers concepts en lien avec la gestion de l’eau à l’échelle internationale [Molle, 2008, 2009]. Il serait utile, enfin, d’examiner les expériences comparables menées dans d’autres pays d’Amérique latine. Nous pourrions rapprocher nos réflexions de celles menées en s’appuyant sur les coalitions multiniveaux d’action publique [Poupeau et al., 2018], ou encore poursuivre nos recherches sur l’utilisation du cadre conceptuel des communs [Laigneau et al., 2018b] pour étudier la façon dont les redevances et programmes d’intervention permettent ou non, selon la façon dont on les conçoit et dont on les met en œuvre, d’engager et d’inscrire dans la durée des processus d’action collective à l’échelle des bassins versants.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Sur l’influence de l’expérience française dans la conception et la mise en place de la politique de l’eau au Brésil, cf. Rosa Maria Formiga-Johnsson [2001] et Guy Meublat & Philippe Le Lourd [2001].
2 Recherche réalisée grâce à un appui financier du gouvernement brésilien et de l’Agence de l’eau Seine-Normandie [Laigneau, 2014].
3 Analyse réalisée à partir de données acquises par les auteurs dans le cadre de diverses activités de conseil et de recherche entre 2010 et 2020.
4 La rivière Tietê est un affluent du fleuve Paraná.
5 Ce barrage est aujourd’hui appelé lac du Der.
6 Cent millions de francs de l’époque. Tous les montants indiqués dans le présent article sont actualisés en euros en 2012.
7 Bien que l’objectif principal des redevances prévues par la loi sur l’eau de 1964 soit le financement d’ouvrages pour la lutte contre la pollution et l’augmentation des ressources en eau, leurs concepteurs avaient également prévu qu’elles incitent les usagers à moins polluer ou moins consommer d’eau. C’est à ce titre qu’elles ont été associées au principe pollueur-payeur à partir de 1972, lorsque celui-ci a été formulé par l’OCDE.
8 Comme indiqué dans la note 5, les montants financiers sont actualisés en euros de 2012.
9 Le tableau est simplifié : le programme d’intervention a prévu cinq zones de redevance et non quatre, dont certaines ont en outre été divisées en sous-zones où ont été appliqués des taux différenciés.
10 La possibilité d’accorder des aides d’un montant supérieur aux redevances s’explique par le fait que le paiement de ces aides devait s’étaler sur plusieurs années, en fonction de l’avancement des travaux.
11 Un programme de coopération décentralisé avec l’Agence Seine-Normandie y a été mis en place dès 1992, donnant lieu à des missions d’experts entre les deux pays.
12 La coexistence dans un même bassin de cours d’eau de statut fédéral et de cours d’eau de statut provincial en est un exemple. Les eaux fédérales sont celles des cours d’eau qui traversent plusieurs États. Dans le cas des bassins PCJ, on peut retenir, de façon simplifiée, que les cours d’eau principaux sont de statut juridique fédéral et que leurs affluents sont de nature juridique provinciale (de l’État de Sao Paulo, dans leur quasi-totalité).
13 Le taux de change entre euros et réais brésiliens utilisé ici est celui de 2014 (1€ = R$3).
14 Principal contributeur des redevances au titre du transfert d’eau vers Sao Paulo.
15 Cette aide, décidée par le gouvernement français en 1968, a perduré pendant plusieurs années sous la forme de « contrats de branche » conditionnant ce bénéfice à des engagements stricts de réduction de la pollution.
16 Au travers du mécanisme appelé « contre-valeur » et à la suite d’une contestation de l’association des maires de France. Les communes, en revanche, ont continué à être bénéficiaires des aides financières. Pour plus de détails, voir Laigneau [2014, tome II].
17 Au Brésil, les ressources financières provenant des redevances étant considérées comme de l’argent public, les conditions de leur utilisation sont extrêmement compliquées et leur transfert à des organismes privés l’est encore davantage.
18 Notamment les éditions successives de l’ouvrage de Jean-Loïc Nicolazo, Les Agences financières de bassin [Nicolazo, 1973] (ou Les Agences de l’eau, pour les éditions postérieures à 1992), ainsi qu’un ouvrage dirigé par Bernard Barraqué [1995], bien connu des Brésiliens par le fait qu’il en existe une version en portugais.
19 Terme défini en sciences politiques par le concept d’Advocacy Coalition Framework (ACF), proposé par Paul Sabatier et Hank Jenkins-Smith [1993]. Son principe de base est que des acteurs sont regroupés sur le long terme en une ou plusieurs coalitions de cause plus ou moins hétérogènes, dont les membres partagent un ensemble de croyances normatives et de perceptions du monde, et qu’ils agissent de concert afin de traduire leurs croyances en une politique publique. La coalition environnementaliste, souvent dominée, peut éventuellement faire bouger les lignes, mais lentement et en général grâce à un évènement exceptionnel extérieur.
20 Cf. Bernard Barraqué & Patrick Laigneau [2017] pour plus de détails.
21 Pour une analyse approfondie de cette question, le lecteur peut se référer au second tome de la thèse de Patrick Laigneau [Laigneau, 2014, tome II].
22 Au sens défini par Claudio Radaelli [2004].
23 Le gouvernement au pouvoir en 2020 au Brésil supprime un très grand nombre de mécanismes et instruments de démocratie participative mis en place durant les décennies antérieures.
24 Dans les années 1960, la France est un pays riche en pleine croissance économique. Dans les années 2000, au Brésil, les budgets des communes sont limités, les services publics d’eau et d’assainissement sont déjà sous-financés en général, et les industriels sont tentés d’en profiter pour réduire aussi leur contribution.
25 Nous avons constaté la diversité et la richesse de ces expériences dans Patrick Laigneau et al. [2018a et 2018b].
Auteurs
Patrick Laigneau est ingénieur en hydraulique de l’INPG, docteur en sciences de l’environnement d’AgroParisTech et docteur en anthropologie de l’université fédérale du Rio Grande do Sul (Brésil). Il travaille actuellement en tant que consultant et chercheur indépendant en gestion concertée de l’eau. Il est membre du groupe de recherche « Eau, gestion et sécurité hydrique dans le contexte des changements environnementaux mondiaux », de l’université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ). Il a récemment publié plusieurs articles sur les organismes de bassin en France et au Brésil, en partenariat avec Bernard Barraqué et Rosa Maria Formiga-Johnsson.
Bernard Barraqué est ingénieur civil des mines et urbaniste diplômé de Harvard. Directeur de recherches CNRS émérite au CIRED, il analyse de façon comparative et historique, en Europe et dans quelques pays émergents, le partage des ressources en eau, la gestion durable des services publics d’eau et d’assainissement, et le lien existant entre ces deux services. Il est l’un des contributeurs du blog du projet Eau & 3 E (ANR Ville durable) : http://eau3e.hypotheses.org. Il réfléchit notamment à la nature de bien commun de l’eau et à l’histoire du droit et des politiques publiques afférentes. Il a dirigé le livre Gestion durable de l’eau urbaine : observations et échanges France-Brésil (Éditions Quae, 2018).
Rosa Maria Formiga-Johnsson est ingénieure civile et docteure en sciences et techniques de l’environnement de l’université Paris-Est-Créteil. Elle est actuellement professeure à l’université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ) où elle coordonne le groupe de recherche « Eau, gestion et sécurité hydrique dans le contexte des changements environnementaux mondiaux ». Elle a été directrice de la gestion de l’eau de l’État de Rio de Janeiro (Institut d’État à l’Environnement – INEA) entre 2009 et 2015. Au-delà des nombreuses publications de travaux de recherche universitaires, elle a contribué ces dernières années à plusieurs études réalisées par la Banque mondiale au Brésil, notamment sur les thèmes de la planification et du financement de la politique de l’eau.
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