• Contenu principal
  • Menu
OpenEdition Books
  • Accueil
  • Catalogue de 15380 livres
  • Éditeurs
  • Auteurs
  • Facebook
  • X
  • Partager
    • Facebook

    • X

    • Accueil
    • Catalogue de 15380 livres
    • Éditeurs
    • Auteurs
  • Ressources numériques en sciences humaines et sociales

    • OpenEdition
  • Nos plateformes

    • OpenEdition Books
    • OpenEdition Journals
    • Hypothèses
    • Calenda
  • Bibliothèques

    • OpenEdition Freemium
  • Suivez-nous

  • Newsletter
OpenEdition Search

Redirection vers OpenEdition Search.

À quel endroit ?
  • Institut de la gestion publique et du dé...
  • ›
  • Histoire économique et financière - Anci...
  • ›
  • De l’estime au cadastre en Europe. L’épo...
  • ›
  • Cadastre et territoires
  • ›
  • Les catastici vénitiens de l’époque mode...
  • Institut de la gestion publique et du dé...
  • Institut de la gestion publique et du développement économique
    Institut de la gestion publique et du développement économique
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Liens vers le livre
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Formats de lecture

    Plan

    Plan détaillé Texte intégral I. LA MAGISTRATURE DES X SAGES AUX DÎMES : FONCTIONS ET STRUCTURES II. LA MAÎTRISE PAR L’ÉTAT DES CHANGEMENTS DE PROPRIÉTÉ III. LA DOMINANTE ET SES TERRITOIRES : UNE CONNAISSANCE CADASTRALE INÉGALE IV. UN INSTRUMENT D’AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE URBAIN V. UNE REPRÉSENTATION DE L’ESPACE VI. COMMENT INTERPRÉTER L’ABSENCE DE CARTES ? Notes de bas de page Auteur

    De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne

    Ce livre est recensé par

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Les catastici vénitiens de l’époque moderne. Pratique administrative et connaissance du territoire

    Jean-François Chauvard

    p. 419-454

    Texte intégral I. LA MAGISTRATURE DES X SAGES AUX DÎMES : FONCTIONS ET STRUCTURES II. LA MAÎTRISE PAR L’ÉTAT DES CHANGEMENTS DE PROPRIÉTÉ III. LA DOMINANTE ET SES TERRITOIRES : UNE CONNAISSANCE CADASTRALE INÉGALE IV. UN INSTRUMENT D’AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE URBAIN V. UNE REPRÉSENTATION DE L’ESPACE VI. COMMENT INTERPRÉTER L’ABSENCE DE CARTES ? Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Trois approches se présentent à l’historien qui voudrait prendre les cadastres anciens pour objet d’études. Soit il les considère comme une somme d’informations sérielles susceptibles d’être traitées dans la perspective d’une histoire des structures de la propriété foncière, des activités agricoles et des transformations agraires et urbaines. Soit il s’intéresse aux motivations qui ont présidé à leur création, aux modèles qui les ont inspirés et aux enjeux politiques et économiques qu’ils comportent dans la perspective d’une histoire de la construction de l’État et de la circulation des modèles administratifs. Soit il s’attache au mode de fonctionnement de la magistrature chargée de leur levée, à la logique interne des outils comptables et aux représentations qu’ils mobilisent. À partir de l’exemple vénitien, c’est cette dernière approche qui sera ici privilégiée afin de montrer que l’opération de cadastration révèle beaucoup plus que les motivations fiscales qui l’ont commandée. Elle atteste, en effet, une très haute maîtrise comptable qui, du moins au début de la période, n’était pas à la portée de tous les états européens ; elle traduit une différence de traitement dans la gestion de la ville-capitale et de l’arrière-pays continental ; elle participait d’une politique de connaissance et d’aménagement de l’espace urbain et recourait à des représentations de cet espace extrêmement codifiées.

    I. LA MAGISTRATURE DES X SAGES AUX DÎMES : FONCTIONS ET STRUCTURES

    2Du fait de l’importance numérique d’une ville forte de 150 000 habitants, de l’étendue du bâti constitué d’au moins 30 000 unités de travail et d’habitation et de l’entassement des édifices dû aux conditions naturelles du site, le recensement de la propriété immobilière constituait, dans la seconde moitié du XVe siècle, une opération de grande envergure sans précédent dans l’administration vénitienne. Cependant elle s’inscrivait dans une tradition précoce d’évaluation de la population et des biens. Au XIIIe siècle, la Commune avait en effet mis en place un système de taxation directe et extraordinaire, l’estimo, fondé sur la déclaration des contribuables. Une imposition éphémère sur les maisons entre 1382 et 1387 avait également nécessité une connaissance institutionnelle de l’espace bâti1. L’estimation de toutes les maisons de Venise en 1425 en vue de la levée d’une contribution extraordinaire fut la dernière opération de ce genre avant la création de l’Office des X Savi alle Decime in Rialto en 14632.

    3On ne saurait comprendre les motivations fiscales qui ont conduit à la naissance de cette nouvelle magistrature sans la replacer dans le contexte plus ample des réformes financières et administratives entreprises par l’État vénitien entre le milieu du XVe siècle et le milieu du XVIe siècle.

    4Devant la nécessité d’accroître les ressources de l’État à cause des dépenses nouvelles causées par la menace turque, la decima marquait un tournant dans le mode de prélèvement basé jusqu’alors sur les prêts forcés et les recettes indirectes, essentiellement constituées des dazi prélevés sur les échanges et la production3. Elle traduisait également une évolution parce que la classe dirigeante vénitienne, longtemps réfractaire à l’impôt direct au même titre que les autres élites italiennes4, reconnut alors la légitimité d’un impôt adapté aux nouvelles structures de la richesse, notamment à la part prise par la rente foncière dans les fortunes depuis la conquête de la T erre ferme5. L’imposition directe resta néanmoins perçue jusqu’au milieu du XVIe siècle comme une ressource complémentaire à laquelle l’État pouvait faire appel en cas de besoins exceptionnels. La decima ne fut réellement permanente qu’à partir de 1575 ; auparavant elle était prélevée de manière discontinue, même si sa fréquence tendait à être annuelle comme entre 1464 et 1482 et entre 1500 et 1514 (sauf 1505). Il y eut, entre 1531 et 1593, 14 années sans decima durant lesquelles le gouvernement levait – sauf en 15 3 5 – une autre contribution directe, la tansa, qui portait sur les revenus des activités commerciales qui n’étaient pas assujettis à la decima. Dans les faits, l’alternance et parfois la concomitance de ces deux impôts auxquels se sont greffées une decima sur les salaires publics en 1573 et une sur les intérêts de la dette publique, ont transformé l’imposition directe en une pratique fiscale ordinaire et permanente6. Jamais ces deux impôts n’ont apporté à la République l’essentiel de ses ressources. Leur part apparaît même modeste : 7 % vers 1550 et 9 % en 1565. Si ces impôts, en particulier la decima, eurent une telle importance dans le système fiscal vénitien, c’est qu’ils étaient dotés d’une grande élasticité qui rendait possible leur levée deux à trois fois dans la même année quand l’urgence l’exigeait comme entre 1570 et 1573 au moment de Lépante et de la guerre de Chypre7.

    Document 1 Decima de Venise. Tableau de la paroisse Saint-Paul

    Image 10000000000002590000033EB5FD00CF4E3E7860.jpg

    Archivio di Stato di Venezia, Dieci Savi aile Decime, Catastico, estimo 1711, sestiere di San Polo, B. 430, paroisse de San Polo, fol. 1 r.

    Document 2 Decima de Venise. Tableau de la paroisse Saint-Paul

    Image 100000000000025E000003570FC47A0859A510DF.jpg

    Archivio di Stato di Venezia, Dieci Savi aile Decime, Catastico, estima 1740, B. 437, paroisse de San Polo, fol. 1 r.

    5Le collège des X Savi aile décimé était chargé de prélever, à partir de 1463, la decima, impôt direct pesant sur tous les propriétaires de Venise et du duché, égal à 10 % des revenus des biens immobiliers et fonciers, quelle que soit leur localisation sur le territoire de la République, et étendu au début du XVIIe siècle aux revenus des prêts d’argent. Cet impôt ne reconnaissait aucune exemption fondée sur le privilège : les nobles, les institutions ecclésiastiques et charitables qui possédaient ou géraient des biens (scuole, procurateurs de Saint-Marc) y étaient assujettis8.

    6Le calcul de l’impôt reposait au préalable sur une procédure de recensement qui en théorie devait avoir lieu tous les dix ans. L’allivrement des immeubles se périmant assez lentement et s’avérant toujours long à dresser, les opérations de redecimazione eurent lieu, après l’incendie qui détruisit en 1514 le siège de la magistrature à Rialto et par voie de conséquence les archives antérieures, en 1514, 1537, 1566, 1582, 1661, 1711 et 1740.

    7À chaque reprise et sur ordre du Sénat, les Sages – d’abord au nombre de six, puis de dix en 1469 – mirent en place une double procédure de relevé des revenus de la propriété qui est restée en substance inchangée de la fin du xve siècle jusqu’à la chute de la République : la première reposait sur la déclaration manuscrite de la part des propriétaires de leurs biens et de la rente qu’ils leur procuraient9. Les condizioni énuméraient les immeubles situés à Venise, puis les possessions di fuori, en précisant la nature du bien, le loyer ou la valeur locative, la paroisse où il était situé, parfois le nom, l’activité du locataire, une indication toponymique plus précise et des observations sur le bâti. Sur les déclarations mêmes, les Sages calculaient et inscrivaient l’assiette de la decima en tenant compte des barèmes d’abattement dont bénéficiaient certains revenus, puis ils les classaient par sestiere (quartier), les numérotaient selon leur ordre d’arrivée, les confrontaient aux cadastres puis des copistes les transcrivaient, dans le libre Milioni, qui servait de base aux écritures comptables.

    8La seconde opération de recensement – décrite en 1514 comme « le fondement des dîmes »10 – reposait sur la levée d’un cadastre, appelé catastico, destiné à dénombrer les propriétés appartenant aux Vénitiens dans la capitale même, dans le duché et en Terre ferme11. La levée dans la cité lagunaire était confiée par les Sages aux curés de paroisse qui avaient pour fonction de contrôler la véracité des informations contenues dans les déclarations fiscales. Leur rôle est explicitement mentionné dans le décret du Sénat du 28 juin 1469 destiné à établir « la manière de retrouver tous les biens des Vénitiens, à Venise comme à l’extérieur. [...] Que par le présent décret soient décrites toutes les maisons, tous les biens-fonds et les possessions de cette ville par les curés de cette ville et par deux nobles, qui dans chaque paroisse seront affectés à leurs côtés »12. L’enregistrement, conçu sur une base topographique (par sestiere, puis par contrada, paroisse) spécifiait le site (calle, campo, corte…), le type d’habitation (casa, casetta, bottega, magazen...) et son mode d’occupation (location ou casa per uso). Il mentionnait le nom du chef de famille qui occupait l’habitation, son activité professionnelle quand elle était connue, le montant annuel du loyer en ducat, ou la valeur locative si le propriétaire était l’occupant, et le nom du propriétaire. Si l’on sait que la première opération de cadastration fut décidée l’année 146913, seules les trois dernières, celles de 1661,1712 et 1740 ont été conservées14. De la décision politique de dresser une nouvelle estime au calcul de l’imposition pouvait s’écouler une année.

    II. LA MAÎTRISE PAR L’ÉTAT DES CHANGEMENTS DE PROPRIÉTÉ

    9Dans leur ambition démesurée de saisir l’ensemble de la structure de la propriété, les X Savi avaient atteint un degré de maîtrise et de connaissance remarquable. Le relevé cadastral laissait peu de place aux inconnues : ainsi sur les notices des 552 unités d’habitations recensées dans la paroisse de San Martin en 1712, deux ne comportaient pas le nom du propriétaire et 6 le nom du locataire, 10 ne mentionnaient pas le montant du loyer et 163 la date du bail. Les lacunes vraiment nuisibles au calcul de l’impôt ne correspondaient qu’à 2 % des habitations15. Les commissaires de Sant’Antonin confessaient, en 1712, la difficulté qu’ils avaient eue à saisir une réalité plus fluide que l’immobilité du bâti ne le leur laissait imaginer : « On ne voit pas sur certains comptes la durée de la location. On ne voit pas pris en note les étals des marchands de savarin fermés et qui ne fonctionnent plus. Pas plus les étals des herboristes, des pêcheurs et de tous ceux qui débordent sur la rue sans avoir de boutiques »16. Ces aveux prouvent aussi que l’essentiel avait été consigné.

    10Si les cadastres servaient à contrôler les déclarations fiscales, ils faisaient aussi l’objet d’une révision dans les cas litigieux : on rencontre des situations – très peu nombreuses – où le propriétaire maintenait les termes de sa déclaration, preuves à l’appui, en contestant le bien fondé du relevé.

    11Les cadastres ne constituaient pas le seul instrument de contrôle de la propriété. Ils renvoyaient une image instantanée d’une structure en perpétuelle évolution. Ils livraient un savoir périmé, à peine était-il rassemblé. Le défi de la magistrature qui avait pour charge de calculer chaque année le montant de la decima, consistait à suivre au mieux des échanges incessants : les ventes, les legs, les successions testamentaires, mais aussi les transformations du bâti et les modes d’occupation des maisons qui affectaient la valeur locative. Cette entreprise démesurée qui voulait ne rien perdre des palpitations du bâti et de la fluidité des échanges, exigeait une comptabilité des transferts de propriété.

    12Sur la bonne foi des propriétaires qui étaient tenus de déclarer les mutations et les hausses de revenus par un aggiunto, les Sages enregistraient ces transferts, d’abord en ordre chronologique dans les registres du Giornale di traslati, en précisant les noms de l’ancien et du nouveau propriétaire, la référence du titre juridique qui avait validé le transfert, le type et la valeur des biens échangés et l’assiette de la decima. Ils portaient ensuite le transfert dans le compte du propriétaire dans les registres appelés Quaderni Trasporti ou Fia, conçus sur le modèle d’un livre de compte à partie double, mentionnant en dare les gains et en avere les pertes. La première colonne indiquait le montant de la decima que le propriétaire devait acquitter en fonction de l’accroissement de la valeur locative de son patrimoine ; la seconde la baisse dont il bénéficiait à la suite d’une réduction de celui-ci. Ce monument de comptabilité n’était que l’adaptation à des fins publiques des techniques comptables dans lesquelles les Vénitiens étaient passés maîtres dans la seconde moitié du xve siècle. Il permettait à tout moment de calculer le montant de l’imposition par une simple opération de soustraction. L’ultime étape, la liquidation de l’impôt, revenait à une autre magistrature, les Governatori delle Intrate.

    13Le savoir-faire comptable que les X Sages ont mis en œuvre ne dispensait pas d’un immense travail de contrôle en amont pour surmonter deux obstacles qui se conjuguaient parfois : la lenteur de la procédure, d’une part, la fraude et la mauvaise foi, de l’autre. La nouvelle opération de recensement fiscal lancée en 1514 après l’incendie des locaux de la magistrature à Rialto et la perte de ses registres donne la mesure du défi qu’elle devait relever. L’arrêt du Sénat du 23 mai 1514 donnait trois mois aux propriétaires pour envoyer leur déclaration. Ce délai passé, à trois reprises, le Sénat repoussa l’échéance au-delà du mois de février 1515. Non seulement les contribuables ne mirent pas un grand empressement à déclarer leurs biens, mais il semble qu’ils profitèrent de la disparition des archives pour minorer leur patrimoine. Le Sénat déplora dans son décret du 16 mars 1517 qu’« un grand nombre de biens qui se trouvaient dans l’ancienne Fia n’avaient pas été déclarés, et avaient été laissés sous les noms anciens, et qu’on ne pouvait pas connaître les vrais propriétaires de ces biens, ni les biens pour lesquels ils seraient débiteurs, et Notre illustrissime Seigneurie en pâtissait grandement faute de pouvoir lever l’impôt »17. En dépit d’un durcissement des peines à l’encontre des fraudeurs, le Sénat accepta dans son décret du 24 octobre 1517 que « ceux qui jusqu’ici n’avaient pas déclaré leur condition pussent le faire jusqu’au mois de septembre prochain et que tous fussent tenus de déclarer sous quel nom les biens étaient inscrits dans la vieille Fia »18. L’épisode fut exceptionnel car dans aucun des recensements ultérieurs les déclarations ne furent acceptées après de si longs délais. En temps ordinaire, la vraie difficulté consistait à évaluer l’ampleur des acquisitions faites en Terre ferme qui justifiaient, plus que l’évolution de la structure immobilière vénitienne assez stable, une nouvelle opération de cadastration pour être connues. En septembre 1540, au moment d’ordonner un nouveau recensement, le Sénat déclarait que « se faisaient [en Terre ferme] de nombreuses ventes tacites, selon des pactes tels que les biens de cette manière acquis par les nôtres ne sont pas connus, ni imposés »19. À Venise même, où les contrôles étaient plus aisés, les X Sages déploraient en 1547 que des propriétaires de mauvaise foi prétendissent avoir vendu leurs biens à des étrangers pour se soustraire à l’impôt. Ils exigèrent que les acquéreurs étrangers se rendissent auprès d’eux en compagnie de l’acheteur et munis de l’acte de mutation20.

    14On saisit également, à partir des actes de la pratique, l’effort constant pour enregistrer les habitations neuves, les élévations ou les améliorations qui accroissaient la valeur locative. Le Sénat n’eut de cesse de rappeler aux Sages la nécessité de contrôler l’évolution du bâti : en 1469, il constatait que la decima aurait dû croître comme « ont cru les maisons »21 ; en septembre 1475, il laissait quinze jours aux propriétaires pour faire savoir s’ils avaient « édifié des maisons neuves qu’ils n’avaient pas déclarées »22. Trois siècles plus tard, les injonctions s’exprimaient dans les mêmes termes quand il était demandé aux curés de noter tous les édifices qui avaient fait l’objet d’une transformation ou d’une augmentation du loyer depuis le précédent recensement23. Le Collège des X Sages prêta également attention aux case per uso, habitées par leur propriétaire, et soumises à une decima avantageuse s’élevant à un 1 ou 2 % de l’estimation. Pour ne pas étendre le dégrèvement fiscal à des maisons retournées sur le marché locatif, il n’hésitait pas à les recenser hors des périodes de cadastration. En août 1567, il nomma à cet effet une commission de sanseri et de mureri chargée d’estimer la valeur locative des maisons « qui n’avaient pas été évaluées depuis le milieu du siècle »24. En 1748, la même tâche fut confiée aux curés de paroisse25.

    15La centralisation des attestations de transferts de propriété entre les mains des X Sages, la réduction progressive des délais d’enregistrement des changements de propriété, particulièrement visible au XVIIe siècle et le faible nombre de cas litigieux au sujet des case per uso laissent entendre que la puissance publique s’était dotée, dans la durée, d’une administration et d’outils comptables aptes à maîtriser le changement. Mais cette capacité était plus forte à Venise qu’en Terre ferme. Tout concourait à la maîtrise des échanges : la stabilité patrimoniale qui en réduisait l’ampleur, le contrôle direct de l’administration centrale, la surveillance mutuelle, les commodités d’investigation et l’intérêt bien compris d’y concentrer ses efforts puisque la ville apportait à elle seule la moitié des recettes de la decima en 1582 et encore un tiers au début du XVIIIe siècle en dépit de l’expansion de la propriété vénitienne en Terre ferme.

    16Devant une administration aussi sophistiquée, on ne peut manquer d’être frappé par le contraste avec les recensements de population, au nombre d’une quinzaine pour l’époque moderne si l’on compte les recensements partiels26. Le cadastre répondait à une fonction fiscale précise, le dénombrement des âmes à une finalité incertaine : celui-ci servait-il à jauger le volume des approvisionnements, à compter les ressources militaires, à évaluer les forces vives de la classe dirigeante ? Le cadastre était dressé par une magistrature publique alors que l’on ignore, jusqu’au milieu du xviie siècle, les commanditaires et les exécutants des recensements de la population. Le premier employait les mêmes critères d’une fois sur l’autre tandis que le second utilisait des catégories changeantes pour classer la population. Tous deux partageaient cependant au xviiie siècle les mêmes soubassements conceptuels car ils participaient d’une nouvelle culture administrative fondée sur la mesure. Le cadastre l’avait adoptée empiriquement deux siècles plus tôt par nécessité ; le recensement général en était la conséquence, car il eut recours à la statistique descriptive pour elle-même sans avoir de finalité pratique, comme l’atteste la création en 1763 d’une magistrature chargée de l’anagraphe, c’est-à-dire du recensement de la population.

    III. LA DOMINANTE ET SES TERRITOIRES : UNE CONNAISSANCE CADASTRALE INÉGALE

    17La différence de traitement dans la cadastration entre Venise et l’arrière-pays est aussi l’un des indices parmi d’autres des réticences de la Dominante à appréhender de manière uniforme le territoire de la République. La cité-État qui a bâti à la fin du Moyen Âge un vaste État territorial concédait une large autonomie à ses provinces, qu’elle subordonnait cependant à ses intérêts. Les cadastres en apportent l’illustration.

    18Si les catastici dressés à Venise et en Terre ferme reposaient sur les mêmes principes, ils différaient dans leur aspect – les cadastres de Terre ferme qui ne reposaient pas sur des critères uniformes étaient d’une grande diversité –, particulièrement dans leur manière de couvrir le territoire. Par principe, tous deux ne recensaient que les propriétés rangées sous l’appellation des fuochi veneti, c’est-à-dire les contribuables du duché ; en pratique, cela revenait à n’enregistrer en Terre ferme qu’une partie de la propriété puisque tous les biens entre les mains des habitants de Terre ferme échappaient au recensement.

    19Ces derniers, regroupés sous la dénomination de fuochi esteri, étaient enregistrés dans les chambres fiscales locales. Quand ils furent soumis à partir de 1665 à un impôt assis sur la superficie des terrains, le campatico, ils furent recensés dans des registres séparés. Il fallut attendre 1740 pour que les cadastres des fuochi veneti et des fuochi esteri fussent compilés afin d’obtenir une description complète du Stato da terra, qui était cependant consignée dans deux séries de registres séparées. Les catastici de Terre ferme renvoient donc une image fragmentaire de la structure de la propriété, même si, selon les circonscriptions, la moitié voire les deux tiers des terres y figuraient, image qui interdit toute localisation rigoureuse des terrains à cause de l’imprécision des mentions topographiques et de l’absence de cartes. Fidèles à l’esprit de la decima, les cadastres de Terre ferme ne visaient pas la connaissance de tout le territoire, mais n’en retenaient que les bribes qui concernaient les propriétaires de la capitale. Le Dominio da Terra n’était pas perçu comme un tout, mais décrit à travers le prisme vénitien. Il était traité pour ce qu’il était : une source de richesses qui méritait attention, mais qui ne pouvait recevoir une égalité de traitement avec la Dominante. Et cette réalité perdura jusqu’à la disparition de la République.

    20En revanche, la situation qui prévalait à Venise était tout autre car l’ensemble de l’espace urbain fit l’objet d’un recensement. Le souci de couvrir tout le territoire urbain, des surfaces non bâties aux espaces construits, de la plus humble des maisons à la plus noble des demeures, des lieux de travail à ceux d’habitation, était explicitement affirmé par le Sénat dans ses recommandations. Cette mesure s’explique d’abord par le fait que la quasi-totalité des 35 000 unités d’habitations de la ville appartenaient à des Vénitiens, patriciens ou cittadini, ou à des institutions pieuses et ecclésiastiques classées pour l’occasion dans la catégorie des fuochi veneti. La manière la plus efficace pour enregistrer leurs biens à Venise était de procéder à un recensement systématique, quitte à enregistrer, chemin faisant, quelques habitations qui appartenaient à des propriétaires de Terre ferme non-inscrits dans les fuochi veneti.

    21Le choix d’un recensement de toute la ville signifie que circulait avant l’établissement d’un cadastre une idée assez juste de l’état de la propriété, forgée à partir d’un constat empirique et des recensements antérieurs liés à l’estimo que les informations collectées sont venues étayer. Mais ce choix était aussi guidé par des motifs supérieurs que l’on peut rapprocher de la volonté affichée par les pouvoirs publics de célébrer l’unité de l’espace urbain qui acheva à la fin du xve siècle son expansion dans une perfection formelle. Au même titre que la vue de Jacopo de’Barbari réalisée en 1500 à la suite d’une commande publique, le cadastre participait du processus d’unification de la ville, perçue comme un seul corps27.

    IV. UN INSTRUMENT D’AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE URBAIN

    22Au moment où le domaine vénitien de Terre ferme atteignait son expansion maximale et l’espace de la ville sa plénitude, l’État se dota d’instruments de connaissance, de contrôle et d’aménagement de son territoire qui venaient renforcer les institutions médiévales antérieures. La maîtrise de l’environnement lagunaire et de l’arrière-pays continental fut renforcée par la création de nouvelles magistratures : les Savi ed Esecutori alle Acque (1501-1540), chargés du contrôle hydrographique de la lagune, les Provveditori sopra i Béni Incidti (1556) destinés à encadrer les bonifications des zones marécageuses de Terre ferme. Mais ce fut la cité qui bénéficia de la plus grande attention. L’État disposait à la fin du xve siècle d’organismes d’origine médiévale : les Giudici del Piovego, destinés à empêcher l’empiétement des constructions privées sur le domaine public et les Provveditori di Comun, chargés, entre autres, de lutter contre la dégradation des édifices. Ils conféraient à la puissance publique une réelle capacité d’action et de contrôle sur le bâti privé. La mise en place des X savi aile Décime vint accroître son pouvoir de connaissance, préalable indispensable à toute action raisonnée, en le dotant d’un instrument d’investigation et de contrôle sur la propriété mais aussi sur l’état de conservation du bâti. Les Sages transmettaient des informations qui entraient en ligne de compte dans la politique d’encadrement de la propriété privée : il leur est demandé avec constance, dès 1479, de porter une attention particulière aux édifices dégradés, brûlés ou en ruine qui portaient préjudice au décor urbain et aux finances publiques puisqu’ils étaient exemptés de la décima28. Un décret, plus tardif, émis en 1704, associait étroitement l’évaluation par les X Sages des beni rovinosi et la mission confiée aux Provveditori di Comun de contraindre les propriétaires à entreprendre des travaux dans un délai d’un an29. La capacité d’investigation de la magistrature permettait d’évaluer l’ampleur des abandons, d’identifier les propriétaires, à charge ensuite aux Provveditori di Comun d’user de leur pouvoir coercitif. La connaissance de la propriété offrait donc aux X Savi la possibilité de sortir du strict champ fiscal pour participer à des opérations qui affectaient le bâti même.

    V. UNE REPRÉSENTATION DE L’ESPACE

    23Les cadastres s’appuyaient sur une représentation du territoire urbain qui appelle commentaire, car elle était le produit des recommandations du Sénat et de la perception implicite de l’espace de la part des commissaires paroissiaux.

    24Le Sénat désignait le sestiere, et en son sein la paroisse, comme cadre de l’enregistrement et de l’allivrement. Il privilégiait la plus petite unité administrative qui était aussi la mieux adaptée à une opération qui exigeait un quadrillage systématique et rationnel de l’espace pour ne rien laisser échapper. Il érigeait, du même coup, la paroisse en élément d’identification fondamental, puisque les propriétaires pouvaient s’abstenir dans leur déclaration d’autres mentions topographiques. En ce sens, il s’appuyait sur une pratique ancestrale qui faisait de la paroisse l’espace de référence et d’identification, mais il militait aussi pour l’emploi de critères de classement homogènes qui permettaient aisément les contrôles.

    25Le choix de placer le curé de la paroisse à la tête de chacune des commissions composées d’un noble et d’un cittadino, répondait à des considérations pratiques de la part du Sénat. Cette désignation était l’aveu de l’exceptionnelle connaissance du tissu social dont jouissait le clergé paroissial à cause, entre autres, de l’enregistrement des baptêmes, des mariages et des décès dont il avait la charge. Le recensement ne demandait aucune compétence technique, à la différence des opérations de mesure ou d’estimation des maisons qui requéraient le déplacement du personnel compétent des magistratures spécialisées. La levée du cadastre exigeait en réalité beaucoup plus : une intime connaissance du terrain, un réseau informel d’informations, un capital de confiance pour ne pas laisser dans l’ombre un locataire et pour recueillir de sa bouche l’identité du propriétaire et le montant du loyer qu’il acquittait. Bravant ses réticences à introduire l’Église dans la sphère administrative, le Sénat jugeait plus utile d’utiliser le capital relationnel des curés en l’encadrant de deux auxiliaires qui remplissaient une fonction de surveillance. C’était d’ailleurs aussi aux curés de paroisse que s’adressaient les Proweditori alla Sanità lors des enquêtes de recensement de la population en leur confiant des modules imprimés.

    26Les précisions topographiques que devaient comporter les cadastres dessinent une hiérarchie de l’espace urbain, fondée sur le réseau viaire, aisément compréhensible puisque celui-ci desservait toutes les habitations, mais qui occulte une autre hiérarchie, tout aussi importante du point de vue de l’économie urbaine et primordiale du point de vue symbolique, celle qui épouse les contours du réseau aquatique. Le phénomène est accentué par l’absence du relevé des confins qui aurait fait apparaître aux côtés de la voie publique le tracé des canaux. Pour des raisons pratiques, les cadastres renvoient une image tronquée de la ville, où l’élément aquatique qui commandait pourtant la disposition de l’édifice est rejeté dans l’ombre. Il transparaît à de rares occasions quand est mentionné le nom d’une fondamenta (quai) ou lorsque le recenseur précise par déférence envers la noblesse du lieu l’ouverture d’un palais « sopra Canal Grande ».

    27L’occultation d’une des hiérarchies de l’espace urbain est à rapprocher de l’usage, exigé par le Sénat, d’un vocabulaire standardisé pour décrire les habitations : les commissaires paroissiaux chargés de l’opération de prendre « diligemment en note toutes les maisons, boutiques, magasins, voûtes, étals, ateliers navals, terrains vagues, jardins qui seraient séparés des maisons ou non, et qui se loueraient, [...] et n’importe quel autre type de biens dont on puisse tirer un revenu, sans exception »30. Le procédé conduisait à soumettre le bâti à une taxinomie élémentaire qui en appauvrissait la diversité en même temps qu’elle en permettait le comptage systématique à partir des mêmes critères. L’effort de classification conduisit à diviser le bâti en un petit nombre de catégories stables et préalablement constituées qui présentaient le paradoxe d’être à la fois très générales et suffisamment précises pour indiquer la fonction (habitation, boutique, magasin...). Ce fut un lexique réduit, abstrait, rigide qui était appelé à décrire une réalité foisonnante, matérielle, mais aussi mouvante dans ses usages.

    28En employant le mot casa pour désigner tous les types de logements, indépendamment de leur taille, de leur forme ou de leur usage, le Sénat restait fidèle à une conception médiévale qui ne qualifiait pas différemment les édifices dans la mesure où chacun participait, à son niveau, à la formation d’un seul et unique corps urbain à l’image de l’harmonie du corps politique. Il ne saurait y avoir de différences suffisamment fortes qui justifient l’emploi de plusieurs mots : « l’unicité du vocable fondait aussi l’unité de la ville » (E. Concina). J’en veux pour preuve, dans le cadastre de la paroisse de San Marco, l’allivrement du palais ducal accompagné du nom du doge qui l’occupait, au même titre que n’importe quel autre édifice. Le cadastre se conformait aux représentations politiques pour lesquelles le doge, en dépit de sa dignité, demeurait le primus inter pares.

    29Pour les habitations ordinaires, ce sont des diminutifs (casetta), des adjectifs (casa grande, dominicale) ou des qualificatifs (casa da statio31) élaborés sur une racine commune qui étaient chargés d’opérer une sous-classification en fonction de la taille ou de l’usage. L’emploi indifférencié du mot casa pour désigner le bâti était cependant entamé, à partir du début du XVIIIe siècle, par l’apparition d’un terme jusque-là inusité à Venise : palazzo. L’apparition du nouveau vocable, dont l’usage restait toutefois minoritaire par rapport à casa grande, témoigne sans doute d’un changement de perception du bâti, où l’unité symbolique des édifices que le terme casa proclamait tendait à s’effacer devant un lexique chargé de marquer des degrés sociaux irréductibles32. Ce n’est donc pas un hasard si le mot palazzo était employé pour qualifier des palais dans les zones intermédiaires alors qu’il en est peu fait mention le long du Grand Canal ou à la périphérie.

    30Si les mots qui servaient à décrire le bâti furent au total peu nombreux, ils eurent tout de même le pouvoir d’enfermer celui-ci dans des catégories qui sont, à nos yeux, à la fois floues et rigides. Floues, car le classement dans telle ou telle catégorie reposait sur des critères d’appréciation de l’habitation qui relevaient de la subjectivité de l’observateur, de considérations architecturales qui n’étaient pas forcément en rapport avec sa valeur locative : il était ainsi fréquent que des casette fussent louées à un prix supérieur à celui des case voisines. Le vocable gomme, par ailleurs, la diversité formelle des édifices, les différences d’agencement et la variété des surfaces au sol. Ce furent aussi des catégories rigides, car elles opérèrent une classification en fonction de l’usage ou de la fonction, et du même coup se firent fort de séparer ce que la réalité pouvait mélanger. À la lecture des cadastres, les lieux où l’on vivait se trouvaient nettement séparés de ceux où l’on travaillait et ces derniers étaient eux-mêmes divisés entre ceux où l’on vendait (bottegha) et ceux où l’on produisait (tentoria, savoneria). Est-il besoin de dire qu’une habitation pouvait abriter des formes de travail à domicile, qu’une boutique servait autant à qualifier le commerce qui se contentait de vendre des produits finis que le local de l’artisan qui transformait, produisait et vendait à la fois, qu’un magasin n’était pas seulement un dépôt de marchandises, mais pouvait occasionnellement être utilisé pour héberger la main-d’œuvre33 ? L’on sait que des lieux à usage économique changeaient d’affectation et furent transformés en habitation au cours du XVIe siècle. Par ailleurs, un même lieu, au même moment, pouvait être le cadre de plusieurs usages que les cadastres passent pour partie sous silence. Les catégories utilisées, fondées sur une nette séparation des lieux de travail et de vie, et sur le vague qui entourait les activités qui se déroulaient dans une « boutique », ne permettent pas de prendre en compte le chevauchement et l’imbrication des usages.

    31Il y a dans la cadastration un souci légitime de standardisation du bâti, de simplification du lexique et d’appauvrissement de la réalité qui allait dans le même sens que les représentations mythiques de la ville décrite comme un agrégat d’édifices d’égale valeur à l’image d’un corps politique formé de membres égaux en droit. Les changements de dénomination du bâti qui se font jour au XVIIIe siècle démontrent que ce mythe a perdu de sa vigueur, mais la normalisation administrative que les cadastres comportaient a sans doute contribué paradoxalement à son maintien.

    32Les cadastres renvoyaient également une image tronquée des structures de la propriété car ils ne retenaient qu’un seul niveau de propriété et de location, en excluant le propriétaire éminent et le sous-locataire, pour ne retenir que celui qui percevait le loyer et qui était assujetti au paiement de la decima. Cette simplification est sans grande incidence sur la perception des structures de la propriété car l’emphytéose était tombée en désuétude d’un point de vue juridique à l’époque moderne ou avait disparu au profit du faire-valoir direct : la propriété pleine et entière dominait très largement34. Mais les cadastres ne disent mot des dispositions juridiques, allant des rentes perpétuelles aux prêts assignés sur un bien-fonds, qui opéraient un partage des droits de jouissance de l’immeuble. Surtout les cadastres passent sous silence la pratique de la sous-location qui était extrêmement répandue. Pour donner un ordre de grandeur, les Provveditori aile Pompe, chargés en 1745 de recenser tous les locataires, ont compté dans la paroisse de San Pietro in Castello 1 298 unités locatives ; sur ce nombre, 265 sont sous-louées par le preneur.

    33On rencontre la même simplification dans l’indication du montant du loyer. Les versements en nature qui accompagnaient parfois le paiement sous forme monétaire étaient occultés.

    34La similitude des rubriques et du vocabulaire d’une paroisse à l’autre, dictée par le Sénat afin d’élaborer un instrument de contrôle homogène, laissait cependant au prêtre une marge de liberté, dans la manière d’appréhender le territoire paroissial et d’en rendre compte. Sous une apparente homogénéité, le cadastre enregistre une perception personnelle de l’espace qui transparaît dans le parcours emprunté et les citations toponymiques qui égrènent la description. L’itinéraire suivi tant pour réaliser le recensement que pour en rendre compte était le fruit d’une réflexion préalable. Alors que l’opération de cadastration traitait de la même manière tous les édifices et tous les lieux, l’ordre choisi tenait compte implicitement de la hiérarchie vécue de l’espace paroissial. Dans la majorité des cas, le recensement empruntait un itinéraire en spirale autour du campo. C’est la place éponyme, bordée par l’église et lieu de convergence du réseau piétonnier, qui avait la primeur des enquêteurs ; puis les principales rues adjacentes et les ramifications qui les prolongeaient. Sur les 13 paroisses du sestiere de Castello pour lesquelles j’ai reconstruit le parcours des commissaires, huit sont appréhendées de cette manière. En revanche, la paroisse de Santa Maria Formosa étirée du centre de la ville jusqu’aux Fondamenta Nove est parcourue du nord au sud tandis que l’immense paroisse de San Pietro di Castello est balayée d’est en ouest ou inversement selon la date des recensements. Les exigences techniques l’emportent sur la centralité du campo quand la forme de la paroisse commandait une autre approche.

    35Les références toponymiques qui scandent le catastico, sont du plus grand intérêt car elles restituent un savoir qui était communément partagé par la population. D’un cadastre à l’autre, à un demi-siècle d’intervalle, apparaissent des constantes, des nuances et des transformations qui font de la toponymie au moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, une pratique mouvante. Si l’on choisit comme critère la permanence des toponymes, trois espaces peuvent être différenciés : les campi et les calli principales, dont la dénomination était définitivement fixée depuis le Moyen Âge, ne connaissaient pas de transformations ; les ramifications secondaires, quelquefois sans issue, pouvaient être dépossédées d’une appellation propre au profit de la rue principale qui en venait à désigner tout l’espace limitrophe (c’est le cas, à San Polo, de la Calle dei Saoneri) ; enfin, les cours, ouvertes sur le réseau viaire, présentaient une toponymie plus incertaine35. Quand elle ne faisait pas référence à un métier, la cour portait le nom de la famille qui, au Moyen Âge, l’avait bâtie ou possédée. Elle dessinait à côté du palais l’aire de rayonnement et de domination d’une famille sur l’espace urbain : les armoiries scellées au mur, les arcs qui enjambaient la rue, le nom des lieux symbolisaient une présence tutélaire. À l’époque moderne, les toponymes familiaux n’étaient pas seulement le témoignage de la part prise par la noblesse dans le processus d’urbanisation, mais continuaient d’évoluer en fonction de l’évolution des patrimoines. Alors que le nom des cours correspondait de moins en moins à l’identité du propriétaire à cause de la dislocation des patrimoines, l’arrivée d’un nouveau maître des lieux entraînait un changement de dénomination. Dans la paroisse de San Polo, la corte Contarini qui apparaissait sous cette forme dans le cadastre de 1661, prit le nom de corte Tiepolo en 1711, car tous les édifices qui l’entouraient avaient été aliénés en faveur de cette seconde famille. À Sant’Aponal, le campiello Bonomo devint Albrizzi quand cette famille, nouvellement agrégée au patriciat vénitien dans la seconde moitié du XVIIe siècle, prit possession du palais qui la dominait. Le souci de conformer la toponymie de la corte à la famille dominante demeurait une pratique vivante qui désignait une forme de privatisation symbolique et légitime de l’espace public.

    VI. COMMENT INTERPRÉTER L’ABSENCE DE CARTES ?

    36Il manque au catastico vénitien un élément pour en faire un cadastre moderne : un plan. Strictement descriptif, le catastico de Venise n’est pas comparable à une matrice cadastrale car le numéro affecté à chaque habitation correspondait à l’ordre d’enregistrement et non à une parcelle déterminée. Si l’État vénitien ne s’était pas doté d’une carte du parcellaire, ce n’était pas faute de disposer de moyens techniques. En Terre ferme, il ordonna des opérations de relevé topographique ; à Venise, les Juges du Piovego ou les Provveditori aile Acque réalisèrent des plans de portions de l’espace urbain qui manifestent une grande maîtrise des outils de mesure et des techniques de représentation graphique. Dans des États voisins, au Piémont ou en Lombardie sous domination autrichienne, des cadastres parcellaires furent dressés dans le courant du XVIIIe siècle. Si la puissance publique vénitienne a jugé bon de conserver durant trois siècles ce système de cadastration, c’est qu’il constituait un instrument de contrôle suffisamment efficace. Il faut avoir à l’esprit que toute la procédure de recensement fiscal était centrée sur les personnes qui payaient l’impôt en fonction de leur lieu de résidence et non en fonction de la localisation de leurs biens. Même les authentiques cadastres qui partaient des biens étaient dotés d’un index nominatif qui permettait de remonter aux propriétaires. La structure même du système fiscal vénitien était incompatible avec un cadastre parcellaire.

    37Certains ont vu dans ce refus la trace d’une résistance culturelle. Si des représentations fragmentaires de l’espace urbain pouvaient faire l’objet d’un relevé scientifique dans une perspective strictement utilitaire, les représentations de toute la ville ne seraient pas parvenues à se détacher d’une longue tradition mythologique et poétique36. La remarque ne vise pas les vedute qui représentent le décor urbain, mais de grandes cartes planimétriques réalisées au XVIIIe siècle, notamment celle de Lodovico Ughi de 172937. Malgré des relevés d’une rigueur incontestable, un rendu extrêmement précis du réseau viaire et aquatique, l’auteur choisit de restituer le dessin des jardins plutôt que les limites des parcelles. Il resta fidèle au lexique traditionnel des vues à vol d’oiseau en agrémentant la carte de bateaux, d’une représentation allégorique de Venise et de vedute des monuments emblématiques sur les pourtours. Une carte de ce type établirait un compromis. Elle laisserait penser que l’exigence nouvelle d’une représentation rigoureuse de la ville devait conserver une part allégorique sans quoi elle dénaturait le caractère de Venise. Reste que si la magistrature des X Sages n’a pas dressé de cartes, c’est qu’elle n’en avait aucunement besoin pour mettre en œuvre une procédure de contrôle de la propriété et d’estimation de la rente foncière qui était le fruit d’une maturation et d’une expérience pluriséculaires dont l’efficacité, dans un contexte urbain et social stable, n’était plus à démontrer.

    38Le changement n’a pas été imposé par des nécessités administratives, mais par les bouleversements politiques qui suivirent la chute de la République. Le premier cadastre moderne réalisé en 1808 dans le cadre du royaume d’Italie marqua une rupture radicale38. Au premier abord, il semble achever – pour plagier Tocqueville – ce que l’Ancien Régime avait amorcé en poussant à son terme la logique de standardisation que commandaient les relevés fiscaux. La continuité, en vérité, n’est qu’apparente car, sous la République, cet effort d’uniformisation reposait sur l’idée d’une unité mythique du corps urbain alors qu’il fut imposé par Napoléon au nom de l’égalité de traitement de tous les sujets du royaume d’Italie. Ensuite, parce que la standardisation s’exprimait dans les cadastres anciens par des mots, mais jamais par l’image, faute de cartes, alors que le cadastre de 1808 gommait les éléments spécifiques du décor urbain qui servaient de supports au mythe politique de la République, en imposant du point de vue graphique une normalisation du tissu urbain. En ce sens, il fut un véritable manifeste politique.

    39Le cadastre napoléonien s’inscrivait en effet dans le cadre d’une réorganisation administrative de la Vénétie et de grands projets d’aménagement qui nécessitaient une connaissance cartographique scientifique39. Sous couvert de prolonger la politique d’aménagement en Terre ferme de l’ancien régime, le royaume d’Italie mit un terme à la subordination de l’arrière-pays aux intérêts de la Dominante. Le cadastre participa de ce rééquilibrage. Au même titre que le reste du territoire, Venise fût dotée d’un plan cadastral, et d’une matrice, le sommation où les propriétaires de chaque parcelle étaient inscrits. L’unité administrative qui servait de base aux précédents recensements, la paroisse, était supprimée au profit du sestiere, seule concession faite au découpage ancien. L’uniformité de mesure qu’il imposait permettait moins un contrôle que le catastico assurait tout aussi bien, qu’elle ne soumettait Venise au même traitement que les territoires autrefois sous sa domination. Mais le cadastre napoléonien faillit à sa vocation de donner une cartographie du présent en faisant figurer sur le plan les interventions de Napoléon sur le tissu urbain qui étaient encore à l’état de projet ou à peine commencées (jardins royaux, jardins publics). A des fins politiques, il déployait une vision prospective alors que le principe du cadastre commande de restituer le tissu urbain tel qu’il est au moment du relevé. Derrière la rigueur topographique de l’entreprise se dissimulait la propagande impériale. Dans des contextes moins marqués politiquement, on sait cependant que le dessin des réalisations à venir était d’usage fréquent.

    40En guise de conclusion, il importe d’insister sur la normalisation que l’opération cadastrale fait subir au bâti pour clairement distinguer deux éléments. Les cadastres comportaient une lecture normalisée du tissu urbain sans laquelle le travail administratif eut été impossible. L’usage d’une grille de lecture était la condition même de l’efficacité. L’uniformisation du lexique et l’égalité de traitement entre les édifices qui caractérisaient les catastici et que l’on retrouvait à l’identique dans le sommation du cadastre napoléonien, obéissaient à des règles d’efficacité internes à la magistrature qui étaient a priori neutres du point de vue politique. Il est probable cependant que, sous la République, cet effort de normalisation administrative s’est inscrit sans contradiction aucune dans les représentations mythiques de la ville qui affirmaient son unicité et l’égalité de ses composantes.

    41Par contre, la normalisation que la carte parcellaire fit subir à l’image de la ville était investie d’un contenu éminemment politique. Sous la République, le dépouillement du relevé scientifique ne pouvait rendre compte d’une cité dont l’identité était institutionnelle et que chaque représentation se devait de rappeler par des allusions métaphoriques. Sous la domination française, il proclamait que Venise était devenue un espace comme un autre car les institutions qui fondaient sa préséance n’étaient plus. Preuve, s’il en est, que le cadastre était un enjeu politique autant qu’un instrument fiscal.

    Notes de bas de page

    1 Fabio Besta (dir.), Bilanci generali délia Repubblica di Venezia, Tip. Visentini, Venise, 1912, p. 147-148.

    2 Sur la magistrature des X Sages aux dîmes, voir Bemardo Canal, « Il Collegio, l’Ufficio e l’Archivio dei Dieci Savi alle Decime in Rialto », Nuovo archivio veneto, sérié II, n° 16, 1908, p. 115-150 et 279-298 et Ennio Concina, « La formazione dei catastici », dans Italo Pavanello (éd.), I Catasti storici di Venezia, Officina Edizioni, Rome, 1981, p. 10-27. Les cadastres ont été exploités en vue d’étudier la population vénitienne et les structures urbaines par Daniele Beltrami, Storia della popolazione di Venezia, dalla fine dei secolo XVI alla caduta della Repubblica, Cedam, Padoue, 1954, 237 p. et Ennio Concina, Venezia nell’età moderna. Struttura e funzioni, Marsilio Editore, Venise, 1989, 277 p.

    3 Sur le système fiscal vénitien à la Renaissance, voir Luciano Pezzolo, L ’oro dello Stato. Società, finanza e fisco nella Repubblica veneta dei seconda ’500, Il Cardo (Studi veneti), Venise, 1990, p. 19-117 ; Id., « La finanza pubblica. Dal prestito all’imposta », Storia di Venezia, vol. 6, Dal Rinascimento al Barocco, Istituto della Enciclopedia Italiana, Rome, 1994, p. 713-773.

    4 L’adoption d’un système fiscal plus équitable assis sur les revenus fonciers est plus précoce dans la République florentine : Elio Conti, L ’imposta diretta a Firenze nel Quattrocento (1427-1494), Istituto storico italiano per il Medio Evo, Rome, 1984, 406 p.

    5 Sur la conquête foncière de la Terre ferme, voir Daniele Beltrami, La penetrazione economica dei Veneziani in Terraferma. Forze di lavoro e proprietà fondiaria nella campagne venete dei secoli XVII e XVIII, Istituto per la collaborazione culturale, Venise-Rome, 1956, 237 p.

    6 Luciano Pezzolo, L’oro dello Stato..., op. cit., p. 43-47.

    7 En 1550, les recettes de la République s’élevaient à 1 595 000 ducats. En 1554 la decima procurait 71 265 ducats et la tansa 39 707. En 1565, les recettes atteignaient 1 835 000 et les contributions respectives de la decima et de la tansa, 121 346 et 47 822 ducats. Cf. Luciano Pezzolo, L’oro dello Stato..., op. cit., tableau 5, p. 95 et appendices I et II, p. 328-329.

    8 Archivio di Stato di Venezia (ASV), Dieci Savi aile Decime (SD), Capitalori, b. 2, fol. 1 r°. Une partie des biens ecclésiastiques était cependant assujettie à la decima del Clero : Giuseppe del Torre, « La politica ecclesiastica della Repubblica di Venezia nell’età modema : la fiscalité », dans H. Kellenbenz et P. Prodi (dir.), Fisco, Religione, Stato nell’età moderna, Il Mulino, Bologne, 1989, p. 406-407.

    9 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 42 v° : « L’Andaraparte, che per auttorità di questo conseglio tutti quelli, che per virtu delle leze nostre sono obligati pagar decime fra termine de mesi tre prossimi, siano tenuti dar in nota all’ojficio predetto di Diece Savij con suo sagramento la condition sua videlicet tutte sue case, et altri béni in questa terra, et possession, et altri béni de ’fuora obligati pagar decime, et gli accrescimenti per loro fatti, o per comprede, o per altro, et dove sono i beni, et quello i scuodeno de cadauno in suo nome proprio particolar et distintamente senza alcuna diminution, ne fraude ».

    10 Ibid., fol. 42 v° : « 1514 alli 23 maggio in Pragadi [...]. Et far li catastici, che è il fondamento delle Decime accio ognun paghi il dover per sovenir la terrà in queste importantissime occorentie ».

    11 Ibid, fol. 1 r° : « 1463 alli 15 giugno in Pregadi. Primo che tutti i fitti delle case, valli, molini et altre cose stabili siano chiamate con quale nome si vogliano che sono frà Grado e Cavarzere, cioè quel, che in anno e per ragion di anno si scodeno per gli infrascritti nove nobili, che a questo sarano deputati siano scritti in un libro particolarmente per i Sestieri dipartita in partita. [...] Similmente siano annotate tutte le rendite, etpro, che hanno di anno i nostri cittadini di questa città, et che da loro sono scosse et cavate de tutte le possessioni, molini, campi, cose, livelli et tutti gli altri beni, et cose, che hanno in cadaun luogo in terra ferma, et tanto sotto il domanio nostro, quanto sotto altri signori ».

    12 Ibid., fol. 10 r°.

    13 Ibid.

    14 ASV, SD, Catastici di Venezia, estima 1661, b. 421-424, estima 1711, b. 429-432, estimo 2740, b. 436-439.

    15 ASV, SD, Catastico di Castello 1712, b. 428, fol. 565 r°.

    16 Ibid., fol. 421 r° : « Non si vede in alcuna partita il tempo delle affittanze. Non si vede tolti in notta li posti delli scaleteri serati, et non essercitati. Non si vede in notta li statii di Erbarolla Pesacadori et altri che pongono fuori per le strade senza boteghe ».

    17 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 46 v° : « Ne per questo un gran numero di ritrova per la fia vecchia non sono venuti a dar nota, et lasciano nelli nomi vecchi, et non sipuo cognoscer i veri possessori de beni, ne che beni sono quelli per li quali vano debitori, et la nosta Illustrissima Signoria ne vien grandemente a patir non possendosi far le exattion ».

    18 Ibid., fol. 47 r° : « Quelli chefin ’hora non hanno fato in nota le sue conditioni le possino dar per tutto settembre prossimo et tutti siano tenuti dichiarir in che nome erano H beni nella fia vecchia ».

    19 Ibid., fol. 71 r° : « Et perche si fanno di molte vendite tacite, et con certi patti di modo che li béni delli nostri in tal forma acquistati non sono intesi, ne decimati ».

    20 ASV, SD. Capitolari, b. 1, fol. 57 v° : « Se quelli tal forestieri che haverano comprato non sara alla presentia de ditti magistrati Signori XSavij, insiemme con lo venditor mostrando H sui instrument et a quelli dar sollene sagramento che tal vendition siano vere et non fente : come porta el dover ».

    21 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 10 r° : « Ma si come più presto ogni giorno doveva esser conservata et cresciuta, corne sono cresciute le case, possessioni et altre cose, che debbono pagar le decime, cosi con mille modi fraudolenti è diminuta, et non è da sopportare, che più lungamente questi tali inganni crescano, ma più tosto rifacciano il nostro dominio quelli, che l’hanno ingannato ».

    22 Ibid., fol. 11 v°.

    23 Le 5 avril 1748, le Collège des X Sages ordonne à tous les curés de la ville et du duché de : « dover star in attenzione di tutte quelle fabbriche che da nuovo od aumenti aile vecchie che fossero State erette dal 1740 sino in presente e di quelle che erigeranno per l’avvenire nelle loro rispettive contrade e di anno in anno portar le note a questo Collegio delle medesime con il nome del patron del stabile e del sito dove stanno poste e se affittate a chi affittate, oppure nel cader dell’anno fede giurarta dinotante che nella loro contrada non ne sia State e per quello riguarda il passato, cioè dall’anno 1740 sino in présente corne sopra abbino précisa debito, corne restano incaricati a dover portar le note nel termine di mese uno dal giorno della consegna della presente ». ASV, SD, Appendice ai Catastici e alle condizioni, b. 689, Fedi per rifabbriche, accrescimento di affitte e case per uso, fil. VIII, 10.

    24 ASV, SD, Terminazione d’ordine, r. 847, fol. 72 r°.

    25 Voir note 23.

    26 Sur les recensements de la population vénitienne, voir entre autres : Andrea Schiaflïno, « Contributo alla studio delle rilevazioni della popolazione nella Repubblica di Venezia : finalità, organi, classificazioni », Le fonti della demografia storica in Italia, vol 1/1, SNT, Rome, 1971, p. 285-353 ; Giovanni Favero, Maria Moro, Pierpaolo Spinelli, Francesca Trivellato, Francesco Vianello, « Le anime dei demografi. Fonti per la rilevazione della stato della popolazione di Venezia nei secoli XVI e XVII », Bolletino di demografia storica, 15, 1991, p. 23-110 ; Andrea Zanzini, « Un censimento inedito del primo Seicento e la crisi demografia edeconomica di Venezia », Studiveneziani, 26, 1996, p. 87-116.

    27 À propos de Jacopo de’Barbari, voir le catalogue : À vol d’uccello : Jacopo de ’Barbari e le rappresentazioni di città nell’Europa del Rinascimento, Arsenal, Venise, 1999, 191 p.

    28 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 20 v° : « 1479 alli 24 di febraro in Pregadi. Le case brusate siano per li dieci Savij liberate da Décima, sin al tempo che sarano over in tutto, over in parte reffate ». L’exemption est renouvelée en 1514. Ibid., fol. 42 v° : « et possino li X Savij assolver da decima le case brusate et rovinate ».

    29 ASV, SD, b. 8, v. II, fol. 70 r°. Cité par Ennio Concina, « La formazione dei Catasti », art. cité, p. 13.

    30 ASV, SD, Catastico 1712, San Marco, b. 425. Le décret figure sur une feuille imprimée placée au début de chaque cadastre paroissial : « tuor diligentemente in nota tutte le case, botteghe, magazzini, volte, Staji, squeri, terreni vacui, orti che fossero separati dalle case e non separati, e si affittassero, [...] e ogni altra qual si voglia sorte di beni, da quali si potesse trazer entrada, niuna cosa eccettuata ».

    31 La casa da statio désignait, au Moyen Âge, la grande maison patricienne ou cittadina, habitée par son propriétaire, alors que la casa da serzenti était une habitation modeste, tenue en location et placée sous la dépendance du lignage noble. Cette différence s’estompe dès le XVe siècle quand la désagrégation des patrimoines immobiliers conduit des case da statio à être occupées en location et des case da serzenti à être habitées par leur propriétaire, et lorsque les formes du bâti se diversifient à la faveur de la construction d’édifices qui empruntent des traits à l’un et à l’autre types. L’expression « casa da statio » reste employée, aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec celle de casa grande, pour désigner le palais familial. Sur la différence de terminologie pour désigner les habitations, voir : Élisabeth Crouzet-Pavan, Espaces, pouvoir et société à Venise à la fin du Moyen Âge, vol. 1, École française de Rome, Rome, 1992 (Collection de l’Ecole française de Rome, 156), p. 471-472, note 11.

    32 Ennio Concina, Venezia, Struttura e funzioni..., op. cit., p. 205-207. Parallèlement, l’abandon progressif du mot mezado pour désigner un logement à l’entresol (129 en 1582, 25 en 1661, 13 en 1740), et l’augmentation des mentions d’appartements (640 en 1740) témoignent d’une normalisation de la perception du bâti vénitien où les termes spécifiques (casa da statio, mezadi) laissent place à un lexique plus commun.

    33 L’usage professionnel de l’habitation transparaît dans le recensement des locataires réalisé en 1745 et 1750 par les Provveditori aile Pompe afin de lever une taxe destinée à l’illumination publique. Dans les feuillets relatifs à la paroisse de San Cassiano, en 1750, on peut lire ainsi : « Marco Quarta lanter lavora in casa famiglia n° 3 paga ducati 50 [...] Gaetano Orlandini tua oro lavora in casa famiglia n°5 figli unopaga ducati 32 [...] Mattio Coggia margariter lavora in casa [...] Domenico Bellotti coroner lavora in casa » (ASV, Provveditori aille Pompe, Elenchi degli abitanti, Santa Croce, 1750, b. 15, San Cassiano, non numéroté). Mais le phénomène doit être plus répandu que ne le laissent entendre ces quatre mentions.

    34 Jean-François Chauvard, La circulation des biens à Venise. Stratégies patrimoniales et marché immobilier (1600-1750), École française de Rome, Rome, 2005, p. 85-96.

    35 ASV, SD, Catastico 1661, San Polo, b. 423 ; Catastico 1711, San Polo, b. 430 ; Catastico 1740, San Polo, b. 437.

    36 Cette interprétation est formulée par Ennio Concina, « La formazione dei catasti », art. cité, p. 18.

    37 Sur la carte de Ughi, voir Giorgio Bellavitis et Giandomenico Romanelli, Venezia, Laterza, Bari, 1985 (Le città nella storia d’Italia), p. 136-140.

    38 Ennio Tonetti, « La formazione della mappa catastale “napoleonica” di Venezia », Catasto napoleonico. Mappa della città di Venezia, Marsilio Editore, Venise, 1988, p. 7-8.

    39 Ennio Concina, « La formazione dei catasti », art. cité, p. 20-22.

    Auteur

    Jean-François Chauvard

    Jean-François Chauvard, normalien, agrégé d’histoire, ancien membre de l’École française de Rome, est maître de conférences à l’Université Marc Bloch de Strasbourg. Ses recherches portent sur l’histoire de l’Italie moderne, en particulier de la République de Venise. Sa thèse de doctorat (La circulation des biens à Venise. Stratégies patrimoniales et marché immobilier (1600- 1750), École Française de Rome, Rome, 2005) définit un champ d’études au croisement de l’histoire sociale, de l’histoire urbaine et de l’anthropologie des comportements patrimoniaux. Depuis, ses travaux portent sur l’anthropologie de la famille, les migrations et les formes de mobilité sociale.

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.

    Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

    Voir plus de livres
    L’argent du roi

    L’argent du roi

    Les finances sous François Ier

    Philippe Hamon

    1994

    Contrôler les finances sous l’Ancien Régime

    Contrôler les finances sous l’Ancien Régime

    Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes

    Dominique Le Page (dir.)

    2011

    Le péage en France au XVIIIe siècle

    Le péage en France au XVIIIe siècle

    Les privilèges à l’épreuve de la réforme

    Anne Conchon

    2002

    Le Bureau des finances de la généralité de Lyon. XVIe-XVIIIe siècle

    Le Bureau des finances de la généralité de Lyon. XVIe-XVIIIe siècle

    Aspects institutionnels et politiques

    Karine Deharbe

    2010

    « Messieurs des finances »

    « Messieurs des finances »

    Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance

    Philippe Hamon

    1999

    Finances et politique au siècle des Lumières

    Finances et politique au siècle des Lumières

    Le ministère L’Averdy, 1763-1768

    Joël Félix

    1999

    L’invention de l’impôt sur le revenu

    L’invention de l’impôt sur le revenu

    La taille tarifée 1715-1789

    Mireille Touzery

    1994

    Économie et finances sous l’Ancien Régime

    Économie et finances sous l’Ancien Régime

    Guide du chercheur, 1523-1789

    Joël Félix

    1994

    La fortune de Sully

    La fortune de Sully

    Isabelle Aristide

    1990

    Bâtir une généralité

    Bâtir une généralité

    Le droit des travaux publics dans la généralité d’Amiens au XVIIIe siècle

    Anne-Sophie Condette-Marcant

    2001

    State Cash Resources and State Building in Europe 13th-18th century

    State Cash Resources and State Building in Europe 13th-18th century

    Katia Béguin et Anne L. Murphy (dir.)

    2017

    Ressources publiques et construction étatique en Europe. XIIIe-XVIIIe siècle

    Ressources publiques et construction étatique en Europe. XIIIe-XVIIIe siècle

    Katia Béguin (dir.)

    2015

    Voir plus de livres
    1 / 12
    L’argent du roi

    L’argent du roi

    Les finances sous François Ier

    Philippe Hamon

    1994

    Contrôler les finances sous l’Ancien Régime

    Contrôler les finances sous l’Ancien Régime

    Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes

    Dominique Le Page (dir.)

    2011

    Le péage en France au XVIIIe siècle

    Le péage en France au XVIIIe siècle

    Les privilèges à l’épreuve de la réforme

    Anne Conchon

    2002

    Le Bureau des finances de la généralité de Lyon. XVIe-XVIIIe siècle

    Le Bureau des finances de la généralité de Lyon. XVIe-XVIIIe siècle

    Aspects institutionnels et politiques

    Karine Deharbe

    2010

    « Messieurs des finances »

    « Messieurs des finances »

    Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance

    Philippe Hamon

    1999

    Finances et politique au siècle des Lumières

    Finances et politique au siècle des Lumières

    Le ministère L’Averdy, 1763-1768

    Joël Félix

    1999

    L’invention de l’impôt sur le revenu

    L’invention de l’impôt sur le revenu

    La taille tarifée 1715-1789

    Mireille Touzery

    1994

    Économie et finances sous l’Ancien Régime

    Économie et finances sous l’Ancien Régime

    Guide du chercheur, 1523-1789

    Joël Félix

    1994

    La fortune de Sully

    La fortune de Sully

    Isabelle Aristide

    1990

    Bâtir une généralité

    Bâtir une généralité

    Le droit des travaux publics dans la généralité d’Amiens au XVIIIe siècle

    Anne-Sophie Condette-Marcant

    2001

    State Cash Resources and State Building in Europe 13th-18th century

    State Cash Resources and State Building in Europe 13th-18th century

    Katia Béguin et Anne L. Murphy (dir.)

    2017

    Ressources publiques et construction étatique en Europe. XIIIe-XVIIIe siècle

    Ressources publiques et construction étatique en Europe. XIIIe-XVIIIe siècle

    Katia Béguin (dir.)

    2015

    Accès ouvert

    Accès ouvert freemium

    ePub

    PDF

    PDF du chapitre

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque

    Acheter

    Édition imprimée

    • amazon.fr
    • decitre.fr
    • mollat.com
    • leslibraires.fr
    • placedeslibraires.fr
    ePub / PDF

    1 Fabio Besta (dir.), Bilanci generali délia Repubblica di Venezia, Tip. Visentini, Venise, 1912, p. 147-148.

    2 Sur la magistrature des X Sages aux dîmes, voir Bemardo Canal, « Il Collegio, l’Ufficio e l’Archivio dei Dieci Savi alle Decime in Rialto », Nuovo archivio veneto, sérié II, n° 16, 1908, p. 115-150 et 279-298 et Ennio Concina, « La formazione dei catastici », dans Italo Pavanello (éd.), I Catasti storici di Venezia, Officina Edizioni, Rome, 1981, p. 10-27. Les cadastres ont été exploités en vue d’étudier la population vénitienne et les structures urbaines par Daniele Beltrami, Storia della popolazione di Venezia, dalla fine dei secolo XVI alla caduta della Repubblica, Cedam, Padoue, 1954, 237 p. et Ennio Concina, Venezia nell’età moderna. Struttura e funzioni, Marsilio Editore, Venise, 1989, 277 p.

    3 Sur le système fiscal vénitien à la Renaissance, voir Luciano Pezzolo, L ’oro dello Stato. Società, finanza e fisco nella Repubblica veneta dei seconda ’500, Il Cardo (Studi veneti), Venise, 1990, p. 19-117 ; Id., « La finanza pubblica. Dal prestito all’imposta », Storia di Venezia, vol. 6, Dal Rinascimento al Barocco, Istituto della Enciclopedia Italiana, Rome, 1994, p. 713-773.

    4 L’adoption d’un système fiscal plus équitable assis sur les revenus fonciers est plus précoce dans la République florentine : Elio Conti, L ’imposta diretta a Firenze nel Quattrocento (1427-1494), Istituto storico italiano per il Medio Evo, Rome, 1984, 406 p.

    5 Sur la conquête foncière de la Terre ferme, voir Daniele Beltrami, La penetrazione economica dei Veneziani in Terraferma. Forze di lavoro e proprietà fondiaria nella campagne venete dei secoli XVII e XVIII, Istituto per la collaborazione culturale, Venise-Rome, 1956, 237 p.

    6 Luciano Pezzolo, L’oro dello Stato..., op. cit., p. 43-47.

    7 En 1550, les recettes de la République s’élevaient à 1 595 000 ducats. En 1554 la decima procurait 71 265 ducats et la tansa 39 707. En 1565, les recettes atteignaient 1 835 000 et les contributions respectives de la decima et de la tansa, 121 346 et 47 822 ducats. Cf. Luciano Pezzolo, L’oro dello Stato..., op. cit., tableau 5, p. 95 et appendices I et II, p. 328-329.

    8 Archivio di Stato di Venezia (ASV), Dieci Savi aile Decime (SD), Capitalori, b. 2, fol. 1 r°. Une partie des biens ecclésiastiques était cependant assujettie à la decima del Clero : Giuseppe del Torre, « La politica ecclesiastica della Repubblica di Venezia nell’età modema : la fiscalité », dans H. Kellenbenz et P. Prodi (dir.), Fisco, Religione, Stato nell’età moderna, Il Mulino, Bologne, 1989, p. 406-407.

    9 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 42 v° : « L’Andaraparte, che per auttorità di questo conseglio tutti quelli, che per virtu delle leze nostre sono obligati pagar decime fra termine de mesi tre prossimi, siano tenuti dar in nota all’ojficio predetto di Diece Savij con suo sagramento la condition sua videlicet tutte sue case, et altri béni in questa terra, et possession, et altri béni de ’fuora obligati pagar decime, et gli accrescimenti per loro fatti, o per comprede, o per altro, et dove sono i beni, et quello i scuodeno de cadauno in suo nome proprio particolar et distintamente senza alcuna diminution, ne fraude ».

    10 Ibid., fol. 42 v° : « 1514 alli 23 maggio in Pragadi [...]. Et far li catastici, che è il fondamento delle Decime accio ognun paghi il dover per sovenir la terrà in queste importantissime occorentie ».

    11 Ibid, fol. 1 r° : « 1463 alli 15 giugno in Pregadi. Primo che tutti i fitti delle case, valli, molini et altre cose stabili siano chiamate con quale nome si vogliano che sono frà Grado e Cavarzere, cioè quel, che in anno e per ragion di anno si scodeno per gli infrascritti nove nobili, che a questo sarano deputati siano scritti in un libro particolarmente per i Sestieri dipartita in partita. [...] Similmente siano annotate tutte le rendite, etpro, che hanno di anno i nostri cittadini di questa città, et che da loro sono scosse et cavate de tutte le possessioni, molini, campi, cose, livelli et tutti gli altri beni, et cose, che hanno in cadaun luogo in terra ferma, et tanto sotto il domanio nostro, quanto sotto altri signori ».

    12 Ibid., fol. 10 r°.

    13 Ibid.

    14 ASV, SD, Catastici di Venezia, estima 1661, b. 421-424, estima 1711, b. 429-432, estimo 2740, b. 436-439.

    15 ASV, SD, Catastico di Castello 1712, b. 428, fol. 565 r°.

    16 Ibid., fol. 421 r° : « Non si vede in alcuna partita il tempo delle affittanze. Non si vede tolti in notta li posti delli scaleteri serati, et non essercitati. Non si vede in notta li statii di Erbarolla Pesacadori et altri che pongono fuori per le strade senza boteghe ».

    17 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 46 v° : « Ne per questo un gran numero di ritrova per la fia vecchia non sono venuti a dar nota, et lasciano nelli nomi vecchi, et non sipuo cognoscer i veri possessori de beni, ne che beni sono quelli per li quali vano debitori, et la nosta Illustrissima Signoria ne vien grandemente a patir non possendosi far le exattion ».

    18 Ibid., fol. 47 r° : « Quelli chefin ’hora non hanno fato in nota le sue conditioni le possino dar per tutto settembre prossimo et tutti siano tenuti dichiarir in che nome erano H beni nella fia vecchia ».

    19 Ibid., fol. 71 r° : « Et perche si fanno di molte vendite tacite, et con certi patti di modo che li béni delli nostri in tal forma acquistati non sono intesi, ne decimati ».

    20 ASV, SD. Capitolari, b. 1, fol. 57 v° : « Se quelli tal forestieri che haverano comprato non sara alla presentia de ditti magistrati Signori XSavij, insiemme con lo venditor mostrando H sui instrument et a quelli dar sollene sagramento che tal vendition siano vere et non fente : come porta el dover ».

    21 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 10 r° : « Ma si come più presto ogni giorno doveva esser conservata et cresciuta, corne sono cresciute le case, possessioni et altre cose, che debbono pagar le decime, cosi con mille modi fraudolenti è diminuta, et non è da sopportare, che più lungamente questi tali inganni crescano, ma più tosto rifacciano il nostro dominio quelli, che l’hanno ingannato ».

    22 Ibid., fol. 11 v°.

    23 Le 5 avril 1748, le Collège des X Sages ordonne à tous les curés de la ville et du duché de : « dover star in attenzione di tutte quelle fabbriche che da nuovo od aumenti aile vecchie che fossero State erette dal 1740 sino in presente e di quelle che erigeranno per l’avvenire nelle loro rispettive contrade e di anno in anno portar le note a questo Collegio delle medesime con il nome del patron del stabile e del sito dove stanno poste e se affittate a chi affittate, oppure nel cader dell’anno fede giurarta dinotante che nella loro contrada non ne sia State e per quello riguarda il passato, cioè dall’anno 1740 sino in présente corne sopra abbino précisa debito, corne restano incaricati a dover portar le note nel termine di mese uno dal giorno della consegna della presente ». ASV, SD, Appendice ai Catastici e alle condizioni, b. 689, Fedi per rifabbriche, accrescimento di affitte e case per uso, fil. VIII, 10.

    24 ASV, SD, Terminazione d’ordine, r. 847, fol. 72 r°.

    25 Voir note 23.

    26 Sur les recensements de la population vénitienne, voir entre autres : Andrea Schiaflïno, « Contributo alla studio delle rilevazioni della popolazione nella Repubblica di Venezia : finalità, organi, classificazioni », Le fonti della demografia storica in Italia, vol 1/1, SNT, Rome, 1971, p. 285-353 ; Giovanni Favero, Maria Moro, Pierpaolo Spinelli, Francesca Trivellato, Francesco Vianello, « Le anime dei demografi. Fonti per la rilevazione della stato della popolazione di Venezia nei secoli XVI e XVII », Bolletino di demografia storica, 15, 1991, p. 23-110 ; Andrea Zanzini, « Un censimento inedito del primo Seicento e la crisi demografia edeconomica di Venezia », Studiveneziani, 26, 1996, p. 87-116.

    27 À propos de Jacopo de’Barbari, voir le catalogue : À vol d’uccello : Jacopo de ’Barbari e le rappresentazioni di città nell’Europa del Rinascimento, Arsenal, Venise, 1999, 191 p.

    28 ASV, SD, Capitolari, b. 2, fol. 20 v° : « 1479 alli 24 di febraro in Pregadi. Le case brusate siano per li dieci Savij liberate da Décima, sin al tempo che sarano over in tutto, over in parte reffate ». L’exemption est renouvelée en 1514. Ibid., fol. 42 v° : « et possino li X Savij assolver da decima le case brusate et rovinate ».

    29 ASV, SD, b. 8, v. II, fol. 70 r°. Cité par Ennio Concina, « La formazione dei Catasti », art. cité, p. 13.

    30 ASV, SD, Catastico 1712, San Marco, b. 425. Le décret figure sur une feuille imprimée placée au début de chaque cadastre paroissial : « tuor diligentemente in nota tutte le case, botteghe, magazzini, volte, Staji, squeri, terreni vacui, orti che fossero separati dalle case e non separati, e si affittassero, [...] e ogni altra qual si voglia sorte di beni, da quali si potesse trazer entrada, niuna cosa eccettuata ».

    31 La casa da statio désignait, au Moyen Âge, la grande maison patricienne ou cittadina, habitée par son propriétaire, alors que la casa da serzenti était une habitation modeste, tenue en location et placée sous la dépendance du lignage noble. Cette différence s’estompe dès le XVe siècle quand la désagrégation des patrimoines immobiliers conduit des case da statio à être occupées en location et des case da serzenti à être habitées par leur propriétaire, et lorsque les formes du bâti se diversifient à la faveur de la construction d’édifices qui empruntent des traits à l’un et à l’autre types. L’expression « casa da statio » reste employée, aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec celle de casa grande, pour désigner le palais familial. Sur la différence de terminologie pour désigner les habitations, voir : Élisabeth Crouzet-Pavan, Espaces, pouvoir et société à Venise à la fin du Moyen Âge, vol. 1, École française de Rome, Rome, 1992 (Collection de l’Ecole française de Rome, 156), p. 471-472, note 11.

    32 Ennio Concina, Venezia, Struttura e funzioni..., op. cit., p. 205-207. Parallèlement, l’abandon progressif du mot mezado pour désigner un logement à l’entresol (129 en 1582, 25 en 1661, 13 en 1740), et l’augmentation des mentions d’appartements (640 en 1740) témoignent d’une normalisation de la perception du bâti vénitien où les termes spécifiques (casa da statio, mezadi) laissent place à un lexique plus commun.

    33 L’usage professionnel de l’habitation transparaît dans le recensement des locataires réalisé en 1745 et 1750 par les Provveditori aile Pompe afin de lever une taxe destinée à l’illumination publique. Dans les feuillets relatifs à la paroisse de San Cassiano, en 1750, on peut lire ainsi : « Marco Quarta lanter lavora in casa famiglia n° 3 paga ducati 50 [...] Gaetano Orlandini tua oro lavora in casa famiglia n°5 figli unopaga ducati 32 [...] Mattio Coggia margariter lavora in casa [...] Domenico Bellotti coroner lavora in casa » (ASV, Provveditori aille Pompe, Elenchi degli abitanti, Santa Croce, 1750, b. 15, San Cassiano, non numéroté). Mais le phénomène doit être plus répandu que ne le laissent entendre ces quatre mentions.

    34 Jean-François Chauvard, La circulation des biens à Venise. Stratégies patrimoniales et marché immobilier (1600-1750), École française de Rome, Rome, 2005, p. 85-96.

    35 ASV, SD, Catastico 1661, San Polo, b. 423 ; Catastico 1711, San Polo, b. 430 ; Catastico 1740, San Polo, b. 437.

    36 Cette interprétation est formulée par Ennio Concina, « La formazione dei catasti », art. cité, p. 18.

    37 Sur la carte de Ughi, voir Giorgio Bellavitis et Giandomenico Romanelli, Venezia, Laterza, Bari, 1985 (Le città nella storia d’Italia), p. 136-140.

    38 Ennio Tonetti, « La formazione della mappa catastale “napoleonica” di Venezia », Catasto napoleonico. Mappa della città di Venezia, Marsilio Editore, Venise, 1988, p. 7-8.

    39 Ennio Concina, « La formazione dei catasti », art. cité, p. 20-22.

    De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne

    X Facebook Email

    De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne

    Ce livre est cité par

    • Gautreau, Pierre. (2021) La Pachamama en bases de données. DOI: 10.4000/books.iheal.9612
    • Dobre, Ramona. (2014) Imbalances in the Cadastre and Land Book. International Journal of Sustainable Economies Management, 3. DOI: 10.4018/ijsem.2014040104
    • Gasperoni, Michaël. (2018) Les ghettos juifs d’Italie à travers lejus chazakah: Un espace contraint mais négocié. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 73. DOI: 10.1017/ahss.2019.44

    De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne

    Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks

    Acheter ce livre aux formats PDF et ePub

    Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org

    De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne

    Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.

    Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org

    Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.

    Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.

    La syntaxe de l’email est incorrecte.

    Référence numérique du chapitre

    Format

    Chauvard, J.-F. (2007). Les catastici vénitiens de l’époque moderne. Pratique administrative et connaissance du territoire. In M. Touzery (éd.), De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne (1‑). Institut de la gestion publique et du développement économique. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.igpde.9768
    Chauvard, Jean-François. « Les catastici vénitiens de l’époque moderne. Pratique administrative et connaissance du territoire ». In De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne, édité par Mireille Touzery. Vincennes: Institut de la gestion publique et du développement économique, 2007. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.igpde.9768.
    Chauvard, Jean-François. « Les catastici vénitiens de l’époque moderne. Pratique administrative et connaissance du territoire ». De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne, édité par Mireille Touzery, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2007, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.igpde.9768.

    Référence numérique du livre

    Format

    Touzery, M. (éd.). (2007). De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne (1‑). Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.igpde.9578
    Touzery, Mireille, éd. De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne. Vincennes: Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2007. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.igpde.9578.
    Touzery, Mireille, éditeur. De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne. Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2007, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.igpde.9578.
    Compatible avec Zotero Zotero

    1 / 3

    Institut de la gestion publique et du développement économique

    Institut de la gestion publique et du développement économique

    • Plan du site
    • Se connecter

    Suivez-nous

    • Flux RSS

    URL : http://www.economie.gouv.fr/igpde

    Email : recherche.igpde@finances.gouv.fr

    Adresse :

    IGPDE / Bureau de la Recherche

    20, allée Georges Pompidou

    94306

    Vincennes

    France

    OpenEdition
    • Candidater à OpenEdition Books
    • Connaître le programme OpenEdition Freemium
    • Commander des livres
    • S’abonner à la lettre d’OpenEdition
    • CGU d’OpenEdition Books
    • Accessibilité : partiellement conforme
    • Données personnelles
    • Gestion des cookies
    • Système de signalement