La fiscalité russe pendant la Première Guerre mondiale
p. 59-82
Texte intégral
1La Russie entra dans la Première Guerre mondiale aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne, avec lesquelles elle formait le socle de la Triple-Entente. Après quelques ultimes hésitations, le tsar Nicolas II signa l’ordre de mobilisation générale le 30 juillet 1914. Le kaiser Guillaume II lança un ultimatum pour suspendre la mobilisation. Le tsar ne cédant pas à cet ultimatum, l’Allemagne déclara la guerre à la Russie le 1er août. L’armée impériale, composée de plus de 10 millions d’hommes, fut organisée en deux groupes : le groupe d’armée du sud-est, qui avait pour mission de combattre l’armée austro-hongroise et d’envahir la Galicie, et le groupe d’armée du nord-est, chargé de combattre l’armée allemande, avec pour mission d’envahir la Prusse-Orientale. Les forces russes ne se déployaient pas uniquement face à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie, mais aussi face à l’Empire ottoman1. Le tsar avait l’intention d’asseoir le statut de grande puissance de son pays, mais la guerre, en se prolongeant, engendra l’accumulation de défaites militaires, de difficultés économiques et de tensions sociales qui entraînèrent l’effondrement de la monarchie en 1917. Un gouvernement provisoire, d’abord dirigé par le prince Gueorgui E. Lvov, puis par Aleksandr F. Kerenskii, fut mis en place de mars à octobre 1917. Les bolcheviks organisèrent une insurrection armée pour le renverser dans la nuit du 24 au 25 octobre2. L’un des premiers actes du nouveau pouvoir fut la promulgation d’un décret sur la paix, rédigé par Lénine et soumis au vote du IIe congrès des soviets de toute la Russie dès le lendemain. Le décret invitait les nations en guerre à conclure un armistice immédiat, dans le but d’aboutir à une paix sans annexions ni contributions de guerre. Les Alliés se déclarèrent opposés à cette proposition. Le gouvernement bolchevik entama malgré tout séparément des négociations avec l’Allemagne en décembre 1917. Le traité de Brest-Litovsk, signé le 3 mars 1918, mit fin aux hostilités sur le front de l’Est.
2L’ampleur de la guerre posa aux États belligérants et à la Russie en particulier un grave problème de financement. Les gouvernements de la Grande-Bretagne et de la France, tout comme celui de l’Allemagne, eurent recours à la combinaison de différents types d’expédients pour combler le manque d’argent. En Grande-Bretagne, par exemple, les taux de l’income-tax furent triplés, les bénéfices de guerre taxés jusqu’à 60 %, les accises sur le thé, la bière et le tabac doublés durant le conflit. L’État britannique se procurait grâce à cela 26 à 28 % de ses ressources financières totales, tout en cherchant à mieux mobiliser l’épargne intérieure. En France, le 15 juillet 1914, le Sénat, d’abord réticent, finit par voter le projet de loi sur la création de l’impôt sur le revenu, tant défendu par Joseph Caillaux. À partir de 1916, les recettes fiscales couvrirent environ 16 % des dépenses liées à la guerre. Si la Russie tsariste est un cas singulier à cet égard, c’est d’abord du fait que sa stratégie de financement de la guerre marquait une nette préférence pour l’usage des emprunts.
3Le système d’imposition de l’Empire russe était complexe et manquait de flexibilité. La nécessité de le moderniser et de le renforcer était forte. Cependant, les tentatives de réforme entreprises au cours de la deuxième moitié du xixe et au début du xxe siècle furent partielles ou se plièrent à des contraintes d’ordre à la fois technique, politique et social. C’est pourquoi le gouvernement n’hésita pas à recourir massivement à des emprunts et à l’émission du papier-monnaie, ce qui mit l’État dans une situation d’endettement excessif qu’il n’était pas en mesure d’assumer. Le rôle des impôts n’était pas de financer les dépenses de guerre mais d’alimenter le budget ordinaire de l’État. Néanmoins, la Première Guerre mondiale et les mutations qui caractérisaient l’État et la société russes en 1917 ne furent pas sans conséquence pour la fiscalité russe.
4Les premières analyses des problèmes économiques et financiers auxquels le pays fut confronté pendant la Grande Guerre proviennent des débats et des travaux écrits par des contemporains qui vécurent ces événements et, parmi eux, en particulier, les praticiens des finances et les hommes politiques russes émigrés ayant contribué à la collection Economic and Social history of the World War éditée par James T. Shotwell3. Les travaux de Gavriil D. Dementiev et Ivan A. Mikhailov contiennent de nombreuses données chiffrées qui nous permettent d’analyser l’état des revenus et des dépenses de l’État pendant les années de guerre4. Dans leurs travaux, Mikhail I. Friedmann, Zakharii S. Katsenelenbaum et Serguei N. Prokopovich ont tenté de faire le point sur les répercussions de la guerre sur le système financier et monétaire comme sur l’organisation de l’économie tout entière de la Russie5. La brève période de 1921 à 1928, marquée par la Nouvelle Politique économique (NEP) en Union soviétique, a offert une opportunité aux principaux théoriciens économistes et autres contemporains de se consacrer à des réflexions sur les conditions de différents secteurs de l’industrie russe, les épreuves que le système productif avait subies et les profondes modifications survenues dans l’économie et la société au cours de la guerre et de la révolution, ainsi que sur la nouvelle conjoncture industrielle, commerciale et financière en Russie. Ces analyses émanaient notamment du groupe d’intellectuels et économistes libéraux qui se regroupèrent autour de la revue Ekonomist [L’Économiste]. En 1921 et 1922, la revue réussit à faire sortir cinq numéros avant qu’elle ne fût fermée sur ordre des autorités6. Le spécialiste des finances Iosif Mikhailovich Kulisher, bien connu en Russie et à l’étranger pour ses travaux sur l’histoire économique, y publia un article sur l’évolution du système d’imposition de la Russie de 1914 à 1917. En distinguant deux périodes de mesures et décisions en matière de fiscalité, celle du gouvernement tsariste en 1914-1916 et celle du gouvernement provisoire en 1917, il conclut ainsi :
« Alors que dans les deux premières années et demie de la guerre, malgré la prise de conscience de la nécessité de renforcer les revenus fiscaux, très peu a été fait – sauf, cependant, l’instauration de l’impôt sur le revenu –, depuis la révolution on a commencé non seulement à agir à un rythme accéléré, mais encore on songeait à réformer de fond en comble la fiscalité existante […] Si, malgré tout cela, la plupart des propositions sont devenues des projets de loi et non pas des lois, c’est à cause de la courte durée d’existence du Gouvernement provisoire. Il n’a pas eu le temps de mettre en application les projets qui ont été élaborés […] On peut dire que 1917, une année agitée, s’est avérée la plus intéressante en termes de volume de travail accompli pour augmenter les ressources financières de l’État et introduire dans notre fiscalité plus d’éléments de justice sociale […]7 ».
5On retient également la parution, en 1926, d’un recueil de documents portant sur la circulation monétaire de la Russie pendant les années 1914-1926, préparé par l’économiste et théoricien de la monnaie Leonid N. Yurovskii, qui devint, après la révolution d’Octobre, le responsable du bureau des crédits au sein du commissariat du peuple aux Finances8.
6Pour connaître les réalités économiques et financières de la Russie en 1917 et l’action du gouvernement provisoire pour réformer la fiscalité, nous disposons, en outre, d’une sélection de documents les plus importants – rapports, notes, états financiers, mémoires et autres – extraits des archives russes et publiés dans deux ouvrages : l’un s’intitule La situation économique de la Russie à la veille de la grande révolution socialiste d’octobre, réalisé en deux volumes par l’Institut d’histoire de l’Académie des sciences de l’URSS en 19579, et l’autre, The Russian Provisional Government, 1917: Documents, publié en trois volumes à Stanford en 1961 par Robert Paul Browder et Alexander F. Kerensky10.
7Parmi les historiens de l’école soviétique qui ont abordé ces sujets, on trouve Aleksandr P. Pogrebinskii, Arkadii L. Sidorov et Pavel V. Volobuev11. Sidorov a cherché, entre autres, à évaluer le niveau de l’endettement de l’État à la veille de la révolution d’Octobre, en constatant une divergence des chiffres sur la dette extérieure de la Russie fournis par les documents et travaux existants12. Dans l’historiographie récente, la politique financière de l’État, le crédit public et la mobilisation économique de la Russie durant la Première Guerre mondiale ont fait l’objet d’études de Serguei G. Beliaev, Peter Gatrell et Vasilii V. Strakhov13. Il convient, enfin, de mentionner un ouvrage récent, publié à Moscou en 2014, qui regroupe une série d’articles traitant aussi bien des finances et du fonctionnement de l’économie russe pendant la guerre, notamment du marché du blé et des problèmes du transport, que des relations diplomatiques et internationales, en passant par l’étude de l’humeur et du niveau de vie de la population14.
8C’est donc à la lumière des apports de l’historiographie et en nous appuyant sur l’étude des documents historiques que nous chercherons, dans les pages qui suivent, à comprendre comment la Première Guerre mondiale a affecté le système fiscal et les pratiques financières de l’État russe. Pour cela, il convient d’abord de présenter les traits caractéristiques du régime fiscal en vigueur dans l’Empire russe. Dans un second temps, nous examinerons les aspects fiscaux de la politique du gouvernement tsariste de l’été 1914 à février 1917. La dernière partie de l’article est consacrée aux projets émanant des milieux d’opposition en faveur de la modernisation du système des impôts. À des fins de concision, les approches et les résultats de la politique fiscale du gouvernement provisoire de mars à octobre 1917 ne sont pas abordés ici. Ceux-ci méritent une étude particulière, qui sera publiée ultérieurement et permettra également de réfléchir sur les transformations qui ont alors affecté la vie politique, économique et sociale de la Russie.
I. Financer l’effort de guerre
9Au début du xxe siècle, l’ensemble des recettes et des dépenses de la monarchie russe était divisé en service ordinaire et en service extraordinaire. Le service extraordinaire regroupait les dépenses de guerre et les dépenses pour les grands travaux, comme la construction des chemins de fer. La révolution de 1905 se traduisit par une confrontation brutale entre le pouvoir et la société. Le tsar dut consentir à la création d’une assemblée élue, la Douma d’État, ce qui provoqua notamment une modification dans la procédure de l’établissement du budget de l’État. En 1908, l’état prévisionnel des revenus et des dépenses de l’État fut soumis pour la première fois au vote de la Douma, à laquelle il appartint également d’approuver les emprunts contractés par le gouvernement. Après l’approbation du Conseil d’État, devenu une chambre haute du parlement russe, le budget était porté à la signature du tsar, qui le rendait exécutoire. Les demandes pour des crédits supplémentaires et extraordinaires devaient être adressées au ministère des Finances et autorisées par le Conseil d’État. Selon le règlement de 1862, les administrations impériales étaient tenues d’exécuter le budget chapitre par chapitre et de rendre compte de leur exercice au Contrôle d’État à la fin de l’année.
10La Russie entra dans l’ère industrielle à la charnière des xixe et xxe siècles, alors qu’elle demeurait encore une société d’ordre. Ce processus fut favorisé par la politique protectionniste de l’État et la stabilité du système monétaire consolidé par l’introduction de l’étalon-or en 1895. Les transformations de l’économie nationale s’étaient accompagnées notamment d’une tendance à l’augmentation des revenus de l’État, ce qui permit d’obtenir des budgets excédentaires à partir de 190915. Sous l’autorité du ministre des Finances, deux départements distincts veillaient à la bonne perception des revenus dans l’Empire : le Département des contributions directes et la Direction générale pour la perception des contributions indirectes et du revenu de la vente monopolisée des spiritueux. Les chambres de trésor (kazennye palaty) s’occupaient du recouvrement des impôts dans les différents gouvernements (gubernii) de l’empire.
11La monarchie russe avait pour particularité que les impôts indirects prédominaient sur les impôts directs, alors qu’à la même époque, la plupart des États occidentaux cherchaient à renforcer le rôle de la fiscalité directe. En 1913, la patente et autres taxes levées sur les entrepreneurs, commerçants et artisans constituaient 7,1 % (150,1 millions de roubles) des recettes fiscales totales de l’État, tandis que l’imposition des propriétés foncières et immobilières urbaines en représentait 2,9 % (respectivement 24,4 et 37,6 millions de roubles)16. Cela s’explique non seulement par les effets du développement économique, mais aussi par la politique gouvernementale en faveur des groupes sociaux sur lesquels s’appuyait le régime. En effet, à l’occasion de son couronnement en 1896, Nicolas II avait décidé de diminuer de moitié l’impôt des propriétaires fonciers, tandis que l’imposition des activités industrielles et commerciales ne cessait d’augmenter. Les habitants des villes semblaient être les plus exposés à l’impôt indirect, perçu sous forme d’accises sur divers produits de consommation. En 1894, Serguei Yulievich Witte, ministre des Finances de 1892 à 1903, rétablit le monopole de l’État sur la vente de la vodka. Ce monopole était lucratif pour l’État, procurant annuellement entre 600 et 900 millions de roubles au début du xxe siècle. L’impôt sur les valeurs mobilières, fixé à 5 %, fut créé à l’initiative du ministre des Finances Nikolai Khristianovich Bunge en 1885. Instauré par Witte en 1893, l’impôt sur les appartements, avec des taux variant de 2 à 10 %, concernait les occupants des appartements quels que fussent leur rang social ou profession. Ces deux impôts représentaient une nouveauté, mais leur apport était faible pour le budget de l’État.
12À côté des impôts généraux, figuraient un certain nombre d’impôts spéciaux perçus dans les périphéries de l’empire. Dans le royaume de Pologne, par exemple, privé de son autonomie financière après l’insurrection de 1863, les taux des impôts et taxes furent plus élevés que dans le reste du pays. Les montagnards du Caucase payaient l’impôt sur leurs logis (kibitočnaja podat’), tandis que les Kalmouks d’Astrakhan et les Kirghizes le payaient sur le bétail. Dans le Turkestan russe, les propriétaires terriens, à l’exception des religieux, payaient un impôt foncier de 10 %.
13En 1913, la principale charge fiscale tombait sur la population de la Russie d’Europe, qui comptait 123 millions d’habitants, soit 70 % de la population de l’empire. Les gouvernements de l’Ouest, économiquement les plus développés (le royaume de Pologne, le grand-duché de Finlande et les gouvernements de la Baltique) comptaient 18 millions d’habitants (10 % de la population de l’Empire) et contribuaient à hauteur d’environ un quart de toutes les recettes fiscales. Les territoires plus vastes et moins peuplés de la Sibérie, de l’Asie centrale et du Caucase versaient 123 millions de roubles, soit 10 % des recettes fiscales de l’État17.
14Les finances de la monarchie russe allaient être bouleversées à jamais par son entrée dans la Première Guerre mondiale. Aucune des autres guerres jusqu’alors menées ne lui demanda autant de ressources. Les dépenses militaires de la Russie ne cessaient d’augmenter : 2,5 milliards de roubles en 1914 (juillet-décembre), 9,4 milliards en 1915, 15,2 milliards en 1916 et 41,3 milliards au 1er septembre 191718. Dans la situation de guerre, le gouvernement fut conduit à déroger aux règles de gestion qui avaient prévalu jusque-là dans les finances publiques. Selon les nouvelles dispositions réglementaires adoptées le 9 août 1914 et le 17 janvier 1915, les crédits extraordinaires destinés à la conduite de la guerre formèrent dès lors un chapitre spécial, appelé « fonds militaire », du budget du ministère de la Guerre. La Douma n’avait pas de droit de regard sur les finances extraordinaires. Le ministre de la Guerre était autorisé à affecter ces crédits selon les nécessités du moment. L’autorité du ministre des Finances ne s’exerçait qu’à l’égard de l’administration civile, tandis que la gestion des crédits, de plus en plus importants, fut confiée à l’administration militaire. Dans les conditions de guerre, la différence s’estompait peu à peu entre les dépenses ordinaires et les dépenses extraordinaires. Les crédits inscrits au fonds militaire servaient également à couvrir un accroissement des dépenses de l’administration civile, dont le fonctionnement fut perturbé.
15Persuadés que la guerre serait courte et finirait par une victoire des alliés de l’Entente, les ministres et conseillers du tsar optèrent pour une stratégie traditionnelle, laquelle privilégiait la création monétaire et les emprunts pour financer la guerre. Entre juillet 1914 et février 1917, l’État émit du papier-monnaie pour une somme totale de 8,2 milliards de roubles, ce qui dépassa de six fois les chiffres des émissions d’avant-guerre19. Pour éviter la panique et les spéculations, la Bourse des valeurs de Saint-Pétersbourg fut fermée. Le décret du 27 juillet 1914 suspendit la convertibilité-or, et celle-ci ne fut plus renouvelée. Cela eut pour conséquence de modifier l’organisation du système monétaire du pays. La quantité de billets augmenta considérablement sans contrepartie en or ; les métaux précieux disparurent de la circulation monétaire intérieure. La Russie vit ses réserves d’or s’épuiser. L’État conservait une partie de son or à l’étranger et en particulier sur les comptes de banques en France, sur lesquels le gouvernement français instaura un moratoire. En outre, des transferts d’or furent effectués vers la Grande-Bretagne pour garantir les accords de crédits conclus en 1914 et 1915. Ces envois représentaient la somme de 68 millions de livres sterling (642,6 millions de roubles) soit presque la moitié des stocks d’or de la Russie d’avant-guerre20. L’or qui restait dans les coffres de la banque d’État à Saint-Pétersbourg ne constituait plus qu’une réserve de valeur de garantie afin d’assurer la confiance du public.
16Pendant les années de guerre de nombreux secteurs de l’économie furent touchés par le manque de main-d’œuvre, tandis que les échanges commerciaux étaient réduits. Le pays se trouva dans une situation de pénurie croissante de biens et produits, et une émission excessive de papier-monnaie fut génératrice d’inflation. Ainsi, les prix furent multipliés par sept vers le début de 1917. Le rouble-papier continua à se déprécier, ne valant plus que 27 kopecks21.
17Les emprunts intérieurs et extérieurs furent un autre moyen privilégié d’obtenir des revenus supplémentaires. Au total, le gouvernement russe lança six emprunts nationaux d’un montant nominal de 8 milliards de roubles. Les premier et deuxième emprunts, d’un montant nominal de 500 millions de roubles chacun, furent ouverts en octobre 1914 et février 1915 au taux d’intérêt de 5 % pour une durée de 49 ans. Le troisième emprunt, d’un milliard de roubles (avril 1915), portait l’intérêt de 5,5 % sur 81 ans. Les trois autres emprunts furent émis au taux de 5,5 % pour une durée de 10 ans en octobre 1915 et février et octobre 1916. Le placement des emprunts s’effectuait par l’intermédiaire de la Banque d’État ainsi que du syndicat des banques commerciales et des banques des villes. L’appel à souscription était soutenu par les discours publics et de nombreuses affiches afin de stimuler l’élan patriotique et la générosité des sujets du tsar. Malgré tout, le dernier emprunt d’État, d’un montant nominal de 3 millions de roubles, ne donna pas de résultats satisfaisants22.
18Il existait encore deux sortes d’emprunts à court terme : les obligations du Trésor à 5 % d’intérêt pour des durées de six mois à un an, et les billets de trésorerie (« séries ») à 4 % d’intérêt sur 4 ans ; 11,5 milliards de roubles d’obligations du Trésor étaient en circulation vers mars 1917. Les « séries », émises pour un montant total de 850 millions de roubles en 1914 et 1915 étaient à la fois des titres obligataires et des moyens de paiement. L’État s’en servait pour payer ses fournisseurs intérieurs et également les salaires des fonctionnaires23.
19Ayant recouru pour une première fois à l’emprunt extérieur en 1769, la Russie s’adressa par la suite régulièrement au marché financier étranger. Au cours de deux ans et demi de la guerre, le gouvernement tsariste contracta au total 5,2 milliards de roubles de crédits extérieurs, dont la plupart provenaient de la France et de la Grande-Bretagne et avaient un taux d’intérêt de 5 %. Les banquiers américains accordèrent à la Russie environ 86 millions de dollars, bien avant que les États-Unis n’entrent officiellement dans la Grande Guerre en avril 191724. Les crédits extérieurs étaient utilisés avant tout pour acheter à l’étranger des pièces d’armement et d’équipement militaires, des locomotives, des matières premières et des outils de production nécessaires à l’industrie russe, mais aussi pour le paiement des intérêts de la dette.
II. La politique fiscale du gouvernement tsariste : objectifs, contraintes et accomplissements
20Dans la première moitié de 1914, le recouvrement des recettes se déroula selon les prévisions, mais le deuxième semestre de l’année fit apparaître une diminution des revenus ordinaires de l’État de 524,7 millions de roubles25. Les revenus provenant de l’exploitation des lignes ferroviaires diminuèrent du fait que le transport des marchandises et des passagers fut réduit au profit de celui des troupes et des équipements. Les exportations russes chutèrent de 1 520 à 579 millions de roubles, ce qui se manifesta par une baisse des recettes douanières26. Mais la plus lourde conséquence pour les finances de l’État fut l’introduction de « la loi sèche ». En effet, « pour dégriser les sujets en ce moment grave pour le pays », Nicolas II prescrivit d’arrêter, dès le mois d’août 1914, la vente de la vodka dans les débits de boissons publics dans tout l’empire pour la durée de la guerre. Par conséquent, le Trésor se trouva privé des revenus considérables que dégageait le monopole sur la vente des spiritueux. Lors de sa conversation avec le président du Conseil des ministres, Ivan Logguinovich Goremykin, Vladimir Nikolaevich Kokovtsov, qui fut remplacé au poste du ministre des Finances par Petr Lvovich Bark en janvier 1914, fit remarquer qu’« il était impossible à la fois de mener la guerre et d’enlever au budget un quart de ses revenus », et préconisa, en vain, le rétablissement de ce monopole au moins sous une forme limitée27, d’autant plus que le commerce des alcools en fraude se développait massivement.
21Pour combler cette perte de ressources, le nouveau ministre des Finances proposa d’ouvrir un emprunt de guerre et d’augmenter les impôts existants. Dans l’immédiat, l’accise sur le tabac fut augmentée de 25 à 165 %, celles sur le sucre et le carburant augmentèrent de 14 % et 50 %. Les droits judiciaires furent doublés. L’élévation des tarifs concernait aussi bien les passagers que les marchandises transportés par une voie ferrée. En particulier, le transport du coton russe fut frappé d’une taxe spéciale à raison de 2,5 roubles par poud28. Les tarifs des postes et télégraphes furent augmentés. De plus, les propriétaires des téléphones furent frappés d’une taxe de 10 roubles par an.
22L’année 1915 se révéla très difficile. Face aux offensives austro-allemandes, les troupes russes durent se retirer de la Galicie, conquise en 1914, de la Pologne et de la Lituanie. La guerre s’avérait de plus en plus coûteuse en ressources humaines, matérielles et financières. Ainsi, il devint incontournable de toucher aux intérêts des couches sociales aisées pour augmenter les revenus de l’État. Cette année-là, le ministère des Finances élabora un nouveau plan d’assainissement des finances publiques. Il considéra la nécessité de procéder à une réforme fiscale afin de « trouver des sources de revenus permettant d’alimenter le budget de l’État en suivant, dans la mesure du possible, les notions de justice et d’équité dans l’imposition des différentes couches de la société ». Il était envisagé d’« établir des impôts qui n’existaient pas jusqu’alors en Russie29 ».
23Dans les faits, le gouvernement commença par une nouvelle élévation de la fiscalité indirecte, en particulier sur le tabac et les allumettes, ainsi que des droits de timbre. Les droits de douanes furent augmentés de 40 %. Dans le même temps, l’impôt sur l’exercice des activités industrielles, commerciales et artisanales fut augmenté de 60 %, l’impôt foncier de 50 à 100 % selon les localités, l’impôt sur les propriétés immobilières urbaines de 33 %, l’impôt sur les appartements de 50 %. En parallèle, une série de nouvelles taxes virent le jour, telles que celles sur les vins de raisin et de fruits, la bière, la levure compressée, ainsi que la taxe temporaire sur les divertissements. Les hommes âgés de moins de 43 ans qui étaient exemptés de la conscription furent soumis à « l’impôt militaire ». Enfin, les lois de 1916 annoncèrent l’introduction de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les bénéfices de guerre.
24Il convient de remarquer que la question de l’établissement de l’impôt sur le revenu n’était pas nouvelle pour la Russie30. Le tsar Alexandre Ier (1801-1825) fut le premier à l’établir en 1812 sous la forme d’une contribution temporaire sur le revenu des propriétaires terriens. Le taux allait de 1 % pour les revenus annuels de 500 à 2 000 roubles jusqu’à 10 % pour les revenus au-delà de 18 000 roubles31. L’impôt fut mal accueilli par la noblesse et fut finalement supprimé en 1819 sans avoir d’incidence sur la fiscalité russe. Dans la première partie de son règne, Alexandre II (1855-1881) s’attela à de grandes réformes pour moderniser le pays. En 1859, il institua une commission spéciale chargée d’élaborer une réforme fiscale. Il était question de substituer le système basé sur l’archaïque impôt de capitation, ou « impôt sur les âmes » (podušnaja podat’), par un ou plusieurs impôts sur des biens. À cette occasion, en 1862, le comte Petr A. Valuev déposa un projet qui prévoyait de supprimer la capitation et d’établir un impôt sur le revenu qui serait dû par tous les sujets du tsar, sauf le clergé et les paysans, mais la commission ne retint pas son projet. En 1867, Mikhail P. Veselovskii fut envoyé en Occident avec pour mission d’étudier l’expérience étrangère en la matière. En rentrant à Saint-Pétersbourg, il présenta un mémoire intitulé « Sur l’impôt sur le revenu » qui fut inséré au seizième volume des travaux de la commission fiscale32. Ses arguments confortèrent la commission dans son opinion que les conditions n’étaient pas réunies pour l’établissement de l’impôt sur le revenu en Russie.
25L’idée ne fut pas définitivement enterrée pour autant. Pour financer la guerre contre les Ottomans en 1877-1878, le gouvernement n’exclut pas, notamment en cas d’urgence, la possibilité d’introduire un impôt sur le revenu. Pendant son ministériat des finances, Bunge procéda à un démantèlement du système de capitation par étapes, entre 1884 et 1887, à travers l’empire, sauf en Sibérie. Il ne souhaita pas l’adoption de l’impôt sur le revenu, dans lequel il voyait un expédient extraordinaire pour couvrir les dépenses de guerre. On y songea à nouveau en 1891. Pour atténuer les répercussions de la crise agricole et combler le déficit budgétaire, le ministère des Finances, alors dirigé par Ivan Alekseevich Vychnegradskii, prépara un projet sur la création d’un impôt global et progressif sur le revenu conçu selon le modèle prussien. Le taux de l’impôt s’appliquerait aux revenus nets de 1 000 à 2 000 roubles et, en augmentant de 0,1 % par tranche de 1 000 roubles, atteindrait 4 %. La déclaration des revenus du contribuable serait obligatoire et contrôlée par les services fiscaux. Witte se montra réticent devant ce projet, qui n’allait pas faire partie de l’agenda de ses réformes. Son activité mit l’accent sur l’industrialisation de la Russie et le développement de la fiscalité indirecte. Pour développer l’industrie russe, Witte recourut aux emprunts et encouragea des sociétés étrangères à venir investir en Russie.
26La révolution de 1905 et la Première Guerre mondiale donnèrent une impulsion décisive pour la réalisation de la réforme fiscale. À partir de 1905, une commission spéciale se réunit au sein du ministère des Finances afin d’élaborer un projet en vue d’établir l’impôt sur le revenu. Elle fut présidée par Nikolai N. Kulter, l’adjoint du ministre des Finances et le directeur du département des Contributions directes, et comprenait également des représentants éminents de la science économique et financière russe. Selon ce projet, le barème de l’impôt fut fixé entre 0,7 et 5 % pour les revenus allant jusqu’à 100 000 roubles, après quoi il devenait une taxe proportionnelle de 5 %. Considérant que le nouvel impôt ne serait pas tout de suite productif, la commission préféra qu’il fût introduit comme complémentaire aux autres impôts directs.
27Le projet fut déposé à la deuxième Douma en 1907, qui ne put l’examiner. Aussi hostile au régime que la première, elle fut dissoute par Nicolas II le 3 juin. Suite à la modification de la loi électorale en faveur des classes possédantes, la troisième assemblée fut convoquée en novembre. Les octobristes (Union du 17 octobre) formèrent ainsi, avec 148 députés, le parti le plus important et soutinrent les politiques gouvernementales. Les constitutionnels-démocrates, dits « cadets », et les travaillistes représentaient l’opposition. Les sociaux-révolutionnaires décidèrent de boycotter les élections. Cette assemblée se montra peu enthousiaste à l’idée d’instaurer l’impôt sur le revenu en Russie. Le projet de loi resta en attente d’un examen jusqu’à la fin de sa législature en 1912. Comme le notait dans son livre Nikolai N. Pokrovskii, adjoint du ministre des Finances de juin 1906 au juillet 1914, « cette réforme était de nature à prendre l’impôt dans les poches des riches », en affectant les intérêts des propriétaires fonciers et des industriels comme des professions libérales. Par conséquent, il serait difficile d’attendre de part et d’autre un soutien en faveur d’une telle réforme33.
28La quatrième Douma, élue en 1912, ne put siéger régulièrement pendant la Première Guerre mondiale et bascula vers une attitude d’opposition. Lors de l’ouverture de la 4e session de la Douma en juillet 1915, les députés de droite et les nationalistes étaient les seuls qui assurèrent le gouvernement de leur loyauté. Les autres groupes politiques dénonçaient son incapacité à gérer le pays. En août, les cadets, les progressistes, l’aile gauche des octobristes, la fraction des progressistes-nationalistes russes et trois groupes du Conseil d’État s’allièrent pour former un bloc progressiste. L’octobriste de gauche Serguei I. Chidlovskii fut le président du bloc, le leader de facto fut le cadet Pavel N. Milioukov. La coalition exigeait la création d’un « gouvernement de confiance » qui serait responsable devant la Douma et conduirait des réformes. Après de vifs débats à la Douma, le projet de loi sur la création d’impôt sur le revenu fut voté le 28 août. Les députés du bloc progressiste et les sociaux-démocrates modérés défendirent cette réforme en faisant valoir que cela serait « un devoir d’honneur des classes possédantes » dans les conditions de la guerre34. Ensuite, en février 1916, le projet fut porté à l’examen du Conseil d’État, où les opposants à l’impôt sur le revenu renouvelèrent leurs critiques. Mais le Conseil d’État adopta le projet. Après quoi, Nicolas II lui donna force de loi par sa signature le 6 avril 191635.
29Quant à son contenu, la loi de 1916 s’écartait du projet de réforme initialement élaboré. Le minimum de revenu imposable fut abaissé de 1 000 à 850 roubles dans le but de constituer un contingent plus large de contribuables. L’impôt porterait sur l’ensemble des revenus annuels des contribuables, de quelque nature qu’ils fussent. Les taux étaient calculés à partir d’un barème de 0,7 à 12 %. La tranche de revenus supérieurs à 400 000 roubles fut affectée d’un taux de 12 %, puis d’un supplément de 1 250 roubles pour chaque excédent de 10 000 roubles de revenus. Les officiers et les soldats qui étaient sur le front bénéficiaient d’une réduction d’impôt. Le tsar et les membres de la famille impériale en furent exemptés.
30Les bureaux, composés des fonctionnaires du ministère des Finances et des représentants des contribuables, avaient pour tâche de collecter les déclarations. Pour vérifier les montants des revenus déclarés par les contribuables, ils pouvaient se servir des documents produits par diverses administrations. Ainsi, les banques et les entreprises étaient tenues de fournir les listes de leurs clients et actionnaires. Les déclarations frauduleuses étaient sanctionnées d’une amende. Une taxation d’office était prévue en cas d’absence de déclaration. Les contribuables pouvaient contester les taux d’imposition qui leur étaient fixés devant les chambres de trésor locales et le ministère des Finances ; le Sénat statuerait en dernier ressort.
31Durant la guerre, un certain nombre d’entreprises vit augmenter leur chiffre d’affaires ou accroître leur emprise sur telle ou telle branche de l’économie nationale grâce à la réalisation de commandes d’État. Les entreprises par actions se multiplièrent et dégagèrent des profits et dividendes autant que les fournisseurs de l’État et leurs intermédiaires dans l’industrie métallurgique ou textile. Aussi, tout en ayant sous les yeux l’exemple des autres États belligérants, le gouvernement russe souhaita-t-il imposer les bénéfices de guerre.
32Après discussions au Conseil des ministres, le tsar signa un décret sur la création de l’impôt sur les bénéfices de guerre le 13 mai 191636. Comme en France, au Royaume-Uni ou en Italie, c’était une contribution exceptionnelle qui ne devait durer que le temps de la guerre. Elle visait à taxer l’excédent de bénéfices qui représentait une différence entre les sommes des bénéfices obtenus durant les années précédant et suivant la guerre. La loi du 13 mai 1916 ciblait l’ensemble des entreprises, quels que fussent leur taille et leur secteur d’activité. On distinguait à cet effet les entreprises qui étaient concernées par l’obligation de rendre compte publiquement des résultats de leurs activités et celles dont les comptes n’étaient pas rendus publics.
33Ainsi, le premier groupe d’entreprises était taxé lorsque les montants des bénéfices obtenus durant 1916 et 1917 dépassaient 8 % du capital et étaient supérieurs au montant moyen des bénéfices imposés au titre des années 1913 et 1914. Le second groupe d’entreprises était tenu de payer l’impôt lorsque les bénéfices obtenus en 1916 et 1917 étaient supérieurs à 2 000 roubles et dépassaient les montants moyens des bénéfices imposés au titre des années 1913 et 1914. Enfin, le nouvel impôt visait également les dirigeants et les employés travaillant au sein de la direction et des comités d’entreprise par actions, qui avaient à déclarer leurs salaires et récompenses. Ils étaient taxés lorsque la somme annuelle des rémunérations qui leur étaient versées en 1916 et 1917 était supérieure à 500 roubles et dépassait les montants des rémunérations versées en 1913.
34Les conditions et modalités de perception de l’impôt sur les bénéfices de guerre furent ensuite précisées dans le règlement du 20 juin 1916. Il stipulait que l’impôt ne s’appliquerait pas aux entreprises récemment ouvertes et soumises à la taxation à partir de 1915. Pour toutes les autres, le montant total de leur dû ne devrait pas dépasser 50 % du montant de leurs bénéfices annuels. Les entreprises étaient soumises à l’obligation de présenter une déclaration sur leurs bénéfices au plus tard le 1er juillet de l’année qui précédait l’année de recouvrement.
35Les tableaux qui suivent présentent les résultats de la politique fiscale du gouvernement tsariste en 1914-1916. La comparaison des budgets de l’État de 1913 et 1916 nous permet d’apprécier les changements survenus dans le système d’imposition de la Russie pendant la guerre37.
Tableau 1. Les revenus ordinaires de l’État en 1913 et 1916 (en millions de roubles)
Catégories de revenus ordinaires | 1913 | 1916 | ||||
Montant prévu selon l’état prévisionnel | Revenus effectifs | % | Montant prévu selon l’état prévisionnel | Revenus effectifs | % | |
I. Impôts directs | 249,8 | 272,5 | 8 | 359,6 | 608,7 | 14,8 |
Redevances, impôts sur les propriétés foncières et immobilières urbaines | 85,8 | 87,3 | 2,6 | 118,9 | 115,9 | 2,8 |
Patente et taxes additionnelles | 132,5 | 150,1 | 4,4 | 192,6 | 443,7 | 10,8 |
Impôt sur les valeurs mobilières | 31,4 | 35,1 | 1 | 48 | 49,1 | 1,2 |
II. Impôts indirects | 657,4 | 708,1 | 20,7 | 813,7 | 985,5 | 24 |
Droits de douanes | 334,6 | 352,9 | 10,3 | 314,4 | 495,4 | 12,1 |
Sucre | 128,5 | 149,2 | 4,3 | 190,8 | 202,4 | 5 |
Tabac | 72 | 78,8 | 2,3 | 149,6 | 174,6 | 4,2 |
Produits de pétrole | 46,7 | 48,6 | 1,4 | 82 | 80,4 | 2 |
Allumettes | 19,6 | 20,1 | 0,6 | 43,5 | 32,1 | 0,7 |
Autres | 56 | 68,5 | 2 | 33,4 | 0,6 | 0 |
III. Divers droits | 218,2 | 231,2 | 6,8 | 443,6 | 572,3 | 13,9 |
IV. Droits et revenus régaliens | 925,3 | 1 024,8 | 30 | 251,6 | ||
Monopole sur la vente des spiritueux | 800,1 | 899,3 | 26,3 | 51,4 | ||
Autres | 125,2 | 125,5 | 3,7 | 205,2 | ||
V. Domaines et capitaux de l’État | 986,8 | 1 043,7 | 30,5 | 1 030,8 | ||
Les chemins de fer de l’État | 782,3 | 813,6 | 23,8 | 728,6 | 964,7 | 23,5 |
Autres | 204,5 | 230,1 | 6,7 | 302,2 | ||
VI-IX. Autres revenus | 170,9 | 137,1 | 4 | 747,2 | ||
Total | 3 208,4 | 3 417,4 | 100 | 3 032,1 | 4 097,3 | 100 |
Tableau 2. Le produit des prélèvements fiscaux en 1913 et 1916 (en millions de roubles)
Année | Total des revenus ordinaires de l’État | Total des recettes fiscales | Impôts directs | Impôts indirects et divers droits | ||||
Recettes des impôts directs | % des recettes fiscales totales | % revenus ordinaires de l’État | Recettes des impôts indirects et divers droits | % des recettes fiscales totales | % des revenus ordinaires de l’État | |||
1913 | 3 417,4 | 2 111,1 | 272,5 | 12,9 | 8 | 1 838,6 | 87 | 53,8 |
1916 | 4 097,3 | 2 166,5 | 608,7 | 28,1 | 14,8 | 1 557,8 | 71,9 | 38 |
36Force est de constater que l’État réussit à compenser la perte de revenus engendrée par la suppression du monopole d’État sur la vente des spiritueux en 1914. Le principal levier pour y parvenir fut la hausse des impôts et des taxes, laquelle s’était concentrée particulièrement sur la fiscalité indirecte. Elle rapporta 426,5 millions de roubles en 1915 et 725 millions en 1916, soit 15,1 % et 17,7 % de tous les revenus de l’État (2 827,7 et 4 097,3 millions de roubles).
37Le ministère des Finances estima la somme totale des revenus ordinaires de l’État à 3 032,1 millions de roubles pour 1916. Les rentrées effectives donnèrent 4 097,3 millions. On peut voir qu’en 1916, le total des recettes provenant de divers impôts, taxes et droits est presque équivalent à l’année 1913 (2 166,5 et 2 111,3 millions de roubles). Les recettes fiscales constituaient 53 % du total des revenus ordinaires de l’État. Les recettes provenant des impôts directs s’accrurent de 272,5 à 608,7 millions de roubles, soit deux fois et demie par rapport à 1913. La proportion des impôts directs s’élargit dans les recettes fiscales totales, passant de 13 % à 28 %. Corrélativement, leur part dans l’ensemble des revenus de l’État augmenta de 8 à 15 %.
38En 1913, les impôts directs ne donnèrent que 8 % (272,5 millions de roubles), alors que les impôts indirects, parmi lesquels le monopole sur la vente de la vodka occupait une place centrale, et divers autres droits constituaient 54 % (1 838,6 millions de roubles) du total des revenus d’État. Dans le budget de 1916, la prédominance de la fiscalité indirecte restait intacte mais pas aussi flagrante : les parts des impôts directs et des impôts indirects étaient respectivement de 15 % et 38 %.
39Il faut noter que les impôts avaient des niveaux de rendement différents. L’impôt sur l’industrie et le commerce tripla pendant la guerre, ce qui amena, naturellement, à augmenter le produit des impôts directs. Il fournit 20,5 % des recettes fiscales totales de l’État en 1916. Le produit des impôts indirects s’accrut, compte tenu de l’augmentation répétée des accises sur les différents produits de consommation ; 14 % des revenus d’État étaient assurés par des droits plus élevés sur le papier timbré et les actes des tribunaux.
40Les recettes douanières passèrent de 352,9 à 495,4 millions de roubles entre 1913 et 1916. Toutefois, cela n’était pas dû à l’augmentation du volume des importations commerciales en Russie. Comme l’a noté dans son livre le directeur du Trésor G.D. Dementiev, c’était un effet de comptabilité : des quantités importantes de produits et d’équipements militaires furent importées en provenance des pays de l’Entente, que l’État payait lui-même sur les fonds militaires38. Il en va de même pour les revenus provenant de l’exploitation des chemins de fer, lesquels retrouvèrent leur niveau de 1913. Cela résultait de l’élévation des tarifs de transport, d’un côté, et du fait que l’État dépensait d’importantes sommes pour assurer le transport des troupes et des fournitures pendant la guerre, d’un autre côté.
41Dans son rapport sur le projet de budget de 1917 présenté au tsar, le ministre des Finances Bark se félicitait de l’inversion de la tendance à la baisse des revenus de l’État observée depuis les débuts de la guerre. Le budget ordinaire de l’État redevint bénéficiaire en 1916. Il tint à souligner que « c’était le résultat de l’augmentation systématique de divers impôts existants et de l’introduction de nouveaux impôts39 ». Selon les estimations du ministère des Finances, le nouveau dispositif fiscal était en mesure de fournir au Trésor 1 075 millions de roubles de recettes supplémentaires en 1917, dont 130 millions de roubles au titre de l’impôt sur le revenu qui devait entrer en vigueur à partir du 1er janvier 191740. D’une manière générale, le ministre des Finances semblait être confiant et convaincu du potentiel de la Russie à affronter les épreuves de son temps.
42Pourtant, il ne faut pas perdre de vue que l’image qu’il donnait de la situation des finances de l’État était incomplète, car elle ne concernait que le budget ordinaire. En réalité, les modifications de la fiscalité furent réalisées dans le contexte d’un pays désorganisé et épuisé par la guerre. Les dépenses militaires excessivement importantes étaient la cause principale du déficit budgétaire et de l’augmentation des dettes de l’État. Selon les données disponibles, au 1er mars 1917, la totalité de la dette russe s’élevait à 25 070 millions de roubles, dont 19 881 millions (79,3 %) de dettes intérieures et 5 189 millions (20,7 %) de dettes extérieures. Ainsi, la dette de l’État avait triplé par rapport à son niveau d’avant-guerre41.
43À la charnière de 1916 et 1917, la Russie était face à une combinaison de crises financière, économique et sociale. Le gouvernement de Nicolas II, qui connut plusieurs remaniements durant la période de la guerre, ne sut pas maîtriser les effets néfastes de l’inflation et le problème du ravitaillement dans le pays. Le mécontentement de la population ne cessait de croître et aboutit au renversement du régime tsariste à la fin du mois de février 1917. Le caractère spontané de ce mouvement de grèves à Pétrograd, baptisé révolution de Février, prit de court aussi bien les partis politiques que les alliés et les adversaires de la Russie.
III. Les milieux d’opposition et les projets de réforme fiscale
44Les politiques gouvernementales furent critiquées dans les milieux libéraux et démocratiques, qui aspiraient à la modernisation de l’État et de ses pratiques financières. Le caractère inégalitaire de l’impôt et la prépondérance de la fiscalité indirecte étaient dénoncés comme étant les principaux défauts de la fiscalité impériale, au travers de discours publics, de travaux et de publications dans la presse. Certains pensaient qu’il serait bon d’instituer l’impôt sur le revenu pour rétablir l’équilibre budgétaire rompu par la suppression du monopole d’État sur la vente des spiritueux en 1914. Des économistes et spécialistes des finances réputés, tels qu’Ivan Kh. Ozerov, Petr P. Migulin, Mikhail I. Friedmann, Aleksandr S. Posnikov et Pavel P. Genzel, adoptèrent une position nuancée et travaillèrent sur des projets et des propositions concrètes à mettre en place pour atténuer l’ampleur de la crise financière et moderniser le système d’imposition. Ils estimaient qu’il était inévitable d’augmenter les impôts indirects dans le contexte de la guerre, mais, dans le même temps, ils insistaient sur une réforme immédiate de la fiscalité directe: d’une part, il fallait réviser les taux et les modalités de perception des principales contributions directes en place ; d’autre part, ils suggéraient la mise en œuvre de nouveaux impôts et, en premier lieu, de l’impôt sur le revenu.
45Mikhail Isidorovich Friedmann, professeur de l’Institut Polytechnique Pierre-le-Grand de Saint-Pétersbourg et proche des constitutionnels-démocrates, s’exprima à plusieurs reprises sur ce sujet42. Dans son article, paru dans Vestnik Evropy [Le Courrier de l’Europe] en janvier 1916, il estimait insuffisant le programme de réformes du ministre des Finances Bark, tant sur le plan financier que sur le plan social, parce qu’il ne permettait pas d’assurer des ressources nécessaires pour équilibrer le budget et de répartir la charge fiscale équitablement entre les différentes catégories de contribuables :
« En ce qui concerne les nouvelles créations fiscales, l’impôt sur le revenu doit être mis au premier rang. Cet impôt est approuvé aussi bien par la théorie que la pratique financières de l’Europe occidentale, et son introduction en Russie est demandée par l’opinion publique, mis à part les seuls grands propriétaires fonciers qui manifestent une opposition à cet égard […] Dans le cas où l’impôt sur le revenu serait introduit à titre complémentaire aux impôts existants, des inégalités persisteraient […] Ainsi, de la même manière que précédemment, la taxation reste favorable aux propriétaires fonciers ; les entrepreneurs sont les plus frappés par l’impôt parmi les couches possédantes et ont, dans une certaine mesure, la possibilité de reporter ces frais sur les prix des produits. Par conséquent, le principal fardeau fiscal continuera à peser sur les couches pauvres de la population russe43 ».
46Tout au long de 1916, le débat autour des questions fiscales fut vif, comme en témoigne notamment la publication d’un recueil d’articles intitulé Questions de réforme fiscale en Russie44. Nous y trouvons des articles de Pavel P. Genzel, Mikhail N. Sobolev, Aleksandr A. Sokolov et Vladimir N. Tverdokhlebov qui mettent en évidence les objectifs et les perspectives de la réforme fiscale, en exposant ce qui devait être fait pour rendre efficace et plus équitable l’ensemble de la fiscalité de l’empire. Tous semblaient s’accorder à penser que l’introduction de l’impôt sur le revenu pouvait servir de point de départ pour la réforme de modernisation et constituer une base sur laquelle serait érigé dans l’avenir un nouveau système fiscal en Russie45. Des sujets techniques quant à la mise en application de l’impôt sur le revenu en Russie étaient encore discutés, en indiquant notamment ce qui le distinguait du système cédulaire anglais et de l’Einkommensteuer allemand. En matière d’impôts indirects, il y eut des tentatives d’introduire un impôt sur les tissus, à l’exemple de la Grande-Bretagne, ou encore d’instituer des monopoles d’État sur des produits comme le sucre, le thé et le tabac, ce à quoi le professeur Ozerov s’opposa avec force. D’autres auteurs s’adonnèrent à la recherche de solutions pour résoudre le problème de la dette de l’État, stabiliser le système monétaire et favoriser le placement des emprunts d’État dans une proportion plus large de la population, ce qui permettrait de réduire l’usage de « la planche à billets46 ».
47Pavel Petrovich Genzel, professeur de l’université de Moscou, dont les travaux appartiennent au courant sociologique de la pensée financière russe, était particulièrement actif à cet égard. Il participa aux discussions sur la réforme des impôts directs au sein du ministère des Finances et présenta plusieurs projets. Il y préconisait de doubler les taux de l’impôt foncier et de perfectionner les cadastres, d’augmenter l’impôt sur la propriété immobilière urbaine et de réformer la fiscalité en matière des droits de succession. D’autre part, Genzel élabora un projet de création d’un impôt sur la propriété47. Il émit, entre autres, une proposition visant à soumettre les couches aisées à l’emprunt forcé, ce qui suscita beaucoup de résonance. En 1916, son collègue et collaborateur Aleksandr Aleksandrovitch Sokolov, enseignant de l’Institut de commerce de Moscou, se mit à rédiger un projet visant à prélever « un impôt de contrôle » de 5 % sur les coupons d’obligations produisant des intérêts à leurs détenteurs48. Les projets de Genzel et Sokolov ne furent pas retenus.
48Mikhail Nikolaevich Sobolev enseignait l’économie politique et statistique, d’abord à l’université de Tomsk, puis il fut professeur de droit financier à l’université de Kharkov. Selon lui, la transformation du système fiscal était une question d’urgence, et il reprochait au ministère des Finances ses tâtonnements à cet égard. Sobolev était favorable au renforcement de l’imposition des couches aisées de la société au nom de l’équité. Il pensait que le moment était propice pour engager une réforme :
« L’impôt sur le revenu et l’impôt sur la propriété se heurtent à une grande résistance de la part des classes possédantes. Mais aujourd’hui cette résistance est affaiblie par l’opinion publique qui prévaut dans le pays. Si nous ne profitons pas de la conjoncture politique et sociale favorable, il sera difficile d’espérer que l’on puisse mettre en place ces changements après la guerre49 ».
49Plusieurs de ceux qui contribuèrent aux débats sur la réforme fiscale s’engagèrent pendant la guerre dans la gestion des affaires publiques et économiques au sein d’organisations paragouvernementales (Union des Zemstvos ; Union des villes) et des comités locaux. Ce sont les mêmes hommes qui vinrent ensuite exercer des responsabilités dans le gouvernement provisoire, comme Andrei Ivanovich Chingarev. Ce dernier, l’un des leaders du parti des cadets, était reconnu pour ses compétences en matières d’économie et de finances, si bien qu’il fut appelé à présider la commission budgétaire de la quatrième Douma. Après la révolution de Février 1917, il occupa le poste de ministre de l’Agriculture dans le gouvernement du prince Lvov, puis, il devint ministre des Finances dans le gouvernement de coalition présidé par Aleksandr Kerenskii. Chingarev soutint le lancement, à la fin du mois de mars 1917, d’un emprunt de guerre de 3 milliards de roubles, appelé « Emprunt de la liberté », et fut le promoteur principal des lois fiscales du 12 Juin 1917.
50Il n’en reste pas moins que, pour faire face à la dégradation de la situation financière de l’État, le gouvernement tsariste fut amené à expérimenter dans le domaine fiscal comme jamais auparavant. En premier lieu, comme nous l’avons vu, de nombreuses augmentations d’impôts et taxes furent imposées à la population. Au cours de 1915 et 1916, le ministère des Finances élabora des projets de réforme visant à soumettre à l’impôt d’autres objets et catégories de contribuables. Ainsi, la Première Guerre mondiale permit de relancer le débat sur la modernisation des finances impériales. Cependant, le gouvernement tsariste n’alla pas jusqu’à réformer en profondeur la fiscalité. Les raisons à cela sont liées à la guerre et surtout aux fondements politiques et sociaux même du régime. La réforme qui introduisit l’impôt sur le revenu en Russie en 1916 fut importante, mais n’entraîna pas une vaste remise à plat du système des impôts. Cet impôt fut établi à titre complémentaire de celui-ci. Le contexte politique et social mouvant de 1917 empêcha l’accomplissement de cette réforme.
Notes de bas de page
1 L’histoire de la Première Guerre mondiale a déjà suscité de nombreux travaux et études, comme en témoigne Jay Winter (ed.), The Cambridge History of the First World War, Cambridge, Cambridge University Press, 2014. Parmi les travaux portant sur les opérations militaires sur le front de l’Est et l’Empire russe pendant la guerre de 1914-1918, citons Peter Holquist, Making War, Forging Revolution. Russia’s Continuum of Crisis, 1914-1921, Cambridge MA and London, Harvard University Press, 2002 ; Dominic C.B. Lieven, Russia and the Origins of the First World War, New York, St. Martin’s Press, 1983 ; Russija i Pervaja mirovaja vojna [Russie et la Première Guerre mondiale], Saint-Pétersbourg, Dmitrij Bulanin, 1999 ; Norman Stone, The Eastern Front, 1914-1917, London ; Sydney ; Toronto, Hodder and Stoughton, 1975 ; Ivan Ivanovich Rostunov, Russkij front Pervoj mirovoj vojny [Le front russe durant la Première Guerre mondiale], Moscou, Nauka, 1976.
2 Pour les éléments du contexte politique et révolutionnaire de l’année 1917 en Russie, voir Hélène Carrère d’Encausse, Lénine : la révolution et le pouvoir, Paris, Flammarion, 1979 ; Marc Ferro, La Révolution de 1917, Paris, Aubier, 1967, 2 vol. ; Richard Papes, La Révolution russe, Paris, PUF, 1993.
3 Voir Russian Public Finance, during the War. Revenue and Expenditure, by Alexander M. Michelson ; with a introduction by Count V. N. Kokozov ; Credit Operations by Paul N. Apostol ; Monetary Policy, by Michael W. Bernatsky and State Control of Industry in Russia during the War, by S. O. Zagorszky, Economic and Social History of the World War : Russian Series, ed. J. T. Shotwell, New Haven, Yale University Press, 1928.
4 Gavriil Dmitrievich Dementiev, Gosudarstvennye dohody i rashody Rossii i položenie gosudarstvennogo kznacejstva za vremja vojny s Germaniej i Avstro-Vengriej [Les revenus et les dépenses de la Russie et la situation du Trésor d’État durant la guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie], Pétrograd, Tipografija redakcii periodičeskih izdanij Ministerstva finansov, 1917 ; Ivan Adrianovich Mikhailov, « Gosudarstvennye dohody i rashody Rossii za vremja vojny. Fakty i cifry » [« Les revenus et les dépenses de la Russie pendant la guerre. Les faits et les chiffres »], in Petr Berngardovich Struve (dir.), Vojna i ekonomičeskaja žizn’. Očerki i materialy dlja harakteristiki narodnogo i gosudarstvennogo hozjajstva, Pétrograd, Tipografija Pravda, 1916, t. 2, p. 1-48.
5 Mikhail Isidorovich Friedmann, Gosudarstvennoe hozjajstvo i denežnoe obraščenie v Rossii (1913-1919) [L’économie nationale et la circulation monétaire en Russie en 1913-1919], Moscou, 1919 ; Zakharii Solomonovich Katsenelenbaum, Vojna i finansovo-ekonomieskoe položenie Rossii [La guerre et la situation financière et économique de la Russie], Moscou, Kul’turno-prosvetitel’noe buro studentov Moskovskogo kommer eskogo instituta, 1917 ; Serguei Nikolaevich Prokopovich, Vojna i finansy [La guerre et les finances], Pétrograd, Tipografija N.A. Sazonovoj, 1917.
6 Voir, pour plus de détails, Antonella Salomoni, « “Libéralisme économique” et “contre-révolution académique”. L’expérience soviétique d’Ekonomist (1922) », Cahiers du monde russe et soviétique, 32 (4), 1991, p. 513-537.
7 Iosif Mikhailovich Kulisher, « Naše obloženie v period 1914-1917 » [Notre système d’imposition en 1914-1917], « Ekonomist ». Izbrannoe. 1921-1922, Moscou, Izdatel’skii dom « Territorija buduščego », 2008, p. 230, 243.
8 Leonid Naumovich Yurovskii (dir.), Naše denežnoe obraščenie. Sbornik materialov po istorii denežnogo obraščenija v 1914-1925 [Notre circulation monétaire. Recueil de documents sur l’histoire de la circulation monétaire en 1914-1925], Moscou, Finansovoe izdatel’stvo Narodnogo Komissarita Finansov, 1926.
9 Ekonomičeskoe položenie Rossii nakanune Velikoj Oktjabrskoj Socialističeskoj revoljucii. Dokumenty i materialy (mart – oktjabr 1917) [La situation économique de la Russie à la veille de la grande révolution socialiste d’octobre. Documents et matériaux, de mars à octobre 1917], Moscou, Leningrad, Izdatel’stvo Akademii nauk SSSR, 1957, 2 vol.
10 The Russian Provisional Government, 1917: Documents, selected and edited by Robert Paul Browder et Alexander F. Kerensky, Hoover Institution Publications, Stanford, California, Stanford University Press, 1961, 3 vol.
11 Aleksandr Petrovich Pogrebinskii, Gosudarstvennie finansy carskoj Rossii v epohu imperializma [Les finances de la Russie tsariste à l’époque de l’impérialisme], Moscou, Finansy, 1968 ; Arkadii Lavrovich Sidorov, Finansovoe polozhenie Rossii v gody pervoj mirovoj vojny (1914-1917) [La situation financière de la Russie durant la Première Guerre mondiale (1914-1917)], Moscou, Izdatel’stvo Akademii nauk SSSR, 1960 ; Pavel Vasilievich Volobuev, Ekonomičeskaja politika Vremennogo pravitelstva [La politique économique du Gouvernement provisoire], Moscou, Izdatel’stvo Akademii nauk SSSR, 1962.
12 Voir A.L. Sidorov, Finansovoe polozhenie Rossii…, op. cit., p. 522-525.
13 Serguei Gennadievich Beliaev, P.L. Bark i finansovaja politika Rossii 1914-1917 [P.L. Bark et la politique financière de la Russie en 1914-1917], Saint-Petersbourg, Izdatel’stvo Sankt-Peterburgskogo universiteta, 2002 ; Peter Gatrell, Russia’s First World War. A Social and Economic History, Harlow, Pearson Longman, 2005 ; Id., in Stephen Broadberry and Mark Harrison, « Poor Russia, poor show: mobilising a backward economy for war, 1914-1917 », Economics of World War I, Cambridge ; New York, Cambridge University Press, 2005, p. 235-275 ; Vasilii Vyacheslavovich Strakhov, « Vnutrennie zajmy v Rossii v pervuju mirovuju vojnu » [Les emprunts intérieurs en Russie durant la Première Guerre mondiale], Voprosy istorii, 9, 2003, p. 28-43.
14 Sаlavat Midkhatovich Iskhakov, Yurii Aleksandrovich Petrov (dir.), Rossija i Pervaja mirovaja vojna : ekonomičeskie problemy, obščestvennye nastroenija, mezhdunarodnie otnošenija : sbornij statej [La Russie et la Première Guerre mondiale : problèmes économiques, société, relations internationales. Recueil d’articles], Moscou, IRI RAN, 2014.
15 Sur le budget de l’État, la fiscalité, le développement économique et la société en Russie dans la deuxième moitié du xixe et au début du xxe siècle, voir Peter Gatrell, The Tsarist Economy, 1850-1917, New York, St. Martin’s Press, 1986 ; Yanni Kotsonis, States of obligation: Taxes and Citizenship in the Russian Empire and early Soviet Republic, Toronto, University of Toronto Press, 2014 ; J.N. Shebaldin, « Gosudarstvennij budžet carskoj Rossii v načale xx v. (do Pervoj mirovoj vojny) » [Le budget de l’État dans la Russie tsariste au début du xxe siècle (avant la Première Guerre mondiale)], Istoričeskie zapiski, 65, 1959, p. 163-190 ; Viktor Nikolaevich Zakharov, Yurii Aleksandrovich Petrov, Mikhail Kornelievich Shatsillo, Istorija nalogov v Rossii IX – načalo xx veka [L’histoire des impôts en Russie, ixe-début du xxe siècle], Moscou, ROSSPEN, 2006.
16 Proekt gosudarstvennoj rospisi dohodov i rashodov na 1915 god s ob’jasnitel’noj zapiskoju ministra finansov [État prévisionnel des revenus et des dépenses de l’État pour l’année 1915, accompagné d’une note explicative du ministre des Finances], Pétrograd, 1914, p. 37, 40.
17 Voir V.N. Zakharov, J.A. Petrov, M.K. Shatsillo, Istorija nalogov v Rossii…, op. cit., p. 242-246.
18 G.D. Dementiev, Gosudarstvennye dohody i rashody Rossii…, op. cit., p. 31-32.
19 L.N. Yurovskii (dir.), Naše denežnoe obrašenie…, op. cit., p. 5-9.
20 Istorija Ministerstva finansov Rossii [L’histoire du ministère des Finances en Russie], sous la dir. de A.L. Kudrin, Moscou, Infra-M, 2002, t. 1, p. 226 ; A.P. Pogrebinskii, Gosudarstvennie finansy carskoj Rossii…, op. cit., p. 136.
21 L.N. Yurovskii (dir.), Naše denežnoe obraščenie…, op. cit., p. 5-7 ; A.L. Sidorov, Finansovoe polozhenie Rossii…, op. cit., p. 144-145.
22 Pour plus de détails, voir A.L. Sidorov, Finansovoe polozhenie Rossii…, op. cit., p. 151-159 ; Valentin Alekseevich Mukoseev, « Voennye zajmy » [Les emprunts de guerre], in Mikhail Ivanovich Tugan-Baranovskii (dir.), Voennye zajmy. Sbornik statej, Pétrograd, Tipografija Pravda, 1917, p. 142-194.
23 I. A. Mikhailov, « Gosudarstvennye dohody i rashody Rossii za vremja vojny. Fakty i cifry », art. cité, p. 14-16.
24 Istorija Ministerstva finansov Rossii…, op. cit., p. 226-227.
25 G.D. Dementiev, Gosudarstvennye dohody i rashody Rossii…, op. cit., p. 9.
26 Ibid., p. 49 ; S.N. Prokopovich, Vojna i finansy, op. cit., p. 34-74.
27 Vladimir Nikolaevich Kokovtsov, Iz moego prošlogo. Vospominanija 1903-1919 [Au sujet de mon passé. Mémoires, 1903-1919], Paris, Tzd. Žurn, « Illustrirovnnaja Rossija », 1933, t. 2, p. 330.
28 Le poud est une ancienne mesure de poids utilisée en Russie et valant 16,38 kg.
29 I.A. Mikhailov, « Gosudarstvennye dohody i rashody Rossii za vremja vojny. Fakty i cifry », art. cité, p. 130-133.
30 Voir Grigorii Ivanovich Boldyrev, Podohodnyj nalog na Zapade i v Rossii [L’impôt sur le revenu en Occident et en Russie], Leningrad, Izdatel’stvo Severo-Zapadnogo promburo Vysšego soveta narodnogo hozjajstva, 1924 ; Natalia Victorovna Platonova, « L’introduction de l’impôt sur le revenu en Russie impériale : la genèse et l’élaboration d’une réforme inachevée », Revue historique de droit français et étranger, 2, 2015, p. 245-266.
31 Polnoe sobranie zakonov Rossijskoj imperii [Collection complète des lois de l’Empire russe], 1re éd., Saint-Pétersbourg, Tip. Vtorogo Otdelenija Sobstvennaj Ego Imperatorzskogo Veličestva Katcelijarii, 1830, t. 32, nº 24992, § 27-29, annexe, p. 191-193.
32 Mikhail Pavlovich Veselovskii, « O podohodnom naloge » [Sur l’impôt sur le revenu], Trudy komissii, vysočajše učreždennoj dlja peresmotra podatej i sborov, Saint-Pétersbourg, Tip. V. Bezobrazova, 1869, t. 16, partie 1.
33 Nikolai Nikolaevich Pokrovskii, O podohodnom naloge [À propos de l’impôt sur le revenu], Pétrograd, Tipografija redakcii periodičeskih izdanij Ministerstva finansov, 1915, p. 142.
34 Sur le détail de ces discussions, voir Gosudarstvennaja Duma. Četvertyj sozyv. Stenografičeskie otčety [Les comptes rendus sténographiés des séances de la Douma d’État. La quatrième législature], Saint-Pétersbourg, 1915 (les séances des 11-14, 25 et 28 août 1915) ; A.N. Bokhanov, « Podohodnyj nalog i krupnaja buržuazija (konec xix – naalo xx v.). » [L’impôt sur le revenu et la grande bourgeoisie d’affaires, fin du xixe-début du xxe siècle], Istoričeskie zapiski, 114, 1986, p. 276-302.
35 Sobranie uzakonenij i rasporjaženij pravitelstva [Collection de décrets et décisions du gouvernement], 1916, nº 106.
36 Ibid., nº 131.
37 Ežegodnik Ministerstva finansov. Vypusk 1915 [Almanach du ministère des Finances. Année 1915], Pétrograd, 1915 ; Proekt gosudarstvennoj rospisi dohodov i rashodov na 1913 god s ob’jasnitel’noj zapiskoju ministra finansov [État prévisionnel des revenus et des dépenses de l’État pour l’année 1913, accompagné d’une note explicative du ministre des Finances], Saint-Pétersbourg, 1912 ; Proekt gosudarstvennoj rospisi dohodov i rashodov na 1915 god s ob’jasnitel’noj zapiskoju ministra finansov [État prévisionnel des revenus et des dépenses de l’État pour l’année 1915, accompagné d’une note explicative du ministre des Finances], Pétrograd, 1914 ; Proekt gosudarstvennoj rospisi dohodov i rashodov na 1916 god s ob’jasnitel’noj zapiskoju ministra finansov [État prévisionnel des revenus et des dépenses de l’État pour l’année 1916, accompagné d’une note explicative du ministre des Finances], Pétrograd, 1915 ; Proekt gosudarstvennoj rospisi dohodov i rashodov na 1917 god s ob’jasnitel’noj zapiskoju ministra finansov [État prévisionnel des revenus et des dépenses de l’État pour l’année 1917, accompagné d’une note explicative du ministre des Finances], Pétrograd, 1916.
38 G.D. Dementiev, Gosudarstvennye dohody i rashody Rossii…, op. cit., p. 21-22.
39 Doklad P. L. Barka Nikolaju II o rospisi dohodov i rashodov na 1917 [Rapport de P.L. Bark à Nicolas II sur l’état prévisionnel des revenus et des dépenses de l’État pour l’année 1917], publié avec une préface de Boris Aleksandrovich Romanov, Krasnyj arhiv, Moscou, Leningrad, 1926, t. 4 (17), p. 57.
40 Ibid., p. 60.
41 Istorija Ministerstva finansov Rossii…, op. cit., p. 230.
42 Voir Mikhail Isidorovich Friedmann, « Finansovaja reforma v Rossii » [La réforme fiscale en Russie], Vestnik finansov, promyšlennosti i torgovli, 8, 1916, p. 291-294, et 10, 1916, p. 390-395 ; Id., « Perspektivy nalogovyh preobrazovanij » [Les perspectives des réformes fiscales], Vestnik finansov, promyšlennosti i torgovli, 16, 1916, p. 322-327 ; Id., « Preobrazovanie našej podatnoj sistemy » [« La réforme » de notre système fiscal], Vestnik Evropy, p. 381-384. Sur la biographie et les activités de M.I. Friedmann, voir Anton Leonidovich Dmitriev, « Finansist Mikhail Isidorovich Friedmann » [Le savant financier Mikhail Isidorovich Friedmann], Finansy i buznes, 4, 2008, p. 128-141.
43 M.I. Friedmann, « “Preobrazovanie” našej podatnoj sistemy », in Vestnik finansov…, op. cit., p. 381-384.
44 Voprosy finansovoj reformy v Rossii [Questions de réforme fiscale en Russie], sous la dir. du Professeur Vladimir Yakovlevich Zheleznov, Moscou, Tovariščestvo Pečatnja S.P. Yakovleva, 1915-1917, 3 vol.
45 Voir Pavel Petrovich Genzel, Andrei Aleksandrovitch Sokolov, « K voprosu o finansovoj reforme v Rossii » [Au sujet de la réforme fiscale en Russie], Voprosy finansovoj reformy v Rossii…, op. cit., t. 1, partie 2, p. 1-4 ; Mikhail Nikolaevich Sobolev, « Perestrojka finansovoj sistemy Rossii v svjazi s vvedeniem podohodnogo i poimuščestvennogo nalogov » [La transformation du système financier de la Russie suite à l’introduction de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la propriété], Voprosy finansovoj reformy v Rossii…, op. cit., t. 1, partie 1, p. 1-12 ; Vladimir Nikolaevich Tverdokhlebov, « O reforme prjamyh nalogov v Rossii » [Sur la réforme des impôts directs en Russie], Voprosy finansovoj reformy v Rossii…, op. cit., t. 1, partie 2, p. 50-75.
46 Pour plus de détail, voir Vasilii Vyacheslavovich Strakhov, « Obščestvennye proekty i finansy Rossii v 1914-1917 godah » [Les projets émanant du public et les finances de la Russie en 1914-1917], Voprosy istorii, 11, 2006, p. 21-38.
47 Voir Pavel Petrovich Genzel, « Obzor podatnyh mer k nemedlennomu osuščestvleniju dija pokrytija predstojaščih deficitov v gosudarstvennom budžete Rossii » [Un aperçu des mesures fiscales à prendre immédiatement pour couvrir les prochains déficits des budgets de l’État en Russie], Voprosy finansovoj reformy v Rossii…, op. cit., t. 1, partie 3, p. 1-42 ; Id., « Proekt gosudarstvennogo poimuščestvennogo naloga » [Projet sur l’impôt sur la propriété], Voprosy finansovoj reformy v Rossii…, op. cit., t. 1, partie 3, p. 19-40 ; Id., « Proekt nasledstvennogo naloga » [Projet sur l’impôt sur les successions], Voprosy finansovoj reformy v Rossii…, op. cit., t. 1, partie 2, p. 19-49.
48 A.A. Sokolov, « Podohodnyj nalog » [L’impôt sur le revenu], Voprosy finansovoj reformy v Rossii…, op. cit., t. 1, partie 2, p. 9.
49 M.N. Sobolev, « Perestrojka finansovoj sistemy Rossii v svjazi s vvedeniem podohodnogo i poimuščestvennogo nalogov », in Voprosy finansovoj…, op. cit., p. 3-5, 12.
Auteur
Maître de conférences au National Research University Higher School of Economics de Moscou, docteure en histoire et civilisations, Natalia Platonova consacre ses recherches à l’histoire politique et financière de la monarchie russe. Depuis 2009, elle est chercheuse associée à l’Institut de recherches historiques du Septentrion de l’université de Lille. Parmi ses récentes publications : « L’introduction de l’impôt sur le revenu en Russie impériale : la genèse et l’élaboration d’une réforme inachevée », Revue historique de droit français et étranger, (2) 2015, p. 245-266 ; « Accounting, merchants and the commercial literature in eighteenth-century Russia », Mélanges en l’honneur de Yannick Lemarchand, sous la direction d’Yves Levant, Raluca Sandu et Henri Zimnovitch, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 69-89, et « Les commissions d’enquête, l’administration sibérienne et l’impôt sur les peuples autochtones en Russie au xviiie siècle », Histoire, économie et société, (4) 2007, p. 27‑50.
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