Pour une histoire des projeteurs
p. 229-235
Texte intégral
1Faire l’histoire des projeteurs est une nécessité de l’histoire bureaucratique1 : on apprend beaucoup en pénétrant leur logique, en analysant leurs projets, en esquissant leur fortune, car un projeteur a des pressentiments, des intuitions, qui montrent une administration idéale, raisonnable, efficace, imaginative ; il a tort d’avoir raison trop tôt, mais c’est lui qui annonce les grandes mutations de l’administration2. C’est là une histoire qui n’est pas facile : l’historien doit publier les mémoires, établir des monographies, peser le fort et le faible du projeteur – ce qui suppose de l’attention, de l’habileté, de la prudence. Mais c’est une histoire nécessaire : car oublier les projeteurs, les gens à idées, sous prétexte qu’ils ne sont pas « raisonnables », c’est se résigner à une histoire mécanique, aseptisée, résumée, c’est ne pas comprendre la part de jeu, de rêverie qui existe dans toute administration3. Nous voudrions donner – avec prudence – quelques éléments de réflexion sur cette histoire exploratoire : il faut avoir vécu dans l’administration pour comprendre l’importance des rêveries des projeteurs.
I. Pourquoi faire l’histoire des projeteurs ?
2L’histoire de la bureaucratie doit tenir compte des rêveries des projeteurs, de ceux qui ont des idées non conformes, des gens à systèmes qui sont « en avance sur leur temps », des visionnaires que personne n’écoute et que chacun célèbre cent ans après. Le monde des projeteurs est très particulier : ils ont souvent de fortes connaissances techniques, ils sont habiles à voir « ce qui est le plus important », ils pressentent ce que peuvent apporter au corps social de belles idées : ce ne sont pas, malgré les apparences, des utopistes, mais des experts, des esprits pratiques4, qui cherchent à rompre avec les habitudes. Certes il y a des tout-fous, des esprits malades, mais un Deslinières, un Corréard étaient surtout des gens à idées qui cherchaient à « voir plus loin », avec un singulier mélange de réalisme et de naïveté.
3Le projeteur est mal vu en administration, il trouble les esprits, il écrit et parle trop, il menace les situations établies (Balzac l’a bien montré dans Les employés)5, il inquiète la hiérarchie, le cabinet : mais il n’y a guère de mutation administrative importante qui n’ait été précédée de multiples mémoires de « projeteurs » plus ou moins bien inspirés6. Malgré qu’elle en ait, la bureaucratie a besoin de visionnaires, de gens à systèmes7 : mais il est rare qu’elle les récompense, elle a peur qu’ils aient trop d’influence sur les politiques.
4Comment l’historien peut-il chercher à comprendre cette logique des « projeteurs » ? Il n’y a pas de méthode assurée, on est à la merci de trouvailles8, on doit explorer systématiquement ces mémoires, dénombrer les idées neuves, les réformes proposées, évaluer les résistances rencontrées. L’histoire des projeteurs touche à l’histoire des idées sur l’administration (mais elle ne se confond pas avec elle), à l’histoire de l’imaginaire administratif9, à l’histoire de l’innovation – et de l’invention – en administration, à l’histoire du temps administratif (la vision du temps futur, la durée), à l’histoire psychologique des projeteurs (ce sont souvent d’étranges personnages)10, à l’histoire des techniques administratives (il y a souvent d’excellents principes), à l’histoire des modes d’écriture (les formes en peuvent être très diverses) : c’est là une histoire à multiples facettes.
II. Les sources
5De quelles sources l’historien peut-il disposer ? A l’expérience on s’aperçoit que dans chaque secteur – et de tout temps11 – on possède de multiples projets, souvent non négligeables, intelligents, très en avance sur leur temps, mais que les circonstances font dédaigner : l’historien doit avec soin inventorier ces projets, les publier quand il peut (car leur technique est importante pour une histoire de l’imaginaire administratif). Essayons – arbitrairement – de distinguer es diverses formes de ces projets :
les projets de réforme ou d’innovation envoyés aux ministres – ou au chef de l’État – ; les archives abondent en ce domaine, on aurait tort de les négliger pour une histoire de l’innovation ou de la création administrative12 ;
les brochures, mémoires techniques, projets rédigés à l’occasion des révolutions ou des grandes crises nationales (1870, 1914, 1940) : c’est une littérature qu’on ne prend pas toujours au sérieux, alors que souvent elle est de très bonne qualité technique (ainsi La plus grande France (1917) de Probus-Corréard13, les critiques du Conseil d’Etat par André Thiers en 191914 ou les articles malicieux d’un Christian Mellac en 1946)15 ;
les grands projets développés dans des rapports du Conseil d’Etat, qui donnent des analyses d’ensemble (ainsi le grand rapport de Le Trésor de la Rocque en 1876 sur les retraites par capitalisation des fonctionnaires)16 ;
les mémoires rédigés à l’occasion de réformes législatives projetées (ainsi à propos de lois sur les pensions des fonctionnaires17 ou sur la création d’une École d’administration)18 ;
les mémoires correspondant à des projets de clans, ou de groupes de pression (ainsi en 1843-1846 à propos des caisses de retraites pour ouvriers)19 ;
les mémoires de petites gens qui ont des idées en période de crise, qui osent écrire leurs projets (tel le mémoire des indigents de Bicêtre en l’an II, qui inventent les allocations différentielles avec conditions de ressources)20 : les minimi ne sont pas inintéressants pour une histoire de l’imaginaire administratif.
les projets rédigés « pour le plaisir », que l’on retrouve dans les papiers personnels (tel le projet de Collège des pairs rédigé en 1814 par Stendhal, qui est une esquisse d’École d’Administration)21.
6Cette typologie est sans doute trop simpliste22 : en fait on doit distinguer : 1) les mémoires de projeteurs qui ont des connaissances techniques étendues, une bonne expérience de la matière, 2) les mémoires de projeteurs qui bâtissent des systèmes habiles, qui conçoivent des innovations qui peuvent être réalisées23, 3) les mémoires de visionnaires à l’imagination fertile, qui vivent dans leurs chimères – mais qui sont parfois « en avance sur leur temps » : l’économie, la logique, l’importance des « projets » varie fortement suivant ces trois catégories24.
III. Les objectifs de l’historien
7L’historien a un jeu particulier à jouer (ce n’est pas de l’histoire des idées sur l’administration comme certains le croient) et chacun, dans son secteur, doit bien définir le sens de sa recherche.
8Premier objectif : l’historien entend s’intéresser à l’histoire de l’imaginaire administratif25 , s’attacher aux conditions de l’invention en administration ; toute réforme, toute crise est accompagnée d’une multitude de projets, souvent neufs, parfois pittoresques (par exemple les chambres des comptes itinérantes en 179026 ou l’ENA nomade de Cadet de Gassicourt en 1822)27 : c’est un chapitre important de l’histoire de l’imaginaire administratif qu’il faudra bien écrire un jour28.
9Deuxième objectif : ces projets reflètent une certaine image de l’administration, ils montrent ses points faibles et ses points forts (tout projeteur critique le présent, dénonce la médiocrité, l’erreur ou l’abus) ; il y a une part utopique dans tous ces projets, mais précisément la bureaucratie a besoin de ces images floues, qui donnent à rêver et dissimulent les difficultés présentes29.
10Troisième objectif : cette histoire de l’imaginaire permet de retrouver des personnalités oubliées, méconnues ou méprisées, qui ont été mal récompensées, qui avaient des idées brillantes avant le temps, mais n’ont pu les imposer (le type en est Corréard, cet « amasseur de nuées », qui avait des idées claires30, ou Deslinières qui avait rédigé un étonnant Projet de code socialiste et inventé le contrôle des changes et le travail obligatoire)31, mais l’histoire des échecs des projeteurs n’est pas facile à faire (quelle influence exacte ont-ils pu exercer ?).
11Quatrième objectif : à travers ces projeteurs l’historien doit chercher les mutations longues des administrations, les transformations « invisibles » des esprits ; l’histoire même des échecs (par exemple pour les projets d’ENA de 1790 à 1945)32 éclaire bien des aspects souterrains, ou mal connus, de la vie administrative33.
12Cinquième objectif : l’historien doit s’intéresser aux modes d’écriture qui sont très divers (du « testament apocryphe » de Chèvremont34 au « Projet de code » de Deslinières, du mémoire des indigents de Bicêtre à l’École des pairs de Stendhal) : l’histoire du style administratif doit s’intéresser aux « mémoires » des projeteurs.
IV. Règles d’usage
13On voit que l’historien peut avoir bien des arrière-pensées en s’intéressant à un projeteur35 : aussi doit-il observer un certain nombre de règles de prudence.
14Première règle : il doit, si possible, publier en entier les projets difficiles d’accès ou manuscrits, même quand il s’agit de minores, de « petites gens », et chercher à saisir les enchaînements de projets, au besoin en établissant des recueils de documents36 : c’est la publication des textes qui permet de multiplier les lectures37 et de mieux saisir les sens d’un projet, les modes d’écriture.
15Deuxième règle : on doit éclairer la personnalité du projeteur, sa carrière détaillée, les sources, la genèse, les connexions du projet (des hommes à idées comme un Duvillard, un Corréard défendent plusieurs projets conjoints, qui ont une logique commune38) ; une monographie de projeteur est difficile39, mais il faut la tenter si l’on veut un jour entreprendre un travail d’ensemble sur l’imaginaire administratif.
16Troisième règle : on doit chercher à montrer le rôle des projeteurs dans les grandes mutations administratives, les transformations « longues » sont liées à des projets repoussés longtemps par la coutume des bureaux40 : mais il faut éviter de se laisser piéger par ses sources, les visionnaires importants sont peu nombreux, et parfois leur pensée est obscure, on doit garder une certaine distance avec les textes41.
17Quatrième règle : on doit être très circonspect dans cette analyse de l’imaginaire administratif : les bureaux sécrètent nécessairement des Rabourdin, mais il y a inévitablement une pathologie des rêveurs et projeteurs, les plus belles idées peuvent être gâchées par l’intolérance, l’utopie, l’autoritarisme42.
Conclusion
18Quelles leçons peut-on tirer de ces brèves observations ?
19Première leçon : c’est là une partie mal connue de l’histoire de la bureaucratie : or les projeteurs ont souvent des pressentiments importants, ils montrent à l’historien ce qui ne va pas, ce sont des témoins précieux : on aurait tort de les négliger (et au surplus les patrons ont souvent été – quand ils étaient jeunes – de bons « projeteurs »)43.
20Deuxième leçon : explorer la vie d’un projeteur intelligent est un exercice fructueux, on apprend beaucoup sur les méthodes de gestion de l’administration, ses erreurs, ses blocages, ses résistances à l’innovation44 : plus on multiplie les publications de projets, les monographies de projeteurs, plus on a chance de comprendre les principes même de la bureaucratie.
21Troisième leçon : l’historien doit être très prudent, il doit avoir une certaine expérience de la vie pour bien comprendre ces projeteurs, analyser leurs méthodes de raisonnement : car il y a de bons et de mauvais projeteurs, et il n’est pas facile de les distinguer.
Notes de bas de page
1 Le mot projeteur est employé dès le début du xviiie siècle pour désigner ceux qui font des grands projets de politique, d’administration ou de finances (Voltaire, Rousseau emploient le mot).
2 La science administrative ignore les projeteurs, elle les confond avec les utopistes, ce qui est une erreur. Un projeteur voit clair, il a des connaissances techniques, du zèle, de l’esprit d’entreprise, il est plus intelligent, en général, que ses pairs, il croit aux vertus d’une bonne administration. Le projeteur en matière de finances ou d’économie est en général intéressé, il spécule sur un profit.
3 Nous avons insisté sur le rôle de la rêverie administrative dans Regards sur la haute administration, 1979, p. 147-153. Les archives orales des administrateurs montrent l’importance des projets qu’ils ont parfois soutenus jeunes, et qui leur ont appris à bien manœuvrer dans l’administration (quand on soutient un projet, on doit savoir chercher des appuis, et on reçoit nécessairement des coups).
4 Un Piarron de Chamousset était maître des comptes, un Duvillard un mathématicien habile, un spécialiste du calcul des probabilités, un Corréard avait été chef du service de l’Inspection des finances : les bons projeteurs ont, en général, une grande expérience des affaires.
5 Rappelons que tout le ressort du roman repose sur les projets de réforme du ministère conçus par Rabourdin
6 Nous l’avons montré par exemple pour la création de l’ENA en détaillant les multiples projets depuis 1712 (L’ENA avant l’ENA, 1983).
7 Une administration qui n’a pas une réserve de projeteurs est une « administration sans nerfs », le taux d’innovation risque fort de baisser.
8 La plupart des mémoires des projeteurs restent inédits ; on les trouve dans les archives des cabinets et des directions.
9 Nous avons, avec Robert Catherine, montré l’importance de cet imaginaire dans L’être administratif et l’imaginaire, 1982 (nous avons évoqué l’importance des « rêveries créatrices » et le rôle des projeteurs, p. 77-78).
10 Tels un Duvillard (Le premier actuaire de France : Duvillard 1755-1832, 1997), un Montlinot (« Un observateur des misères sociales : Leclerc de Montlinot », Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, n° 19, 1989, p. 9-55), un Deslinières (« Lucien Deslinières et le socialisme bureaucratique », dans Bureaucratie et bureaucrates en France..., 1980, p. 154-174), un Corréard (« La plus grande France de Jules Corréard, inspecteur des finances », dans La bureaucratie aux xixe et xxe siècles, 1987, p. 451-469).
11 Dans les cabinets – notamment dans les ministères sociaux – les conseillers techniques reçoivent souvent des projets de réforme, ou de création de nouvelles institutions, qu’ils s’empressent d’enterrer (les « projeteurs » se retournent alors vers les partis ou groupes politiques).
12 Ainsi les mémoires de Duvillard sur les statistiques, les mathématiques sociales ou les retraites (nous les avons publiés dans Le premier actuaire de France, ouv. cité), le mémoire de Dupeuty sur la création d’une « section juridictionnelle » au Conseil d’État en l’an IX (cf. « Un projet inédit... », dans L’État de droit. Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, 1996, p. 673-683).
13 Il nous manque une monographie de Corréard, qui a manié beaucoup d’idées intelligentes (il voulait en 1936 créer des laboratoires de societique, cf. Études et documents, 1994, t. VI, p. 647-656).
14 Cf. « Comment André Thiers voyait le Conseil d’État en 1919 », Revue administrative, 1994, p. 464-469.
15 Cf. Études et documents, t. IX, 1997, p. 689-699 (Christian Mellac avait été chef de cabinet de Mandel).
16 Nous avons évoqué ce personnage fort intéressant, ancien inspecteur des finances, à propos des retraites (Les retraites des fonctionnaires. Débats et doctrines, 1996, t. II, p. 478 et suiv.). Il faudrait un jour étudier la tradition des « projeteurs » au Conseil d’État.
17 Nous en avons donné de nombreux exemples dans Les retraites des fonctionnaires, ouv. cité, notamment pour les années 1815-1848.
18 Cf. L’ENA avant l’ENA, ouv. cité.
19 On trouve de multiples projets autour de cette idée de caisses à partir du projet de la réunion Molé (sur ces projets, cf. « Aux origines de la Caisse des retraites pour la Vieillesse (1850) : les débats des années 1844-1847 », Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, n° 23, 1991, p. 177-212, avec le « Mémoire des délégués de la Caisse des retraites pour les classes laborieuses des deux sexes »).
20 Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, n° 34, 1996, p. 121-125. Ou encore tel mémoire d’un étudiant en médecine proposant un plan d’inspection médicale en 1802 (ibid., n° 30, 1994, p. 239-242).
21 Cf. L’ENA avant l’ENA, ouv. cité, p. 48-50. Le mémoire ne semble pas avoir été remis au gouvernement. Dans les archives privées on trouve souvent des projets, mais on ne sait s’ils ne sont pas restés dans les cartons (ainsi pour le projet de l’intendant de la Marine Pierre Amoul en 1696 afin de créer une école diplomatique que nous avons publié, Revue administrative, 1989, p. 15-18).
22 Il faudrait ajouter : 1° les mémoires qui inspirent des propositions parlementaires (ainsi les « projets » de Courcy en matière de retraites par capitalisation inspirent-ils la proposition de loi Adnet en 1872, Les retraites des fonctionnaires, op. cit., t. II, p. 396-433), 2° les mémoires commandés en quelque sorte par le Gouvernement (ainsi tel rapport en 1939 pour le Comité de la Hache, du maître des requêtes Florian Chardon, qui reprend des idées de son père et que nous avons publié, « La réforme de la République par Florian Chardon », Revue administrative, 1989, p. 209-220), 3° les mémoires publiés anonymement (ainsi un mémoire de Frerson, sous-chef de bureau à l’Intérieur, sur la réforme des hôpitaux en 1799-1800, cf. Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, nos 35 et 36, 1996-1997).
23 Un bon exemple de ces projeteurs est donné par le polytechnicien Pierre-Euryale Cazeaux, ingénieur hydrographe de la Marine, qui avait conçu en 1832 un grand projet de Caisse des invalides de l’industrie (cf. « Un plan saint-simonien de caisse de retraite des invalides de l’industrie en 1832 : Pierre-Euryale Cazeaux », Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, n° 23, janvier 1991, p. 157-176, et Bernard Chenot, Un saint-simonien dans les Landes..., Académie des sciences morales et politique, Séance publique solennelle du lundi 7 décembre 1981, 16 pages) : c’était un projeteur très imaginatif.
24 On est loin ici des projeteurs financiers ou économiques, pour lesquels la spéculation, le profit personnel jouent un rôle essentiel (on le voit bien pour les projets de tontines ou de banques nationales dans les années 1790-1820).
25 Infra, p. 419
26 Nous avons évoqué ce projet dans « Le contrôle des comptes de 1791 à 1800 », dans Une autre justice, sous la direction de R. Badinter, Fayard, 1989, p. 305 et suiv.
27 Cf. « Le projet d’école nomade de Cadet de Gassicourt », Revue administrative, 1993, p. 202-204.
28 Sur l’imaginaire bureaucratique on se reportera aux observations de Nicolas Grandguillaume, Théorie générale de la bureaucratie, 1996, p. 65-73 : les rêveries jouent un grand rôle dans l’administration.
29 Dans un cabinet, quand on rencontre par hasard un bon projeteur, on s’empresse de l’utiliser, on le charge d’une mission de réflexion, on lui confie un groupe de travail : c’est un excellent alibi, on lui donne un rapporteur « sage », on espère toujours qu’il procurera quelques idées utiles, efficaces, qu’on pourra « mettre sur les rails »...
30 Supra, note 9.
31 Deslinières était un si bon projeteur que Lénine le fit nommer commissaire à l’agriculture en Ukraine (cf. Bureaucratie..., ouv. cité, p. 156-157).
32 Cf. L’ENA avant l’ENA, ouv. cité.
33 Par exemple l’échec de l’ENA de 1848, et du projet d’ENA de 1936-1938 tient à la collusion de la haute et de la basse administration, l’une et l’autre refusant un mode public et objectif de recrutement aux postes élevés.
34 Nous avons donné le projet d’école diplomatique de l’abbé de Chèvremont, publié sous la forme du Testament de Charles l’de Lorraine en 1696, dans La première École d’administration : l’Académie politique de Louis XIV, Droz, 1996.
35 Il n’y a pas une seule lecture d’un mémoire de projeteur : et celui qui a en charge aujourd’hui les mêmes problèmes aperçoit dans tel mémoire bien des choses que l’historien inexpérimenté ne voit pas (ainsi en matière sociale, en matière de retraite ou en matière d’éducation).
36 Ce que nous avons fait pour les projets qui ont abouti à l’Académie politique de Louis XIV en 1712 (cf. La première École d’administration..., ouv. cité).
37 L’historien de la littérature, l’historien du droit, l’historien de l’économie ou de la société, le spécialiste de science administrative ont parfois leur propre lecture du document.
38 On le voit bien pour Duvillard, dont tous les projets se rattachent aux mathématiques sociales.
39 Il faudrait avoir ses papiers personnels (nous les avons pour un Duvillard, mais non pour un Montlinot ou un Cazeaux).
40 On le voit pour les idées d’ENA ou de retraite par capitalisation pour les fonctionnaires. Mais les bons esprits sont souvent très en avance : ainsi un maître des requêtes, directeur au Ministère de l’Intérieur, Fumeron d’Ardeuil, était partisan en 1834 de créer 5 ou 6 cours des comptes régionales pour juger les comptes des petites communes et des petits hôpitaux (cf. Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, n° 35, 1997, p. 150). Et tel ingénieur des Ponts et Chaussées, Lemoyne, prévoit en 1854 dans les Annales des Ponts et Chaussées que les machines à calculer doivent entrer dans la vie quotidienne des ménages d’ici un siècle (cf. Études et documents, t. IX, 1997, p. 236-237).
41 Il y a toujours danger à surestimer ses héros, et à établir des « filiations de pensée », l’abbé Bremond mettait en garde sur ce point l’historien trop sûr de lui
42 Nous avions jadis, avec Robert Catherine, évoqué « l’administrateur utopiste, ce personnage obnubilé par sa rêverie, qui veut avoir raison contre tout le monde, qui vous prend dans les coins pour vous montrer, démontrer..., qu’il n’y a qu’à..., qu’il est urgent de..., que le changement de société est inéluctable... Leur vocabulaire même dénonce l’exclusivisme, l’intolérance, l’autoritarisme, l’irréalisme de ces esprits brouillons aux vues naïves, partielles ou partiales. Sans doute une part de jeu se mêle-t-elle à ce genre de conduites : le « visionnaire » tâte un peu le terrain pour savoir jusqu’où il peut aller en braquant son directeur, voire son ministre » (L’être administratif et l’imaginaire, ouv. cité, p. 78).
43 Un Pierre Laroque avait participé au Plan du 9 juillet (1934)... Souvent, quand on est jeune, on est amené, comme rapporteur, à lancer des propositions hardies, à travailler comme un « projeteur », c’est un exercice de formation utile (ainsi nous avions lancé le premier programme de promotion sociale pour les fonctionnaires en 1963, au titre de la Délégation à la promotion sociale, cf. « Note sur la promotion sociale dans la fonction publique », Revue administrative, 1964, p. 10-14).
44 Ainsi un Duvillard nous amène à voir certains côtés médiocres de la bureaucratie napoléonienne (il avait dénoncé en 1806 tous les vices du bureau de la statistique du ministère de l’Intérieur, mais personne n’avait voulu l’entendre, cf. Le premier actuaire de France..., ouv. cité, p. 276-283), il avait montré également tous les défauts d’un système anarchique de pensions, personne ne l’écouta (ibid., p. 253-275).
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