Chapitre 12. Peut-on expliquer la gestion de la pandémie au Paraguay à partir d’une perspective sociolinguistique ?
p. 254-270
Remerciements
Je remercie Capucine Boidin, Dominique Demelenne et Léandre Renoir pour leurs commentaires respectifs.
Texte intégral
« Nos gens sont résilients et nous avons confondu cette résilience avec le silence. Ce silence ne peut plus durer […] Parce que mon peuple a l’habitude de se taire et de supporter. Il a l’habitude de normaliser toutes sortes de violations […] Mais quand il sort dans la rue, écoutez-le et remerciez-le.1 »
Introduction
1Soumis, apathique [Sondrol, 2007], victime d’une « idéologie autoritaire » [Rodríguez Alcalá, 2007] : le peuple paraguayen a souvent été présenté de cette façon. Cette société réputée « conservatrice » [Rivarola, 2008] a fait preuve d’un comportement exemplaire au début de la pandémie de Covid-19. Mais au printemps 2021, cette population dite soumise s’est indignée et est descendue dans la rue lorsque le gouvernement a été submergé par l’épidémie et par les scandales de corruption dans le cadre d’une crise totale, sanitaire, politique et économique.
2La guitariste Berta Rojas, citée en ouverture de ce chapitre, est l’une des figures artistiques les plus importantes du Paraguay. Depuis Boston (États-Unis), elle a appelé le gouvernement paraguayen à agir face à l’accélération de l’épidémie. Elle définit le peuple paraguayen comme résilient et non pas silencieux. Une lecture de l’histoire politique récente pourrait lier ce silence à l’ombre d’un stroessnisme toujours présent [Friggeri, 2017], associé aux trente-cinq ans de dictature, période pendant laquelle il valait mieux se taire que d’affronter le régime. Nous souhaitons émettre une autre lecture du silence à partir de la réalité sociolinguistique du Paraguay : face à une société qui vit quotidiennement entre deux langues, les Paraguayens utilisent le silence pour éviter de révéler leur faible niveau de vocabulaire ou leur confusion grammaticale en espagnol.
3Notre objectif est d’étayer la thèse selon laquelle une compréhension des rapports sociolinguistiques peut nous aider à comprendre la culture politique dans le cadre de l’arrivée du coronavirus au Paraguay. Après un bref tour d’horizon du panorama sociolinguistique afin d’identifier certains aspects qui composent la structure politique paraguayenne, nous nous attarderons sur la gestion de la pandémie à partir des éléments identifiés.
Comprendre la société paraguayenne à partir de ses langues
4Si quelque chose caractérise le Paraguay, c’est sa particularité sociolinguistique doublement paradoxale. Le Paraguay est le seul pays d’Amérique latine où une langue autochtone, le guarani, et non la langue coloniale, l’espagnol, est parlée par la plupart de la population métisse2, bien que la population amérindienne soit minoritaire (moins de 2 % de la population). En revanche, si le guarani est porteur de l’identité et de la fierté nationale, il est en même temps rejeté par une grande partie de la population. Il s’agit d’une langue moins prestigieuse, accusée d’être un obstacle à la mobilité sociale. Ainsi, la colonisation n’est pas seulement un processus unilatéral de domination, d’acculturation du haut vers le bas, mais plutôt un processus de « transculturation » [Escobar, 2012, p. 54]. C’est un déroulement historique complexe fait de tensions, de conflits, de résistances, de coconstructions qui, à ce jour, n’ont pas encore été résolus. D’une certaine manière, les locuteurs du guarani ont subverti la domination en en faisant la langue majoritaire.
5Un exemple linguistique de cette tension est le jopará, un processus diglossique, où les deux langues se mélangent et s’empruntent des mots. Ce processus que nous qualifions d’« impureté culturelle » ne conduit pas à la construction d’une nouvelle structure grammaticale ou d’une nouvelle langue. Des formes très inégales de jopará sont produites : un citadin parlera espagnol avec moins de mots guarani, tandis qu’un paysan parlera principalement le guarani avec quelques mots espagnols. Selon Capucine Boidin, le jopará consiste en une « juxtaposition d’éléments, tout en préservant une partie de leurs identités respectives » [2006, p. 310]. À partir de ce mélange inhabituel entre les langues, la réalité linguistique pourrait être décrite à travers la métaphore d’une ligne continue. À l’une de ses extrémités se trouve le guarani et, à l’autre, l’espagnol [Boidin, 2011, p. 182]. Entre ces deux pôles, il existe diverses combinaisons possibles faites de mélanges construits de manière créative et spontanée par les individus.
6Si nous considérons la langue comme une forme de construction identitaire, différents mondes, représentés linguistiquement, coexistent alors au Paraguay de manière inégalitaire. Le bilinguisme est une forme de « dualité culturelle » [Corvalán & de Granda, 1982] reflétée par la répartition géographique de la population urbaine et rurale. En ce sens, l’espagnol représente le contexte urbain et le guarani, le monde rural. Dans cette dualité, l’école joue alors le rôle de la transmission de la culture urbaine dans le monde rural. En plus d’une division géographique, nous notons une relation étroite entre la classe sociale et la langue utilisée : la classe minoritaire et privilégiée communique en espagnol et la classe populaire majoritaire en guarani. Pour cette dernière, l’accès aux institutions de l’État [PNUD, 2008, p. 75] – construites en espagnol – est beaucoup plus difficile. Nous sommes ainsi confrontés à un paradoxe dans lequel la société résiste à une assimilation totale de la langue dominante en même temps qu’elle reproduit la stratification sociale coloniale. D’autre part, il existe un accord tacite pour utiliser l’espagnol dans les espaces formels et institutionnels, et le guarani dans les espaces familiaux et informels [Riquelme Cantero, 2014, p. 74]. Le guarani est souvent associé à l’expression de sentiments, de l’humour, des critiques et du sarcasme. Joan Rubin [1982] analyse comment le choix de l’une ou l’autre langue est soumis à des règles sociales similaires à celles de l’usage des pronoms personnels « tu » et « vous » en espagnol, régis par le pouvoir et la solidarité : le guarani représenterait la proximité du « tu », tandis que l’espagnol marquerait la distance formelle du « vous ». Cependant, les professionnels reconnaissent que sur leur lieu de travail, ils utilisent le guarani pour parvenir à une meilleure compréhension et établir des relations de confiance. Dans ce sens, les politiciens et les prêtres affirment que le guarani sert à établir un lien de proximité avec la population [Penner citée par Riquelme Cantero, 2014, p. 89-90].
7Au niveau des politiques publiques, le processus d’institutionnalisation et de reconnaissance des deux langues est relativement récent. Si, depuis les années 1970, l’État s’est engagé dans des projets pilotes en vue d’inclure systématiquement le guarani, ce n’est que dans les années 1990 qu’il a été intégré dans un cadre légal. En 1992, la Constitution nationale définit le caractère officiel des deux langues et en 1998, la loi générale sur l’éducation stipule que l’alphabétisation se fera dans la langue maternelle des élèves. Mais ce n’est qu’après la « loi des langues » décrétée en 2011, que le Secrétariat pour les politiques linguistiques a été créé, avec un rang de ministère, ainsi que l’Académie de la langue guarani.
8Tout cela génère une série de tensions : la reconnaissance réelle de la réalité multiculturelle, l’inégalité existante dans le bilinguisme national et la difficulté de la standardisation linguistique, puisque les institutions n’ont pas encore la capacité d’instruire et d’ordonner l’usage des langues. L’espagnol, en tant que langue coloniale, est défini par une institution étrangère, la Real Academia Española, tandis que le guarani continue de bénéficier d’une certaine liberté en l’absence d’un pouvoir organisateur. Dans un rapport [MEC, 2014, p. 252], le ministère de l’Éducation lui-même reconnaît que « la question de définir quel guarani nous parlons au Paraguay est quelque chose qui doit encore être débattu. » L’institutionnalisation du bilinguisme n’est pas une tâche facile, car elle implique de rompre avec une série d’inégalités et de traditions tacites évoquées plus haut. Il ne s’agit pas seulement d’un fait linguistique mais aussi d’une question politique : doit-on organiser et/ou planifier la langue ou laisser agir l’acte libertaire ? Nous sommes face à une tension permanente entre l’ordre et la liberté.
La traduction du sociolinguistique au politique
9Malgré des progrès au cours des trente dernières années, il n’y a pas de politique publique proprement bilingue si nous considérons que les institutions n’utilisent pas le guarani de manière systématique. Les institutions n’échappent pas à l’accord tacite dans lequel les « choses sérieuses » seront dites en espagnol. La nouvelle institutionnalisation du bilinguisme reflète le récent processus d’institutionnalisation de la société paraguayenne elle-même. La consolidation des politiques publiques est étroitement liée au processus de démocratisation initié en 1989. Comme l’affirme Benjamín Arditi [1990], la chute de la dictature ouvre le défi non pas de restaurer une démocratie interrompue mais plutôt d’en inventer une là où elle n’existait pas. Ainsi, l’absence de l’État, qui affecterait la qualité de la démocratie [Abente Brun, 2012], est un élément central pour comprendre la société paraguayenne. Dans ce sens, la responsabilité des personnes âgées, par exemple, incombe à la famille, à la communauté, aux voisins et pas nécessairement aux institutions. Seuls 16,3 % des personnes âgées touchent une retraite et 28,3 % perçoivent une pension de l’État dans le cadre d’un programme démarré en 2009 [Rodríguez & Benítez, 2018, p. 21]. Quand on parle d’institutionnalisation, on peut également parler d’un processus de formalisation. En ce sens, les indicateurs socioéconomiques sont clairs : 78 % de la population vit d’une économie informelle [MTESS, 2016, p. 5]. La relation entre une large majorité qui communique dans une langue « informelle » et l’existence d’une grande économie « informelle » n’est pas une coïncidence.
10Cette institutionnalisation ou formalisation est surtout un phénomène linguistique, puisque ce processus se déroule largement en espagnol. En ce sens, tous ces mécanismes vont de pair : institutionnalisation, formalisation, urbanisation et donc modernisation de la société. L’État, au-delà de ses efforts, n’a jusqu’à présent pas trouvé la formule pour inclure le guarani, et le monde qu’il représente, dans ce processus de modernisation. Cela ouvre la voie à une résistance de la société paraguayenne au processus d’institutionnalisation. En ce sens, Pierre Clastres, à partir de ses études sur les Guayaki, avait identifié un rejet par la société à la séparation du pouvoir politique de la société, un « Contre l’Un » pour reprendre l’expression de l’auteur [Clastres, 1974], une volonté sociale qui empêche l’émergence d’un pouvoir politique central désincarné de la société. Au sein de la société paraguayenne, il existe une certaine résistance à l’émergence de l’État, même si ce n’est pas dans les mêmes termes que Clastres. Quand on parle d’État, on parle aussi de nation. Au-delà de diverses tentatives de construction d’une identité nationale fondée sur la figure de l’État, il y a donc une certaine résistance, non au sens affirmatif ou volontaire, mais plutôt tacitement, à l’homogénéisation sociale. Le jopará, ce mélange non résolu entre l’espagnol et le guarani, en est un exemple clair : il n’existe pas d’accord institutionnel sur la façon de résoudre ce paradoxe et l’officialisation du bilinguisme ne l’a pas fait disparaître.
11Revenant à la métaphore de la réalité linguistique du Paraguay comme une ligne continue entre les deux langues, nous pouvons voir comment la frontière est diffuse et ambiguë. Les deux langues sont perméables au contact, il n’y a pas d’antagonisme entre les deux, mais plutôt un continuum linguistique. Si nous considérons la langue comme le reflet de la manière dont les êtres humains et la société elle-même structurent leur façon de penser, et si nous transférons cette idée de frontière floue à la dichotomie entre le formel et l’informel, nous pouvons comprendre divers éléments socioéconomiques de la société paraguayenne.
12Les individus, et mêmes les institutions, se déplacent constamment d’une forme d’économie formelle à informelle. Ce qui rend cette démarcation complexe, c’est qu’au sein de l’informel nous trouvons également une délimitation diffuse entre le légal et l’illégal. Par exemple, sur un marché populaire, nous trouvons des commerces « formels » où, en même temps, des vendeurs informels, livrent parfois des produits de contrebande, sans émettre aucune facture. Cette frontière est encore plus complexe lorsque le simple trafic de produits alimentaires se transforme en contrebande de cigarettes ou en trafic de drogue. Il existe une confusion, au niveau linguistique, au niveau formel, mais également dans la distinction entre le public et le privé3, ce qui laisse la place ouverte, par exemple, au népotisme dans la fonction publique. Nous pouvons le voir dans un entretien sur le comportement politique : « Et si j’étais maintenant une autorité ? Eh bien, je devrais aider ma famille, sinon qui vais-je aider ? » [Lachi & Rojas Scheffer, 2018, p. 161]. Ici, le dilemme moral n’est pas centré sur le népotisme institutionnel en tant qu’acte de corruption mais sur le fait d’aider ou pas la famille. Nous pouvons observer quelque chose de semblable dans la lutte des forces publiques contre la contrebande. Cette lutte peut générer une réaction de rejet d’une partie de la société qui dit : « Laissez les gens travailler.4 » La contrebande n’est plus considérée comme une activité illégale, mais comme une activité quotidienne qui permet à la personne de nourrir sa famille. Nous pouvons transférer ces petits exemples à une sphère macrosociale et comprendre de cette façon l’existence d’une définition morale ambiguë qui ouvre la place à une possible « double conscience5 ». De la même manière que l’individu sait dans quels contextes il doit utiliser l’une des deux langues, il sait également de quel genre de légitimité il doit faire preuve : s’il veut une légitimité charismatique, il doit utiliser le guarani ; s’il préfère une légitimité institutionnelle, il doit utiliser l’espagnol.
13Cette confusion tient à une absence historique de l’État, où la légitimité des institutions est remise en cause car elles ne permettent pas l’accès aux droits fondamentaux comme la santé ou la possibilité de nourrir sa famille. L’institution est présentée comme un élément éloigné qui ne permet pas la mobilité sociale ou, pire, comme un élément qui renforce les inégalités sociales. Face à cette absence institutionnelle, le « clientélisme6 » se développe comme une forme de médiation entre le citoyen et l’institution. Un bon politicien n’est pas celui qui construit et planifie un bon système de santé, mais celui qui aide dans les moments les plus difficiles, celui qui « offre » les médicaments, celui qui « aide » à payer la facture d’électricité, etc. S’y ajoute également une dimension linguistique puisque les problèmes se résolvent « en parlant ». Pour Marcello Lachi et Raquel Rojas Scheffer [2018, p. 138], « au Paraguay, il y a rarement des cas où le clientélisme se révèle être un simple échange commercial entre candidat et électeur ; au contraire, il assume plutôt la caractéristique d’une médiation qui génère une obligation morale entre eux. » Là où l’État ne remplit pas son rôle de garant des droits, les partis politiques, par la médiation de leurs opérateurs, substituent une logique de droits à une structure de favoritisme. Compte tenu de la difficulté d’accès aux institutions, souvent monolingues, certains acteurs sociaux se présentent comme des traducteurs entre une culture communautaire traditionnelle et une logique institutionnelle. Les opérateurs politiques ont non seulement pour fonction de traduire les mondes mais aussi de créer des liens de dépendances envers « cette personne qui était là quand j’en avais besoin7 ». Ainsi, le clientélisme ne conçoit pas la politique comme une planification à long terme dans la recherche d’un meilleur accès aux droits constitutionnels, mais plutôt comme une forme d’improvisation8 orientée par l’urgence immédiate du besoin de la population.
14La société paraguayenne ne repose pas nécessairement sur les institutions mais plutôt sur les individus et sur les liens qu’ils construisent entre eux. Nous pourrions ainsi parler d’un « bilinguisme individuel » [Manrique Castañeda, 1982] où la société, consciente de l’absence de l’État et de la corruption que cela entraîne, au lieu de critiquer et d’exiger ses droits, finit par aider ces institutions chaotiques. Par exemple, une étude montre comment les associations de parents d’élèves versent annuellement au moins dix millions de dollars à l’État à travers des activités solidaires pour l’entretien des écoles [Demelenne, 2017, p. 228]. Par ailleurs, nous observons fréquemment la présence de « commissions de quartier » dont la fonction est d’entretenir les espaces publics du quartier, tâche en principe à la charge de la mairie. L’idée d’une solidarité installée dans la société occupe une place centrale dans l’imaginaire social, au-dessus d’une idée de droits institutionnels.
Comprendre la crise du coronavirus dans cette perspective
15Comment le Paraguay est-il passé du statut d’exemple mondial en termes de gestion de crise à l’une des pires « improvisations » en termes de vaccination et de saturation du système de santé ? Une première réponse se pose en termes géopolitiques, considérant que les pays riches concentrent largement la distribution des vaccins. Cependant, nous allons nous concentrer sur les facteurs internes et revenir à notre perspective sociolinguistique. Pour ce faire, nous pourrions partir d’une métaphore fonctionnaliste de sociologie pour visualiser l’impact d’un agent extérieur, la pandémie, sur l’organisme, la société paraguayenne. Le Paraguay était souvent présenté comme un pays isolé, replié sur lui-même, avec une lente insertion dans le marché mondial. Comme indiqué par María Laura Reali et Edgardo Manero dans ce volume, cet imaginaire a joué un rôle fondamental. La pandémie a réactivé le mythe nationaliste de la guerre9, latent dans la société paraguayenne. La fermeture des frontières10 et le confinement strict ont été suivis dans un premier temps par la population comme une loi martiale, ce qui fait que le Paraguay n’a presque pas subi les conséquences de la première vague de la pandémie. Mais l’économie, surtout informelle, ne pouvait pas survivre au confinement et à la fermeture des frontières. La pandémie s’est installée à partir du mois de septembre 2020, mais c’est en mars 2021, plus d’un an après le début de l’épidémie, que le Paraguay s’est retrouvé débordé, avec un système de santé qui s’est effondré. À partir de cette date, la société du « silence » s’est transformée en société de l’indignation. La crise sanitaire est devenue une crise politique, alors que des milliers de manifestants occupaient les rues pour réclamer la démission du président. L’imaginaire d’un nouveau « mars paraguayen11 » s’est activé et le président Mario Abdo Benítez est passé d’une certaine popularité au début de la pandémie à une situation de rejet en mars. Le gouvernement avait promis de s’appuyer sur le « sacrifice » de la population lors du premier confinement pour améliorer le système de santé avec une partie du budget de 1,6 milliard de dollars destiné à la crise sanitaire. Mais les scandales de corruption ont commencé à exploser et à jeter le doute sur la gestion du gouvernement. Le silence a changé de champ : pendant deux semaines, le président s’est alors retranché dans un profond mutisme et a disparu de la scène publique, affirmant, face à la pression de son entourage, qu’il parlerait quand il aurait quelque chose à dire.
16Il est intéressant décrire d’un point de vue ethnographique le moment déclencheur de la crise politique qui intervient lors de la visite du vice-ministre de la Santé à l’Ineram, l’hôpital spécialisé dans les maladies respiratoires. Celui-ci a commencé à parler en espagnol avec les proches des patients, qui lui ont expliqué les déficits du système et le manque de médicaments. Ils ont également dénoncé la vente illégale de médicaments du ministère de la Santé sur le marché informel. Le vice ministre ému, les larmes aux yeux, n’est pas parvenu à répondre de façon institutionnelle et à proposer des solutions concrètes à la demande des proches. Au milieu de la conversation, une infirmière a fait son apparition, demandant en jopará au vice-ministre de ne pas se mêler à la classe politique, car cette situation désastreuse est, selon elle, la faute des politiciens. En réalité, il apparaîtra plus tard que cette même infirmière est candidate du Parti colorado pour les prochaines élections municipales et que, dans le cadre de sa campagne politique, elle a distribué des médicaments du ministère dans des quartiers populaires en échange de votes. Cette scène, filmée par les médias, synthétise d’une certaine manière la culture politique paraguayenne : la frontière floue entre le formel et l’informel, le clientélisme, l’inégalité, l’improvisation de la gestion de la santé, la corruption et la solidarité. Tout cela dans le cadre sociolinguistique que nous avons décrit : l’introduction charismatique du guarani de la part de l’infirmière pour souligner les émotions et l’espagnol pour les demandes institutionnelles, les cris et les émotions confrontés au langage posé des demandes légales. À partir de ce moment, les manifestations ont éclaté, le ministre de la Santé, présenté comme un héros qui avait mené à bien la bataille contre la pandémie, a fini par démissionner et le parlement a entamé une procédure d’impeachment contre le président, dont il a été sauvé grâce au soutien de son parti politique.
17La pandémie a souligné l’importance de l’État dans une grande partie du monde, avec un certain retour de l’État providence dans l’imaginaire social. Dans certains pays, l’État minimal néolibéral fut dénoncé pour avoir considérablement réduit les dépenses sociales, y compris le budget de la santé. Au Paraguay, nous ne pouvons pas parler d’un « retour », encore moins de la culpabilité du néolibéralisme mais plutôt d’une crise du modèle politique centré sur le clientélisme. Ce modèle n’est plus viable en tant que réponse à la demande de la population face à la pandémie. Avec un coût moyen de 300 millions de guaraníes (environ 37 500 euros) par patient selon le ministère de la Santé12, les politiciens, habitués à aider par des petits gestes, ont réalisé qu’ils n’avaient pas les ressources nécessaires pour financer ce niveau de clientélisme13. En ce sens, la pandémie met en évidence la responsabilité de l’État dans la planification du système de santé publique. Cette crise du clientélisme est également associée à une crise de l’hégémonie du Parti colorado. Ce dernier, au pouvoir pendant plus de sept décennies, a construit une fusion entre l’identité nationale et l’appartenance au Parti [Demelenne, 2021]. C’est la première fois que des critiques aussi fortes sont formulées contre ce parti, par un secteur important de la population. Il est trop tôt pour comprendre l’issue de cette crise : s’agit-il d’un retour à l’ancien modèle ou de l’émergence de nouveaux acteurs et/ou modèles politiques ?
18Il est intéressant d’analyser la communication gouvernementale pendant ce moment exceptionnel. Le guarani est pratiquement inexistant pour expliquer les mesures sanitaires. Pendant la pandémie, une politique de traduction en langue des signes est mise en place lors des dernières conférences de presse du président et du ministère de la Santé. Au contraire, le guarani, langue officielle, reste absent dans les comptes-rendus du gouvernement. Tous les décrets sont publiés en espagnol, mais le guarani est utilisé comme un élément anecdotique pour nommer certains programmes sociaux destinés à mitiger les conséquences de la pandémie, tels que Pytyvõ (« aider » en guarani) ou dans certains hashtags tels que #epytanderogape, accompagné du hashtag en espagnol #quedateencasa. Le gouvernement a produit un spot publicitaire entièrement en guarani sur les gestes barrières, utilisant une dimension artificielle de la communication, compte tenu de l’ignorance de la population d’une partie des mots utilisés. Ce côté artificiel est évident si nous le comparons à un autre spot réalisé en jopará par la Conférence épiscopale. Ces initiatives de communication institutionnelle en guarani sont encore très rares. En ce sens, la législation est discutée et rédigée dans une langue, alors que la population s’approprie cette législation dans le mélange des deux langues. Un ministre et un président communiquent en espagnol, transmettant une image sérieuse. Pendant ce temps, la population rit, se libère et critique le gouvernement en jopará. La critique formulée à l’encontre du président à travers le hashtag #desastreKoMarito (« Désastre ce Marito » = Ce président est un désastre) en est un exemple. Le « Ko » en guarani, inclus dans une phrase en espagnol, donne force et identité à la critique, car il montre une façon naturelle de s’exprimer en paraguayen. Il s’agit donc d’une critique spontanée, non artificielle, avec des « erreurs » typiques des Paraguayens. C’est donc une « vraie » critique parce qu’elle est dite et écrite comme le ferait n’importe quel habitant de ce pays.
19Dans les grands commerces, les règles sanitaires sont affichées en espagnol à l’entrée du magasin. Pour les respecter, les agents de sécurité et les employés traduisent spontanément les consignes : Ejepohēimina (« Pourriez-vous vous laver les mains ? »). La traduction n’incombe pas aux institutions, mais aux individus. Comme pour la langue, ceux-là cherchent de manière créative à se conformer aux mesures sanitaires, en mélangeant et en recyclant les ressources qu’ils possèdent. Nous avons ainsi vu l’émergence d’une série d’éviers créés à partir d’un mélange de matières recyclées. L’improvisation et le recyclage pallient les carences économiques. La volonté de la population de respecter les mesures sanitaires imposées par le gouvernement démontre qu’il n’y a pas de rejet total de l’ordre institutionnel. L’improvisation devient également une réalité informelle. Il suffit de se promener dans le jardin de l’hôpital Ineram pour observer comment les proches de patients s’installent dans des campings précaires, ce qui montre à une échelle microsociale et éphémère le processus d’urbanisation paraguayenne avec la formation de bidonvilles dans la capitale [Galeano Monti, 2014]. La tension entre le formel et l’informel revient souvent : à la suite d’un appel de quelques économistes de renom [Borda & Masi, 2020], le gouvernement a décidé de créer le programme Pytyvõ, pour essayer de contrecarrer les pratiques clientélaires (la distribution d’aliments et de biens) par un virement bancaire sur des critères sociaux, favorisant ainsi la transparence et la formalisation économique. Finalement, le gouvernement a dû utiliser une méthode hybride fondée sur l’aide Pytyvõ, coordonnée par le ministère des Finances, et la méthode clientéliste classique, coordonnée par d’autres institutions principalement locales.
20L’improvisation va de pair avec la solidarité. Face à la corruption généralisée et à un État absent, la société improvise et crée des liens de solidarité [Colmán Gutierrez, 2021], en assumant le rôle des institutions. La vie de la population n’apparaît pas comme un droit ou une responsabilité de l’État, mais repose directement sur la société, sans l’intermédiation de l’État. Plusieurs exemples d’activités de solidarité pour financer le traitement de la Covid-19 sont apparus sur les réseaux sociaux [Última Hora, 2021 (b)]14 : des traditionnelles « polladas », en passant par les « hamburgueseadas » jusqu’aux « tombolas solidaires ». Une personne explique dans un article le contexte [Última Hora, 2021a] : « Je suis une personne ordinaire, je n’ai pas d’argent pour acheter des médicaments, mais j’ai des amis qui ont plus d’amis et j’essaie d’exploiter ce qui nous a toujours caractérisés en tant que Paraguayens : la solidarité et la capacité de nous mettre à la place des autres. » Même les entreprises, souvent réticentes à payer plus d’impôts15, s’inscrivent dans cette logique de solidarité : une chaîne de supermarchés a fait don d’une série de matériaux médicaux à l’hôpital d’Itauguá, une association de coopératives a fait don de cent lits à différents hôpitaux du pays, etc. Le gouvernement lui-même a utilisé le hashtag #ParaguaySolidario pour annoncer son aide spécifique à des secteurs de la population. L’État est largement absent, alors que la société est présente, critiquant le gouvernement, mais en même temps, les individus financent et soutiennent l’État, non pas par le paiement des impôts16, mais par des activités solidaires.
21Ces faits permettent de comprendre l’importance d’une tradition « communautaire » dans le fonctionnement de la société paraguayenne, mais aussi son invisibilité au niveau institutionnel. De même que l’idée de responsabilité sociale par le biais de la « solidarité » est entièrement répandue dans la société paraguayenne, l’imaginaire d’un État de droit est très récent. L’idée d’un droit (à la santé, à l’éducation, etc.) est une nouveauté si nous le comparons à l’ancrage de l’image de générosité des politiciens qui offrent des « aides » à la population. Avec les activités solidaires, c’est la communauté locale qui finit par subventionner les institutions, accentuant ainsi les indices d’inégalité17 et de pauvreté18. La société paraguayenne vit sa mixité sociale et linguistique tout en rendant invisibles ses inégalités, où les langues jouent un rôle fondamental dans leur reproduction.
Conclusion
22Nous avons essayé de montrer comment la réalité linguistique du Paraguay nous permet d’identifier certains traits de la culture politique paraguayenne, à l’instar des rapports entre le formel et l’informel, le récent processus d’institutionnalisation, l’importance de la traduction, le rôle des individus, l’improvisation, ou le clientélisme et la solidarité. Nous constatons l’impact politique de l’arrivée de la Covid-19 au Paraguay quand la population comprend l’importance des institutions, surtout de santé. Cette prise de conscience coïncide avec la nécessité d’accroître le processus d’institutionnalisation lié à un développement très intense de l’urbanisation et de la formalisation. Nous avons vu comment la menace d’un virus qui se propage ouvre les portes à un moment de crise pratiquement totale : une crise sanitaire, économique et politique. Est-ce que la pandémie et, plus précisément, ce moment de crise totale auront un impact sur la situation linguistique et sur le « silence paraguayen » ? Il est encore trop tôt pour visualiser les changements, mais le moment de la pandémie est un moment privilégié pour réfléchir à la transformation sociale. Dans un pays habitué à compenser l’absence de l’État par des liens de clientélisme ou de solidarité, la pandémie arrive avec force pour réaffirmer l’importance de l’État. La société paraguayenne oscille entre les mécanismes de solidarité, le clientélisme, et la revendication de droits. Dans ce cadre, les langues doivent-elles être institutionnalisées/ordonnées ou doivent-elles être laissées au libre arbitre et à la créativité ? Toute société doit-elle nécessairement passer par un processus de formalisation ou d’institutionnalisation ?
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Extrait de l’entretien réalisé auprès de la guitariste Berta Rojas dans l’émission « La Lupa » du 20 mars 2021. [En ligne] https://fb.watch/5RXnaRXdog/ [dernière consultation le 23 août 2021].
2 En 2010, selon l’Institut national de statistiques (INE), 44,2 % de la population déclaraient parler uniquement le guarani à la maison, 28,2 % utiliser à la fois le guarani et l’espagnol, et 24,9 % ne parler que l’espagnol.
3 Marcial Antonio Riquelme [1994] analyse soigneusement cette confusion pendant la dictature d’Alfredo Stroessner, pour finalement définir le régime en tant que « néo-sultaniste » selon la catégorie wébérienne.
4 Entretien réalisé auprès d’une étudiante d’une ville frontalière en juin 2020.
5 Nous devons cette idée à un entretien avec le professeur Friedhelm Guttandin réalisé en 2018.
6 Sur le clientélisme, voir les travaux de Hopkin, 2006 et Piattoni, 2001. Pour une analyse du clientélisme paraguayen, voir le travail de Lachi et Rojas, 2018.
7 Entretien réalisé auprès d’une étudiante d’une ville frontalière en juin 2020.
8 Nous devons cette idée à un entretien avec le professeur Friedhelm Guttandin réalisé en 2018.
9 Pour comprendre l’impact des guerres sur la société paraguayenne, voir Capdevila [2007].
10 Le Paraguay a été le premier pays à décréter la fermeture des frontières du continent, le 11 mars 2020.
11 Dans la mémoire populaire se trouvent les images des manifestations de mars 1999, connues sous le nom de « Mars paraguayen », où sept manifestants sont morts et à la suite desquelles le président a fini par démissionner [Colmán Gutiérrez, 2013].
12 Article du ministère de la Santé publique et du Bien-Être social, publié le 3 février 2021 [consulté le 3 juin 2021]. Disponible sur : https://www.mspbs.gov.py/portal/22563/pacientes-en-terapia-requieren-alta-inversion.html
13 En sachant que seulement 26 % de la population a une assurance santé, qu’elle soit publique ou privée, selon l’Enquête permanente auprès des ménages (EPH) réalisée en 2017 par l’Institut national de statistiques (INE).
14 L’article « En tiempos de pandemia, la solidaridad mueve montañas » identifie douze activités solidaires pour aider des malades de la Covid : « Todos por Tío Justo », « Todos por Don Francisco », « Milaneseada a beneficio de Carlos Rodríguez », « Campaña solidaria de donación de alimentos para familias », « Nuestros abuelitos Emigdio y Melchor nos necesitan » [Última Hora, 2021b].
15 Selon une étude, au cours de la dernière décennie, le secteur agro-industriel a contribué avec moins de 1 % de ses bénéfices au fisc paraguayen [Villar, 2017].
16 La politique fiscale, quasi inexistante du fait de l’informalité économique, est quant à elle assez inégale puisqu’elle se concentre uniquement sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour laquelle la plupart des impôts proviennent des familles les plus pauvres [Rojas Villagra, 2011].
17 À partir du mois de mars 2021, un « tourisme sanitaire » se met en place à Miami, où les classes privilégiées voyagent pour se faire vacciner. Pour plus de détails, voir : https://www.abc.com.py/nacionales/2021/05/10/turismo-de-vacunas-500-personas-viajan-por-dia-a-eeuu-y-el-sector-va-recuperandose-lentamente/ [consulté le 3 juin 2021].
18 Selon les derniers indices relevés lors de l’Enquête permanente auprès des ménages (EPH) réalisée par l’Institut national de statistiques (INE) en 2021, la pauvreté a augmenté de 3,4 % en 2020. La pauvreté totale a atteint 26,9 % de la population paraguayenne, contre 23,5 % en 2019.
Auteur
Julien Demelenne est doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), mention « Droit, études politiques et philosophie », et bénéficie d’un financement du programme « Carlos Antonio López ». Il est diplômé en sciences politiques et sociologie de l’université fédérale d’intégration latino-américaine (Unila - Brésil) et titulaire d’un master en études politiques (EHESS).
Il est membre du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron et du Groupe de travail « Intellectuels, idées et politique » du Conseil latino-américain des sciences sociales. Actuellement il travaille sur l’intersection entre le politique et la linguistique, à partir d’une étude de la société paraguayenne.
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