Les stratégies de réforme administrative en Europe : essai d’évaluation comparative
p. 115-140
Texte intégral
1L’objet du présent chapitre est d’élargir la focale, fortement novatrice, de cet ouvrage en replaçant la problématique des fusions et des réorganisations ministérielles dans le cadre d’une réflexion plus large. Certes, la structuration des départements ministériels présente une indéniable dimension politique (au sens de politics), et ce en particulier dans les pays comme la France où le nombre et la titulature des ministères ne sont pas fixés par la Constitution mais laissés à la discrétion du pouvoir politique, qui en use stratégiquement comme la formation des gouvernements de François Fillon I et II l’a illustrée une fois encore dans l’année 2007. Le propos est toutefois de prendre ici du champ par rapport à cette événementialité politique pour situer les réorganisations ministérielles dans la contexture de motifs plus vaste des politiques dites de « réforme administrative », de « modernisation administrative », ou de « réforme de l’État » – peu importent à ce stade des variantes de formulation qui ne sont pas sans intérêt. Un regard comparatif porté sur les États européens montre que ces politiques réformatrices sont dans tous nos pays une pièce importante de l’agenda de nos gouvernements et, tout uniment, de leurs stratégies de communication. En dépit de leur revendication de radicale nouveauté, ces politiques incluent dans leur panoplie de mesures concrètes le recours à ce levier si traditionnel d’action de la « direction politico-administrative » sur la « bureaucratie » – au sens de Max Weber1 – que sont les découpages et redécoupages de ministères ou d’entités publiques et les refontes d’organigrammes. Cependant, force est de constater que ces réformes participent de stratégies de changement bien plus ambitieuses et déclinent un riche ensemble de préceptes et de recettes qu’il peut être intéressant d’envisager ici d’un point de vue comparatif aux fins de mettre en perspective le cas français par rapport à celui des autres États membres de l’Union européenne. Ces politiques de réforme administrative, apparues à la fin des années 1970 dans certains pays pionniers et diffusées dans la décennie 1980, sont de surcroît mises en œuvre depuis assez d’années pour qu’il soit possible certes pas d’en dresser le bilan mais du moins de tenter de les évaluer comparativement, c’est-à-dire d’en restituer la ou les logiques sous-jacentes, d’en identifier les conditions de félicité et les causes de variation, d’en restituer les principaux tenants et les aboutissants, d’en apprécier les « outcomes » effectifs et les possibles effets pervers ou conséquences non-intentionnelles.
2Il importe de préciser à ce stade liminaire que les analyses comparatives du présent chapitre n’ont de prétention ni à une exhaustivité dans les connaissances qui serait en l’espèce illusoire car les administrations publiques de l’Europe communautaire offrent un kaléidoscope de diversités qu’un seul chercheur ne peut prétendre maîtriser, ni à une immodeste modélisation macro-théorique qui constitue un travers auquel succombent trop de spécialistes d’administration comparée, au prix d’effets de déréalisation qui en viennent parfois à priver leurs réflexions d’assises empiriques. Se gardant du comparatisme-catalogue comme du comparatisme théoriciste, la démarche adoptée ici s’avoue résolument modeste : l’on s’en tiendra à tenter un repérage des dynamiques et des processus à l’œuvre, à identifier certaines variables discriminantes, et à proposer quelques hypothèses explicatives et quelques pistes de réflexion qui demanderont à être mises au travail, prolongées ou infirmées – ailleurs et/ou par d’autres.
3Précision doit encore être faite que les réflexions et les suggestions avancées ici reposent sur plusieurs sources de connaissances, à la fois médiates et immédiates, académiques et praticiennes : l’analyse secondaire de la très riche littérature, surtout anglophone, consacrée depuis vingt ans aux réformes administratives, dont une grande enquête comparative de référence2, de même que les travaux portant sur les hauts fonctionnaires3 ; une familiarité acquise, durant un détachement en 2000-2002 à l’Institut européen d’administration publique (IEAP) de Maastricht, avec la littérature grise produite dans le cadre du « réseau européen des administrations publiques » (EUPAN) dont cet Institut est la cheville ouvrière4 ; nos propres recherches5, et une expérience accumulée depuis quinze ans en qualité d’expert, chargé d’étude, et membre de divers groupes de travail ou comités de réflexion où « l’État (se met) à l’épreuve des sciences sociales »6, que ce soit pour les ministères français ou pour la Commission européenne au titre de projets et de jumelages qui nous ont permis de travailler pour les administrations publiques belges, bosniaques, bulgares, luxembourgeoises, néerlandaises, portugaises, suédoises, et tchèques.
4La logique d’exposition du présent chapitre s’attachera tout d’abord aux réformes administratives comme produit d’une stratégie commune, puis restituera les formes variées d’acclimatation de ces réformes néo-managérialistes par les cultures administratives propres de chaque État, avant de proposer une évaluation critique de la logique sous-jacente profonde de ces programmes réformateurs.
Les réformes administratives s’affirment comme le produit d’une stratégie commune : une réponse néo-managérialiste à la crise des finances publiques
5L’histoire fournit maints exemples d’ambitieuses politiques de réforme des institutions politico-administratives de gouvernement de telle ou telle société, ailleurs dans l’espace comme dans le temps (réformes de Pierre le Grand en Russie, Ère Meiji au Japon, etc.) ou moins loin de nous (mouvement de « réforme de l’État » dans la France de l’entre-deux-guerres, par exemple), qui avaient chacune ses tenants et ses aboutissants contextuels particuliers. Dans le cas de la France du XXe siècle, les recherches de Philippe Bezes démontrent même que la « réforme de l’État » est une dynamique récurrente, réactivée durant plusieurs décennies au travers de configurations politico-administratives et de chaînes d’interdépendances socio-politiques évolutives7. Il convient donc de ne pas hypostasier le « tournant néo-libéral »8 qui a touché les États développés ni les politiques néo--managérialistes de réforme qui en sont la manifestation dans la sphère des administrations publiques depuis un quart de siècle : il y eut à l’évidence des réformes administratives de grande ampleur ailleurs et avant les années 1970-1980 du monde capitaliste occidental ; tout indique qu’il y en aura encore longtemps après.
6Nonobstant, les politiques de réforme ou de modernisation administrative qui sont à l’heure actuelle conduites et mises en œuvre dans la quasi-totalité des États de l’OCDE comme de l’Union européenne participent d’un mouvement d’ensemble dont il importe de prendre l’exacte mesure. Il ne semble pas exagéré d’avancer l’hypothèse causale que ces réformes sont la résultante directe ou indirecte, selon les pays, des effets en cascade de la crise des finances publiques de nos modernes États welfaristes-interventionnistes. C’est en effet dans la fin des « Trente Glorieuses » sous l’effet des deux chocs exogènes provoqués par les flambées des prix pétroliers des années 1970, dans l’apparition de la « stagflation » et du chômage de masse, et dans le dérapage des finances publiques et des comptes sociaux par suite de la désadaptation des politiques keynésiennes contra-cycliques et des dispositifs généreux de sécurité sociale mis en place dans l’après-guerre qu’il faut chercher les causes sous-jacentes profondes de l’inscription à l’agenda institutionnel des programmes de réforme administrative actuels. Qu’on l’appelle « crise de l’État-Providence »9 ou crise du « big government » chez les auteurs anglophones, le fait est que les gouvernements des États développés ont tous été confrontés à partir du milieu des années 1970 à une dégradation, plus ou moins dramatique, de budgets publics déficitaires dans lesquels la « pétrification croissante des dépenses publiques »10 due à la dérive mécanique des plus gros postes de dépenses de fonctionnement – masse salariale de l’emploi public et service de la dette – a fini par réduire comme peau de chagrin les « marges de manœuvre » de la politique macro-économique. Dès lors, les enjeux jumeaux de la réduction des coûts de fonctionnement de l’État et de l’accroissement de la productivité des bureaucraties publiques ont été de plus en plus placés au cœur de la réflexion des économistes néo-libéraux et des think-tanks néo-conservateurs étasuniens et britanniques qui ont inspiré l’ère des Reaganomics et du thatchérisme, ouverte en 1979-1980. Ces politiques de « roll-back of the state », de libéralisation, de déréglementation, de privatisation – dont les résultats concrets ont certes été in fine moins spectaculaires que les effets d’annonce initiaux – ont fait bien des émules dans tout le monde anglophone comme, plus timidement, en Europe continentale durant les années 1980 et 1990.
7L’impératif catégorique que gourous et gouvernants néo-libéraux entendent alors imposer aux administrations est bien résumé par le slogan « More value for money », cet accroissement de la productivité et de la qualité du service public devant être obtenu par l’importation dans la sphère administrative d’un « management générique » soucieux de maximiser, comme dans l’entreprise privée, les fameux « trois E » : économies, efficacité, efficience. Car le New Public Management – tel est le nom qui lui a vite été donné –, s’il participe bien du Zeitgeist néo-libéral et valorise à l’évidence le modèle de l’entreprise privée contre celui de la bureaucratie, les « mécanismes de type marché » contre la hiérarchie, le management par objectifs contre l’administration par et pour le droit, n’est pas une pensée anti-étatique qui viserait à démanteler les organisations publiques. C’est même l’ambivalence fondamentale – et peut-être la contradiction motrice – de ce New Public Management de vouloir sauver l’État et les administrations de l’« impuissance publique » qui les menace par une « grande transformation » qui emprunte au registre cognitif et aux répertoires de pratiques du secteur privé. Le New Public Management est donc davantage qu’un slogan de marketing politique. Christopher Pollitt, dans un ouvrage de référence, a bien établi qu’il s’agit d’une « véritable doctrine », dont le noyau logique est le déni radical de toute distinction de principe entre l’entreprise privée et les organisations publiques, d’où il résulte que le citoyen assujetti et/ou usager du service public doit être traité comme un client-consommateur ; l’affirmation que l’organisation présente des institutions publiques est dépassée et doit être réformée ; l’énoncé corollaire qu’un corpus de connaissances, de techniques et de bonnes pratiques qui ont prouvé leur efficacité dans le privé doivent être importées dans le secteur public par des réformes administratives ; et la conviction qu’une performance accrue des administrations découlera forcément de ces réformes principalement organisationnelles11. Le regretté Vincent Wright ajoutait que « la nouvelle gestion publique possède toutes les caractéristiques d’une idéologie : car elle représente une Weltan-schauung, un ensemble cohérent d’idées et de convictions ; elle fournit un cadre de référence structurant ; elle s’est développée par le biais d’une coalition sociale composée d’intellectuels, de politiciens et de hauts fonctionnaires ; elle porte sur la répartition des ressources et les priorités à donner à cette répartition ; et elle constitue une source de légitimation de comportements »12. Il n’est pas jusqu’au très modéré B. Guy Peters qui ne qualifie le NPM d’« idéologie de la bonne gestion du secteur public »13. Quant à François-Xavier Merrien, il y voit une « pensée mythique […] qui cherche à donner sens au monde »14. De fait, le New Public Management a bel et bien introduit, à la fin des années 1970, un discours de rupture dans la gouverne des institutions et de l’action publiques : un ouvrage de propagande ne s’intitulait-il pas Reinventing Government15 ?
8Cette volonté affichée de rupture, née dans des think-tanks, des cabinets de consultants et des réseaux d’experts extérieurs à l’administration publique – aspect d’une grande importance – et très liés aux partis politiques républicain et tory dont ils étaient les instances de production programmatique, a d’abord été relayée par la « révolution conservatrice » de Margaret Thatcher au Royaume-Uni à partir de 1979, et par l’administration Reagan aux États-Unis dès 1980. Puis, très vite, les anciens dominions britanniques (Nouvelle-Zélande, Canada, Australie) ont développé de vastes programmes de réforme administrative qui s’en inspiraient directement, et ce quelle que fût l’orientation politique conservatrice ou travailliste de leurs gouvernements. La diffusion internationale du NPM durant les années 1980-1990 doit ensuite beaucoup à l’activité de l’OCDE et des forums experts réunis dans son Public Management Programme (PUMA)16, et à l’activité des grands cabinets de consultants anglo-saxons spécialisés dans l’audit, le conseil stratégique et la conduite de changement, qui ont « vendu » à maints gouvernements, européens et extra--européens, des programmes « clé en main » de modernisation néo-managérialiste. Dans les démocraties de l’Europe du Nord en revanche (Pays-Bas, Danemark, Scandinavie,…), la diffusion du NPM est plutôt passée par la conversion du monde académique et par la montée en puissance, au détriment des juristes de droit public, des professeurs et des départements universitaires de management public comme formateurs et interlocuteurs privilégiés d’élites politico--administratives le plus souvent social-démocrates17.
9C’est ainsi que, promue par des groupes de leaders d’opinion, des « coalitions de cause » et des entrepreneurs en mobilisation aux statuts, aux mobiles et aux orientations politiques divers, en particulier par les institutions internationales telles l’OCDE, le FMI, la Banque mondiale (qui ont fait des réformes administratives néo-managérialistes un des éléments majeurs des « stratégies d’ajustement » et de « bonne gouvernance » présentées comme une panacée aux pays bénéficiaires d’aide au développement), le NPM a connu une remarquable diffusion interculturelle au cours des années 1980 et 1990. Le résultat de ce diffusionnisme est que le NPM a acquis le statut d’un « paradigme global » en matière d’administrations publiques18. À l’évidence, une telle diffusion n’a été possible qu’au prix de glissements de sens, de recodages, d’atténuations, de redéfinitions et d’ajouts : la lecture des publications de l’OCDE durant deux décennies donne à lire un travail d’abrasement des arêtes les plus vivement néo-libérales du NPM aux fins de rendre ses préceptes et recettes endossables par des gouvernements sociaux-démocrates et socialistes modérés. Ainsi le mot d’ordre de « marchéisation » de la production des services publics a-t-il été remplacé par celui, plus consensuel et plus qualitatif, de l’orientation au client (client-orientedness) et de la « démarche qualité » (quality management) dans la délivrance des services aux publics. De même, l’objectif de « privatisation des conditions d’emploi » des agents publics de naguère s’est vu substituer l’objectif plus modeste et à l’acceptabilité sociale plus aisée de « flexibiliser la GRH » dans le secteur public et d’introduire une petite proportion de rémunération variable en fonction des performances. Quant aux ajouts, l’on doit souligner l’apparition et la consécration depuis le tournant du millénaire de l’eGovernment, l’administration électronique, comme une des dimensions-clé des stratégies de réforme administrative d’inspiration néo-managérialiste, dans une belle unanimité qui va des États-Unis de Bill Clinton et Al Gore à l’autoritarisme propret et high-tech de Singapour en passant par la vieille Europe, où les États scandinaves sont à la pointe des innovations en ce domaine, auxquelles pousse la Commission européenne (DG « Société de l’information et médias ») dans le cadre des objectifs de Lisbonne.
10Le New Public Management, loin d’être une réalité figée, se présente ainsi à l’analyse comme un construit processuel et évolutif, décliné en de nombreux avatars19. Cette relative malléabilité doit être regardée comme le signe même du succès de ce qui est à la fois – c’est là sa force d’attraction – une idéologie et une « praxéo-logique ». Le NPM est certes une grammaire discursive, orientée en valeurs, portant sur le devoir-être de l’État et des institutions publiques et qui s’est imposé comme dominant dans le monde occidental : il est en cela une idéologie, dans un sens analytique et non-polémique de la notion. Mais cette idéologie serait peu de chose si elle ne fondait son efficace sur tout un répertoire pratique de recettes et de techniques : l’agencification, le benchmarking, les tableaux d’indicateurs, l’accréditation, le management par objectifs, les mandats individualisés et le salaire à la performance, la comptabilité analytique et les budgets de programmes, les fusions d’administrations et les guichets uniques, les partenariats public-privé et la délégation de services publics, la démarche de qualité totale et la certification, le contrôle de gestion et l’évaluation des politiques publiques, etc. Ces recettes et techniques sont érigées en autant de « bonnes pratiques » qui fonctionnent telles des véhicules concrets de diffusion de la doctrine néo-managérialiste car elles font l’objet d’intenses opérations d’import-export d’un État et d’un niveau de gouvernement à l’autre. Or une observation comparative des programmes gouvernementaux de réforme administrative conduits dans presque tous les États européens révèle que c’est bien par le truchement de ces techniques de « bonne gestion », présentées et perçues par les acteurs politico-administratifs – souvent en toute bonne foi – comme « neutres », « simplement modernes », et « d’ailleurs conformes à ce que font tous les autres États développés », que le néo-managérialisme s’est partout répandu. Voilà bien ce qui donne à ces politiques réformatrices menées en chaque État un évident air de famille sans pour autant – loin s’en faut – que leurs gouvernements soient tenus de revendiquer de façon explicite une adhésion au corpus idéologique fondateur du NPM, qui n’est mis en exergue que par les gouvernements conservateurs et libéraux tandis que les sociaux-démocrates le laissent dans l’ombre (à la notable exception du New Labour blairiste).
11Un tel constat de large diffusion interculturelle d’un NPM « en action » et « au concret » qui n’a pas même besoin de dire son nom pour gagner en pratique du terrain signifie-t-il que l’on assisterait à une « convergence » pure et simple des modes d’organisation et de gestion des institutions publiques et de l’action publique de nos États sous l’effet du néo-managérialisme ? Cette thèse a longtemps été défendue par les travaux d’une OCDE qui balançait en l’espèce entre la prédiction auto-réalisatrice et le wishfull thinking. Mais elle s’avère très excessive à l’observation comparée des réalités empiriques, qui donne à voir une diversité de situations nationales concrètes, à laquelle les publications les plus récentes du château de La Muette font d’ailleurs désormais droit.
Des réformes en leurs formes variées ou la « digestion » du NPM par les cultures administratives nationales
12Il convient de ne pas faire une lecture, intellectuellement paresseuse, de la large diffusion des préceptes et des recettes néo--managérialistes comme le signe manifeste d’une convergence absolue des réformes nationales autour d’un modèle hégémonique. La tentation est en l’espèce d’autant plus forte que l’objet y incite car, comme le souligne Christopher Hood, l’argumentaire du NPM se fonde sur une sorte de déterminisme scientiste du « one-best-way » managérial qui affirme la validité absolue des mêmes méthodes quelle que soit l’hétérogénéité des configurations institutionnelles auxquelles on entend les appliquer20. Or, de même qu’il n’y a pas de « science » du « bon » gouvernement, de la « bonne » gouvernance ou de la « bonne » gestion publique21, mais tout au plus un « art » imparfait et faillible de la gouverne des États et de leurs bureaucraties22, il n’existe guère en matière de transferts et d’échanges interculturels d’exemples de mimétisme absolu sur le mode de la copie conforme.
13Au rebours de cette vision mécaniste, l’on doit constater que la diffusion internationale du néo-managérialisme public au cours du dernier quart de siècle s’est opérée selon le schéma désormais bien documenté des « transferts de politiques publiques »23 qui, bien plus souvent que des « politiques du mimétisme institutionnel » pur et simple24, consistent en des formes d’émulation, d’inspiration, de combinaison et/ou de mélange.
14Au total, une situation de transfert de politique publique consiste toujours en la rencontre d’une certaine logique d’action « globale », à la fois discours stratégique et répertoire d’instruments privilégiés, avec une certaine configuration « locale », qu’elle soit nationale, territoriale ou sectorielle25. La première vient « impacter » la seconde, et la seconde « digère » en quelque sorte la première.
15C’est ainsi que le réformisme néo-managérialiste a fait l’objet d’une appropriation différenciée d’un État européen à l’autre, en fonction de ce que l’on peut appeler la « culture administrative »26 et le « style d’action publique »27 propres à chaque État-nation. Les institutions publiques ont en effet pour double caractéristique modale d’être sur le plan diachronique des produits de l’histoire et, dans la synchronie de l’ici et maintenant, d’être immergées dans le social : les traits singuliers de la « culture administrative » et du « style d’action publique » d’un pays sont en cela à la fois des résultantes de l’histoire sédimentée de la longue durée de l’État dans ce pays tel que les phénomènes d’« héritage » et de « dépendance au sentier »28 la donnent à vivre aux contemporains, et des résultantes des clivages socio-politiques existants, de l’état des rapports de coopération et de conflit entre les principales forces politiques, économiques et sociales du pays qui influent toujours profondément sur l’organisation et le fonctionnement d’un État dont la différentiation d’avec la société n’est jamais que très partielle. C’est ce double enracinement des États et de leurs administrations publiques dans l’histoire et dans le social qui explique à l’évidence la différenciation des politiques nationales de réforme qui les prennent pour objet. Si toutes les administrations d’Europe se réforment peu ou prou, il appert que ces diverses politiques réformatrices ne s’équivalent donc pas, comme le soulignent tant la vaste enquête29 que les divers articles rassemblés dans le numéro spécial de la Revue internationale de politique comparée déjà cité, ou une comparaison plus modeste des cas britannique, néerlandais, suédois et français30, ou encore les recherches comparatives (France, Belgique, Pays-Bas, Suisse) de Steve Jacob sur la diffusion de l’évaluation des politiques publiques31.
16Cette différenciation empiriquement observable tient à des variables contextuelles, à la fois objectives et subjectives, dont le nombre est trop important pour que l’on puisse les identifier de façon systématique et évaluer avec justesse la contribution relative de chacune. Tout au plus peut-on s’essayer à un repérage imparfait.
17La première variable contextuelle qui s’impose à l’observateur est sans nul doute la forme juridique de l’État, qui peut être fédéral, autonomique à la mode espagnole ou unitaire décentralisé comme dans la plupart des pays de l’UE. À l’évidence, un programme ambitieux de réforme administrative ne saurait être mis à l’agenda, élaboré, adopté et mis en œuvre de façon identique dans un État fortement centralisé à pouvoir exécutif fort – ce qui était le cas du Royaume-Uni de Margaret Thatcher et de John Major – et dans un État fédéral comme l’Allemagne où le niveau du Bund ne peut adopter que des lois-cadres en matière d’administration publique et où l’écrasante majorité des agents publics sont placés sous l’autorité des Länder, avec les ministres-présidents desquels le chancelier fédéral doit négocier l’essentiel du contenu de ces réformes administratives, comme d’ailleurs de toutes les politiques publiques d’importance. Les effets de cette variable sur la réceptivité différentielle des administrations nationales au néo-managérialisme n’ont toutefois rien d’automatique, puisque si le Royaume-Uni centralisé fut à la pointe du mouvement, et si l’Allemagne et la Belgique fédéralisées, ou l’Espagne quasi--fédéralisées ne se sont converties qu’assez tard au NPM, la France où le poids de l’État central reste fort a également fait montre de beaucoup de réticences et de tiédeur (pour d’autres raisons, évoquées ci-après).
18Une deuxième variable, non sans lien avec la précédente, distingue le style de gouvernement des régimes majoritaires marqués par la vigueur des clivages – démocraties dites de dissensus – de celui des régimes consociatifs fonctionnant sur le mode de la coalition gouvernementale dans la sphère politique et de la co-gestion dans la sphère socio-économique – démocraties dites de consensus. Sans que les liens de cause à effet soient mécaniques, l’on constate a minima que seules les démocraties majoritaires à pouvoir exécutif central fort, tels le Royaume-Uni de Lady Thatcher ou l’Italie de M. Berlusconi, ont imposé, selon un schéma « top-down », des réformes radicales à des administrations et à des fonctionnaires qui leur étaient parfois hostiles ; l’on relève symétriquement que le NPM mis en œuvre dans les démocraties consociatives, notamment scandinaves, ainsi que dans une Allemagne où le « fédéralisme coopératif » impose de négocier tout ce qui est important, a été très atténué dans ses excès et a fait l’objet d’un très pragmatique syncrétisme avec les traits majeurs de la culture administrative nationale de ces pays.
19Une troisième variable discriminante pour expliquer la variabilité des styles de réformes administratives en Europe tient bien sûr au fait que ces politiques n’interviennent pas sur une tabula rasa institutionnelle. La structuration au fil du temps de l’architecture des administrations, et du secteur public au sens large, diffère nettement en chaque pays. C’est ainsi que l’une des pièces maîtresses des stratégies néo-managérialistes anglo-saxonnes, l’agencification dont il est beaucoup question dans d’autres chapitres du présent ouvrage, soit la réalisation d’une décentralisation fonctionnelle de la gestion des services publics à des agences publiques autonomisées et soumises à des obligations de résultats de toutes sortes (accountability), n’avait du sens que dans les États où la plupart des services étaient gérés « en régie » – pour utiliser une notion de droit français – au sein de l’administration publique des ministères, et d’un « Civil Service » de surcroît unifié comme dans les anciens États de la Couronne britannique. Une telle stratégie d’agencification n’avait en revanche guère de pertinence dans des cultures administratives comme celle de la Suède, où de mini-départements ministériels cantonnés à la préparation des lois côtoient d’énormes et puissantes agences de moyens et de gestion depuis le XVIIIe siècle32. Elle n’en avait pas davantage dans le cas de l’Italie aux ministères traditionnellement faibles face aux puissants enti pubblici, ou dans le cadre de la France qui a opté, dès le XIXe siècle, pour un modèle d’administration dans lequel l’expansion de l’interventionnisme public en divers domaines est passée par le truchement de la création d’un vaste réseau d’établissements publics nationaux dotés de la personnalité juridique et de l’autonomie budgétaire mais entretenant avec leurs ministères « de tutelle » des relations si complexes d’interdépendance que les circuits de responsabilité y ont toujours été opaques.
20Une quatrième variable a trait aux phénomènes que deux collègues britanniques désignent par la formule très idiomatique de « public service bargain »33. Il s’agit de la sorte de « contrat social » implicite qui, en chaque pays, lie d’une façon particulière l’État, les gouvernants qui le dirigent, les fonctionnaires qui le peuplent, et la population qu’ils sont supposés servir ensemble. Ce « contrat social » est, à l’instar de la constitution britannique, un ensemble syncrétique de textes normatifs épars et de coutumes, de croyances partagées et d’arrangements, d’usages sédimentés et de dispositifs concrets. L’on peut y inclure le prestige très variable selon les pays et donc l’attractivité différentielle du service de l’État (traditionnellement forts en France et faibles en Italie, par exemple), la signification différente de l’argument du salaire garanti à vie des fonctionnaires selon que l’on se trouve dans des pays à traditionnelle pénurie de travail tels maints États du Sud (Portugal, Grèce) ou dans des économies de plein-emploi (Danemark, Finlande, Royaume-Uni, Irlande), ou encore le style des rapports hiérarchiques (toujours très traditionnel dans l’Europe du Sud, en France et dans la tradition germanique, bien plus simple et décomplexé dans l’Europe du Nord). L’on doit évoquer aussi le degré de dépendance ou d’indépendance de la gestion des recrutements et des carrières administratives à l’égard du patronage politique, le degré très divers de mobilité professionnelle des fonctionnaires (élevé dans certains États, très faible dans d’autres), ou encore la bipartition entre les États dont le modèle de fonction publique est le « système de la carrière » avec garantie de l’emploi et droit à l’avancement sur le modèle français (majeure part des pays d’Europe), et ceux qui pratiquent le « système de l’emploi », où le régime juridique de l’emploi public est bien moins dérogatoire par rapport au droit commun de la relation de travail ordinaire34. À l’évidence, les États qui pratiquaient anciennement le « système de l’emploi » (tels la Suède ou le Danemark) ont importé avec une grande facilité la GRH flexibilisée vantée par le NPM. De même est-il patent que l’individualisation des conditions d’emploi (et la rémunération à la performance) des agents publics ne pose pas les mêmes problèmes d’acceptabilité et ne fait pas l’objet des mêmes usages sociaux dans un pays tel le Danemark où les règles d’éthique dans les recrutements sont appliquées avec un rigorisme tout luthérien et dans des pays comme la Grèce, où le patronage et le clientélisme demeurent des voies ordinaires pour l’accès aux emplois publics35.
21Une cinquième variable est la diversité de structuration nationale des coalitions d’acteurs clé des réformes administratives, et notamment le rôle différencié qu’y jouent les hauts fonctionnaires eux-mêmes : sont-ils en l’espèce des « change managers » ou de simples « followers » qui n’en peuvent mais ? Sortent-ils, dès lors, renforcés ou au contraire affaiblis de ces réformes en termes d’influence auprès des gouvernants politiques36 ? Il est clair en effet que les réformes administratives ne sont l’objet ni de la même « mise en récit »37 ni de la même mise en pratique selon que, comme en France, le magistère du discours sur l’État appartient par tradition à des hauts fonctionnaires qui, investis d’un rôle de « conseillers du Prince » en matière de réflexion modernisatrice comme en d’autres domaines, ont collectivement réussi, jusqu’à présent, à jouer les premiers rôles dans le pilotage de la réforme de l’État, ou qu’il en va autrement. La configuration est, par exemple, toute différente dans les pays du Nord, où la tradition d’un style de gouvernement cogestionnaire associant tous les groupes intéressés dans des communautés de politiques publiques très institutionnalisées (correspondant au degré le plus élevé de l’échelle de Rhode38), sous la forme de commissions préparatoires aux lois, a permis une étroite association des professeurs d’administration et de management public, des think-tanks, des dirigeants du secteur associatif et, bien sûr, des représentants syndicaux, aux réformes administratives. Quant à l’Italie, la faiblesse chronique de l’alta dirigenza (les hauts fonctionnaires ministériels), de surcroît longtemps inféodée à la partitocrazia de la Ire République, a eu pour conséquence, lorsque celle-ci a été balayée par l’opération mani pulite et qu’une nouvelle classe politique venue du Nord, et souvent du monde de l’entreprise, a accédé au pouvoir politique à Rome, que la réforme administrative et la « privatisation de l’emploi public » en ce pays ont été largement imposées de l’extérieur à la hiérarchie administrative, sur le mode d’une importation brutale des schémas et du discours anglo-saxons39.
22Plusieurs autres variables discriminantes pourraient encore être mentionnées, dans lesquelles il faut chercher les causes profondes qui, entrant en résonance avec les jeux d’acteurs différents d’un pays à l’autre, concourent à expliquer la variété observable des trajectoires nationales de réforme, et la variété de leurs effets concrets sur les appareils administratifs. Tel est d’autant plus le cas que les « metteurs en œuvre » de terrain et les publics concernés s’approprient de manière différenciée les programmes et les dispositifs de réforme, qui font ainsi l’objet d’une « digestion » particulière en chaque pays, à chaque niveau territorial de gouverne, dans chaque segment des appareils administratifs et dans chaque secteur d’action publique.
23Sans prétention à l’exhaustivité, quelques-unes des différences structurelles entre les trajectoires nationales de réforme administrative des États européens, qui résultent des combinatoires de variables mentionnées ci-dessus, peuvent être évoquées à ce stade.
24Tout d’abord, seuls quelques rares pays d’Europe, au premier chef le Royaume-Uni, qui fut avec la Nouvelle-Zélande et le Canada l’un des pays pionniers du NPM, ont affiché l’intention de donner aux réformes néo-managérialistes de leur secteur public l’ampleur d’une véritable « révolution copernicienne » : lancées très tôt, dotées d’objectifs stratégiques très ambitieux, marquées par une constance par-delà les changements de Premiers ministres, les politiques de réforme britanniques sont celles qui ont décliné de la façon la plus complète la panoplie conceptuelle et les recettes du NPM. Ces réformes n’ont pas échappé aux difficultés et aux ratés que connaît la mise en œuvre de toute politique publique40, et l’évaluation du degré auquel les objectifs politiques ont été atteints reste objet de débats. Toutefois, les observateurs les plus nuancés relèvent qu’après vingt-cinq années de réformes, se sont produites au Royaume-Uni à la fois une réduction objective de la taille des appareils publics et de la part relative de l’emploi public, et certaines importantes transformations dans la culture au travail des agents publics, tant en ce qui concerne leurs valeurs partagées que leurs pratiques communes. Au regard de cet étalon britannique, force est de constater que les politiques de réforme mises en œuvre dans les autres pays d’Europe donnent souvent, mais pas toujours, une impression de moindre ampleur, et font parfois entendre une « musique » assez différente.
25C’est ainsi qu’une structure d’écart distingue les administrations où la politique d’agencification, impliquant de véritables démembrements de maints départements ministériels, sur le modèle britannique ou néerlandais, a connu une ampleur considérable41 et les pays qui n’ont guère créé d’agences ou l’ont fait, comme la France, sans conception d’ensemble, avec des motivations surtout budgétaires et comptables (pouvoir recruter des agents contractuels en lieu et place de fonctionnaires statutaires), et dans des secteurs d’action publique assez particuliers, en particulier celui de la santé publique42. Il faut dire qu’en France, ce sont d’autres orientations stratégiques que la décentralisation fonctionnelle qui ont été adoptées pour réduire le poids des administrations centrales, à savoir le diptyque décentralisation--déconcentration au profit des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l’État sur le terrain (lesquels sont une quasi-exception française, si bien que notre « déconcentration administrative » n’a pas d’équivalent dans les pays voisins).
26Une autre distinction importante est celle entre les États dont les stratégies de réforme ont inclus ce que les Néerlandais baptisent pudiquement une « normalisation » de l’emploi public dans laquelle, au Danemark et en Suède de façon progressive, dans l’Italie de Silvio Berlusconi de façon plus brutale, la grande masse des agents publics a basculé d’un statut de fonctionnaires titulaires à un régime de contrats de travail avec possibilité de licenciement, et au contraire des États – l’Allemagne, l’Espagne ou la France – qui ont, du moins jusqu’à présent, pris grand soin de conduire des réformes néo--managérialistes sans toucher au statut des personnels pour ne pas soulever d’opposition rédhibitoire des confédérations syndicales.
27Une autre différence notable doit encore être relevée. Certaines stratégies nationales de réforme administrative qui affichent le souci d’accroître la productivité du service public, placent très haut à leur agenda l’objectif opérationnel d’améliorer le service rendu aux publics, et de gros efforts sont réalisés en termes de « démarche qualité », que ce soit le « total quality management » et le recours à la certification ISO, mais aussi l’adaptation des services offerts selon la démarche dite « according to life events », les enquêtes de satisfaction par panels, etc. Dans ces pays, scandinaves en particulier, la taille des budgets publics n’a du coup pas forcément beaucoup diminué du fait des réformes, car l’accroissement de la qualité du service rendu exige de lourds investissements, notamment dans les outils et dispositifs d’administration électronique, qui ont un coût initial élevé pour un retour sur investissement progressif. À l’inverse, dans maints pays, la démarche qualité semble n’être qu’une rationalisation de façade, un habillage (« window-dressing ») de politiques réformatrices dont la rationalité première et primordiale reste de réduire les coûts et de diminuer la dépense publique.
28Une dernière différence a trait davantage à l’art et à la manière de mener les réformes. Dans certains États, le New Public Management semble être le mariage d’un « old private management » avec le plus classique modèle hiérarchique : la réforme y vient d’en haut et tombe en pluie sur des subordonnés et des services qui sont sommés de s’adapter selon un schéma baptisé « top-down » dans la littérature anglophone, schéma assez autoritaire et non exempt d’injonctions contradictoires sur le mode du « Nous vous ordonnons d’être autonomes ». Au contraire, les démocraties plus co-gestionnaires ont su inventer une forme participative de la réforme administrative : l’essentiel du travail des « change managers » y est orienté à l’« empowerment » des agents de base et des cadres intermédiaires. Cette notion si difficile à traduire en français car si étrangère à nos schèmes mentaux et comportementaux recouvre un ensemble de mesures qui visent à mobiliser les personnels de terrain en leur accordant une autonomie accrue dans l’ajustement pratique des moyens mis à leur disposition et des fins qui leurs sont assignées – responsabilisation qui accroît leur efficacité selon le chaînage logique « more responsible, more responsive ».
29D’autres structures d’écart signifiantes pourraient à l’évidence être relevées, qui viendraient encore étayer le constat général de l’existence d’une différenciation persistante, voire renouvelée, des résultats concrets (« outcomes ») des politiques de modernisation administrative d’inspiration néo-managérialiste conduites dans les États européens. Toutefois, ce constat de diversité ne suffit pas à épuiser la réflexion. Le comparatiste se doit de pousser la réflexion plus avant : une analyse plus globale, en forme d’évaluation critique, de la commune logique sous-jacente à l’œuvre dans ces programmes réformateurs, peut être proposée.
Évaluation critique de la logique profonde des réformes administratives : une quête perpétuelle et illusoire de cohésion et de légitimité renouvelée de l’État
30Les meilleures recherches, par exemple celles de Christopher Hood au Royaume-Uni, ou de Philippe Bezès en France, soulignent que les réformes administratives contemporaines ont quelques caractéristiques modales dont il convient de tirer les conséquences. Ce sont des « politiques constitutives », au sens de la typologie devenue classique de Ted Lowi, qui prennent les institutions publiques elles-mêmes comme objet d’action publique. La diffusion rapide de ces programmes réformateurs dans une période de crise de l’État43 est matière à interprétations divergentes selon la perspective adoptée : les prophètes de « l’évidement de l’État » (Bob Jessop) et de la marche vers « l’État creux » (B. Guy Peters) voient dans ces politiques le symptôme évident du mal, forme de nombrilisme où l’institution se replie sur, se retourne contre et, in fine, s’abîme en elle-même. Les tenants de la gouvernance observent, de façon plus nuancée, que l’assomption remarquable, dans le répertoire des politiques publiques, des réformes administratives traduit un repli réaliste de gouvernants politico-administratifs qui ne sont plus désormais en position de gouverner l’économie et la société sur le pré carré de ce qu’ils peuvent encore (croire) gouverner. Quant aux sociologues des institutions qui, dans la filiation de Max Weber, demeurent sceptiques par rapport à la thèse du « gouvernement balistique » réalisant des objectifs ou à celle, un peu différente, de l’État défini principalement comme producteur de politiques publiques, et qui continuent à penser que la notion d’État désigne d’abord un conglomérat institutionnalisé d’appareils de domination, ils rappelleront de façon plus sobrement empirique qu’il n’y a rien que de très socio-logique – « car avant tout, dans la vie quotidienne, la domination est administration »44 – à ce que les dirigeants politico-administratifs, au moyen de ces réformes qui traduisent un « souci de soi de l’État »45, travaillent à re-produire leur autorité sur et à accroître l’efficace de ce qui constitue, encore et toujours, leur principal appareil d’instruments de domination sur le monde social46.
31Quoi qu’il en soit de ces interprétations, l’observation empirique montre dans la quasi-totalité des pays de l’Union européenne que les réformes administratives sont des politiques « transversales » qui mobilisent des répertoires d’action « génériques », dit Christopher Hood, ou « généralistes » peut-on dire aussi, présentés comme des universaux du « management moderne des organisations ». En cela, ces réformes viennent contrebattre la « comparti-mentalisation », la segmentation très ordinaire entre des administrations sectorielles spécialisées et souvent rivales. Ces réformes ont ainsi, en deçà de leurs objectifs affichés, pour logique profonde de tendre à une intégration accrue, par l’inculcation de nouvelles normes et de nouvelles pratiques communes, d’administrations sectorielles que leurs positionnements dans les diverses configurations d’action publique et leurs cultures institutionnelles spécifiques éloignent forcément.
32Dès lors, la mise en œuvre d’une telle logique globale d’intégration suscite partout des conflits intra-bureaucratiques importants. Avec certes des différences d’un État à l’autre, l’on note en particulier un clivage récurrent entre un pôle d’institutions qui revendiquent le leadership sur la réforme, et une masse d’administrations qui essaient de ne pas en être seulement des objets. Les premières sont souvent des institutions du « cœur de l’État » (core executive)47, qui se livrent d’ailleurs entre elles une vive concurrence dans la production d’ambitieux programmes transversaux de réorganisation administrative. Cette concurrence, qui est l’un des moteurs de la dynamique des « réformes » administratives, voit rivaliser, quel que soit le pays considéré, le ministère des Finances et les services en charge de la réforme administrative auprès du Premier ministre, à quoi peut s’ajouter dans les États où il existe, le ministère en charge de la Fonction publique. Les Finances promeuvent une conception des réformes où prédominent les économies budgétaires, l’accroissement de productivité des services publics, la réduction des effectifs, et plus généralement l’usage d’outils quantitatifs. Les ministères de la Fonction publique privilégient de nouvelles politiques de recrutement, des améliorations de la formation initiale et permanente, et l’introduction d’une « véritable » gestion des ressources humaines – il s’agit, en France, de cette « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » (GPEEC) dont il est si souvent question mais qui tarde à se mettre en place sur le terrain. Quant aux « réformateurs » proches des chefs de gouvernement, ils ont en général une « approche globale » des réformes dans leurs dimensions plurielles et tentent d’en élaborer la « doctrine générale ».
33Pour ces acteurs collectifs centraux, l’enjeu sous-jacent de ces réformes administratives est bel et bien de redonner de la cohérence à des appareils publics de plus en plus éclatés et protéiformes, de restaurer des « capacités de pilotage » érodées sur des administrations de plus en plus différenciées institutionnellement, spécialisées fonctionnellement et distribuées territorialement. Les réformes néo--managériales s’inscrivent ainsi pleinement dans la problématique actuelle du nécessaire accroissement des capacités de coordination intersectorielles et multi-niveaux. Elles participent en cela d’une certaine forme de renforcement d’un core executive recomposé autour des fonctions stratégiques, autrement dit gouvernantes, qui sont à l’évidence les plus nobles aux yeux des gouvernants, ministres tout comme hauts fonctionnaires. Au Royaume-Uni, en France et dans maints pays voisins, ces programmes de réforme administrative s’analysent ainsi, pour bonne part, comme un processus, certes non-univoque, de « re-régulation » (formule proposée par Hood et al.48). La sphère publique voit se différencier en son sein (comme le démontre brillamment Philippe Bezes49) des instances centrales--transversales qui focalisent leurs activités sur la régulation, le pilotage, la coordination, l’intégration, le contrôle et l’évaluation des activités de gouverne sectorielle conduites par les administrations publiques diverses et variées.
34Ceci explique que les réformes néo-managérialistes ont nourri ce que les collègues allemands nomment la « politisation fonctionnelle » des hauts fonctionnaires50. En effet, l’un des enjeux principaux de ces réformes néo-managérialistes est d’orchestrer le basculement du modèle traditionnel d’une administration servante du Rechtstaat, focalisée sur le respect de la légalité et les « obligations de moyens » à un modèle différent, où des managers publics principalement soucieux d’efficience et d’efficacité doivent rendre des comptes et sont évalués (c’est la fameuse accountability) au regard d’obligations de résultat. L’on a expliqué ailleurs51 que ce basculement emporte une redéfinition de la loyauté des hauts fonctionnaires : à la loyauté wébérienne comme expertise neutre, sine ira et studio, s’est substituée une définition post-wébérienne de la loyauté des managers publics comme devoir d’engagement, à la fois engagement dans le travail toujours politique de définition des fins, des objectifs de l’action publique et engagement au sens d’un investissement de la personne même des managers, sommés de « se mouiller », comme le dit fort justement la langue ordinaire, dans le succès de « leurs » dossiers. En cela le néo-managérialisme nourrit une forme particulière de politisation de l’administration, non bien sûr au sens classique d’une allégeance partisane des fonctionnaires couplée à une dépendance de leurs carrières à l’égard du patronage politique, mais au sens d’une « politisation fonctionnelle » croissante de l’activité de hauts fonctionnaires de plus en plus appelés, au nom de l’efficacité, à intégrer les considérations et les finalités spécifiquement politiques à leur action quotidienne en une sorte de « soudure fonctionnelle » avec le pouvoir ministériel.
35Enfin et peut-être surtout, les réformes administratives contemporaines ont pour logique profonde de chercher à restaurer la légitimité érodée des institutions publiques. Car tout semble se passer comme si, à la figure d’un État en majesté tenu pour légitime à exercer une sorte de tutelle sur la société, avait succédé la figure d’un État en accusation, à ce point critiqué par le sens commun demi-savant, médiatique et ordinaire que la ligne de défense de ses dirigeants est devenue en maints pays de plaider coupable en affirmant que l’État est certes impotent mais « en cours de réforme » : c’est là une figure de rhétorique du discours politique très caractéristique de ce qu’un professeur italien a baptisé « the politics of blaime-avoidance »52. Ainsi, avec plus ou moins d’intensité selon les pays, la réforme administrative fonctionne telle une source de légitimation de particulière importance – car toute politique publique a une dimension légitimatrice53 – des institutions publiques.
36La particularité remarquable de ce type de rhétorique légitimatrice est de ne pas opérer en positif mais plutôt « en creux » : loin de passer par la mise en valeur des réalisations de l’action publique, c’est une légitimation principalement procédurale. Dès lors, il n’est pas un État développé dont le gouvernement puisse envisager de mettre un terme auxdites réformes au motif qu’elles auraient atteint leurs objectifs : la logique de la réforme administrative est devenue celle d’une spirale sans fin. Aussi peut-on escompter qu’à trop servir la « ficelle » s’usera vite : le potentiel légitimateur des réformes administratives ira s’érodant au fil des années.
37Au-delà de leurs diversités bien compréhensibles de pays à pays, les politiques de réforme administrative sont ainsi redevables d’une analyse globale, qui interroge leur logique profonde et met en question – sinon en cause – leur efficace durable, et par voie de conséquence leur « soutenabilité » dans la longue durée de l’État et des institutions publiques.
*
38Au terme du présent chapitre – dont il convient de rappeler que le statut logique n’est que celui d’un exposé raisonné de pistes de réflexions comparatives et d’hypothèses pour des recherches empiriques bien plus approfondies –, l’on espère que les réformes de réorganisation, de partition et de fusion de départements ministériels et d’institutions administratives reçoivent un éclairage complémentaire du fait qu’elles se trouvent replacées dans les configurations et les interactions plus vastes et complexes des dynamiques contemporaines des réformes néo-managérialistes du secteur public dans nos vieux États européens.
Notes de bas de page
1 Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, rééd. « Agora », 1995.
2 Christopher Pollitt, Geert Bouckaert, Public Management Reform. A Comparative Analysis, Oxford University Press, 2000.
3 Christopher Pollitt, Managerialism and Public Services, Oxford, Blackwell, 1993; Christopher Pollitt, Geert Bouckaert, Public Management Reform. A Comparative Analysis, Oxford University Press, 2000.
4 Pour les activités de ce réseau, se reporter à son site sur la toile : http://www.eupan.org/
5 Jean-Michel Eymeri, Les gardiens de l’État. Une sociologie des énarques de ministère, thèse pour le doctorat de science politique, Université Paris I, 1999 (à paraître en 2008, Économica) ; Jean-Michel Eymeri, Pouvoir politique et haute administration. Une comparaison européenne, Maastricht, Presses de l’IEAP, 2001 ; Françoise Dreyfus, Jean-Michel Eymeri, (dir.), Science politique de l’administration. Une approche comparative, Paris, Économica, 2005.
6 Philippe Bezès, Michel Chauvière, Jacques Chevallier, Nicole de Montricher, Frédéric Ocqueteau, (dir.), L’État à l’épreuve des sciences sociales. La fonction recherche dans les administrations sous la Ve République, Paris, La Découverte, 2005.
7 Philippe Bezès, Gouverner l’administration : une sociologie des politiques de la réforme administrative en France (1962-1997), thèse de doctorat en science politique, IEP de Paris, 2002 (à paraître aux PUF) ; Philippe Bezès, « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Ve République : la construction du ‘‘souci de soi de l’État’’« , RFAP, 102 (2), 2002, p. 307-325.
8 Bruno Jobert, dir., Le tournant néo-libéral en Europe, Paris, L’Harmattan, 1994.
9 Pierre Rosanvallon, La Crise de l’État-Providence, Paris, Le Seuil, 1981.
10 Alexandre Siné, L’ordre budgétaire. L’économie politique des dépenses de l’État, Paris, Economica, 2006.
11 Christopher Pollitt, Managerialism and Public Services, Oxford, Blackwell, 1993.
12 Christopher Clifford, Vincent Wright, « La politisation de l’administration britannique : ambitions, limites et problèmes conceptuels », RFAP, 86, avril-juin 1998, p. 273.
13 B. Guy Peters, « New Public Management », in Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet, dir., Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p. 306-311.
14 François-Xavier Merrien, « La Nouvelle Gestion Publique : un concept mythique », Lien Social et Politiques – RIAC, 41, printemps 1999, p. 102.
15 David Osborne, Ted Gaebler, Reinventing Government, Reading, Addison-Wesley, 1992.
16 Sur la « nouvelle gestion publique » appréhendée du point de vue assez sceptique de la science politique, l’on consultera avec profit, en français, Françoise Dreyfus, « La nouvelle gestion publique, nouvel instrument du clientélisme ? », in Mélanges en l’honneur de Georges Dupuis, Paris, LGDJ, 1997 et Françoise Dreyfus, L’invention de la bureaucratie, Paris, La Découverte, 2000,, p. 239-264 ; Jacques Lagroye (avec Bastien François et Frédéric Sawicki), Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2006, p. 477-486 ; et l’excellent numéro thématique sur la « nouvelle gestion publique » de la Revue internationale de politique comparée, 11 (2), 2004.
17 Par exemple Walter Kickert, Frans van Vught, (dir.), Public Policy and Administration Sciences in The Netherlands, Londres, Prentice Hall-Harvester Wheatsheaf, 1995.
18 Christopher Hood, « Contemporary Public Management: a new Global Paradigm », Public Policy and Administration, 1995, p. 104-117.
19 Christopher Hood, « A Public Management for All Seasons », Public Administration, 69 (3), 1991, p. 3-19.; B. Guy Peters, The Future of Governing, Lawrence, University Press of Kansas, 2000.
20 Christopher Hood, The Art of the State: Culture, Rhetoric and Public Management, Oxford, Oxford University Press, 1998.
21 Olivier Ihl, Martine Kaluszynski, Gilles Pollet, (dir.), Les sciences de gouvernement, Paris, Economica, 2003.
22 Christopher Hood, The Art of the State: Culture, Rhetoric and Public Management, Oxford, Oxford University Press, 1998
23 Martin De Jong et al., The Theory and Practice of Institutional Transplantation, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 2002; David Dolowitz, Policy Transfer and British Social Policy. Learning from the USA ?, Buckingham, Open University Press, 2000.
24 Yves Mény, Les politiques du mimétisme institutionnel : la greffe ou le rejet, Paris, L’Harmattan, 1993.
25 Sur la dialectique global-local en général, la référence demeure le lumineux ouvrage de Clifford Geertz, Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, Paris, PUF, 1986.
26 Françoise Dreyfus, Jean-Michel Eymeri, (dir.), Science politique de l’administration. Une approche comparative, Paris, Économica, 2005, p. 269-283.
27 Jeremy Richardson (dir.), Policy Styles in Western Europe, Londres, Allen and Unwin, 1982.
28 Paul Pierson, « Path Dependence, Increasing Returns and the Study of Politics », American Political Science Review, 94 (2), juin 2000, p. 251-267.
29 Christopher Pollitt, Geert Bouckaert, Public Management Reform. A Comparative Analysis, Oxford University Press, 2000.
30 Jean-Michel Eymeri, Pouvoir politique et haute administration. Une comparaison européenne, Maastricht, Presses de l’IEAP, 2001.
31 Steve Jacob, Institutionnaliser l’évaluation des politiques publiques, Bruxelles, P.I.E.-Peter Lang, 2005.
32 Torbjörn Larsson, Le gouvernement de la Suède, Stockholm, Statskontoret, 1995.
33 Christopher Hood, Martin Lodge, The Politics of Public Service Bargains: Reward, Competency, Loyalty and Blame, Oxford, Oxford University Press, 2006.
34 Pour une présentation détaillée cf. Danielle Bossaert, Christoph Demmke, Koen Nomden, Robert Polet, La Fonction publique dans l’Europe des Quinze. Nouvelles tendances et évolutions, Maastricht, Presses de l’IEAP, 2001.
35 Jean-Michel Eymeri, L’éthique dans le secteur public, Rapport d’enquête présenté à la 35e réunion des directeurs généraux de la Fonction publique des États membres de l’Union européenne, Strasbourg, 2000.
36 Edward Page, Vincent Wright, (dir.), From the Active to the Enabling State: The Changing Role of Top Officials in European Nations, Basingstoke, Palgrave-Macmillan, 2007.
37 Claudio M. Radaelli, « Logiques de pouvoir et récits dans les politiques publiques de l’Union européenne », RFSP, 50 (2), avril 2000, p. 255-275.
38 R.A.W. Rhodes, David Marsh, « Les réseaux d’action publique en Grande-Bretagne », in Patrick Le Galès, Mark Thatcher, Les réseaux de politique publique, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 44.
39 Christoph Demmke, European Civil Services between Tradition and Reform, Maastricht, EIPA Press, 2004.
40 John L. Pressman, Aaron Wildavski, Implementation, Berkeley, University of California Press, 1973.
41 Cf. la contribution d’Edward Page dans cet ouvrage.
42 Cf. la contribution de Daniel Benamouzig dans cet ouvrage et Jean-François Girard (avec Jean-Michel Eymeri), Quand la santé devient publique, Paris, Hachette, 1998.)
43 Pour une discussion fouillée, Jacques Chevallier, L’État post-moderne, Paris, LGDJ, 2003.
44 Max Weber, Économie et société, op. cit.
45 Philippe Bezès, « Aux origines des politiques de réforme administrative… », art. cit.
46 Pour une problématique en termes d’instruments d’action publique, on renvoie au récent et remarqué Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
47 R.A.W. Rhodes, « Introducing the core executive », in R.A.W. Rhodes, Patrick Dunleavy (dir.), Prime Minister, Cabinet and core executive,London, Macmillan, 1995.
48 Christopher Hood, Colin Scott, Oliver James, George Jones, Tony Travers, Regulation inside Government. Waste-Watchers, Quality Police and Sleaze-Busters, Oxford, Oxford University Press, 1999.
49 Philippe Bezès, « Concurrences ministérielles et différenciation : la fabrique de la “réforme de l’État” en France dans les années 1990 », in Françoise Dreyfus, Jean-Michel Eymeri, (dir.), Science politique de l’administration. Une approche comparative, Paris, Économica, 2005.
50 Renate Mayntz, Hans-Ulrich Derlien, « Party Patronage and Politicization of the West German Administrative Elite 1970-1987. Towards Hybridization ? », Governance, 2, 1989, p. 384-404.
51 Jean-Michel Eymeri, « Frontière ou marches ? De la contribution de la haute administration à la production du politique », in Jacques Lagroye, dir., La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 47-77.
52 Giandomenico Majone, Evidence, Argument, and Persuasion in the Policy Process, New Haven, Yale University Press, 1989.
53 Pierre Muller, Yves Surel, L’analyse des politiques publiques, Paris, Montchrestien, 1998.
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Les réorganisations administratives
Ce livre est cité par
- Bonnaud, Laure. Martinais, Emmanuel. (2014) Fusionner les administrations pour mieux coordonner l'action publique ?. Gouvernement et action publique, VOL. 3. DOI: 10.3917/gap.143.0105
Ce chapitre est cité par
- (2014) Le développement durable. DOI: 10.3917/puf.lasc.2014.01.0189
- du Boys, Céline. Bertolucci, Marius. Fouchet, Robert. (2022) French inter-governmental relations during the Covid-19 crisis: between hyper-centralism and local horizontal cooperation. Local Government Studies, 48. DOI: 10.1080/03003930.2021.1958786
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