La Confédération européenne des syndicats (CES) et le développement du marché intérieur : vers une reconnaissance de l’eurosyndicalisme en trompe-l’œil et une dévalorisation de la norme sociale ?
p. 257-276
Texte intégral
Introduction
1La Confédération Européenne des Syndicats (CES), qui s’est créée en 1973 par la réunion de toutes les confédérations syndicales socialistes ou sociales-démocrates des pays membres tant de la Communauté Économique Européenne que de l’Association Européenne de Libre-Échange s’est s’ouverte tout aussitôt, dès 1974, à l’affiliation de tous les syndicats chrétiens et plus progressivement de ceux issus du syndicalisme communiste. Elle regroupe aujourd’hui 81 confédérations syndicales de 36 pays représentant plus de 60 millions de salariés syndiqués, soit la quasi-totalité de la force syndicale1 pour toute la grande Europe (sur un espace politico-géographique dont le contour correspond mieux à celui du Conseil de l’Europe).
2La recherche historique sur la construction européenne peut difficilement faire l’impasse sur l’histoire de l’eurosyndicalisme2 tant la conviction des dirigeants syndicaux des courants socialistes/sociaux-démocrates et chrétiens en faveur de l’intégration européenne fut prompte, tenace et intense.
3Ainsi, à chaque création d’une nouvelle institution politique à vocation supranationale, les dirigeants syndicaux, socialistes et chrétiens3, répondirent en instituant à ce même niveau une structure syndicale spécifique. Ce fut le cas lors de la mise en place de l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE), du Benelux, de l’Autorité internationale de la Ruhr, de l’Agence européenne de productivité, de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), et enfin de la Communauté Économique Européenne (CEE).
4Walter Hallstein, premier président de la Commission européenne, a-t-il pu ainsi déclarer :
« Les travailleurs européens organisés dans les syndicats ne sont pas et de loin à mentionner en dernier [parmi les partisans de la construction européenne]. Ils sont les promoteurs les plus anciens et les plus sûrs de l’intégration européenne4. »
5Dès le démarrage de la CEE, les dirigeants syndicaux socialistes et chrétiens adoptent une posture qui restera inchangée depuis lors : malgré certaines orientations contestables, l’intégration européenne se fait et c’est cette dynamique en elle-même, pour elle-même, qui doit être soutenue sans faille.
« Il est indéniable que l’unification de l’Europe est déjà en soi un progrès, même si elle est réalisée par des milieux peu progressistes. Étant réalistes, nous savons qu’après la période de transition prévue dans le traité, un paradis social n’attend pas la classe ouvrière européenne, mais que de nouvelles possibilités de progrès social lui seront offertes. Il incombe ici aux syndicats une tâche importante, dans l’accomplissement de laquelle ils ne peuvent pas faillir » (Harm-Geert Buiter, secrétaire général du Secrétariat syndical européen, 19595).
6S’il est indéniable que l’eurosyndicalisme fut un des fervents partisans de la cause européenne, il a été en même temps porteur de projets de réforme pour que puisse se développer la démocratie sociale à cet échelon, pour que la finalité des réformes économiques soit la réalisation du progrès social, c’est-à-dire l’amélioration constante des conditions de travail et de vie des populations. Cependant, le système politique européen fut, depuis la CEE6, plutôt embarrassé de ce fort soutien syndical qui se traduisait par une demande d’être inséré au plus haut niveau dans les mécanismes décisionnels. Toute l’histoire de l’eurosyndicalisme à l’échelon interprofessionnel se concentre autour de cette volonté syndicale d’être reconnu par les autorités communautaires comme un interlocuteur politique privilégié et à ce titre, de pouvoir peser dans les décisions et les orientations adoptées. Reconnaissance qui tarde à se manifester alors que la demande était considérée par les syndicats comme allant de soi étant donné le fort degré d’institutionnalisation des relations socioprofessionnelles obtenu dans les cadres nationaux.
7Dans cet article nous examinons de façon synthétique une période historique particulière : celle de l’adoption et de la mise en route du projet de marché intérieur (1985-1991) autour de la question de l’association des syndicats à un tel projet et de leurs réactions au contenu de ce projet. Nous nous proposons de passer en revue trois moments distincts pour décrire et analyser cette histoire ; nous pourrions qualifier celle-ci de tragédie en trois actes avec comme unité de lieu l’Europe communautaire, l’unité de temps une décennie et l’unité d’action, la réalisation du marché intérieur, unité d’action telle qu’elle a bloqué, jusqu’à présent, la réalisation d’une Europe sociale et donc d’une Europe démocratique.
I. la France socialiste de 1984 au secours de la CES et la découverte du « marché intérieur » en 1985
8Débutons ce récit historique en automne 1983. La CES est alors en situation de crise. Elle réunit son comité exécutif les 21 septembre et 30 novembre pour faire le point sur sa stratégie d’action. Depuis novembre 1978, elle avait rompu ses relations avec les autorités communautaires au plus haut niveau, en refusant de poursuivre l’expérience des « conférences tripartites sur l’emploi et la situation socio-économique européenne » qui avait débuté au début des années 1970. Les positions entre les acteurs du tripartisme étaient devenues inconciliables, la CES défendant un programme néokeynésien de développement régional à dimension européenne et une réduction généralisée du temps de travail à 35 heures pour tous par décision européenne tandis que patronat européen (UNICE) et Commission européenne s’étaient orientés à partir de 1975 vers des options monétaristes et d’aménagement du temps de travail (flexibilité, emplois à temps partiel…). Une page était en train de se tourner : la relance de l’Europe promue dès le début des années 1970, notamment par Willy Brandt, autour du développement du premier plan européen d’action sociale de 1973-1974 faisait visiblement long feu, l’UNICE redoutant l’extension de normes sociales contraignantes adoptées à l’échelon européen. La CES s’était dès lors concentrée entre 1979 et 1983 sur la recherche d’une alliance avec des gouvernements nationaux pour la défense de son projet d’un retour rapide au plein-emploi grâce au développement de politiques publiques européennes ambitieuses dans le domaine économique et social. Cette période avait été l’occasion pour elle d’organiser de très nombreuses manifestations syndicales européennes autour de ce programme.
9À l’automne 1983, la CES est obligée de faire un constat : cinq ans d’actions syndicales communes pour la promotion de son programme n’ont abouti à rien. Les États européens avaient, eux, progressivement, aligné leur programme sur les thèses néolibérales venues de l’Amérique reaganienne et portées dès 1979 par le régime du Premier ministre britannique, Margaret Thatcher. Devant un tel isolement politique, l’arrivée du gouvernement français à dominance socialiste à la présidence du Conseil lors du premier semestre 1984 va dès lors apparaître comme la seule issue pour tenter d’insuffler à l’échelon européen une nouvelle donne. La CES dans un communiqué de presse en janvier 1982 avait bien traduit le sentiment commun d’une Europe bloquée : « Dix millions de chômeurs et une Europe qui ne bouge pas. »
10Or les autorités gouvernementales françaises avaient effectivement bien l’intention de remettre en route un processus décisionnel dans le domaine social7 par la promotion de leur idée d’un espace social européen, pour dépasser l’affront fait à l’automne 1981 quand leur mémorandum pour relancer l’intégration européenne, notamment autour de cet espace social, avait été accueilli dans l’indifférence la plus totale, le Conseil européen de Londres n’en ayant même pas mentionné l’existence. Un début d’ouverture dans le domaine social à l’échelon européen leur aurait par ailleurs permis de mieux asseoir leur processus de réforme socio-économique interne. Il s’agissait d’essayer d’étendre le projet socialiste français à l’échelon européen : créer un compromis politique et social autour de l’utilisation des nouvelles technologies comme créneaux de développement de l’emploi. Renouer à l’échelon européen les relations socioprofessionnelles prenait dès lors sens dans la perspective de l’établissement d’un tel compromis. Ainsi Pierre Bérégovoy, en tant que président du Conseil des affaires sociales, prit-il l’initiative de rencontres au sommet avec les autorités patronales et syndicales dès février 1984 dans le domaine du prieuré de Val Duchesse à Bruxelles8. Jacques Delors, dès son accession à la présidence de la Commission européenne le 1er janvier 1985 reprit au compte de la Commission l’initiative de Val Duchesse. La CES espérait beaucoup de cette nouvelle présidence et du processus dit de « dialogue social »9 qui avait été ainsi institué. Elle pensait qu’une nouvelle dynamique était à l’œuvre qui déboucherait à terme sur la mise en place tant d’une politique de développement industriel capable de résorber le chômage que sur l’adoption de normes sociales contraignantes, d’abord par le biais de directives, ensuite peu à peu par le biais de conventions collectives européennes. Les discours officiels10 du nouveau président de la Commission la rassuraient, bien que dès la première réunion du dialogue social le 31 janvier 1985, la CES fut confrontée à un texte présenté par les commissaires Arthur Lord Cockfield et Karl-Heinz Narjes sur le projet de marché intérieur qui la fit fermement réagir. La CEE y était transformée en un simple environnement favorable aux entreprises11.
11Jacques Delors cependant réaffirma avec fermeté son intention d’établir un marché intérieur qui ne se fasse pas au détriment du social lors du congrès de la CES tenu à Milan en mai 1985. La CES avalisa donc en congrès le projet de marché intérieur à condition que celui-ci soit clairement assorti des conditions suivantes : que des politiques macroéconomiques accompagnent le projet et garantissent un développement équilibré entre les diverses régions et la création de nouveaux emplois ; que l’espace social européen soit installé de façon simultanée au marché unique ; que des politiques industrielles soient programmées au niveau européen qui puissent créer des liens durables de coopération entre les entreprises européennes et utiliser le secteur industriel public comme levier et stimulant12.
12Le congrès reconnaîtra également le bien-fondé du processus de dialogue social européen en cours.13
13Le 14 juin 1985, la Commission présenta au public et transmit au Conseil le Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur pour 199214. En proposant de supprimer les frontières physiques (élimination des postes de douane internes) et toute entrave technique et fiscale à la libre circulation des biens, des services et des capitaux, la Commission estimait que l’effet de décloisonnement des marchés intérieurs donnerait un coup de fouet à l’économie européenne afin qu’elle puisse faire face au « défi de la concurrence étrangère » en disposant comme atout d’un marché intérieur de 320 millions de consommateurs. Cette proposition s’attachait à inventorier l’ensemble des barrières techniques à la libre circulation qui existaient encore et à fixer un calendrier contraignant avec des délais courts en vue de supprimer ces contraintes15 à travers la mise en œuvre de trois cents mesures.
14La découverte de ce texte fut synonyme pour la CES d’un effarement total devant l’absence de tout élément qui permettrait de s’orienter vers l’élaboration d’un espace social européen.
15L’analyse du Livre blanc de la Commission par les responsables syndicaux de la CES déboucha sur une constatation brutale : la logique première de la démarche aboutissait à promouvoir les principes du « laisser-faire » et du « jeu libre des mécanismes du marché » sur toute autre considération. Conforter la démocratie et le progrès social était-il devenu, pour les autorités communautaires et les responsables politiques nationaux réunis en Conseil, une simple question de politique conjoncturelle ? Dès lors la CES, dans ses prises de position, visa à contrer ce credo de « laisser faire le marché » en mettant en avant la nécessité pour les autorités européennes d’élaborer des politiques économiques et industrielles communautaires, régionalement et sectoriellement équilibrées, permettant de garantir l’augmentation conjointe de l’activité économique, de l’emploi et du progrès social16. La CES prônait un fort développement des mesures sociales. Elle présenta de façon plus détaillée ce qu’elle entendait par la notion d’espace social européen, espace qui ne s’entend pas sans l’adoption de règles sociales communes contraignantes17, lors d’une déclaration en décembre 1985. À défaut de celles-ci, le projet de la Commission n’aboutirait, pour la CES, qu’à un affaiblissement de la législation sociale en Europe, à une aggravation du chômage et à une exacerbation des disparités régionales. Sans règles communes contraignantes dans le domaine social, le projet de marché intérieur fut considéré par elle comme inacceptable.
16Par ailleurs, la CES défendait systématiquement la nécessité de développer de façon conjointe des politiques économiques coordonnées pour l’ensemble de l’espace ouest-européen et non pour la seule Communauté.
II. Le dialogue social comme contournement de l’élaboration de normes sociales contraignantes
17La CES essaya dès lors de modifier l’orientation ultralibérale du nouveau projet européen grâce à l’appui solide que représentait pour le mouvement syndical européen la présence d’Aloïs Pfeiffer, ancien responsable syndical allemand membre du comité exécutif de la CES, au sein de la Commission européenne en tant que commissaire chargé des Affaires économiques, de l’emploi, du crédit et des investissements. Celui-ci fut ainsi à l’origine de la « Stratégie de coopération pour la croissance et l’emploi » mise en discussion par la Commission au sein du processus de dialogue social dès novembre 198518. Cette stratégie avait comme objectif de réaliser un pacte politique tripartite (le patronat, les syndicats et les gouvernements au sein du Conseil) qui permettrait de rendre le projet de marché intérieur mobilisateur pour l’ensemble des parties. Chacun de ces intervenants devait en effet s’engager à contribuer au rétablissement d’un processus de croissance économique créateur d’emplois dont la dynamique globale devait apporter à tous des avantages. La cible que ce plan visait était le chômage. Pour assurer sa réduction et le retour graduel au plein-emploi, il fallait créer un nouveau mécanisme économique producteur de croissance capable de s’auto-entretenir ; cette nouvelle stratégie devait intégrer de façon équilibrée un mélange d’éléments de politiques de l’offre et de politiques de soutien à la demande. Pour ce faire, le patronat devait s’engager à réaliser des investissements créateurs d’emplois ; les syndicats, en échange, devaient continuer à consentir à une modération des salaires réels et à plus de flexibilité dans le fonctionnement de l’économie. Pour leur part, les gouvernements européens, de façon conjointe, devaient à la fois stimuler la consommation privée, en compensant la modération salariale par des réductions d’impôts, et stimuler les investissements par la réduction des charges sociales des entreprises. Le manque à gagner dans les recettes des États devait rapidement être compensé par l’augmentation des recettes fiscales résultant de la reprise économique. Un environnement favorable à un tel scénario devait être créé, notamment, à travers la poursuite d’une politique de stabilité monétaire et de diminution des taux d’intérêt, d’une flexibilisation accrue du marché du travail en échange d’un réaménagement du temps de travail, de la construction – par la Communauté – d’infrastructures transnationales dans les transports, les télécommunications ou la protection de l’environnement.
18En février 1986 l’Acte unique signé par les États entérina le projet de marché intérieur comme priorité communautaire mais elle n’enregistra qu’une avancée bien timide dans le domaine de la politique sociale : la possibilité pour le Conseil d’adopter à la majorité qualifiée des normes en matière de santé et de sécurité afin d’améliorer le milieu de travail19 et la reconnaissance de l’existence du processus de dialogue social qui quittait dès lors définitivement le domaine de l’informel20. Avancée d’autant plus ambiguë qu’apparaît pour la première fois dans l’histoire communautaire l’idée que la réglementation sociale européenne ne peut être que minimale et ne peut entraver le développement des PME.
19Le processus de Val Duchesse conduisit à la mise en place en mars 1986 de deux groupes de travail entre les interlocuteurs sociaux européens. Un groupe dénommé « Macroéconomie » travaillant sur la stratégie de coopération pour la croissance et l’emploi, et un groupe « Microéconomie » s’attachant dans un premier temps à tenter de rapprocher les points de vue concernant la problématique de l’introduction des nouvelles technologies dans l’entreprise sur le plan de l’information et de la formation des travailleurs.
20Mais les divergences de vues entre UNICE et CES restaient énormes, les deux organisations n’étant pas en accord quant aux résultats escomptés d’un tel processus de travail.
21Ainsi, à son Comité exécutif de juin 1986, la CES :
« constate une nouvelle fois qu’au niveau européen les employeurs s’ils sont prêts à poursuivre le dialogue ne sont pas encore prêts à s’engager, par exemple, à diffuser des déclarations communes avec les syndicats ; malgré ce constat, souhaite que le dialogue se poursuive et souhaite que les confédérations affiliées mettent tout en œuvre au niveau national auprès des organisations nationales d’employeurs afin de les amener à prendre leurs responsabilités également au niveau européen […]21. »
22Mais, si le patronat européen semble peu prompt à rédiger une quelconque déclaration commune avec la CES, celle-ci put à nouveau constater, lors de ces réunions de travail, qu’il restait tout aussi réfractaire à toute éventualité de normalisation législative dans le domaine social ainsi qu’à tout engagement dans un quelconque processus de négociation.
« L’UNICE […] a exprimé son opposition aussi bien à des règles communautaires uniformes en matière de droits d’information et de consultation […] qu’à la négociation car celle-ci est de nature à limiter les prérogatives et les stratégies de décision des entreprises. Les patrons ont plaidé pour que le marché intérieur se fasse par le seul jeu des forces du marché (ce qui aura un effet positif sur les investissements et l’emploi) sans qu’au préalable l’espace social soit harmonisé22. »
23La CES répéta dès lors avec insistance tout au long de l’année 1986 sa revendication de la mise en place, par les autorités communautaires, d’un espace social européen par le biais de mesures réglementaires. Lors de son comité exécutif d’avril 1986, elle « constate que les projets concrets pour la réalisation du marché intérieur se développent assez rapidement au niveau de la Communauté européenne mais que le volet social est toujours largement négligé. »
24Elle décide alors d’essayer d’obtenir au plus tôt une rencontre politique de haut niveau entre la CES et la Commission européenne23.
25Cette rencontre n’aura cependant lieu que le 5 novembre 1986. Le président de la Commission n’y assistera qu’en partie, laissant la délégation de la CES face aux trois vice-présidents Manuel Marín, Karl-Heinz Narjes, Lord Cockfield et au commissaire Aloïs Pfeiffer. La CES y défendit l’idée de :
« la réalisation d’un Programme social européen parallèle au Livre blanc sur le marché intérieur et appuyé sur les possibilités offertes par l’Acte unique européen. Dans ce sens, la CES souhaite également que la Commission assume ses responsabilités en matière de réglementations et de directives afin d’assurer le progrès social en Europe24. »
26D’après le compte rendu de la réunion que fera la CES, Jacques Delors aurait répondu que le dialogue social faisait partie du socle de la relance économique mais que s’il n’aboutissait pas à des résultats concrets au printemps 1987, la Commission prendrait ses responsabilités en matière d’information, de consultation, de réglementations et de directives. Ce que répéta en d’autres termes, le vice-président Manuel Marín25. Cette garantie fournie par la Commission contribua-t-elle à pousser la CES de l’avant dans la dynamique du dialogue social avec l’UNICE ? Le lendemain de cette rencontre, la CES et l’UNICE tombaient d’accord sur le texte de leur premier avis commun. D’autres avis communs suivirent bien que tous irritaient une part importante des membres de la CES : les compromis verbaux réalisés dans ces textes afin d’arriver à une signature commune avec l’UNICE pouvant avoir des répercussions lourdes sur les dynamiques de négociation collective nationale, notamment parce qu’ils entérinaient la nécessité de la flexibilité des conditions de travail et l’accord sur le maintien d’un décalage prononcé entre l’évolution des salaires et les gains de productivité. Le sommet de la CES parvenait à maintenir une certaine unité autour de l’affirmation que c’était le prix à payer pour une relance qui supprimerait bientôt le haut niveau de chômage.
27Au début de 1987, la Commission présenta bien un programme mais il se contentait d’annoncer les conditions nécessaires à la mise en œuvre de tout l’Acte unique mais rien que l’Acte Unique, c’est-à-dire, dans le domaine social, de faire émerger une dimension sociale à travers le dialogue social, un programme d’action (comportant aussi des directives) pour la santé et la sécurité des travailleurs et la concrétisation de la notion de cohésion économique et sociale à travers le doublement de la dotation des fonds structurels sur cinq ans. Cette dernière proposition financière fut un des éléments qui provoqua une crise budgétaire entre la Commission et un Conseil peu enclin à accepter une augmentation des ressources communautaires : elle ne fut résolue qu’au début de 1988. La CES se trouvait ainsi doublement mécontente : par le manque de propositions d’envergure de la Commission, se limitant strictement à l’Acte unique, et par la politique de freinage systématique qu’utilisait le Conseil dès qu’il était question de concrétiser une quelconque amorce de politique sociale. La structure syndicale européenne dut ainsi en arriver à constater qu’elle était la seule à croire à un pacte de relance de la croissance pour l’emploi à l’échelle européenne dont ne voulaient visiblement ni les gouvernements ni les employeurs.
28La CES semblait être entraînée progressivement dans une situation de plus en plus paradoxale : alors que l’attitude et les décisions de l’UNICE et du Conseil se trouvaient très éloignées des revendications de la CES, la Commission misait l’essentiel de la dynamique sociale à créer sur la mise en place d’une démarche consensuelle entre « tous les partenaires ». La notion de consensus deviendra une pièce centrale dans la stratégie mise en œuvre par Jacques Delors et les services administratifs de la Commission chargés de la politique sociale. « Entre autres, les avis [les avis communs] constituent la preuve qu’au plan communautaire le consensus social est possible et, de ce fait, ils peuvent contribuer à la diffusion d’une culture du consensus et du compromis dynamique », écrivait dans un rapport en décembre 1988 la DG V, présentant la voie contractuelle comme la source principale de régulation du domaine social.
29La personnalité politique de Jacques Delors y est pour beaucoup : issu du syndicalisme chrétien, lors de son passage au sein du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas au début des années 1970 (juin 1969 à juillet 1972), il avait déjà proposé un pacte consensuel entre syndicats français, monde patronal et État de manière à garantir la stabilité de la croissance économique dans son pays (les « contrats de progrès » dans les entreprises nationalisées et le développement d’une politique contractuelle permanente)26.
30Un ensemble de relations extrêmement ambigües se mettra alors en place. La CES s’engage dans le processus de dialogue social tout en sachant qu’elle ne possède pas le rapport de force nécessaire pour contraindre l’UNICE à accepter une quelconque négociation européenne car elle ne possède aucune capacité de mobilisation directe des travailleurs et, de plus, aucun mandat de négociateur ne lui a été confié par ses membres qui lui permettrait d’engager réellement ceux-ci27. Ce processus lui confère néanmoins une reconnaissance institutionnelle officielle en tant qu’interlocuteur social communautaire et lui permet de se rapprocher de la Commission européenne, identifiée dès 1958 comme la principale alliée au sein des institutions communautaires. À cause de l’idée que se fait la CES de la proximité entre ses intérêts et ceux de Jacques Delors28, elle espère de plus que ce processus de dialogue social donnera au président de la Commission une légitimité d’intervention plus forte pour proposer des instruments législatifs dans les matières pour lesquelles un avis commun aurait pu être élaboré. Et ce fut bien là le principal malentendu. Jacques Delors présente bien parmi ses priorités politiques la mise en place d’une dimension sociale mais lors de ses interventions officielles, il n’arrêta pas, entre 1985 et la fin de l’année 1988, de faire de la dynamique contractuelle la voie principale, sinon unique, de réalisation de celle-ci.
31Mais la focalisation de Jacques Delors sur la nécessité d’un processus consensuel entre interlocuteurs sociaux ne découle pas seulement de son paradigme idéologique démocrate-chrétien, elle provient aussi d’une nécessité tactique. Jacques Delors est bien conscient de l’impossibilité dans laquelle se trouve la Commission de présenter un programme social d’envergure dans une matière qui, dès les origines de la Communauté, fut aussi jalousement défendue comme relevant des prérogatives nationales et dans un contexte politique où le néolibéralisme ambiant pousse à la déréglementation générale dans ce domaine, sans parler du veto systématique utilisé par le gouvernement britannique au sein du Conseil. Or, Jacques Delors, dès son entrée en fonction à la présidence de la Commission en 1985, n’eut de cesse de revaloriser le rôle et le pouvoir d’intervention de la Commission dans ses rapports au Conseil (ce qui ne s’était plus vu depuis le compromis de Luxembourg de 1966 où la Commission avait dû abandonner une partie de ses prérogatives au Conseil), s’appuyant dès 1986 sur l’extension des compétences de gestion et d’exécution conférée à la Commission par l’Acte unique. Il diffuse ainsi une image de la Commission (à travers les médias) plus proche de celle d’un « gouvernement européen » (la Commission de Bruxelles !) et une image du président, plus proche de celle d’un « Premier ministre »29. N’ayant cependant pas les pouvoirs nécessaires à la mise en œuvre de toutes ses déclarations, il va reporter une partie importante de la responsabilité d’intervention dans le domaine social sur les interlocuteurs sociaux, ce qui lui permettait de suspendre sa propre initiative en ne présentant pas de programme social global : au nom de l’autonomie des interlocuteurs sociaux, il faudrait attendre la fin de leur concertation et si ceux-ci ne parviennent pas à aboutir à un accord d’envergure, la Commission ne pouvait pas, elle non plus, faire des miracles !
32Dans ce cadre ambigu, l’UNICE put sans difficulté utiliser la voie du dialogue social pour tenter de reporter sine die toute initiative réglementaire globale de la Commission sur le plan social.
33La CES continua, elle, à répéter sa litanie sur la nécessité d’imposer un espace social européen à travers des normes législatives contraignantes, tout en réclamant, dès le printemps 1987, une transformation du dialogue social : sa décentralisation vers les secteurs d’activité et sa requalification à travers l’élaboration de textes plus contraignants que les avis communs qui permettraient une prise en compte réelle du contenu négocié soit par les processus de négociation paritaires nationaux soit par les autorités communautaires.
34Ainsi vu les perspectives divergentes entre CES et UNICE à ce propos, le dialogue social fut en panne durant toute l’année 1988 durant laquelle aucun avis commun ne fut produit.
III. La bataille perdue du socle législatif
35Confrontée à une grogne grandissante en son sein, la CES va fixer une orientation politique générale sur le plan social pour les années à venir dans le programme social européen qu’elle adopte en février 198830. Tranchant par rapport aux débats qui la secouent, elle reconnut la nécessité simultanée de la double option – législative et contractuelle – pour construire l’Europe sociale. Sur le plan législatif, elle s’inspira directement de l’initiative du ministre belge Michel Hansenne et du Comité économique et social31, pour réclamer à son tour, la mise en place de droits sociaux fondamentaux, complétés par des normes de santé et de sécurité pour les travailleurs et d’une réglementation minimale32 de la régulation du marché du travail, tout en exigeant la garantie que les États puissent toujours adopter des normes supérieures. Elle réclama aussi l’intégration dans l’ordre juridique communautaire des textes sociaux de recommandation de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Sur le plan contractuel, elle exigea l’élaboration d’un cadre institutionnel et juridique permettant de fonder un système communautaire de relations industrielles, jugeant cependant que les niveaux sectoriels et celui des entreprises transnationales étaient les plus adéquats à la mise en œuvre d’une négociation collective communautaire.
36Enfin, la CES ne fit pas que réclamer un « bétonnage », un « verrouillage » d’un socle de droits sociaux fondamentaux à l’échelle communautaire mais elle exigea aussi la garantie de la poursuite du progrès social.
37Après la résolution de la crise budgétaire engendrée par la demande de la Commission de doubler les fonds structurels, la Commission diffusa en 1988 de nombreux documents plaidant la cause de la réalisation d’une Europe sociale mais, paradoxalement, au moment même où elle semblait afficher le plus sa détermination à construire cette dimension sociale, le contenu du projet social qu’elle diffusait se trouvait bien réduit et de plus en plus dépendant de la logique du marché intérieur, l’intervention législative étant même reléguée à un rang d’initiative secondaire33.
38Invité au 6e Congrès de la CES en mai 1988, Jacques Delors y promit de proposer à courte échéance au Conseil l’adoption d’un socle de droits sociaux fondamentaux qui, selon la logique qui lui était chère, serait préalablement négocié entre interlocuteurs sociaux avant d’être coulé en normes communautaires.
39Mais malgré les déclarations d’intention de la Commission et de son président ou du Conseil européen de Hanovre, au cours de cette année, le programme de travail qui fut effectivement présenté par la Commission en automne 1988 pour réaliser la dimension sociale déclencha la colère de la CES tant il se cantonnait à la ligne fixée par l’Acte unique et tant il marginalisait l’idée de l’intervention législative dans le domaine social.
40Mais le décalage entre l’Europe sociale annoncée et les propositions pour la réaliser devenait par trop criant, les critiques dénonçant ce hiatus bien trop fortes : la Commission fut forcée à sortir enfin du bois en chargeant le Comité économique et social, le 9 novembre 1988, d’élaborer un avis a priori sur le contenu d’une future charte communautaire des droits sociaux fondamentaux.
41Ce fut chose faite le 22 février 1989 : le Comité économique et social, rejetant la notion de charte étrangère à la terminologie juridique communautaire, plaida pour un socle de droits sociaux très large, protégeant l’ensemble des citoyens, en intégrant dans le droit communautaire des droits généraux et des droits liés à l’organisation du travail reconnus déjà par l’OIT, l’Organisation des Nations Unies (ONU) et le Conseil de l’Europe, ainsi que des droits nouveaux pour protéger les citoyens des conséquences sociales négatives qui pouvaient surgir de la mise en œuvre du grand marché. Il soutint également l’idée de l’extension du dialogue social européen à tous les secteurs d’activités touchés par l’organisation du grand marché. Ainsi, quatre ans après l’annonce de la réalisation du marché intérieur, l’avis demandé par la Commission au Comité économique et social représenta enfin le premier pas significatif des autorités communautaires vers la mise en place d’une Europe sociale dans le sens réclamé par la CES.
42Mais l’actualité communautaire prenait encore une direction dans laquelle le social était laissé pour compte : en ce début d’année 1989, tout n’était que discussion autour du projet d’union économique et monétaire, de la création d’une banque centrale commune et de la monnaie unique. La Commission ne présenta dès lors un avant-projet de charte communautaire des droits sociaux fondamentaux que le 17 mai 1989. Cet avant-projet fut à nouveau très mal reçu par la CES : le socle de droits se réduisait à une liste qui devait être adoptée solennellement par le Conseil européen (sans que ceux-ci ne soient donc garantis à travers l’adoption d’un instrument contraignant) et le programme d’action qui devait rendre effectif, par le biais de directives, quelques-uns de ces droits étaient reportés à la fin du premier semestre 1990. Que d’atermoiements et de postpositions ! Car aussi imparfait qu’il fut, ce projet ne reçut pas encore l’aval de la délégation britannique lors du Conseil européen de Madrid en juin 1989. La décision finale à propos de la Charte communautaire fut reportée au sommet de Strasbourg, six mois plus tard. Le document qui fut finalement présenté aux chefs d’État et de gouvernement à Strasbourg bien qu’encore revu à la baisse ne reçut pas in fine l’accord de la Grande-Bretagne, les autres États membres décidant dès lors de l’adopter à onze.
43La seule victoire de la CES et du Parlement européen qui, durant toute l’année 1989, avaient bataillé conjointement pour renforcer la dimension sociale européenne, fut d’avoir fait avancer la date de dépôt du programme d’action sociale – annonçant les moyens de concrétiser quelque peu la Charte – qui fut alors présenté en novembre 1989. La volonté de la Commission de déposer des instruments contraignants pour cinq problématiques sociales fut ainsi confirmée en janvier 1990. Les premières propositions de directives en découlant furent finalement avancées par la Commission au mois de juin 1990. Cinq ans après l’annonce du marché intérieur.
44Entre-temps, le processus de dialogue social avait été relancé dès le mois de janvier 1989 : un groupe directeur, le comité de pilotage du dialogue social, fut institué et placé sous la présidence du commissaire chargé des Affaires sociales. À côté de la poursuite du travail d’avis communs, la structure du dialogue social fut de plus en plus utilisée par la Commission pour instaurer un processus de consultation des interlocuteurs sociaux sur ses avant-projets de directive sociale dans le cadre de la réalisation du programme d’action sociale.
45La CES, qui depuis 1987, désirait ardemment décentraliser ce processus mais se trouvait face à un refus ferme de la part de l’UNICE, entra en négociation avec le CEEP, au tout début de 1990, contournant ainsi l’UNICE. Le patronat privé européen se vit dès lors contraint à modifier radicalement sa politique du double refus (ni législation sociale ni négociation contractuelle) face à cette double menace : des propositions de directives en matière sociale qui sont présentées peu à peu par la Commission en 1990 et un accord contractuel entre la CES et le CEEP, sur le plan de deux secteurs d’activités, conclu en septembre 1990. L’UNICE assouplit dès lors son attitude : trois nouveaux avis communs furent adoptés par les intéressés en 1990 et l’UNICE, dans une déclaration commune, reconnut la possibilité de prolonger ces avis par des rencontres paritaires entre interlocuteurs sociaux sur le plan national.
46Ces contraintes externes amenèrent l’UNICE à accepter de s’engager en 1991 dans un travail de réflexion, réclamé par la CES, sur la révision du rôle des interlocuteurs sociaux au sein de la dynamique normative et décisionnelle communautaire dans le cadre de la réforme du traité CEE, mise en route dès décembre 1990.
47La CES s’engagea ainsi durant 1991 dans un travail intense de propositions à trois niveaux différents : au sein du dialogue social pour élaborer une position commune entre interlocuteurs à présenter à la conférence intergouvernementale sur l’union politique ; dans la procédure de consultation pour réinsuffler un contenu plus contraignant aux propositions de directives sociales présentées par la Commission ; dans le cadre des débats sur l’UEM et la réforme des traités, en présentant ses propres propositions de réformes, persuadée que le déblocage d’une dynamique de production de normes contraignantes dans le domaine social à l’échelon communautaire ne pourrait intervenir qu’à travers une refonte du texte fondateur.
48S’engageant ainsi dans la voie d’un « syndicalisme de propositions », elle organisa un tour des capitales européennes durant les mois de novembre et de décembre 1991 pour présenter ses options aux différents chefs d’État et de gouvernement.
49Remportant une victoire sur le plan contractuel, par l’accord intervenu entre les trois interlocuteurs sociaux communautaires le 31 octobre 1991 qui organise un processus systématique de consultation des interlocuteurs sociaux pour toute initiative sociale de la Commission et entérine le fonctionnement d’une procédure de négociation collective communautaire, la CES dut cependant déchanter sur le plan législatif : seules deux directives sociales, les plus mineures parmi les projets en examen, furent adoptées par le Conseil au cours de 199134, celui-ci, par ailleurs, abaissant systématiquement les propositions de normes avancées par la Commission au niveau des dispositions nationales les plus basses.
50L’année 1991 se conclut par l’adoption au Conseil européen à Maastricht d’un nouveau traité consacrant la naissance de l’Union européenne.
51Les avancées sociales de ce traité ne purent faire objet d’unanimité : devant le rejet du gouvernement britannique, les onze autres États adoptèrent un accord social intégré au traité par le biais d’un protocole annexé. Celui-ci reprenait le texte de l’accord du 31 octobre consacrant ainsi les interlocuteurs sociaux comme co-législateurs par la capacité de négocier des normes collectives européennes pouvant être assimilées à une décision européenne, un pouvoir d’initiative dans la production de la norme dont ne disposait pas alors, et toujours pas en 2007, le Parlement européen. Par ailleurs, l’accord ouvrait de nouvelles matières sociales au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, ce qui aurait dû enclencher la « pompe » de l’initiative législative communautaire en la matière.
Conclusions
52Aujourd’hui, avec quinze années de recul, il est possible de voir que cette relative35 belle victoire institutionnelle de la CES fut extrêmement paradoxale car, par le processus lancé dès 1993 par la Commission européenne via le livre vert puis le livre blanc sur la politique sociale36, l’Union européenne va, en tant que pouvoir politique, démissionner largement de sa responsabilité de produire des normes contraignantes qui auraient protégé l’ensemble des travailleurs des risques collectifs liés à une activité économique alors que celle-ci était légalement protégée et soutenue dans sa dimension communautaire. Des directives sociales seront encore adoptées dans cette première moitié des années 1990 soit dans la foulée du programme d’action sociale de réalisation de la Charte sociale communautaire soit dans la foulée de l’ouverture du vote au Conseil à la majorité qualifiée37 mais une nouvelle procédure, administrative et non juridiquement contraignante, s’imposera bientôt dans le domaine social : une méthode de surveillance multilatérale, qui sera baptisée, lors du sommet de Lisbonne en 2000 de « méthode ouverte de coordination »38, en rupture ainsi avec le vieux projet européen d’harmonisation législative pour initier, en lieu et place, celui de convergence des pratiques gouvernementales, renforçant du même coup la marginalisation de l’action des parlements (nationaux et européen) dans leurs activités de législateurs et de contrôle du pouvoir exécutif.
53Sans la menace législative de la part du pouvoir politique, les craintes de l’UNICE ont pu s’apaiser, rendant la voie contractuelle une voie également peu usitée dans la production de la norme sociale (six accords-cadres conclus par les interlocuteurs sociaux interprofessionnels en treize ans). À l’échelon national, avant la forte limitation de la souveraineté politique nationale exacerbée par le projet de marché intérieur, le renforcement de la démocratie sociale fut intrinsèquement lié au renforcement de la démocratie politique : quel peut être l’avenir de l’Union européenne si l’on néglige l’une et l’autre dimension ?
Notes de bas de page
1 Il existe depuis 1990 une Confédération Européenne des Syndicats Indépendants, CESI, qui regroupe des syndicats affiliant majoritairement des fonctionnaires, des salariés du secteur public et qui ne veulent pas être assimilés à un courant politique particulier, s’inscrivant plutôt dans une optique de défense corporatiste. La CESI regroupe 33 syndicats. Elle n’est pas reconnue par la Commission européenne comme représentative sur le plan interprofessionnel où la CES jouit pour l’instant d’un monopole.
2 Cf. C. Gobin, Consultation et concertation sociales à l’échelle de la Communauté économique européenne. Étude des positions et stratégies de la Confédération européenne des syndicats (1958-1991), thèse de doctorat soutenue à l’ULB, Bruxelles, 1996, 1 027 p. + 1 vol. d’annexes, 253 p. Pour une synthèse de la thèse, voir C. Gobin, « Construction européenne et syndicalisme : un aperçu de trente-quatre ans d’histoire », La revue de l’IRES, Éd. par l’IRES, Noisy-Le-Grand, 1996.
3 Quoique les syndicats communistes rejettent la construction européenne vécue comme une « provocation » contre le régime soviétique dans le contexte de la guerre froide, les syndicats italiens et français créent dès 1965 une structure commune pour observer de plus près la CEE. À partir de l’intégration du syndicat communiste italien dans la CES en 1974, l’on observe un ralliement progressif des autres syndicats de cette tendance à la cause européenne, le dernier à intégrer la CES étant la CGT française en 1999 même si le débat au sein de celle-ci autour du soutien à apporter à la construction telle qu’elle se fait continue à être vif.
4 W. Hallstein, L’Europe inachevée, Éd. Laffont, Paris, 1970.
5 Le Secrétariat syndical européen fut la structure du courant socialiste/social-démocrate, courant dominant en terme d’affiliation syndicale à l’échelon européen, qui se créa dès janvier 1958 au démarrage de la CEE. Extrait du rapport du SSE devant sa deuxième assemblée générale le 5 novembre 1959 à Luxembourg, p. 5.
6 La CECA, en tant que système politique, consacrait, sur le plan des relations tripartites, un corporatisme assez développé, des représentants des organisations socioprofessionnels étant intégrés dans l’équipe composant la Haute Autorité. La CEE représente une forte rupture politique : elle a été modelée autour d’une conception administrative de la gestion politique, cf. C. Gobin, L’Europe syndicale, Éd. Labor, Bruxelles, 1997.
7 L’épisode en 1982-1983 de la proposition de directive dite « Vredeling », concernant le droit à l’information et à la consultation des travailleurs des firmes transnationales, rejetée par le Parlement européen sur ces points les plus importants pour être enterrée ensuite par le Conseil, avait représenté un traumatisme pour les forces syndicales et politiques de gauche en Europe. Depuis ce moment la machine législative dans le domaine social était en panne.
8 Trois organisations socioprofessionnelles sont reconnues par les autorités communautaires comme représentatives à l’échelon interprofessionnel : la CES, l’UNICE et l’organisation patronale du secteur public, le CEEP.
9 Ce terme était assez inusuel dans le contexte lexical communautaire. « Dialogue » avait été mobilisé antérieurement à une reprise pour affaiblir les missions octroyées en 1970 au Comité permanent de l’emploi alors que le monde syndical attendait de ce nouvel organe qu’il serve à négocier des orientations politiques contraignantes. Il est clair qu’il s’agissait de mobiliser un terme à consonance diplomatique, (a priori dialoguer, parler, n’engageait à rien), pour éviter un refus de telles rencontres de la part de l’UNICE.
10 Tel que le discours d’entrée en fonction de la nouvelle Commission le 14 janvier 1985 devant le Parlement européen.
11 Voir à ce propos les mémoires de Georges Debunne, président de la CES à l’époque, in Georges Debunne, Les syndicats et l’Europe, Éd. Labor, 1987, pp. 169-174.
12 Voir la résolution générale adoptée par le 5e congrès de Milan dans sa section, Une économie au service de tous.
13 « Le Congrès confirme sa volonté de participer activement au dialogue social entre employeurs, gouvernements, syndicats et Commission afin d’aboutir à une politique de justice sociale, de coopération et de solidarité européenne », extrait de la résolution spécifique sur le sommet de Milan, reproduite intégralement dans le procès-verbal du 5e congrès, pp. 55-56.
14 COM (85) 310 ou voir le document, L’achèvement du Marché intérieur. Livre blanc de la Commission à l’intention du Conseil européen, juin 1985, Office des publications officielles des CE, Luxembourg, 1985, 54 p. + annexe (Calendrier d’actions pour l’achèvement du marché intérieur en 1992), 34 p.
15 Voir le Bulletin des CE, nº 6-85, pp. 18-21. Comme l’expliqua la Commission dans ce Bulletin, sa proposition de Marché unique s’inscrivait dans la réflexion en cours depuis 1982 sur l’approfondissement du marché intérieur mais innovait par la fixation d’une date symbole et, pensons-nous aussi, par l’utilisation de « formules chocs ». « Des textes des traités aux déclarations successives des Conseils européens depuis 1982, la nécessité d’achever le marché intérieur a été réaffirmé au plus haut niveau. Pour atteindre cet objectif, il manquait une date limite et un programme détaillé. La Commission s’est félicitée de relever ce défi et de fournir la pièce manquante. Elle est partie, à cet égard, de l’interprétation la plus large possible du défi : créer d’ici à 1992 un véritable marché commun sans frontière intérieure », ibid., p. 18.
16 Les documents de la CES laissent bien voir les nombreuses réticences exprimées par les syndicalistes à la lecture détaillée du document de la Commission : constat d’un transfert énorme du pouvoir des États vers un niveau communautaire peu démocratique, crainte de l’affaiblissement des pouvoirs publics nationaux et de la toute puissance laissée au « marché », peur que la standardisation des normes de santé et de sécurité ne se traduise par un nivellement vers le bas de ces normes, constat d’une absence de prévision de mécanismes de contrôle communautaires sur les flux spéculatifs alors que l’on propose la liberté de circulation des capitaux, crainte d’une compétition à la baisse de la pression fiscale entre tous les gouvernements ce qui saperait la base de financement des services publics et conduirait à leur privatisation… Voir le document interne de la CE, « La réalisation du marché intérieur : Livre blanc de la Commission européenne. Rapport de la réunion ad hoc de la CES du 18 septembre 1985 », 3 p., daté du 24 septembre 1985 ainsi que le rapport du Secrétariat, « L’achèvement du marché intérieur : Livre blanc de la Commission européenne », 12 p., daté du 23 août 1985.
17 La CES considérait que l’espace social européen devait couvrir les thèmes de l’emploi (organisation d’une gestion prévisionnelle de l’offre d’emploi communautaire avec participation syndicale), des conditions et de l’organisation du travail (limitation et réglementation strictes du travail atypique, du travail de nuit, repos hebdomadaire de 48 heures garanti…), de l’hygiène, de la sécurité et de la santé (harmonisation vers le haut de la standardisation des normes), de la durée du travail (limitation communautaire à la durée hebdomadaire et journalière du travail), des revenus et de la protection sociale (garantie et renforcement de la protection sociale et garantie d’un revenu minimum), de la politique sectorielle (création des comités paritaires sectoriels) ainsi que de la démocratisation de l’économie européenne (droit à l’information, à la consultation et à la participation des travailleurs dans les entreprises européennes, réglementation des activités des groupes et entreprises pour assurer la transparence des informations). « Marché intérieur et espace social européen », document approuvé par le comité exécutif de la CES des 12 et 13 décembre 1985.
18 Stratégie issue du rapport économique annuel que rédigea le commissaire Pfeiffer (Rapport économique annuel pour 1985-1986, Commission européenne, COM (85) 570 final, transmis au Conseil le 18 octobre 1985).
19 Voir article 118a. Il est important de relever que le principe de l’harmonisation dans le progrès a été maintenu (esprit du traité CECA maintenu par le traité de Rome) mais a été tout aussitôt minimisé par l’obligation d’arrêter des « prescriptions minimales applicables progressivement », voir § 2 de l’article en question). Le paragraphe 3 de l’article est encore plus ambigu. Il est en effet spécifié que : « Les dispositions arrêtées en vertu du présent article ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcée des conditions de travail compatibles avec le présent traité. » Il n’est cependant pas dit que les États membres ne peuvent pas diminuer leur protection sociale sous prétexte d’une harmonisation européenne. Par la suite, la notion de « compatibilité avec le traité » sera notamment utilisée pour lever les interdictions au travail de nuit des femmes dans divers pays de la CEE, voir C. Gobin, « L’Union européenne tourne le dos à des acquis sociaux fondamentaux », L’année sociale 1993, Éd. université libre de Bruxelles, Institut de Sociologie, 1994, pp. 299-304.
20 Bien qu’il s’agît d’une reconnaissance officielle dans le texte du traité des interlocuteurs sociaux comme acteurs capables – du moins potentiellement – de participer à la production de normes, une terminologie bien prudente avait été adoptée pour rendre compte du processus de dialogue en cours au sein du seul article qui y faisait référence (art. 118b) : « La Commission s’efforce de développer le dialogue entre partenaires sociaux au niveau européen pouvant déboucher, si ces derniers l’estiment souhaitable, sur des relations conventionnelles. » Notons aussi l’apparition de la notion de cohésion économique et sociale dans la terminologie communautaire. Par ce principe, la réalisation du marché intérieur devait se faire en cherchant la réduction des disparités régionales en matière de développement socio-économique (voir art. 130a, b, c, d, e). Rien ne garantissait que la convergence régionale se fasse par le haut et de plus, l’accent mis sur la politique régionale pouvait servir de catalyseur pour affaiblir l’action de solidarité générale des pouvoirs centraux nationaux.
21 Procès-verbal de la réunion du comité exécutif des 19 et 20 juin 1986, Genève, point 5d à l’ordre du jour, p. 5.
22 Extrait page 4 du procès-verbal de la réunion du 3 juin 1986 du groupe de travail « Microéconomie », 5 p.
23 Procès-verbal de la réunion du comité exécutif des 17 et 18 avril 1986, point 4 de l’ordre du jour, p. 3.
24 Voir le compte rendu de la réunion du 5 novembre 1986 comme document préparatoire au point 5a de la réunion du comité exécutif de la CES des 4 et 5 décembre 1986, 3 p., Bruxelles, daté du 20 novembre 1986.
25 « Manuel Marín a souhaité que le dialogue social “épuise toutes ses possibilités” tout en sachant que nous sommes arrivés à une période difficile de ce dialogue. Mais, de toute façon, “on verra s’il y a échec et à cause de qui et nous saurons prendre nos responsabilités », ibid., p. 2. Par ailleurs, la CES se plaignit lors de cette rencontre de ce que les commissaires Lord Cockfield et Heinz-Karl Narjes, chargés l’un du Marché intérieur et l’autre des Affaires industrielles, ne cherchaient à consulter que le monde patronal et non les représentants syndicaux.
26 Voir Jacques Capdevielle et René Mouriaux, Mai 1968. L’entre-deux de la modernité. Histoire de trente ans, Presses de la FNSP, Paris, 1988, 317 p. (pp. 221-231) ; Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, op. cit., pp. 134-135 ainsi que Négociation collective. Quels enjeux ?, Commissariat général au Plan, La Documentation Française, Paris, mai 1988, 347 p. (pp. 39-46).
27 Situation très complexe au sein de la CES : il lui est en effet difficile de réclamer de ses membres un pouvoir dont certains de ceux-ci ne disposent même pas sur le plan national. Ainsi, la DGB, en tant que structure confédérale, ne dispose pas non plus d’un mandat de négociateur avec le monde patronal, ceci étant du ressort des centrales professionnelles.
28 Il faut bien relever qu’aucun président de la Commission ne s’était affiché aussi ouvertement proche du monde syndical : il fut le seul président de la Commission à exposer ses positions devant le comité exécutif de la CES, et ce, à plusieurs reprises ! Jacques Delors travaille ainsi à obtenir l’appui des syndicats à ses projets. À ce propos, n’oublions pas sa prise de parole lors du fameux congrès du TUC en 1988 où il invita les syndicats britanniques – affaiblis par près de dix ans de thatchérisme – à venir rejoindre le camp des européanistes convaincus (voir Agence Europe, 9 septembre 1988, nº 4 848, p. 14).
29 En cela, il renoue avec la politique menée par le premier président de la Commission, Walter Hallstein.
30 Programme social européen. Réalisation de l’espace social européen dans le marché intérieur, adopté par le comité exécutif de la CES lors de la réunion des 11 et 12 février 1988. Document reproduit in Rapport d’activité 1988-1990 de la CES, Bruxelles, pp. 41-53.
31 Lors de la présidence belge au Conseil pour le premier semestre de 1987, le ministre belge de l’Emploi et du Travail, Michel Hansenne, présenta au sein du Conseil des affaires sociales et de l’emploi, la proposition d’établir un socle de droits fondamentaux, non négociables dans leur principe, à partir desquels des conventions collectives européennes plus spécifiques auraient pu être négociées. Face à l’opposition britannique et à la forte réticence du Danemark, ce projet n’eut pas de suite au sein du Conseil mais il fut repris par le Comité économique et social qui réclama, dans l’avis adopté le 19 novembre 1987, l’élaboration d’une directive-cadre garantissant de façon intemporelle des droits sociaux inaliénables ne pouvant jamais être remis en cause quelle que soit la pression de la concurrence économique (avis publié au JOCE, nº C 356/31-34, 31 décembre 1987). Cependant cette orientation, enfin respectueuse des droits sociaux collectifs des travailleurs en Europe, fut repoussée par la présidence allemande qui accéda au Conseil au premier semestre 1988.
32 La CES introduit début 1988 pour la première fois dans ses revendications la notion de réglementation minimale dans le domaine social, expression consacrée par l’Acte unique et largement utilisée par la Commission.
33 Paradoxe également relevé dans l’ouvrage d’Éliane Vogel-Polsky et Jean Vogel, L’Europe sociale 1993 : illusion, alibi ou réalité ?, op. cit.
34 La directive 91/383 du 25 juin 1991 garantissant les mesures de santé et de sécurité définies dans la directive-cadre de 1989 pour la catégorie des travailleurs temporaires et la directive 91/533 du 18 octobre 1991 définissant l’élément de preuve de la relation de travail.
35 Relative car les syndicats ne se voyaient reconnaître un droit à la consultation systématique sur toute nouvelle initiative législative de la Commission que dans le domaine social, ne pouvant dès lors contrôler les effets sur le social des très nombreuses obligations économiques et monétaires adoptées qui, elles, se coulaient sous des formes contraignantes.
36 Commission européenne, « Politique sociale européenne – Options pour l’Union », Livre vert COM (93) 551 du 17 novembre 1993 et « Politique sociale européenne – Une voie à suivre pour l’Union », Livre blanc COM (94) 333 du 27 juillet 1994.
37 Parmi les plus importantes, retenons la directive sur la protection des travailleuses enceintes ou allaitantes (1992), celle sur l’aménagement du temps de travail (1993), celle sur la protection des jeunes au travail (1994), celle sur le droit à l’information et à la consultation des travailleurs (1994) et celle concernant le détachement des travailleurs (1996). Pour une analyse de ces directives, voir M. Jamoulle in Commentaire J. Megret, Le droit de la CE et de l’UE, Politique sociale, Éducation et Jeunesse, Éd. de l’université de Bruxelles, 1998.
38 Pour une présentation générale de cette méthode voir J. Goëtschy, « L’apport de la méthode ouverte de coordination à l’intégration européenne. Des fondements au bilan », in P. Magnette (éd.), La grande Europe, Éd. de l’université de Bruxelles, 2004, pp. 141-167. Pour une analyse critique générale de cette orientation réinsérée dans la dynamique sociale européenne depuis le début des années 1990, voir C. Gobin, G. Coron, A. Dufresne, « Chapter 6. The European Union. Reorganising Resources: Employment, Pensions and the Wage », in B. Clasquin et al. (éd.), Wage and Welfare, Éd. Pie-Peter Lang, Bruxelles, 2004, pp. 161-191.
Auteur
Docteur en sciences politiques de l’Université libre de Bruxelles (ULB), Corinne Gobin est l’auteur d’une thèse de doctorat sur « Consultation et concertation sociales à l’échelle de la Communauté économique européenne. Étude des positions et stratégies de la Confédération européenne des syndicats (1958-1991) ». Maître de recherche au Fonds national de la Recherche Scientifique (FNRS), directrice du Groupe de recherche sur les Acteurs internationaux et leurs discours (GRAID) de l’Institut de Sociologie de l’ULB. Elle est également vice-présidente de l’Association belge de Science politique pour la Communauté française de Belgique (ABSP-CF). Elle a, à son actif, de nombreuses publications sur le thème de l’Europe syndicale ou de l’Europe sociale dont voici les plus significatives : « L’Europe syndicale. Entre désir et réalité, Essai sur le syndicalisme et la construction européenne à l’aube du XXIe siècle », 186 p, Éd. Labor, Bruxelles, 1997 ; P-H. Claeys, C. Gobin, I. Smets, P. Winand (éditeurs) Lobbyisme, Pluralisme et intégration européenne. Lobbying, Pluralism and european integration, 455 pages, Éd. Presses interuniversitaires européennes, Bruxelles, 1998 ; « La démocratie, le syndicalisme et la gouvernance de l’Union européenne : la mémoire du conflit démocratique en péril ? », in L’Europe et la mémoire. Une liaison dangereuse ? M. Aligisakis (dir.), Éd. Institut européen de l’Université de Genève, collection Europa, 2005, p. 41-70.
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