Les Trente Glorieuses du crédit commercial inter‑entreprises en France
p. 149-170
Texte intégral
1La France est aujourd’hui (2018) l’un des pays européens où le crédit commercial inter-entreprises (CIE) occupe la place la plus importante. Le fait qu’elle partage cette particularité avec les autres pays méditerranéens conduit à privilégier au moins en partie une explication globale du phénomène. La faible protection juridique du créancier (garanti ou non) ne fait pas seulement obligation aux firmes de trouver d’autres créanciers que les banques pour payer leurs achats de fourniture, selon un modèle classique qui peut s’appliquer dans le reste de l’Europe ; associée au risque élevé des transactions dans cet espace (en particulier dans la partie la plus méridionale de cet espace), elle fait aussi obligation aux fournisseurs de protéger les créances nées de leurs ventes par les garanties procurées par le droit cambiaire (si la créance est matérialisée par une lettre de change) et le caractère relationnel des contrats (créé par les longs délais de paiement)1.
2Le poids structurant des données institutionnelles et anthropologiques ne doit cependant pas conduire à ignorer les tensions et les débats qui dans chaque pays entourent le CIE et, par-là, le jeu des acteurs qui y participent ou qui en fixent les règles. En Allemagne et en Angleterre, pour prendre l’exemple de deux systèmes institutionnels et culturels très différents, les règles du CIE ont été modifiées à la fin du xixe siècle, sous la pression des acteurs (grandes entreprises – désormais GE –, banques), ce qui en a contracté l’usage. En France, il faut attendre la fin du xxe siècle pour que soit débattu et remis en cause le rôle du CIE ; la grave crise économique des années 1970 est propice à la mise à jour des défauts de ce type de financement (faillites en chaîne, caractère inflationniste du CIE, obstacle à l’efficacité des politiques monétaires, coût élevé de financement et mauvaise allocation de capitaux)2.
3La révélation, vers 1980, par les économistes, de la place alors occupée par le CIE conduit à questionner la nature exacte de son rôle dans l’économie, particulièrement dans la phase de croissance et de modernisation qui avait précédé (1945-1975). Les rares données statistiques disponibles3 montrent que ce type crédit a accompagné la croissance des Trente Glorieuses. Stable à un haut niveau de la fin des années 1950 à la fin des années 1960 (autour de 20 % des actifs et 17 % des passifs), la part du crédit commercial dans le bilan des GE industrielles et commerciales augmente fortement ensuite (figure 1). Plus forte pour les crédits clients (délais et avances) que pour les crédits fournisseurs (délais et avances), la hausse de la fin des années 1960 et du début des années 1970 fait doubler le solde du CIE global : entre 1966 et 1974, celui-ci passe de 2,4 % à 5 % des bilans. Plus forte pour le crédit fournisseur que pour le crédit client, la baisse de 1975 porte ce solde à 5,8 %4.
4Cette évolution reflète dans ses grandes lignes celle de l’importance du crédit commercial dans les ventes et achats des firmes : stagnation du début des années 1960, progression au tournant de la décennie, repli final en 1974-1975 (lors du deuxième encadrement du crédit) ; les difficultés de trésorerie entraînent alors un raccourcissement des délais6. Dans le moyen terme, la hausse du rôle des firmes comme prêteuses nettes est confirmée car la baisse des délais fournisseurs est plus précoce et plus rapide que celle des délais clients. Ainsi, après avoir accompagné la croissance des entreprises pendant une grande partie des Trente Glorieuses, le CIE semble en devenir un élément moteur ; mais le renforcement du rôle de banquier des firmes non financières se fait au prix d’une dégradation de leur situation de trésorerie et d’un important endettement bancaire à court terme.
5Sur le fond, l’importance maintenue du CIE et le rôle accru des firmes non financières comme prêteuses nettes traduisent les tensions qui se sont exercées sur le financement des firmes pendant les Trente Glorieuses. Comment le CIE a-t-il concrètement fonctionné. À qui a-t-il profité ? Qui en a supporté le coût ? L’absence de remise en cause avant la fin des années 1970 semble accréditer l’hypothèse de son utilité, sinon celle de son efficacité économique. Pour répondre à ces questions, trois points seront envisagés : la position des acteurs, le rôle du CIE dans le financement des firmes, les débordements auxquels il a donné lieu.
I. La position des acteurs
6Les banques ont souvent été tenues pour responsables de l’importance du CIE en France7. L’argument repose sur le statut particulier de la lettre de change qui, cas unique en Europe, est à la fois un instrument de recouvrement et de garantie des créances, un instrument de financement et de refinancement bancaire. Aux créanciers la traite fournit l’avantage d’un mode de recouvrement aisé et fortement garanti des créances (notamment si elle est « acceptée » par le débiteur et si elle est présentée par une banque). Elle constitue par ailleurs un véritable « “droit” au crédit bancaire », un crédit bon marché qui protège le secret des affaires et l’indépendance à l’égard des banques. Pour les débiteurs, la traite « garde une souplesse de règlement suffisante » (par le jeu des échéances différées). Pour les banques, enfin, elle offre à la masse des dépôts un placement très fortement garanti et très liquide. Mais c’est un crédit mal contrôlé par les banques (car accordé par le fournisseur) et très faiblement rémunérateur8.
7L’orientation par l’escompte du système bancaire remonte au tournant de 1880, lorsque les nouvelles grandes banques commerciales amorcent le développement de leur réseau de succursales. Leur origine parisienne et leur organisation très centralisée (sur le modèle de l’État dont elles sont en partie issues) rendent la plupart de ces banques incapables de développer les crédits directs en dehors du cercle étroit des GE proches. À l’exception du Crédit Lyonnais, seule grande banque à être issue des milieux régionaux (sur le modèle des banques allemandes et anglaises), les nouvelles grandes banques ne maîtrisent pas les moyens d’information et de contrôle nécessaires à l’octroi de crédits directs aux entreprises régionales9. La rentabilisation du réseau passe donc par la mobilisation du papier commercial : par l’escompte de la traite tirée sur l’acheteur, elles s’en remettent à l’information du fournisseur (qui est le vrai banquier) et à la garantie des signataires et du droit cambiaire.
8Cette orientation a été facilitée par la politique fiscale de la jeune Troisième République ; en 1879, Léon Say, proche des milieux bancaires, abaisse fortement les droits de timbre sur les effets de moins de 100 francs. Le tirage d’une traite devient alors un mode de recouvrement des petites créances plus économique que la présentation d’une facture10. Cette mesure fondatrice ouvre durablement aux banques la manne des petits effets. Alors que dans les autres pays européens le portefeuille tend de plus en plus, à la fin du xixe siècle, à se limiter aux gros effets issus du commerce international et des mouvements de capitaux, en France il revêt un caractère dualiste11 qui perdure dans les années 196012. Cette orientation a été aussi facilitée par la politique de la Banque de France qui, par le réescompte aisé du papier, assure la liquidité d’ensemble du système. La condition en est le caractère commercial du papier, déterminé par des « usances », dont le principe de base est que le fournisseur ne doit pas devenir le commanditaire de ses clients ; ainsi, pour être certain que l’entrepreneur engage ses capitaux, la durée des tirages commerciaux doit rester inférieure à la durée du cycle13. La solidarité de la Banque de France avec le système bancaire se voit quand, au lendemain de la Grande Guerre, l’institut d’émission mène la campagne pour imposer le recours au CIE et à l’escompte dans les trois départements d’Alsace Lorraine, où dominaient jusque-là le modèle allemand des paiements comptant et des découverts bancaires.
9Que les facilités de l’escompte aient favorisé le développement du CIE n’est pas douteux. À la veille de la Première Guerre mondiale, les règlements pour le commerce intérieur en France s’opèrent soit par la voie de paiements comptants à 30 jours (ce qui représente en fait un crédit de 45-60 jours, le délai ne courant qu’à partir du mois suivant le mois de livraison) avec escompte (ristourne) de 2 %, soit, plus exceptionnellement, pour les activités de produits semi-ouvrés nécessitant de longs délais entre l’achat des matières premières et la vente du produit fini (filatures lyonnaises de la soie par exemple), par acceptations à 3 mois éventuellement renouvelées.
10Le rôle des banques doit cependant être précisé. Si, du côté des firmes, les facilités de l’escompte assuraient au fournisseur que ses crédits clients pouvaient être transformés en crédit bancaire, à la fin des Trente Glorieuses, l’escompte ne mobilise qu’une faible part du CIE. Dans l’industrie, en 1975, près de 70 % des crédits clients ne sont pas représentés par des effets et la moitié environ de ces derniers n’est pas escomptée14. Cette faible part s’explique probablement en partie par une évolution à la baisse, produite par la diversification des services bancaires (apparition de nouveaux types de crédit), la modification des usances (celles de décembre 1955 visent à limiter la mobilisation des crédits fournisseurs) et les politiques de restriction monétaire : les deux temps de la politique d’encadrement du crédit font passer la part de l’escompte de 26,7 % des crédits clients (1969) à 20,5 % (1975)15. Mais d’autres raisons jouent, qui limitent les possibilités de transformation du crédit commercial en crédit bancaire. Déjà au début du xxe siècle, « les commerçants et les industriels, dans la majorité des cas, ne tirent de traites qu’au moment où le besoin de crédit les oblige à recourir à l’escompte »16. De plus, dès l’entre-deux-guerres, de nombreux débiteurs sont réticents à voir les traites signées par eux circuler et être présentées par des banques. Aux réticences de la clientèle s’ajoute pour les fournisseurs la lourdeur de gestion des fichiers clients (Saint-Gobain a 20 000 clients industriels dans l’entre-deux-guerres)17. Ces résistances débouchent (tardivement) sur des propositions de réformes du crédit à court terme qui remettent en cause le principe du CIE : projet de Jacques Mayoux (1978), président de Sacilor (sidérurgie), de création du crédit global d’exploitation distribué par un banquier principal18 ; projet de Pierre Falcon (1978 et 1980), directeur financier de Rhône-Poulenc (chimie), soutenu par une trentaine de GE, de création du crédit acheteur. Mais ces projets avortent, victimes de l’opposition résolue des grandes banques (nationalisées ou non)19. Derrière les raisons avancées par les banques pour défendre le système de l’escompte et du CIE (soutien des PME…) se cachent leurs difficultés maintenues à apprendre et gérer les métiers de la banque20. Et il est symptomatique que, en dépit des critiques de la commission Gilet (1966) sur la place de l’escompte dans l’organisation du crédit (coûts de gestion élevés pour les banques), la seule réforme introduite alors pour moderniser les techniques du crédit à court terme, aboutisse à consolider le CIE : le crédit de mobilisation des créances commerciales (CMCC) créé alors ne fait en effet que remplacer la traite par les factures émises comme base du crédit21.
11La dépendance des grandes banques à l’égard de l’escompte les a donc conduites à freiner les mutations qui menaçaient le CIE. Les années 1945-1975 sont pourtant celles de la lente adaptation technique et organisationnelle des grandes banques françaises aux métiers de la banque22. Après avoir atteint 42,2 % des crédits bancaires à court terme en 1954-1955, et à nouveau 43,5 % en 1958 (les restrictions de crédit s’étant traduite alors par un allongement des délais fournisseurs, un allégement des stocks et une augmentation des tirages commerciaux auprès des banques)23, l’ensemble des tirages commerciaux régresse et n’en représente plus que 34,4 % en 1962 (et 33,9 % en 1973). L’apprentissage des banques au risque des crédits directs est facilité par la nationalisation des quatre grands établissements en 1945 (qui supprime de facto le risque), ainsi que par la création de nouveaux types de crédit également escomptables à la Banque de France (crédits spécialisés, crédits de trésorerie). Mais la mutation est inachevée.
II. Le financement des firmes
12Le deuxième facteur qui explique l’importance du CIE est son rôle dans le financement des firmes et spécialement de celles qui, positionnées en marge de la modernisation économique impulsée par l’État, ont manqué de financements. Ce rôle s’exerce à la fois par les transferts financiers opérés par le CIE et par la mobilisation des effets de commerce par l’escompte bancaire.
A. Les transferts financiers opérés par le CIE
13Dès les années 1960 et 1970, les transferts financiers opérés par le CIE (soit le solde net du CIE avant ou après les avances)24 vont des secteurs amont vers les secteurs aval et des PME vers les GE (figures 2 et 3).
14Le sens de ces transferts explique les critiques adressées contre le « pouvoir de domination » des grandes firmes notamment celles de la distribution. Pour la période étudiée ici cette thèse doit être nuancée. Jusqu’au début des années 1980, la très forte dispersion observée dans chaque taille et dans chaque secteur suggère que d’autres facteurs que la taille et le secteur déterminent la position de prêteur ou d’emprunteur net. En 1981 encore, la répartition de la charge de CIE est d’abord déterminée par les caractéristiques financières des firmes : les firmes qui sont prêteuses nettes ne sont pas dominées, elles sont plus solides financièrement (donc moins risquées) que les emprunteurs, ce qui leur permet de redistribuer le crédit qu’elles-mêmes reçoivent (et notamment des banques)27. Le constat est validé par les premiers travaux des économistes de la banque sur le besoin de fonds de roulement (BFR) et son financement. En 1975, les firmes prêteuses nettes (soit des firmes qui accordent plus de crédits clients que la moyenne et qui reçoivent moins de crédits fournisseurs) sont dans une meilleure situation financière (taux de valeur ajoutée plus fort, fonds de roulement plus élevés, bénéfices plus importants). Moins risquées, elles ont un accès plus facile aux crédits bancaires que les firmes emprunteuses nettes28 ; les firmes bénéficiant de crédits spécialisés sont une bonne illustration de cette redistribution29. Mais « elles ont une taille moyenne qui ne diffère pas sensiblement de celle des entreprises bénéficiaires »30. Ainsi se trouvent exaucés les vœux formulés au début des années 1950 par le Conseil national du crédit, que le CIE serve à redistribuer le crédit des firmes les mieux dotées (le CNC pensait aux GE fournisseuses qui avaient accès au réescompte de l’institut d’émission) vers les moins bien dotées (les PME clientes)31.
15Mais dans les années 1980, le rôle des caractéristiques financières des firmes tend à s’estomper au profit du seul critère de la taille des firmes32. Le lien se distend entre le risque supporté par les firmes et le sens des transferts financiers opérés par le CIE33. Avec les progrès de la concentration, notamment dans la distribution, le pouvoir de domination est de plus en plus palpable. Les GE se font désormais financer par les moyennes et, dans une moindre mesure, par les petites entreprises. En incluant les avances, les premières sont même emprunteuses nettes, les secondes sont prêteuses nettes. Et l’écart se vérifie dans tous les secteurs de l’industrie. Le pouvoir de domination est particulièrement marqué en situation de sous-traitance : soit la charge nette du sous-traitant y est plus lourde que celle des autres firmes, soit elle est moins favorable quand, cas exceptionnel comme dans l’automobile, cette charge est négative34. En bref, par le CIE, la grande distribution se fait désormais financer par l’industrie, et, dans l’industrie, les GE et les donneurs d’ordre se font financer par les PME et les sous-traitants.
16Mais, jusqu’aux années 1980, rien n’indique que les PME aient été systématiquement pénalisées par la redistribution opérée par le CIE.
B. Le bouclage du CIE : le rôle de l’escompte
17L’escompte bancaire du papier commercial joue dans le même sens. En nomenclature N 35, le solde net du crédit commercial (hors avances) dans l’industrie est toujours négatif ; bien que fortement corrélés entre eux au niveau des firmes et des secteurs, les crédits accordés aux clients sont supérieurs en masses financières aux crédits reçus des fournisseurs et la charge qui en résulte est d’autant plus lourde que le secteur est situé en amont et que la taille des firmes est moyenne ou petite (figures 2 et 3)35, ce qui oblige les PME à économiser leur BFR (par une rotation accélérée de leurs stocks par exemple).
18Une partie du bouclage est assurée par le jeu des avances (figure 4). Le solde toujours positif des avances et acomptes joue un rôle important dans les secteurs à long cycle de fabrication (BTP, biens d’équipement professionnels). Grâce aux avances des clients (c’est-à-dire souvent de l’État), les constructions navales et aéronautiques, l’armement, les constructions électriques et électroniques deviennent bénéficiaires du CIE (elles sont emprunteuses nettes). Mais, comme pour les délais de paiement, les GE en profitent plus que les PME37 (alors qu’elles supportent déjà la charge nette du crédit commercial la moins lourde).
19C’est à ce niveau qu’intervient le rôle de l’escompte, pour alléger la charge nette de CIE supportée par certaines firmes. Si l’escompte ne mobilise qu’une faible part des crédits clients, cette part varie selon le secteur et la taille des firmes. Les firmes productrices de biens de consommation (BC) mobilisent plus largement leurs créances sur la clientèle que celles productrices de biens intermédiaires (BI) et d’équipement (BE). En 1969-1975, dans les BC, la proportion médiane des créances escomptées se situe entre 32 % (textile) et 43 % (cuir). Dans les BE et les BI elle ne dépasse qu’exceptionnellement 30 % (35 % dans l’automobile, 37 % dans le papier, 32 % dans le verre et 31 % dans première transformation des métaux)38. L’importance de l’escompte n’est pas réservée aux industries traditionnelles ; au plus fort des restructurations industrielles des années 1960, de GE comme Souchon-Neuvesel y recourent massivement, conjointement aux avances intragroupes39. Mais elle y est beaucoup plus en rapport avec la charge nette du CIE que dans les autres secteurs comme l’automobile40. Elle y est aussi plus en rapport avec les moyens financiers des firmes. Si, dans certaines industries (textile-habillement, papier, automobile), le recours à l’escompte est aussi important chez les GE que chez les PME, dans d’autres, et notamment dans certaines industries de consommation traditionnelles (cuir-chaussure, bois-ameublement, bonneterie), la part de l’escompte est plus forte dans les PME que dans les GE41.
20Le rôle de l’escompte auprès des PME des secteurs traditionnels est très important pour comprendre comment certaines de ces firmes ont pu se moderniser pendant les Trente Glorieuses ; écartées de la plupart des financements prioritaires, empêchées d’accéder aux crédits directs des banques par leur fragilité financière avérée42, elles se sont appuyées sur les techniques de crédit les plus traditionnelles (qui étaient aussi les moins chères et les moins contrôlées).
21Pour les firmes qui ne peuvent compenser leur déficit de crédit commercial ni par les avances, ni par l’escompte, l’équilibre a été recherché dans le fonds de roulement (en baisse depuis le milieu des années 1960 par suite de la vigueur de l’investissement) et les crédits de trésorerie (en hausse, accélérée par le jeu du CIE entre 1970 et 1975). À BFR équivalent, c’est la capacité des firmes à obtenir le concours des associés ou des actionnaires qui détermine l’importance des crédits de trésorerie, ce qu’illustrent au début des années 1970 les cas opposés des constructions aéronautiques (bien appuyés par leurs actionnaires) et les chantiers navals (qui doivent à l’inverse s’en remettre aux banques)43.
III. Extensions et débordements du système de la traite
22L’étude du portefeuille de la Banque de France montre que l’importance maintenue du CIE et le large consensus qu’il suscite ne s’expliquent pas seulement par les services classiques rendus aux firmes. Ils s’expliquent aussi par la grande extension donnée au domaine de la traite, principalement jusqu’au tournant de 1956-1958.
23Certaines extensions techniques visent délibérément à la diffusion du CIE. En permettant à une grande entreprise de prendre en charge les agios supportés par ses nombreux fournisseurs-tireurs et de les négocier directement auprès de ses propres banquiers, la technique de l’escompte indirect (appelé aussi papier « fournisseur »), par exemple, a ouvert le crédit client à des fournisseurs qui n’auraient pu obtenir la mobilisation de leurs créances. Ce procédé semble avoir pris un certain développement dans les années 1950, au point que les usances de décembre 1955 en précisent les conditions de réescompte (accord préalable de la Banque, assurance que le tireur n’est pas dégagé de ses risques)44.
24Mais l’extension est surtout d’ordre gestionnaire et politique. La très grande souplesse donnée à la circulation de la traite et à son contenu conduit à un véritable débordement du système de la traite qui profite à tous les types de firmes.
A. Crédits intragroupes et crédits « interprofessionnels » : « surveiller sans discriminer »
25L’étude des signatures portées sur la traite (principal obligé, endosseur) montre qu’une part importante des effets circule entre des firmes liées par des liens de participation ou des liens personnels. Le lien entre groupe et CIE n’est pas fortuit. D’un côté, la constitution de groupes résulte parfois de la transformation en participations de crédits clients qui dissimulaient une commandite45. De l’autre, l’appartenance à un groupe semble favoriser l’importance du crédit commercial : à la fin des Trente Glorieuses, les firmes appartenant à un groupe ont des délais clients moyens plus longs que les firmes indépendantes et des délais fournisseurs plus courts, ce qui rend leur charge nette du crédit commercial (hors avances) deux fois plus lourde (35 jours en moyenne contre 18 jours entre 1969 et 1974), et ceci à cause essentiellement des relations intragroupes46. La fonction financière des groupes en France ne se limite donc pas à des participations et des crédits de type financier (même si ces postes doublent dans les bilans des GE entre 1956 et 1967)47, elle s’exerce aussi par des délais commerciaux.
26L’importance de la traite se retrouve aussi bien au sein des grands groupes industriels des secteurs modernes (Boussois-Souchon-Neuvesel à Lyon, Société alsacienne de constructions mécaniques (SACM) à Mulhouse, Merlin-Gérin à Grenoble) qu’à celui des groupes régionaux de PME familiales positionnés dans les secteurs plus traditionnels (Éram à Cholet, Prouvost et Motte à Roubaix, Schaeffer et Cie à Mulhouse). Les enjeux sont cependant différents. Pour les grands groupes des industries modernes, qui bénéficient de larges possibilités de financement, le recours au CIE et à la traite est surtout un moyen d’alléger les coûts de trésorerie et d’échapper aux contrôles qui pèsent sur la plupart des crédits. Les tirages intragroupes « tendent fréquemment à remplacer, par une mise en circulation incontrôlable de papier plus ou moins justifiée, des crédits dont l’octroi devrait être limité et l’emploi surveillé »48.
27Dans le cas des groupes de PME situés dans les secteurs traditionnels, les enjeux financiers du CIE sont plus importants encore et l’on peut se demander si l’intérêt que représente la traite pour le financement des firmes n’est pas à l’origine directe de leur développement en grappe. La démultiplication des firmes observées vers 1950 dans certaines places textiles comme Roubaix ou Mulhouse se justifie moins par une rupture technique ou commerciale dans le développement des firmes que par la possibilité donnée à chaque stade de fabrication (négoce, peignage ou cardage, filature, tissage dans la laine) de tirer une lettre à 3 mois sur le stade aval (voire sur le stade amont ou sur le même stade dans le cas des tirages « interprofessionnels »), « même si la transformation n’a duré qu’un mois »49. Le seul fait de créer une filiale de vente (comme chez Éram ou dans les entreprises lainières du Nord) ou de « céder » une partie de sa production à une société façonnière, filiale créée à cet effet (pouvant travailler dans les locaux mêmes de la société mère donneuse d’ordre), comme pour le peignage à Roubaix, est générateur de traites donc de crédit bancaire50. La traite « offre à ces groupes industriels des possibilités de financement considérables »51 ; en 1956, 42 % au moins des engagements du groupe lainier Motte correspondent à des tirages intragroupes52. Le groupe est parfois complété par des dispositifs plus collectifs, comme les centrales d’achat dans le coton alsacien, destinées à créer du papier entre les adhérents « transformateurs » et l’organisation commerciale53.
28Les tirages intragroupes sont pourtant interdits par les usances de la Banque de France ; le changement de propriété de la marchandise vendue est une condition du réescompte. Dans les faits, les succursales gèrent ce type de papier au gré des circonstances locales. À Roubaix, l’imbrication des groupes familiaux lainiers est tel qu’« on ne peut surveiller qualitativement le papier de groupe » ; appliqué à certains groupes (Motte, Prouvost), le contrôle quantitatif est lui-même très difficile54. À Mulhouse, la plus forte structuration des groupes cotonniers permet de limiter les tirages aux effets entre société-mère et filiale contrôlée minoritairement. Mais les exceptions ne sont pas rares55. À Grenoble, la toute-puissance des grands groupes producteurs de BE interdit, semble-t-il, toute limitation au papier de groupe ; seul compte officiellement « le caractère commercial » du tirage56. La règle dominante est partout au laxisme, surtout quand la traite sert la modernisation du secteur. Comme le note, désabusé, un rapport interne de la Banque, « […] saisie de demandes tendant à la substitution du financement par crédits à un financement par traites de forme commerciale, la Banque n’a pas voulu toujours refuser […] acceptant aussi bien le principe de sociétés fantômes, à seule fin de créer une signature, que la prolifération de tirages intergroupes » ; l’annotation en marge de la Direction générale de l’escompte (DGE) confirme plus qu’elle ne conteste : « on ne peut pas dire que nous acceptons la prolifération de tirages intergroupes, nous en écartons tous les jours »57.
29La réforme des usances de 1955 interdit le réescompte des tirages croisés et soumet les crédits intragroupes à l’accord préalable de la Banque, mais les critères d’acceptation apparaissent bien modestes (« une certaine indépendance » entre les firmes, « des bilans respectifs équilibrés », « une cause explicitée »)58. La circulation des effets de groupe est désormais mieux réglementée : en Alsace, par exemple, les effets croisés entre sociétés mères et filiales sont remplacés par des tirages unilatéraux (ainsi entre SCAM et Alsthom)59. Mais les effets de groupe subsistent longtemps dans le portefeuille de la Banque de France (comme à Roubaix, en 1957, ils sont « à surveiller […] sans discriminer »)60, et parfois en toute irrégularité. Chez Neyrpic, par exemple, gros producteur de turbines et filiale d’Alsthom, « les remises de la Banque, comprennent assez fréquemment de gros tirages non causés de Alsthom. À défaut d’une réponse de la DGE à sa note du 15.2.57, la succursale continue à admettre […] ces effets […] que l’on peut considérer comme des tirages intergroupes ». L’arrêt du réescompte automatique de la Banque en 1971 limitera encore son contrôle61.
30La gestion des crédits interprofessionnels, c’est-à-dire les crédits entre firmes d’un même secteur travaillant en sous-traitance, donne lieu aux mêmes abus. Autorisés sous la condition d’être causés, ils provoquent des superpositions de crédits condamnées par les inspecteurs de la Banque de France. Les tirages de Bouchayer et Viallet sur Neyrpic, par exemple, correspondant à des travaux de sous-traitance entre des firmes liées par des échanges d’administrateurs, sont de ce type. À la question posée en conclusion par l’inspection de 1958, « on peut se demander s’il n’y aurait pas lieu d’écarter systématiquement de nos escomptes les tirages de sous-traitants sur les Éts Neyrpic, bénéficiaires directs de concours correspondant à la totalité de chaque marché en cours », une annotation de la DGE en marge répond « ne pas donner suite »62.
31Comme les débordements suivants, l’importance des tirages coordonnés traduit une crise profonde de la gouvernance de la Banque qui se manifeste par « l’indépendance dont certains de nos directeurs font preuve à l’égard de la Banque de France et de ses directives […] Ce mouvement d’indépendance […] trouvait son alimentation dans une absence totale de liaison directe et d’information [souligné dans le texte] entre Directeurs et Banque centrale »63. Dénoncés par certains directeurs de succursales, et plus encore par les inspecteurs64, les silences avérés de la DGE révèlent la gêne des responsables centraux de la Banque à interdire des pratiques locales qui facilitent le financement de GE stratégiques ; comme pour justifier ces pratiques, les rapports insistent sur la faible rentabilité de ces firmes liée au blocage des prix (ici Alsthom et sa filiale Neyrpic)65.
B. Des traites sans cause : « nous avalons tout »
32Cette difficulté à endiguer le mouvement ne se limite pas à la circulation de la traite, elle se retrouve aussi dans la nature des opérations qui empruntent la forme de traite. Visible dans le floutage croissant de sa cause (date de livraison, nature du bien vendu), la perte de substance de la traite est multiforme.
33Alors que les dates du tirage et de l’échéance de la traite doivent être proches de la circulation réelle de la marchandise, les inspecteurs de la Banque constatent d’importants décalages. À Roubaix, par exemple, en 1947, les tirages d’acceptation ont lieu à des dates qui ont moins à voir avec les arrivages de la laine brute qu’avec les besoins de trésorerie des firmes. Dans une ville où le découvert est peu pratiqué par les banques, « tout se passe comme si les firmes bénéficiaient d’un découvert »66. Annoncée dès 1914 par Gaston Roulleau67, cette distanciation entre traite et marchandise est aussi facilitée par l’activité de transformation : « dès l’instant où la marchandise est mise aux machines, elle perd tout signe distinctif permettant de l’identifier et il ne peut plus être question d’un droit de gage quelconque au profit de l’accepteur »68.
34Derrière ce problème de datation se cache la question du contenu de la traite qui, sur un grand nombre de places, n’a plus rien à voir avec la vente d’une marchandise. Les factures de façons (de peignage, de filature ou de tissage par exemple) tirées sur le donneur d’ordre sont admises à l’escompte. Mais la relation de sous-traitance se double parfois d’une relation de filialisation qui permet à de très grands groupes de façonniers de faire financer l’ensemble du cycle d’exploitation par le CIE69. Après 1956-1958 ces tirages semblent cependant de plus en plus sélectionnés en fonction du taux d’incorporation de valeur par le façonnier70 et du lien de propriété entre donneur d’ordre et façonnier71.
35Bien que les BE ne soient pas self-liquiditing, leur vente peut également donner lieu sous certaines conditions au tirage d’effets escomptables72. Par contre, les acomptes versés à la commande ou en cours de travaux par les clients (pratique usuelle vu la longueur du cycle de production) ne peuvent pas prendre la forme d’effets mobilisables. C’est pourtant ce qu’entendent imposer les gros producteurs de BE mécaniques et électriques de Grenoble (Merlin et Gérin, Neyrpic, Bouchayer-Viallet). Dépourvues de fonds propres importants, ces firmes fondent leur développement sur un endettement systématique, combinant financements parapublics et CIE (crédits fournisseurs et avances de la clientèle). Leur clientèle de grandes entreprises nationalisées (EDF, Houillères, Renault), suivies par certaines firmes privées comme Péchiney, ne payant plus les acomptes sur commande ou travaux en cours par chèques ou virements mais sous forme d’acceptations à 90 jours, les constructeurs et les grands établissements nationalisés de crédit qui les soutiennent (ils détiennent « 75 % des risques commerciaux de cette espèce ») entendent en imposer la mobilisation par la Banque. Autorisée une fois à le faire par la DGE (pour Merlin et Gérin en 1956), la succursale a généralisé de sa propre autorité la pratique de mobiliser ces effets émis en représentation des acomptes (pour ne pas faire de jaloux). Pour masquer leur irrégularité, les effets ne sont pas causés.
36Les débats suscités par cette pratique au sein de la Banque montrent la profondeur des débordements opérés.
« On doit reconnaître que les prétentions [des constructeurs grenoblois] sont défendables :
– d’abord parce que dans de multiples branches d’activité – construction mécanique, automobile, aviation… – nous prenons continuellement du papier d’acompte sans le discuter [« pas officiellement », note en marge un membre de la DGE]
– ensuite, parce que l’on a admis que des effets tirés par des constructeurs sur les Houillères, la SNCF, l’EDF ne soient pas causés, et puissent correspondre aussi bien à des acomptes qu’à des sommes dues sur livraison.
Il est bien évident que les Neyrpic, Merlin et Gérin et autres ne peuvent pas comprendre pourquoi nous avalons tout quand il s’agit de ces entreprises et pourquoi nous n’acceptons que le papier émis après livraison et causé pour les autres »73.
37Le prestige des hommes d’affaires grenoblois (animés par « le culte de l’expansion ») et le caractère stratégique de leurs productions expliquent l’aplomb de leurs méthodes et le caractère extrême de leurs prétentions74, mais les raisons profondes des débordements sont ailleurs. À Grenoble comme dans d’autres places, la Banque de France a beaucoup de mal à s’adapter au nouvel environnement issu de la Libération, et notamment aux nationalisations (celles des grandes entreprises clientes, des banques et la sienne propre), qui bouleversent les normes comptables et les systèmes hiérarchiques à la fois internes et externes. Incapable de promouvoir les réformes qui pourraient améliorer son fonctionnement (comme celle de la comptabilité publique), elle est aussi parfois incapable de contrer le jeu des acteurs. Celui des grandes banques nationales qui lui remettent délibérément des effets à 15-20 jours d’échéance (ce qui en interdit le rejet)75 ou qui postdatent les effets pour les rapprocher des dates de livraison76. Celui des grandes entreprises stratégiques, très influentes au niveau local (à Grenoble, les constructeurs siègent à la succursale de la Banque), mais aussi à Paris. Pris entre le libéralisme de certains directeurs de succursales et les silences gênés de la DGE, les inspecteurs de succursales ont du mal à rappeler les règles.
38Les extensions et les débordements du rôle de la traite traduisent aussi les contradictions dans lesquelles évolue la Banque de France et les mutations en cours en son sein. Ses principes fondateurs lui font obligation de garantir (au moins officiellement) le caractère commercial du papier qu’elle escompte. Par les garanties qu’ils procurent à la traite, ces principes aboutissent à faire de l’escompte le crédit le moins cher. En période d’argent rare et cher, les écarts de taux entre l’escompte et les autres crédits incitent les firmes à s’engouffrer massivement dans la voie de l’escompte, donc du CIE.
« Les taux applicables aux crédits à court terme consentis par les banques faisant apparaître une différence élevée entre escompte commercial, ou dit commercial, et crédits bancaires mobilisables ou non, tout financement a maintenant tendance à se faire sous la forme commerciale, c’est-à-dire au moindre coût »77.
39De fait, à Grenoble, en plein resserrement du crédit (juillet 1958), le coût minimum (cartellisé) du crédit pour la « clientèle de choix » est de 6,35 % pour le papier commercial réescomptable, 6,8 % pour le papier de mobilisation, 7,35 % ou 8 % pour le papier non mobilisable, 8 % et plus pour les découverts non mobilisables78. Même après la réforme de 1971 qui lui fait perdre son caractère d’instrument habituel de refinancement auprès de la Banque, le crédit d’escompte reste la forme de crédit dont le taux facial est le plus bas. L’attraction qu’exerce l’escompte conduit à sa subversion juridique.
40Aux pressions de la demande s’ajoutent les mutations en cours à la Banque de France.
« Nos directeurs raisonnent plus coût de financement que technique de financement, en perdant de vue que l’Institut d’émission a pour fonction essentielle d’assurer la trésorerie des banques, en leur escomptant du papier de son choix, et non de permettre aux entreprises de se financer chez leur banquier dans les meilleures conditions. C’est la conséquence de l’intervention de la Banque de France dans la fixation des taux privés. On raisonne “coût du crédit pour l’entreprise” plutôt que “trésorerie-banque”, alors qu’on devrait […] ne considérer l’aspect du crédit pour l’entreprise qu’au point de vue risque »79.
Conclusion
41Le CIE a rendu de nombreux services aux firmes non financières françaises : financement des firmes les plus risquées par les moins risquées via les transferts financiers directs opérés par les délais, réduction des coûts de financements et accès à des circuits de financement peu contrôlés pour la part du CIE mobilisé auprès des banques. Bien qu’une partie seulement des crédits clients ait été escomptée, PME des secteurs traditionnels et grands groupes des secteurs modernes en ont fait un large usage, au prix parfois d’un détournement des règles de l’escompte. De leur côté, les banques commerciales y ont trouvé un moyen de parfaire leurs métiers traditionnels tout en s’initiant aux métiers de la banque. Par ces services multiples, l’escompte du papier commercial peut être vu comme un instrument avancé de la « synthèse républicaine » (Stanley Hoffmann), profitant à tous sans gêner personne. La question reste posée des effets plus globaux du CIE sur les performances des firmes et de l’économie. Le rôle croissant des firmes comme intermédiaires financiers n’a-t-il pas pénalisé leur propre investissement et conduit à une mauvaise allocation de capitaux ?
Notes de bas de page
1 Sur tous ces points, nous renvoyons à l’introduction générale du livre
2 Commissariat général du Plan, Le crédit inter-entreprises (rapport Mordacq), Paris, La documentation française, 1979 ; Michèle Saint-Marc, « Le pouvoir de création monétaire des entreprises », Revue Banque, no 342, juillet-août 1975, p. 693-703 ; Revue Banque, numéro spécial, février 1980, La banque française et son avenir.
3 Il s’agit des bilans d’entreprises tirés des Centrales de bilans créées par les grandes institutions financières à partir des années 1950 (Banque de France, Caisse des dépôts, Crédit national, Insee).
4 Vincent Chevallier et Yves Horrière, « Vingt ans de croissance des grandes entreprises françaises », Journée d’étude des Centrales de bilans, Paris, 1977.
5 L’étude porte sur 368 GE industrielles et commerciales suivies par la Centrale des bilans de la Caisse des dépôts et consignations. Les postes incluent les délais de paiement et les avances ; les effets à recevoir à l’actif s’entendent hors effets escomptés.
6 François Mader, « Le crédit inter-entreprises et ses conséquences financières », Commissariat général du Plan, Le crédit inter-entreprises (rapport Mordacq), Paris, La documentation française, 1979, p. 161-212 ; Hani Gresh, « Une évaluation du crédit inter-entreprises par secteur, 1971-1974 », Commissariat général du Plan, rapport Mordacq, op. cit. p. 75-98.
7 Ministère de l’Économie et des Finances, Rapport à Monsieur le Ministre de l’Économie et des Finances sur la modernisation des techniques du crédit à court terme (Commission Gilet), Paris, 1966.
8 Commission Gilet, op. cit.
9 Rapport Mordacq, op. cit.
10 Gaston Roulleau, Les règlements par effets de commerce en France et à l’étranger, Paris, Dubreuil, Frèrebeau et Cie, 1914.
11 Les effets de moins de 100 francs (émis surtout pour des transactions domestiques) représentaient 60,5 % du nombre des effets créés en 1911, mais seulement 7,5 % de leur valeur ; les effets de plus de 1 000 francs (la plupart émis pour des transactions extérieures) comptaient respectivement pour 5 % et 67 %, voir G. Roulleau, Les règlements… op. cit. p. 13.
12 Commission Gilet, op. cit.
13 RI Grenoble, 1958, note sur les conditions d’accès au réescompte du papier commercial.
14 Robert de Vannoise, « Le crédit commercial inter-entreprises : 400 milliards en 1975 », rapport Mordacq, op. cit. p. 99-120.
15 Charles Pourcin, « Le crédit inter-entreprises : relations commerciales », rapport Mordacq, op. cit. p. 148.
16 G. Roulleau, Les règlements… op. cit., p. 37.
17 Jean-Pierre Daviet, Un destin international : la Compagnie de Saint-Gobain de 1830 à 1939, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1988.
18 Association professionnelle des banques, « Note de réflexion sur le rapport Mayoux », Revue Banque, no 388, octobre 1975, p. 1139-1170.
19 Avec la réserve de propriété qu’introduirait le crédit acheteur, le fournisseur passe de créancier chirographaire à créancier privilégié. Pour introduire le crédit acheteur les banques exigent que soit organisée à leur profit la cession des créances que le fournisseur a sur l’acheteur, rapport Mordacq, op. cit.
20 Michel Lescure, « Le système bancaire français en perspective européenne comparée (1860-1913) », Olivier Feiertag et Isabelle Lespinet-Moret, L’économie faite homme, Hommage à Alain Plessis, Droz, Genève, 2010, p. 209-238.
21 Le CMCC n’a pas donné les résultats escomptés, ni sur le plan quantitatif ni sur le plan qualitatif. Selon l’Association professionnelle des Banques, « le CMCC a été réduit à une fonction de financement tandis que les effets de commerce ont continué à jouer leur rôle de recouvrement ; la coexistence des deux techniques était initialement proscrite », voir AFB, « Note de réflexion sur le rapport Mayoux » Revue Banque, no 388, octobre 1979, p. 1139-1170.
22 Michel Lescure, “Strategy, performances and longevity of the large French banks (1850-2000)”, in Michel Lescure (ed.), Immortal Banks. Strategies, Structures and Performances of Major Banks, Genève, Droz, 2016, p. 159-185.
23 Commission Gilet, op. cit. p. 11
24 Le solde net du CIE global désigne le solde des crédits clients + avances aux fournisseurs moins les crédits fournisseurs + avances des clients, R. de Vannoise, « Le crédit commercial inter-entreprises », op. cit.
25 L’étude porte sur 600 entreprises industrielles et commerciales suivies par la Centrale des bilans du Crédit national. La durée des crédits est calculée par les ratios (crédits clients et effets à recevoir + effets portés à l’escompte/Ventes mensuelles HT) et (crédits fournisseurs d’exploitation + effets à payer/achats mensuels HT).
26 L’étude porte sur 300 entreprises industrielles suivies par la Centrale des bilans du Crédit national. Le poste « clients + effets » s’entend hors escompte. Les taux sont les taux médians
27 Michel. Dietsch, « La fonction financière du crédit commercial inter-entreprises », Économie et statistique, no 174, février 1985, p. 3-18.
28 F. Mader, « Le crédit inter-entreprises… », op. cit.
29 Ginette Broncy et Jean Force, « Le crédit inter-entreprises », Institut du Commerce et de l’Industrie, Le crédit inter-entreprises, Paris, 1984, p. 110-121.
30 F. Mader, « Le crédit inter-entreprises… », op. cit.
31 Conseil national du crédit, rapport annuel pour l’exercice 1951.
32 Michel Dietsch et Elizabeth Kremp, « Le crédit inter-entreprises bénéficie plus aux grandes entreprises qu’aux PME », Économie et statistique, no 314, 1998, p. 25-37.
33 Denis Beau, Michel Delbreil et Joëlle Laudy, « La nouvelle donne du crédit inter-entreprises », Revue Banque, no 495, juin 1989, p. 581-589.
34 Charles Pourcin, Nicole Lombard et Renée Larrieu, « Le crédit inter-entreprises de 1969 à 1975 », Journée d’étude des Centrales de bilans, Paris, 1977, p. 89-142.
35 Dans l’industrie la relation entre la taille des firmes et le solde de CIE (avant ou après avances) n’est cependant pas régulière, Laurent Vasille, « Les PME : fragilité financière, forte rentabilité », Économie et statistique, no 148, octobre 1982, p. 21-38.
36 L’étude porte sur 4 000 sociétés industrielles et commerciales suivies par la Centrale des bilans de la Banque de France entre 1969 et 1975. Le solde du CIE se lit « clients-fournisseurs » en millions de francs.
37 R. de Vannoise, « Le crédit commercial inter-entreprises… », op. cit.
38 Ch. Pourcin, « Le crédit inter-entreprises… », op. cit. p. 133.
39 Rapport d’inspection, Banque de France (désormais RI) de Lyon, 1966.
40 L’industrie automobile est globalement l’industrie où le crédit commercial est le moins déficitaire (avant avances) ou l’une des moins déficitaires (après avances) de l’industrie ; les firmes ne sont que très faiblement prêteuses nettes, R. de Vannoise, « Le crédit commercial inter-entreprises », op. cit. Cette situation cache cependant une différence entre les grands constructeurs (grands bénéficiaires du CIE c’est-à-dire emprunteurs nets) et les sous-traitants équipementiers (grands perdants du CIE, c’est-à-dire prêteurs nets) ; les sous-traitants de l’aéronautique sont dans une position beaucoup plus favorable, ce qui traduit une politique et une situation financière différente des donneurs d’ordre : voir F. Mader, « Le crédit inter-entreprises… », op. cit.
41 Ch. Pourcin, « Le crédit inter-entreprises… », op. cit., p. 134 ; Ch. Pourcin, N. Lombard et R. Larrieu, « Le crédit inter-entreprises… », op. cit. ; R. de Vannoise, « Le crédit commercial inter-entreprises… », op. cit.
42 Commission Gilet, op. cit.
43 François Mader, Étude statistique du fonds de roulement, Crédit national, 1973.
44 Direction générale de l’Escompte (DGE), Avis aux cédants, 10 septembre 1956, RI Grenoble, 1958.
45 Exemple de la SA de l’industrie cotonnière, RI Mulhouse 1954.
46 Ch. Pourcin, N. Lombard et R. Larrieu, « Le Crédit inter-entreprises… », op. cit. Les calculs de Laurent Vasille pour 1979, qui incluent les avances, montrent que les différences de charge entre firmes de groupes et firmes indépendantes sont très inégales selon les tailles et les industries : voir L. Vasille, « Les PME… », op. cit.
47 François Simonnet, « Le financement des investissements dans les grandes entreprises, 1957-1967 », Économie et Statistique, no 8, janvier 1970, p. 21-31.
48 Avis aux cédants, conditions d’accès au réescompte, note DGE, septembre 1956, RI Grenoble 1958.
49 Dans l’industrie de la laine, le cycle complet de production (du peignage à la fin de l’apprêt) dure 9-12 mois.
50 RI Roubaix, 1947, Mulhouse, 1954.
51 RI Roubaix, 1947.
52 Ce papier intragroupe de Motte est accepté au réescompte sans limitation : RI Roubaix, 1957.
53 RI Mulhouse, 1954, 1956.
54 RI Roubaix, 1947.
55 Exemple de la filature et tissage Wittenheim, filiale à 60 % du groupe Gattegno. La Banque accepte le réescompte du papier de la filiale sur Gattegno car les ventes de filés et tissus de la première à la seconde « semblent occasionnelles » et ne portent que sur une part minime du chiffre d’affaires de la filiale, RI Mulhouse, 1954.
56 Exemple de la Tannerie Terray, RI Grenoble, 1951.
57 Note Janot, 14 août 1958, p. 4, RI Grenoble, 1958.
58 RI Grenoble, 1958, lettre de la DGE (septembre 1956) accompagnant les usances à appliquer à partir de janvier 1956.
59 RI Mulhouse, 1954 et 1956.
60 RI Roubaix, 1957. En 1967, les tirages intragroupes sont encore admis pour deux groupes (Prouvost sur sa filiale Lainière de Roubaix et Toulemonde sur la filature des Trois suisses) : voir RI Roubaix, 1967. Le rapport intérimaire Mordacq (1979) note que c’est depuis quelques années seulement que la Banque « tend à refuser systématiquement son accord à de tels tirages » ; les relations commerciales à l’intérieur d’un même groupe doivent se régler au comptant : rapport Mordacq, op. cit. p. 64.
61 Ce contrôle se limitera désormais au ratio de liquidité des banques qui inclut ces effets au numérateur.
62 RI Grenoble, 1958, p. 275.
63 Note Janot, op. cit. p. 2.
64 Exemple dans RI Roubaix, 1957.
65 RI Grenoble, 1958. En 1966 les tirages de Alsthom sur Neyrpic sont encore largement admis : RI Grenoble, 1966.
66 RI Roubaix, 1947.
67 G. Roulleau, Les règlements…, op. cit., p. 37.
68 RI Roubaix, 1954.
69 Exemple du grand groupe façonnier régional Schaeffer (blanchiment, teinture, impression sur étoffes) et de ses « filiales » donneuses d’ordre (des fabricants-transformateurs comme SONIA et TACO) ou chargées de l’approvisionnement en écrus, RI Mulhouse, 1954 et 1956.
70 Exemple des effets tirés par les façonniers de Mulhouse (blanchiment, teinture, impression) sur leurs donneurs d’ordre et acceptés à l’escompte car l’enrichissement des écrus par traitement chimique augmente la valeur du tissu de 10 à 50 %, RI Mulhouse, 1954.
71 Exemple de l’entreprise Trimeca, RI Mulhouse, 1956.
72 Les usances de décembre 1955 fixent comme conditions de réescompte le respect de certaines règles pour ceux à 90 jours (effets créés au moment de la livraison, représentant l’intégralité de la créance et dont la cause est explicitée), et l’accord préalable de la Banque pour les effets supérieurs à 90 jours.
73 Note Janot, op. cit., p. 5, La généralisation de la pratique dans d’autres succursales est attestée par le rapport Samson (« beaucoup de succursales font comme Grenoble »), RI Grenoble, 1958.
74 Exemple de Merlin et Gérin, qui tente de faire escompter (en vain) un tirage pour prix du transport de son personnel (facture de frais généraux).
75 En 1958, l’échéance moyenne des effets remis par les cédants est de 20 jours.
76 Notes Samson et Poisot, RI Grenoble, 1958.
77 Note Janot, op. cit., p. 4.
78 RI Grenoble, 1958, réponse à la DGE de Laffont, directeur de la succursale, 4 août 1958.
79 Note Janot, op. cit. p. 6.
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Le crédit inter-entreprises en Europe
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- (2019) Livres reçus. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 74. DOI: 10.1017/ahss.2020.46
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