Les officiers de la Chambre des Comptes de Bretagne, maires de Nantes au XVIIe siècle (1598-1692)
p. 429-451
Texte intégral
1Pendant tout l’Ancien Régime municipal, l’attribution de la charge de maire de Nantes révèle une distribution préférentielle en faveur des gens de justice, et principalement des officiers royaux, à la différence des charges d’échevins pour lesquelles les milieux marchands se sont le plus souvent imposés, à la seule exception des deux premiers tiers du xviie siècle1. Alors que l’édit du roi Henri II de 1547 avait prétendu interdire l’entrée des officiers royaux dans les échevinages et consulats, certainement pour soutenir l’émergence de l’État des offices face au système des « bonnes villes » favorisé depuis la guerre de Cent Ans, la plupart des villes ont obtenu des dérogations afin de maintenir l’alliance dynamique entre la force des institutions municipales et la puissance sociale des familles les animant. Seuls les Parlements se sont tenus volontairement à l’écart, afin de manifester leur prétention à la supériorité, laissant leurs officiers inférieurs, tant du greffe que de leur chancellerie, disputer la seule charge de maire. Ainsi, dès la création de l’échevinage de Nantes en 1565, ses promoteurs – principalement l’élite marchande – ont cherché à rallier les cours de justice nantaises, nettement hostiles à l’origine à cette redistribution de la police urbaine. Au bout de dix à quinze ans de rapports tendus, des compromis ont été trouvés, accompagnés d’un ralliement progressif des gens de justice qui sont passés d’une mentalité de boycott à un entrisme toutefois contenu, avant que la grande crise politique de la fin du xvie siècle ne leur assure la domination absolue de la municipalité de 1598 jusqu’au début du règne personnel de Louis XIV.
Tableau 1. Origines socioprofessionnelles des maires de Nantes au xviie siècle (1598-1692)
Sénéchaussée-Présidial | 28 |
Chambre des comptes | 11 |
Prévôté et Régaires | 2 |
Finances | 2 |
Commerce | 4 |
Total | 47 |
2Jusqu’à la fin du xviie siècle, quelques officiers de la Chambre des comptes se sont intéressés aux responsabilités municipales, très peu aux charges d’échevins jugées trop inférieures, mais surtout au poste de maire2. Les attaques de l’État monarchique contre le privilège d’anoblissement à partir de 1667 et l’établissement de la tutelle de l’intendance sur les finances municipales, mais surtout la transformation de la charge de maire en office vénal de 1693 jusqu’au décès de l’acquéreur en 1715, ont eu raison de ce lien personnel entre les deux institutions, ce qui s’est traduit par un divorce total au xviiie siècle.
Tableau 2. Les officiers de la Chambre des comptes, maires de Nantes au xviie siècle
Maires de Nantes | Mandats | Offices des Comptes |
Yves Le Lou | 1603-1605 | Maître |
Pierre Bernard | 1615-1617 | Président |
Louis de Harouys | 1623-1625 | Président |
René de La Tullaye | 1629-1631 | Maître |
Christophe Juchault | 1642-1644 | Président |
Yves de Monti | 1644-1646 | Maître |
Mathurin Boux | 1648-1650 | Maître |
René de Pontual | 1656-1658 | Président |
Jacques Huteau | 1658-1660 | Président |
Jean Regnier | 1673-1675 | Auditeur |
Pierre Noblet | 1690-1692 | Avocat général |
3Au xviie siècle, l’osmose a été meilleure, même si le dépérissement est observable à partir du dernier tiers du siècle. L’intérêt pour la présidence du corps de ville relevant en même temps de la recherche de la considération sociale et du sens civique des responsabilités publiques porté par un idéal d’urbanité fortement façonné par les thèmes de la Réforme catholique, il est intéressant de se demander de quels profils relèvent les individus et les familles, doublement intéressés par une carrière aux Comptes et par l’exercice de l’autorité municipale. Le questionnement s’est donc centré sur les conditions économiques, sociales, religieuses et politiques de leur triple sélection3 pour l’obtention du poste de maire de Nantes. L’enquête s’est ainsi orientée vers le potentiel de patronage des réseaux relationnels pouvant être activés par les familles, mais aussi sur le poids contextuel pouvant influer sur les préférences affichées aux trois niveaux de sélection.
I. Un intérêt marqué pour le poste de maire jusqu’en 1660
4Yves Le Lou (1562-1637) était maître aux comptes depuis novembre 1586, en succession de son père Michel (I) Le Lou, acquéreur de l’office lors de la nouvelle création de mai 1572 et reçu le 22 octobre suivant, lorsqu’il a été retenu comme maire de Nantes en 1603, puis reconduit pour un an en 1604. Il a ensuite résigné son office en faveur de son fils aîné Michel (III), reçu par la Chambre le 23 juin 1615. Cette succession sur trois générations a donc assuré les conditions réglementaires de l’anoblissement d’une famille dont l’accumulation primitive du capital s’est faite dans le grand commerce international pendant les deux premiers tiers du xvie siècle4. Comme toujours, cet enrichissement s’est opéré dans une étroite relation avec les grandes familles d’origine castillane installées à Nantes pour contrôler les échanges de laines castillanes et de toiles de l’Ouest français5, croisement des affaires porté par la société de commerce formée dans les années 1560 entre Jehan Le Lou, puis son fils Michel, et Simon Ruiz, de Medina del Campo, et Yvon Rocaz, de Nantes, renforcé par le mariage en premières noces entre Michel Le Lou et Françoise Rocaz, fille d’Yvon6.
5Michel (I) Le Lou fut d’ailleurs celui qui assura la réorientation de la famille en glissant du commerce et des finances – il tint la fonction de receveur des fouages de l’évêché de Tréguier – vers les offices de justice par l’acquisition de la charge de maître en 1572 à l’âge de 37 ans. Selon l’estimation indiquée par André (II) Ruiz à l’intention de son oncle Simon dans une lettre du 14 août 1586, il laissa à sa mort une grosse fortune d’environ 200 000 livres, à partager toutefois entre sept enfants. Les liens étroits avec le monde des financiers sont révélés par le mariage d’Yves Le Lou avec Catherine Jallier, fille d’un général des finances de Bretagne et de Bonne de Troyes, elle-même seconde épouse de Michel (I) depuis 15727. La génération suivante illustre clairement un processus d’ascension sociale par les offices au meilleur niveau puisque quatre des cinq beaux-frères du maire ont atteint le niveau de conseiller au parlement, le dernier étant grand maître des Eaux et Forêts de Bretagne8. L’un des frères, Michel (II), s’est également intégré au Parlement comme conseiller tandis que l’autre, Pierre, est demeuré dans les finances, mais au plus niveau, comme trésorier général des finances en Bretagne, fonction déjà occupé par son demi-oncle Julien Rocaz.
6Le succès d’Yves Le Lou en 1603 ne peut pas se comprendre sans référence à la grande crise de la Ligue, à peine refermée. Il nous semble qu’il pourrait être interprété comme le premier geste d’ouverture d’Henri IV, soucieux d’envoyer des signes pour concrétiser son appel à la réconciliation des élites dans le rassemblement autour du trône. Après des promotions de fidèles assurés depuis 1598, on peut estimer qu’il s’agit d’une prudente ouverture9. Le profil politique d’Yves Le Lou est loin d’être clair tant il s’est ingénié à chercher des protections dans les deux camps, tout en demeurant, après hésitation, dans la chambre ligueuse nantaise10. Cet opportunisme semble avoir été payant car il fut récompensé par une sélection comme capitaine de milice en 1598, puis comme maire peu de temps après. Le croisement des alliances avec les Hus, enfants de Gabriel Hus, trésorier des États de Bretagne loyalistes et imposé autoritairement comme maire de Nantes en 1599, est postérieur à son élévation à la tête du corps de ville. Il s’agit d’ailleurs moins d’inclination politique que du maintien d’un grand intérêt pour les affaires financières en s’intégrant dans les réseaux bien en place.
7Pierre Bernard (1568-1618), sieur de La Turmelière, est entré à la Chambre des comptes comme procureur général en 1601, avant de céder cet office au profit d’une charge de président en 1616. Cet accès direct aux offices supérieurs de la Cour souveraine a été permis par l’enrichissement de son père, Jacques Bernard, dans le commerce de gros, principalement orienté vers l’Espagne, activité dans laquelle il avait pu bénéficier de l’appui du très puissant groupe Poullain11, famille à plusieurs branches au sein de laquelle il avait trouvé son épouse Jehanne (enfants de 1565 à 1576). Nous ignorons le positionnement de Pierre Bernard pendant la Ligue, faute de le voir apparaître au niveau de responsabilités symboliques. Il faut dire qu’il n’avait que 21 ans au déclenchement de la crise. Ses deux mariages l’orientent vers le parti loyaliste, mais il n’est pas impossible que ce puisse être une conduite de réparation, étant donné le choix nettement ligueur fait par les Poullain. Marié en premières noces à Bonaventure de La Bouexière avant 1607, il parvint à s’intégrer à la prestigieuse famille des Harouys par son second mariage vers 1609. À cette date, ces derniers partageaient avec les Charette le contrôle du patronage supérieur sur la vie politique nantaise, de par leur investissement de longue date dans la sénéchaussée et le présidial12 et leur opposition à la rébellion du duc de Mercœur13. Le second mariage s’est d’ailleurs accompagné du passage de la fonction de procureur général à celle de président aux comptes.
8Il est évident que sa double sélection par le corps électoral et par le gouverneur de Nantes en tant que maire de Nantes en 1615 et 1616 s’est faite sous la protection des Harouys14. Né quinze ou vingt ans avant ses beaux-frères, il fut ainsi le premier représentant de la troisième génération Harouys à la tête de la municipalité nantaise. Au moment de son élection, son lignage d’accueil ne s’était pas encore intéressé à la Chambre, sinon de manière indirecte à travers sa personne en acceptant le mariage de Françoise, seule fille survivante aux côtés de ses trois frères. Louis de Harouys (1583-1656) était président du présidial, office repris au décès de son père Charles en 1612 ; Jean de Harouys (1588- ?) était le nouveau procureur des États de Bretagne depuis 1614, leur frère Charles étant chanoine et trésorier du chapitre cathédral. Ce fut d’ailleurs le décès de Pierre Bernard en 1618 qui fournit l’occasion de l’intégration à la Cour souveraine, avec un échange révélant un ordre de priorité au sein de l’élite nantaise puisque l’office de président, résigné par Pierre Bernard en faveur de Jean de Harouys fut finalement repris en 1619 par son frère aîné Louis, qui lui abandonna en contrepartie son office de président du présidial.
9C’est dans ces positions que les deux frères furent successivement élus et confirmés maires de Nantes de 1623 à 1625 pour Louis et de 1625 à 1627 pour Jean. N’oublions pas que toutes ces promotions furent négociées dans le but de s’assurer du loyalisme de la ville dans une époque troublée par les prises d’armes des Grands, le jeune duc de Vendôme, demi-frère du roi, gouverneur de Bretagne, se montrant particulièrement instable et peu fiable, ce qui aboutit à sa destitution et à son emprisonnement en 1626, en prélude à l’arrestation et l’exécution de Chalais lors du déplacement de la cour à Nantes à l’occasion d’une session des États provinciaux. La même année, Louis de Harouys fut promu à la tête de la Chambre des comptes comme premier président, poste de contrôle qu’il occupa jusqu’en 1633 avant de céder l’office pour 160 000 livres à Jean Blanchard, seigneur de Lessongère15, et d’être commis comme intendant en Champagne en 1637. La grande confiance manifestée par le pouvoir royal envers le lignage nantais se manifesta encore dans les années 1640 par la désignation régulière de Louis de Harouys comme commissaire du roi aux États de Bretagne. Deux ans avant son décès, ce dernier manifesta son attachement à la compagnie des Comptes en obtenant des lettres d’honorariat le 25 janvier 1654.
10Ainsi, cette arrivée de deux présidents aux comptes à la tête du corps de ville n’a que peu à voir avec une stratégie corporative de contrôle par la Cour souveraine car cela renvoie principalement vers le contexte politique global unissant Nantes au royaume, dans lequel la stratégie du loyalisme politique, développée en réaction à la grande rébellion ligueuse, favorise les lignages dont l’histoire récente garantit cette orientation, dans la plus grande convergence des élites, désireuses de faire oublier le faux pas de 1589-1598, et des agents royaux.
11René de La Tullaye (1579-1635), chevalier seigneur de Belle-Isle, était en possession d’un office de maître aux comptes depuis décembre 1605 lorsqu’il fut élevé à la tête du corps de ville en 1629 et reconduit en 1630. Il appartient à un lignage d’ancienne noblesse du début du xve siècle, divisé en de nombreuses branches ayant toutes partagé un réel intérêt pour la Chambre des comptes de Bretagne, principalement du milieu du xvie au milieu du xviie siècle, et qui s’est conclu par la transmission patrilinéaire de l’office de procureur général de 1682 à la suppression de l’institution sous la Révolution16. D’orientation nettement ligueuse, la famille a fortement soutenu le duc de Mercœur dans le maintien d’une Chambre des comptes à Nantes alors que les principaux officiers de la compagnie avaient fui la ville, pour manifester leur loyalisme envers Henri IV. Jean de La Tullaye, oncle du maire, échevin de 1589 à 1592, capitaine de milice sous la Ligue, fut d’ailleurs l’un des députés envoyés à Angers en février 1598 pour négocier la reddition avec Henri IV.
12La génération du maire, sur le premier tiers du xviie siècle, confirme cette inclination pour les offices des comptes. René de La Tullaye a repris l’office de maître de son oncle Jean qui lui fit résignation le 10 décembre 1605 ; sa sœur Marie a été mariée à François Coutureau, lui aussi maître aux comptes. Ils y ont précédé leurs cousins, à cause d’un décalage d’âge sur la même génération, Salomon, sieur de La Guilbaudière, fils de Charles, dont la sœur Marquise a été mariée à René Foucault, autre maître aux Comptes, et Jean (II), sieur de La Jaroussaye, fils du Jean déjà cité.
13Il est donc tentant de voir dans le succès municipal de René de La Tullaye le résultat positif d’un groupe de pression basé essentiellement aux Comptes. Son réseau relationnel personnel, tel qu’on peut le reconstituer dans les années 1610, confirme cette solidarité corporative, tout en dépassant la Cour souveraine nantaise puisque bien des familles se partagent entre celle-ci et le Parlement de Rennes. Les protections sont par ailleurs puissantes puisqu’on y retrouve les de Lesrat et les de Sesmaisons, et même messire Antoine de Conigan, lieutenant du duc de Montbazon, lieutenant général en Bretagne, gouverneur des ville et comté de Nantes. Les choix révèlent par ailleurs une persistance des amitiés avec les familles très engagées dans la Ligue, ce qui doit intégrer René de La Tullaye dans le milieu dévot nantais. Son appui au couvent des Carmélites était notoire et sa fille aînée, Françoise, y fit profession des vœux à 20 ans, le 16 juillet 1628. Rappelons que la fin des années 1620 est parcourue par la question de la création d’un hôpital général d’assistance sur le modèle de celui de Lyon, des négociations ayant été ouvertes pour reprendre l’ancien couvent des capucins, situé dans le faubourg très populaire du Marchix, en profitant de leur translation dans leur nouvel établissement à la Fosse, au-dessus du port17. La grave crise politique déclenchée par René de La Tullaye en 1631 sur sa proposition de fermeture sociale réglementaire de l’assemblée électorale, contrée par l’opposition des anciens maires et échevins emmenés par l’échevin Jean Charette, peut être interprétée en partie comme le signe d’une cicatrisation imparfaite d’un ancien clivage au sein de l’élite nantaise18. Après le soutien explicite à la réconciliation des élites manifesté par Henri IV dans le choix des maires de Nantes, presque tous les suivants relevaient de la mouvance des Harouys ou des Charette, les deux lignages emblématiques du loyalisme nantais. Quelque trente ans après la grande crise, le choix d’un maire dont le lignage était nettement rattaché à la mémoire ligueuse et la crise ouverte en 1631 montrent qu’il n’était pas si facile de clore cet épisode douloureux de l’histoire nantaise, même si l’adhésion à la Réforme catholique militante œuvrait pour le rassemblement.
14Christophe Juchault ( ?-1661), sieur du Blotereau, était président à la Chambre des comptes depuis le 24 juillet 1635 lorsqu’il fut imposé autoritairement comme maire de Nantes en février 1642, dans l’un des très rares désaveux des propositions nantaises issues des élections du premier mai 1641. Il semble avoir ici profité de la réputation de loyalisme attaché au lignage depuis la crise de 1589-1598, même si le retard mis par son père Michel Juchault à rejoindre la Chambre des comptes de Rennes en février 1591 a paru suspect dans un premier temps19. Il n’est pas très facile d’interpréter cette rupture très éphémère d’une procédure de négociation qui a bien fonctionné pendant tout le xviie siècle. La crise interne de 1631 autour de la fermeture sociale de l’assemblée électorale paraît oubliée ; la destitution du bureau de ville en 1637 pour insuffisance de réaction devant deux émotions antiportugaises n’a pas donné lieu alors à une nomination directe, dictée de Paris ; une dynamique marchande, sous l’égide du maréchal de La Meilleraye, lieutenant général en Bretagne et gouverneur des ville et comté de Nantes, s’est concrétisée par la création de la première bourse marchande de la ville en 1641. Il n’est donc pas certain qu’il faille prendre très au sérieux l’argument d’une police négligée depuis quelques années invoqué par le pouvoir royal dans ses lettres de nomination du 2 février 1642.
15Les Juchault donnent l’image d’un lignage nantais qui a fortement misé sur les offices des Comptes pour assurer sa progression sociale depuis la fin du xvie siècle. La reconstitution de l’ascendance livre un aïeul simple procureur aux Comptes dans les années 1550-1560, mais déjà un père titulaire d’un office de correcteur depuis mars 1583, transformé en office d’auditeur au tout début du xviie siècle. Au niveau de ce Michel Juchault, sieur de la Bourderie, le réseau de relations est déjà très performant, avec des familles présentes au Parlement, aux Comptes et au présidial, toutes très impliquées dans la vie municipale nantaise (Gazet, Le Lou, surtout les Morin).
16À la génération du maire, cette stratégie est vraiment manifeste. Lui-même est passé par le présidial comme conseiller (1617), puis lieutenant général (1623), avant d’acquérir son office de président aux comptes en 1635. Son frère (aîné ?) Claude Juchault, sieur du Perron, a bénéficié de la résignation paternelle pour reprendre l’office d’auditeur vers 1619-1620 ; leur sœur Marie a été mariée en 1616 à Pierre Davy, maître aux comptes, mais s’est remariée au début des années 1630 avec René Ferron, seigneur de La Villandon, président aux comptes. Julien Juchault, sieur de La Ménarderie, le plus jeune des trois frères, a reçu l’office de procureur général des Eaux et Forêts de Bretagne. Cette orientation a été maintenue, directement à la génération suivante avec l’intégration de Pierre Juchault, fils du maire, comme maître en 1652, de Christophe (II) Juchault, fils de Claude, comme maître en 1656, et indirectement dans une génération postérieure avec le mariage, en 1698, de Claude Juchault, fille du précédent, avec Pierre du Cassia, maître aux comptes, fils d’un négociant basque monté de Bayonne à Nantes pour ses affaires. Le resserrement des liens avec la famille Simon, puisque Claude et Julien Juchault ont épousé deux sœurs de cette famille dans les années 1620, renvoie aussi vers le même horizon avec leur beau-frère Mathurin Simon, auditeur aux comptes.
17Peut-on pourtant dire que le succès de Christophe Juchault repose sur des recommandations venant d’un groupe de pression essentiellement centré sur la Chambre des comptes ? Comme tous les officiers royaux supérieurs, son réseau relationnel personnel est diversifié au sein même de la haute robe provinciale, avec la triade classique : Parlement, Comptes, présidial. Il paraît plus intéressant de dégager une dynamique sociale au sein de sa trajectoire personnelle. Son mariage avec Louise Goullet s’est révélé très fécond car la richesse du marchand Jean Goullet lui a permis de négocier de très bons partis pour ses filles. Dans la phase précédant immédiatement sa nomination comme maire, il est intéressant de noter un rapprochement avec les Bidé, un puissant lignage de plusieurs branches en plus ou moins forte ascension sociale sur le xviie siècle, ayant donné l’une des plus belles dynasties municipales nantaises.
18Cependant, sa nomination autoritaire ne peut pas se comprendre sans un puissant patronage nantais, à chercher dans les principaux relais de l’autorité royale au sein de l’élite urbaine. Il nous semble donc que la piste la plus intéressante nous oriente vers Jean Blanchard de Lessongère, premier président des comptes de 1634 à 1641, résignataire en faveur de son fils César Auffray depuis 1637 – cession seulement concrétisée en juillet 1641 – mais toutefois maintenu dans ses droits d’entrée et de délibération dans la Chambre en janvier 1642. Inutile de préciser que la véritable direction demeurait entre ses mains. Ce serviteur zélé de l’autorité royale a connu une carrière exceptionnelle qui l’a mené de l’office de procureur du roi au présidial en 1602 à celui de procureur du roi à la Chambre des comptes de 1612 à 1619, avant d’être imposé comme intendant général au duc de Vendôme pour mieux surveiller les agissements de ce dernier, tout en recevant en parallèle de nombreuses missions fiscales le mettant en contact avec tous les réseaux financiers importants en Bretagne20. Dans les années 1640, il était ainsi devenu un des principaux agents royaux en Bretagne21. Cette ascension dans l’État royal s’était liée étroitement avec la constitution d’un puissant réseau relationnel, lui permettant de transformer en une seule génération un petit lignage de gentilhommerie rurale en puissante famille nobiliaire dans l’horizon provincial. Quelques indices permettent de penser que Christophe Juchault était une « créature » du réseau d’influence animé par les Blanchard. Une proximité avec la famille du Pont22, comme la possibilité de marier sa fille Françoise en 1647 à René de Sesmaisons, chevalier seigneur de Tréhambert, paraissent des profits tirés de ce clientélisme23. Les liens sont étroits avec les Becdelièvre, retardés dans leur élévation par des décès prématurés, mais surtout avec les Harouys24 avec qui s’est négociée la passation de l’office de premier président.
19Lorsqu’il est installé comme maire de Nantes le 22 septembre 1644, à la suite de Christophe Juchault, messire Yves de Monti (1601-1683), chevalier seigneur des Monti et de La Chalonnière, en Rezé, est possesseur d’un office de maître aux comptes depuis le 22 avril 1624, charge transmise par son père Yves de Monti, qui l’avait reçue le 13 mai 1600 de son père, Bernard de Monti, premier titulaire de l’office depuis le 15 décembre 1572, en profitant d’une nouvelle création. Cette transmission patrilinéaire sur trois générations s’arrête d’ailleurs à ce niveau puisque le fils aîné du maire a préféré une carrière militaire tandis que son cadet s’est contenté d’une existence rentière. Naturellement, ce lignage de la noblesse florentine venu en France à la suite de Catherine de Médicis, et dans le comté nantais sous la protection des Gondi25, ne s’est pas intéressé à la Chambre des comptes dans une perspective d’anoblissement comme tant d’autres familles, mais plutôt pour favoriser une bonne intégration dans l’élite nantaise étant donné leurs origines étrangères, processus parfaitement réussi tant l’environnement relationnel des trois premières générations est rempli de lignages très connus dans l’oligarchie municipale. Il est à noter que cette famille de noblesse robine a toujours veillé à consolider sa puissance économique en intégrant des capitaux venus des activités commerciales et financières. Ainsi la mère d’Yves de Monti, Marie Fyot, était la fille de Nicolas Fyot en affaire avec les Ruiz et les Rocaz dans le commerce espagnol dans les années 1560, mais aussi actif dans les recettes des fouages de Bretagne dans les années 1570, et la sœur d’Yves Fyot, receveur général des finances de Bretagne. Yves de Monti a été marié le 16 juillet 1629 (paroisse Saint-Nicolas) à Anne Bouriau, fille de Jean, sieur des Champsneufs, de l’élite commerciale nantaise26. Sa sœur cadette, Bonne de Monti, a été mariée à Louis Sanguin, sieur du Véron, receveur général des finances de Bretagne, présenté sans succès par l’élite nantaise pour le poste de maire en 165227.
20Avec une telle profusion de références susceptibles d’être mobilisées pour une recommandation, il est très délicat de déterminer quelle a été la connexion vraiment activée dans un vaste potentiel. Les noms prestigieux renvoient à la génération précédente. Le réseau de parrainage d’Yves de Monti est très centré sur la famille proche. Comme rien n’est vraiment probant, ni l’action d’un réseau d’alliés bien implanté dans le corps de ville sur la génération du maire, ni l’action d’un puissant patron extérieur, il est peut-être plus intéressant de mettre en avant – outre le fait qu’il descendait d’un lignage qui évoluait dans l’orbite de la municipalité depuis un siècle – la personnalité même d’Yves de Monti. Celui-ci est assurément l’une des figures les plus marquantes de l’élite dévote nantaise et il serait fort utile de connaître mieux son rôle dans les champs classiques de la Réforme catholique urbaine pour voir si ce ne sont pas les exigences sociales de la foi qui auraient favorisé, dans son cas, une prise de responsabilité civique urbaine.
21Mathurin Boux (1594-1670), seigneur du Teil, était maître des comptes lorsqu’il fut retenu comme maire en 1648 et renouvelé en 1649. Il appartient à un lignage d’ancienne noblesse du Bas-Poitou, possessionné au sud du comté nantais, dont l’un des membres, désireux de rebondir à partir de sa position défavorable de cadet, est venu s’installer à Nantes à la fin des années 1550. Sa situation de docteur en médecine, professeur et doyen de la faculté, et une alliance matrimoniale avec les Jallier, fort bien placés dans les finances bretonnes28, ont assuré son intégration dans l’élite nantaise. Son fils aîné François a illustré encore mieux la famille par son acquisition d’un office de conseiller au présidial et sa sélection comme échevin de 1602 à 1605. C’est la troisième génération nantaise qui s’intéresse à la Chambre des comptes, avec Mathurin, fils aîné, dans un office de maître, et son frère cadet Claude, dans un office d’auditeur. Il s’agit d’une orientation mûrement réfléchie comme l’illustre le choix des alliances. Perrine Lizière, première épouse de Mathurin Boux, est la belle-sœur de Roland Bidé, sieur des Mortiers, auditeur. Françoise Ménardeau, sa seconde épouse, est la fille de Pierre Ménardeau de La Bouchetière, maître aux comptes. Pour ses enfants, le maire vise surtout le Parlement, mais donne également sa dernière fille Françoise à Joseph Rousseau de Saint-Aignan, président aux comptes. Son frère Claude a préféré installer son fils aîné dans la charge de prévôt, tout en cédant son office d’auditeur à un cadet.
22Dans l’interprétation du succès de Mathurin Boux, nous pouvons explorer plusieurs pistes. Faut-il présenter les années 1640 comme un moment particulier dans lequel la compagnie des Comptes s’intéresse plus qu’à l’ordinaire à la direction de la municipalité, puisque nous pointons les successions de Christophe Juchault (1642-1644), d’Yves de Monti (1644-1646) et de Mathurin Boux (1648-1650) ? Nous ne voyons pas ce qui motiverait cet entrisme corporatif. Le jeu des réseaux familiaux paraît une hypothèse plus pertinente car la période de la Fronde nous offre une belle illustration du fonctionnement d’une configuration en chaîne de type linéaire le long de laquelle circule l’accession au poste de maire29. Les trois maires qui se succèdent de 1648 à 1654 ont tous épousé une demoiselle Ménardeau, ce qui ne signifie pas automatiquement une parenté immédiate. Si Claude (I) Bidé, alloué et lieutenant général, et Jean Charette, sénéchal, sont beaux-frères, Mathurin Boux ne leur est relié que par un lointain cousinage exigeant une mémoire lignagère sur cinq générations. Par ailleurs, il paraît évident que la promotion du sénéchal Charette en 1650, en pleine crise frondeuse à l’échelle du royaume, relève beaucoup plus de l’impératif politique de maintien de la ville dans le plus strict loyalisme que de considérations sur des relais familiaux. Quant à la succession de Jean Charette et de Claude (I) Bidé, n’est-ce pas plutôt une marque de la subordination d’un lignage très investi dans la sénéchaussée présidiale envers le lignage prestigieux qui domine la compagnie, maintenant que les Harouys se sont retirés ? Il n’y a rien de plus dangereux que de vouloir faire fonctionner comme des automatismes des généalogies historiennes dont rien ne nous assure qu’elles aient été activées comme système de services. À tout le moins, il convient de vérifier leur potentiel performatif dans un contexte politique précis.
23Reste l’hypothèse d’une offensive du milieu dévot nantais dans les années 1640, déjà soulevée pour Yves de Monti et reprise pour Mathurin Boux. Ce lignage s’est engagé profondément dans la Ligue comme en témoignent ses préférences relationnelles nettement marquées. C’est sous le mandat du maire Boux que le corps de ville a décidé de transformer le sanitat, asile épisodique pour les pestiférés, en hôpital général pour l’assistance sociale autre que les soins des malades réservés théoriquement à l’hôtel-Dieu. Cette création avait été à l’ordre du jour dans les années 1623-1627, sans concrétisation. Or, c’était une action portée par le mouvement dévot, tout spécialement par la Compagnie du Saint-Sacrement. La famille Boux est une des plus engagées dans la Réforme catholique nantaise, soutenant tout particulièrement le couvent des carmélites.
24Messire René de Pontual (1607-1698) est le seul exemple des officiers de la Chambre des comptes portés à la fonction de maire de Nantes qui soit un horsain de la première génération, la très grande majorité appartenant au contraire à des familles implantées à Nantes depuis longtemps. Né dans une famille de l’évêché de Saint-Malo, capable d’établir sa noblesse depuis le milieu du xve siècle, de type rentière et militaire, il a ainsi diversifié le service royal en s’intéressant à la Chambre des comptes pour son office de procureur général en 1631. Son premier mariage l’année précédente (20 juin 1630) avec Françoise du Plessis, fille d’un conseiller au parlement, était en concordance avec cette orientation robine. Ses séjours à Nantes ont dû rester saisonniers puisque le couple n’y avait pas établi sa résidence principale.
25Tout a changé suite à son second mariage, le 10 janvier 1651, avec Prudence Marie Le Lou, qui l’introduit dans un puissant lignage installé depuis longtemps à Nantes, bénéficiaire d’une très belle ascension sociale l’ayant mené du grand commerce avec l’Espagne et des fermes fiscales à la noblesse en utilisant les privilèges des offices des comptes. Dans le cours du xviie siècle, les rameaux de la branche aînée ont eu une prédilection pour les carrières militaires tandis que ceux de la branche cadette se sont plus partagés entre robe et épée. Prudence Marie Le Lou (1613-1687), fille de Pierre Le Lou, financier breton30, sœur de Michel Le Lou de Beaulieu, conseiller au parlement, et de Louis Le Lou, capitaine en l’armée navale, avait épousé en premières noces (1634) René Rousseau, procureur général aux comptes, puis en deuxièmes noces (1644) Maurille des Landes, conseiller au parlement, avant de se remarier avec René de Pontual. Les liens entre les Pontual et les Rousseau sont demeurés très vivants, à travers les enfants de Prudence Le Lou. Sébastien de Pontual, fils aîné, maître en 1659 puis président aux comptes en 1660, a épousé le 9 janvier 1651 – la veille du mariage de leur père et mère respectifs – Marie Rousseau, dont le frère Joseph, seigneur de Saint-Aignan, a lui aussi occupé un office de président aux comptes.
26L’appui de la parentèle Le Lou ne pouvait être directement efficace car ses membres s’étaient éloignés de l’horizon municipal, entraînés au loin par les campagnes militaires. Le frère aîné de Prudence Le Lou, parlementaire, était décédé en 1647, et ses deux cadets morts à la guerre en Catalogne et en Italie ; ses neveux se contentaient d’une vie rentière sur leurs seigneuries. Si l’influence d’une mémoire municipale ne peut être exclue, un appui sans doute plus efficace a pu venir des Poullain31, autre grande dynastie municipale nantaise active dans l’institution des années 1540 aux années 1660. Dans les deux premiers tiers du xviie siècle, la parentèle, multipliée par l’habitude des familles très nombreuses, est divisée en trois grandes branches, de puissance inégale et s’illustrant différemment au niveau nantais et provincial. La branche de Gesvres contrôle la fonction de trésorier des États de Bretagne, ce qui lui ouvre des contacts essentiels avec les réseaux financiers provinciaux et nationaux ; la branche de La Vincendière tient surtout l’office d’avocat du roi au présidial ; la branche du Housseau se maintient dans le commerce international, principalement en direction de l’Espagne, base de la fortune de l’ensemble de la parenté au xvie siècle. Si la première branche ne recherche plus de responsabilités municipales au xviie siècle, les deux autres continuent de s’y investir au niveau de la fonction de maire pour celle de La Vincendière et de l’échevinage pour celle du Housseau. Si la parentèle Poullain forme un ensemble très complexe, les échanges de parrainages en son sein montrent que la conscience lignagère était restée très vive, ce qui facilitait les échanges de services.
27Le contact a été établi lors du mariage entre Jeanne de Pontual, sœur de René, et Bernardin Poullain, sieur de Gesvres, trésorier des États de Bretagne de 1635 jusqu’à son décès prématuré en septembre 1650, l’office passant alors à son beau-frère César de Renouard32. Il avait succédé à son père, Michel Poullain33, qui avait lui-même repris la fonction après son beau-père Gabriel Hus en 1609. Les alliances de ses sœurs réunissaient la finance, les comptes et la protection des Charette34. Pour répartir les risques, car la fonction impliquait d’emprunter de l’argent auprès des élites bretonnes35 pour faire face aux avances exigées par la monarchie qui ne les remboursait pas toujours selon les délais prévus, Bernardin Poullain avait fondé un consortium avec deux de ses beaux-frères, Charles Chauvet et César de Renouard. Avec le soutien des Charette (maire en 1650-1652) et des Poullain de La Vincendière (Pierre, maire 1639-1642, décédé en 1672, et son fils Jean, échevin de 1649 à 1652, puis maire de janvier 1661 jusqu’à son décès en fin de mandat en mai 1662), la candidature de René de Pontual avait de bonne chance d’être retenue en 1656, même si son implantation personnelle à Nantes était extrêmement récente.
28Le profil de Jacques (II) Huteau, sieur des Burons, trésorier de France et général des finances en Bretagne avant de saisir un office de président aux comptes en 1644, élu maire en mai 1658, mais simplement installé en 1659 et continué pour un second mandat jusqu’en janvier 1661, s’apparente quelque peu au précédent, même si l’enracinement nantais est mieux établi. Son père, Jacques (I), maître aux comptes au début du xviie siècle, ne semble pas s’être fixé en ville. C’est son fils, marié le 15 novembre 1635, à Charlotte Thévin, fille d’un conseiller au parlement, qui le fait, comme l’indiquent les neuf actes de baptême sur le registre de la paroisse Notre-Dame. Les Huteau ont d’abord été introduits dans l’élite nantaise par les Morin36 au début du xviie siècle, par le biais du mariage de Jeanne Huteau avec Jean (II) Morin, président du présidial de Vannes, fils d’un premier président à la Chambre des comptes en 1574, maire de Nantes en 1571, et frère d’André Morin, lieutenant général au présidial de Nantes, maire de 1617 à 1619. Cette famille avait bénéficié de l’appui des Ruiz, puisque l’épouse du premier président était une fille d’André (I) Ruiz, le plus grand marchand et financier nantais des années 1550-1580.
29Peut-on évoquer le patronage des Morin, famille bien implantée dans l’élite municipale du début du xviie siècle et bénéficiaire de son attitude loyaliste dans la crise de la Ligue, derrière le président Barrin, parent par les Ruiz, le héros du soulèvement de Rennes contre Mercœur en 1589 ? Le maire de 1615-1617 est resté célibataire. Sa sœur Anne, mariée à Joachim Descartes, conseiller au Parlement de Bretagne, est décédée en 1634. L’appui ne pouvait venir que de la filiation du président du présidial de Vannes, revenue à Nantes par intérêt pour la Chambre des comptes. Il s’agit de Roland Morin, sieur du Trest, avocat général en mars 1639, puis président en avril 1644, un an avant son décès le 18 mai 1645. Sa disparition prématurée, qui laisse deux orphelins en bas âge, empêche la cession directe de l’office, et tout rôle de protection dans l’oligarchie nantaise.
30Les véritables appuis ont été obtenus à partir du mariage avec Charlotte Thévin en 1635. Sa belle-mère, Guyonne Bouriau, veuve du conseiller au parlement Guillaume Thévin, s’était remariée avec Mathieu Fourché, lui aussi conseiller au parlement de 1610 jusqu’à son décès en 1624, après être passé par le présidial de Nantes comme conseiller de 1605 à 1610. Cela associait les Huteau à une très puissante famille nantaise d’origine poitevine, ayant amorcé son ascension dans la Chambre des comptes depuis 1572, et surtout très engagée dans le soutien au duc de Mercœur. Jean (I) Fourché, promu d’auditeur à maître des comptes en 1590, chef du corps de ville après la destitution de Charles de Harouys en avril 1589, maire de 1597 à la reddition de mai 1598, négociateur préféré de Mercœur avec le parti royal, parvint à conserver son office de maître en 1598. Son fils Jean (II), frère de Mathieu, acquit également une charge de même type. La protection la plus prometteuse, pour une vingtaine d’années du moins, provint du mariage entre Louise Fourché, orpheline de Mathieu, et messire Nicolas Fouquet37, maître des requêtes au Conseil du roi, célébré le 24 juin 1640 à Notre-Dame. Même si la jeune femme décéda un an plus tard en laissant une fille, des liens étaient noués comme l’illustre la mention du maître des requêtes comme parrain pour une fille de Jacques (II) Huteau en 1645. Il est donc tentant d’interpréter l’obtention de la direction du corps de ville comme le produit du patronage du surintendant des finances, au sommet de sa puissance38, juste avant sa chute, scellée à Nantes même en 1661. Dans le même ordre d’idée, il paraît opportun de rapprocher cette promotion de l’élection de Pierre Fourché, grand archidiacre du diocèse, au poste de procureur général des États de Bretagne en 165739. L’appui du milieu dévot nantais a pu servir dans la présélection locale, tant les liens semblent étroits avec les Fourché, eux-mêmes proches des Coupperie, et tout spécialement avec Yves de Monti, analysé ci-dessus.
II. La distension des liens sous le règne personnel de Louis XIV
31Le succès de l’auditeur Jean Régnier (1612- ?) en 1673 et 1674 reste le plus difficile à expliquer. C’est le seul exemple de promotion d’un officier inférieur de la Cour souveraine ; sa famille ne paraît pas disposer d’une puissance sociale remarquable. En réalité, son élévation surprenante à la tête de la municipalité pourrait bien être surtout une reconnaissance de notoriété offerte à la puissante dynastie marchande des François, à laquelle il est apparenté par sa mère Jeanne François depuis le début du xviie siècle. Dans le réseau relationnel de ses parents, gravitent d’autres marchands notoires comme les Gauvain et les Poullain. Lui-même a été orienté très tôt vers la robe puisqu’il a acquis son office d’auditeur en 1639, à l’âge de 27 ans, alors qu’il est orphelin de père depuis 1630. Sa sœur aînée, Marie, a été mariée en juin 1637 à François de Montullé, originaire de Riaillé dans le Nord-Est du comté nantais, une région importante pour ses forges. Les liens avec les François sont ainsi resserrés puisque la sœur de Montullé est mariée dans cette famille, ce qui permet d’obtenir ensemble l’adjudication de la forêt de Belligné. L’installation de François de Montullé sur la paroisse Saint-Nicolas, celle du port de la Fosse, et son acquisition de la seigneurie de Longlée à Nort-sur-Erdre, port fluvial de la rivière Erdre où sont embarqués les fers en direction de Nantes, permet de rationaliser tout ce commerce de produits métallurgiques40.
32Aussi, le choix d’un auditeur en fin de carrière – à 61 ans, Jean Régnier fut l’un des maires les plus âgés du xviie siècle –, semble plutôt récompenser le puissant groupe familial des François, surtout du fait du célibat du maire41. Après avoir couvert un monopole exclusif des officiers royaux sur la charge de maire depuis 1598, le pouvoir royal avait légèrement diversifié ses choix depuis le milieu du siècle, sous l’incitation du maréchal de La Meilleraye, soucieux de dynamiser le commerce nantais. Si la sélection de Jacques de Bourgues en 1646-1648 fait encore figure d’acte isolé, la succession rapprochée de François Lorido (1666-1668) et de Gratien Libault (1671-1673), principale figure de l’ouverture de Nantes vers les îles d’Amérique, doit être replacée dans le cadre du lancement de la politique mercantiliste de Colbert. Dans cette perspective, la nomination de Régnier aurait représenté un compromis, marquant la force de la tradition de confier la direction de la municipalité à un officier royal.
33Pierre Noblet (1629-1695), sieur de Lespau et du Chaffault, reçu comme avocat général à la Chambre des comptes le 17 février 1660, fut le dernier maire élu de Nantes du xviie siècle, de 1690 à octobre 1692, avant la transformation de la charge en office vénal par l’édit d’août 1692. Il était le seul fils survivant de François Noblet, sieur de Lespau, receveur général du taillon et des décimes dans les années 1620, décédé en 1633, lui-même issu de Guillaume Noblet, marchand établi sur la paroisse portuaire de Saint-Nicolas à la fin du xvie siècle. Du côté de ses deux sœurs, Catherine et Marguerite, le principal relais aurait pu venir de la première, épouse de messire Jacques Louis Paris, chevalier seigneur de La Haye, lieutenant civil et criminel au présidial de Nantes, décédé en 1690. Mais ce dernier n’a jamais été intégré au corps de ville, ni comme maire, ni comme échevin.
34L’appui le plus sérieux est certainement venu de son beau-frère Paul Cassard (1642-1706), seigneur du Broussay en Fégréac, juge magistrat criminel au présidial, maire de Nantes immédiatement avant lui en 1688-1690. Pierre Noblet avait en effet épousé Marie-Thérèse Cassard le 30 janvier 1664 et, depuis cette date, des liens étroits et répétés avaient uni les deux clans. Il s’agissait d’une famille roturière en ascension présentant un profil similaire avec un grand-père établi comme marchand dans le faubourg sud de Saint-Jacques, au bout des ponts de Loire, au tout début du xviie siècle, mais toutefois un ton en dessous, puisqu’Olivier Cassard, dans la génération intermédiaire, n’avait pu obtenir qu’un modeste office de garde des livres à la Chambre des comptes vers 1638.
35Le principal atout des liens de famille avec les Cassard venait d’une possible mise en réseau avec les Mesnard, une des plus belles dynasties municipales du xviie siècle, appuyée sur le commerce de luxe des draps de soie, dont le dernier membre, Louis Mesnard, sieur du Pavillon, était parvenu à accéder au poste de maire en 1682-1683, après un mandat d’échevin en 1663-1666, alors que tous ses parents avaient dû se contenter de ce dernier niveau. Pour que cela fonctionne, il faut postuler une forte conscience lignagère des Mesnard, capables de faire vivre des liens distanciés de cousinage, avec un décalage d’une génération. Outre la tradition d’intérêt pour le corps de ville, le couple formé par Paul Cassard et Françoise Mesnard (13 juin 1672, paroisse Saint-Denis) renvoyait directement vers l’abbé Jean Mesnard, sieur de La Noë, frère de l’épouse, directeur du séminaire, auteur du premier catéchisme diocésain, autorité spirituelle majeure sur le clergé de la ville et du diocèse. Si cette lignée des Cassard n’avait touché que furtivement la compagnie des Comptes, une autre branche42, sortie elle aussi des marchands de la paroisse Saint-Jacques avait pu bénéficier des privilèges d’anoblissement de la cour en y plaçant un père et son fils sur le même office d’auditeur dans la première moitié du xviie siècle.
36Il est aussi tentant de placer la promotion de l’avocat général Pierre Noblet sous le patronage des Bidé, autre grande dynastie municipale nantaise du xviie siècle, puisque son dernier représentant, Claude (II) Bidé, alloué et lieutenant général au présidial, maire en fonction de 1683 à 1685, était lui-même relié à la parentèle Mesnard43. Même si le mariage de Louis Mesnard avec Marguerite Bidé en 1684 est postérieur à son mandat de maire, cette alliance était théoriquement capable de produire de l’effet dans un rassemblement de soutiens en 1690, même si, là encore, les liens de parenté sont très indirects puisqu’il faut remonter à la cinquième génération pour trouver un ancêtre commun à deux branches séparées. Toutefois, le décalage de puissance sociale entre la dynastie bien appuyée sur un office supérieur de la sénéchaussée présidiale et une autre lignée en perte de vitesse rend assez improbable un véritable appui, ce qui est confirmé par l’observation de l’ensemble relationnel des parrains et marraines construit par le maire Claude (II) Bidé, sur lequel le mariage de 1684 n’a eu absolument aucun impact.
37La présence de Guillaume de Harouys, trésorier général des États de Bretagne, en 1665 dans le cercle de parrainage constitué par Pierre Noblet, déjà avocat général aux comptes, ainsi que de Louis Charette, sieur du Boisbriant (Saint-Dolay, comté de Nantes), cité en 1670, incite à poser la question d’une éventuelle protection des deux plus puissants lignages nantais du xviie siècle. Cette hypothèse est d’autant plus intéressante qu’elle pourrait alors s’inscrire dans une relation de plus longue durée puisque François Noblet, père du maire de 1690, avait particulièrement recherché la protection des deux lignages dans les années 1620, avec une préférence pour les Harouys44. Comment activer un tel patronage en 1690 pour une sélection à la direction de l’échevinage et quel est son degré d’efficience ?
38La fonction de trésorier général des États de Bretagne a longtemps assuré à Guillaume de Harouys une influence énorme dans la province puisque sa position de régulateur des grands réseaux financiers l’instituait, pour toutes les familles intéressées par les placements de capitaux dans le système fisco-financier, comme l’acteur majeur dont il fallait recueillir la protection. Les gouverneurs de Nantes le consultaient volontiers pour définir leurs appréciations envoyées au secrétaire d’État aux Affaires étrangères pour la sélection finale du maire de Nantes par le pouvoir royal. Cet aristocrate, fils d’un président de la Chambre des comptes (1619-1626) déjà cité, promu ensuite premier président de cette Cour, avant d’obtenir une commission d’intendant en Champagne en 1637, n’avait sans doute pas les compétences requises pour maîtriser une telle circulation d’argent autour de l’administration provinciale puisqu’il fut démis de la fonction sur ordre de Louis XIV en 1685, suite à une retentissante situation de faillite, officiellement déclarée en 1687. On voit mal comment une recommandation d’un prisonnier à la Bastille, même illustre, aurait pu avoir une influence déterminante, même si beaucoup de puissantes familles, redevables de bien des services rendus, étaient certainement enclines à la mansuétude, à l’image de la marquise de Sévigné.
39Louis Charette de Boisbriant n’appartenait pas à la branche la plus illustre de l’ensemble lignager très ramifié. Il semble de plus s’être contenté d’une vie rentière sur ses terres dans l’Ouest du comté, à bonne distance de Nantes, repli peu propice pour le mettre en valeur. L’éventuel patronage aurait donc dû circuler à l’intérieur de la parentèle Charette, option tout à fait admissible comme le montre la forte conscience lignagère unissant les deux branches de la Bretonnière-Montbert et de La Gascherie s’échangeant sans interruption l’office de sénéchal de Nantes depuis 1587 afin de le conserver dans la famille45. Louis Charette de Boisbriant était le demi-frère de Jean Charette de La Colinière, juge magistrat criminel au présidial avant de devenir prévôt en 1634, le seul échevin (1630-1633) d’une dynastie de sept maires au xviie siècle. Les liens de sang les plus proches l’établissaient comme cousin germain de Jean Charette de La Gascherie, sénéchal de Nantes de 1644 à 1660 et maire de la ville en 1650-1652, mais aussi de son fils Louis Charette de La Gascherie, sénéchal de 1673 à 1702 et maire en 1675-1676. Pour rejoindre la Chambre des comptes, il faut invoquer des liens plus indirects et donc plus incertains avec Jacques Charette de Montbert, sénéchal de 1660 à 1673 avant d’être promu premier président des comptes, maire de Nantes en 1668-1671. Son décès en 1677, ouvrant l’accession de la dynastie des Becdelièvre à la tête de la Cour souveraine de Nantes en 1678, ne pouvait en faire un protecteur majeur en 169046.
40Comme on peut le constater, l’accession de l’avocat général à la chambre à la fonction de maire de Nantes en 1690 ne relève ni d’une politique corporative de contrôle institutionnel, ni d’une mobilisation de réseaux de protection principalement structurés par une appartenance à la compagnie. Pierre Noblet lui-même n’avait pas ressenti le besoin d’orienter prioritairement son réseau relationnel dans cette direction. Son succès semble mieux s’enraciner dans une addition de soutiens trouvés dans un enchaînement de familles parvenues à la plus haute charge municipale dans les années 1680. Cela prend donc la forme d’un réseau linéaire, de type horizontal puisque basé sur une même génération et dans une relative égalité de niveaux sociaux. Le patronage extérieur, venant de puissantes dynasties municipales, n’est pas à exclure, même si le contexte de 1690 ne paraît guère porteur.
Conclusion
41Il n’est jamais aisé, sauf lors de tensions plus lisibles dans une conjoncture politique de crise, de déterminer quelles ont été les causes du succès des individus promus à la fonction de maire. Les candidats avaient la possibilité d’actionner plusieurs réseaux relationnels qui s’entrecoupaient plus ou moins. Cette initiative des acteurs dans l’animation des circuits leur semblant les plus performants ne doit jamais être oubliée au profit d’une mécanique réticulaire simpliste, le plus souvent confondue avec un tableau généalogique d’historien. Dans cette initiative de gestion du capital social, la solidarité corporative d’une compagnie officière aussi prestigieuse que celle des Comptes était un avantage certain. Mais elle n’a jamais été utilisée seule, et elle ne semble pas avoir joué un rôle prééminent. Par ailleurs, le succès d’un patronage était aussi largement conditionné par le contexte global urbain, dans lequel le civisme des membres de l’oligarchie municipale était largement influencé par une éthique urbaine, directement liée à l’idéal de la construction de la cité de Dieu sur terre porté par le mouvement dévot tridentin.
Notes de bas de page
1 Guy Saupin, « Sociologie du corps de ville de Nantes sous l’Ancien Régime, 1565-1789 », Revue Historique, CCXCV/2, p. 299-331, 1996.
2 Idem, « Les officiers de la Chambre des comptes de Bretagne et le corps de ville de Nantes sous l’Ancien Régime », dans Philippe Jarnoux, Dominique Le Page, (dir.), La Chambre des comptes de Bretagne, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 108, n° 4, 2001, p. 227-248.
3 La triple sélection correspond à une cooptation des éligibles, un classement par une assemblée d’électeurs sans règlement de fermeture et, depuis 1598 – sanction politique de la rébellion ligueuse –, à la limitation à la présentation de trois candidats parmi lesquels le pouvoir royal – le gouverneur des ville et comté en relation avec le secrétariat d’État aux Affaires étrangères – en retient un.
4 Dominique Le Page, « En lisant quelques pages de James B. Collins à propos de la Chambre des comptes de Bretagne », dans Mélanges offerts à F. Roudaut, Langues de l’Histoire, langues de la vie, Université de Bretagne orientale, Brest, 2005, p. 487-503.
5 Guy Saupin, « Les oligarchies municipales en France sous l’Ancien Régime : réflexion méthodologique sur l’analyse historique de leur reproduction à partir de l’exemple de Nantes », dans Claude Petitfrère (éd.), Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains de l’Antiquité à nos jours, CEHVI, Tours, 1999, p. 105.
6 Henri Lapeyre, Une famille de marchands. Les Ruiz, A. Colin, Paris, 1955, p. 62-64.
7 Dominique Le Page, « Les officiers "moyens" dans une ville portuaire de l’Ouest atlantique au xvie siècle », Cahiers du Centre de recherches historiques, octobre 2006, 38, p. 31-32.
8 James B. Collins, La Bretagne dans l’État royal. Classes sociales, États provinciaux et ordre public de l’Édit d’Union à la révolte des Bonnets rouges, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2006, p. 108-109, 113, 145, 157.
9 Guy Saupin, « Le corps de ville de Nantes sous Henri IV (1598-1610), outil de réconciliation politique », dans Mélanges offerts à Yves Durand. État et société en France aux xviie et xviiie siècles, Presses universitaires Paris-Sorbonne, Paris, 2000, p. 489-494.
10 Dominique Le Page, « Le personnel de la Chambre des comptes de Bretagne en conflit, 1589‑1591 », Cahiers d’histoire, t. XLV, n° 4, 2000, p. 606.
11 G. Saupin, « Les oligarchies… », op. cit., p. 102.
12 D. Le Page, « Les officiers “moyens” », op. cit., p. 38-39.
13 Guy Saupin, Nantes au temps de l’édit, Geste Editions, La Crèche, 1998, ch. V, VI et VIII.
14 Idem, Nantes au xviie siècle. Vie politique et société urbaine, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 1996, p. 230, 331, 370-371. Généalogie, p. 455.
15 Arch. dép. Loire-Atlantique, 103 J, chartrier du Bois de La Musse, dossier 4-6. Achat réalisé le 25 novembre 1631 dans le logis Harouys. Lettres patentes avec sceaux du 9 décembre 1633. Enregistrement, avec pension de 2 000 livres en 1634.
16 Héloïse Ménard, Ascension politique et sociale de la famille de La Tullaye, xvie-xviie siècles, Mémoire de maîtrise, Dominique Le Page (dir.), Université de Nantes, 2000.
17 Alain Croix, La Bretagne aux xvie et xviie siècles : la vie, la mort, la foi, Éd. Maloine, Paris, 1981, t. I, p. 672-684.
18 Guy Saupin, « Ville et culture politique au xviie siècle : l’oligarchie municipale nantaise en crise en 1631 », dans Laurence Croq (éd.), Le prince, la ville et le bourgeois, Nolin, Paris, 2004, p. 153-174.
19 D. Le Page, « Le personnel de la Chambre… », op. cit., p. 592.
20 J. B. Collins, La Bretagne dans l’État royal…, op. cit., p. 97, 206, 369.
21 Vincent Gallais, « Robe provinciale, réseaux de crédit et finances royales en Bretagne. Portrait d’un commissaire pourvoyeur dans la première moitié du xviie siècle », dans Françoise Bayard (dir.), Pourvoir les finances en province sous l’Ancien Régime, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, 2002, p. 175-191. Idem, Ascension sociale et service de l’État dans la magistrature nantaise : la famille Blanchard de La Musse (1602-1671), DEA, Guy Saupin (dir.), Université de Nantes, 1996.
22 En 1636, Suzanne, fille de Louis du Pont, conseiller d’État, est marraine d’une fille du même prénom. C’est la nièce de Guy du Pont, conseiller au parlement, époux de Françoise de Becdelièvre, fille de Jeanne Blanchard, fille du premier président. Jean Blanchard a épousé en troisièmes noces en 1640 Marie de Sesmaisons, dame douairière de Loiselinière. Françoise Juchault a 17 ans quand son père la marie à René de Sesmaisons le 11 juin 1647 (paroisse Saint-Vincent).
23 J. B. Collins, La Bretagne dans l’État royal…, op. cit., p. 206. L’auteur présente Sesmaisons comme un membre influent du réseau de Charles de Cambout, baron de Pontchâteau, tous créatures de Richelieu et agissant pour lui dans les États de Bretagne.
24 Le 18 juin 1647 (Saint-Denis), Louise de Harouys, fille de l’ancien premier président, épouse Jean-Baptiste de Becdelièvre, seigneur de La Busnelais, frère de Françoise, épouse du Pont. Becdelièvre est alors avocat général à la Chambre des comptes, avant de passer au Parlement de Bretagne sur un office de conseiller.
25 Jean-Charles Niclas, La famille de Gondi-Retz au tournant des xvie et xviie siècles. Étude de l’héritage d’une famille ducale à l’époque de la Réforme catholique, Thèse École des chartes, Paris, 1996.
26 Noble homme Jean Bouriau, marchand, premier consul en 1606-1607, échevin en 1608-1611, juge consul en 1612-1613. Son épouse Renée Fachu était issue elle aussi d’une famille marchande, dont l’un des membres René Fachu fut miseur municipal de 1623 à 1635, mandat clos par sa faillite commerciale.
27 J. B. Collins, La Bretagne dans l’État royal…, op. cit., p. 225. Sanguin et Renouard font partie des traitants sanctionnés par la Chambre de justice de 1661. Daniel Dessert, « Finances et société au xviie siècle, à propos de la Chambre de justice de 1661 », Annales ESC, 1974, p. 847-882. Mais Sanguin était aussi fort lié au réseau de Bruc-Blanchard, V. Gallais, « Pourvoir les finances… », op. cit., p. 185.
28 D. Le Page, « Les officiers moyens… », op. cit., p. 32-34.
29 G. Saupin, « Les oligarchies… », op. cit., p. 106.
30 Il fut un temps – en 1616-1617 – receveur général triennal des finances de Bretagne – avant que les États provinciaux n’en obtiennent la suppression.
31 G. Saupin, Nantes au xviie siècle…, op. cit., p. 457. Idem, « Une dynastie municipale nantaise : les Poullain (xvie-xviie siècles), Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Nantes et de la Loire-Atlantique », t. 131, 1996, p. 167-180.
32 Vincent Gallais, « La plume et l’argent. César de Renouard, magistrat et financier nantais (1603-1675) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 111, n° 1, 2004, p. 47-63.
33 J. B. Collins, La Bretagne dans l’État royal…, op. cit., p. 192-200, 221-227.
34 Catherine, née en 1606, mariée le 11 juillet 1628 à noble homme Charles Chauvet, trésorier de l’extraordinaire des guerres en Bretagne ; Isabelle, née en 1612, mariée le 21 mai 1635 à écuyer César de Renouard, sieur de Drouges, maître aux comptes ; Bonne, née en 1615, mariée à écuyer Jacques Charrette, sieur de la Rouillonnais, frère cadet de Louis Charrette de la Gascherie, sénéchal, maire de Nantes en 1650-1652 au cœur de la Fronde.
35 Le procès ouvert après le décès inattendu de Bernardin Poullain fait apparaître 40 créanciers dont les plus importants sont liés aux affaires financières de la province. On y retrouve Louis Sanguin, receveur général de Bretagne pour 120 625 livres (1645), Charles Chauvet, subrogé d’écuyer Bonaventure de Santo-Domingo, receveur des fouages de Saint-Malo, pour 15 000 livres, solde de 31 000 livres prêtées en 1631, mais aussi Louis de Harouys, pour 1 600 livres en 1635, et René de Pontual, procureur général aux comptes, 15 152 livres en 1638.
36 J. B. Collins, La Bretagne dans l’État royal…, op. cit., p. 97, 112-114, 298.
37 Idem., ibid., p. 107, 112, 130, 291.
38 Ce patronage au sommet de l’État monarchique a pu être relayé en Bretagne et à Nantes puisqu’on voit le maréchal de La Meilleraye, lieutenant général et gouverneur des villes et comté de Nantes, être parrain d’un fils de Jean Fourché, conseiller au parlement, et de Jeanne du Pé (paroisse Sainte Radegonde, 7 juillet 1654).
39 Armand Rébillon, Les États de Bretagne, Imprimeries réunies, Rennes, 1932, p. 131-132. La fonction était normalement élective et le mandat de 4 ans. Sous le règne de Louis XIV, le dévoiement du système est patent puisqu’il existe une vénalité occulte et que la fonction devient viagère. Pierre Fourché de Quéhillac dut verser 72 000 livres à Jean du Bouëxic, en poste de 1643 à 1657. En 1675, les États lui reconnaissent le droit de réclamer cette somme à son successeur Guy de Coëtlogon.
40 Alain Croix, L’âge d’or de la Bretagne, Éd. Ouest France, Rennes, 1993, p. 172.
41 G. Saupin, Nantes au xviie siècle…, op. cit., p. 249. Cela pourrait bien être une opportunité pour réparer une occasion manquée puisque Mathurin François, présenté par la ville comme candidat à la fonction de maire en 1648 et 1651, ne fut pas retenu par les agents royaux.
42 Il s’agit des Cassard de La Pentière, avec Denis, auditeur en 1616, fils de Gilles, receveur des fouages de Cornouaille, et Jacques, reprenant l’office paternel, après décès, en novembre 1646. La solidarité entre les deux branches semble effective puisque l’office de garde des livres est venu d’Antoine Macé, beau-frère de Denis Cassard.
43 G. Saupin, « Les oligarchies… », op. cit., p. 107.
44 Sur sept actes de baptême relevés entre 1620 et 1632 (François Noblet est décédé le 24 avril 1634), nous trouvons trois mentions directes pour les Harouys (Louis et Jean, maires de 1623 à 1627) et deux mentions pour la parentèle Charette, en y incluant Jacques Raoul, sénéchal, maire en 1621-1623, beau-frère du sénéchal René Charette, maire en 1636-1637.
45 G. Saupin, « Nantes au xviie siècle… », op. cit., p. 451.
46 Pour être complet sur les liens entre les Charette et les Comptes en cette fin du xviie siècle, signalons l’acquisition d’un office de maître en 1696 par Julien Charette de La Colinière, neveu de Louis, le parrain retenu par Pierre Noblet en 1670. Cet intérêt tardif, puisque l’acquéreur a 54 ans, est toutefois postérieur au succès de Noblet en 1690.
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Contrôler les finances sous l’Ancien Régime
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