L’erreur bureaucratique
p. 211-218
Texte intégral
1Quand on administre, on est bien forcé de commettre des erreurs : l’historien doit s’intéresser à la genèse de ces erreurs, à leur gestion, à leur « liquidation », à la prévention des erreurs : c’est un domaine privilégié de la recherche, et si l’on sait bien les décoder, les sources sont nombreuses. Mais on n’aime guère parler des erreurs en administration : la décision erronée, mal fondée, l’erreur de gestion, l’erreur de calcul financier, l’erreur comptable, l’erreur doctrinale sont choses fréquentes, le contrôleur le sait bien, qui cherche à trouver la défaillance, le trou, la méchante histoire oubliée, et à montrer aux responsables leurs erreurs coutumières (entre le contrôleur et le contrôlé, le dialogue est souvent pénible)1. Or l’historien a tout intérêt, pour bien comprendre les mécanismes d’une direction2, à analyser les erreurs, à montrer derrière « les erreurs » les raisons politiques ou humaines : plus on s’attache au détail technique des « affaires », plus on parcourt les dossiers, plus on comprend que l’administrateur est bien obligé de vivre avec l’erreur (même s’il ne l’avoue guère), qu’elle est inséparable de l’action à un certain niveau3. L’historien ne peut éviter d’étudier les erreurs, les désordres qu’elle provoque4, mais il n’a pas toujours des principes bien assurés en ce domaine, la science administrative s’étant intéressée très peu à l’erreur, à la théorie de l’erreur, à la psychologie de l’erreur5. Nous voudrions donner quelques pistes de réflexions sur ce phénomène majeur de la vie administrative.
I. Qu’est-ce qu’une erreur administrative ?
2Nous ne possédons pas de théorie générale de l’erreur administrative6 : mais dans la pratique quotidienne l’erreur joue un rôle considérable, il y a une marge d’erreur tolérée, ou acceptée, dans la gestion de tout système administratif. Mais l’erreur est chose gênante, on préfère ne pas trop en parler : un taux d’erreur anormal, par exemple dans la gestion financière ou comptable, pose des problèmes aux responsables. Et certaines décisions à risques peuvent être la source d’erreurs politiques fâcheuses (des générations d’élèves de l’ENA ont été marquées par l’erreur de la réquisition des mineurs en 1963)7. Dès qu’on parle d’erreur, on se pose toujours deux questions.
3Première question : qui est responsable ? La responsabilité est-elle individuelle ? collective ? Le contrôleur ou le juge savent d’expérience qu’ils n’arrivent jamais à trouver un responsable quand une erreur s’est produite, il y a toujours eu des réunions, des décisions prises à plusieurs, des silences de la « tutelle » (qui n’a pas joué son rôle), des tolérances du cabinet (qui a « fermé les yeux ») et il est quasi impossible de « faire la part des responsabilités »8.
4Deuxième question : quelles sont les sources de l’erreur ? l’analyse des sources (le mot cause est dangereux) est difficile ; on voit bien des sources apparentes :
la négligence (on n’a pas barré à temps la décision, le cabinet n’a pas été vigilant, il a donné le feu vert sans se méfier) ;
la sottise (les bureaux n’ont pas vu les risques, ils ont été imprudents, ils étaient mal informés)9 ;
le déraillage d’un responsable, qui s’est lancé dans une chaîne d’erreurs sans que personne ne lui dise rien ;
la doctrine, des idées fausses, une mauvaise perception des réalités économiques (Alfred Sauvy rappelait toujours avec gourmandise l’erreur de la semaine des 40 heures en 1936).
5Mais l’historien doit chercher à aller plus loin, il doit se poser d’autres questions :
Pourquoi la hiérarchie, la tutelle n’a-t-elle pas bougé ? Pourquoi les systèmes de prévention de l’erreur n’ont-ils pas fonctionné ?
Pourquoi la situation s’est-elle aggravée sans que rien ne soit tenté ? Pourquoi les erreurs se sont-elles accumulées ? Les chaînes d’erreurs ne sont pas faciles à analyser, on ne sait qu’une toute partie des choses (ainsi pour le trou en 1886 de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse)10 :
Quelles sont les responsabilités des « politiques » (ministre, cabinet) ? Pourquoi n’ont-ils pas flairé le piège ? Pourquoi ont-ils laissé l’erreur devenir une « affaire » ?11
6On voit le système de questions que l’historien doit se poser dès qu’il tente d’analyser une « erreur » ; il lui faut chercher à saisir la genèse de l’erreur, trouver son mécanisme, inventorier les « responsabilités », examiner la gestion de l’erreur (que doit-on faire ? comment arrêter l’erreur ?), les mécanismes de réparation (et de sanction) politique, judiciaire, comptable, financière, et chacun de ces « segments » a sa logique, ses règles du jeu, son temps propre : l’historien a quelque peine à comprendre ces « systèmes d’erreurs ».
II. Quels sont les objectifs de l’historien ?
7Il faut bien voir quels peuvent être les objectifs de l’historien qui tente cette histoire exploratoire.
8Premier objectif : l’erreur montre, elle enseigne les mécanismes réels de l’administration ; elle souligne la valeur médiocre des acteurs, la difficulté de décider, de choisir la « meilleure solution », l’impossibilité d’avoir des contrôles, des « verrous de sécurité » efficaces, les défaillances de la tutelle, les risques que l’on prend pour réparer l’erreur (on finit par créer de nouvelles « affaires », les sanctions sont tardives ou inefficaces) ; l’historien touche là du doigt les difficultés du métier administratif.
9Deuxième objectif : l’erreur montre à nu les liens du politique et de l’administratif ; les administrateurs sont, de façon générale, couverts par le pouvoir politique pour les décisions dangereuses, à risques, ils ont obtenu le feu vert du cabinet du ministre, du Premier Ministre (il y a des bleus de Matignon)12 : l’administrateur est in principio irresponsable. Et on voit très bien là le rôle du cabinet : l’erreur ne peut avoir lieu que s’il y a eu manque de vigilance ou défaillance des conseillers du ministre, qui n’avaient pas la sûreté du coup d’œil, la capacité d’expertise nécessaires, qui n’avaient pas su lire le dossier... L’historien est mis par là à même de saisir les articulations, les connexions du politique et de l’administratif, qui varient beaucoup suivant les temps.
10Troisième objectif : l’erreur n’est pas isolée, il y a des chaînes d’erreurs qui s’étalent dans le temps, des systèmes d’erreurs ancrés dans la durée, des erreurs coutumières, répétitives, dont on n’a presque pas conscience13 : l’historien doit s’attacher à repérer ces systèmes d’erreurs, ces erreurs « en grappes », qui souvent infléchissent notablement l’action de l’administration.
11Quatrième objectif : l’historien doit chercher à analyser :
les systèmes de prévention de l’erreur : parfois on multiplie les « formes », les précautions pour prévenir les chances d’erreurs, ainsi en matière comptable on multiplie les formalités, les inspections14, les visas, les « contrôles » a priori et a posteriori, et comme dit Balzac, on calomnie l’administration pour le salut de l’administration15 ;
les systèmes de correction et de censure de l’erreur : celui qui est victime de l’erreur peut faire appel, il intervient auprès des politiques., du cabinet – qui, en principe, est chargé de régler en douceur les « difficultés »16 –, il peut dénoncer l’erreur aux corps d’inspection, recourir au juge ; il y a de multiples voies pour obtenir le redressement de l’erreur, mais c’est là un appareil très compliqué dès qu’on cherche à comprendre de l’intérieur ces mécanismes de correction (les services résistent de leur mieux, ils défendent avec acharnement leurs « thèses », ils n’obéissent pas toujours aux juges administratifs....)17.
III. Sources
12On peut hésiter à dresser une typologie des sources, car l’erreur est très liée à toute l’activité administrative (et la source la plus curieuse est le dossier personnel quand il n’est pas épuré)18.
13L’historien dispose de quatre types de sources de forme très différente :
14Première forme : les sources sécrétées par l’administration, de valeur très inégale, et pas toujours accessibles : ainsi des archives judiciaires (notamment pour de grosses « affaires », mais qui peuvent être très instructives sur les méthodes pour « liquider » une erreur), des archives policières19, des archives proprement administratives : dossiers « personnels », qui montrent souvent de singulières défaillances, dossiers d’« affaires » (le contrôleur sait que dans chaque direction il y a des dossiers difficiles, concernant des erreurs passées, qu’on dissimule volontiers et qui le plus souvent sont détruits...)20, des archives plus politiques (par exemple les délibérations de conseils généraux, ou de conseils municipaux, conservent inévitablement la trace de nombreuses erreurs de gestion, de nombreuses « défaillances », qui souvent intéressent l’historien)21.
15Deuxième forme : les rapports de contrôle, qui analysent des erreurs et facilitent considérablement le travail de l’historien, par exemple :
les rapports d’inspection (notamment de l’Inspection générale des Finances), qui concernent le plus souvent des « affaires »22,
les rapports publics de la Cour des Comptes, qui offrent de multiples illustrations pour une théorie de l’erreur administrative23,
le recueil Lebon, les arrêts du Conseil d’Etat montrant les multiples défaillances de l’administration, notamment pour la gestion du personnel : depuis l’extension du recours pour excès de pouvoir le Lebon donne de multiples pistes de recherche (quelquefois on retrouve le dossier contentieux, avec les mémoires en défense de l’administration, dans les archives des ministères)24,
les rapports d’enquêtes parlementaires sur des « affaires » importantes, depuis l’affaire du caissier du Trésor Kessner jusqu’à l’affaire Stavisky.
16Troisième forme : les sources extérieures, qui ne sont pas à négliger :
les articles de presse dénonçant les erreurs administratives, qui permettent de saisir comment une affaire est vue, comment des erreurs de gestion, des « abus » sont dénoncés (il y a parfois des campagnes orchestrées, ainsi contre les « châteaux » de la Sécurité sociale vers 1950)25,
les mémoires d’acteurs qui cherchent à se justifier immédiatement (ainsi dans l’affaire des « fiches », Ma Vérité (1905) du capitaine Mollin)26,
les travaux universitaires, qui parfois détaillent une erreur (ainsi telle thèse qui explique le trou de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse en 1882)27,
les enquêtes de journalistes qui cherchent à montrer les erreurs des politiciens (ainsi, d’André Lajeune-Vilar, La Bande opportuniste, mœurs et tripotages du monde politique en 1896, sur les affaires de corruption).
17Quatrième forme : il faut ajouter, pour les périodes récentes, les archives orales, si les interviewera ont orienté l’entretien vers l’analyse, ou l’« explication » de telle erreur administrative, par exemple dans un cabinet ministériel (quelquefois il s’agit d’erreur par omission ou abstention : « on n’a pas vu, on n’a pas su voir que...., on a toléré que... »)28 : le croisement des interviews permet de mieux saisir le mécanisme d’une « erreur ».
18On voit la difficulté d’avoir de bonnes sources ; l’historien rencontre deux difficultés majeures :
il doit avoir des sources équilibrées, permettant d’instruire l’erreur dans les deux sens (comme le juge administratif possède des mémoires des deux parties) : or les dossiers de l’administration sur les erreurs, les « affaires » sont en général ou détruits, ou épurés, ou embrouillés, on a une grande peine à se faire une opinion sur ce qui s’est passé exactement (le cas d’école est l’affaire du Centre national de transfusion sanguine, C.N.T.S., où l’on a du mal à saisir la chaîne d’erreurs)29, et très souvent on ne retrouve pas le bon dossier30 ;
il faut pouvoir coter le degré de fiabilité de la source, et bien différencier ce qui est incontestable, ce qui est contestable, ce qui est « probable », ce qui est « non-évaluable » : or ce travail critique – qui est proche de celui du juge – est très difficile, même pour des erreurs proches de nous31.
IV. Règles d’usage
19La matière est difficile : entre la négligence et le désordre, il y a place pour une analyse technique de l’erreur. Mais l’on doit observer quelques règles si l’on veut faire honnêtement son métier d’historien.
20Première règle : on doit se montrer prudent, instruire l’erreur à charge et à décharge, éviter les accusations de partialité, de mauvaise foi ; l’historien doit évaluer l’erreur, raisonner comme raisonne un contrôleur, et ce n’est pas toujours facile quand on n’a pas de « métier ».
21Deuxième règle : il est très difficile d’évaluer les « causes » humaines, politiques, techniques d’une erreur : tout ne s’explique pas par des défaillances ou par des « sottises » (il y a parfois une « conjoncture » particulière, des difficultés psychologiques). On doit examiner avec soin la genèse de l’erreur, les difficultés de règlement ou de réparation, les aspects doctrinaux (qui ne sont pas négligeables), analyser les erreurs en chaîne (pour remédier à une erreur, on prend de nouvelles décisions erronées)32.
22Troisième règle : dans chaque secteur de recherche, on doit établir une typologie des erreurs, chercher les erreurs « probables », et publier les documents qui montrent la genèse de l’erreur ; publier un rapport de contrôle, la confession d’un premier commis « corrompu »33 permet d’éviter l’histoire résumée, qui est très dangereuse et de montrer par des exempla l’ampleur d’un système d’erreurs ; comme le juge, l’historien doit avoir ses pièces à l’appui.
23Quatrième règle : on doit s’intéresser à la perception de l’erreur, à sa fortune critique : comment l’erreur humaine, l’erreur technique est-elle « reçue »34 ? Comment l’erreur administrative est-elle liée à l’erreur politique, légitimée presque par elle ? Comment l’erreur est-elle oubliée rapidement ?
24Cinquième règle : l’historien doit réfléchir sur l’erreur, son rôle dans le corps social, sa place dans la fiducia qui règle les rapports des gouvernants et des gouvernés ; ses analyses de l’erreur administrative doivent le conduire à montrer la place de l’erreur dans le désordre bureaucratique, l’importance de l’erreur moyenne, de la marge d’erreur prévisible : c’est une histoire qui montre beaucoup et apprend à raisonner sur le probable.
Conclusion
25De ces quelques observations trop brèves, peut-on chercher à tirer quelques leçons ?
26Première leçon : l’erreur est liée à toute action administrative, c’est un risque normal ; l’historien doit chercher à l’identifier, à l’analyser, à comprendre les mécanismes de prévention, de gestion, de liquidation de l’erreur.
27Deuxième leçon : pour fonder cette histoire en légitimité, on doit faire l’analyse de bout en bout de quelques grandes erreurs, en allant des « origines » au règlement définitif et à la préparation des réformes, qui doivent empêcher de « nouvelles erreurs ». Mais dans ces explorations l’historien doit être prudent, il doit savoir – tout comme le contrôleur – qu’on ne possède jamais qu’une partie du dossier, et que la responsabilité des politiques est toujours plus ou moins habilement dissimulée.
28Troisième leçon : l’historien devrait s’attacher aux aspects humains, psychologiques ; il faudrait comprendre comment le bureaucrate vit l’erreur, comment il réagit devant l’erreur : c’est parfois aussi dramatique que pour le médecin.
Notes de bas de page
1 Cf. Nicolas Grandguillaume, Théorie générale du contrôle, 1994.
2 Cf. supra, p. 109
3 Aux archives orales, l’administrateur n’aime guère parler des erreurs – erreurs de décision, erreurs de gestion, erreurs de doctrine, erreurs coutumières qu’il a « couvertes » – dont il a été responsable : l’oubli fonctionne très bien dans ce domaine (quand l’on possède un journal tenu dans un cabinet, on voit mieux les erreurs qu’on a commises).
4 Cf. supra, p. 163. Les liens de l’erreur et du désordre méritent une réflexion particulière.
5 C’est là une carence singulière (alors que chez les médecins, l’erreur fait l’objet de réflexions systématiques). Et pourtant on est bien obligé de s’intéresser aux grosses « affaires », qui sont en général le fruit d’erreurs accumulées : mais ce sont, le plus souvent, les spécialistes de sciences politiques qui s’intéressent aux « affaires ». La théorie de l’erreur (et la théorie de l’erreur probable) ne s’enseigne pas a l’ENA, on ne sait pourquoi : c’est pourtant un enseignement qui serait bien utile à 40 ans, pour éviter des erreurs.
6 Cf. Nicolas Grandguillaume, « Pour une théorie de l’erreur dans l’administration », Revue administrative, 1997, p. 608-613. Rappelons qu’une théorie de l’erreur pourrait se rattacher utilement à la théorie des erreurs de Bacon (qui les appelle idoles) ; il distingue les idola tribus qui tiennent à la commune nature des hommes, les idola specus, tenant à la nature individuelle d’un homme, les idola fori, erreurs dues au langage, les idola theatri, correspondant aux erreurs dues aux systèmes philosophiques, qui ne sont que des fictions.
7 La décision était remontée des responsables des houillères jusqu’au Président de la République sans que personne eût posé la question : et si les mineurs n’obéissaient pas ? c’est-à-dire sans que personne eût examiné les risques de la décision.
8 Des « affaires » récentes comme celles du Crédit Lyonnais ou du Crédit Foncier ont bien montré la difficulté de saisir qui est responsable.
9 La sottise est un mot un peu fort, mais il correspond à la pratique administrative : car dans toutes les « erreurs », il y a eu, avant la décision, des mises en gardes, des protestations, des petites « crises », et l’on n’a pas voulu écouter les contestataires, par vanité ou par orgueil bureaucratique (il est très difficile de renoncer à un projet qu’on a lancé).
10 Depuis le début de la Caisse (créée en 1850) les assureurs, les experts déclaraient que la Caisse des Dépôts s’était trompée dans ses calculs actuariels, la Direction de la Dette inscrite et la Caisse ne voulaient rien entendre ; l’actuaire de Kertanguy avait, en 1876, montré dans le Journal des actuaires tous les risques financiers que présentait la Caisse, personne ne voulut l’écouter. Si bien que le trou apparent s’élevait à plus de 40 millions en 1882 ! Nous avons publié les critiques de Kertanguy sous le Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, n° 23, 1991, p. 229-241, et une analyse de la crise par Pierre Librez (dans une thèse de 1906, La Caisse nationale des retraites pour la vieillesse), ibidem, p. 243-253.
11 L’exemple type est donné par l’affaire au CNTS (Centre national de transfusion sanguine) où aucun des cliquets de sécurité n’a fonctionné. Or dans la plupart des erreurs économiques et financières on trouve le même schéma.
12 On voit bien par là que les historiens de l’administration auront toujours de grandes difficultés tant qu’ils n’auront pas accès aux collections de ces bleus, c’est-à-dire des relevés de décisions des réunions interministérielles, en principe confidentiels (mais on les retrouve parfois dans les dossiers des cabinets).
13 Il nous manque une théorie de l’erreur coutumière (par exemple en matière budgétaire, et en matière fiscale).
14 Mais la multiplication des mécanismes de prévention ne peut que freiner l’erreur, non la supprimer : on le voit bien avec les détournements de fonds d’agents des PTT, souvent non négligeables et qui sont de tout temps.
15 Ces mécanismes de contrôle alourdissent sensiblement la gestion et ne sont pas toujours très efficaces (un contrôleur financier ne peut pas toujours empêcher une grosse erreur).
16 Par exemple, un député peut intervenir auprès d’un ministre en cas de refus de naturalisation, et le dossier de naturalisation est examiné au fond par le conseiller technique du cabinet, qui peut démentir le service : c’est une soupape de sûreté fort utile, car les services ont souvent des « préjuges » en ce domaine.
17 Le Conseil d’Etat s’est longtemps plaint de l’inexécution de ses décisions par l’administration, qui oubliait d’appliquer les arrêts.
18 Dans le dossier personnel, on a les plaintes, ou les justifications de l’intéressé, qui sont souvent très significatives (par exemple dans les dossiers de préfets ou d’ingénieurs des Ponts et Chaussées).
19 La série F7 des Archives nationales peut être la source de belles trouvailles.
20 La Cour des comptes rappelle de temps en temps ces dossiers douteux, ces cadavres dans le placard, qui sont en général oubliés avec soin (le contrôleur les découvre avec étonnement, personne ne consent à lui en parler).
21 Prenons un exemple simple : en 1930 on découvre dans la Nièvre que le service des enfants assistés a commis de graves irrégularités, notamment pour les comptes de tutelle des pupilles, l’Inspection générale des finances vient enquêter, le Conseil général s’émeut de la gestion d’un service qui était au-dessous de tout (cf. Conseil général, Procès-verbaux des délibérations..., 29 octobre 1931, p. 307).
22 Les rapports de l’Inspection sont conservés, mais leur accès est difficile. Pour le XIXème siècle, on possède des rapports sous la Restauration qui montrent bien la technique du contrôle des défaillances de gestion (nous avons publié un rapport de 1817 sur l’hospice de Barcelonnette, de l’inspecteur L. de Villebois, Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, 1996, n° 33, p. 165-172).
23 Une typologie de l’erreur administrative pourrait être dressée en analysant les rapports publics, notamment à partir des années 1950. Rappelons que les rapports d’instruction particuliers, qui servent à l’élaboration du Rapport public, ne sont pas communicables.
24 Nous avons ainsi retrouvé le dossier de l’arrêt de Delle Bobard au ministère de la Guerre, qui contient le rapport au Ministre expliquant les raisons du décret attaqué : on voit mieux les raisons de l’« erreur ». Mais en général les dossiers du contentieux sont rarement gardés dans les archives des ministères, et le Conseil renvoie leurs mémoires aux parties, ce qui est bien dommage.
25 La Fondation nationale des sciences politiques conserve, en principe, des dossiers de presse bien fournis (et de même certaines archives de grandes banques).
26 Les « fiches » du général André peuvent être considérées comme une erreur technique, couverte par le pouvoir politique.
27 Cf. la thèse de Pierre Librez citée à la note 10.
28 Par exemple pour l’erreur budgétaire (un bon exemple en est donné par le refus des responsables de l’Education nationale de demander des crédits pour l’application de la réforme Fouchet au budget 1967-1968, ce qui a provoqué, en partie, la crise dans certaines Facultés de lettres). Les archives orales permettent de détecter des erreurs de gestion dont « personne ne parle », qui sont restées « entre initiés ».
29 Cf. Michel Massenet, La transmission administrative du SIDA, 1991 : ce conseiller d’État a bien montré la chaîne d’erreurs.
30 On le retrouve dans les archives privées : le rapport Plytas sur l’affaire Stavisky était conservé dans des archives privées.
31 Pour des « affaires » anciennes, quand on examine les dossiers techniques, on s’aperçoit bien des mécanismes de l’erreur : par exemple dans l’affaire de la Caisse Lafarge sous l’Empire, on voit bien comment le ministre des Finances Gaudin a commis l’erreur de « garantir » la bonne gestion de la Caisse de 1803 à 1808 ; dans l’affaire de l’Institution Sainte-Périne en 1807-1812, on saisit comment le Conseil d’Etat avait pris en 1808 un décret pour la reddition des comptes du directeur, qui conduisait à une série d’erreurs, etc. : mais il faut publier l’ensemble des documents pour bien saisir le cheminement de l’erreur.
32 Ainsi pour l’affaire du trou de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, supra, note 10.
33 Ainsi le mémoire du Premier commis du Trésor, Roger, qui explique en 1812 les erreurs commises dans la crise du Trésor en 1805.
34 Par exemple, dans l’affaire récente du Crédit Lyonnais, l’historien doit noter la vigueur de la riposte d’Haberer dans sa réponse au rapport de la Cour des Comptes en 1996 (elle est publiée en annexe du rapport).
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