Académie des sciences et mobilisation industrielle
p. 187-200
Texte intégral
1Le comité secret de l’Académie des sciences est réuni à l’Institut, quai Conti, le 3 août 1914 lorsque l’Allemagne déclare la guerre à la France. Les académiciens se placent immédiatement à la disposition de la défense nationale. « La guerre de 14-18, écrivent David Aubin et Patrice Bret, est un moment majeur dans la constitution identitaire de l’élite scientifique dont l’enjeu est la reconnaissance sociale de leur expertise1 ». Cette quête sera partagée au sein des différents pays belligérants par des communautés scientifiques qui s’engageront de manière différenciée dans le conflit. En France, l’Académie des sciences s’efforcera de s’engager de manière forte et visible dans le conflit. Les modalités de cet engagement furent parfois classiques. Comme d’autres institutions, l’Académie aida ainsi la Croix-Rouge, mit les bâtiments de son patrimoine qui s’y prêtaient à la disposition des blessés et appuya diverses œuvres destinées à atténuer les souffrances des soldats et des populations civiles. L’Académie fut également impliquée dans l’affrontement idéologique. L’Académie des sciences s’associe aux protestations faites par les autres académies de l’Institut de France en réponse au « Manifeste des 93 », qui vit un groupe d’universitaires allemands prendre position pour le Reich, le 3 octobre 19142. Le mythe de la neutralité de la science est ainsi officiellement détruit par l’engagement public des savants. L’autorité conférée par « la science » et la référence à des savoirs académiques et validés s’inscrivent dès lors au cœur du combat idéologique qui sera mené entre 1914 et 19183. Ce que l’on dénommera la « guerre des manifestes » est donc un véritable tournant de la Première Guerre mondiale, tout comme elle marque à l’échelle du xxe siècle l’engagement des universitaires dans le combat idéologique4. L’Académie souhaita également se mobiliser d’une manière plus directement reliée à ses compétences en contribuant au développement de procédés ou de technologies susceptibles de donner à la France un avantage dans son combat contre le Reich. Ses initiatives concernèrent donc la science en tant qu’élément déterminant d’une guerre « moderne » fondée sur l’utilisation d’équipements de plus en plus sophistiqués produits par une industrie pleinement mobilisée pour la nation.
2La réalité de la contribution de l’Académie fut pourtant bien plus limitée qu’elle ne l’espérait. Concevoir des modes de collaboration efficaces et rapidement opérationnels s’avéra particulièrement difficile tant les logiques des militaires et des savants étaient éloignées ou étaient du moins perçues comme telles par les parties prenantes. Malgré cela, la période n’en constitue pas moins un moment important des relations entre science et industrie. C’est en effet à cette époque que l’Académie aborde de manière directe la question de la place de la recherche dans l’économie française et qu’elle postule à un rôle de chef de file pour créer le système de recherche national qui devait être, à ses yeux, mis en place. C’est également dans le contexte de la guerre que sont posées de manière structurée les questions relatives à l’articulation entre recherche et industrie…
Des offres de service… systématiquement écartées
3Les académiciens tentèrent rapidement de s’organiser afin de contribuer collectivement à l’effort de guerre. Cette volonté était nouvelle dans leur histoire. Elle ne s’était pas manifestée de manière réellement concrète au cours de la guerre franco-prussienne. Certains académiciens avaient, à titre individuel, pris des initiatives, sans que l’Académie n’intervienne en tant qu’institution. À partir de 1914, un engagement collectif prend forme, sans exclure bien sûr des initiatives personnelles ou bien reliées aux institutions d’appartenance des membres de l’Académie.
Comment faire converger les activités académiques et militaires
4Alors que la perspective d’un encerclement de la capitale est considérée comme très sérieuse, l’Académie réagit ainsi de manière bien plus vigoureuse qu’en 1870. Elle met ses compétences à la disposition du général Gallieni, gouverneur militaire de Paris. Au-delà de la simple déclaration, elle s’organise dans les semaines suivantes en commissions spécialisées destinées à apporter l’expertise des savants dans des domaines qui sont identifiés dès les premiers combats comme pouvant être décisifs. Les six commissions incluent les domaines de pointe comme la télégraphie sans fil et l’aviation. Balbutiants ou encore peu utilisés par les militaires, ils connaîtront un énorme développement quantitatif. L’une des commissions est spécifiquement dédiée à la chimie et inclut les explosifs.
5L’Académie des sciences prend une place significative lorsqu’est créée la commission supérieure d’examen des Inventions intéressant la défense nationale le 11 août 19145. Elle fournit vingt de ses 59 membres permanents, dont son président, Paul Appell. Paul Painlevé est directeur de la troisième section (arts mécaniques, aéronautique, moteurs et balistique). Elle ne s’en trouve pas pour autant, souligne Anne-Laure Anizan, « en situation de monopole scientifique. Près du tiers de l’effectif est en effet constitué d’universitaires et d’ingénieurs qui n’ont pas été reçus sous la coupole. En outre siègent deux sénateurs et six députés6 ». Cette place de l’Académie sera d’autant plus relative que ses membres n’y tiendront pas la place espérée. Nommés à des présidences de section, « Jules Violle et Albin Haller partent en Gironde et Paul Appell privilégie la présidence du Comité de Secours national7 ». Malgré la demande de ce dernier, alors président de l’Académie des sciences, et un soutien unanime, Paul Painlevé ne sera curieusement pas nommé à une présidence de commission, malgré un leadership déjà effectif. Cette situation, signe d’une détermination peu convaincante, ne facilitera pas l’intégration de l’Académie à la politique menée en matière d’invention. Elle ne se porte pas moins volontaire à plusieurs reprises. Ses offres de service, régulièrement renouvelées et exprimant un réel désir d’être utile, ne donnent pourtant lieu à aucune mise en œuvre effective, malgré les remerciements polis et les hommages appuyés des autorités.
6La guerre connaît cependant un tournant lors de la bataille des Flandres, décrite par Albert Londres, en 19158. La première utilisation de chlore sur le champ de bataille y est faite par les Allemands à Ypres le 22 avril. « J’ai vu un nuage opaque de couleur verte, haut d’environ 10 mètres et particulièrement épais à la base, qui touchait le sol. Le nuage s’avançait vers nous, poussé par le vent. Presque aussitôt, nous avons été littéralement suffoqués9 », témoignera un combattant. Ce lien direct entre chimie et combat amène l’Académie à signaler à nouveau sa disponibilité dès le début du mois de mai 1915. « Étant donné les tentatives nouvelles et diverses des Allemands d’appliquer à la guerre des procédés scientifiques de destruction inusités jusqu’alors, l’Académie des sciences rappelle à Monsieur le Ministre de la Guerre que son concours lui est complètement acquis. » Il est précisé que les commissions déjà mises en place « sont à sa disposition de manière permanente10 ». Cette question des gaz semble en effet justifier un engagement plus direct des savants. La dimension scientifique de cette arme nouvelle semble évidente et ce sont d’ailleurs les plus grands chimistes allemands, à commencer par Fritz Haber, qui en sont à l’origine. À ce propos, Paul Appell prend soin de préciser que « c’est sur ordre du Ministre de la Guerre, à cause des prohibitions édictées par la Conférence de La Haye », que les savants français sont restés à l’écart de cette question. Un dispositif sans les académiciens est cependant rapidement mis en place. Les recherches nécessaires seront menées au sein du service du Génie, qui réunit le 28 avril 1915 une commission composée d’officiers et de scientifiques sous la présidence du général Curmer. Début juin 1915, cette commission est remplacée par une commission des études chimiques de guerre présidée par M. Weiss, directeur des Mines au ministère des Travaux publics. Elle réunit à la fois des industriels, des savants et des militaires et travaille dans le laboratoire de la préfecture de Police de Paris avec l’assistance de laboratoires de campagne nouvellement mis sur pied au front et placés sous la direction d’officiers chimistes11. L’urgence, la volonté de se doter d’une organisation efficace et offrant toutes les garanties du secret ont amené les militaires à ne pas prendre en compte l’offre de l’Académie. À lire les quelques documents dont on dispose, on peut même penser qu’une telle hypothèse n’a été à aucun moment sérieusement envisagée.
Mise en place d’une organisation à l’interface entre Académie et défense nationale
7Ne serait-ce que par courtoisie, les offres de l’Académie ne peuvent cependant être totalement écartées. En juin 1915, Albert Thomas, sous-secrétaire d’État à l’Artillerie et aux Équipements militaires depuis quelques semaines, reprend le dossier et envisage « une organisation pratique et efficace de collaboration ». Il propose ainsi d’adjoindre aux commissions créées par l’Académie au début du conflit « des officiers qui, ayant une connaissance exacte des exigences de la guerre et des besoins auxquels il s’agit de satisfaire, auront pour unique mission de fournir aux savants les renseignements nécessaires pour arriver à des solutions pratiques12 ». Le projet se concrétise le 28 juin, à l’initiative du président de l’Académie, lorsque le comité secret est transformé en « réunion plénière des commissions de la défense nationale13 ». C’est un véritable bouleversement au regard des usages anciens, puisque trois officiers sont alors invités à rejoindre la réunion. Ils s’expriment sans fard, le colonel Vallier estimant en cette occasion que « 4 % au plus des communications qui lui sont transmises méritent d’être retenues ». Il précise également qu’il ne sera pas possible d’admettre les inventeurs à suivre les essais faits dans les arsenaux sur leurs procédés. La proposition de M. Hadamard de transmettre à l’Académie tous les appareils trouvés dans les tranchées ennemies laisse par ailleurs dubitatif le colonel Maurin, qui « fait remarquer que jusqu’ici aucun appareil intéressant entier n’a été recueilli ». Pour lui, la question des explosifs prime sur tout et il demande à l’Académie de trouver des solutions pour fabriquer plus de chlore et de phosphore. La coopération s’amorce donc sur des bases peu enthousiastes… À ce piètre début succède un nouveau silence qui amène l’Académie à faire de nouveau acte de volontariat par lettre du 12 juillet adressée au ministre de la Guerre. L’Académie souhaite collaborer d’une manière effective avec les services du département de la Guerre. Ayant bien conscience des réticences des militaires, elle précise qu’elle le fera « sans s’immiscer dans les travaux de la commission des inventions ou des Comités techniques », après avoir exprimé « la certitude que la science profonde et l’ardent patriotisme des savants éminents qui la composent assureront à l’armée, dans les meilleures conditions, le plus utile concours ». Alexandre Millerand, le 28 juillet, reprend les propos mêmes de la lettre du président de l’Académie des sciences pour tempérer ses ardeurs. « [I]l est, précise-t-il, d’un intérêt essentiel de laisser fonctionner régulièrement les rouages normaux et d’éviter que les études théoriques et pratiques à effectuer prennent le caractère d’enquêtes critiques sur le mérite des solutions précédemment adoptées. » Crainte de débats inutiles mais inquiétude également quant au risque relatif au secret s’expriment dans cette lettre et témoignent d’une opposition ferme des autorités à voir les « savants » perturber le travail des techniciens. Armand Gautier estime d’ailleurs que « cette lettre constitue vis-à-vis de l’Académie une leçon de discrétion que l’Académie ne paraît pas mériter ». Le président tentera de minimiser ce qui ressemble pourtant à une mise à l’écart. Reprenant les termes mêmes de la lettre, il insiste pour constater qu’il « ne voit rien qui puisse porter atteinte à la dignité de l’Académie14 ». La question n’en avait pas moins été posée et cette succession d’échanges n’avait guère été valorisante pour l’Académie…
8Alors que la place de la science est perçue, y compris dans l’opinion publique, comme cruciale dans la poursuite de la guerre, sa visibilité en tant qu’institution est pourtant un enjeu majeur pour l’Académie. Quelques académiciens sont bien conscients que les fins de non-recevoir faites aux offres de la compagnie sont très directement liées à la dégradation de son image et plus directement même à son mode de fonctionnement. En août, le président regrette ainsi la dispersion des initiatives des savants qui « travaillent isolément sur les questions scientifiques intéressant la défense nationale15 ». Il relance une nouvelle fois les militaires à l’automne, signalant cette fois que l’Académie est disponible pour identifier les produits utilisés par les Allemands. La question est éminemment complexe et nécessiterait, au-delà des activités du laboratoire municipal de Paris – hommage est d’ailleurs rendu au « zèle » de son directeur –, l’intervention de l’Académie. « On frémit en songeant aux conséquences qu’aurait une omission ou une erreur grave. » Tout retard dans l’identification du « poison » permettra à « l’ennemi de trouver nos malheureux enfants sans défense devant une arme invisible et insoupçonnée, tandis que notre ignorance nous interdira les représailles aussi légitimes, certes, que par leur nature même, elles répugnent à notre vieille civilisation latine16 ». Ce nouvel argumentaire n’aura pas plus de succès…
Un confrère au ministère : Paul Painlevé
9La formation du cabinet Briand en octobre 1915 s’accompagne de la nomination au gouvernement de deux membres et d’un correspondant de l’Académie des sciences. Avec Paul Painlevé au ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Inventions intéressant la défense nationale, une nouvelle époque semble s’ouvrir pour l’Académie, dont il est membre depuis 1900. Painlevé, extrêmement actif en tant que député depuis le début de la guerre, proclame l’impérative nécessité de mobiliser la science, et n’a accepté le maroquin qu’à la seule condition que les « Inventions » soient incluses dans son périmètre. Le Matin se félicitera de sa nomination : « Aux inventions barbares de la science allemande, il faut une riposte française. Assez de sentimentalité et de tracasseries administratives17 ! » Dans le même journal, Painlevé appellera quatre jours plus tard à « une mobilisation scientifique systématique ». Celle-ci dépasse cependant largement les sphères de l’Académie des sciences et même du monde académique au sens large. Painlevé, lorsqu’il fait appel aux savants, entend ce mot « au sens le plus large, c’est-à-dire tous ceux qui savent quelque chose d’utile. Il y a les savants dans les laboratoires ; il y en a dans les ateliers ». S’étonnant de la variété des inventions, il en trouve l’origine dans le fait qu’elle puisse venir d’un « professeur universellement connu pour ses travaux sur les atomes… ou bien d’un obscur inventeur18 ».
10Dans les faits, Painlevé s’appuiera sur les élites scientifiques, sans « ouvrir » le processus autant qu’il l’avait affirmé. Il le fera de manière pragmatique, en fonction de ses besoins et de résultats escomptés à court terme, tant l’urgence de la guerre ne pouvait être éludée. Cette priorité à l’efficacité l’amènera à décevoir ses confrères de l’Académie des sciences. Il avait, dès l’été 1915, pris ses distances vis-à-vis du quai Conti, rappelant que la situation du temps présent ne pouvait, au regard de l’engagement des savants, être comparée à celle de la Révolution française. « On conçoit, soulignait-il, combien l’improvisation est difficile dans l’œuvre de la défense nationale19. » « En termes diplomatiques mais clairs, souligne Pierre Lamandé, il met toute la recherche sous la direction du politique20. »
11Ses confrères ne prennent pas en compte ces éléments et semblent convaincus que Paul Painlevé sera un relais direct qui leur permettra enfin d’accéder aux responsabilités qu’ils souhaitaient. Ils le sollicitent ainsi très directement au sein même du comité secret du 22 novembre 1915, auquel il assiste. Le président de l’Académie lui demande ainsi « si des ressources pourront être mises à la disposition des commissions de l’Académie et des inventeurs pour la mise au point expérimentale des inventions », relayant de la sorte les demandes de la compagnie et plus largement encore des milieux scientifiques, qui « déplorent le manque de moyens […], remettent en cause l’organisation de la mobilisation scientifique et dénoncent les relations insatisfaisantes établies avec le ministère de la Défense nationale ou le Grand Quartier général21 ». Le nouveau ministre répond immédiatement et « annonce que des crédits seront prochainement votés pour cet objet et que dès maintenant il peut les devancer. Il ne manquera pas de le faire, s’il reçoit de ses confrères des demandes motivées, il demande qu’à l’avenir tout ce qui concerne les inventions intéressant la défense nationale soit transmis à lui-même ou à la direction des Inventions qui dépend de son département22 ». Ces ouvertures ne se concrétiseront pas. Le 24 janvier 1916 par exemple, alors que la sous-commission « sous-marins » se plaint de ne pas avoir de moyens, il est décidé de revenir vers le ministre23. Cette démarche échouera. Paul Painlevé restera à distance des propositions de l’Académie. Soumis à la pression exceptionnelle imposée par les difficultés considérables rencontrées par l’armée française pour contrer la puissance allemande, il reste fidèle à sa conception d’une recherche tenue par les ingénieurs, les techniciens et les militaires et soumise au contrôle effectif du politique. S’il proclame dans la presse « compter d’avance sur le concours absolu des membres de l’Académie des sciences », il ne s’appuiera jamais sur elle en tant que corps constitué malgré les signes encourageants qu’il avait cru devoir donner au sein du comité secret. L’adaptation de l’appareil productif n’en sera pas moins efficace. La production d’acide nitrique sera multipliée par 40 entre 1914 et 1918, celle de phénol passe d’une à 450 tonnes. À la fin du conflit, un obus sur quatre utilisé contenait un agent chimique.
Imaginer de nouvelles relations entre recherche scientifique et technologies
12La guerre amène également l’Académie à réfléchir de manière organisée sur les relations pouvant être établies entre science et technique. Les « applications » de la science et l’utilité des recherches scientifiques pour l’industrie deviennent des questions prioritaires.
Comment articuler science et technique ?
13La démarche prend forme au printemps 1916 lorsque Blondel propose24 une « réorganisation de l’Académie et la création d’une division des Sciences appliquées ». Il croise des questions anciennes25 mais ouvre à travers cette proposition un très large débat. Pour lui répondre, Le Chatelier expose en effet une analyse à large spectre des relations entre science et innovation. Il considère que l’Académie « ne joue pas le rôle auquel elle aurait pu prétendre ». Elle doit « préparer son action ultérieure et pourra ainsi contribuer au relèvement de la richesse du pays ». Son premier constat consiste à exempter les scientifiques de toute responsabilité. Il reprend l’affirmation d’une France « première » dans le domaine de la science pure des « découvertes » mais « en retard sur les Allemands » pour « l’utilisation de ces découvertes ». C’est donc l’industrie qui n’est pas en mesure d’accueillir les bienfaits que pourrait lui apporter la science française. Est particulièrement pointé le manque de laboratoires « outillés » pour travailler sur les produits « complexes ». Ils « fourmillent en Allemagne […], ils sont presque inconnus chez nous ». « Les industriels, affirme-t-il, méprisent la science parce qu’ils ignorent la méthode scientifique. S’ils possèdent quelques laboratoires, ils interdisent à leur personnel la publication du résultat de ses recherches, les empêchent ainsi d’acquérir la notoriété que possèdent de nombreux chimistes industriels anglais ou allemands ; c’est là une grave erreur qui éteint tout enthousiasme pour la recherche. » Plutôt que de réformer à la manière de Blondel ou de créer de nouvelles structures, Le Chatelier propose « la réorganisation et la meilleure utilisation des organismes existants […] pour lesquels l’Académie pourrait demander ou donner de l’argent sans s’immiscer dans leur organisation ». Il préfigure ainsi un pilotage par le financement, proposant également des prix et des récompenses pour les employés « zélés ». Ainsi précise-t-il : « On arriverait sans doute peu à peu à modifier la mentalité des chefs d’industrie ». Il faudrait enfin agir sur l’enseignement secondaire « en y introduisant moins d’érudition et une place plus grande pour la méthode expérimentale ». Il propose qu’une commission de six membres soit nommée pour explorer ces possibilités.
14Ces deux propositions, qui convergent dans l’esprit mais sont différentes quant aux dispositifs à mettre en place, suscitent des différences d’appréciation. Appell s’inquiète ainsi de voir l’Académie « entrer dans une voie hérissée de difficultés […] ; le rôle à jouer serait beau mais il faut réfléchir et si l’on décide d’agir […], le faire vigoureusement ». D’Arsonval estime quant à lui qu’« il est indispensable de déraciner ce préjugé si vivace en France, à savoir que faire de l’industrie discrédite un homme de science ». Les multiples interventions abondent dans le sens d’une France en retard industriellement et survolent de manière très large des questions qui s’éloignent des questions strictement « scientifiques ». La question de l’enseignement technique est ainsi évoquée. Albin Haller propose de décongestionner la capitale. L’ouverture de l’Académie à des « savants techniciens », souhaitée par Blondel, est reprise par Henri Deslandres, mais contestée par Appell qui « pense que vouloir créer des sections techniques, c’est prendre la question par le petit côté ». Georges Lemoine « déclare qu’il ne faut pas trop déprécier ce que l’on fait en France […], il cite de nombreux exemples de laboratoires en pleine activité. Il faut avant toute chose fortifier ce qui existe ». Finalement, le principe d’une commission est adopté le 22 mai 1916. Le texte qui la fonde précise : « 1. L’Académie des sciences désire intervenir activement pour concourir au relèvement de la France après la guerre. Elle pense pouvoir atteindre ce résultat en travaillant à la diffusion et au développement des méthodes scientifiques dans l’industrie, en donnant à notre enseignement scientifique une orientation mieux adaptée au but poursuivi. 2. Elle nomme une commission de 6 membres chargée de préparer un rapport sur les voies et les moyens à adopter pour obtenir le résultat recherché. » La commission d’action extérieure est ainsi élue le 5 juin 1916.
Organiser la recherche publique pour l’activité industrielle
15En novembre 191626, Henry Le Chatelier présente le rapport préparé par cette nouvelle instance. La création d’un Laboratoire national de physique est la principale mesure proposée, mais le texte va au-delà et offre de riches perspectives sur ce que l’Académie pouvait envisager comme relevant de son champ d’action et des cadres dans lesquels cette action pouvait s’inscrire. Le principe de « laboratoires nationaux de recherche scientifique » que possèdent « toutes les grandes nations industrielles à l’exception de la France » est ainsi avancé. « Ces établissements, systématiquement orientés vers l’étude des problèmes techniques, ont exercé une action féconde sur le développement économique de nos concurrents. » Le National Physics Laboratory en Grande-Bretagne, le Bureau of Standards aux États-Unis ou d’autres exemples encore cités en Allemagne mettent en avant l’importance de financements conséquents ainsi que des liens entre institutions publiques et privées. En France, trop d’initiatives sont en sommeil ou bien ne sont que l’expression de « savants isolés ». Pourtant, « [l]e rôle prépondérant des sciences expérimentales dans le développement de l’Industrie est aujourd’hui un fait hors de discussion. Sans l’intervention de la science, il faut se contenter de copier ses voisins et d’entretenir une industrie languissante ». Après la guerre, « nos industriels voudront rattraper le temps perdu » mais les laboratoires d’usine ne suffiront pas. Des laboratoires « nationaux » doivent répondre à ce besoin pour déployer des dispositifs « perfectionnés et très délicats ». « Les dépenses relatives à certaines questions d’intérêt général doivent légitimement être supportées par l’ensemble des contribuables. » Ainsi, les dépenses pour des recherches « ne pouvant pas rapporter de bénéfice immédiat » seront mutualisées, les doublons évités. Le rapport examine ensuite de manière très précise toutes les questions d’organisation, de qualification des personnels. La contribution de plusieurs sciences orientées vers une question spécifique est même la préfiguration d’une certaine interdisciplinarité…
16Le vœu est ainsi formulé :
« L’Académie des sciences, convaincue de la nécessité d’organiser en France d’une manière systématique certaines recherches scientifiques, émet le vœu de voir créer un Laboratoire national de physique et de mécanique chargé spécialement de poursuivre des recherches scientifiques utiles au progrès de l’industrie […]. La direction générale de ce laboratoire, placé sous le contrôle de l’Académie des sciences, serait confiée à un conseil composé pour moitié de savants désignés par l’Académie des sciences, pour un quart de représentants des grandes administrations de l’État et pour un quart de délégués des principaux syndicats industriels […]. Il serait présidé par le Président de l’Académie et ferait chaque année un rapport à l’Académie sur l’état des travaux du laboratoire. »
17Le choix des sujets d’étude, leur suivi et le recrutement du personnel seraient confiés à un comité technique dont les membres seraient choisis au sein du conseil. Très concret et précis, le projet précise : « Dans le cas où l’on jugerait utile de rattacher au Laboratoire national certains laboratoires de l’État aujourd’hui existants et faisant des essais ou des études d’ordre industriel, ces laboratoires seraient considérés comme des filiales du Laboratoire national. Une coordination intime devrait être établie dans le fonctionnement de ces divers organismes. Il pourrait en être de même s’ils le désiraient de certains laboratoires privés actuellement existants ou à fonder ». Le financement est prévu par l’attribution d’une subvention d’État de 500 000 francs, la tarification des essais, des subventions, incluant celles de « généreux donateurs », ou des « sommes payées par des industriels pour faire étudier les problèmes les intéressants ». Dans ce cas, un tiers des sommes versées sera acquis au laboratoire pour être appliqué à des recherches d’intérêt général. Le texte, qui comprend huit articles, prévoit même la rémunération et le logement du directeur. On le comprend, il ne s’agit pas de simples perspectives mais bien d’un véritable projet.
Un projet qui suscite quelques inquiétudes…
18Plus que leur désir d’action, c’est cependant l’esprit critique des académiciens qui apparaît stimulé par ce projet. Charles Lallemand prévoit d’énormes difficultés administratives lorsqu’il s’agira de mettre d’accord plusieurs ministères et le Parlement. Gabriel Lippmann remarque que les grands traits du projet ont été empruntés à l’organisation du National Physical Laboratory de Londres et que c’est la Royal Society qui touche du Trésor britannique le crédit total affecté au laboratoire et en dirige librement l’emploi. Émile Picard explique alors – et c’est un point crucial quant au rôle de l’Académie dans les structures scientifiques françaises – que « dans l’esprit de la Commission, le laboratoire projeté devrait relever directement de l’Académie et non point de ministères ; le projet n’est réalisable que si le Parlement fait confiance à l’Académie, dans le cas contraire, il n’y a rien à faire ». Il est également suggéré que l’exemple anglais doit être diffusé pour s’attacher l’opinion.
19Ces premières remarques immédiates sont suivies d’un véritable débat la semaine suivante27. On s’est visiblement parlé et les arguments ont été affûtés contre un projet qui indéniablement dérange. Le général Sebert s’interroge sur sa faisabilité. S’appuyant sur une enquête réalisée par ses soins pour la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, il constate : « Les laboratoires existant en France et qui sont en mesure d’effectuer des essais concernant toutes les applications des sciences en même temps que des recherches scientifiques se rattachant à ces mêmes catégories d’application sont très nombreux et forment un vaste réseau d’établissements spécialisés, parmi lesquels on n’a que l’embarras du choix pour établir, par simple coordination de leurs efforts en les plaçant sous une direction centrale et supérieure, un ensemble qui pourrait composer le grand laboratoire national qu’il y a lieu de chercher à réaliser. » Il estime que le projet est en l’état « en contradiction avec toutes les règles administratives ». Envisageant qu’après guerre des réformes profondes soient peut-être possibles, il s’inquiète : « la révolution qui pourra déterminer ces réformes ne se fera peut-être pas dans les conditions que l’on peut supposer ; elle entraînera peut-être des complications de longue durée et pourrait même balayer des Institutions comme notre Académie, si celle-ci prêtait imprudemment le flanc à certaines critiques ». Il appelle donc à la prudence, jugeant le rapport dangereux s’il était publié en l’état. Il lui paraît trop critique et susceptible de peser sur le moral du pays. « [O]n peut y voir une tendance de notre Académie à jouer un rôle politique, en se soustrayant aux règles administratives auxquelles elle est soumise et qui sont sa sauvegarde. » Pour éviter trop de problèmes, il suggère que les laboratoires résultant du projet soient placés sous la tutelle du ministère de l’Instruction publique et du ministère du Commerce, « une sorte de condominium des deux ministères ».
20Les débats s’attachent ensuite à des considérations portant plus spécifiquement sur les besoins à couvrir : n’aurait-on pas, par exemple, oublié l’agriculture ? Ils abordent également la manière d’articuler l’existant et ce qui serait à créer. Plus fondamentalement encore est questionnée la délicate articulation entre « essais » et « recherche », Gabriel Lippmann estimant à cet égard qu’« il ne s’agit pas d’un laboratoire consacré à des essais qui se font automatiquement mais à des recherches ; ce sont des problèmes qu’il aura à résoudre et pour cela, il lui faut un personnel savant ».
21Le projet pose, du point de vue de l’Académie, la question du développement des institutions de recherche en France, mais également celle de leur coordination et de leur financement. Ce dernier reste la clé. La caisse des recherches scientifiques, créée en 1901, avait mis en lumière la question sans y apporter de véritables réponses28. Vouloir encourager plutôt que récompenser portait en creux la critique du principal moyen existant alors pour soutenir l’activité scientifique : les prix de l’Académie des sciences. Les idées développées par l’Académie au cours du conflit croisaient donc des préoccupations déjà présentes dans la société française. Le 28 octobre 1918, Appell demande lors du comité secret que « la question de la création d’un Conseil national de recherches scientifiques fasse l’objet d’une discussion spéciale de l’Académie ». « M. Painlevé, mentionne le compte rendu, pense que la direction des Inventions pourrait servir de noyau pour la création de ce conseil29 ». L’Académie semble prête à prendre ses responsabilités une fois la paix revenue. Encore lui faudra-t-il mobiliser l’ensemble de la compagnie pour porter un projet ambitieux…
Conclusion
22L’Académie a donc pris de réelles initiatives pendant le conflit malgré ses difficultés à trouver une place clairement identifiée. Cette difficulté à trouver un juste positionnement se confirmera une fois la paix revenue. Alors que la question du financement est de manière croissante placée au cœur des débats, l’Académie perd le rôle significatif, bien que limité, qu’elle tenait à travers ses prix avant la Première Guerre mondiale. Ce levier se trouve en effet considérablement affaibli en 1918. Les rentes sur lesquelles reposait le financement des prix ont été réduites à bien peu de chose par l’inflation. Certes, l’Académie sera associée de manière visible au processus de réflexion sur l’organisation et le financement de la recherche publique tel qu’il sera amorcé pendant les années 1920. Sa place est cependant plus décorative qu’opérationnelle et sa volonté d’être l’autorité capable de superviser, voire de coordonner la politique scientifique du pays ne trouvera aucun écho favorable. Une administration spécifique se mettra en place et l’Académie des sciences se trouvera progressivement marginalisée dans un processus qui mènera, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, à la création du CNRS. Alors que les circonstances du conflit avaient laissé espérer chez certains académiciens la possibilité d’un rebond, la guerre agit en fait plutôt comme un révélateur de la perte d’influence réelle de l’Académie des sciences.
23Les initiatives prises, tout comme les débats qui se déroulent quai Conti, n’en constituent pas moins des éléments importants pour analyser l’évolution du positionnement social et politique de l’institution dans la longue durée. L’impasse dans laquelle sa volonté de contribuer à la défense nationale a placé l’Académie met ainsi en lumière nombre des faiblesses qui ne seront réellement prises en compte que dans la dernière partie du xxe siècle. Une moyenne d’âge très élevée, un nombre de membres trop limité, des procédures de fonctionnement inadaptées, une image de plus en plus désuète qui la coupe des réalités du pays…, tous ces points sont en quelque sorte brutalement révélés par la mise sous tension liée au conflit. Les trajectoires spécifiques des académiciens au cours de la période soulignent également la difficulté à construire une démarche homogène pour l’institution alors que ses membres, animés par des ambitions personnelles, sont également porteurs de priorités parfois divergentes en raison de leur appartenance à des institutions différentes. Enfin, les échanges approfondis sur les liens entre science, technique et industrie, par leur clairvoyance mais également par la diversité des points de vue qui sont exprimés au sein de la compagnie, préfigurent les débats qui mèneront à la création du Comité des applications de l’Académie des sciences (CADAS) en juillet 1982 et à la fondation de l’Académie des technologies le 1er janvier 200130.
Notes de bas de page
1 David Aubin et Patrice Bret, « Introduction », in Le sabre et l’éprouvette. L’invention d’une science de guerre, 1914-1918, 14-18 aujourd’hui. Today. Heute, nº 6, mars 2003, 253 p., p. 43-47.
2 Voir Christophe Prochasson et Anne Rasmussen, Au nom de la patrie. Les intellectuels et la Première Guerre mondiale, 1910-1919, Paris, La Découverte, 1996.
3 Idem (dir.), Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004.
4 Martha Hanna, The Mobilization of Intellect: French Scholars and Writers during the Great War, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1996, 286 p.
5 Yves Roussel, « L’histoire d’une politique des inventions, 1887-1918 », Cahiers pour l’histoire du CNRS, nº 3, 1989.
6 Anne-Laure Anizan, Paul Painlevé. Science et politique de la Belle Époque aux années trente, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 431 p.
7 Voir Paul Appell, Souvenirs d’un Alsacien, 1858-1922, Paris, Payot, 1923.
8 Albert Londres, La Bataille des Flandres. Six mois de guerre, 1915.
9 Témoignage du lieutenant Jules-Henri Guntzberger, commandant la 2e compagnie du 73e RIT.
10 Mentionné lors du comité secret du 3 mai 1915.
11 http://www.cdnbc.terre.defense.gouv.fr/spip.php?rubrique64.
12 Archives de l’Académie des sciences, comité secret, 7 juin 1915.
13 Ibid., 28 juin 1915.
14 Ibid., 2 août 1915.
15 Ibid., 17 août 1915.
16 Ibid., 8 novembre 1915.
17 Le Matin, 12 novembre 1915.
18 Ibid., 16 novembre 1915.
19 Paul Painlevé, « La guerre scientifique du laboratoire au champ de bataille », L’Excelsior, 24 juillet 1915.
20 Pierre Lamandé, « L’académie des sciences, la Première Guerre mondiale et l’organisation de la recherche française », Acta Historica Leopoldina, 2018.
21 A.-L. Anizan, Paul Painlevé, op. cit., p. 142.
22 Archives de l’Académie des sciences, comité secret, 22 novembre 1915.
23 Ibid., 24 janvier 1916.
24 Par lettre lue au comité secret du 23 mai 1916, ibid.
25 Voir par exemple Bruno Marnot, Les ingénieurs au Parlement sous la IIIe République, Paris, CNRS Éditions, 2000, 322 p. et Robert Fox et George Weisz (dir.), The Organization of Science and Technology in France, 1808-1914, Cambridge/Paris, Cambridge University Press/Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1980, 356 p.
26 Archives de l’Académie des sciences, comité secret, 6 novembre 1916.
27 Ibid., 13 novembre 1916.
28 Harry W. Paul, From Knowledge to Power: The Rise of the Scientific Empire in France, 1860-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.
29 Archives de l’Académie des sciences, comité secret, 28 octobre 1918.
30 Pascal Griset et Florence Greffe, Une compagnie en son siècle. 350 ans de l’Académie des sciences, Paris, Le Cherche-Midi, 2015, 255 p.
Auteur
Pascal Griset est professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne où il anime le Centre de Recherches en Histoire de l’innovation. Il dirige depuis 2014 l’Institut des sciences de la communication (CNRS/Université Paris-Sorbonne/UPMC). Il a co-écrit avec Florence Greffe Une compagnie en son siècle. 350 ans de l’Académie des sciences, Paris, Le Cherche-midi, 2015 et avec Jean-François Picard L’atome et le vivant. Histoire d’une recherche issue du nucléaire, Paris, Le Cherche-midi, 2015, ainsi que l’ouvrage Au cœur du vivant. 50 ans de l’Inserm, Paris, Le Cherche-midi, 2014.
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