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Ouverture

p. 275-276


Texte intégral

1Sur le thème qui nous occupe cet après-midi « Aux origines de l’euro », je souhaiterais en introduction poser quelques questions en tant qu’économiste. J’imagine en effet que les historiens dans ce débat sur les origines de l’euro n’ont peut-être pas tendance à privilégier la même question que celle que je vais évoquer. Quand on essaye de comprendre et de mettre en perspective l’histoire – je ne sais pas s’il faut dire de l’organisation monétaire de l’Europe parce qu’au début ce n’était pas nécessairement une organisation, disons, l’histoire de la coopération monétaire en Europe – il me semble qu’il faut chercher à l’expliquer à partir de deux arguments qui me paraissent d’ailleurs plus complémentaires que concurrents. Il y a un premier argument qui consiste à dire : la coopération monétaire s’est développée parce que cela correspondait au fond aux ambitions de l’Europe à certains moments, et cela correspondait à la façon dont on abordait le problème central de la construction européenne qui est celui de la séquence. Où place-t-on la monnaie dans cette séquence vers la construction d’une Europe, est-ce qu’on la met au début, au milieu ou à la fin ? Ce débat on l’a eu évidemment avec l’euro mais on l’a eu avant l’arrivée de l’euro, et il me semble qu’il y a d’abord un effort à travers l’idée de coopération monétaire, puis ensuite d’organisation monétaire de l’Europe. Il y a l’affichage par l’Europe de ses ambitions par rapport à une certaine vision qu’elle a pu avoir à certains moments, de la façon dont elle percevait sa propre construction. Et puis deuxième cause ou facteur : à certains moments on a pu être amené à faire des sauts qualitatifs dans un processus non linéaire d’organisation monétaire et financière de l’Europe. Il y a cinquante ans, cela avait peut-être un sens plus qu’aujourd’hui de distinguer le monétaire et le financier, aujourd’hui en 1999, cela n’en a plus du tout. Je répète, puisqu’on fait de l’histoire économique monétaire et financière, il faut bien voir que la portée de ce clivage entre le monétaire et le financier a évolué au cours du temps. Derrière ces efforts d’organisation et de coopération monétaire en Europe, il y a aussi des raisons qui sont un peu plus négatives, qui sont au fond la riposte de l’Europe face à ce qui se passe en dehors de l’Europe. On va le voir dès la première intervention, et je pense que ce sera un point qui reviendra à l’ordre du jour : dans quelle mesure la coopération monétaire de l’Europe est-elle un élément endogène, réponse à des évolutions ou à des turbulences intervenues dans le système monétaire international ? Car c’est au fond une deuxième explication qui va être abordée tout de suite par la communication d’Olivier Feiertag sur la période 1959-1962, mais que l’on va retrouver à propos du plan Werner-Barre en 1969-1970 ; du point de vue historique, cela se passe un an après les débuts du craquement du système de Bretton Woods. C’est très difficile de savoir à partir de quand le système commence exactement à vaciller. Mais souvent du point de vue des historiens et des économistes, on considère que cela débute en 1968, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les événements de Mai 1968 mais plutôt avec le financement de la guerre du Vietnam. Donc il faut bien voir qu’un aspect du débat que nous aurons c’est qu’il faut passer de la corrélation à la causalité, sujet central pour les économistes mais aussi pour les historiens. Est-ce le fait que le plus souvent l’Europe a réalisé des sauts qualitatifs en matière de coopération monétaire après des turbulences venues de l’extérieur ? Cette corrélation un peu décalée dans le temps peut-elle être une hypothèse sur la causalité ?

2Donc, je résume en disant voilà les deux questions qui m’intéressent pour essayer d’expliquer a posteriori les progrès dans les coopérations, ce qui est dû à nos ambitions propres et notre vision de la construction européenne et ce qui est dû, au fond, aux turbulences et aux chocs dans le système monétaire et financier international.

3Je m’arrête là et je passe tout de suite la parole à M. Olivier Feiertag qui est maître de conférence à Paris-X et qui va centrer son attention sur la période de 1959 à 1962.

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