Réformer l’entreprise : François Bloch-Lainé au Crédit lyonnais (1967-1974)
p. 127-156
Plan détaillé
Texte intégral
1« La seule malchance de ma carrière » : c’est ainsi que François Bloch-Lainé a résumé son passage au Crédit lyonnais1. S’il lui laissa en effet quelque amertume, le septennat de ce haut fonctionnaire en banque est controversé, notamment parce qu’il s’achève par une grève dure en 1974 – un paradoxe pour un dirigeant aussi attaché au dialogue social – et par le premier exercice en perte, au moins officiellement2, de l’histoire de la banque. Contre son gré, François Bloch-Lainé quitte en 1974 un Crédit lyonnais en crise ; toutefois il l’a très profondément transformé et modernisé, dans un contexte de véritables bouleversements économiques et sociaux qui touchent particulièrement le monde de la banque. En effet, les décrets-lois pris par Michel Debré en 1966-1967 mettent brutalement un terme aux « temps paisibles » pendant lesquels, depuis 1945, les grandes banques formaient un secteur cartellisé. En atténuant la distinction entre les banques de dépôts et les banques d’affaires et en libéralisant la création de nouveaux guichets, le ministre des Finances déclenche une très vive concurrence entre les grands établissements de crédit. De plus, le 4 mai 1966, un communiqué du ministre des Finances, Michel Debré, annonce la fusion de la BNCI et du CNEP, donnant naissance à la BNP : le Crédit lyonnais se trouve du coup détrôné, et la perte de sa place de première banque française, qu’il avait détenue presque sans interruption depuis près d’un siècle, apparaît comme un véritable traumatisme pour ses cadres dirigeants.
2Poser un regard historique sur François Bloch-Lainé banquier conduit aussi à poser le problème des sources : les témoignages oraux sont discordants, de manière assez tranchée, et les sources écrites (écrits de François Bloch-Lainé, ses interviews, rapports annuels du conseil d’administration, comptes rendus du comité de direction générale) ne permettent pas toujours de faire la part de ce qui relève proprement de l’initiative de François Bloch-Lainé, puisqu’il s’agit bien ici de faire l’histoire de François Bloch-Lainé au Crédit lyonnais et non celle du Crédit lyonnais.
3Nous nous proposons d’exposer d’abord les conditions de l’arrivée de François Bloch-Lainé au Crédit lyonnais, d’examiner ensuite son œuvre et de terminer avec les difficultés qu’il y a rencontrées.
I. LES CONDITIONS DE L’ENTRÉE AU CRÉDIT LYONNAIS ET DE L’EXERCICE DU POUVOIR
4Un décret du 12 juin 1967 fait de François Bloch-Lainé un administrateur du Crédit lyonnais et, quinze jours plus tard, un vote du conseil d’administration le porte à la présidence de cette banque.
La mission
5La nomination de François Bloch-Lainé au Crédit lyonnais ne s’apparente pas à l’envoi dans un établissement à la gestion paisible, et accessoirement rémunératrice, d’un grand commis aux Finances dans la deuxième partie de sa carrière. Il s’agit d’une mission confiée par Michel Debré, alors ministre des Finances, pour « rajeunir et animer le Crédit lyonnais »3, deuxième banque française depuis la création de la BNP, dont les dirigeants, issus de l’avant-nationalisation, sont jugés par la Rue de Rivoli incapables d’assurer leur propre relève. Il s’agit également de trancher le conflit permanent opposant le directeur général, Marcel Cazes, au directeur général adjoint, Maurice Schlogel, conflit que le président, Marcel Wiriath, n’arrive pas à arbitrer4. Il est bien question, d’une certaine manière, de nationaliser véritablement l’établissement.
Le départ des dirigeants historiques
6Si la présence d’inspecteurs des Finances n’était pas une pratique extraordinaire au Crédit lyonnais, qui avait, depuis Olivier Moreau-Néret et Maxime de Margerie, une tradition d’accueil en la matière, l’imposition au sommet de la hiérarchie d’un haut fonctionnaire n’ayant pas fait préalablement ses armes dans la banque était une première, qui a été plutôt mal perçue, notamment par l’encadrement, et certains de ses éléments ont identifié le nouvel arrivant à un usurpateur.
7Dans son entreprise de rajeunissement, François Bloch-Lainé applique rigoureusement dès son arrivée les règles de la limite d’âge (alors soixante-cinq ans), ce qui provoque de nombreux départs des dirigeants « historiques » du Crédit lyonnais, avec lesquels il peut se sentir peu d’affinités, notamment du fait de leur attitude équivoque pendant l’Occupation5. Après Édouard Escarra, ancien président (1949-1955), qui a cédé sa place d’administrateur à François Bloch-Lainé :
- Olivier Moreau-Néret (président de 1955 à 1961) quitte aussi le conseil ;
- Marcel Cazes, directeur général, est remplacé par Maurice Schlogel ;
- Charles Brincard, directeur général adjoint, petit-fils d’Henri Germain, quitte aussi l’établissement, ainsi qu’André Vermorel, autre directeur général adjoint.
L’opposition de Maurice Schlogel
8Il n’est pas possible de retracer la présidence de François Bloch-Lainé sans évoquer en contrepoint la personnalité de Maurice Schlogel, directeur général, autodidacte de la banque, banquier brillant et inventif, que beaucoup de traits opposaient à François Bloch-Lainé. Issu d’un milieu modeste, ayant gravi en interne les échelons de la carrière bancaire, d’une sensibilité politique nettement plus à droite que son nouveau président, Maurice Schlogel avait acquis une réelle aura dans la banque et pouvait compter sur de nombreux fidèles ayant fait carrière dans son sillage. Banquier commercial et d’affaires par goût, Schlogel avait notamment développé, dès 1952, un service de gestion de fortune pionnier pour une banque de dépôts et, depuis 1963, un embryon de banque d’affaires, où il ne craignait pas, parce que c’était alors autorisé, de mêler éventuellement ses deniers à ceux du Crédit lyonnais pour accompagner en capital les affaires de croissance. C’est ainsi par exemple que son nom est indissociable de l’essor de l’entreprise Francis Bouygues, entrepreneur qu’il recevait régulièrement, comme beaucoup d’autres, dans sa propriété de La Trinité-sur-Mer. À l’opposé, François Bloch-Lainé semble avoir manifesté une certaine aversion pour l’argent et se posait ouvertement la question du bien-fondé de la pratique, par une banque nationalisée, d’opérations telles que la gestion de fortune, l’accompagnement en capital des entreprises de croissance, le financement de certaines opérations immobilières, etc.6.
9L’opposition entre les deux hommes est généralement soulignée par les témoins ou historiens7, et les archives témoignent d’une façon inhabituelle de leurs divergences de vues. Ce sont des circulaires qui détaillent sur plusieurs pages le rôle et les prérogatives de chacun, ce sont les comptes rendus de comité de direction générale qui marquent bien leurs positions antagonistes, c’est même le procès-verbal du conseil d’administration qui doit faire une mise au point sur la nomination de Maurice Schlogel comme vice-président8. Cette forme de fonctionnement évoque dans le domaine politique la cohabitation que la Ve République connaîtra plus tard. Si les deux hommes se sont souvent opposés dans l’exercice du pouvoir, ils ont aussi uni leurs efforts par des voies différentes, notamment dans le domaine de l’expansion internationale et des réformes de structures, ce qui pose parfois la question de la paternité des actions entreprises et ne facilite pas toujours la lisibilité du bilan de François Bloch-Lainé.
De nouveaux venus
10Pour se faire aider dans ce milieu étranger, sinon hostile, et former un « dauphin » – selon sa propre expression9 –, François Bloch-Lainé appelle en janvier 1968 Jean Saint-Geours10, qu’il a côtoyé dans l’administration et dans des cercles réformistes, et dont il apprécie la combativité. Arrivé comme directeur général adjoint, ce dernier est nommé directeur général aux côtés de Maurice Schlogel en janvier 1970 et devient seul directeur général en 1972, alors que Maurice Schlogel est nommé vice-président délégué, selon un accord passé avec François Bloch-Lainé dès 1967. Parmi les nouveaux venus de 1968 figure aussi David Dautresme, énarque, chargé de mettre sur pied un département du contrôle de gestion.
Le style de gouvernement
11La façon dont François Bloch-Lainé aborde son rôle de président mérite que l’on s’y arrête.
12D’une part, son engagement dans la « maison » Crédit lyonnais semble retenu. Contrairement à la plupart de ses successeurs hauts fonctionnaires ou à son directeur général, Jean Saint-Geours, qui se sont identifiés à l’établissement, on note chez François Bloch-Lainé un souci de rester au-dessus ou en dehors de la mêlée, comme si le citoyen engagé tenait parfois à se démarquer du banquier. Cela s’est traduit par exemple, dans la politique européenne de la banque, par un engagement très idéaliste où il a souvent été près de concéder à des partenaires des positions historiques de la banque pour faire avancer la construction des Europartenaires, club bancaire formé en 197011. Il s’est dit lui-même « détaché auprès de cette dépendance de l’État »12 qu’était le Crédit lyonnais, mettant ainsi l’accent sur sa position de fonctionnaire. Cela ne l’empêche pas de jouer son rôle, d’endosser le costume du banquier et de reprendre à son compte nombre d’idées de la profession bancaire ou plus spécifiquement du Crédit lyonnais, voire de Maurice Schlogel13.
13D’autre part, selon les archives et le témoignage14 de Claude Pierre-Brossolette, un de ses successeurs, François Bloch-Lainé conçoit son rôle de président comme celui d’un président et non d’un président-directeur général. Il croit beaucoup au système collégial15, et c’est sur son initiative, dans le cadre des réformes de structures, que sont renforcés plusieurs comités de direction. François Bloch-Lainé se réserve de présider le comité de direction (janvier 1968), qui se transforme en collège (avril 1970), puis comité président (octobre 1970), chargé de traiter des grandes orientations de la maison. Un comité de direction générale (octobre 1970) sert de réunion hebdomadaire de concertation entre l’administrateur-directeur général (Schlogel) et le directeur général (Saint-Geours). Cette organisation est simplifiée après que Maurice Schlogel a quitté ses fonctions de directeur général, le 1er janvier 1972. Un comité des affaires, chargé d’examiner les gros engagements financiers, est également créé en janvier 1968, mais il est placé sous la présidence du directeur général, alors que les successeurs de François Bloch-Lainé, Jacques Chaine et Claude Pierre-Brossolette, présideront eux-mêmes cette instance.
II. L’ŒUVRE DE FRANÇOIS BLOCH-LAINÉ AU CRÉDIT LYONNAIS
Les réformes de structures
14Le Crédit lyonnais a connu sous la présidence de François Bloch-Lainé les plus importantes réformes de structures de son histoire16. Il n’est pas exagéré de dire que le bouleversement de ses structures a fait basculer l’établissement, sous de nombreux aspects, du xixe au xxe siècle, reléguant à cet égard la nationalisation de 1945 au rang d’épiphénomène. La réforme a été précédée d’une large concertation chère au président et opérée en deux temps : 1968 et 1971. C’est aussi la première fois que le Crédit lyonnais a fait appel de façon massive à un consultant, la société McKinsey.
15Les principes se présentent ainsi :
- Renforcement des pouvoirs de la direction générale en matière d’élaboration et de contrôle de la stratégie, d’analyse de la rentabilité des opérations.
- Unification de l’établissement pour renforcer la mobilité des hommes et la circulation de l’information par le rassemblement de services fonctionnels éclatés. Il existait alors plusieurs petits Crédit lyonnais (Paris, province, étranger) – des « féodalités », suivant l’expression de François Bloch-Lainé –, dotés chacun de leurs propres direction du personnel, service d’inspection, des risques… Le renforcement des services fonctionnels face aux exploitants devait rééquilibrer les impératifs de rentabilité face à ceux du chiffre d’affaires.
- Décentralisation des responsabilités au niveau local.
- Spécialisation et adaptation des structures aux marchés.
Les réalisations
16Dans le domaine fonctionnel et dans la première phase :
- Création de la direction des programmes et du contrôle de gestion (1969).
- Création d’une véritable direction du personnel (1969).
- Création d’une inspection générale (1969).
- Création d’une direction de la production pour matérialiser la relation clients/fournisseurs dans les traitements administratifs. Mise en place de trois grands centres informatiques interconnectés (Limeil-Brévannes et Lyon-Rillieux en 1971, Tours-Saint-Avertin en 1974) afin de prendre en charge les travaux administratifs des agences.
17Dans le domaine opérationnel :
- Création de cinq (1968), puis huit (en 1972) directions régionales d’exploitation en France (contre deux auparavant), avec, dans un deuxième temps, segmentation des marchés et séparation des tâches commerciales et administratives. Ces directions sont coiffées par une direction des agences de France en 1972.
- Création en 1971 d’une direction des groupes d’entreprises, destinée à fournir un service complet aux entreprises.
- Création d’une direction centrale des participations et filiales en 1972, dans le cadre de la constitution du groupe, pour rationaliser participations et banque d’affaires.
- Dans le même esprit, regroupement des unités à vocation internationale dans une direction centrale des affaires internationales et de la coopération.
18Ces réformes de structures ont certainement perturbé nombre de cadres dont la ligne hiérarchique presque séculaire était transformée : elles ne sont pas étrangères aux difficultés de 1974 et au ralliement de certains cadres à la grève. Ainsi, la deuxième étape amorcée en novembre 1971 suscita une vive critique de Maurice Schlogel17.
La réalisation d’un programme immobilier d’envergure
19Afin d’installer le personnel recruté en grand nombre et les nouveaux centres informatiques, le Crédit lyonnais a été amené à réaliser un programme immobilier de grande ampleur, dont la conception et la mise en place ont constitué une charge supplémentaire pour la direction de la banque, qui ne manquait guère de chantiers par ailleurs. Comme pour les réformes de structures, les inconvénients inhérents aux travaux, aux transferts de personnel et à la concentration de personnel jeune dans ces nouveaux services n’ont pas été étrangers aux troubles sociaux ultérieurs.
20Parmi ces chantiers, outre les nombreuses créations d’agences, il convient de citer :
- La rénovation profonde du siège central, boulevard des Italiens, entre 1971 et 1974, avec la création de plateaux paysagers.
- La création des trois centres informatiques déjà cités.
- De nouvelles tranches dans les centres administratifs de Bayeux et Levallois-Perret (1972).
- La construction d’une tour à la Défense, occupée à partir de 1973.
- La construction d’une tour Crédit lyonnais à la Part-Dieu en 1973.
L’affirmation de la vocation internationale du Crédit lyonnais
21Pour donner plus d’ampleur aux opérations du Crédit lyonnais sur les marchés étrangers, François Bloch-Lainé les a confiées à deux départements spécialisés dont il a provoqué la création en 1968 : celui des opérations financières internationales, qui a assuré à cette banque le premier chef-de-filat d’un eurocrédit, et celui du commerce extérieur18, qui regroupe tous les services centraux chargés des opérations commerciales avec l’étranger et qui est chargé de monter le financement de grands projets à l’exportation, notamment pour les produits de l’industrie aéronautique française.
22Le réseau international du Crédit lyonnais s’est considérablement développé. Il comprend, à côté des simples bureaux de représentation, des filiales, des banques associées et surtout les agences étrangères de la banque, et le nombre de ses sièges permanents à l’étranger est passé, entre 1967 et 1974, de quatorze à trente-six. Ce réseau s’étend désormais à l’ensemble du monde, et, selon le témoignage de Jean Deflassieux19, c’est bien François Bloch-Lainé qui a déclenché ce mouvement, en décidant de nouvelles implantations sur tous les continents et en posant des jalons jusqu’en Extrême-Orient, à Hong Kong, à Singapour et dans le reste du Sud-Est asiatique ou en Océanie. C’est sous sa présidence qu’a été créée, en 1970, l’Union des banques arabes et françaises (UBAF), associant le Crédit lyonnais à dix-sept banques de pays arabes. C’est lui aussi qui a joué un rôle décisif dans le développement des implantations du Crédit lyonnais à New York. Alors qu’il n’y avait qu’un simple bureau de représentation (ouvert en 1963), il y a fondé en 1968 une banque d’investissement, le Crédit lyonnais Corporation, en particulier pour participer à des opérations financières tant sur le marché américain que sur le marché international, puis il y a ouvert en 1971 une agence qui est, au dire de François Bloch-Lainé lui-même, « capable, dans les mêmes conditions que les banques européennes, de recevoir des dépôts à vue ou à terme, locaux ou étrangers, et de pratiquer toutes les opérations de crédit et de change »20.
23Mais le président du Crédit lyonnais, qui était un fervent Européen, a tout particulièrement fait porter ses efforts sur l’Europe, dans la perspective de l’accompagnement de l’ouverture du Marché commun. Le Crédit lyonnais a durant ces années 1967-1974 implanté quelques nouveaux « pseudopodes »21 dans des pays de la Communauté européenne, en Espagne (à San Sebastián et Bilbao), au Portugal et en Belgique. Mais plutôt que de s’installer systématiquement dans des pays voisins, François Bloch-Lainé veut « donner un contenu concret à la politique de coopération européenne » et contribuer à la construction d’une Europe bancaire en suscitant la constitution d’un club bancaire européen. Au terme d’accords conclus en 1970-1971, le Crédit lyonnais constitue avec la Commerzbank, le Banco di Roma et le Banco Hispano-Americano le groupe des Europartenaires. En 1971, le Crédit lyonnais Corporation est remplacé à New York par l’Europartners Securities Corporation, dans lequel le Crédit lyonnais a une participation de 40 %, le restant étant partagé par ses « partenaires » (Commerzbank et Banco di Roma), et François Bloch-Lainé se félicite qu’en 1971 « des représentations conjointes aient été ouvertes à Sydney, Singapour, Tokyo, Johannesburg et Mexico »22. Il était prêt à transformer le réseau belge du Crédit lyonnais en agences communes des Europartenaires, mais les cadres supérieurs chargés des départements internationaux du Crédit lyonnais s’y sont opposés.
24La coopération établie entre les Europartenaires, qui portait au départ sur des domaines limités (l’engagement d’échanger des expériences et d’entreprendre des actions communes, l’octroi à leurs clients respectifs d’un traitement privilégié par l’ensemble des banques du groupe…), devait se renforcer et s’étendre, « afin d’obtenir tous les avantages de la fusion sans en subir les contraintes »23. Pour François Bloch-Lainé, ce regroupement des banques européennes devait leur permettre de soutenir la concurrence internationale, autrement dit le « défi américain », en élargissant la gamme de leurs services et le champ de leurs activités. Dans son idéalisme, il espérait aller plus loin, en évoquant une fusion des réseaux des banques associées24, qui aurait conduit à terme à une véritable intégration…
Des idées de manœuvre pour s’adapter aux besoins de la clientèle
25En France, le Crédit lyonnais, tout comme les autres grandes banques, se lance dans la course aux guichets, portant le nombre de ses sièges permanents de 800 à 1 900 et doublant la surface de ses locaux entre 1967 et 1974. Cette politique continue de création d’agences s’impose à François Bloch-Lainé, qui en perçoit les dangers. Il aurait préféré personnellement organiser un certain « partage des tâches, une certaine division du travail » avec les autres grandes banques pour éviter le « pullulement bancaire »25, et il juge cette « politique d’ouverture des guichets dangereusement anarchiste26 », car celle-ci est la cause d’un « gaspillage de moyens qui n’est pas raisonnable », et, en définitive, « la recherche de la dimension, la course au chiffre d’affaires peut être mortelle »27. Mais « le réseau est le moyen d’action privilégié pour la clientèle des particuliers, qui nous apporte des ressources, mais aussi constitue notre meilleur marché des emplois d’ici à dix ans »28. Aussi admet-il qu’il a « par devoir d’État contribué à l’enflure générale »29.
26Cette multiplication des guichets provoque une rapide progression du nombre des clients des banques : c’est ce phénomène qu’on a appelé la « bancarisation ». Tout comme les autres établissements, le Crédit lyonnais voit donc sa clientèle gonfler considérablement. Dans cette perspective, François Bloch-Lainé consacre une réflexion approfondie à l’avenir des grandes banques, aux missions qu’elles auront à remplir et aux services qu’elles devront rendre à leurs clients. Il a commencé à dégager à ce propos quelques idées-forces – il disait quelques « idées de manœuvre » – qui devaient orienter des programmes de longue haleine30.
27Il pensait d’abord qu’il faudrait « organiser la force clientèle » : auprès de chaque agence mère un comité consultatif des clients élus par leurs pairs, et au sommet la présence dans le conseil d’administration d’un industriel, d’un agriculteur, d’un commerçant et d’un « professionnel quelconque représentatif des déposants et usagers de la banque ». Il estimait surtout qu’il fallait « distinguer la clientèle des particuliers de celle des entreprises »31, et il prévoyait qu’à terme un mouvement, « déjà amorcé », conduirait à « distinguer plus nettement parmi nos agences celles qui se consacrent aux particuliers et celles qui se consacrent aux entreprises »32. Les premières doivent être très nombreuses et très proches de leurs usagers. Pour attirer des particuliers qui « tiennent moins à la marque qu’à la facilité d’accès et à l’aménité du lieu, il conviendra d’adapter ces points de vente, qu’il s’agisse de leur localisation, de leur organisation ou de leurs modalités de fonctionnement » : il faudra notamment que ces guichets « assouplissent » leurs heures et leurs jours d’ouverture pour s’adapter « au temps disponible des habitants d’un quartier suburbain par exemple ; ils pourraient ouvrir le samedi au lieu du lundi, ou en dehors des heures normalement ouvrables dans la journée, pour rendre la banque accessible à beaucoup de ceux qui ne la fréquentent pas encore ». Au contraire, dans les centres-villes, il conviendra de maintenir les guichets ouverts en milieu de journée. Tout cela devra être négocié avec les agents de l’établissement. Celui-ci pourra aussi proposer aux particuliers, « plutôt que des hommes, des machines à distribuer des billets de banque toujours disponibles », ce qui, effectivement, sera largement réalisé.
28Le Crédit lyonnais est et doit rester d’abord la banque des particuliers, puisqu’il est le premier des établissements de crédit français pour le montant des comptes de chèques, qui représentent les deux tiers de ses ressources33. Il doit donc multiplier les « articles à vendre aux ménages », faire aux salariés du crédit vraiment personnel, calculé sur la base des trois derniers mois de leur salaire, diversifier les services rendus pour la gestion des patrimoines familiaux. C’est aux particuliers qu’a été destinée essentiellement la carte bleue : le Crédit lyonnais a participé à son lancement (il a été le chef de file de cette opération), et quand ses débuts sont apparus difficiles en raison de l’attitude d’abord hostile des commerçants, c’est son président qui, à la fin de 1967, s’est opposé à l’abandon d’une innovation promise à un bel avenir34. Au total, pour rendre aux ménages tous les services qu’ils en attendent, la banque doit offrir des articles « pas trop nombreux, qui soient le plus possible standardisés et préfabriqués »35, elle doit proposer, « pour toutes les tailles et pour tous les goûts, du prêt-à-porter ».
29Comme banque des entreprises, le Crédit lyonnais doit aussi évoluer et s’adapter aux besoins de cette clientèle. François Bloch-Lainé estime que plus leurs équipements, leur production, leur commerce se compliquent, plus les entreprises auront besoin d’être secondées par leur banque. Mais celle-ci doit peu à peu cesser de se contenter de distribuer des crédits multiples, « préfabriqués par la Banque de France, le Crédit national et le Crédit foncier », et abandonner ces opérations d’escompte qui suscitent une « monstrueuse paperasse », tous ces crédits à vue, à plus ou moins long terme, réescomptables ou non réescomptables, etc. Au lieu d’être une « machine à distribuer des prêts constitués en dehors d’elle », la banque doit substituer à ces « crédits en rondelles »36 du « complet sur-mesure » : il lui revient de déterminer l’objet, l’utilisation et la durée des crédits qu’elle a à consentir à chaque firme. En analysant ses bilans et ses programmes de financement, elle doit être en mesure de pratiquer une ingéniérie financière complète et de rendre à chaque entreprise la totalité des services que celle-ci est en droit de lui demander pour satisfaire l’ensemble de ses besoins de financement. Elle répondra ainsi à l’attente de firmes « qui font un tout de leurs problèmes de financement et souhaitent les voir traités en même temps par le même banquier ».
30Par ailleurs, François Bloch-Lainé estime que, en fonction notamment de leur taille, les entreprises présentent des besoins non identiques. Les grandes entreprises, dit-il, constituent la clientèle « la plus intéressante pour nous »37, mais il ne va pas de soi qu’elles le demeurent. En effet :
« [Ces grandes entreprises] ont des organisations propres de plus en plus fortes sur le plan financier […]. Il est certain qu’elles auront tendance à régler leurs problèmes sinon de plus en plus en dehors de nous [les banques], du moins dans des conditions de moins en moins favorables à notre propre activité ; de plus, lorsqu’elles appartiennent à des groupes, elles ont tendance à se créer des instruments financiers qui leur sont propres. Pour conserver cette précieuse clientèle des grandes entreprises, les grandes banques devront donc faire de très sérieux efforts d’innovation. »
31Et elles devront aussi « se tourner davantage vers les entreprises moyennes qui, elles, ont, dans le moment présent, très besoin des banques »38.
32Cela signifie, note François Bloch-Lainé à l’intention des cadres du Crédit lyonnais, que cette grande banque nationalisée tend à être, pour les entreprises, une banque à tout faire ou une « banque universelle »39 : celle-ci a pour vocation de proposer son concours à toutes les entreprises dont les besoins sont justifiés, sans favoriser certaines d’entre elles (c’est ce point qui la différencie des banques d’affaires). Aussi, lors d’une entrevue avec Valéry Giscard d’Estaing en 1971, François Bloch-Lainé souligne-t-il que par son aide aux entreprises « le Crédit lyonnais prend part beaucoup plus que d’aucuns ne le croient au développement de l’économie sous toutes ses formes et il s’achemine ainsi rapidement vers une vocation de banque universelle ».
33Enfin, François Bloch-Lainé montre à plusieurs reprises un souci d’améliorer la rentabilité du Crédit lyonnais40. Il s’inquiète de ce que le suréquipement bancaire tende à réduire la différence entre les intérêts perçus par la banque et ceux qu’elle verse, si bien que le produit net bancaire ne suit pas une progression des frais généraux, qui « s’accroissent démesurément ». À ses yeux, le problème du cash-flow est vital pour une banque qui manque de fonds propres, parce que son actionnaire principal se refuse à augmenter son capital. Il faudrait donc que le Crédit lyonnais parvienne à une rentabilité plus proche de celle de ses concurrents étrangers. De tels propos étaient relativement originaux à une époque où on se préoccupait surtout du développement du chiffre d’affaires des banques et de la croissance du total de leur bilan.
La rénovation sociale
34François Bloch-Lainé avait publié en 1963 un petit livre intitulé Pour une réforme de l’entreprise41, préconisant des mesures hardies, qui ont fait quelque bruit, comme l’élection des présidents par les salariés, mais il n’a pas tenté d’expérimenter de telles idées dans une banque nationalisée, contrairement à ce que certains le soupçonnaient de vouloir faire. Mais ce dirigeant particulièrement sensible aux problèmes sociaux se trouve à la tête d’une entreprise où les relations humaines, restées jusque-là très traditionnelles et profondément marquées par le paternalisme, ne conviennent plus pour gérer un personnel qui gonfle fortement (son effectif passe de 29 000 à 47 000 personnes entre 1967 et 1974). C’est à cette époque que le Crédit lyonnais met enfin en place un fichier du personnel. Et c’est sous la présidence de François Bloch-Lainé que sont mises en application dans cette banque deux réformes sociales importantes décidées par le législateur : l’intéressement des salariés aux fruits de l’expansion – un accord de participation est conclu en 1969 avec le comité central d’entreprise – et la distribution d’actions aux membres du personnel (loi du 4 janvier 1973).
35Avec le concours de Jean Saint-Geours, François Bloch-Lainé entreprend surtout une rénovation des relations sociales et l’instauration d’un véritable dialogue au sein de l’entreprise.
36Il donne l’exemple lors des réunions qu’il organise à plusieurs reprises avec des cadres du Crédit lyonnais. Le 21 avril 1969, il avoue « avoir été surpris de constater à plusieurs reprises, au cours des derniers mois, que les cadres et la base – la base commençant parfois assez près du sommet – n’étaient pas informés des décisions que nous avions prises ». Il entend mettre fin à cette situation, et il incite les directeurs de la banque rassemblés à Versailles à éviter de « conserver pour eux-mêmes des informations et de ne transmettre que des directives ». Ils doivent avoir pour objectif de favoriser « une circulation constante et dans tous les sens de l’information »42. Trois ans plus tard, il répond à une série de questions que lui avaient adressées préalablement les cadres de l’établissement43. Entre-temps, il a lancé un programme triennal de délégation qui tend à élargir les pouvoirs de décision des responsables des diverses unités.
37À côté de la voie hiérarchique, qui doit demeurer la « voie centrale pour procéder à des annonces, de nos réformes de structure notamment »44, François Bloch-Lainé utilise la voie syndicale. Il a ainsi, comme l’a rappelé récemment un syndicaliste, « impulsé un changement culturel dans la nature des relations que la direction entretenait jusqu’alors avec les syndicats, en donnant de l’information aux syndicats »45. C’est ce qu’il a lui-même souligné en 1970 : « Je me suis attaché, avec mes principaux collaborateurs, à rendre actif et vivant notre comité central d’entreprise, en fournissant à ses différentes commissions plus d’informations et en procédant, dans leur sein, à des échanges de vues plus complets, plus approfondis46. » Et il a veillé à ce que les mêmes pratiques se développent dans les comités d’établissement. Par ailleurs, après avoir hésité trois ans, car il doutait « un peu des capacités des représentants du personnel en matière de gestion financière », il a accepté au début de 1971 de donner au comité central d’entreprise une somme globale calculée par référence à la masse salariale, qui lui permette de prendre en charge l’ensemble des activités sociales de la banque.
38Par ailleurs, François Bloch-Lainé et Jean Saint-Geours ont déployé de gros efforts pour développer au sein de l’entreprise cette formation permanente « qui s’impose pour permettre aux cadres de suivre l’évolution technique d’une profession qui bouge beaucoup » et d’adapter leurs méthodes de travail à des besoins nouveaux. C’est aussi la condition indispensable d’une plus grande mobilité du personnel, qui doit permettre d’obtenir « plus de mobilité dans le personnel supérieur du Crédit lyonnais », si bien que les carrières des « hommes de la province, de Paris et de l’étranger s’entrecroisent le plus possible »47.
III. LE TEMPS DES ÉPREUVES (1973-1974)
39Pendant les deux dernières années de sa présidence, François Bloch-Lainé s’est trouvé confronté à de graves difficultés, dues à un long conflit social, à des contraintes économiques et monétaires pressantes, et enfin à la défiance, sinon à l’hostilité, du pouvoir politique.
Le choc de la grève
40Alors que le Crédit lyonnais était devenu, en raison de la politique de François Bloch-Lainé et de Jean Saint-Geours, parmi les grandes banques françaises, celle qui était le plus en avance sur le plan social, il s’est trouvé confronté à une grève particulièrement dure et longue, qui l’a pénalisé bien davantage que ses concurrents.
41Cette grève de 1974, qui a débuté au début de février et qui n’a pris fin que le 17 avril, provient de multiples causes48. Certains ont estimé que François Bloch-Lainé et Jean Saint-Geours en étaient en partie responsables, pour avoir, par principe, fait « passer le dialogue syndical avant l’exercice de l’autorité hiérarchique »49, en laissant trop se développer les « ardeurs syndicales ». Peut-être aussi que les dirigeants du Crédit lyonnais – ils l’ont eux-mêmes reconnu – ont voulu aller trop vite dans la mise en œuvre de certaines réformes, ce qui a pu alimenter un certain malaise des cadres de la banque50.
42Il est certain aussi que l’embauche massive d’un personnel jeune et inexpérimenté, qui avait fait tomber à vingt-huit ans la moyenne d’âge du personnel, posait de délicats problèmes d’encadrement. François Bloch-Lainé lui-même pressentait avec beaucoup de lucidité la menace d’un conflit social majeur dans le secteur bancaire, en particulier au Crédit lyonnais. En effet, il jugeait que cet établissement intégrait mal ses jeunes collaborateurs, parce qu’il offrait à beaucoup d’entre eux des perspectives de carrière peu enrichissantes tout en leur imposant l’exécution de travaux répétitifs et ingrats, d’où leurs « insatisfactions »51. Il déclarait, un an avant l’éclatement de ce conflit :
« Nous faisons accomplir à un nombre croissant de personnes des tâches qui sont peu exaltantes. Pour constituer les "OS" de la banque, nous ne disposons même pas, comme dans l’industrie, d’une main-d’œuvre importée, prête aux besognes les moins recherchées. Nous devons donc être plus attentifs encore que les industriels aux justes insatisfactions de nos collaborateurs les plus modestes, dans ces usines que nous voyons se développer, autour ou à côté des ordinateurs52. »
43Il faisait donc part de sa grande inquiétude : « Des troubles profonds sont susceptibles de compromettre nos appareils si nous ne rivalisons pas de zèle pour que l’industrialisation du secteur tertiaire, dont nous avons la charge, évolue bien. » C’est pour écarter cette menace qu’il voulait arriver à promouvoir « la valorisation des tâches, l’organisation du travail à des fins qualitatives »53, mais c’était là des réformes qui ne pouvaient être rapidement menées à bien.
44Pendant ce conflit, c’est le plus souvent la direction générale, essentiellement Jean Saint-Geours, qui a eu en charge les discussions avec les grévistes, le président du Crédit lyonnais restant à l’arrière-plan. C’est le 3 avril seulement qu’il reçoit les délégués syndicaux afin de leur indiquer que les avancées obtenues représentent l’ultime étape des négociations.
45Cette grève, qui s’est terminée peu après, a été douloureusement ressentie par François Bloch-Lainé, en raison même des réformes sociales hardies qu’il avait commencé à introduire au Crédit lyonnais. Elle a été particulièrement onéreuse pour cette banque : en provoquant dans ses services un grand désordre, en l’empêchant de présenter régulièrement des effets de commerce à l’encaissement et des chèques à la compensation, alors même qu’elle continuait à honorer les chèques tirés sur elle et présentés à la compensation par ses concurrents, elle l’a obligée à supporter des charges supplémentaires d’intérêt54. Les besoins de trésorerie qu’elle a ainsi éprouvés ont forcé ses dirigeants à faire appel irrégulièrement aux concours de la Banque de France, rendant plus difficile encore le respect de la politique d’encadrement du crédit imposée dans le même temps par le gouvernement.
Le drame de l’encadrement du crédit
46Pour lutter contre l’inflation, le gouvernement a tenté à plusieurs reprises depuis 1968 d’imposer aux banques des mesures d’encadrement du crédit, les obligeant à réduire leur concours aux entreprises. Mais cette politique restrictive n’a pas été imposée de façon continue et, en mai 1972, la Banque de France a même réduit sur le marché monétaire le taux au jour le jour à un niveau extrêmement bas (3,5 %), pour décourager les entrées de capitaux. Elle a poussé ainsi les banques à emprunter sur ce marché pour développer leurs prêts à moyen et à long terme. Un revirement s’amorce à partir de septembre 1972, des mesures draconiennes sont édictées le 12 décembre 1972 et les restrictions du crédit s’accentuent fortement d’avril 1973 à octobre 1974, date à laquelle les taux de base bancaire atteignent de 12 à 14,5 %. L’encadrement du crédit est devenu ainsi très rigoureux et très onéreux, imposant des taux presque insupportables aux établissements incapables de respecter les normes édictées.
47François Bloch-Lainé portait une appréciation personnelle sévère sur les oscillations brutales de cette politique monétaire « chaotique, du type stop and go », qui a fait succéder ainsi à des taux « anormalement bas » la pratique de « taux anormalement élevés, pour freiner le recours au crédit, puis pour favoriser les entrées de capitaux », qui risquaient de sacrifier les investissements55. Il a toutefois accepté loyalement d’appliquer les normes de restriction du crédit prescrites, mais il s’est trouvé alors dans une situation impossible, pris entre la résistance opiniâtre des responsables de l’exploitation de la banque et les exigences inflexibles des autorités de tutelle.
48François Bloch-Lainé a fort bien perçu les raisons qui poussaient « les cadres supérieurs qui avaient la charge des intérêts du fonds de commerce » Crédit lyonnais à ne pas respecter les normes imposées, et il les a analysées avec lucidité deux ans après son départ de la banque56 : ils avaient pris l’habitude en 1972 de « courir après les clients » et de leur proposer des prêts séduisants.
« En matière d’encadrement du crédit, ces agents restent profondément convaincus que ces directives reçues des autorités tutélaires sont contraires à leurs objectifs commerciaux […]. Le devoir dicté par les instructions du ministère des Finances ou du gouverneur de la Banque de France paraît aux "exploitants" incompatible avec le devoir dicté par leur expérience. »
49En effet, jusque-là, les mesures d’encadrement du crédit ont été appliquées de manière peu rigoureuse et pendant peu de temps, si bien que « chaque fois qu’on est sorti d’une période de limitation des crédits, on a pu se féliciter dans les grands établissements d’avoir tourné de diverses manières les limites fixées. On est resté convaincu que rien n’est pire pour le "fonds de commerce" qu’un client perdu parce qu’insatisfait, qu’un élan commercial brisé ». Pour les responsables de l’exploitation, la sagesse est « de ruser, de courber le dos », donc de ne pas appliquer avec discipline les règles de l’encadrement du crédit. Or, poursuit François Bloch-Lainé :
50« En 1973-1974, le Crédit lyonnais avait un intérêt commercial à être discipliné. Plus il faisait de crédits, plus il perdait d’argent. C’était nouveau. J’ai eu beaucoup de peine à en convaincre mes collaborateurs. Je n’y ai réussi que trop tard57. »
51Ses interventions personnelles réitérées avec véhémence sur ce sujet lors de plusieurs séances du comité de direction générale (alors que d’ordinaire il intervenait assez peu au sein de ce comité et y restait fort discret) témoignent effectivement des efforts pressants qu’il a déployés pour convaincre les responsables de l’exploitation (en particulier Jean Tissier et André Loye, deux directeurs généraux chargés respectivement de la direction centrale des agences de France et des relations avec les grandes entreprises) et des résistances qu’il a rencontrées58. Le 26 février 1973, il laisse Jean Saint-Geours faire le point sur la restriction de crédit, et il indique la « gravité de la situation du Crédit lyonnais », car les chiffres montrent que « nous sommes mal placés » :
« M. Bloch-Lainé prend la parole pour exprimer sa très vive inquiétude devant cette situation. Il a l’impression que nos confrères, sans doute très mal placés au départ, ont pris des mesures très rigoureuses qui leur permettront peut-être de passer la ligne. Chez nous, il semble que les exploitants n’aient pas été assez convaincus de la rigueur de l’encadrement par rapport aux précédents et qu’ils aient montré peu de zèle à faire ce qui est – il faut bien le reconnaître – de l’antibanque, animés sans doute par le souci de protéger leur fonds de commerce. »
52Il regrette des « manifestations de rejet de responsabilité » de la part des deux directions d’exploitation. Jean Tissier rétorquant qu’« il ne comprend pas l’opinion que s’est forgé [sic] le président », celui-ci insiste :
« Il doit être clair que les dépassements nous coûteront très cher et que notre tutelle nous observe de très près, comme M. Giscard d’Estaing [alors ministre des Finances] nous l’a signifié en nous demandant de donner l’exemple. Nous ne pourrons donc pas ne pas en tirer des conséquences, quelles que soient les raisons que l’on pourra alléguer, si nous nous trouvions placés dans une situation désagréable, tant pour notre compte d’exploitation que pour notre réputation. »
53Il propose donc une réunion spéciale de « mobilisation », et il déclare qu’« il craint que les mesures d’application de telles obligations, qui vont contre nature, risquent d’être vaines, si elles ne s’accompagnent pas de sanctions »59.
54Le 29 août 1973, il considère que, pour l’encadrement du crédit, la situation du Crédit lyonnais « est dramatique. M. Bloch-Lainé précise nettement qu’il n’y a pas à mettre en balance la discipline et le fonds de commerce. Nous perdons sur tous les tableaux : nos dépassements nous coûtent très cher – nous allons avoir des résultats lamentables en fin d’année –, sans compter les autres inconvénients : déshonneur, etc. »60. Puis, le 5 septembre, il « insiste sur l’extrême importance et l’urgence des solutions. Il n’y a pas à hésiter, dit-il, entre la discipline et le fonds de commerce »61. Mais il n’est guère entendu, puisque, le 6 février 1974, il doit « insister sur la nécessité absolue de respecter l’objectif qui vient d’être fixé par M. Saint-Geours », qui vient de demander aux directeurs de groupe de refuser des crédits62. Deux semaines plus tard, « MM. Bloch-Lainé et Saint-Geours rappellent que notre situation demeure tout à fait dramatique et qu’il faut exercer une pression très forte sur les crédits encadrés63. » Le 2 avril, il affirme qu’« il devient vital de compresser nos emplois »64 et, le mois suivant, à la suite d’une déclaration de Jean Saint-Geours, affirmant : « Nous sommes en suremploi ; il faut appliquer de façon extraordinairement stricte l’encadrement du crédit », François Bloch-Lainé insiste : « Nous devons absolument réajuster le tir à la mesure de nos possibilités »65. Et, le 19 juin encore, une semaine seulement avant d’être évincé du Crédit lyonnais, François Bloch-Lainé revient une dernière fois à la charge :
« Après avoir décrit le nouveau dispositif de contrôle du crédit mis en place par le gouvernement, il insiste sur l’importance que ce dernier attache au respect des normes fixées. Pour les pouvoirs publics, en effet, le comportement des banques sera décisif dans le plan de lutte contre l’inflation. C’est dire combien les instructions devront être impérativement respectées à fin juillet66. »
55Dans le même temps, François Bloch-Lainé s’efforce de défendre pied à pied auprès des autorités monétaires la conduite de sa banque, qui dépasse constamment « son quota dans l’encadrement du crédit »67 et pratique longtemps des « acrobaties » (Jean Tissier) pour masquer ces dépassements. Durant l’été 1973, une inspection de la Banque de France débouche sur « un rapport sévère de la Banque sur la manière dont le Crédit lyonnais a passé l’échéance du 3 avril. Il s’agit là d’un sujet de préoccupation sérieux […]. Nous avons multiplié les tricheries », reconnaît Jean Saint-Geours, qui poursuit :
« Une lettre du gouverneur vient apporter la sanction de ce rapport : la réintégration des "erreurs" les plus lourdes étant la masse des effets de renouvellement portés tardivement au compte des clients et les "face-à-face". Ces réintégrations devraient nous coûter 11 millions68. »
56En septembre-octobre de la même année, la Banque de France soumet les crédits du Lyonnais à une nouvelle inspection, qui aboutit à un constat tout aussi sévère. François Bloch-Lainé doit, à la demande expresse du gouverneur de la Banque de France, faire procéder à des « déclarations rectificatives »69 des déclarations de crédit faites par le Crédit lyonnais. Il écrit à Olivier Wormser le 17 décembre 1973 :
« À la suite d’une action continue de vérification comptable et de régularisation, menée en étroite collaboration avec les requêtes et les observations de l’Inspection générale de la Banque de France, j’ai l’honneur de vous faire tenir les déclarations rectificatives de réserves70 couvrant la période de fin mars à fin octobre 1973. Pour obéir à vos instructions, les états produits assimilent à des crédits toutes les opérations réalisées par des entreprises non bancaires et par des particuliers avec des membres de notre clientèle, telles que nous les connaissons. Cette assimilation est très rigoureuse et ses effets sont très lourds pour notre établissement. Afin d’obtenir un apurement certain de notre situation, je fais procéder à d’ultimes vérifications extra-comptables dans les groupes d’agences, en conséquence desquelles un ajustement des présentes déclarations serait éventuellement opéré avant la fin de l’année71. »
57Dix jours plus tard, il envoie au gouverneur une nouvelle lettre, pour l’informer que, à la suite de cette « enquête » interne72, il est prêt à « produire à la Commission de contrôle des banques de nouvelles déclarations rectificatives »73.
58En même temps qu’il se soumet ainsi à ces rectifications quelque peu humiliantes et fort onéreuses pour le Crédit lyonnais, François Bloch-Lainé tente de présenter aux autorités monétaires un dossier de défense de la conduite de sa banque. Il souligne que les responsables du Lyonnais ont pu penser longtemps que les opérations de « face-à-face » étaient tolérées. Il insiste surtout sur deux points. Tout d’abord, il souligne les graves inconvénients que cause à une « grande banque, à vocation nationale et internationale », cet encadrement du crédit en raison de son extrême sévérité :
« [Je souhaite] attirer l’attention [du gouverneur] sur le poids considérable du prélèvement que fait subir à nos moyens d’action l’application d’une rigueur jamais atteinte dans la réglementation du crédit. Il est de plus en plus difficile de concilier le respect de mesures onéreuses et affaiblissantes avec la sauvegarde d’un fonds de commerce qui est l’œuvre des efforts acharnés de milliers d’agents fidèles à leur mission primordiale et avec le concours obligé à des entreprises d’intérêt public. En outre, les conditions d’une gestion normalement rentable se trouvent compromises au moment où nos établissements vont devoir affronter le jugement du marché financier74. »
59Ensuite, il plaide pour des adoucissements particuliers des limitations de crédit imposées au Crédit lyonnais, en raison du « choix des dates de référence » retenues. « Le faible niveau des crédits consentis pendant les onze premiers mois de 1972 nous a donné des références très défavorables pour la période correspondant de 1973 »75, écrit-il le 13 février 1974. Quatre jours plus tard, il précise : la progression des crédits autorisée pour les premiers mois de 1974 correspond à un pourcentage calculé par rapport aux chiffres des mois correspondants de 1972. Or il faudrait tenir compte du fait qu’au début de 1972 le Crédit lyonnais faisait preuve de plus de « modération » que les autres grandes banques dans l’octroi de crédits et qu’il avait déjà adopté une « attitude prudente » à ce propos76.
60Sa modération du début de 1972 pénalise donc le Lyonnais plus durement que les autres. Et François Bloch-Lainé reprend et développe longuement le même argument dans une lettre au ministre des Finances en date du 13 février 197477. Les autorités monétaires restent totalement sourdes à ces arguments, n’accordant ni un adoucissement de l’encadrement du crédit, ni une « dérogation »78 au Crédit lyonnais pour tenir compte de sa position particulière en 1972. Le comité de direction générale constate, le 30 janvier 1974 : « Notre président a reçu une lettre comminatoire du ministre lui enjoignant de respecter sans artifice les progressions autorisées »79, et, le 6 février 1974, Jean Saint-Geours déclare : « Le gouverneur de la Banque de France ne nous accorde aucune grâce », on est donc « dans un contexte général de sévérité maintenue du ministre et du gouverneur de la Banque de France »80.
61En définitive, le coût de l’encadrement du crédit et du renchérissement des taux d’intérêt, aggravé par les conséquences de la grève, contribue à creuser les pertes du Crédit lyonnais. L’exercice 1974, dont les comptes ont été établis bien après le départ de François Bloch-Lainé, se solde par un déficit de 154 millions de francs81.
La disgrâce
62En 1969, Michel Debré a cédé sa place de ministre de l’Économie et des Finances à Valéry Giscard d’Estaing, avec lequel François Bloch-Lainé n’a jamais entretenu des relations faciles, mais ce dernier peut compter encore sur le soutien du chef du gouvernement, Jacques Chaban-Delmas. En 1972, celui-ci est remplacé par Pierre Messmer. François Bloch-Lainé se trouve désormais sans relais au sein du gouvernement, et sa position se trouve gravement affaiblie par la longue grève de 1974, qui suscite le « vif mécontentement » du ministre de l’Économie et des Finances82, et, plus encore, par le dépassement des normes de crédit exigées par celui-ci. Giscard est « agacé », il s’estime dès lors trahi par ce président d’une banque nationalisée qui pendant longtemps s’est montrée incapable de respecter l’encadrement du crédit83. Un bon mois après l’élection de Giscard à la présidence de la République, le 27 juin 1974, « le Conseil des ministres réuni à l’Élysée décide de mettre fin au mandat d’administrateur de François Bloch-Lainé, autrement dit de l’évincer du Crédit lyonnais »84.
63Celui-ci abandonne son poste de président du Crédit lyonnais, dans des conditions qu’il relate peu après fort dignement et avec une réelle élégance :
64« J’ai été au Crédit lyonnais sur ordre, en homme libre. J’en suis parti de même… Quant à ma disgrâce soudaine, qui n’est, encore une fois, ni scandaleuse, ni malheureuse, ses raisons lointaines ou circonstancielles n’ont pas grande importance. En toute hypothèse, je n’éprouve aucun regret de n’avoir pas manœuvré pour tenir85. »
***
65François Bloch-Lainé s’est impliqué dans la conduite du Crédit lyonnais bien plus qu’on ne le pense souvent. Ces sept années à la tête de cette grande banque ont constitué, de son propre aveu, « la période la plus active, la plus dynamique de sa carrière ». Au moment de quitter le Crédit lyonnais, il devait éprouver quelque amertume, avoir le sentiment d’avoir été victime d’un sort injuste et d’avoir subi des échecs immérités. Mais il a préféré rappeler les contraintes qui avaient entravé son action et qui expliquaient son caractère inachevé, et souligner aussi l’importance des réformes qu’il était fier d’avoir accomplies.
66Il s’est heurté d’abord à l’intérieur de la maison à des résistances multiples, tenant en particulier à des « pesanteurs sociologiques », aux « féodalités » en place. Il n’a pas toujours été suivi par certains cadres supérieurs de la maison, notamment lors de la grève de 1974. Il en a été de même pour l’encadrement du crédit, qu’il a vécu réellement comme un drame personnel. Il tient à le souligner dans sa dernière intervention au comité de direction générale, qu’il a présentée comme son « testament »86 :
« Les dépassements de crédit ne peuvent être justifiés par référence à la situation comparable de nos confrères. Il apparaît que le réseau a mal obéi à la direction d’exploitation, ce qui traduit une insuffisance d’autorité. En effet, ni le retard dans la connaissance des situations comptables, ni l’importance d’un nombre important de régions, ni l’existence d’une direction centrale des groupes d’entreprises ne peuvent seuls expliquer nos débordements en la matière. De plus, être resté en situation de suremploi n’était pas seulement contraire aux directives gouvernementales mais aussi absurde en termes de bonne gestion financière ; la fuite en avant a été partiellement suicidaire pour notre compte d’exploitation. Enfin, le recours aux artifices et l’accueil réservé aux inspecteurs de la Banque de France ont été grossièrement maladroits et traduisent un redoutable manque de discernement. »
67Par ailleurs, toujours dans son « testament », ce haut fonctionnaire dénonce curieusement les effets pernicieux de la « tendance à la fonctionnarisation dans l’établissement » :
68« Les collaborateurs du Crédit lyonnais, entreprise commerciale et, comme telle, jugée sur ses résultats et ses performances, bénéficient de rémunérations très supérieures à celles du secteur public, alors que les sanctions sont rares et l’avancement trop souvent automatique. À terme, cette situation paradoxale peut être une cause de vulnérabilité ; on ne peut cumuler abusivement les avantages des deux systèmes sans encourir de graves périls. »
69Dans le même temps, pour surmonter tous ces obstacles rencontrés à l’intérieur de la banque, il n’a pu, écrit-il, « trouver au-dehors les appuis dont je manquais au-dedans », surtout « avec les autorités dont je relevais directement depuis 1969 »87. Néanmoins, comme il le rappelle avec fierté dans sa lettre d’adieu au personnel88, il a réussi à accomplir une large part de la mission qui lui avait été confiée de restructurer et moderniser le Crédit lyonnais :
70« J’ai été envoyé au Crédit lyonnais pour entreprendre les mutations [rendues] urgentes par l’évolution rapide de la profession. Mon but a été d’assurer à une banque prestigieuse la poursuite d’un développement qui exigeait, à coup sûr, des changements ; je me suis efforcé d’être fidèle à la grande et vieille maison en lui faisant faire un effort exceptionnel de rénovation et d’adaptation. »
71De même, « en conclusion » de son « testament », il « rappelle que beaucoup de choses ont été faites depuis son arrivée pour réorganiser cette maison ; la réforme de structure est, sinon achevée, du moins réalisée pour l’essentiel ; M. Chaine [qui est désigné pour lui succéder à la tête de la banque] lui-même pense que la partie la plus ingrate est effectivement accomplie […]. M. Bloch-Lainé pense pouvoir être fier de l’œuvre accomplie ensemble »89, et tout spécialement avec le concours de Jean Saint-Geours.
Notes de bas de page
1 François Bloch-Lainé, Profession : fonctionnaire, Le Seuil, Paris, 1976, p. 216.
2 Le Crédit lyonnais avait subi des pertes en 1882 et 1946, mais celles-ci n’avaient pas été affichées grâce à des prélèvements sur les réserves de l’établissement.
3 Michel Debré, Trois Républiques pour une France. Mémoires, t. IV : 1962-1970, Albin Michel, Paris, 1993, p. 69.
4 F. Bloch-Lainé, Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 215.
5 Voir, par exemple, l’attitude prêtée aux banques et notamment au Crédit lyonnais au moment de l’emprunt de Libération ibid., p. 74.
6 Ibid., p. 222.
7 Jean Rivoire, Le Crédit lyonnais. Histoire d’une banque, Le Cherche-Midi, Paris, 1989, p. 162-163.
8 À ces documents, conservés aux Archives historiques du Crédit lyonnais, il faut joindre quelques notes et lettres échangées entre le président et son directeur général, que nous a aimablement confiées Jean-Michel Bloch-Lainé.
9 Lettre du 1er octobre 1967 à Maurice Schlogel (copie Archives Bloch-Lainé, conservée aux AHCL).
10 Né en 1925, inspecteur des Finances, directeur de la Prévision au ministère des Finances au moment où François Bloch-Lainé l’appelle au Crédit lyonnais. Voir son livre Pouvoir et Finance, Fayard, Paris, 1979 ; voir aussi son témoignage dans « Le temps des réformes (1967-1974) », entretien avec Jean Saint-Geours, in B. Desjardins, M. Lescure, A. Plessis, R. Nougaret, A. Straus (dir.), Le Crédit lyonnais, 1863-1986. Études historiques, Droz, Genève, 2003, p. 953-962.
11 Voir le témoignage de Jean Deflassieux dans « Des études financières à la présidence », ibid., p. 93.
12 F. Bloch-Lainé, Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 228.
13 Voir un entretien avec Roger Priouret paru dans L’Expansion, juillet-août 1969, p. 122-141.
14 « La crise des années 1970 et le redressement du Crédit lyonnais », in Le Crédit lyonnais, 1863-1986, op. cit., p. 966.
15 Voir L’Expansion, juillet-août 1969, p. 137.
16 Les réformes les plus importantes, avant celles de François Bloch-Lainé, sont à mettre à l’actif d’Édouard Escarra, directeur général de 1926 à 1945, qui mit fin, avec l’appui du baron Brincard, président de 1922 à 1945, au système des administrateurs délégués, afin de renforcer l’unité de la banque.
17 Exposé de François Bloch-Lainé aux directeurs du siège le 16 novembre 1971 et lettre de Maurice Schlogel du 30 novembre 1971.
18 Lors du comité de direction générale du 5 février 1968, François Bloch-Lainé demande expressément que « le procès-verbal mentionne bien que l’étude de notre département "Commerce extérieur" est entreprise à son initiative et qu’il en assume pleinement la responsabilité ». Il a confié la direction de ce département à Jean Deflassieux.
19 Voir J. Deflassieux, « Des études financières… », op. cit., p. 87 sq.
20 François Bloch-Lainé, note de 1974 intitulée « Contribution du Crédit lyonnais à l’internationalisation de la place financière de Paris », AHCL.
21 J. Deflassieux, « Des études financières… », op. cit., p. 94.
22 F. Bloch-Lainé, « Contribution du Crédit lyonnais… », op. cit., p. 3.
23 Cf. Roger Nougaret, in Le Crédit lyonnais, 1863-1986, op. cit., p. 497, et Éric Bussière, « La stratégie européenne du Crédit lyonnais de l’après-guerre à Europartenaires », ibid., p. 679 sq.
24 François Bloch-Lainé, déclaration à L’Express du 23 octobre 1970.
25 Idem, Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 218-220.
26 Idem, comité de direction générale du 5 mars 1972.
27 Idem, comité de direction générale du 2 février 1972.
28 Ibid.
29 Idem, Profession : fonctionnaire, op. cit. p. 218.
30 Cf. en particulier l’entretien de François Bloch-Lainé avec Roger Priouret dans L’Expansion de juillet-août 1969.
31 Interview de François Bloch-Lainé dans Vision, s. d., conservée dans les AHCL.
32 Entretien cité, L’Expansion, juillet-août 1969.
33 D’après le rapport au conseil d’administration de 1970.
34 Comité de direction générale du 13 décembre 1967.
35 Interview citée de F. Bloch-Lainé dans Vision.
36 François Bloch-Lainé tient à cette expression, qu’on retrouve dans ses entretiens dans Vision ou L’Expansion déjà cités.
37 Interview citée de F. Bloch-Lainé dans Vision, p. 3.
38 Ibid.
39 Note aux cadres, 1972, conservée dans les AHCL.
40 Cf. notamment F. Bloch-Lainé, Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 226, et L’Expansion, entretien déjà cité.
41 Idem, Pour une réforme de l’entreprise, Le Seuil, Paris, 1963.
42 « Aux directeurs du Crédit lyonnais », 21 avril 1969, AHCL.
43 « Aux cadres du Crédit lyonnais », 1972, AHCL.
44 « Aux directeurs… », op. cit.
45 Témoignage de Georges Bégot, in Le Crédit lyonnais, 1863-1986, op. cit., p. 167.
46 François Bloch-Lainé, in Le Progrès de Lyon, mai 1970.
47 Cf. « Aux directeurs du personnel », 1979, et les rapports du conseil d’administration, notamment celui de 1972, dans la partie concernant « le personnel ».
48 Cette grève, qui a été évoquée par divers protagonistes, comme François Bloch-Lainé (dans Profession : fonctionnaire, op. cit.) ou par Arlette Laguillier, est maintenant mieux connue, puisqu’on trouve dans Le Crédit lyonnais, 1863-1986, op. cit., p. 153-172, le récit de son déroulement et les témoignages de Jean Saint-Geours et du syndicaliste Georges Bégot.
49 Selon le témoignage de Claude Pierre-Brossolette, ibid., p. 971.
50 Ainsi que le reconnaît Jean Saint-Geours, ibid., p. 164 : « François Bloch-Lainé et moi-même peut-être avons-nous voulu franchir une étape trop vite en lançant le programme de construction des bureaux paysagers et le plan de délocalisation de la Défense. » De même, François Bloch-Lainé a écrit dans Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 224 : « Peut-être avons-nous été un peu trop vite dans l’exécution » du changement.
51 Ibid.
52 Idem, exposé au CESB, 8 février 1973, conservé dans les AHCL.
53 Ibid.
54 Cf. notamment le témoignage de Jean Deflassieux, dans Le Crédit lyonnais, 1863-1986, op. cit., p. 92.
55 Exposé de François Bloch-Lainé au colloque international de Montréal du 31 janvier 1974, AHCL. De même, dans Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 225-226, il constate : « Quand la politique monétaire pratique trop le stop and go, c’est-à-dire quand on fait se succéder, à intervalles courts, des périodes d’argent bon marché et d’argent cher, par l’effet d’une politique chaotique, on rend très difficile le commerce de la banque. En 1972, l’état de la concurrence portait chacune des grandes banques à courir après les clients et à leur proposer des prêts séduisants par crainte de rester en état de sous-emploi. En 1973-1974, il aurait fallu tout couper pour ne pas prêter à des taux plus bas que ceux du marché sur lequel on s’approvisionnait. »
56 Ibid., p. 220-221.
57 Ibid., p. 221.
58 Les citations qui suivent sont tirées des procès-verbaux de ce comité de direction générale, consultés aux AHCL.
59 Comité de direction générale du 28 février 1973 (no 48).
60 Comité de direction générale du 29 août 1973 (no 67).
61 Comité de direction générale du 5 septembre 1973 (no 68).
62 Comité de direction générale du 6 février 1974 (no 85).
63 Comité de direction générale du 20 février 1974 (no 86).
64 Comité de direction générale du 2 avril 1974 (no 92).
65 Comité de direction générale du 8 mai 1974 (no 96).
66 Comité de direction générale du 19 juin 1974 (no 100).
67 Témoignage de C. Pierre-Brossolette, Le Crédit lyonnais, 1863-1986, op. cit., p. 966.
68 Comité de direction générale du 22 août 1973 (no 66).
69 Lettre de François Bloch-Lainé au gouverneur, datée du 14 décembre 1973, AHCL.
70 Il s’agit des réserves obligatoires imposées aux banques pour tout dépassement de leurs limites de crédit.
71 Lette de François Bloch-Lainé au gouverneur, datée du 17 décembre 1973.
72 Il y a eu, dit-il, « des vérifications systématiques dans toutes les agences, suivant une procédure sans précédent » (lettre du 17 décembre).
73 Lettre de François Bloch-Lainé au gouverneur, datée du 27 décembre 1973.
74 Lettre précitée du 17 décembre 1973.
75 Lettre de François Bloch-Lainé à Olivier Wormser, en date du 13 février 1974, AHCL.
76 Lettre de François Bloch-Lainé au gouverneur, datée du 18 janvier 1974, AHCL.
77 Il écrit notamment dans cette lettre, conservée dans les AHCL : « Les autorités monétaires ont pris pour première base d’application des taux de croissance recommandés la situation de chacune des banques à fin mars 1972 et elles ont maintenu cette base pour la détermination des objectifs à fin mars 1974. Or, à cette époque éloignée, le Crédit lyonnais s’était singularisé par une extrême modération dans la distribution du crédit […]. Ainsi, la référence mars 1972 nous a-t-elle handicapés par un double effet : notre modération du début de 1972 a réduit nos possibilités de croissance en 1973 ; nos engagements de la fin de 1972 ont pesé de façon incoercible sur nos décaissements de 1973. »
78 Lettre d’Olivier Wormser au président du Crédit lyonnais en date du 25 février 1974, AHCL : « Il est exclu que la Banque de France accorde une dérogation particulière à votre établissement en ce qui concerne les normes à retenir pour le calcul des réserves supplémentaires. »
79 Comité de direction générale du 30 janvier 1974 (no 84).
80 Comité de direction générale du 6 février 1974 (no 85).
81 J. Rivoire, Le Crédit lyonnais, op. cit., p. 180 et 197.
82 Ibid., p. 174.
83 Témoignages de Claude Pierre-Brossolette et de Jean Saint-Geours, in Le Crédit lyonnais, 1863-1986, op. cit., p. 960-966.
84 J. Rivoire, Le Crédit lyonnais, op. cit., p. 174-175.
85 F. Bloch-Lainé, Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 228.
86 Dans le dernier comité de direction générale qu’il a présidé, celui du 3 juillet 1974 (no 102), « M. Bloch-Lainé, sans vouloir établir de relation de cause à effet entre certains événements concernant l’établissement – tels les dépassements des normes d’encadrement et les remous intérieurs – et la disgrâce dont il est l’objet, tient, en guise de « testament », à faire part de ses réflexions et à livrer son sentiment sur trois points qui lui sont essentiels… ».
87 F. Bloch-Lainé, Profession : fonctionnaire, op. cit., p. 228.
88 Citée par Thibault Colmet-Dage, François Bloch-Lainé (1967-1974), biographie dactylographiée établie en 1987 par ce secrétaire général adjoint honoraire de la banque, conservée dans les AHCL.
89 Comité de direction générale du 3 juillet 1974.
Auteurs
Conservateur des archives historiques du Crédit lyonnais. Il a, entre autre, publié : Le Crédit lyonnais, 1863-1986, Etudes historiques, (avec B. Desjardins, M. Lescure, A. Plessis, A. Straus), Droz, Genève, 2003.
Professeur émérite à l’Université Paris X-Nanterre. Il a publié notamment : « Le financement des entreprises françaises de la fin du XIXe siècle à la seconde guerre mondiale », Études et documents X, Comité pour l’histoire économique et financière, 1998, p. 277-291 ; Histoires de la Banque de France, Paris, Albin Michel, 1998 ; avec Michel Lescure, Banques locales et régionales en France au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1999 ; avec Olivier Feiertag, « Conjoncture et structures monétaires en Europe à la fin des années trente : dislocation et convergences », Revue économique, vol. 51, mars 2000 ; les créateurs d’entreprises bancaires en France du XVIIIe siècle à nos jours », Créateurs et créations d’entreprises de la Révolution industrielle à nos jours, Paris, ADHE, 2000.
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