S’équiper sans s’endetter : les pionniers du leasing en France, 1957‑1972
p. 171-186
Texte intégral
1Très en vogue aujourd’hui avec la création de sites en ligne dédiés, la location de biens à destination des consommateurs connaît un succès certain. Les étudiants louent leur électroménager pour l’année, les amateurs d’horlogerie des montres haut de gamme1. Avec Internet, l’économie de l’usage se développe et la location – ou leasing en anglais – tend à l’emporter sur l’achat2.
2Découverte par le grand public en France au cours des années 1980, à la faveur de la diffusion de la location de voitures avec option d’achat (la LOA), la technique du leasing est restée longtemps confidentielle. Initialement destinée aux entreprises, elle a en effet pour vocation originelle le financement des biens d’équipement. Apparue en Grande-Bretagne au xixe siècle, cette formule est reprise aux États-Unis au début des années 1950 avant de se diffuser, une décennie plus tard, en Europe et en France.
3Évolutif et protéiforme, comment le leasing peut-il se définir ? Le leasing est une convention, juridiquement un bail – ou contrat de location –, par laquelle un loueur ou bailleur consent à une entreprise locataire le droit d’utiliser un bien désigné – c’est-à-dire un matériel, un équipement ou un actif au sens large – pendant une durée déterminée, moyennant le paiement de loyers3. Au terme du contrat, trois possibilités existent : la restitution du bien au bailleur, la relocation à moindre coût ou bien le rachat par l’entreprise du bien pour une valeur résiduelle4. L’entreprise est donc utilisatrice d’un bien sans en être propriétaire : c’est le cœur du leasing ! L’entreprise peut en effet « s’équiper sans investir » pour reprendre une formule des années 19605. Un demi-siècle avant l’affirmation de « l’économie d’usage » qui caractérise aujourd’hui nos sociétés digitalisées, le leasing – incroyablement précurseur et moderne – permet donc aux entreprises de « s’équiper sans s’endetter ».
4Une autre caractéristique du leasing est essentielle : l’entreprise conserve l’entière maîtrise de l’opération d’équipement. C’est elle qui définit son besoin, entreprend la recherche ainsi que la négociation commerciale avec le fournisseur. Une fois cette étape conclue, l’entreprise se tourne alors vers une société de leasing qui acquiert le matériel choisi et le donne en location. Le leasing implique donc trois parties : l’entreprise ou locataire, le bailleur qui finance l’investissement et le fournisseur de l’actif. Cette relation tripartite constitue une des spécificités du leasing par rapport au prêt bancaire qui, lui, met en relation deux acteurs : la banque et l’emprunteur. Aussi le leasing peut-il se définir comme « une technique financière au cœur d’une relation commerciale » où le fournisseur peut jouer un rôle certain.
5En France, la première société de leasing – Locafrance – est créée en 1962 et son exemple est rapidement imité. L’essor de ce secteur conduit précisément le ministère des Finances à envisager une réglementation. Dans un contexte de construction européenne, il s’agit d’encourager cette technique de financement favorable à l’investissement productif d’une part, et conformément à la politique générale, d’encadrer ce qui ressemble à du crédit, d’autre part. La loi du 2 juillet 1966, que complète l’ordonnance de septembre 1967, donne ainsi une définition au « crédit-bail » – francisation de leasing – qui peut désormais bénéficier à des équipements mobiliers et immobiliers. Constituant le socle institutionnel de cette opération de financement des entreprises, cette législation marque une première étape dans le développement d’une activité désormais réglementée.
6C’est sur cette période pionnière du leasing, envisagée jusqu’en 1972, date à laquelle l’arrivée de nouveaux acteurs et l’évolution du métier constituent un tournant, que cette communication se concentre. Dans une première partie, les conditions de création des premières sociétés françaises de leasing (1957-1965) seront développées. Dans une seconde partie, il s’agira d’établir dans quelle mesure la loi sur le crédit-bail de juillet 1966 a impacté l’activité de ces sociétés. Enfin, dans une troisième partie, l’évolution de cette formule et de ses acteurs en fonction des besoins des entreprises sera analysée.
I. Les débuts du leasing en France (1957‑1965) : des banques d’affaires sous influence
7Comme pour le factoring – ou affacturage –, qui consiste en une externalisation du compte client à un factor afin d’éviter les délais de paiement, le leasing – autre secteur de niche – vient des États-Unis6. Plus exactement, ces deux techniques, qui visent à alléger le besoin en trésorerie ou en capitaux des entreprises, étaient déjà utilisées en Angleterre au xixe siècle, avant d’être adoptées aux États-Unis d’où elles sont revenues en Europe après la Seconde Guerre mondiale7.
8En effet, c’est à la fin des années 1950, dans la perspective de l’extension du marché européen, que les organismes américains de leasing décident de s’implanter en Europe. Approchées pour un partenariat éventuel, les banques d’affaires françaises – non nationalisées – choisissent in fine de développer seules cette formule. Mais dans quelle mesure le leasing constitue-t-il, pour ces dernières, un secteur prometteur ?
A. L’expérience américaine du leasing et la création des sociétés françaises
9En 1952, D. P. Boothe Junior, dirigeant d’une petite compagnie de produits alimentaires en Californie, voulait louer les machines de conditionnement nécessaire à l’exécution d’un gros contrat qu’il venait de passer avec l’armée américaine alors engagée dans la guerre de Corée, car il ne pouvait ni les acheter au comptant ni à crédit. Mais, ne trouvant personne pour l’aider à réaliser cette opération, et s’apercevant que d’autres industriels se heurtaient au même problème, il a alors l’idée de faire intervenir une société intermédiaire entre le fournisseur et l’utilisateur pour acheter à l’un et louer à l’autre. Il créa ainsi avec trois autres associés la première entreprise américaine « moderne » de leasing, l’United States Leasing Corporation. En 1954, il se retire pour fonder seul à San Francisco sa propre compagnie, la Boothe Leasing Corporation8.
10Le succès du leasing aux États-Unis est immédiat. L’absence de crédit à moyen terme, l’amortissement industriel moins avantageux fiscalement qu’en France et l’abondance des capitaux en quête d’emploi expliquent cet essor. Fin 1965, le montant total des contrats représente 1,35 milliard de dollars soit 3 % environ du montant des investissements industriels et commerciaux. Fortes de ce succès, trois des plus importantes sociétés – l’US Leasing Corporation, la Boothe Leasing Corporation et l’American Industrial Leasing – décident de s’implanter en Europe où le Marché commun offre des perspectives d’activité9. Ces sociétés établissent dès 1960-1961 des filiales en partenariat avec des établissements allemands, anglais, belges ou italiens10. Également sollicitées, les banques d’affaires françaises se montrent plus frileuses face à ces propositions et préfèrent créer elles-mêmes des sociétés de leasing. Car, à l’heure de l’ouverture des frontières, le marché français est prometteur.
11La Banque de l’Indochine prend l’initiative. Après avoir fondé en 1957 une société d’étude chargée d’adapter le leasing au marché français – la Société d’études et de participations financière et technique ou Sepafitec –, elle crée en avril 1962 la première société de leasing en France, Locafrance. Cette initiative est suivie par quatre autres groupes financiers. La Banque de Paris et des Pays-Bas, Suez, la Compagnie bancaire et la Banque Lazard fondent respectivement : la Compagnie européenne d’équipement (septembre 1962), Vendôme équipement (février 1963), la Compagnie pour la location d’équipements professionnels (CLEP) et la Compagnie pour la location d’équipements professionnels et commerciaux (CLEPC, mars 1963) et la Compagnie pour la location de matériel (juillet 1963)11.
12À ces sociétés créées à l’initiative des groupes bancaires s’ajoutent les sociétés de leasing émanant de groupes professionnels. Le Groupement de l’Industrie sidérurgique fonde ainsi la Société de location de matériel pour la sidérurgie ou Locasid en décembre 1962 et la Confédération des petites et moyennes entreprises, la Société de location pour le matériel industriel ou Loca-PMI, qui réserve ces facilités aux adhérents de la CGPME. Ainsi, en un an, près de dix sociétés de leasing ont été créées.
13Pourquoi un tel succès ? Quels sont les financements existants pour les petites et moyennes industries ? Hormis l’autofinancement, la loi du 18 janvier 1951, qui réglemente le nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement tant au profit du vendeur à crédit que du banquier bailleur de fonds, permet de trouver les fonds en nantissant l’outillage nécessaire – sans en être dessaisi – au profit des banquiers12. De même, la loi du 7 février 1953 autorise la Caisse nationale des Marchés de l’État à accorder des crédits aux entreprises artisanales ainsi qu’aux industries appartenant à des branches d’activité différentes relevant d’une même Chambre de commerce. Enfin, le crédit à moyen terme équipement réescomptable auprès de la Banque de France, mis en place par décision du Conseil général de la Banque le 11 mai 1944 pour « faciliter le développement des moyens de production des entreprises », joue un rôle essentiel. Néanmoins, ses effets inflationnistes conduisent régulièrement la Banque à restreindre les conditions de sa distribution. L’accès à ce crédit à moyen terme est donc fortement dépendant de la conjoncture. Ainsi, le plan de stabilisation de septembre 1963, institué par le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing, limite les possibilités. Enfin, l’ensemble de ces moyens de financement (crédit à moyen terme, loi de 1951, loi de 1953) nécessite un apport initial de 25 % et un dossier de demande dont la lourdeur est régulièrement dénoncée par les petites et moyennes entreprises. Aussi les sociétés de leasing nouvellement créées en 1962-1963 constituent-elles une possibilité de financement complémentaire attractive pour les entreprises.
B. « S’équiper sans investir » : les principales caractéristiques d’un contrat de leasing
14Dans leurs arguments publicitaires, les sociétés de leasing insistent sur les principaux avantages de la formule : le choix du fournisseur laissé à l’entreprise et la souplesse de la « sortie » de la relation : « Choisissez le matériel que vous voulez chez le fournisseur de votre choix. Nous le payons cash pour le mettre à votre disposition moyennant un loyer que vous nous versez. En fin de contrat, vous optez soit pour la restitution du matériel, la relocation ou le rachat pour la valeur résiduelle »13.
15L’entreprise choisit en effet son matériel et son fournisseur. Une fois arrêtées les conditions de vente avec ce dernier, elle se tourne vers une société de leasing qui va acheter le matériel et établir le contrat. Ce contrat comporte trois éléments essentiels : la durée, le loyer et les options de fin de contrat. Concernant la durée, celle-ci est calée sur celle retenue pour le crédit à moyen terme équipement soit entre 3 et 5 ans. Elle se divise en deux périodes, l’une irrévocable – les deux tiers ou les trois quarts de la durée totale – qui couvre le prix d’achat du bien et est égale ou inférieure à la durée de l’amortissement fiscal, et une seconde période révocable chaque année. Pour le loyer, les modalités de perception sont variées. Ce dernier peut être mensuel, trimestriel, semestriel ; linéaire ou dégressif ; payable d’avance ou à terme échu. À l’expiration du bail, trois possibilités s’offrent à l’entreprise locataire : restituer le matériel au bailleur (la société de leasing), prolonger la durée de la location sur de nouvelles bases (loyer réévalué à la baisse) ou acheter le matériel. Cette dernière possibilité, qui n’existe pas dans tous les pays, notamment aux États-Unis ou en Allemagne, où le matériel est repris par la société de leasing14, est stipulée dès la signature du contrat, pour un prix qui correspond à la valeur résiduelle fixée (celle-ci représentant souvent 5 % maximum du prix d’achat). Il faut également mentionner qu’à l’origine le matériel loué est assuré et entretenu par l’entreprise qui paie les loyers, ce qui distingue le leasing du renting pratiqué pour la location de véhicules automobiles, qui offre service et assistance15.
16Enfin, un autre élément essentiel au contrat de leasing est le droit de reprise de la société en cas de défaillance du client. Ainsi, dès le non-paiement d’un loyer, la société de leasing peut reprendre son bien et demander une indemnité16.
17Le leasing a donc une nature juridique hybride car, bien que l’opération aboutisse, au même titre qu’un crédit bancaire, à permettre l’attribution d’un matériel à une entreprise, ce n’est pas un prêt d’argent, mais un bien qui est fourni17.
18Ce bien est donc un élément essentiel du contrat de leasing. L’évaluation de sa dépréciation, afin de déterminer la valeur résiduelle à la fin du contrat, doit être proche de sa valeur marchande. De même, le loyer n’est pas seulement le prix d’un service rendu mais correspond également au remboursement du capital – il permet à la société de leasing de recouvrer le prix d’achat du bien – d’où la période dite « irrévocable » de location et, en cas de défaillance, la possibilité de récupérer ce bien.
19Cet élément essentiel – la location d’un bien et non un prêt d’argent – explique que les sociétés de leasing relèvent alors du droit commercial et non de la réglementation bancaire. Elles ne sont soumises ni à l’obligation de s’enregistrer auprès du Conseil national du crédit ni au recensement de leurs engagements. Cette qualité est-elle gage de succès ?
C. Une formule adaptée aux besoins des pme-pmi et un succès immédiat
20Le décollage de l’activité de la dizaine de sociétés créées en 1962-1963 est en effet très rapide. Si l’on prend l’exemple de Locafrance, le montant des contrats conclus passe de 70 millions de francs fin 1963 à 250 millions de francs fin 196518.
21À cette date, les encours de l’ensemble des sociétés de leasing s’élèvent à 750 millions de francs. Certes, ce montant est très faible comparé aux 35 milliards d’investissements productifs réalisés par les entreprises privées – dont 4,9 milliards financés par le crédit à moyen terme mobilisable –, mais c’est un début prometteur.
22Le leasing présente en effet des avantages certains. Il permet aux entreprises de disposer d’un matériel neuf sans mise de fonds initiale et sans emprunt. Il ne pèse donc pas sur la trésorerie. C’est ce que traduit la formule de l’époque « s’équiper sans investir ». Il correspond aux besoins d’entreprises jeunes, trop petites ou trop pauvres pour avoir accès au crédit à moyen terme. Il se révèle ainsi bien adapté aux PME qui peuvent difficilement accéder au crédit à moyen terme – nécessitant un apport d’environ 25 % du prix de l’investissement – ou bien qui désirent préserver leur structure familiale. Mais il peut aussi aider les grandes entreprises qui ont besoin de réaliser des investissements imprévus ou qui ne correspondent pas au cœur de leur métier.
23L’étude des entreprises clientes des sociétés de leasing montre ainsi une majorité d’entreprises d’importance moyenne – la moyenne des contrats de Locafrance en 1963 est de 120 000 francs – dans des secteurs économiques à obsolescence lente : l’industrie lourde, la mécanique, l’industrie chimique, le matériel agricole, etc. Le matériel loué sert à la production d’énergie, à des installations frigorifiques, des agencements commerciaux, etc.19
24Le leasing constitue également une formule souple et rapide. Contrairement aux trois étapes incontournables de la demande de crédit à moyen terme – banquier, Crédit national, Banque de France – qui allongent les délais de réponse, le leasing est accordé dans un délai de 8 à 15 jours maximum.
25Enfin, d’un point de vue comptable, le leasing est invisible dans le bilan car les biens ne sont pas des actifs, ils restent la propriété du bailleur. Seul le compte d’exploitation porte la trace du règlement annuel des loyers.
26L’inconvénient de ce qui pourrait apparaître comme une « formule magique », c’est, comme pour le factoring, le coût. Le leasing étant une location, il n’y a pas de taux d’intérêt, ni de barème unique. Les tarifs pratiqués par les sociétés varient en fonction de la durée de la location, de la nature des équipements, de la qualité des clients et parfois de ristournes obtenues du fournisseur.
27Des études réalisées par la Banque de France permettent d’évaluer ce coût. Fin 1965, il est de l’ordre de 10 à 12,5 % par an, taxes comprises, à comparer avec le crédit à moyen terme réescomptable (5,75 %) et à la vente à tempérament de matériels d’équipement (16,40 %).
28Ces tarifs sont dus au coût de refinancement des sociétés de leasing qui ont une exigence de fonds propres élevée et un accès à la Banque de France limité. Fin 1963, les ressources de Locafrance se répartissent ainsi : 34 % de fonds propres ; 34 % de crédit à moyen terme, 18 % d’autofinancement et 14 % de crédit fournisseur20. Toutefois, les risques étant faibles, le leasing constitue une opération de niche particulièrement rentable. Fin 1965, Locafrance n’a connu en 3 ans d’existence que 12 cas litigieux sur plus de 3 000 opérations et une perte en valeur inférieure à 0,5 %.
29Initiative de banques d’affaires privées, aiguillonnées par les firmes américaines, le leasing connaît un développement rapide (9 sociétés fin 1963, 26 fin 1965) « et cela bien que le principe même de la location ne soit guère ancré dans les mœurs françaises »21. Dans un contexte général de politique restrictive de crédit – Plan de stabilisation de septembre 1963 –, il apparaît ainsi comme une formule complémentaire aux besoins d’investissements. Financement de niche, représentant à la fin de 1965, 1 % des investissements productifs réalisés par les entreprises privées (35 milliards de francs), il est aussi perçu comme un facteur d’accélération du progrès technique, car apte à faciliter le renouvellement du matériel, et cela sans peser sur la trésorerie de l’entreprise.
30Mais il constitue aussi une activité non réglementée qui pose problème aux autorités financières. Car les sociétés de leasing ont la forme de société commerciale alors qu’elles effectuent des opérations assimilables, par leur objet, à des opérations de crédit.
31C’est précisément ce point que le ministère des Finances et la Banque de France souhaitent voir explicité avant toute politique d’encouragement aux sociétés de leasing. Car si les rapports produits sur le sujet, notamment par l’Inspection générale des Finances, reconnaissent l’utilité du leasing pour encourager l’investissement privé, insuffisant en France, ils soulignent également la nécessité de réglementer cette activité et donc de préciser sa nature.
II. Du leasing au crédit-bail mobilier et immobilier : le tournant institutionnel (1966‑1967)
32L’expérience du leasing durant ses premières années s’est révélée fructueuse. En 4 ans d’existence (1962-1965), le leasing s’est développé autant en France qu’en 10 ans aux États-Unis22. Réponse aux besoins de financement des entreprises françaises non satisfaits jusque-là, les sociétés de leasing se révèlent à la hauteur des espoirs des banques d’affaires fondatrices, qui se partagent 75 % de l’activité. Cet essor a néanmoins une limite : leurs ressources. Car, non soumises à la réglementation bancaire en raison de leur forme commerciale, ces sociétés n’accèdent que dans des limites strictes au réescompte de la Banque de France. Aussi l’idée pour le législateur, sensible aux possibilités d’investissements qu’offre cette technique, est-elle, afin de faciliter leur refinancement, de les soumettre à la réglementation bancaire et donc de trancher l’ambiguïté de la nature de leur activité. Quel est précisément le compromis trouvé ? Quelles sont les conséquences du tournant réglementaire de 1966-1967 sur l’activité et les acteurs du leasing ?
A. Le leasing comme moyen de modernisation et d’expansion industrielle
33La préparation du Ve Plan de modernisation et d’équipement est propice à l’analyse de cette nouveauté qu’est le leasing en France. En effet, dans un contexte « d’impératif industriel » cher à la République gaullienne, il constitue une offre de financement supplémentaire pour moderniser les entreprises françaises confrontées à la concurrence européenne. Les échanges qui font suite aux études révèlent des forces en présence aux positions contrastées. Le Plan et l’Inspection générale des Finances se montrent plus favorables au leasing que la direction du Trésor et la Banque de France. Parmi les arguments avancés par les premiers, figure le fait que le leasing permet de résoudre le problème des fonds propres des entreprises en forte expansion. De même, il peut contribuer à la modernisation des équipements à condition que les contrats puissent prévoir le renouvellement du matériel en cas d’obsolescence assez rapide comme, par exemple, pour les premiers ordinateurs ou « super calculateurs ». Enfin, sur le modèle des sociétés américaines, il est envisagé que les sociétés françaises assurent aussi l’entretien du matériel, ce qui en faciliterait l’usage et assurerait une économie de gestion pour l’entreprise. Le Plan et l’Inspection se prononcent donc pour un « coup de pouce » et plaident pour une augmentation de l’accès des sociétés de leasing au réescompte de la Banque de France.
34Mais la forme commerciale des sociétés de leasing gêne considérablement le Trésor et la Banque de France. Cette dernière n’envisage l’assouplissement de son concours de refinancement qu’à la condition d’encadrer l’activité et donc de préciser sa nature juridique. Car, pour la Banque, il s’agit bien « sous les dehors d’un bail, d’un prêt ». Dès lors, le compromis avec le Plan passe par la transformation des sociétés de leasing en établissements soumis à la réglementation bancaire. Ce choix est transcrit dans la dénomination même de l’opération désormais francisée en « crédit-bail » par la loi du 2 juillet 1966.
B. La fin du leasing libre : l’avènement du crédit‑bail mobilier et immobilier
35La loi du 2 juillet 1966 clarifie donc la nature du leasing. Elle en affirme le caractère financier par la dénomination même. Les sociétés de crédit-bail sont soumises aux dispositions des lois bancaires des 13 et 14 juin 1941 relatives à la réglementation et à l’organisation de la profession de banquier. Elles ont donc l’obligation d’adopter le statut de banque ou celui d’établissement financier et sont tenues d’observer les décisions prises par le Conseil national du crédit23.
36La loi donne également une définition du « crédit-bail » mobilier et précise que l’opération ne peut avoir lieu que pour des biens d’équipement ou du matériel d’outillage, excluant les véhicules de tourisme. De même, l’option d’achat est rappelée, ce qui différencie le crédit-bail du renting.
37D’autre part, la loi du 2 juillet 1966 est complétée par l’ordonnance du 28 septembre 1967, qui crée un régime spécifique pour le crédit-bail immobilier avec la création des sociétés immobilières pour le commerce et l’industrie ou Sicomi. Les Sicomi ont pour vocation de financer par le crédit-bail la construction et la location d’immeubles à usage professionnel comme des locaux industriels (entrepôts, usines), des bureaux (sièges sociaux), des surfaces commerciales (supermarchés et hypermarchés), sur une durée de 20 à 25 ans. Dotées d’un régime fiscal favorable – les Sicomi sont exonérées d’impôt sur les sociétés et les droits de mutation sont réduits –, elles connaissent un succès immédiat comme l’une des plus importantes d’entre elles, Unibail – fondée en 1968 par le groupe Worms –, qui finance une partie du siège social de Pennaroya installé dans la tour Maine-Montparnasse24. Les Sicomi sont également les acteurs privilégiés de la très vaste opération de rattrapage du téléphone en France lancée par les PTT dans le cadre des VIe et VIIe Plans. Afin de financer les installations des centraux téléphoniques, l’administration des PTT recourt ainsi à des Sicomi dédiées portées par l’ensemble des grandes banques de dépôt25. Financés par le crédit-bail, les centraux téléphoniques sont ensuite loués aux PTT. Toutefois, au début des années 1970, malgré le succès certain des Sicomi, le crédit-bail bénéficie moins au secteur immobilier qu’à l’équipement productif, qui représente les deux tiers des encours.
38Alors, quel bilan tirer de ce tournant réglementaire des années 1966-1967 ? Le premier point à souligner est avant tout la clarification de la nature du leasing et l’affirmation par la loi de son caractère financier désormais visible dans sa nouvelle dénomination, le crédit-bail. La contrepartie de cette clarification est l’accès facilité des sociétés de crédit-bail au réescompte de la Banque de France et donc à plus de ressources et à un meilleur coût26. La deuxième conséquence de l’institutionnalisation du crédit-bail est son extension au secteur de l’immobilier professionnel, complétant ainsi la capacité d’action de ce mode de financement original où l’usage l’emporte sur la propriété27. Enfin, et ce n’est pas la moindre des conséquences, la transformation des sociétés de leasing en établissements financiers marque l’irruption de nouveaux acteurs du crédit-bail avec l’entrée des banques de dépôts, tout particulièrement dans le crédit-bail immobilier, très avantageux sur le plan fiscal. La Société Générale crée ainsi Sogébail en 1968, le Crédit Lyonnais Slibail en 1969 et la Banque nationale de Paris Natiobail – Banque nationale pour l’expansion du crédit-bail – la même année. L’arrivée de ces nouveaux acteurs, concomitante du décloisonnement bancaire acté par les lois Debré en décembre 1966, marque une nouvelle étape du développement du crédit-bail en France.
III. Le crédit-bail : une technique évolutive au service des entreprises (1968‑1972)
39Le tournant institutionnel consacre l’utilité du crédit-bail pour répondre aux besoins d’investissements des entreprises que cela soit en équipement ou en immobilier. Location simple à l’origine, le crédit-bail évolue aussi, suivant en cela le modèle américain, vers une formule qui propose de plus en plus de services aux entreprises (entretien, changement du matériel, etc.). Ce moyen de financement devient également plus transparent sur le plan comptable. Le décret du 4 juillet 1972 établit en effet la publicité comptable des engagements, appelés désormais à figurer au hors-bilan. Enfin, à cette adaptation économique et comptable s’ajoute également la prise en compte par les sociétés de crédit-bail d’un environnement moins hexagonal et plus européen.
A. Nouveaux services, nouveaux secteurs et nouvelle norme comptable
40Alors que les contrats de leasing à l’origine laissaient le soin à l’entreprise de régler les conditions d’achat avec le fournisseur et d’entretenir le matériel livré, une évolution sensible apparaît avec la diffusion de ce mode d’investissement. Dans une perspective de conquête de marché, les sociétés de crédit-bail ne se contentent plus de louer uniquement l’équipement, elles tendent en effet à devenir des sociétés de services. Elles proposent ainsi aux entreprises clientes de négocier directement avec le constructeur pour obtenir des rabais, de conclure des cosntrats d’assurance pour le matériel ou des contrats de maintenance.
41Une autre pratique nouvelle est également, sur le modèle américain, de proposer le remplacement du matériel devenu obsolète en cours de contrat par du matériel plus performant. Cette possibilité, déterminante pour le Commissariat général au Plan, assure en effet une modernisation en continu des équipements productifs, en particulier pour ceux à obsolescence rapide. Car si, au départ, le leasing finançait surtout des machines à obsolescence lente, l’irruption de nouveaux secteurs comme l’informatique – le plan Calcul est lancé en France en 1967 – modifie les pratiques28. Le crédit-bail mobilier, dont le contrat prévoit désormais le renouvellement du matériel en cas d’innovations, se révèle en effet particulièrement bien adapté dans ce cas29. Les supercalculateurs, les premiers ordinateurs, mais aussi les photocopieurs sont ainsi des équipements pour lesquels les entreprises recourent de manière privilégiée au crédit-bail. À noter toutefois que, sur ce terrain, la concurrence avec les constructeurs est rude car ces derniers possèdent leur propre société de leasing30. Outre l’adaptation de nouveaux secteurs, le crédit-bail évolue aussi dans ses modalités d’intervention.
42Ainsi, les premières formules de lease-back émergent au début des années 1970. Cette formule permet à une entreprise de disposer de liquidités immédiates contre un abandon provisoire de ses biens de production. Par exemple, une société de leasing achète à une entreprise des investissements déjà réalisés par elle et les lui reloue aussitôt en vertu d’un contrat de crédit-bail31. L’on peut citer ainsi un exemple dans le secteur agricole où un éleveur du Sud-Ouest vend la propriété de ses 400 vaches à un groupe bancaire qui les lui reloue aussitôt, lui permettant de renflouer sa trésorerie sans perdre ses « moyens de production »32.
43Enfin, l’extension du domaine du crédit-bail appelle également pour les autorités financières une nécessité de transparence plus importante dans la comptabilité des entreprises bénéficiaires. Pour apprécier l’endettement d’une entreprise qui recourt au crédit-bail (lequel n’apparaît pas au bilan), le ministère de la Justice, demande en juillet 1972 que les opérations de crédit-bail soient inscrites dans le hors-bilan. De même, les engagements doivent être déclarés au greffe du tribunal de commerce pour le crédit-bail mobilier et au bureau des hypothèques pour le crédit-bail immobilier33.
44Évolutif, désormais plus visible, le crédit-bail français demeure un marché concentré aux mains de quelques acteurs soucieux de s’intégrer dans les circuits européens.
B. Un marché concentré, dynamique et ouvert à la coopération européenne
45Bien que le nombre de sociétés de crédit-bail mobilier continue d’augmenter – 31 sociétés à la fin de 1969, 36 à la fin de 1972 – la concentration du marché reste très forte. Locafrance demeure ainsi, 10 ans après sa création, en tête du classement avec un quart des investissements totaux de crédit-bail. Ses clients, au nombre de 50 000 à la fin de 1971, sont à 90 % des PME-PMI, auxquelles s’ajoutent 10 % de grandes entreprises françaises34. Se déclinant en filiales spécialisées par matériel loué, la pionnière des sociétés de crédit-bail se montre également désireuse d’accompagner ses clients sur les marchés étrangers. Elle est ainsi à l’origine, en 1972, de Synerlease, un Groupement d’intérêt économique qui vise à conseiller les entreprises industrielles françaises ayant des activités à l’international.
46La deuxième position est occupée par une société nouvelle résultant de la fusion entre la CLEP, et la Compagnie européenne d’équipement : Locabail. Nés en 1967 du rapprochement entre la Compagnie bancaire et la Banque de Paris et des Pays-Bas, Locabail, puis Locabail immobilier en 1968, s’affirment rapidement comme des acteurs-clés du crédit-bail mobilier et immobilier et rejoignent Leaseclub, groupement de dix sociétés européennes de crédit-bail qui vise à conseiller les entreprises hors de leur marché national35. Vendôme équipement, fondé par Suez, demeure également parmi les entreprises de crédit-bail les plus actives. À ce groupe des pionniers, il faut ajouter, depuis la libéralisation du marché bancaire et l’institutionnalisation du crédit-bail, les filiales spécialisées des banques de dépôt – Slibail (Crédit Lyonnais) et, dans une moindre mesure, Sogébail (Société Générale), Natiobail et Natioéquipement (BNP) – qui s’imposent rapidement dans la cour des « grands »36. Car les banques de dépôt, comme auparavant les banques d’affaires, ont bien compris l’intérêt de ce secteur de niche rémunérateur en croissance rapide. Le montant de crédit-bail en encours (mobilier et immobilier) passe en effet de 1,25 milliard de francs en 1968 à 3,2 milliards en 1969 puis 8,12 en 1972 et 10,7 milliards en 1974, soit son point le plus haut avant une contraction liée au choc pétrolier37. Cette forte expansion montre tout l’intérêt d’une formule apte à « inventer des capitaux propres » lorsque le marché ne permet pas de couvrir les besoins38.
Conclusion
47Pour conclure sur cette décennie pionnière du leasing en France, trois caractéristiques majeures se dégagent. La première est l’acclimatation rapide de cette formule de location financière ou crédit-bail selon le point de vue adopté. Le manque de fonds propres des entreprises fait que le leasing apparaît comme une solution complémentaire à leurs besoins d’investissement. La souplesse et la rapidité de la formule, par ailleurs invisible jusqu’en 1972 dans les bilans, compensent pour les PME-PMI un coût qui reste plus élevé que le recours au crédit, alors classique, d’équipement, le crédit à moyen terme. Fin 1971, après une décennie d’existence, le crédit-bail mobilier représente ainsi 3,6 milliards de francs d’achat de matériels soit 1,5 % des investissements productifs réalisés dans le secteur privé.
48Cet apport intéressant repose sur l’initiative des banques d’affaires – Banque de l’Indochine, Banque de Paris et des Pays-Bas, Suez – qui ont perçu tout l’intérêt, comme pour le crédit à la consommation à destination des particuliers, d’un financement de niche très rentable. Bousculées par les banques de dépôts qui investissent le marché à leur libéralisation – notamment Slibail, la filiale spécialisée du Crédit Lyonnais –, ces acteurs de la première heure, ou de la seconde, n’ont de cesse de faire évoluer à la fois la formule de financement, les services associés, ainsi que les secteurs d’activité concernés. Secteur très technique, le crédit-bail fait l’objet de filiales « outils » aptes à mettre en œuvre ces évolutions. Principalement destiné au financement des équipements à obsolescence lente (machines-outils), le crédit-bail est aussi l’un des premiers outils de financement des secteurs innovants (informatique) à obsolescence rapide, la possibilité de renouvellement du matériel renforçant la modernisation et donc la compétitivité de l’entreprise.
49Cette technique protéiforme et évolutive, qui fait primer la notion d’usage – dernière caractéristique –, se révèle particulièrement adaptée aux PME, dont « le rôle n’est pas de posséder mais de produire et de vendre ». Le bien ne vaut que par son usage et la notion de service l’emporte sur la propriété. En une décennie, le principe anglo-saxon du pay as you earn ou PAYE – « payez ce que vous gagnez » – a séduit les entreprises et posé les fondations d’un secteur financier français appelé à se développer39.
Notes de bas de page
1 Catherine Quignon, « L’extension du domaine du leasing », Le Monde, 21 avril 2013.
2 Pascal Canfin, « N’achetez plus, louez ! », Alternatives économiques, no 277, 1er février 2009.
3 Jean-François Gervais, Les clés du leasing, Paris, Éditions de l’Organisation, 2004.
4 Cette option d’achat est une spécificité française. En Allemagne par exemple, cette possibilité n’existe pas et le loueur s’engage à reprendre le bien à l’issue du contrat : voir Mario Giovanoli, Le crédit-bail en Europe : développement et nature juridique, Paris, Librairies techniques, 1980.
5 Archives Banque de France (ABF), 13672003/86, Direction du Trésor, Mission de contrôle des affaires financières, Pierre du Pont, « Rapport sur le leasing en France », janvier 1964.
6 Hubert Bonin, 50 ans d’affacturage en France. Des pionniers et leaders aux groupes bancaires (1964-2016), Genève, Droz, 2016 ; Patrick de Villepin, La success story du factoring, Paris, Association pour la promotion et l’histoire du factoring, 2015 ; Sabine Effosse, « Les débuts de l’affacturage en France, 1961-1973 : un secteur marginal en quête de reconnaissance », Entreprise et Histoire, no 77, décembre 2014, p. 114-123.
7 ABF, 13672003/86, direction générale de l’Escompte, note sur le crédit-bail, 11 mai 1970.
8 Sur D. P. Boothe Jr (1911-1996) et la création de ces sociétés, voir Léonard D. Adkins et Thomas B. Bardos, « Leasing of Industrial Equipment », The Business Lawyer, vol. 15, no 3, avril 1960, p. 586-594 et ABF, 13572007/54 ; L. Pfeiffer, « Le prêt-bail de biens d’équipement, facteur d’évolution économique ? », Économie et Humanisme, 167, mai-juin 1966.
9 Les compagnies américaines de leasing souhaitaient en effet intervenir dans le financement de biens d’équipement à l’exportation. La Banque de Paris et des Pays-Bas était en pourparlers avec la Lease Plan International Corporation : voir AFB, 13672003/87, notes de l’attaché financier à New York du 9 mai 1962.
10 En Allemagne est créée en octobre 1962 la Deutsch Leasing, filiale de la compagnie américaine Lease Plan International Corporation : voir ABF, 1357200701/54, note sur le financement du louage des biens de production en Allemagne, février 1963.
11 À noter que l’Union financière de Paris et le groupe Rivaud fondent également la Société pour la location de matériel industriel et commercial – LOMICO – en mai 1962 et que la Banque de l’Union parisienne décide, elle, de s’associer à une holding américaine pour fonder en 1964 Leaseco France afin de financer des machines électro-comptables puis des ordinateurs.
12 Patrice Baubeau, Arnaud Lavit d’Hautfort et Michel Lescure, Le Crédit national, histoire publique d’une société privée, Jean-Claude Lattès, Paris, 1994.
13 Christian Marmain, « Le crédit-bail marque des points », L’Usine nouvelle, no 45, 09 novembre 1972.
14 Celle-ci revend alors le matériel soit directement soit par l’intermédiaire de sociétés spécialisées.
15 Le renting se caractérise aussi par des durées de location courtes.
16 Cette possibilité de reprise du bien distingue le leasing de la vente à tempérament pour laquelle, à l’exception de l’automobile neuve dont le gage est rendu possible par la loi Malingre de 1934, une reprise par l’organisme de financement du matériel vendu à crédit est impossible : S. Effosse, Le crédit à la consommation en France de 1947 à 1967, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2014, p. 28-29. Consultable en ligne, https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/3150.
17 ABF, 1000199201/9, B. Chadefaux, L’expérience française du leasing, thèse d’inspection, mai 1966, p. 29-33. Avant la loi du 2 juillet 1966, le leasing relève de l’article 1709 du Code civil. Il repose sur un contrat traditionnel de louage de choses, « un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer ».
18 ABF, 13672003/86, direction du Trésor, mission de contrôle des Affaires financières, rapport cit. sur le leasing, janvier 1964.
19 À la fin de 1965, les achats en matériel de Locafrance se répartissent de la manière suivante : 30 % pour les machines-outils, 20 % pour le papier-carton-imprimerie, 16,5 % pour les travaux publics sidérurgie, 9 % pour les textiles cuirs, 5,5 % pour la chimie, 5 % pour le matériel agricole et alimentaire, 3 % pour le matériel de bureaux et 11 % pour d’autres matériels : voir B. Chadefaux, op. cit., p. 51.
20 Pierre du Pont, op. cit.
21 Ibid.
22 ABF, 13672003/86, Commissariat général du Plan, note sur le développement des sociétés de crédit-bail immobilier, 5 mai 1970, p. 4.
23 Elles sont ainsi progressivement soumises à la règle du ratio des engagements par rapport aux fonds propres (huit fois le montant des fonds propres par la décision du Conseil national du Crédit au 25 juin 1970), de la déclaration des opérations à la centrale des risques (décision du CNC du 28 juin 1967) et doivent communiquer leurs barèmes au Conseil national du crédit même si aucune limitation n’est prévue par l’organisme (décision du CNC du 26 février 1971).
24 Les Sicomi ont officiellement disparu le 01 janvier 1996 après une période transitoire de 5 ans (la loi de Finances de 1991 avait supprimé le régime fiscal de faveur). De 1967 à 1995, elles ont mobilisé près de 350 milliards de francs pour l’immobilier professionnel, Cécile Desjardins, « Que sont les Sicomi devenues ? », Les Échos, 24 octobre 2002.
25 Loi de Finances rectificative du 24 décembre 1969 autorisant la création de sociétés agréées pour le financement des télécommunications. La Société Générale et la Banque de Paris et des Pays-Bas créent Finextel (1970), la Banque nationale de Paris et Suez, Codetel (1971), la Caisse nationale de Crédit Agricole, Agritel (1972), et le Crédit Lyonnais et la banque Vernes, Creditel (1972) : voir ABF, 1740199007/20, rapport de D. Trimoulla sur les sociétés de financement des télécommunications, février 1978.
26 La part du crédit-bail mobilier dans les encours totaux du crédit à moyen terme du Crédit national réescomptable à la Banque de France passe de 5,2 % à la fin de 1966 à 17 % à la fin de 1970. À cette même date, la part du crédit à moyen terme dans les ressources des sociétés de leasing s’élève à 39,5 % : voir ABF, 13672003/87, Direction générale du crédit, Note sur le financement des opérations de crédit-bail mobilier du 26 septembre 1973.
27 En 1970, il existe une trentaine de sociétés de crédit-bail mobilier et une vingtaine de Sicomi.
28 En 1971, l’encours de crédit-bail mobilier est de 3,6 milliards de francs et se répartit de la manière suivante : 18 % pour le matériel pour les travaux publics, la sidérurgie et les mines, 18 % pour le matériel électrique, 14 % pour les véhicules de plus de 2 tonnes, 13,5 % pour les machines industrielles et pièces détachées, 11 % pour les autres matériels de précision, 8 % pour les machines-outils, 8 % pour les ordinateurs et périphériques, 2,5 % pour le matériel de bureau et 7 % divers, dans Économie et statistiques, « Le crédit-bail en 1971 », octobre 1972.
29 Lors du VIe Plan, le parc d’ordinateurs installés en France est passé de 5 900 unités en 1970 à 16 350 en 1975.
30 Rank Xerox, le constructeur américain de copieurs, propose à ses clients depuis 1951 une facturation à l’usage. Citons également Burroughs Machine, International Business Machines (IBM) ou National Cash Register Company.
31 ABF, direction générale de l’Escompte, « Le crédit-bail mobilier », juin 1971.
32 ABF, 1370198301/07, « Crédit-bail sur le bétail », Les Informations, 09 octobre 1972.
33 Décret 72-665 du 4 juillet 1972.
34 ABF, 1370198301/6, « Locafrance : 10 ans de crédit-bail », Les Échos, 8 novembre 1972.
35 ABF, 1370198301/6, Agence économique et financière, Louis Legendre « Location et leasing ».
36 Notons que l’irruption des grandes banques de dépôts dans le crédit-bail via leurs filiales « outils » a suscité des critiques, les banquiers étant accusés de s’aventurer dans le domaine « réprouvé » de la commandite : voir ABF, 1740199007/19, « L’apport du crédit-bail aux techniques financières : l’exemple français », Maurice Lauré (alors président de la Société Générale), Revue Banque, juillet-août 1977.
37 Ibid.
38 ABF, 1740199007/19, note « Le crédit-bail : le point de vue de l’entreprise », 1977.
39 En 2014, BNP Leasing solutions, issu de la fusion entre UFB-Locabail - BNP Lease (fusion BNP-Paribas en 2000), puis de la fusion avec Fortis (racheté par BNP Paribas en 2009), est ainsi devenu le leader européen du leasing (voir le classement Leaseurope des sociétés de leasing).
Auteur
Sabine Effosse est professeure d’histoire contemporaine à l’université de Paris Nanterre et membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Ses recherches portent sur l’histoire du crédit, du logement et de la consommation. Elle est l’auteure de plusieurs publications à l’IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France : L’invention du logement aidé en France. L’immobilier au temps des Trente Glorieuses (2003), Entretiens avec Roger Goetze. Un financier bâtisseur (2007) consultable en ligne, https://books.ope-nedition.org/igpde/3121, et Le crédit à la consommation en France, 1947-1965 (2014), consultable en ligne, https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/3150. Ses publications récentes : « Consumer Credit as a Marketing Tool: The French Experience in European and Transatlantic Comparison 1950s-1960s », in Jan Logemann, Ingo Köhler et Gary Cross, Consumer Engineering, 1930-1970. Marketing from Planning Euphoria to the Limits of Growth, Washington DC, Palgrave McMillan, chap. 8, 2019 ; « El cheque en Francia: el lento ascenso de un medio de pago de masas (1918-1975) », in Joan Carles Maixé-Altés, Gustavio Del Angel et Bernardo Batiz-Lazo, « Retail payments in historical perspective », Revista de la Historia de la Economia y de la Empresa, XI, 2017, p. 77-94 ; L’économie mondiale depuis 1945, La Documentation photographique, 2016.
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