Chapitre 11. L’émergence d’un Mexique rural post-agrariste
p. 221-242
Texte intégral
1Existera-t-il en l’an 2000 un Mexique rural à distinguer, voire opposer, à un Mexique urbain dont la quintessence serait la mégalopole de Mexico ? Si l’on dépasse le sens démographique de la ruralité, peut-on imaginer au futur -est-il même justifié de décrire au présent- un monde rural dont les contrastes avec l’urbain seraient globalement pertinents, plus explicatifs que d’autres, des différences économiques, politiques ou culturelles ?
2Il est difficile aujourd’hui d’établir des oppositions tranchées, et leur brouillage même est un trait constitutif des transformations de la société mexicaine au cours de ce siècle. Sur le fond historique de la grande diversité du pays, les brassages de population dus à la Révolution de 1910 puis à la réforme agraire et l’impact des politiques agricoles successives ont creusé les écarts régionaux entre dynamiques rurales. Les rapports variés qu’entretiennent les campagnes avec la ville en sont à la fois facteur et symptôme.
3La société rurale connaît des évolutions dont les inflexions spécifiques ne coïncident pas toujours avec celles du reste de la nation ; on les interprète souvent comme les marques d’une influence qui tarde à se faire sentir. Ce qui s’y passe actuellement - depuis une remise en cause particulièrement radicale du protectionnisme et du corporatisme et l’unanimité pleine d’équivoques qu’elle a suscitée parmi le gouvernement et les organisations paysannes jusqu’à la transformation des statuts fonciers et des structures agricoles et l’entrée de nouvelles figures sur la scène sociale - mériterait sans doute d’être pris pour une préfiguration des mutations dans lesquelles s’engage la société mexicaine.
POPULATION RURALE ET AGRICULTURE
4L’indice restrictif de ruralité qu’utilisent les statistiques s’applique à la population vivant dans des localités qui comptent moins de 2500 habitants. Le recensement de 1990 comptait 23,3 millions d’habitants dans cette situation sur 81,2 millions de population totale, soit 28,6 %. Ces chiffres confirment la tendance, manifeste depuis la fin de la Révolution, à l’accroissement en termes absolus de la population rurale (9,9 millions en 1921, 14,7 en 1950, 18,4 en 1970), alors que sa proportion baisse face aux habitants des villes (69,1 %, 57 %, 37,6 % pour les mêmes années1) et devient minoritaire en 1960. Selon des projections établies à partir des données de 1980, une diminution absolue du nombre des ruraux devrait s’amorcer dans les années 2000-20052. Notons toutefois que si l’on adopte, avec les démographes de El Colegio de México, le seuil sociologiquement plus significatif de 15 000 habitants pour distinguer les localités urbaines et rurales, la ruralité définit encore 42,5 % de la population mexicaine en 1990.
5La taille de la population économiquement active (PEA) dans l’agriculture est variable selon les sources, et celles-ci sont multiples, depuis les recensements généraux de la population et les enquêtes nationales sur l’emploi jusqu’aux calculs (réputés rigoureux) établis à partir de la production agricole par Nacional Financiera et la Banque du Mexique, et aux estimations des ministères de l’Agriculture ou de la Réforme agraire. Les résultats sont contradictoires du fait des différences dans la collecte et le calcul, et de la complexité et la mouvance des situations paysannes dans le temps et dans l’espace, à la croisée des catégories économiques. Sans compter les volontés politiques de manipulation. Plus encore que d’autres, ces statistiques sont donc à prendre pour des approximations.
6Le Recensement général de 1990 indique 5,3 millions d’actifs occupés dans l’agriculture (22,6 % de la PEA occupée totale, de 23,4 millions) alors que l’Enquête nationale de l’emploi de 1988 en dénombre 6,3 millions ayant travaillé dans la semaine qui précède l’enquête, et 7,9 millions si la période de référence s’étend sur six mois3. Sur ce dernier chiffre, 53 % (4,1 millions) sont des paysans sans terre, parmi lesquels un million et demi obtiennent pour leur travail un paiement (à la journée, à la tâche ou comme salaire) et 2,6 millions, considérés comme aides familiales, ne sont pas rémunérés. 900 000 d’entre eux sont des femmes. La même source indique que 3,6 millions d’actifs agricoles disposent de terre : 2 millions sont ejidatarios4, 900 000 propriétaires privés et 700 000 accèdent à la terre par location, métayage, ou occupation sans titre. Les chiffres concernant les structures foncières ne sont pas plus univoques, porteurs comme ils le sont du poids du secret, de l’infinie subtilité des catégories bureaucratiques et de la lenteur de l’appareil. Lorsque la loi qui proclame la fin de la réforme agraire est votée en novembre 1991, les dotations de terres “publiées” au Journal officiel concernent 3,5 millions de bénéficiaires et 105 millions d’hectares, alors que les “résolutions présidentielles exécutées” ont réparti de fait 95 millions d’hectares entre 3,3 millions d’ejidatarios. L’Enquête nationale agricole et ejidale de 1988 indique que de ce total seulement 34,5 millions d’hectares sont d’usage agricole, dont 14,3 cultivables, 11 en prairies, 5,5 en bois, 3,6 destinés à d’autres usages.
7On ne dispose pas de données similaires concernant la propriété privée après 1970. Si le tremblement de terre de 1985 a contribué à faire disparaître nombre d’informations statistiques, il semble bien que l’illégalité croissante qui caractérisait la situation foncière durant les deux dernières décennies ait rendu difficile la captation de chiffres fiables, et politiquement indésirable leur diffusion.
8Le recensement de 1970 indique un total de 23 millions d’hectares cultivables, dont 10,3 appartiennent au secteur privé et 12,7 aux ejidos. Le travail de “lissage” statistique effectué par la Cepal (Commission économique pour l’Amérique latine) pour permettre une analyse plus approfondie de la signification sociologique des distributions montre que les paysans (ejidatarios ou minifundistes privés), qui représentent 87 % des producteurs, disposent de 57 % de la terre cultivable, tandis que les grands propriétaires et entrepreneurs agricoles, soit 2 % des unités de production, en possèdent 20 %. Un troisième groupe dénommé “transitionnel” et employant des travailleurs salariés en proportion importante (11 % des exploitations, dont 2/3 appartiennent au secteur ejidal) se trouve dans une situation de ressources intermédiaire et fait un usage relativement intensif de ses facteurs de production. Il détient 22 % des surfaces cultivables. La distribution des terres irriguées accentue fortement cette inégalité5.
9Ces chiffres ne sont pas directement comparables à ceux que donnent les autres sources mais permettent de fixer des ordres de grandeur alors que les résultats du recensement agricole général de 1991 ne sont pas encore connus.
L’URBANISATION DES CAMPAGNES
10C’est évidemment l’exode rural qui alimente pour la plus grande part la tendance à l’urbanisation de la population mexicaine. Mais on observe aussi en parallèle une urbanisation multiforme du monde rural face à laquelle la question du lieu de résidence devient moins pertinente ou plus problématique.
11C’est un des aspects de ce qu’on a appelé les “stratégies domestiques” à propos des familles paysannes dont certains membres restent sur place alors que d’autres partent en ville, et chez qui s’instaure une interdépendance structurelle entre les activités et les calculs économiques auxquels se livrent les uns et les autres. L’argent envoyé par les migrants peut devenir la principale source de revenus et d’investissements, comme on l’observe dans de nombreux villages des régions frontalières et de l’ouest du pays (Michoacán) d’où les mouvements migratoires depuis fort longtemps se dirigent de préférence vers les États-Unis.
12Au-delà de l’extension du réseau familial, c’est parfois l’ensemble des liens sociaux et économiques des communautés d’origine qui trouve dans cette nouvelle distribution sans contiguïté territoriale une vigueur renouvelée. Cette forme de circulation des biens et des personnes -elle-même amplement documentée6- recouvre un phénomène de socialisation encore insuffisamment analysé dont on perçoit un reflet dans la familiarité indirectement acquise par les ruraux des contraintes et des facilités de la vie citadine, et dans les aspirations nouvelles, souvent contradictoires, qu’elle semble leur inspirer7. Elle pose aussi de façon différente la question indienne, qui désormais ne s’inscrit plus exclusivement dans la ruralité8.
13Une forme plus intermittente d’expérimentation urbaine concerne assez paradoxalement les travailleurs agricoles migrants. En dehors des relations de travail qui s’établissent directement entre employeur et journalier sur la base du voisinage proche, ou du recrutement de contingents de travailleurs pour des durées déterminées -d’une semaine à une saison- qui intéressent surtout certaines populations indiennes (au Chiapas, dans la Huastèque), la ville tend en effet à monopoliser le rôle de centre opératoire du marché du travail agricole.
14C’est vers les régions qui importent de loin leur main-d'œuvre pour la récolte du coton, des fruits ou des légumes, localisées surtout dans le nord-ouest du pays (Basse Californie, Sonora, Sinaloa), le centre (Bajfo) et le nord-est (Tamaulipas), vers les plantations de café (Soconusco au Chiapas) ou de canne à sucre (Morelos, Veracruz, Jalisco), que se dessinent les mouvements migratoires de plus d’ampleur9. Ils mobilisent une population “libre”, astreinte à chercher du travail au jour le jour ou à la semaine en fonction d’une demande de main-d'œuvre qui fluctue avec l’urgence de la récolte. Les exploitants agricoles font diffuser leurs offres de travail par radio ou mégaphone dans les petites capitales régionales où les travailleurs viennent chercher embauche et, dans les meilleurs cas, logement. Ces pôles jouent ainsi un rôle de plaque tournante du marché régional ou local de l’emploi10.
15La ville joue de plus en plus le même rôle pour tout ce qui touche à la mise en œuvre, le contrôle et la réalisation de la production agricole, et il n’y a probablement pas beaucoup d’agriculteurs au Mexique à l’heure actuelle (bien que la proportion en soit fort variable selon la région) qui n’aient périodiquement à se rendre en ville pour traiter avec un technicien, un employé ou quelque fonctionnaire. Les commerçants, usuriers et autres vieilles connaissances des paysans, souvent plus disséminés dans la trame sociale, sont toujours présents, mais on est passé de la prédominance de la ville-marché à celle de la ville de bureaux et de guichets de banque.
16A l’origine de cette localisation des démarches nouvelles qu’entreprennent les producteurs agricoles et des personnages qu’ils ont à fréquenter, se trouve le spectaculaire développement des services à l’agriculture désormais fournis par des maisons commerciales, des institutions et un personnel installés en ville et qu’il faut bien considérer comme partie intégrante d’un monde rural élargi.
17Cette dynamique, qui repose sur l’incorporation grandissante de l’agriculture aux filières industrielles et aux flux financiers et sur la modification de sa structure productive pour satisfaire de nouvelles demandes de consommation, trouve sa contrepartie dans la participation d’une population de formation et de résidence urbaines à la problématique agricole. Urbanisation de l’agriculture, des producteurs et des travailleurs, et ruralisation d’un secteur de la population citadine vont ainsi de pair.
18La tendance à l’urbanisation in situ dépasse le cadre strict des activités de travail pour s’inscrire comme une référence généralisée dans le panorama du possible et du désirable. La nécessité où se trouvent les ruraux de traiter avec des interlocuteurs plus instruits qu’eux - et qui ne se font pas faute d’en profiter-conduit des agriculteurs de plus en plus nombreux à vivre pour quelques années dans la petite ville voisine où leurs enfants trouveront l’école secondaire qui manque au village ; mais il y a aussi une demande croissante d’installations scolaires et sanitaires, de transports et de services divers couramment dénommés "urbains" que les populations villageoises se sont habituées à considérer comme nécessaires et dont elles réclament que leurs lieux d’habitat soient pourvus.
19De la ville à la campagne, les modes de vie et les aspirations tendent ainsi à se rapprocher, sans que nécessairement s’atténuent des inégalités que la proximité peut rendre plus criantes. Celles-ci sont particulièrement manifestes dans les quartiers périphériques ou “ceintures de misère” des villes. Souvent installés de façon illégale sur des terres agricoles ejidales, ce qui mêle indéfectiblement les juridictions agraires dans tout marchandage de parcelle, ils abritent en proportions variables ces populations d’origine rurale qui résident “en ville” tout en étant parfois engagées dans le travail agricole. Les banlieues des villes petites et moyennes, mais aussi certains des anciens bassins agricoles proches de Mexico, tels que Chalco ou Xochimilco, conservent ainsi un statut ambigu entre le rural et l’urbain dont témoignent leur aspect extérieur, le traitement que leur réservent les autorités et leur image dans l’opinion publique11.
20L’existence de cette frange rurale des villes n’est que rarement évoquée comme un phénomène sociologique ou politique global alors qu’elle représente une zone de contact, un lieu vécu de mutation sociale, et qu’au-delà de la diversité des formes locales d’expression et de récupération, l’effervescence sociale qui y règne peut être un élément majeur des évolutions actuelles.
LA PROFESSIONNALISATION DE L’AGRICULTURE
21L’imbrication des résidences et des activités urbaines et rurales accompagne une transformation profonde des structures productives agricoles. On assiste depuis une vingtaine d’années, et surtout à partir de 1976 (début du sexennat de José López Portillo), à une professionnalisation de l’agriculture qui, en contraste avec la modernisation fortement polarisatrice des années cinquante et soixante, a entraîné dans sa dynamique un large secteur de producteurs et de terres agricoles. Le mouvement plus lent, et déjà amorcé, de déprise agricole sur les terres marginales ou dégradées n’en a pas été pour autant interrompu, mais il s’est trouvé minimisé, alors que la conquête d’espaces agricoles par les villes en expansion, au contraire, s’accélérait.
L’abandon du modèle dual d’agriculture
22On date de 1965 l’entrée en crise du système dual fondé sur la coexistence du vaste secteur paysan issu de la réforme agraire, doté de parcelles de temporal exiguës et vite morcelées, consacrées à la production de maïs et de haricot, et d’un nombre réduit de propriétaires privés disposant des deux tiers des terres irriguées (créées par investissement public), et ayant accès au capital, aux techniques et aux réseaux commerciaux nécessaires pour mettre en pratique les “paquets technologiques” préconisés par la Révolution verte. La crise est double, résultant à la fois de la Fui de l’expansion paysanne due à l’incorporation progressive à l’agriculture des terres reçues en dotation, et de la chute des gains de productivité obtenus dans un premier temps par l’agriculture commerciale. La production de céréales (blé, maïs) plafonne. Les rendements médiocres et une politique des prix qui a pour principal objectif d’abaisser le coût de la consommation urbaine découragent les producteurs les plus dynamiques qui cherchent déjà des investissements plus rentables dans la culture des fourrages, des oléagineux, des fruits et des primeurs, dans l’élevage, ou dans les activités extra-agricoles12.
23Le Mexique devient ainsi importateur de céréales, de façon marginale et épisodique d’abord, puis systématique à partir de 1972. C’est l’année suivante qu’est relevé le prix de garantie de la tonne de maïs au-delà des 940 pesos où il s’était maintenu pendant presque une décennie, alors que sur les marchés mondiaux les stocks s’épuisent et les prix flambent. Mais la dépendance mexicaine ne fera que s’aggraver, alimentée à la fois par la réduction des surfaces et de la production de grains et par l’accroissement de la consommation nationale.
A la recherche d’une nouvelle donne13
24Sur le plan social et politique, cette crise économique se traduit par une montée parallèle des mouvements de revendication paysans qui culminent entre 1973 et 1976, et la prise en compte, dans les cercles officiels, de la nécessité de redonner de l’élan à la réforme agraire, de lui conférer un nouveau sens -productif et non de simple redistribution foncière - et d’une manière générale, de prendre en main assez largement l’organisation de l’ensemble de l’agriculture pour en moderniser les structures.
25Ces évolutions qui coïncident dans le temps s’encouragent parfois l’une l’autre : à la pression sociale répond, ici, la répression, là, une aide d’abord discrète et ponctuelle de certains services gouvernementaux, puis les discours et enfin les mesures fracassantes du président Echeverria qui distribue, juste avant de laisser le pouvoir, les terres irriguées et âprement disputées des vallées du Yaqui et du Mayo (Sonora). A long terme, un large courant paysan et la politique officielle se rejoignent dans une perception plus aiguë des contraintes spécifiquement productives de la question agraire. Des mouvements paysans au départ essentiellement agraristes axent de plus en plus leurs demandes sur l’accès au crédit, aux instruments modernes de la production (irrigation, tracteurs, entrepôts) et sur l’élévation des prix de garantie agricoles14.
26La réforme agraire “echeverriste” (une nouvelle loi fédérale de réforme agraire est promulguée en 1971) prétend créer des entreprises ejidales économiquement rentables : pour cela les nouveaux ejidos doivent obligatoirement être exploités de façon collective, les terres qu’ils reçoivent sont parfois irriguées, et du matériel agricole leur est livré à crédit15. Le système de crédit est entièrement réformé par la loi de 1976, et les trois institutions publiques qui existaient auparavant et se spécialisaient par types de clientèle (Banque nationale de crédit ejidal, Banque nationale de crédit agricole et Banque nationale agropastorale) sont fondues en une seule, le Banrural (Banque rurale). Des fonds croissants seront canalisés par son entremise et celle des banques mixtes et privées, et offerts à l’ensemble des producteurs agricoles à des taux préférentiels qui varient selon les revenus. Les “sociétés ejidales de crédit” sont supprimées, seul l’ejido pris dans son ensemble devenant sujet collectif de crédit. A partir de 1979 (loi de développement agro-pastoral et loi d’assurance agricole), tous les crédits agricoles sont obligatoirement couverts par une assurance que fournit l’Anagsa (Assurance nationale pour l’agriculture et l’élevage, SA)16.
27Au cours de ce processus, les centrales paysannes qui restent attachées à des demandes strictement agraristes sont distancées. Rejetées par les mouvements paysans qu’elles essaient constamment de récupérer, on leur reproche d’imposer leurs candidats à tous les postes de la hiérarchie agraire, de faire prévaloir leurs intérêts corporatistes sur ceux des mouvements locaux, de se prêter à la corruption, etc. Même les centrales créées pour faire pièce à la Confédération nationale paysanne (CNC), telles que la Confédération paysanne indépendante (CCI) ou l’Union générale des ouvriers et des paysans du Mexique (UGOCM), affrontent ces accusations.
28La scène agraire se voit ainsi animée par de nouveaux interlocuteurs. Les mouvements paysans les plus caractéristiques de cette période lient leurs revendications foncières et agricoles à des demandes proprement politiques de représentation locale ou l’ethnicité s’affirme haut et fort17, ou bien se concentrent sur des demandes plus limitées au plan local, et centrées sur des questions économiques. Les Unions d’Ejidos qui en sont les principaux protagonistes prétendent surtout mieux contrôler l’organisation et la gestion de leur crédit que la banque manipule de façon arbitraire, et dénoncent les vices de la commercialisation étatique ou privée. Leurs revendications peuvent déboucher (ce sera le cas de la Coalition des Ejidos collectifs des vallées du Mayo y du Yaqui et de ses émules) sur une mise en cause de la tutelle économique, et plus fondamentalement de la relation subordonnée dans laquelle l’État cherche à maintenir le secteur ejidal18.
29Du côté gouvernemental, la vague de technocratie qui balaie le pays rencontre de sérieux écueils en la personne des politiciens traditionnels qu’incarnent, par exemple, beaucoup des fonctionnaires du Département agraire (qui deviendra bientôt ministère de la Réforme agraire). Dans la lutte pour le pouvoir bureaucratique, ils se trouvent déplacés par des institutions à caractère technique ou financier qui se développent à un rythme étonnant au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, investissent presque tous les aspects de la production agricole et débordent même assez largement sur certaines étapes de la transformation agro-industrielle ou l’organisation de la consommation alimentaire populaire19. La liste semble infinie ! Chacune de ces fonctions est remplie par une institution spécifique, l’organisme qui oriente l’ensemble au niveau des décisions centrales et sur le terrain étant le ministère de l’agriculture. Notons cependant que nulle incursion n’est tentée dans le domaine réservé des entreprises américaines et transnationales et de leurs concessionnaires nationaux qui exercent un fort contrôle en aval en monopolisant la vente du matériel mécanique agricole et des produits agrochimiques - excepté les engrais- ainsi que la production des semences de primeurs, de fourrages et d'oléagineux.
30Le dispositif est opératoire à partir de 1978, quand les districts de temporal sont créés pour prendre en main la coordination et la gestion d’entités territoriales dont la vocation agricole est définie et orientée par les organes de programmation officielle. Cette extension aux terres sèches de certaines formes de gestion mises en place depuis fort longtemps dans les zones irriguées marque à la fois un tournant dans la politique gouvernementale, maintenant soucieuse de donner à l’agriculture sous pluie quelques moyens techniques et financiers, et multiplie les points de contrôle de la dynamique agraire.
31Le comité exécutif de chaque district devient le lieu institué d’une négociation tripartite entre les ejidatarios représentés par les confédérations syndicales nationales, les dépendances officielles - qui ne sont pas de simples arbitres mais ont leurs programmes à tenir, leurs projets, leurs exigences - et les propriétaires privés, regroupés eux aussi dans des associations professionnelles. Ces derniers, qui jouissent déjà d’un avantage considérable face aux ejidos quant au volume et au mode de gestion du crédit obtenu auprès de Banrural20, se voient ainsi offrir une instance supplémentaire où faire valoir leurs intérêts sur le plan sectoriel et régional. Leurs organisations locales se regroupent au niveau régional ou national, soit par filière - c’est le cas de la très puissante Union nationale des producteurs de primeurs (UNPH), ou de la Confédération nationale des éleveurs (CNG) - soit plus politiquement à travers la Confédération nationale des petits propriétaires(CNPP), affiliée au Parti révolutionnaire institutionnel (PRI). Au Comité exécutif du district, on analyse les résultats de la campagne agricole et on “discute” du programme de la campagne suivante afin d’en solliciter auprès de FIRA l’autorisation de couverture financière, on négocie le prix local de la maquila (tâche à réaliser au tracteur) et on participe à l’instance régionale de la Commission nationale des salaires minimaux pour fixer le salaire rural. Dans les districts brigués, on décide la répartition de l’eau entre produits et entre producteurs.
32Les conditions concrètes de la production et du travail agricole au niveau régional sont ainsi en partie déterminées par le rapport des forces tel qu’il peut s’exprimer au sein du Comité exécutif sous l’égide de l’État. Sans compter les possibilités de recours plus formellement politiques aux instances non agraires -pouvoir municipal, gouverneur de l’État, ministre de l’agriculture ou ses proches - auprès desquelles le canal des centrales paysannes, celui des associations de producteurs privés ou le recours aux relations personnelles sont inégalement efficaces.
Une structure agraire trimodale21
33L’afflux financier, gestionnaire et technique injecté dans l’agriculture de 1976 à 1982, et à un rythme décroissant jusqu’en 198822, a été dénoncé pour son caractère tentaculaire et on lui a reproché de renforcer les avantages des producteurs les plus compétitifs en adoptant la forme du subside. Mais il faut aussi souligner qu’il a eu pour effet de développer et conforter un large secteur d’agriculteurs petits et moyens, et parfois, de façon ponctuelle, d’élargir le cercle pour englober des paysans pauvres produisant dans des conditions très défavorables.
34L’effet le plus significatif de la professionnalisation de l’agriculture et de la part qu’y prend le financement public est la constitution d’un secteur important d’agriculteurs ejidatarios et privés qui réussissent à tirer parti des conditions nouvelles d’accès à la terre, au crédit, à la technique, aux réseaux de commercialisation etc. Leurs comportements productifs et les conditions de reproduction de leurs exploitations permettent aux analystes de les qualifier d’“intermédiaires” ou “transitionnels”.
35Identifiés dès le recensement de 1970 par les chercheurs de la Cepal23 qui leur attribuent la responsabilité de 25,6 % dans la production agricole nationale, ils constituent dans les années 1970 et 1980 le secteur des petits et moyens producteurs qui se lancent, comme les grands exploitants privés, dans la production plus rentable d’oléagineux et de fourrages, assurant entre 45 et 55 % de la production nationale de mais, haricot, blé, coton et canne à sucre24. Ce sont les membres des secteurs de crédit les plus chanceux ou les plus unis des ejidos collectifs, ceux qui arrivent à gérer leurs ressources et à éviter la corruption et le contrôle abusif de Bannirai, les petits propriétaires privés qui usent intensivement des services offerts par les dépendances officielles pour s’équiper et qui participent aux instances locales de décision, les producteurs relevant d’une forme de tenure ou de l’autre qui s’organisent en Unions d’Ejidos, en coopératives, en unions agricoles régionales, en ARIC (Associations rurales d’intérêt collectif), etc.
36Historiquement, leur apparition et leur démarcation par rapport à l’ensemble paysan signifie plus qu’un simple enrichissement au sein du monde rural, comparable, par exemple, à l’émergence des Koulaks de la Russie pré-soviétique. La formation de ce nouveau groupe social s’apparente plutôt à celle des classes moyennes urbaines mexicaines auprès desquelles il se développe en parallèle, bien qu’en retard dans le temps et avec une moindre ampleur. Ces deux évolutions sociales obéissent en gros aux mêmes processus économiques et politiques : intervention étatique dans le cadre d’une économie en expansion et développement des services sociaux. Dans les nombreuses petites villes qui dépendent de l’agriculture, il serait réducteur de distinguer classes moyennes urbaines et rurales puisque les petits commerçants, fonctionnaires, employés, prestataires de services et agriculteurs qui les composent ont largement partie liée dans la dynamique économique régionale et se retrouvent, à titres divers et à un degré variable, affectés par les variations du budget public.
37Au-delà de ce secteur tout à la fois épaulé et contrôlé de très près dans ses activités productives par l’administration, c’est la population rurale dans son ensemble que visent des politiques officielles aux objectifs plus larges englobant la production et la consommation ; elles sont mises en pratique à travers le Système alimentaire mexicain (SAM) et les programmes Coplamar (Commission du plan chargée des zones déprimées et des groupes marginaux). A partir de 1979, le crédit “à risques partagés” permet ainsi aux petits agriculteurs des régions pauvres ou plus exposées aux aléas climatiques de mettre leurs champs en culture et d’en obtenir un revenu minimum, même en cas de perte de la récolte, à condition d’avoir suivi scrupuleusement les spécifications techniques. Jusqu’en 1986, les producteurs de maïs et de haricot ont droit dans tous les cas à un crédit moins cher, bien que pour un montant à l’hectare très limité, et dans le cadre du SAM lui-même, qui ne dure que trois ans (1980-1982), des conditions particulières sont accordées à ces producteurs, évitant à un certain nombre de paysans de quitter leur village pour travailler comme journaliers ces années-là25.
38Mais le changement de sexennat et la crise financière aiguë (1982) interrompent la tentative. On en trouvera un prolongement beaucoup moins ambitieux, et plus contradictoire, dans les programmes de Développement rural intégral de l’époque de Miguel de La Madrid qui visent à l’intégration des groupes de paysans pauvres dans des projets productifs à l’échelle locale, tout en cherchant à assurer la récupération des crédits consentis.
39Confronté à un énorme déficit budgétaire et aux conditions imposées par le Fond monétaire international pour renégocier la dette publique, le gouvernement entame une politique de restrictions qui se poursuivra et s’approfondira au cours du sexennat suivant. De 1983 à 1987, les subsides et transferts du budget public vers le secteur agricole diminuent de 62 % en termes réels. Les subsides implicites dans les taux préférentiels de crédit pour petits et moyens producteurs passent de 50 et 36 % en 1982 à 23 % en 198726. Cependant, la politique des prix de garantie poursuivie les premières années compense en partie la réduction des subsides (dont est d’ailleurs exempté l’engrais chimique), et les fortes dévaluations, en contrariant les importations et favorisant les exportations, stimulent la production nationale qui continue de croître à un taux annuel de 4,2 % jusqu’en 198527. A partir de 1986, la tendance s’inverse brusquement sous l’effet de la restriction du crédit et des pactes de concertation successifs (PECE : Pacte de stabilité et de croissance économique) signés pour juguler l’hyperinflation par le gel des prix et des salaires. La production agricole chute, ce qui amènera bientôt le pays à importer des proportions considérables d’aliments. On assiste à un revirement de la politique agricole qui, dans ce contexte très contraignant, canalise des moyens décroissants vers l’appui à la consommation alimentaire, surtout urbaine, au détriment du soutien à la production.
40Malgré leur insuffisance, ces aides à la consommation et les politiques d’assistance sociale dans leur version rurale visent à favoriser une intégration sociale un peu plus large du monde paysan. Certaines d’entre elles sont destinées spécifiquement aux populations “marginales“, “indiennes”, “des zones déprimées”, ou aux paysans appartenant à telle ou telle filière agricole. Les circuits de micro commerces et coopératives que soutient l’appareil de commercialisation étatique (Conasupo), les centres de santé ruraux mis en place par le ministère de la Santé (SSA) et par la sécurité sociale (IMSS), l’extension des services scolaires (en particulier le système de “promoteurs d’éducation” bilingues), les programmes d’embauche de la main d’œuvre locale pour les travaux publics d’infrastructure, etc. s’adressent à tous les ruraux, qu’ils aient ou non accès à la terre.
41Certains petits producteurs cumulent ces appuis à l’économie familiale avec ceux qui sont liés au crédit officiel, tels que la sécurité sociale et l’assurance-vie ; les ejidatarios peuvent être inclus dans des programmes d’équipement ou d’amélioration de l’habitat concertés entre le gouvernement et les centrales paysannes. Dans la mesure où ils tirent effectivement un double bénéfice de ces politiques, une petite frange de paysans qui restent pauvres se trouve cependant ancrée de façon plus solide dans les circuits économiques28.
42Les travailleurs agricoles, en revanche, toujours aussi peu soutenus par les pouvoirs publics et par les syndicats, se trouvent dans l’impossibilité de négocier de meilleures conditions de recrutement, de travail ou de salaire. Quant à la prise en charge de leurs problèmes de santé par la sécurité sociale, elle reste limitée, durant le temps de leur contrat, à quelques filières (coupe de la canne à sucre, par exemple) ou confiée de fait au bon vouloir de leurs employeurs.
43A l’autre extrémité du spectre social, les gros exploitants agricoles ont, plus largement que d’autres, tiré profit de l’implantation et du soutien sur fonds publics de l’infrastructure technique, financière et commerciale, que ce soit par le biais des investissements publics dans les districts irrigués où leurs terres sont concentrées, par le système de crédit où ils se taillent la part du lion et qui réserve près du quart de ses fonds à des productions chères mais rentables telles que le soja et le sorgho29, ou encore grâce à leur participation aux structures régionales et nationales de concertation.
LA RÉVISION DU MODELE DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
44Le système d’encadrement très centralisé et contraignant des années 1970-1980, alimenté par un flux financier souvent jugé insuffisant mais bien supérieur à l’investissement public des décennies précédentes, a été évalué de fort diverses façons.
45Nous avons mis en avant sa contribution active à la consolidation d’une classe moyenne rurale, et une certaine volonté intégratrice vis-à-vis d’un secteur social plus large, qui a pu bénéficier ponctuellement de quelques retombées du développement économique. Mais il faut mentionner également l’embrigadement imposé par les procédures administratives, allié aux diverses formes de clientélisme qui permettaient de les assouplir tout en les pervertissant plus encore. Ajoutons que dans le cadre de ces formes biaisées de redistribution et de représentation syndicale ou politique, des espaces ont pu se créer à la faveur de conjonctures régionales favorables, où des secteurs généralement exclus des prises de décision ont pu faire entendre leur voix.
46Les reproches d’inefficacité qui ont été adressés à ce système répondent en fait à des analyses différentes, les unes attribuant celle-ci au principe même du protectionnisme, et d’autres, inversement, au manque de moyens alloués à une véritable politique d’appui aux paysans pauvres. De ce dernier point de vue, la principale critique est d’avoir mis le pays dans une grave situation de dépendance des importations alimentaires (elles atteignaient, en 1989, 20 % de la consommation nationale) et de n’avoir pas soulagé la pauvreté des populations paysannes et les déficiences nutritionnelles qui les accablent de plus en plus depuis la crise de 1982.
47Pourtant c’est précisément cette voie que les cercles officiels préconisent. Bientôt, l’ouverture des frontières sera considérée normale et même désirable, et la lutte contre la pauvreté passera du domaine économique aux préoccupations sociales. Le problème économique à résoudre désormais est l’amélioration de la rentabilité du secteur.
48La crise avait conduit le gouvernement de Miguel de La Madrid à restreindre sérieusement le financement des diverses politiques d’encadrement et développement agricoles, sans qu’en soient directement remises en cause les structures. Arrivé au pouvoir en décembre 1988, le président Carlos Salinas de Gortarf approfondit le retrait étatique au titre des nouveaux principes de gestion économique qu’il entend instaurer : il faut moderniser l’agriculture dans ses structures foncières et productives, relancer l’investissement, stimuler le capital privé et l’encourager à assumer beaucoup de fonctions dont l’État se déprend, laisser jouer la concurrence nationale et étrangère, orienter prioritairement la production vers quelques créneaux avantageux sur le marché international (en particulier, américain) et s’en remettre à l’importation pour assurer une partie du ravitaillement national.
49Un vaste mouvement de transformation des structures s’amorce immédiatement. On s’apercevra un peu plus tard qu’elles n’étaient qu’un prélude aux mutations encore plus radicales à venir.
50L’objectif général de modernisation s’entend au sens de libéralisation et s’applique aussi bien aux unités de production agricole qu’au mode de fonctionnement des organismes officiels et aux circuits commerciaux. Il suppose que prédominent des unités de bonne taille, disposant du capital nécessaire pour être compétitives. La politique d’association entre entrepreneurs et ejidos tentée sans succès par J. López Portillo est donc relancée, avec l’image-phare de l’entreprise mixte de Vaquerías, dans le Nuevo León, laquelle bénéficie cependant d’un large appui financier officiel qui rend l’expérience moins probante.
51Les entreprises agricoles doivent se plier à de nouvelles obligations fiscales dans le cadre d’une réforme générale de la fiscalité mexicaine. Alors qu’elles payaient une taxe sur leurs seules transactions elles sont désormais soumises à l’imposition de leurs avoirs et revenus, ce qui suppose, entre autres nouveautés, qu’elles tiennent une véritable comptabilité30. Bien que les organisations professionnelles réussissent à négocier des taux d’imposition très bas, un point essentiel de la stratégie gouvernementale de modernisation est acquis avec le recensement fiscal des exploitations agricoles. C’est sur cette base qu’un système de subsides directs aux producteurs pourra éventuellement être mis sur pied plus tard.
52Pour conforter la capacité d’initiative des producteurs ejidatarios et privés susceptibles de faire face aux nouvelles conditions de concurrence et d’autonomie, et délester le budget d’État d’un poids trop lourd, les laboratoires d’analyse et de recherche et les centres de diffusion technique sont transférés à leurs organisations.
53La modernisation recherchée requiert surtout que la structure productive soit largement infléchie dans le sens d’une meilleure adaptation aux demandes et aux normes du marché international. La doctrine des avantages comparatifs qui prévaut dorénavant implique que les productions peu rentables soient abandonnées au profit de celles qui pourront s’insérer dans les filières les plus compétitives, indépendamment de leur orientation vers un marché national ou externe, populaire ou aisé. Ce sont principalement les grains qui sont visés.
54L’État décline son rôle longtemps revendiqué de régulateur des prix et de la commercialisation des produits agricoles. A rencontre de la politique souvent contradictoire mêlant subsides et compression des prix agricoles que menaient les gouvernements précédents, la nouvelle orientation recherche la transparence du marché. Les autorités commerciales se montrent particulièrement zélées au moment d’appliquer les accords du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers) signés en 1986 et autorisent des importations alimentaires massives affectées de droits de douane minimes (3,5 % en moyenne en 1990)31. Pendant un temps, les prix de garantie sont maintenus pour le maïs et le haricot alors que ceux des autres productions sont soumis à un processus de concertation entre producteurs et agro-industriels qui prend pour base les cours mondiaux.
55La Conasupo abandonne beaucoup de ses anciennes fonctions de régulation commerciale, de transformation agro-alimentaire et de distribution. Certaines filiales sont préservées telles que Liconsa (Lait industriel Conasupo, SA) qui détient le monopole de l’importation de lait en poudre (le Mexique est le premier importateur mondial), ou Miconsa (Maïs industriel Conasupo, SA) qui reste chargée de la transformation industrielle du maïs en farine et de la répartition des coupons tortibonos pour l’acquisition de tortillas à moindre prix. La vente à prix préférentiels de certains produits de base est assurée par les petits commerces appartenant à l’ancien réseau Diconsa (Distribution Conasupo, SA) qui sont toujours ravitaillés par Conasupo mais dorénavant sous la gérance d’associations de consommateurs, de syndicats ou de commerçants privés affiliés à Impecsa (Appui au petit commerce). Mais ces services s’adressent beaucoup plus aux populations pauvres des villes qu’à celles des campagnes et les paysans n’y trouvent qu’un maigre palliatif face au climat de catastrophe économique qui s’installe.
56Rapidement la concurrence met hors jeu une majorité d’agriculteurs. La SARH estime en 1991 que l’activité n’est pas rentable sur 50 % des surfaces semées de grains (maïs et haricot exclus)32. La production sucrière s’effondre alors que le gouvernement tente de restructurer l’ensemble de la branche en mettant en vente ou en fermant une grande quantité de raffineries qui appartenaient à l’État.
57En revanche, de meilleures perspectives s’ouvrent à l’exportation de certains produits tels que primeurs (surtout tomates, piments, courgettes et cornichons), citrons, jus congelé d’orange et fruits tropicaux, et les restrictions que les Mexicains imposaient à l’acheminement des jeunes veaux vers les États-Unis pour assurer le ravitaillement interne et le renouvellement du cheptel sont levées. Les primeurs montrent la progression la plus nette, à partir d’une dynamique déjà amorcée dans les années 50. De 330 000 hectares semés en moyenne de 1975 à 1979, avec une production de 4 millions de tonnes (tous produits confondus), on passe à une moyenne de 455 000 hectares et 5,4 millions de tonnes de 1980 à 1984, et à 525 000 hectares et 6,2 millions de tonnes entre 1985 et 199133. Mais les exportateurs continuent de se heurter à de grandes difficultés pour placer leurs produits en dehors des créneaux étroits où ils ne font pas une concurrence directe aux producteurs américains, lesquels sont défendus par des lobbies fort efficaces.
58L’appareil d’encadrement de l’agriculture est quasiment démantelé entre 1989 et 1991. Le rôle pivot que jouait le système de crédit, en particulier, est remis en cause par des mesures successives. Dans un premier temps, il s’agit de l’assainir : les subsides implicites dans les taux d’intérêt préférentiels sont supprimés, en même temps que s’accentue la division entre deux réseaux différenciés, les banques commerciales servant de préférence le secteur privé et Banrural les ejidos. Pour ces derniers, on abandonne le principe du remboursement solidaire. Le crédit dit “libéré”, c’est-à-dire individualisé, mis en place à titre expérimental au milieu des années quatre-vingt, se généralise. Il permet d’identifier les mauvais payeurs pour s’en défaire et assurer un meilleur taux de remboursement.
59Mais près de la moitié des producteurs est en rupture de paiement et Anagsa puis Bannirai entrent en crise en 1990. Le premier organisme est dissous alors que s’élèvent des accusations réitérées de corruption contre ses fonctionnaires et Bannirai ne sert, cette année-là, que 9,8 % des agriculteurs.
60C’est alors que se précise ce qui va être la nouvelle philosophie gouvernementale en la matière. Les agriculteurs les mieux dotés seront les clients de la banque privée ; Bannirai apportera son appui aux producteurs qui ont des revenus médiocres mais un potentiel productif suffisant, jusqu’à concurrence de 22,5 % des surfaces agricoles nationales ; les paysans pauvres ou installés dans des zones à hauts risques climatiques ne pourront plus solliciter de crédit mais seront susceptibles d’obtenir auprès du programme Pronasol une aide à la production d’un montant très limité (la moitié de la prime de crédit pour trois ou quatre hectares au maximum) remboursable sans intérêt. La décapitalisation généralisée amorcée dans les années précédentes se double d’un appauvrissement irrémédiable de beaucoup de producteurs, et creuse un clivage définitif au sein du secteur.
61Le constat officiel de la présence d’une lourde proportion de personnes pauvres (24 millions) et très pauvres (17 millions) dans la population mexicaine explique et réclame l’instauration de mesures spécifiques et urgentes pour lutter contre les effets, sinon contre les causes, de cette extrême marginalisation34.
VERS UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ
62Un nouvel équilibre social est dorénavant recherché où priorité est donnée aux mécanismes de la concurrence et de l’initiative. Leur libre jeu ne doit pas être entravé mais complété par une politique d’assistance qui procure un minimum de bien-être à ceux que cette “modernisation” exclue. Le gouvernement abandonne l’idée d’aider des terres, des ressources, des activités “marginales” à participer plus largement à la production, et compte plutôt sur le dynamisme des secteurs capables de tirer profit des incitations du marché pour “accroître la richesse nationale et la redistribuer postérieurement de façon plus juste”.
63Le Programme national de solidarité (Pronasol) lancé en décembre 1988 est chargé d’assurer dans l’immédiat l’acheminement de fonds destinés à l’amélioration des conditions de la vie quotidienne (infrastructures et services publics), de la santé et de l’éducation, et dans une moindre mesure d’aider à réaliser des projets productifs de faible ampleur mais aux retombées communautaires visibles. Plutôt qu’en référence à des objectifs matériels, le programme se définit par les populations qu’il se donne pour cibles : paysans pauvres, habitants des quartiers périphériques, journaliers agricoles, indiens, etc., et au sein de ces catégories, plus particulièrement, les femmes, les enfants, les jeunes. Il repose sur la participation active des potentiels bénéficiaires, tant pour déterminer de façon précise quel est le besoin collectif à satisfaire que pour réaliser le maximum de gestion et de travail manuel, préconisant ainsi une sorte de démocratie directe susceptible d’alimenter une nouvelle culture politique. Selon les circonstances et les rapports de pouvoir préexistants, on observe une variété de dynamiques sociales en consonance ou en contradiction complète avec ces principes.
64Le programme est doté de ressources importantes issues d’un prêt initial de la Banque mondiale et de la canalisation des lignes budgétaires consacrées au développement social ou régional des divers ministères35. Ce regroupement sous un sigle dont il est fait abondamment usage pour la promotion des candidats officiels lors des élections (en particulier locales et législatives en 1992) prête le flanc aux dénonciations de manipulation politique.
65L’appui soutenu donné à ce programme par le Président et la diffusion accordée aux manifestations d’adhésion populaire concourent évidemment aux efforts déployés par le gouvernement pour retrouver l’accès aux financements internationaux et faire du Mexique un partenaire plus acceptable dans l’éventualité de l’ouverture d’une zone de libre-échange nord-américaine.
66Car le grand enjeu économique des dernières années de ce siècle est en effet la participation du Mexique dans la forteresse économique construite sur l’alliance commerciale du Canada et des États-Unis, malgré les énormes sacrifices que supposera la mise en application du TLC (Traité de libre commerce) ou Alena (Accord de libre échange nord-américain), s’il en vient à être ratifié par les trois parlements.
67La bataille des arguments fait rage au Mexique (et dans les deux autres pays) sur les avantages et les inconvénients d’un tel accord, lesquels sont extrêmement variables d’une branche à l’autre de la production, et plus encore entre classes sociales.
68Concernant l’agriculture, face aux rapports demandés par le gouvernement à des experts américains et mexicains36, des équipes de chercheurs de diverses universités et des chambres professionnelles ont chiffré leurs estimations des gains et pertes encourus. Il est clair pour les partisans comme pour les adversaires du traité que l’agriculture mexicaine sera globalement perdante, que les légumes, en particulier les congelés, ainsi que les fruits tropicaux et quelques autres produits verront s’accroître leurs possibilités d’exportation, que la plupart des producteurs de grains (à l’exception notable du haricot) perdront toute capacité de compétition. Mais les proportions des divers mouvements prévus sont précisément le motif des désaccords37. Les énergies se mobilisent pour imaginer, dans ce cadre, des politiques qui permettent au plus grand nombre possible de producteurs de maïs de survivre (ils étaient jusqu’à récemment 2 500 000 sur 3 500 000 agriculteurs mexicains), dont dépend la possibilité d’emploi d’un plus grand nombre encore de journaliers. Une question majeure concerne le sort des centaines de milliers (voire des millions) de paysans dont on estime qu’ils partiront chercher en ville un emploi qui leur fera défaut à la campagne..., la réponse dépendant en partie du nombre et de l’identité des agriculteurs qui investiront dans les branches offrant des possibilités de gains : s’agira-t-il de moyens ou grands producteurs mexicains ? de sociétés agricoles ? D’agriculteurs ou de grossistes américains ou canadiens ?
69Si ces questions sont possibles, c’est parce qu’une autre mutation est venue bouleverser le panorama social des campagnes et reste porteuse de retentissements plus lointains. En novembre 1991, le gouvernement a proposé et fait voter en un temps record par le Parlement un amendement constitutionnel (article 27) déclarant révolue la réforme agraire et permettant l’appropriation privée des parcelles ejidales par leurs actuels détenteurs, ainsi que la constitution de sociétés agricoles et foncières pouvant rassembler jusqu’à 25 fois les superficies maximales autorisées pour un individu, avec la participation éventuelle de capitaux étrangers.
70Les années qui viennent devraient ainsi voir se forger des relations, des personnages acquérir droit de cité, en contradiction avec tout ce qui avait été, depuis cinquante ans, dogme politique et social à la campagne et dans toute la société mexicaine. On peut supputer qu’avec le droit à la terre se modifieront le sens du patrimoine et les relations au sein des familles paysannes, les rapports de voisinage que ne marqueront plus le statut ejidal et les pratiques politiques qu’il commandait. La réforme agraire aura joué un rôle décisif en créant une paysannerie à partir de la multiplicité des situations sociales et des particularismes culturels, ethniques et régionaux, et en l’incorporant en tant que classe juridiquement et économiquement définie à la nation. Les principes de légitimation sociale sur lesquels elle reposait semblent s’orienter aujourd’hui vers une primauté croissante de l’individuel sur le collectif, du dynamisme économique sur la solidarité, de l’opinion personnelle sur le consensus.
71De telles transformations ne sont comparables qu’à l’abolition de la propriété collective des biens fonciers édictée par les Lois de Réforme (1856) et... à sa restauration sous la forme ejidale dans la Constitution de 1917. II n’est pas trop de dire que le Mexique entre dans une ère post-révolutionnaire.
72Mars 1990, révisé en juin 1993
Notes de bas de page
1 IV, VII, IX y XI Censos Generales de Población y Vivienda 1921, 1950, 1970, 1990, Secretaría de Programación y Presupuesto e Instituto Nacional de Estadística, Geografía e Informática (INEGI).
2 Voir, dans cet ouvrage le texte de M. E. Zavala de Cosío.
3 Encuesta Nacional de Empleo, INEGI, Aguascalientes, 1988. Chiffres cités par M. Pedrero Nieto y A. Embriz Osorio, ”Los mercados de trabajo en las zonas rurales. Notas sobre la Encuesta Nacional de Empleo de 1988, Estudios Sociológicos, n° 29, 1992.
4 Les paysans ejidatarios tiennent leur terre de l’État en vertu de la Réforme agraire. Il y est fait allusion amplement dans la suite du texte.
5 CEPAL, Economía campesina y agricultura empresarial (Tipología de productores del agro mexicano), Mexico, Siglo xxi eds., 1982., chap. IV.
6 Parmi beaucoup d’autres auteurs, différents aspects sont traités par L. Arizpe, Migración, etnicismo y cambio económico, El Colegio de México, 1978 ; La migración por relevos y la reproducción social del campesinado, México, El Colegio de México (Cuadernos del CES), 1980 ; B. Roberts, Cities of Peasants, Londres, Edward Arnold, 1978 ; M. Pepin Lehalleur et T. Rendón, “Las unidades domésticas campesinas y sus estrategias de reproducción” in K. Appendini et al, El campesinado en México. Dos perspectivas de análisis, Mexico, El Colegio de México, 1983 ; T. Calvo et G. López (coord) Movimientos de población en el Occidente de México, Mexico, El Colegio de Michoacán/CEMCA, 1988.
7 M. Pepin Lehalleur “¿ Hacia una sociabilidad urbana en el campo mexicano ? Reflexiones a partir de la desunión de Producción y Consumo”, Estudios Sociológicos, n° 29, Mexico, 1992 ; M. Melhuus, Morality, Meaning and Change in a Mexican Context, Thèse PhD, Université d’Oslo, 1992.
8 Le phénomène, en réalité, n’est pas nouveau et a été révélé par des anthropologues tels que O. Lewis (en particulier Los hijos de Sánchez, Mexico, FCE, 1979) ou L. Arizpe (Las Marías en la Ciudad de México, Mexico, Sep-Setentas, 1975.). La présence de familles indiennes dans la ville est aujourd’hui chose courante et n’étonne plus. G. Bonfil Batalla en tire des conclusions sans doute excessives dans México profundo. Una civilización negada, Mexico, CIESAS/SEP, 1987. Voir aussi la revue Nueva Antropología ainsi que Ojarasca qui a pris la suite de l’ancienne publication de l’Institut Indigéniste National, México Indígena.
9 L. Paré, El proletariado rural en México, Mexico, Siglo xxi eds., 1977 ; E. Astorga Lira, Mercado de trabajo rural en México. La mercancía humana, Mexico, Ediciones Era, 1985 ; H. Carton de Grammont (ed.) Asalariados agrícolas y sindicalismo en el campo mexicano, Mexico, Juan Pablos editor, 1986.
10 H. Carton de Grammont, Los empresarios agrícolas y el Estado, Mexico, IIS-UNAM, 1990 ; S. Lara, “El perfil de la jornalera agrícola actual y su mercado de trabajo”, J. Aranda Bezaury (Comp) Las mujeres en el campo, Oaxaca, IIS-UABJO, 1988 G. Verduzco, Una ciudad agrícola : Zamora, Mexico, El Colegio de México/El Colegio de Michoacán, 1992 ; M. Pepin Lehalleur et M. F. Prévôt Schapira “Altamira : ouverture des espaces économiques et projet identitaire du pouvoir municipal”, Cuadernos del CES (n° 30, Mexico, 1992).
11 V. Salles, “Xochimilco : perdurabilidad de la tradición en un contexto de cambio”, Estudios Sociológicos n° 29, 1992 ; J. Durand, La ciudad invade al ejido, Mexico, Ediciones de la Casa Chata, 1983.
12 Cf. C. Hewitt de Alcántara, La modernización de la agricultura mexicana, 1940-1970, Mexico, Siglo xxi eds., 1978, et F. Relio, El campo en la encrucijada nacional, Mexico, SEP, 1986.
13 Les importations d’aliments de base (maïs, blé, soja, sorgho, haricot, riz, graine de coton, autres oléagineux) qui s’étaient maintenues, avec de fortes variations, dans une moyenne annuelle de 250 000 tonnes de 1966 à 1971, s’élèvent à une moyenne de 1 700 000 de 1972 à 1976. L’ascension se poursuivra, d’ailleurs, malgré les changements de la politique agricole, avec une moyenne annuelle de 5,5 millions de 1977 à 1982 et de près de 7 millions de 1983 à 87. Cf. J. L. Calva, Crisis agrícola y alimentaria en México. 1982-1988, Mexico, Fontamara 54, 1988, tableau VI. Voir aussi D. Barkin et B. Suárez, El fin de la autosuficiencia alimentaria, Mexico, Centro de Ecodesarrollo/Nueva Imagen, 1982.
14 Cf. A. Bartra, “Seis años de lucha campesina, 1970-1976”, Investigación Económica, n° 3, nueva época, UNAM, jul-sept. 1977 ; B. Rubio, Resistencia campesina y explotación rural en México, Mexico, Ediciones Era, 1987 ; F. Relio, op. cit.
15 Malgré les intentions et les déclarations gouvernementales, sur les 12 700 000 hectares distribués à 206 000 ejidatarios entre 1970 et 1976, seule une faible proportion est irriguée (111 000 ha.) ou même cultivable (770 000 ha.) Cf. J. Moguel “La cuestión agraria en el período 1950-1970” in Historia de la cuestión agraria mexicana, vol. 8, Mexico, Siglo xxi eds.-CEHAM, 1989.
16 M. Pépin Lehalleur, “Accès au crédit et gestion du risque”, M. N. Chamoux et al (dir.) Prêter et emprunter. Pratiques de crédit au Mexique, (xvie-xxe siècles), Paris, Ed. de la MSH, 1993, pp. 1125-134.
17 Ce sont, par exemple, dans la Huastèque, la URECHH: Union régionale d’ejidos et communautés de la Huastèque d’Hidalgo, ou l’OIPUH: Organisation indépendante des villages unis de la Huastèque, et à Juchitan (Oaxaca), la COCEI: Coordination des ouvriers, paysans et étudiants de l’Isthme.
18 G. Gordillo relate l’historique et fait une analyse économique et politique des luttes menées par la Coalition dans Campesinos al asalto del cielo. De la expropiación estatal a la apropiación campesina, Mexico, Siglo xxi eds., 1988.
19 Mentionnons la SARH (Ministère de l’Agriculture et des ressources hydrauliques), ministère de tutelle, chargé de la programmation, du contrôle technique et de l’administration des districts agricoles; l’INIA (Institut national de recherche agronomique) dont les recommandations doivent être suivies par les producteurs qui reçoivent du crédit; le Bannirai et FIRA (Fideicommis pour l’agriculture) qui distribuent le crédit, directement ou aux banques; l’assureur ANAGSA; la Pronase qui produit des semences; Fertimex qui fabrique des engrais; Pronagra chargée de localiser, gérer ou louer les terres incultes; FOIR (Fideicommis pour l’organisation et l’investissement rural) qui entreprend les travaux de défrichement et d’infrastructure; la Conasupo , chargée d’agir sur les prix en achetant une part des récoltes, en participant à la transformation (minoterie) et en assurant la commercialisation des aliments essentiels jusqu’aux consommateurs en situations marginales; Tabamex et Inmecafé, responsables respectivement de la promotion, l’organisation et la vente du tabac et du café, etc..
20 Les ejidos n’obtiennent d’argent de la banque qu’une fois la tâche réalisée et vérifiée par un inspecteur, alors que les emprunteurs privés reçoivent en trois versements le crédit nécessaire pour tout le cycle. Ceux-ci peuvent obtenir du crédit -à des taux divers, plus élevés- pour un large éventail de produits dont la culture n’est pas financée lorsqu’il s’agit de petits producteurs.
21 L’expression est de Fernando Relio, op. cit.
22 De 1960 à 1969, l’investissement public dans le secteur agricole absorbe 10% de l’investissement total, et de 15 à 17% de 1970 à 1982. Cf. J. Heath, “El financiamiento externo del sector agropecuario en México”, J. Zepeda (ed.) Las sociedades rurales hoy, Mexico, El Colegio de Michoacán-Conacyt, 1988. Par ailleurs, le crédit offert par l’ensemble du système bancaire à l’agriculture passe, en peso constant, de 67 000 millions en moyenne annuelle en 1973-1975 à 92 500 millions en 1976-1982 et redescend à 74 000 millions en 1983-1986. Cf. J. L. Calva, op. cit., tableau 13. Finalement, de 1983 à 1987, les subsides et transferts du budget public vers le secteur agricole diminuent de 62% en termes réels. Les subsides implicites dans les taux préférentiels de crédit pour petits et moyens producteurs passent de 50 et 36% en 1982 à 23% en 1987. Cf. R. Escalante y T. Rendón “Neoliberalismo a la mexicana. Su impacto sobre el sector agropecuario”. Problemas del Desarrollo n° 75, vol. XIX, Mexico, 1988, tableaux 7 et 6.
23 Economía campesina y agricultura empresarial. Tipología de productores del agro mexicano, op. cit..
24 Rodríguez, G., “Campesinos, productores transicionales y empresarios en la crisis agrícola. (Conducta productiva diferencial en siete de los principales productos)”. Economía Mexicana, Serie Temática n° 1, CIDE, Mexico, 1983. Ses estimations couvrent la période 1962-1980.
25 Alors que le montant global du crédit agricole fourni par Bannirai a augmenté de 7,7% entre 1977 et 1982, la surface couverte s’est accrue de 68%, ce qui suggère une distribution beaucoup plus large. Cf. J. Heath, op. cit.
26 Cf. R. Escalante y T. Rendón “Neoliberalismo a la mexicana. Su impacto sobre el sector agropecuario”, Problemas del Desarrollo n° 75, vol. XIX, Mexico, 1988, tableaux 7 et 6.
27 Cf. K. Appendini “Política alimentaria y estabilización económica en México. El dilema entre una mayor producción o precios más bajos”, C. Hewitt de Alcántara (comp.) Reestructuración económica y subsistencia rural. El Colegio de México-Centro Tepoztlán-UNRISD, MEXICO, 1993, PP.63-88.
28 Cf. M. Pepin Lehalleur “Les choix de financement des familles rurales dans le Tamaulipas”, M. N. Chamoux et al (dir.) Prêter et emprunter. Pratiques de crédit au Mexique, op.cit., pp. 135-148.
29 Par exemple en 1987, 6,61% pour le soja et 17,82% pour le sorgho, et seulement 36,09% pour le maïs, alors que ce dernier représentait 47% de la production totale de grains, contre 3,5% le soja et 23,6% le sorgho. Cf. R. Escalante y T. Rendón, op. cit.
30 Les entreprises familiales qui contournaient la loi agraire en enregistrant des portions de l’exploitation au nom des divers membres de la famille se trouvent dorénavant dans l’obligation de faire une déclaration fiscale pour chacun d’eux.
31 M. Fritscher Mundt et C. Steffen, “La agricultura mexicana en la novena década : un futuro incierto”, A. Mas solo et al, Procesos urbanos y rurales en el México actual, Mexico, UAM-Iztapalapa, 1991, p. 110.
32 idem, p. 111.
33 M. A. Gómez Cruz et al, “La producción de hortalizas en México frente al Tratado de Libre Comercio con EE.UU. y Canada”, J. L. Calva et al. La agricultura mexicana frente al Tratado Trilatéral de Libre Comercio, Mexico, UACH-J. Pablos Ed., 1992, tableaux 3 et 4.
34 Le Conseil consultatif du Programme national de solidarité publie en 1990 un diagnostic et ses propositions de programme. Il indique que 80% des populations pauvres (24 millions en 1987) et très pauvres (17 millions) vivent en milieu rural. “El combate a la pobreza”, Mexico, El Nacional, p. 31.
35 Les premières années du sexennat de C. Salinas voient les dépenses en développement social passer de 32,2% des dépenses publiques programmées en 1988 à 43,5% en 1991. De 3,2 milliards de pesos en 1990, il augmente à 5,1 milliards en 1991 et 6,8 milliards en 1992, en pesos constants, La Jornada, 24-IV-91 et El Financiero, 18-XI-91.
36 En particulier à des économistes de l’ITAM, du CIDE et de El Colegio de México.
37 Les données des expertises officielles sont difficiles à obtenir ou impubliables car ces documents restent confidentiels. Les critiques, en revanche, recherchent la diffusion. Cf., par exemple, J. L. Calva, Probables efectos de un Tratado de Libre Comercio en el Campo Mexicano, Mexico, Fontamara, 1991 ; M. Fritscher Mundt et C. Steffen, op. cit.; J. L. Calva et al, op.cit. ; C. Hewitt de Alcántara, op.cit.
Auteur
Chargée de recherche au CNRS/ CREDAL
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