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Pour une histoire des contre-pouvoirs

p. 203-210


Texte intégral

1Comment peut-on parler du jeu des contre-pouvoirs ? Rien n’est plus flou que la notion de contre-pouvoir, et la science administrative préfère ne pas en parler1. Toute organisation sécrète une contr’organisation : c’est sans doute une évidence, mais pour l’administration présente ou passée, la littérature est quasi inexistante2. Or il faudrait pouvoir décrire par le menu ces mécanismes multiples de conflits, de dissimulation, de persuasion, de manipulation, que représente un contre-pouvoir, les enjeux de pouvoir, les spéculations, les techniques d’influence et de « contrôle », les collusions, les phases de croissance ou de décroissance (un contre-pouvoir vieillit plus ou moins bien) : dans l’administration les contre-pouvoirs – l’expérience le montre – ont une influence réelle sur la marche des affaires, mais on préfère oublier leur existence « irrégulière ». Certes on reconnaît leur importance dans la vie des entreprises (il y a des clans, des maffias d’école, des groupes prêts à contester le Président, à provoquer son départ)3, mais il ne paraît pas « convenable » de montrer le jeu des contre-pouvoirs dans l’administration, alors même que depuis 1945 les changements politiques ont fait apparaître l’importance des « clans d’opposition » dans les ministères (ceux qui n’ont plus le pouvoir cherchent à s’allier, ils espionnent, ils « s’informent »)4 : c’est un phénomène permanent5. Pour l’historien de la bureaucratie, la théorie des contre-pouvoirs est un outil efficace, qui permet de mieux lire les documents, de décrypter le jeu des intérêts et des passions des bureaucrates, mais elle suppose une certaine expérience de la vie administrative. Cherchons à analyser les principes de ces contre-pouvoirs et à examiner les conséquences pour l’historien.

I. Qu’est-ce qu’un contre-pouvoir ?

2On a quelque peine à définir un contre-pouvoir, qui n’a pas de véritable existence, qui vit à la marge. C’est, déclare un spécialiste de science politique6, « un ensemble de pressions, de résistances, de connexions, d’infiltrations, de querelles plus ou moins ouvertes, de renseignements, d’espionnage, de contre-mesures, de compromis, de complicités, c’est un faisceau de décisions médiocres, de rivalités de personnes, d’idées, d’intérêts, d’équilibres incertains, coutumiers, invisibles, d’alliances tacites, de rêveries, de coutumes contraignantes » : certes cette définition est des plus floues, mais elle intéresse l’historien de la bureaucratie, car elle donne le contrepoids exact d’une définition de la hiérarchie, ou du pouvoir hiérarchique, qui assigne des rôles déterminés aux acteurs et leur impose une discipline, des règles du jeu . Les contre-pouvoirs n’ont pas de règles, pas d’objectifs précis, ils n’ont que des rapports équivoques avec l’intérêt général (ce n’est parfois que des coalitions d’intérêts particuliers) et ils vivent souvent de leur opposition à la hiérarchie « légitime »7 : ce qui complique la tâche de l’historien. Pour la bureaucratie il convient de faire des analyses à deux niveaux :

3Premier niveau : au plus bas niveau, dans une sous-direction ou direction, on constate, à l’expérience, des clans, des oppositions, des « baronnies », par exemple tel sous-directeur (ou chef de service) a une autorité personnelle, une ancienneté, une autonomie – et une capacité administrative – qui lui permettent de s’opposer, ou sournoisement, sans le dire, ou ouvertement (ce qui est plus rare), aux autres sous-directeurs, au directeur et même à l’orientation générale de la direction ; en fait, il est inamovible (on peut changer un directeur, il est très difficile, pour un cabinet, d’obtenir le départ d’un sous-directeur). Il a parfois en tutelle des intérêts professionnels importants, avec qui il a partie liée, des intérêts communs « objectifs », souvent il a une doctrine personnelle, des idées à lui, qu’il cherche à imposer. Parfois un groupe d’agents unis par des liens d’amitié, ou des liens politiques ou idéologiques, ont une ligne propre opposée à celle du directeur, ou du cabinet, et en sous-main ils critiquent, livrent des batailles souterraines, connues des seuls initiés, qui peuvent durer des années...

4Deuxième niveau : la bureaucratie est en elle-même un contre-pouvoir vis-à-vis des hiérarques politiques, qui sont soumis à des variations, des pressions : elle est stable, elle a la durée pour elle, elle a ses propres buts de guerre, sa propre conception de l’intérêt général, elle peut servir de contrepoids en cas de crise politique, freiner le pouvoir politique ; sous la IIIème République où (en apparence) il y a omnipotence du pouvoir parlementaire, les bureaux ont joué efficacement le rôle de contrepoids et ils avaient de multiples moyens de pression sur le Parlement8.

5On voit là l’importance d’une théorie des contre-pouvoirs pour l’historien : elle lui permet d’entrer dans un monde mal connu, de saisir des formes de pouvoir imparfaites ou inachevées, des « enjeux de pouvoir » qui échappent au premier regard : mais il n’est pas commode d’examiner au fond les ambitions, les méthodes, les discours, les intérêts des contre-pouvoirs.

II. Fondements d’une analyse

6Comment peut-on saisir ce jeu des contre-pouvoirs, démonter leur mécanisme ? Donnons quelques exemples « pratiques ».

7Premier exemple : les contre-pouvoirs dans une direction ou sous-direction. Quand on analyse une direction lors d’un audit, on doit bien saisir le rôle des anciens, qui appartiennent à d’« anciennes équipes » ou qui ont été attachés à un directeur disparu (« qui a fait leur carrière »)9 ; on découvre qu’il y a des oppositions larvées, des réticences, des critiques « en pointillé » (portant souvent sur des points de doctrine importants, dont précédemment « on avait oublié de vous parler »), des fractures plus ou moins avouées (on n’envoie pas X aux réunions à Matignon...). Or ces anciens exercent parfois un véritable contre-pouvoir, car ils ont pour eux l’expérience, la durée, une sorte de « légitimité », mais ce contre-pouvoir à des formes « classiques » :

  • il ne se montre pas à nu, il est souterrain ;

  • il joue pour certaines nominations : il pousse tel pion, telle carte, il favorise X et torpille Y ;

  • il dissimule ses ambitions, il vit à l’ombre, en attendant un « renversement de tendance », il peut, par ses collusions avec la presse, diffuser des critiques contre la « politique officielle » ;

  • il est souvent divisé sur lui-même (ce sont souvent des coalitions temporaires d’intérêts).

8Un rapport d’audit qui n’identifie pas ces contre-pouvoirs risque de passer à côté de choses importantes.

9Deuxième exemple : un contre-pouvoir peut être reconnu, « patenté » : ainsi le syndicalisme des fonctionnaires a pour mission en quelque sorte légale de former un « contre-pouvoir »10, qui aspire à contrôler la gestion des carrières, et voudrait même – l’expérience le montre – contrôler la gestion quotidienne (il a parfois, depuis 1936, des représentants au cabinet, officiels ou officieux...)11. Suivant les ministères les méthodes sont plus ou moins discrètes12 – ce qui explique, par derrière les querelles apparentes, la multitude des compromis tacites ou exprès.

10Troisième exemple : un contre-pouvoir peut avoir des aspects doctrinaux, mettre en avant des théories qui peuvent diviser les experts, créer des tensions à l’intérieur même des services (par exemple en matière de déréglementation13, ou de délégation de service public) ; ces querelles doctrinales risquent d’être dangereuses quand elles dérapent, suscitent des querelles passionnées, des coalitions « objectives » d’intérêts : mais c’est là un aspect difficile à saisir.

11Quatrième exemple : quand un nouveau cabinet arrive dans un ministère, il a tout intérêt à procéder à un inventaire de ces contre-pouvoirs – sinon il prend des risques, il peut être piégé à son insu ; il vaut mieux connaître les « liens » de tel ou tel hiérarque, les querelles de « clans » qui agitent telle direction depuis vingt ans. Or un état des lieux fait apparaître trois types de contre-pouvoirs :

  1. les contre-pouvoirs tenant à des équipes successives (ce sont presque des couches géologiques) : tel directeur a occupé tel poste, « c’est un fidèle de X » ; tel inspecteur général appartient à tel « clan ».

  2. les contre-pouvoirs tenant aux syndicats plus ou moins puissants ; dans certains ministères14 il vaut mieux connaître leurs « bastions », leurs alliés ou affidés, leur influence « traditionnelle » à Matignon ou à l’Elysée ou dans tel parti, il faut chercher à définir leur système d’influence sur les nominations, ou sur les services extérieurs (tout n’est pas « sur la place publique »).

  3. les contre-pouvoirs tenant aux satellites de toute sorte : grands établissements sous tutelle (par exemple les satellites du Trésor, ou du Travail), grandes institutions (de type CEA ou EDF), fédérations professionnelles sous contrôle... Ce sont là des contre-pouvoirs ouverts, qui ont des objectifs propres (des buts de guerre affichés), des moyens d’influence (notamment dans la presse), qui possèdent des affidés, des hommes liges, des défenseurs dans les directions, les cabinets : tout conflit léger risque de dégénérer en querelle dure, en bras de fer (et il y a toujours de fort anciens contentieux avec la « tutelle »). L’historien a tout intérêt à être attentif à ces mécanismes d’influence des satellites, car ils pèsent beaucoup dans les grandes décisions.

12On voit qu’il n’est pas facile de cerner le phénomène de contre-pouvoir, la théorie générale n’en est pas faite15, et on a quelque peine à saisir le caractère souterrain des méthodes de pression, l’importance des enjeux, la durée et la gravité des conflits : en fait un contre-pouvoir est un système autonome qui secrète ses propres règles.

III. Conséquences

13Quelles conséquences peut-on en tirer pour l’histoire de la bureaucratie ? Le contre-pouvoir est un outil d’analyse dont on mesure mal combien il dérange les analyses habituelles (il oblige à voir les crises et conflits de toute nature sous un autre angle)16.

14Première conséquence : pour l’histoire d’une direction il convient d’examiner avec soin l’existence et l’influence de ces contre-pouvoirs, d’en dresser un inventaire précis, d’analyser les sources documentaires ; la diplomatique des contre-pouvoirs n’est pas aisée à établir, on possède des peluriers, des dossiers de principe, des dossiers de tutelle ou de conflits, des dossiers de personnel – souvent peu significatifs17 –, mais la source la plus importante tient sans doute aux archives orales (de la direction, du cabinet) quand le questionnaire est bien orienté. En principe, l’analyse des contre-pouvoirs devrait aider à mieux comprendre le système de la direction, les limites de son action (ce sur quoi personne en général ne dit le vrai aux archives orales ni dans les rapports).

15Deuxième conséquence : l’historien doit montrer une grande prudence pour deux raisons :

  1. l’enquête orale sur les contre-pouvoirs, leur influence, leur « pesanteur », n’est pas facile ; les réponses sont souvent décevantes, car les acteurs ne connaissent pas toujours le jeu des influences des contre-pouvoirs (surtout s’il y a une partie souterraine, occultée volontairement), et les réticences sont grandes, il y a des choses dont il n’est pas convenable de parler. De plus les témoignages sont biaisés :

    1. tout est vu en termes de conflits (une poussière de menus conflits), ce qui n’est pas toujours conforme aux pratiques réelles (il y a beaucoup de connexions, de collusions, de coopérations tacites) ;.

    2. même dans une administration bien des choses demeurent inconnues (il y a des systèmes d’information, de délation18, qui restent dans l’ombre) et un directeur « de passage » se fait souvent beaucoup d’illusions19.

  1. certaines influences sont difficiles à saisir, par exemple les influences religieuses ou « philosophiques », qu’on surestime beaucoup20 ; elles sont variables dans le temps, elles n’ont pas toujours d’objectifs bien précis, ou du moins certains (il y a beaucoup de « rêveries ») : on peut bien saisir le jeu des promotions et nominations, mais au delà ? De même il n’est pas facile d’analyser l’influence de grands organismes, comme la Fédération hospitalière ou le Syndicat national de l’industrie pharmaceutique au Ministère de la Santé : personne n’est à même de mesurer leur poids réel21. Faut-il rappeler que celui qui est nommé sur telle ou telle « influence » peut être infidèle, « ne pas renvoyer l’ascenseur » ? Il faut que l’historien relise Le voyage de M. Perrichon... De façon générale il y a un risque certain de surestimer l’influence de contre-pouvoirs flous, qui n’ont pas d’objectifs précis (à la différence de contre-pouvoirs « ouverts » comme les syndicats, mais il y a souvent un grand écart entre les objectifs affichés et la pratique quotidienne).

16Troisième conséquence : le « système » des contre-pouvoirs oblige à voir que l’histoire de la bureaucratie n’est pas chose mécanique, qu’elle doit tenir compte de phénomène tacites, ou souterrains ou clandestins ; un contre-pouvoir doit très souvent user de voies détournées, obliques, « abritées » (sinon il risque de subir des représailles, de provoquer des contre-mesures qui peuvent être dangereuses). Or quels sont les moyens d’action d’un contre-pouvoir ? La liste est longue et il faudrait un jour esquisser une typologie des règles du jeu ; donnons quelques exemples :

  • nominations, avancements à des postes exposés, stratégiques (ou à des postes « abrités », qui donnent la durée) ;

  • système de renseignements (que veut le nouveau ministre ? quel est le poids du cabinet sur le ministre ? que vont-ils faire ?) ;

  • système d’influence (X nous est favorable, nous n’avons aucune action sur Y) ;

  • système de réseaux en grappe ou en étoile (on regroupe des proches, et des moins proches, on établit des « liens ») ;

  • formes de corruption douce (on offre des postes de pantouflage, ou l’on fait espérer de belles carrières) ;

  • utilisation de l’arme de la presse (les « fuites » supposent bien des complicités, à des niveaux très différents), on a des journalistes « amis » qu’on « informe » ;

  • utilisation des publications syndicales pour dénoncer tel hiérarque (c’était la pratique avant 194022, elle est presque disparue) ;

  • construction doctrinale (on cherche à nourrir de réflexions un parti d’opposition, ou un « courant », un « club », de façon à contrer la doctrine officielle en utilisant plus ou moins habilement les « bonnes informations ») ;

  • alliances d’intérêts avec d’autres contre-pouvoirs (il n’y a pas un seul contre-pouvoir, mais plusieurs, et ces « coalitions » peuvent être dangereuses pour un directeur menacé) ;

  • négociations avec le cabinet, discrètes, avec des émissaires, ou ouvertes (on cherche des « compromis fructueux ») ;

  • dénonciations (d’un hiérarque, d’un « clan » ou d’une thèse) ;

  • recherche d’une influence au Parlement, avec des députés affidés, qu’on « informe » (ce qui permet de s’opposer au ministre, parfois de diminuer son crédit) ;

  • lancement de rumeurs, de suspicions, mises en doute (quand on veut attaquer une personne, ou une politique) ;

  • lancement de « torpilles » : on cherche à pousser à la faute le directeur ou le cabinet23, on « provoque » des « affaires » (en fait, pour x affaires émergées, il y en a beaucoup d’autres qu’on a cherché en vain à lancer) ;

  • manipulation de l’opinion, avec l’aide discrète de journalistes « amis » ou « bien informés », qui ont, eux aussi, leurs propres objectifs.

17Ce ne sont là que quelques exemples de manœuvres : on voit qu’il s’agit avant tout 1° de peser sur les décisions, 2° de discréditer, de déconsidérer, de torpiller, c’est-à-dire d’agir sur l’opinion, 3° de chercher des renseignements (on a besoin d’être au courant, de savoir « ce qui est préparé », pour réagir à temps et élaborer des contre-mesures). Or pour l’historien les traces sont bien peu nombreuses : les archives orales ne peuvent guère montrer comment on gère un contre-pouvoir, les dossiers du personnel sont vides en général et une bonne manipulation, par construction, ne peut être « reconstituée »24 .

18On peut certainement affiner cette typologie (par exemple un contre-pouvoir peut exciter les rivalités de personnes, aviver les querelles entre le cabinet et les directeurs, et – cas le plus fréquent – infiltrer le cabinet). En fait il s’agit de moyens coutumiers, et l’action des contre-pouvoirs, plus ou moins diluée, plus ou moins réfléchie, aboutit souvent à des équilibres précaires (personne n’a intérêt à la guerre, en dehors des périodes électorales où se multiplient les heurts de personnes et de clans, et les « affaires »). Un historien doit être attentif à cet aspect coutumier, il y a des contre-pouvoirs (ainsi pour les syndicats d’enseignants) qui ont de longues traditions, enracinées dans la durée (les moyens d’informations et de pressions sont « traditionnels », la clientèle compte sur les pouvoirs de syndicats, qui finissent par pratiquer, sans trop le dire, une cogestion)25 : en fait nous n’avons pas encore de bonne monographie de contre-pouvoir.

Conclusion

19Cherchons à dégager quelques leçons.

20Première leçon : pour étudier les périodes de crise de la bureaucratie il faut faire la part de ces contre-pouvoirs, étudier leur genèse, leurs objectifs, leurs moyens d’influence, la façon dont ils contrebattent les autorités officielles.

21Deuxième leçon : l’histoire d’une direction – ou d’une institution – doit s’appuyer sur une analyse des contre-pouvoirs successifs, de la coutume des contre-pouvoirs (il y a des batailles de clans – ou de doctrine – qui ont duré trente ans ou plus).

22Troisième leçon : il faudrait examiner comment on gère, ou on « administre » un contre-pouvoir : qui l’organise, qui l’utilise, qui lui donne des buts de guerre (la « belle âme », le militant est parfois « manipulé » par les doctrinaires ou les « politiques ») : rien n’est simple en ce domaine, il y a souvent des dupes, et la part du mensonge, de la fiction – et de la manipulation – est grande dans tout contre-pouvoir « mal géré ».

23Quatrième leçon : l’historien devrait s’intéresser aux méthodes de surveillance des contre-pouvoirs (un cabinet est obligé parfois de prendre des contre-mesures, de surveiller leurs sources d’information, de « mettre sous surveillance » une direction où les luttes de clans sont trop vives) ; ce jeu des pressions et des contre-pressions est des plus complexes dans les ministères, comme la Santé ou l’Education nationale, où les contre-pouvoirs sont coutumiers.

Notes de bas de page

1 On trouvera une courte analyse, P. L., « Les contre-pouvoirs », Revue administrative, 1995, p. 601-602.

2 On voit bien pourquoi : on a plutôt tendance à parler de l’unité de l’administration, non de ses désordres internes, on croit naïvement à des modèles administratifs.

3 L’histoire récente de Suez ou de Paribas donnerait de bons exemples, et la pratique de l’audit montre tout l’intérêt d’une analyse des contre-pouvoirs.

4 L’histoire de la Restauration de 1815 à 1825 montre bien le jeu de l’alternance d’équipes (quand on pourra exploiter les archives de Decazes, on comprendra mieux l’attitude de l’administration).

5 Toute hiérarchie crée une contr’hiérarchie (même dans l’univers militaire). Faut-il rappeler que toute petite communauté qui a ses règles provoque une contre-société souterraine, clandestine, qui secrète d’autres règles, ainsi dans les pensionnats, ou les prisons ?

6 P. L., article cité supra, p. 601.

7 Dans son esquisse précitée P. L. insiste beaucoup sur cette notion de légitimité : « Le contre-pouvoir s’en prend à un pouvoir légitimé ou “légitimé” par l’usage, l’habitude, qu’il considère comme inadapté, ou arbitraire ou injuste ».

8 Les bureaux, en fait, fabriquaient la loi, les députés n’ayant pas les compétences voulues ou étant trop liés à des « groupes de pression ».

9 Un fonctionnaire fait carrière sur 40-45 ans : il a pu appartenir à des équipes successives.

10 Mmc Siwek-Pouy desseau a multiplié les analyses historiques de ce contre-pouvoir syndical « légitime » (Le syndicalisme des fonctionnaires jusqu’à la guerre froide, 1989, Les syndicats de fonctionnaires depuis 1948, 1989, Les syndicats des grands services publics de l’Europe, 1993) qui, si on les décode bien, donnent des pistes de recherche et des exempla.

11 Le cabinet du Ministère du Travail depuis 1945 mériterait une étude (en y comprenant les « officieux »).

12 L’exemple de l’ancien ministère des PTT est suggestif, le syndicalisme était très bien implanté dans la hiérarchie du ministère (notamment à la Poste).

13 Ainsi il y a eu une crise dans les années 1960 dans l’ancienne Direction des Prix du Ministère des Finances, qui mériterait une étude détaillée, et le cabinet dut réagir vivement contre les « interventionnistes ».

14 Aussi à l’Education, à la Santé, au Travail.

15 Une théorie générale devrait sans doute inclure l’influence par exemple des grands corps techniques (par exemple le corps des Mines, quand il était tenu d’une main ferme) ou de certains grands clients de l’Etat (notamment pour les industries d’armement) qui ont une autorité certaine.

16 Une histoire des contre-pouvoirs touche à l’histoire des crises administratives, à l’histoire du clandestin, à l’histoire de l’imaginaire (les contre-pouvoirs rêvent beaucoup, leurs dirigeants ont beaucoup d’illusions, et les militants sont parfois dupés), à l’histoire des personnalités administratives, elle utilise des méthodes probabilistes (rien n’est certain en ce domaine, on n’a que des petits faits plus ou moins « probables »).

17 En fait ce sont les anciens des bureaux du personnel qui pourraient expliquer comment une « nomination » se fait, et par quels cheminements.

18 Cf. « Sur la dénonciation », Revue administrative, 1997, p. 52.

19 Ce qui est le plus difficile à saisir, ce sont les coalitions de médiocres qui contestent sans contester, guettent le faux pas, parfois cherchent noise et « attendent leur heure » : ce sont les tarets de Balzac dans les Employés. Mais nous n’avons pas encore, une théorie de la médiocrité bureaucratique.

20 Ainsi à la Santé, à l’Intérieur, à l’Éducation Nationale.

21 Ils ont la porte ouverte chez les conseillers sociaux du Premier Ministre ou du Président de la République.

22 Dès 1841 la France administrative pratiquait cette méthode de dénonciation.

23 On prépare une circulaire risquée, qui représente un piège pour le directeur ou le cabinet quand ils n’en voient pas les conséquences.

24 En principe on ne peut remonter à la source (sur les principes d’une manipulation, cf. P. Lenain, La manipulation politique, 1985, p. 17 et suiv.).

25 On ne fera pas l’histoire du règlement de la crise de 1968 à l’Education nationale sans tenir compte de ces règles tacites de cogestion.

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