IV. Scepticisme et histoire économique
p. 209-219
Texte intégral
1Peut-on parler de scepticisme en histoire économique ? Peut-on appliquer les règles du scepticisme à cette histoire qui paraît avoir des méthodes assurées, qui enseigne des certitudes, qui donne des explications « vraies », des « leçons » ? Le scepticisme est chose mal vue – nous l’avons montré ailleurs1 : on a peur que le poison sceptique s’étende aux zones du déterminisme, des explications à tout prix, du dogmatisme cher à une histoire volontiers dominatrice. Mais aucun « savoir » n’échappe au scepticisme, aucune manière de connaître au procès sceptique : peut-on, pour l’histoire économique, analyser cette tentation sceptique qu’on n’ose guère enseigner ? Comment gérer un « système sceptique » dans tel ou tel secteur de l’histoire économique ? Comment éviter des erreurs, assurer son chemin ? Ce sont là des questions dangereuses : car le scepticisme est à géométrie variable, il est souvent très modéré, il insinue le doute, mais se garde d’affirmer, il ne cherche pas à attaquer le dogmatisme, il se contente de montrer les dangers, et l’obsolescence rapide des travaux des doctrinaires : c’est une arme qu’on doit utiliser avec précaution. Et l’absence de théorie générale de l’histoire économique2 empêche de bien voir les conséquences d’un système sceptique. L’analyste est très gêné : le scepticisme est une expérience personnelle, non un corps de doctrine. Mais on doit cependant montrer aux jeunes et l’importance de ce scepticisme et les risques qu’il comporte. Aussi voudrions-nous analyser les fondements de ce scepticisme, ses conséquences et les règles de bon usage qu’on peut appliquer : nous ne voulons qu’inciter à réfléchir sur la nécessité du scepticisme3.
I. FONDEMENTS
2Quels peuvent être les fondements de ce scepticisme modéré, opératoire et qui n’est pas un simple « relativisme » ? La réponse n’est pas facile : mais on peut, avec prudence, tenter l’exercice.
3Premier fondement : l’ignorance chez l’historien des réalités économiques, de la vie pratique. Ainsi l’historien de la banque ou des assurances n’est pas banquier ou assureur4, il vit souvent dans un monde d’abstractions, il raisonne à partir d’idées générales, de doctrines « préjugées », et l’absence d’expérience de la vie l’empêche souvent de décoder les documents, de voir « ce qu’il y a par-dessous », de comprendre qu’il ne peut saisir que du « probable »5.
4Deuxième fondement : la difficulté tenant à la médiocrité des outils d’analyse, des théories économiques utilisées ; l’incertitude des doctrines économiques, la difficulté de les appliquer à un passé plus ou moins lointain conduisent souvent à d’étranges confusions : comment croire sérieusement qu’on puisse construire un chiffre de PIB pour 18206 ? Et souvent on utilise pour le passé des concepts – masse monétaire, investissements, profits, revenus – qui conduisent à de singuliers anachronismes et à des constructions toutes arbitraires7. Mais qui oserait relever ces « systèmes d’erreurs » ?
5Troisième fondement : le chiffre ; la statistique ne reflète guère la réalité économique, même aujourd’hui : et le culte de l’historien pour le chiffre a conduit à beaucoup d’erreurs, par exemple en histoire monétaire, ou en histoire agricole, ou en histoire des revenus – faute d’avoir critiqué avec soin la valeur des sources.
6Quatrième fondement : la complexité des relations économiques et financières d’autrefois : ainsi le règne de la monnaie métallique crée des réactions, des réflexes coutumiers, des procédures, des conduites qu’on a le plus grand mal à saisir (comment évaluer la thésaurisation ? les encaisses de précaution ? le rôle de l’usure ? les manipulations, rognages, triages ? les spéculations usuelles sur les encaisses des comptables ?). De même on a le plus grand mal à comprendre les anticipations des entrepreneurs, leurs habitudes de spéculation, les risques qu’ils prenaient : comment raisonnait un maître de forges en 1760 ? En 1820 ? Comment voyait-il l’avenir ? Il faut éviter de raisonner avec nos modes de pensée, de perception du temps, on est presque dans un autre monde.
7Cinquième fondement : le clandestin, l’occulte, la fraude jouaient un grand rôle dans l’économie8 – et on est très mal armé pour saisir ces fraudes coutumières, par exemple en matière fiscale, commerciale, industrielle : la contre-lettre était une pratique générale (et on en retrouve très rarement9), et le goût de la fraude était une règle si générale que Schneider en 1850 vendait des rails avec des trous, qu’il aurait dû rebuter10...
8Sixième fondement : l’incertitude des objectifs de l’histoire économique : quelle est la lisibilité de cette histoire ? Que veut-on montrer, par exemple quand on fait l’histoire d’une entreprise, ou d’une banque ? Quelle est la valeur des explications par l’économie (on croit ou on feint de croire que « l’inférieur porte le supérieur ») ? Personne n’est au clair sur les principia rationis de cette histoire, on vit sur des préjugés, des idées ni claires ni distinctes, sur des conventions tacites qu’on ne cherche pas à examiner, « on fait comme les autres », et depuis 10-15 ans les écrits sur la théorie de cette histoire, sur ses limites, sont quasi-inexistants11, tant l’on a peine à réfléchir sur ses principes.
9Septième fondement : l’histoire économique est encombrée de préjugés politiques, de doctrines politico-économiques, marxistes, « socialistes » ou libérales, on a fait de l’histoire engagée qui voulait expliquer l’économie à la lumière de la « lutte des classes », ce qui a donné nécessairement des produits médiocres, et personne n’a encore étudié les effets pervers du « système labroussien » qui a altéré durablement l’image de l’histoire économique12.
10Huitième fondement : il ne peut y avoir de lois en histoire économique, d’explications générales, pas plus qu’en théorie économique : l’histoire n’est pas et ne peut être une science, et le scientisme apparent de l’histoire économique est pure illusion – mais il impressionne les étudiants qui croient encore à l’histoire macro-économique et apprennent les explications par les phases A et les phases B. On doit insister au contraire sur les limites du savoir, on ne peut « expliquer » à la rigueur que des fragments, on ne travaille que sur du probable : mais trop fréquemment l’histoire économique est encombrée d’arrière-pensées politiques (ou philosophiques) qui sont étrangères à l’histoire – ce qui conduit à de singulières manipulations13.
11On voit combien le raisonnement sceptique est insidieux : il ruine les certitudes, il provoque le doute, il montre l’obsolescence des méthodes, l’incertitude des doctrines, des conventions, l’importance du préjugé, du non-réfléchi, il conduit à « suspendre son jugement » provisoirement, à refuser les grandes explications : tout devient douteux, incertain, indéterminé, fragile, il est impossible de trouver l’argile sous le sable, et on est obligé d’inventer seul son chemin14.
II. CONSÉQUENCES
12Il est nécessaire de s’interroger sur quelques questions fondamentales, qu’on ne sait trop comment résoudre.
13Première question : quel est le statut de l’histoire économique aujourd’hui15 ? Quelle est sa place ? Pourquoi privilégier l’histoire économique16 ? Le dessein de l’histoire économique est illisible actuellement, elle a éclaté en chapelles, en clans, en sous-écoles, il n’y a plus de grands patrons depuis 10-15 ans, personne n’ose écrire un livre sur la théorie de l’histoire économique (on n’a pas l’équivalent de Pour une histoire politique de René Rémond).
14Deuxième question, tout aussi redoutable : quelle est la portée, la signification des exercices qui sont faits – qui sont avant tout des exercices universitaires17 ? Quelle valeur peut bien avoir cette histoire fragmentaire, éclatée, incertaine de ses méthodes ? On n’est plus aux temps d’un Labrousse triomphant, dominateur et sûr de lui, on en est bien revenu : on ne sait plus trop où l’on en est, macro-histoire, micro-histoire, on empile des statistiques, on construit des courbes – mais à quelles fins ?
15Troisième question : comment évaluer les travaux anciens, analyser les effets pervers des préjugés, des doctrines politiques, sociales, marxistes ou libérales, sur le contenu, les conclusions, c’est-à-dire retracer ce qui fausse la lecture, le tri des documents, et le jugement de l’historien ? Par exemple, quels sont les préjugés scientistes, déterministes qui imprègnent l’histoire économique des entreprises, ou des techniques ?18 Quelles sont les raisons du refus général du rôle des personnalités créatrices ? Or il faudra bien un jour réviser ces travaux anciens, aux principes et aux méthodes obsolètes : mais comment le faire ?
16Quatrième question : comment peut-on enseigner cette histoire, et à quelles conditions ? On fait, le plus souvent, de l’histoire de manuel, déterministe, bourrée de certitudes, de l’histoire passéiste, qui n’est plus accordée aux théories économiques actuelles19. Comment sortir de ce piège ? Quelle dose de doute doit-on insinuer aux auditeurs, aux lecteurs ? Comment, avec une telle histoire, leur apprendre à penser par eux-mêmes, à raisonner de façon autonome ?
17Cinquième question : quelle est la manière de connaître de l’historien économique ? sa manière de réfléchir, de poser des questions, de mettre en doute son « savoir » ? Si l’on ne peut avoir que des savoirs fragmentaires, incertains, douteux, si l’on ne peut connaître que du plus ou moins probable, peut-être faut-il tenter de chercher des méthodes, des manières de connaître plus adaptées, refuser une histoire trop déterministe, aseptisée, mutilée – et mutilante – et explorer d’autres formes d’histoire « probabiliste » ? Mais comment entreprendre cette exploration ?
18Sixième question : quels peuvent être les liens optimaux, les connexions, les échanges avec les autres disciplines historiques ? Qu’est-ce que l’histoire économique peut leur apporter ? Et qu’est-ce que ces histoires peuvent lui apporter ? Or ce tableau des échanges croisés n’a jamais été entrepris, et les liens par exemple avec l’histoire des techniques, l’histoire administrative, l’histoire politique, l’histoire de l’éducation, l’histoire des sciences, l’histoire de mentalités, sont des plus incertains. Certes l’histoire économique peut leur apporter non des certitudes, des explications, mais des éclairages, des questions, des approches « probables » : mais l’audit du système « histoire économique » n’a jamais été fait, on ne sait trop ce qu’il peut représenter aujourd’hui, tant l’obsolescence des travaux a été rapide20.
III. RÈGLES D’USAGE
19On conçoit notre embarras pour donner des conseils en cette matière : ce sont des règles qu’il faudrait appliquer chacun à son secteur, ce qui suppose beaucoup de compromis et d’adaptations.
20Première règle : chacun dans son domaine de recherche (banque, assurance, métallurgie, etc...) doit chercher à fonder son système sceptique, à l’assurer solidement : ce qui conduit :
à réfléchir sur les sources de son scepticisme ;
à suspendre son jugement (c’est un effort de déprise, de rupture avec la coutume) ;
à essayer de saisir les limites de son savoir, de sa manière de connaître, de vérifier l’ampleur de ses préjugés ;
à se fixer des objectifs précis : c’est un scepticisme modéré, opératoire, qui ne doit pas empêcher de faire.
21Deuxième règle : on doit adapter ses méthodes de travail à ce cadre sceptique : c’est la partie la plus difficile, car il faut inventer ses méthodes, les expérimenter, les développer. Donnons quelques exemples :
22Première méthode : il faut limiter ses visées, on travaille sur des fragments, des parcelles, on peut appliquer la technique du recueil de documents, qui permet de montrer la complexité des problèmes, la fragilité des interprétations21.
23Deuxième méthode : on peut chercher à étudier les limites, par exemple les mécanismes du clandestin, du mensonge, le rôle de l’immatériel dans l’entreprise (ce qui conduit à renforcer le scepticisme devant les grandes constructions doctrinales).
24Troisième méthode : on peut chercher à approfondir, à fouiller, à aller le plus loin possible, pratiquer l’histoire « en colimaçon »22.
25Troisième règle : on doit nourrir son scepticisme, l’entretenir assidûment, tenacement, c’est-à-dire l’approfondir (on vit dans un monde hostile au scepticisme, les élèves, les patrons le réprouvent), l’étendre à d’autres systèmes d’histoire, chercher à aller plus loin dans la connaissance de la vie pratique d’aujourd’hui (notamment la vie de l’entreprise) et dans la connaissance des hommes (il faut sortir de son cabinet, se mêler si possible à l’action) : ainsi ce qu’on appelle aujourd’hui corruption permet d’étendre la sphère du non-connu pour le passé23.
26Quatrième règle : on doit gérer au mieux son système de scepticisme, et se donner les moyens de cette optimisation :
bien observer son jeu ;
montrer ses doutes, et, au besoin, tenir un journal de recherche qui permette les « mises au point », les rectifications nécessaires ;
expliciter son scepticisme, c’est-à-dire faire des leçons en séminaire pour mettre en garde les jeunes contre le dogmatisme, les esprits doctrinaires, rédiger des notes de méthode sur la nécessité du scepticisme ;
faire la théorie du scepticisme dans son secteur de recherche (c’est une expérience, un témoignage qu’on apporte, on en garde une trace, et quand on passera aux archives orales on pourra mieux préciser les limites de cette « exploration ») ;
éviter de tomber dans l’esprit de système, observer les risques de dérives, d’excès de scepticisme (avec le vieillissement, c’est là chose fréquente), de cynisme (on prend plaisir à montrer son scepticisme).
27Cinquième règle : le scepticisme apporte inévitablement des souffrances, provoque des conflits, des crises, des découragements, et il vaut mieux le savoir avant : on doit bien contrôler son scepticisme, le modérer – ce n’est pas toujours facile.
IV. PROSPECTIVE
28Est-il possible d’esquisser une prospective de ce scepticisme actif ? L’exercice est nécessairement arbitraire. Examinons les facteurs défavorables :
Le scepticisme est difficile à supporter, à bien gérer, on confond trop souvent le scepticisme radical, qui conduit au découragement, et le scepticisme opératoire, qui est un outil, qui aide à bien faire, à explorer. Mais, à l’évidence, avoir des certitudes, une « doctrine » à défendre est bien plus confortable.
Le scepticisme se heurte à la montée du dogmatisme, de l’intolérance – et du « politiquement correct »24 –, qui sont les effets lointains d’un marxisme diffus, qui a longtemps imprégné, par son déterminisme, son « scientisme », les historiens et même les historiens de droite25.
Le scepticisme pose des problèmes redoutables pour construire une œuvre, pour rédiger des « papiers » sceptiques in principio – ce qui peut décourager les jeunes chercheurs, qui vont vers d’autres types d’histoire à taux de probabilité apparemment plus forte (ainsi se détourne-t-on de l’histoire économique vers l’histoire politique).
Le scepticisme est difficile à supporter à 40-45 ans, on est plus ou moins sceptique, on use de compromis, on cherche à ne pas trop se détacher des autres, on veut vivre en paix...
Il faut tenir compte de la demande sociale – et politique – qui exige de l’historien des explications « à tout prix », on veut – de plus en plus – des « idées générales », fussent-elles mal fondées, des explications globales, des « vérités », des « leçons » – ce qui provoquait déjà les protestations d’un Valéry.
29On voit combien il y a peu de chances de voir se développer cette tentation sceptique, et les élèves – souvent déformés par l’enseignement secondaire26 – répugnent fort à écouter des propos sceptiques, qui leur paraissent provocateurs, dangereux, ils sont effrayés par cette nourriture violente.
30Mais on doit tenir compte, en sens inverse, de facteurs favorables, à la vérité fort incertains.
L’historien voit bien les erreurs, les échecs provoqués par l’histoire déterministe, l’histoire « engagée », l’histoire « mécaniciste », qui a été si longtemps enseignée, et les jeunes constatent bien aujourd’hui l’obsolescence de ces travaux des années 1950-1980.
L’histoire économique pose aujourd’hui des problèmes délicats d’interprétation, d’adaptation : les théories des économistes montrent bien leurs limites pour expliquer ce qui se passe aujourd’hui27, et l’incertitude des théories économiques actuelles ne peut qu’affaiblir l’histoire économique et inciter l’historien à douter de la possibilité de grandes explications, à se méfier des « modèles », à suspendre son jugement.
L’historien est de plus en plus amené à réfléchir à son faire, il ne peut se satisfaire de l’histoire résumée, de l’histoire abstraite, de l’histoire « de manuel » qui semble la règle commune, et il voit nettement le déclassement rapide des travaux à théorie économique trop faible ou qui sont trop peu « réfléchis ».
Il faut faire la part des historiens non professionnels qui ont un savoir technique, une expérience irremplaçable, qui comprennent mieux les choses en profondeur, et qui sont enclins à un certain relativisme, compte tenu de leur connaissance des choses et des hommes : or le rôle de ces historiens non professionnels doit croître notablement28.
31Mais l’influence de ces facteurs favorables est limitée, et nous sommes pessimiste sur le développement de ce scepticisme modéré.
CONCLUSION
32Un exposé sur le scepticisme en histoire économique est nécessairement peu satisfaisant, il décourage, il crée des tensions, il irrite les bien-pensants et les médiocres. Quelles leçons peut-on tirer de ces quelques observations ?
33Première leçon : l’historien joue un jeu personnel, il n’a pas choisi son métier « pour faire comme les autres » : il doit, par suite, comprendre les limites de son jeu (nul n’est tenu de faire de l’histoire économique), résister à la facilité d’imiter autrui, de mettre ses pas dans les pas d’autrui, et inventer seul son chemin.
34Deuxième leçon : si l’on était plus savant, on ferait sans doute une histoire économique bien meilleure, plus approfondie, plus compréhensive. Mais pour la plus grande part tout est disparu irrémédiablement, relève de l’inconnaissable, on est réduit à récupérer, à exploiter des parcelles : il faut se résigner à ce scepticisme forcé, se méfier des tentatives de restitution ou de reconstruction arbitraire, et bien savoir qu’on ne peut saisir qu’une fraction infime des choses passées.
35Troisième leçon : on doit chercher à construire un scepticisme opératoire, avec les compromis nécessaires, des outils imparfaits : c’est-à-dire qu’on doit penser par soi-même son scepticisme, le construire sur des bases solides et en tirer – si possible – une œuvre : ce qui est un pari difficile.
Notes de bas de page
1 Cf. « Le scepticisme de l’historien », Revue administrative, 1998, p. 435-440, et « Scepticisme et histoire de la bureaucratie : l’exemple des cabinets ministériels », ibidem, 1998, p. 663-669.
2 Cf. « La crise de l’histoire économique des XIXe et XXe siècles », ibidem, 1998, p. 773-780.
3 On voit bien qu’il faudrait reprendre ce problème en appliquant les règles du scepticisme à l’histoire de la banque ou à l’histoire de la monnaie, c’est-à-dire à faire des monographies sectorielles du scepticisme.
4 L’historien de l’entreprise a très rarement eu une expérience directe de l’entreprise (même à des niveaux subalternes) et l’historien de la comptabilité n’a parfois aucune expérience comptable – ce qui est fâcheux.
5 Sur le probabilisme en histoire économique, supra, p. 43.
6 Nous avons eu beaucoup d’essais d’histoire « économétrique » qui oubliaient de montrer les limites de l’exercice.
7 Beaucoup d’historiens économiques utilisent des concepts économiques dont ils mesurent mal la portée exacte – et il est très rare qu’un historien économique ait lui-même rédigé des articles de théorie économique actuelle, ce qui est bien dommage (car c’est un exercice très profitable pour un historien que d’écrire sur la théorie du présent).
8 Même encore aujourd’hui, l’expérience du contrôle le montre bien.
9 En principe elles sont détruites après usage.
10 Cf. Archives nationales, F14 2222/3 (dossier de l’ingénieur des mines Drouot, qui dénonça la fraude).
11 Alors qu’en histoire sociale des débats sur des questions de principe ont été engagés récemment avec des mises au point de Noiriel, Prost, Chartier, Lepetit, Charle.
12 Labrousse mélangeait allègrement histoire économique et histoire sociale, il n’avait que des connaissances apparemment médiocres en théorie économique, remontant à 1910-1920, il ignorait la monnaie : ce fut un très mauvais berger, mais aucun exercice critique n’a encore été fait sur les principes labroussiens ; Bernard Lepetit commençait, avant sa mort, à critiquer les principes de Labrousse en histoire sociale.
13 Sur la manipulation en histoire, cf. Revue administrative, 1997, p. 701-707.
14 Celui qui glisse au scepticisme est confronté à la solitude, il doit plus ou moins rompre avec les habitudes du milieu, ses patrons (lesquels redoutent le scepticisme, qui condamne à l’obsolescence leur œuvre), ses élèves, ses pairs.
15 Cf. « La crise de l’histoire économique », art. cité à la note 2.
16 On sait sa place – peut-être exagérée – dans l’enseignement secondaire, les concours, les Facultés de Lettres (les Facultés de Droit ne la pratiquent que très modérément...).
17 Les travaux qui ne sont pas des thèses sont peu nombreux, si on lit bien la Bibliographie annuelle de l’histoire de France et, pour l’essentiel, c’est le fait d’historiens non professionnels...
18 Il y a encore beaucoup d’historiens qui utilisent les mots causes et conséquences.
19 Ce décalage mérite l’attention : il était très important lors du règne de Labrousse et Goubert, il semble s’être accru depuis, car les théories économiques se sont beaucoup modifiées sous l’influence de la microéconomie, des sciences de la gestion et des monétaristes.
20 Nous n’avons encore aucune fresque – critique – de l’histoire économique de 1945 à aujourd’hui.
21 L’histoire locale permet de pousser très loin l’enquête, de descendre dans la microéconomie, d’éclairer les liens psychologiques, et par suite de ramener à une hauteur raisonnable, ou à mi-hauteur, les belles constructions doctrinales.
22 Cf. L’histoire entre le rêve et la raison, 1998, ouv. cité, p. 722-731.
23 Rappelons par exemple la corruption sous l’Empire (ainsi un premier commis du Trésor, Roger, reçoit plus de 800 000 F en 1804-1805, cf. Études et Documents, t. X, 1998, p. 689-702).
24 Cf. « Où va le politiquement correct en histoire ? », Revue administrative, n° 301, 1998, p. 37-42.
25 En histoire économique le rôle – déterminant – des personnalités, des entrepreneurs au tempérament sanguin de Schumpeter, est encore mal vu (supra, p. 113).
26 L’enseignement secondaire donne beaucoup de fausses idées « systématiques » aux jeunes, insinuer le doute y est très difficile.
27 On le voit bien quand on cherche à expliquer une crise monétaire comme celle de 1993-1994.
28 À la vérité il y a toujours une certaine suspicion contre les travaux d’histoire bancaire faits par des gens qui n’ont aucune expérience bancaire, même minime.
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