Allocution introductive
p. 1-2
Texte intégral
1En présentant ce colloque, il me faut dire qu’il est le fruit d’une longue préparation. Longue préparation exigée par un sujet en grande partie neuf et, aussi, d’une très grande ampleur. Les organisateurs ont pu compter sur les réflexions d’un comité de pilotage formé d’historiens et sur le concours de nombreux témoins et acteurs.
2Nous sommes partis, René Girault et moi, d’un constat. Les historiens qui se sont penchés sur l’histoire de la construction européenne se sont surtout basés sur les archives des Affaires étrangères et sur celles des Communautés où les conditions d’accès se sont révélées plus faciles. En préparant l’histoire de la Haute Autorité de la CECA, j’avais pour ma part été frappé par la discrétion de la rue de Rivoli alors que, côté allemand, le ministre de l’Économie intervenait sans cesse. Ludwig Erhard, apôtre de l’économie sociale de marché, se montrait allergique à la CECA, expérience dirigiste. Il a maintes fois fait pression sur le chancelier Adenauer. On peut remarquer aussi que les prises de positions des Pays-Bas étaient souvent l’expression des vues du ministère de l’Économie. Le ministère français des Finances semble donc avoir laissé à d’autres, notamment au ministère de l’Industrie et du Commerce, le soin de défendre les intérêts de la France à Luxembourg et de faire avancer éventuellement la construction européenne. S’est-il plus largement investi ailleurs, et plus tard à Bruxelles ? C’est une question qu’il faut poser. En tout cas, il nous appartenait de mieux cerner le rôle des ministères des Finances et de l’Économie au sein de l’Europe des Six. Tout en estimant nécessaire bien sûr de voir aussi quelles étaient les préoccupations des Anglais. Bien sûr les questions qui se posent à propos de la rue de Rivoli valent aussi pour les partenaires de la France.
3Quel a été le rôle des Finances dans les différentes étapes de la construction européenne entre 1957 et 1978, dans la préparation du traité de Rome, la mise en route du Marché commun, les problèmes de la PAC, la crise de la chaise vide, etc.? Comment ont réagi les différentes directions, les hauts fonctionnaires face aux problèmes généraux et naturellement aussi face aux questions plus techniques ?
4Adversaires de l’intégration et partisans de l’Europe se côtoient-ils ? Sont-ils en accord avec la vision européenne des ministres qui se succèdent rue de Rivoli ? Quelles sont leurs motivations ? Acceptent-ils volontiers de siéger dans les organisations européennes ? Doivent-ils tenir compte des divergences entre les ministères compétents, Affaires étrangères, Industrie, Commerce, etc.? A-t-on apporté hors de l’Hexagone les mêmes réponses, ou d’autres, à ces différentes questions ?
5Compte tenu de l’ampleur du sujet et de la nécessité de s’appuyer sur une approche concrète, le comité de pilotage a retenu quelques thèmes majeurs qui apparaissent dans le programme de nos cinq demi-journées. Ils sont abordés plus ou moins largement et par divers biais dans les communications qui vont être présentées.
6Il est clair que nous ne prétendons pas épuiser un sujet qui offre encore de très belles pistes de recherche. Mais je voudrais d’ores et déjà souligner quelques motifs de satisfaction. D’abord la collaboration entre historiens et acteurs. Bien des points ont été connus, éclairés, grâce à l’apport des témoins. On sait bien que les archives ne livrent pas tout, et je ne peux m’empêcher de rappeler une confidence que m’a faite Paul Delouvrier à propos de la CECA : « On se réunissait à Paris, Clappier, Donnedieu de Vabres et moi, on réglait les problèmes et on ne faisait pas de P-V ». Il faut donc se réjouir du concours de ces acteurs qui se sont pleinement impliqués dans notre recherche comme en témoignent les journées préparatoires sur les problèmes monétaires et fiscaux.1
7Naturellement, il y a aussi un sujet de satisfaction lorsqu’on obtient la participation d’historiens étrangers venus nous instruire sur l’attitude des ministères néerlandais, allemand, italien, anglais et même américain.
8Enfin, comment ne pas se réjouir de la présence, parmi les intervenants, de nombreux jeunes chercheurs qui ne se sont pas laissés rebuter par un sujet austère souvent difficile à aborder compte tenu de l’ouverture plus ou moins large des archives. Ils apporteront beaucoup de neuf, et j’espère qu’ils feront des émules d’autant plus facilement que de nouveaux fonds d’archives des Finances seront accessibles.
9Je vais maintenant vous faire part de quelques réflexions de notre ami René Girault cloué sur un lit d’hôpital. Il a beaucoup travaillé à la préparation de ce colloque. Nous regrettons bien sûr très vivement qu’il ne puisse pas être des nôtres et nous l’assurons de notre très chaleureuse sympathie.
Notes de bas de page
1 Voir le tome II
Auteur
Raymond Poidevin (†), professeur émérite à l’Université de Strasbourg III, a publié Histoire des débuts de la construction européenne : mars 1948- mai 1950, Bruylant, LGDJ, 1986 ; Histoire de la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier : une expérience supranationale, Bruylant, 1993 ; Les relations économiques et financières entre la France et l’Allemagne de 1898 à 1914, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, réédition.
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