Une analyse de la politique menée par l’Italie en faveur de l’intégration monétaire européenne (1979‑1992)
p. 207-229
Texte intégral
Introduction
1L’Italie fait partie des membres fondateurs de la Communauté Économique Européenne (CEE) instaurée en 1957. Elle a traditionnellement été considérée comme un État membre particulièrement proeuropéen, attaché à l’approfondissement du processus d’intégration économique et politique, souvent avec une vision fédéraliste. Pourtant, la rhétorique proeuropéenne des responsables politiques italiens ne s’est pas toujours accompagnée de propositions substantielles ni d’actions concrètes au sein de l’Union. En outre, le pays a connu, à plusieurs reprises, certaines difficultés à « s’adapter » à l’Europe, notamment sur le plan économique.
2Deux raisons ont motivé notre choix de centrer notre étude sur la politique de l’Italie en faveur de l’intégration monétaire européenne. D’abord, les responsables politiques italiens ont largement contribué au processus d’intégration monétaire européenne, alors que leur engagement dans le débat sur le Marché unique a été plutôt limité. De ce fait, l’apport de l’Italie à l’Union européenne a été plus apparent dans le cadre de l’élaboration de l’Union Économique et Monétaire (UEM). Ensuite l’UEM a soulevé en Italie davantage de problèmes d’ajustement que le Marché unique : l’adaptation aux résultats de la construction européenne y a donc été plus difficile dans ce domaine. La présente étude est fondée sur une analyse entrées-sorties (ou ascendante-descendante).
3La période étudiée va de la mise en œuvre du Système Monétaire Européen (SME) en 1979 à la signature du traité sur l’Union européenne, ou traité de Maastricht, au début de l’année 1992. Elle ne couvre donc pas la crise du Mécanisme de Change Européen (MCE) de septembre 1992. Le présent document est composé de trois parties, outre l’introduction et la conclusion. La partie I présente la contribution des responsables politiques italiens au processus d’intégration monétaire, en replaçant celle-ci dans un contexte européen plus large. Les parties II et III abordent respectivement la question des institutions nationales et des paradigmes de politiques (ou « idées ») dominants qui ont inspiré la politique italienne en faveur de l’intégration monétaire européenne. Cette analyse permet de mettre en lumière le rôle des idées et des institutions dans l’élaboration des politiques. Les répercussions de l’intégration monétaire européenne sur l’environnement national sont également mises en évidence au travers d’une réflexion sur l’interaction entre l’élaboration des politiques nationales et celle des politiques communautaires.
I. Contribution de l’Italie au processus d’intégration monétaire européenne (1978‑1992)
4Après le succès de l’Union douanière en 1962, l’intégration européenne a marqué le pas, tant sur le plan économique que sur le plan politique, dans les années 1960 et 1970. L’initiative franco-allemande en vue de la création du SME en 1978 a donc pris par surprise le gouvernement italien comme de nombreux autres gouvernements de la Communauté européenne. Dans la première phase des négociations, ce sont surtout les autorités monétaires qui ont été à l’œuvre, s’attachant principalement à la réalisation des conditions « techniques » (Ludlow, 1982). À ce stade, les revendications « techniques » de l’Italie s’articulaient autour de trois points principaux : premièrement, des marges de fluctuation plus larges pour la lire et les autres monnaies du Système ; deuxièmement, un indicateur de divergence capable de garantir un ajustement symétrique ; et troisièmement, des mesures parallèles pour les économies moins prospères, bien que ce dernier aspect fût considéré comme de moindre importance au regard des deux premiers. La stratégie des autorités techniques consistait à s’opposer à toute concession sur ces points et en particulier, à l’abandon des deux premières propositions au profit de la troisième (Baffi 1989a, 1978). En outre, les questions de l’établissement d’une politique de change commune par rapport au dollar et de l’adhésion du Royaume-Uni au Système revêtaient une importance primordiale pour la Banque d’Italie car, si la livre sterling intégrait le mécanisme de change européen (MCE), la lire ne serait pas la principale cible des opérations de spéculation (Baffi, 1989).
5La Banque d’Italie aurait souhaité retarder l’entrée dans le SME, mais dès lors que l’adhésion avait été décidée, elle s’efforça de garantir une certaine flexibilité au sein du Système en mettant en place un mécanisme de taux de change adaptable aux spécificités de l’Italie et susceptible de contribuer à la convergence de l’économie nationale vers les critères en vigueur dans la Communauté européenne sans imposer de fardeaux trop pesants (Masera, 1987). Grâce notamment aux négociations menées avec les autres banques centrales, la Banque d’Italie avait ainsi réussi à obtenir une plus grande marge de fluctuation pour la lire, une option qui s’offrait de jure à toutes les autres monnaies (Baffi, 1989a). Le gouverneur de la Banque d’Italie, Paolo Baffi, avait également tenté de répondre aux préoccupations exprimées par les autorités britanniques et ce, sans résultat bien qu’il partageât certaines de ces préoccupations. Au final, le Royaume-Uni ne devait pas adhérer au mécanisme de change européen (MCE), qui constituait l’instrument technique du SME.
6À partir d’octobre 1978, en particulier lors des travaux préparatoires du Conseil européen de Bruxelles, le rôle du Premier ministre est devenu plus important. Pour le gouvernement italien, les mesures parallèles en faveur des économies les plus défavorisées de la Communauté européenne, notamment l’Italie, revêtaient un caractère prioritaire, ou du moins, étaient présentées comme telles à ce stade avancé des négociations (Ludlow, 1982). Cette position avait créé la surprise parmi de nombreux négociateurs étrangers, l’impression générale étant que le gouvernement italien tentait in extremis de marchander sa participation au SME (Spaventa, 1980a). Lors du Conseil européen de décembre 1978, qui allait constituer une étape décisive dans l’instauration du SME, le gouvernement italien réclama un temps de réflexion, au cours duquel le débat national allait s’intensifier.
7L’Italie a subi de fortes pressions, de la part du chancelier allemand en particulier, pour intégrer le SME (La Repubblica, 12 décembre 1978). Au terme d’une semaine de réflexion, elle s’est décidée pour l’adhésion, ce choix étant largement présenté au public comme une décision personnelle d’Andreotti. Bien que le rôle du Premier ministre dans cet épisode ait suscité des polémiques, il est généralement admis que ce dernier était un partisan de la première heure de l’adhésion au SME, sous réserve de la négociation de certaines conditions minimales (Ludlow, 1982 ; Spaventa, 1980a)1.
8D’une manière générale, le gouvernement italien était favorable à l’adhésion au SME, même si certains ministres, comme celui du Commerce extérieur, Rinaldo Ossola, ancien directeur général adjoint (1969-1975) puis directeur général de la Banque d’Italie (1975-1976) et celui de l’Industrie, Romano Prodi, soutenaient qu’un tel accord sur les taux de change donnerait naissance à un second serpent monétaire et que les politiques économiques nationales ne pouvaient pas être encadrées par une discipline externe (La Repubblica, 30 novembre 1978). D’autres membres du gouvernement, notamment le ministre du Trésor, Filippo Maria Pandolfi, estimaient que l’adhésion au SME pourrait favoriser le programme de redressement budgétaire présenté par celui-ci (le « plan Pandolfi »).
9Quant aux partis politiques, les démocrates-chrétiens, majoritaires au gouvernement, avaient une culture fortement proeuropéenne et étaient partisans de l’adhésion au SME, qu’ils considéraient comme un élément essentiel de la politique étrangère italienne, tout comme les autres partis minoritaires de la coalition gouvernementale. Le Parti Socialiste Italien (PSI) penchait en faveur de l’adhésion, par souci de se distinguer du Parti Communiste Italien (PCI), opposé à l’intégration au Système monétaire (Ludlow, 1982)2. Les syndicats étaient contre l’adhésion au SME, perçu comme un instrument susceptible de mettre un frein à leurs revendications, tandis que le monde des affaires restait divisé : certaines entreprises y voyant une chance, d’autres une menace.
10Si le SME a d’abord suscité des réactions mitigées, l’engagement de l’Italie en faveur de l’intégration monétaire européenne au cours des années 1980 et au début des années 1990 a été ferme et sans réserve. Au début des années 1980, les autorités monétaires italiennes ont soutenu la création du Fonds Monétaire Européen (FME) prévu par l’accord instituant le Système monétaire européen, dans lequel elles voyaient un embryon de banque centrale (Papadia, 1978) et un vecteur d’institutionnalisation du SME (Padoa-Schioppa, 1992b). Ce Fonds devait également faciliter l’ajustement économique des pays du système en déficit, comme l’Italie. Ce n’est pas une coïncidence si en 1981, lorsque la Commission a relancé la proposition de créer le FME, Tommaso Padoa-Schioppa (cf. Padoa-Schioppa, 1980), détaché par la Banque d’Italie, était directeur général de la DG II et Carlo Ciampi, gouverneur de la Banque d’Italie, était président du Comité des gouverneurs des banques centrales. Par ailleurs, la proposition de la Commission était fortement soutenue par le ministre du Trésor, Beniamino Andreatta, et par son homologue français, Jacques Delors.
11Jusqu’au milieu des années 1980, les propositions des autorités monétaires italiennes ont visé à corriger l’asymétrie du SME en répartissant les coûts d’ajustement entre les pays participants, sans avoir à procéder à une transformation irréaliste du Système. Leur objectif était également de poursuivre le processus d’intégration monétaire européenne suivant une approche pratique fondée sur les mécanismes de marché (Padoa-Schioppa, 1992b). La Banque centrale italienne proposait par exemple de renforcer le rôle de l’unité de compte européenne, l’écu, en faisant de l’écu officiel une monnaie de réserve, en étendant le marché de l’écu privé et en liant les deux (Masera 1986a, 1987). En outre, avant la libéralisation du marché des capitaux en 1990, l’écu a fait l’objet d’un traitement préférentiel de la part des autorités italiennes et françaises, son utilisation permettant de passer outre aux interdictions prévues pour certaines transactions par la réglementation en matière de contrôle des capitaux3. Le gouvernement italien a aussi émis des obligations en écus, tandis que l’Allemagne prohibait l’émission d’obligations dans une monnaie autre que le mark. De ce fait, le marché de l’écu s’est surtout développé en France, en Italie et au Benelux.
12Outre ces propositions concrètes, les gouverneurs de la Banque centrale italienne ont fourni une contribution intellectuelle très appréciée lors de la phase préparatoire de l’UEM. Les idées influentes du « quatuor disparate » ont été exposées pour la première fois par Tommaso Padoa-Schioppa au début des années 1980 (Padoa-Schioppa, 1992b : XI, 38) et rappelées, en 1987, dans le rapport intitulé Efficacité, stabilité, équité (Padoa-Schioppa et al.), inspiré dans une large mesure par la réflexion de Padoa-Schioppa. Selon certaines sources (Grant, 1994 ; entretien, Francfort, janvier 2000), à la fin des années 1980, Padoa-Schioppa aurait convaincu Delors que le « quatuor disparate » pesait comme une épée de Damoclès sur la Communauté, que la libéralisation des capitaux était la condition sine qua non à l’engagement de discussions monétaires et que le contexte était propice à la relance du projet de l’UEM. À l’occasion d’une rencontre avec Jacques Delors à Bruxelles en mars 1988, Padoa-Schioppa déclara que le sujet de l’UEM pouvait être remis à l’ordre du jour de la Communauté (Dyson et Featherstone, 1999).
13Lorsque les accords Bâle-Nyborg ont transformé le SME en un système de taux de change fixes de facto et que la libéralisation des capitaux s’est profilée à l’horizon (Quaglia et Maes, 2004), les autorités françaises et italiennes se sont montrées plus critiques à l’égard de la « domination allemande » au sein du SME – la Bundesbank définissait de fait la politique monétaire de tous les autres États participants – et ont plus clairement exprimé leur souhait de créer l’UEM. En 1988, le mémorandum Amato4, rédigé par le Trésor en étroite collaboration avec les hauts responsables de la Banque d’Italie, affirmait qu’il manquait au SME un « moteur de croissance » : la monnaie-pivot, le mark, étant sous-évaluée et la demande intérieure allemande se situant en dessous de la moyenne de l’UE, le compte courant allemand affichait un solde excédentaire et le potentiel de croissance des autres pays s’en trouvait diminué. Autrement dit, le Système était soumis à des tensions déflationnistes (Il Sole 24 Ore, 25 février 1988). Pour y remédier, le mémorandum préconisait l’adoption de trois mesures. Premièrement, la libéralisation des capitaux exigeait de renforcer le Fonds Européen de Coopération Monétaire (FECOM) en créant un dispositif de collecte et de réinjection des fonds sur le marché, de manière à les redistribuer entre les États membres pour compenser les mouvements de capitaux.
14Deuxièmement, le SME devait, à court terme, être étendu à l’ensemble des pays de l’UE et prévoir pour la lire une marge de fluctuation élargie. À long terme, une Banque Centrale Européenne (BCE) serait chargée de garantir la coordination des politiques monétaires et d’encourager la convergence des politiques budgétaires et structurelles des États membres. Troisièmement, il était clairement établi que la perte d’autonomie monétaire qui découlerait pour tous les États de la création de la BCE était préférable à la poursuite unilatérale de la politique du pays de tête qu’était l’Allemagne. Il s’agissait là de remettre ouvertement en question le rôle du mark en tant que monnaie-pivot du SME5.
15Le gouverneur de la Banque d’Italie, Carlo Ciampi, faisait en 1989 partie du comité Delors, comme les autres gouverneurs de banques centrales et était considéré comme un proche allié de son président (Dyson et Featherstone, 1999). Quant au directeur général adjoint de la Banque d’Italie, Tommaso Padoa-Schioppa, qui avait été nommé co-rapporteur du comité, il était présenté comme l’inspirateur du rapport de ce comité (Connolly, 1995). La contribution de Ciampi, présentée en annexe du rapport, portait sur la coordination ex ante des politiques monétaires nationales par la mise en commun des réserves des banques centrales et la gestion partagée de la base monétaire européenne dans la perspective du passage à la troisième phase de l’UEM (Ciampi, 1989c).
16S’agissant de la politique de change dans le cadre du SME, la lire n’a subi aucune dévaluation au cours des deux années qui ont suivi la création du Système, en dépit du large écart d’inflation entre l’Italie et d’autres pays de la Communauté européenne au faible taux d’inflation (Ciampi, 1986a, 1988). La Banque centrale et le Trésor italiens étaient déterminés à imprimer un changement dans la conduite de la politique de change, conformément au nouveau cap adopté en matière de politique monétaire à la suite du « divorce » de 1981 (entretien, Rome, février 1999). Cette politique de la « monnaie forte », progressivement mise en œuvre de 1979 à 1992, était axée sur une limitation de la fréquence et de l’amplitude des interventions sur la parité de la lire, à savoir la dévaluation, qui n’était jamais complètement parvenue à réduire l’écart d’inflation entre l’Italie et les pays à faible inflation au centre du Système. S’il est vrai qu’il s’agissait là de l’une des règles tacites du SME, les autorités italiennes ont toutefois délibérément opté pour cette politique. De 1979 à 1987, seul le Danemark a procédé à un choix politique analogue, alors que les autres monnaies étaient dépréciées au lieu de s’apprécier en valeur réelle (Ciampi 1988, 1989a).
17À la fin des années 1980, un nouvel élément s’imposa aux autorités monétaires italiennes : le taux d’intérêt élevé en vigueur dans le pays. Padoa-Schioppa (1990) (voir aussi The Financial Times, 5 avril 1990) affirma que le SME s’était enlisé, les pays participants payant le prix de la convergence vers l’union monétaire et en retirant peu de bénéfices. En dépit de trois années de stabilité des changes et de diminution des écarts d’inflation, non seulement les déséquilibres de la balance des paiements des pays participants s’étaient accentués mais les écarts entre leurs taux d’intérêt nominaux respectifs n’avaient pas été réduits de manière significative. La leçon qui en fut tirée était que l’UEM permettait de résoudre de tels problèmes puisque « la création d’une union monétaire est le meilleur moyen de garantir la convergence des taux d’inflation et d’intérêt » (De Grauwe, 1996).
18Bien que les responsables politiques italiens aient largement participé aux discussions préparatoires de l’UEM, la marge de manœuvre de leurs représentants lors de la Conférence Inter-Gouvernementale (CIG) de 1990-1991 fut très limitée, du fait de la faiblesse structurelle de l’Italie et du fort pouvoir de négociation de certains États membres, comme l’Allemagne (Dyson et Featherstone, 1999). En premier lieu, les représentants de la Banque d’Italie défendirent avec ferveur la mise en place de l’institution monétaire (autrement dit, de la Banque centrale européenne ou BCE) au cours de la phase de transition vers l’UEM. D’abord favorablement accueillie lors du Conseil européen de Rome, cette proposition ne fut ensuite plus soutenue au niveau européen et, devant l’insistance des délégations allemande et néerlandaise, la création de la BCE fut reportée au début de la dernière phase (Bini Smaghi et al., 1994).
19En second lieu, la délégation italienne était unanimement opposée à l’intégration au traité d’une clause d’exemption (« opting out »), étant établi que celle-ci serait susceptible de faire capoter tout le processus. Appuyée par d’autres délégations, elle obtint gain de cause sur ce point. En troisième lieu, la stratégie de négociation de l’Italie consistait à faire introduire davantage de souplesse dans les critères de convergence en vue du passage à l’UEM afin que l’Italie puisse intégrer l’Union monétaire européenne dans les temps. La délégation italienne ne remporta qu’un succès partiel sur ce point, grâce à la référence faite aux « tendances » ou à l’« évaluation globale » dans la définition des critères chiffrés. Par ailleurs, les critères étaient définis dans un protocole annexé au traité, ce qui laissait supposer qu’ils pourraient être révisés dans le futur à l’unanimité des voix, sans qu’il soit nécessaire, comme pour la modification du traité, de recourir à une conférence intergouvernementale et à une ratification parlementaire. La teneur et la formulation des critères de convergence avaient principalement été négociées par les représentants du Trésor (Dyson et Featherstone, 1999).
20À l’inverse de la position qui avait été la leur jusqu’en 1978, les responsables politiques italiens étaient beaucoup moins soucieux de l’adhésion du Royaume-Uni et estimaient que le projet devrait suivre son cours, avec ou sans la participation des Britanniques (Padoa-Schioppa, 2000). Les Italiens ne réclamaient plus non plus de mesures parallèles en faveur des économies les plus défavorisées, ou de « Fonds de cohésion » pour reprendre la terminologie du traité sur l’Union européenne, car leur pays ne remplissait plus les critères pour en bénéficier. L’apogée de la diplomatie italienne fut atteint au Conseil européen de Rome, au cours duquel la présidence italienne réussit à faire avancer le projet de l’UEM et à marquer par la même occasion quelques points en faveur de son camp. Selon Hine (1992), en 1990, la Banque d’Italie fut en coulisses l’une des « éminences grises » de la présidence italienne, dont le ton fut donné par l’habile Premier ministre, Giulio Andreotti. Le second grand succès de la diplomatie italienne fut remporté à la veille du Conseil européen de Maastricht : selon plusieurs sources, Andreotti aurait alors convenu avec le président français, François Mitterrand, de la nécessité d’inscrire dans le traité une date butoir pour le passage à la troisième phase de l’UEM. Dans l’avion qui le conduisait à Maastricht, Padoa-Schioppa avait préalablement convaincu Andreotti que la fixation de cette date butoir était préférable et réalisable (Dyson et Featherstone, 1999). Le jour suivant, Mitterrand soumettait la proposition à l’appréciation du Conseil européen réuni en session, et obtenait le soutien immédiat de la délégation italienne. Le chancelier allemand donna finalement lui aussi son approbation, jetant la consternation chez certains membres de sa délégation (Connolly, 1995).
21Si les négociateurs italiens appliquaient tout naturellement le principe de la répartition des compétences pendant la CIG, ils formaient une équipe bien coordonnée, agissant en synergie et partageant les mêmes conceptions fondamentales (Dyson et Featherstone, 1999 ; cf. Bini Smaghi et al., 1994). Cet état des choses était plutôt surprenant de la part d’un État « faible » (voir infra) et compte tenu des divergences qui s’étaient manifestées au cours des précédentes négociations sur l’intégration monétaire européenne. Les responsables politiques italiens devaient trouver un équilibre entre ce qui serait acceptable par les autres États membres, notamment l’Allemagne, et ce qui serait réalisable sur le plan national.
22Une fois le traité sur l’Union européenne ratifié, les chances pour l’Italie d’adhérer au SME dans les temps furent évaluées de différentes manières, comme en témoignent les entretiens publiés dans la presse. Tandis que les responsables politiques étrangers étaient enclins à repousser cette éventualité, les négociateurs italiens, tels que le ministre du Trésor, Guido Carli, le Premier ministre, Giulio Andreotti, le ministre des Affaires étrangères, Andrea De Michelis, et le gouverneur adjoint de la Banque d’Italie, Tommaso Padoa-Schioppa, se disaient optimistes à ce sujet. Il convient également de souligner que certains responsables politiques se réjouissaient des armes que les critères de convergence allaient offrir aux autorités nationales favorables au redressement budgétaire (entretien, Bruxelles, février 2000). Dans son livre intitulé Cinquant’anni di vita italiana, le ministre du Trésor, Guido Carli, écrit : « Le programme que nous présentions à la CIG proposait une solution alternative aux problèmes que nous n’avions pu résoudre par les voies gouvernementale et parlementaire habituelles » (cité dans Dyson et Featherstone, 1999). Sous l’impulsion du Trésor et afin de signifier sa ferme intention de procéder aux ajustements nécessaires pour intégrer l’UEM dans les temps, l’Italie a été le premier pays à approuver le principe du suivi du processus de convergence prévu par le traité.
23Les partis politiques se sont rarement, voire jamais, intéressés aux problèmes techniques visiblement posés par la gestion du SME, bien qu’il leur arrivât parfois de critiquer la hausse des taux d’intérêt découlant de l’adhésion au système. Lorsque l’UEM a été négociée dans le cadre de la ratification du traité sur l’Union européenne, elle bénéficiait du soutien officiel de l’ensemble des partis au gouvernement et des principaux partis de l’opposition ; une fois le traité ratifié, seuls les partis de la Refondation communiste et le Movimento Sociale Italiano6 (MSI) ont voté contre.
24Quant aux forces sociales, notamment les syndicats, le patronat (Confindustria) et l’Association des banques, elles n’ont jamais remis en cause l’adhésion de l’Italie au SME, même si elles se plaignaient parfois de la surévaluation du taux de change. Les partenaires sociaux avaient également exprimé leur soutien à l’UEM et à la participation de l’Italie. Seule la CGIL, syndicat proche du Parti communiste italien, connut des divisions internes au moment des négociations sur l’UEM. Une minorité de ses représentants craignait que l’UEM ne freine la croissance économique, mais la majorité s’est finalement imposée7. Il faut souligner qu’aucun véritable débat public sur les coûts et les bénéfices de l’UEM n’avait été engagé en Italie au moment de la signature du traité sur l’Union européenne.
II. Institutions nationales : un État « faible » et fragmenté
25Les institutions nationales jouent un rôle déterminant dans l’apport d’un pays à l’UE ainsi que dans l’adaptation de ce pays à la construction européenne. L’Italie a souvent été définie comme un État « faible », caractérisé par une structure poreuse et fragmentée et des centres de pouvoir mal coordonnés (Della Sala, 1998 ; Posner, 1978). Les capacités d’intervention de l’État ont été affaiblies par le pouvoir tentaculaire des partis politiques, ou partitocratie, dans de nombreux domaines relevant des politiques publiques, conjugué au système du favoritisme et du clientélisme (La Palombara, 1987). Si ces caractéristiques ont été relativement peu marquées au sortir de la guerre, elles se sont imposées au début des années 1960 et ont eu des répercussions tant sur l’apport de l’Italie dans le processus d’élaboration des politiques communautaires que dans son adaptation à la construction européenne. D’une part, la fragmentation des institutions nationales explique pourquoi, à plusieurs reprises, l’Italie ne s’est souvent pas exprimée d’une seule voix au sein des instances européennes et pourquoi la Banque centrale, institution relativement « solide », a exercé une influence non négligeable sur l’élaboration de la politique monétaire. D’autre part, la faiblesse de l’État et des politiques nationales explique en partie les difficultés d’adaptation de l’Italie aux régimes monétaires européens. En effet, le nombre élevé d’opposants potentiels au niveau national explique l’inertie dont l’Italie fit preuve dans les années 1970, les régimes monétaires européens se révélant inadaptés à la gouvernance économique nationale, et avant tout aux politiques macroéconomiques.
26La Banque centrale, composante essentielle du « noyau dur de l’exécutif » qui a orienté la politique de l’Italie en matière d’intégration monétaire européenne, a toujours occupé une place particulière dans ce pays (Goodman, 1992). Symbole de stabilité et de continuité dans un contexte instable8 pendant la plus grande partie de la période d’après-guerre, elle constituait une institution solide et monolithique au sein de laquelle le gouverneur occupait une position de force, représentant la Banque de jure et de facto et étant responsable personnellement de la politique de la Banque centrale (Eizenga, 1993). Cette dernière détenait par ailleurs le quasi-monopole du savoir économique en Italie, le département de recherche (Servizio Studi) de la Banque d’Italie constituant le groupe de réflexion et le centre de recherche de loin les plus importants du pays dans le domaine économique. La Banque centrale recueillait la grande majorité des données statistiques sur l’économie italienne et disposait des ressources techniques nécessaires pour les analyser. Le rapport annuel de la Banque constituait le document de politique macroéconomique le plus important en Italie, d’autant qu’il n’existait aucun programme gouvernemental équivalent. Par ailleurs, il convient de rappeler que la Banque a permis la constitution d’un vivier de personnalités qui ont évolué vers d’autres institutions clés en matière d’élaboration des politiques en Italie et ont accédé à des fonctions importantes dans d’autres domaines d’intervention.
27En revanche, jusqu’à ce que l’on a appelé la « révolution à l’italienne » (Gilbert, 1995) en 1992, l’exécutif avait traditionnellement eu des pouvoirs formels et substantiels limités par rapport à ceux du corps législatif (Hine et Finocchi, 1991). Par ailleurs, le Premier ministre représentant au sein de l’exécutif davantage un primus inter pares qu’une personnalité politique de premier plan, sa position s’en trouvait affaiblie et son pouvoir limité à la fonction d’arbitre entre les acteurs nationaux (Dyson et Featherstone, 1999). La faiblesse de l’exécutif italien résultait indirectement de la force des partis politiques, de l’instabilité de la base électorale du Premier ministre et des dispositions de la Constitution italienne qui, après l’expérience dramatique du fascisme, avait mis en place un mécanisme visant à établir un équilibre des pouvoirs et tendant à favoriser le pouvoir législatif par rapport à l’exécutif (Regonini, 1993). En outre, non seulement la mise en œuvre de la politique budgétaire relevait de trois ministères différents, mais le ministère du Trésor, chargé de l’élaboration du budget, avait une position faible au sein de l’exécutif, lui-même placé sous la coupe du corps législatif.
28D’une manière générale, le Trésor disposait d’une capacité institutionnelle limitée, ce qui explique également pourquoi la Banque centrale a souvent joué un rôle déterminant dans l’élaboration des politiques.
29Face à la valse des gouvernements, peu de changements substantiels intervenaient dans la composition de la majorité gouvernementale et du personnel politique. Cette situation était liée à la configuration du système de partis, caractérisé tout au long de cette période par des clivages importants qui donnèrent naissance à des coalitions gouvernementales instables. Les effets de l’évolution de la guerre froide sur l’échiquier national entraînèrent à leur tour le blocage du système des partis. En effet, ce système était encore dominé par la convention ad excludendum qui voulait que les ailes droite et gauche soient exclues du gouvernement, lequel était composé d’une vaste coalition pluraliste dénommée pentapartito, composée de cinq formations politiques, la plus importante étant la Démocratie Chrétienne (DC). Au début des années 1980, le Parti communiste italien allait amorcer un rapprochement avec le Parti socialiste italien, sous l’appellation « alternative démocratique », qui allait rencontrer aussi peu de succès que le compromis historique proposé à la DC dans les années 1970 (Ginsborg, 1990). Dans les années 1980, le climat politique fut moins tendu que dans les années 1970, un terme ayant été mis à la situation de crise liée au terrorisme. Le « blocage du système des partis » connut un bouleversement majeur à la fin de la guerre froide en 1989.
III. Les paradigmes politiques en Italie : politique étrangère et politique économique
30Outre les institutions nationales, les « idées » ou paradigmes politiques ont également contribué dans une large mesure à l’élaboration par les différents pays de politiques tournées vers l’intégration monétaire européenne. Deux modèles, différents et complémentaires, ont joué un rôle particulier à cet égard, en Italie comme dans d’autres pays : celui de la politique étrangère et celui de la politique économique. Tandis que le premier a considérablement influencé les autorités politiques, le second s’est avéré déterminant pour les autorités économiques, ce qui ne signifie pas pour autant que les élites macroéconomiques n’avaient pas de conviction en matière de politique étrangère ou que l’élite politique n’adhérait à aucune théorie économique9.
31Concernant tout d’abord le paradigme de la politique étrangère, l’Italie a poursuivi trois objectifs principaux pendant les années de l’après-guerre : participer au processus de l’intégration européenne, préserver les liens de longue date avec les États-Unis et entretenir les relations amicales nouées avec les pays du Sud de la Méditerranée (Coralluzzo 2000, 1994). La politique étrangère italienne a souvent cherché la quadrature du cercle en tentant de réconcilier ces objectifs, privilégiant parfois l’intégration européenne. Au lendemain de la guerre, une grande partie de la classe politique italienne considérait le processus de l’intégration européenne comme un moyen de réhabiliter le pays aux yeux de la communauté internationale, de stabiliser la démocratie tout juste réinstaurée et de développer une économie de marché efficace (Coralluzzo, 1997 ; Santoro 1991, 1990). Selon ce concept, qui est toujours resté plus ou moins au centre de la politique européenne italienne jusqu’à la fin du XXe siècle, la priorité absolue était de maintenir la péninsule au cœur du processus de l’intégration européenne, dans l’optique de promouvoir la modernisation du pays sur les plans économique, politique et culturel. Les déclarations que le Premier ministre Giulio Andreotti a faites en 1978 et en 1991 illustrent bien le paradigme de la politique étrangère proeuropéenne, qui met l’accent sur la dimension politique de la coopération monétaire européenne.
32Étant donné que les instruments de la politique étrangère italienne sont généralement très limités, il est utile de se concentrer sur la stratégie. Selon une théorie largement répandue, la politique européenne de l’Italie manquait d’une stratégie claire, comme le démontrait l’incapacité chronique des décideurs nationaux à hiérarchiser les préférences nationales et à définir des priorités lors des négociations avec l’UE (Coralluzzo, 1997). Du fait de son incohérence, cette stratégie n’aurait permis que de garantir la participation officielle de l’Italie à toutes les initiatives européennes, sans aller plus loin. Une autre théorie veut que, pour les représentants de la classe politique les plus tournés vers l’extérieur, la stratégie ait consisté à utiliser l’influence de l’Europe et de la communauté internationale pour amener des réformes intérieures, en restructurant le mode de gouvernance au niveau national. En d’autres termes, la stratégie revenait à tirer parti des répercussions de facteurs extérieurs sur le plan national (cf. Putnam, 1988). En 1978, par exemple, pour les tenants de la « stratégie européenne », notamment Ugo La Malfa et Beniamino Andreatta, les problèmes de l’Italie pouvaient en partie trouver leur solution dans les politiques communautaires, compte tenu des capacités d’intervention très limitées de l’État. Carli a adopté un raisonnement similaire en 1991.
33Certains membres influents de la classe politique ont mené activement campagne en faveur du paradigme de la politique étrangère proeuropéenne, accepté passivement par tous les partis au pouvoir. Les démocrates-chrétiens, qui étaient, de loin, les plus représentés dans les coalitions gouvernementales de l’époque, avaient soutenu la candidature à la CEE. Les autres partis de coalition, à savoir le Parti républicain, le Parti libéral et le Parti social-démocrate, étaient également favorables à l’intégration européenne. À partir des années 1960, le Parti socialiste, le deuxième plus grand parti au pouvoir, a davantage marqué son orientation proeuropéenne. À l’opposé, le Parti communiste italien, qui avait enregistré un résultat historique aux élections de 1976 en remportant 35 % des suffrages, s’était opposé à l’adhésion à la CEE et aux liens géopolitiques avec les États-Unis. Toutefois, dans la seconde moitié des années 1970, une conjonction de facteurs incita le PCI à changer son fusil d’épaule, pour adopter une position proeuropéenne (Maggiorani, 1998). Dans les années 1980, tous les grands partis, au pouvoir ou dans l’opposition, avaient donc la même attitude (Coralluzzo, 2000 ; Santoro, 1991). En outre, le paradigme de la politique positive envers l’UE, d’où une politique européenne italienne bipartite, partagée par le gouvernement, étrangère proeuropéenne, était devenu consensuel au niveau des élites et de l’opinion publique dans toute l’Italie.
34Des sondages d’opinion montrent qu’au moment de la création de la CEE, en 1957, les Italiens faisaient preuve d’une certaine réserve vis-à-vis du projet, surtout par rapport aux populations des autres pays. Les partisans de l’adhésion de l’Italie à la CEE n’excédaient le nombre des sceptiques et des « sans opinion » que dans la proportion de trois pour deux (Putnam, 1978). Toutefois, les Italiens prirent vite conscience des avantages de l’intégration européenne pour leur pays, non seulement en termes géopolitiques de sécurité, mais aussi en termes économiques, étant donné que la première décennie de l’adhésion à la CEE coïncidait avec le « miracle économique » italien. Aussi le soutien à l’UE ne cessa-t-il de croître au cours des années 1960 et 1970 et fut-il plus marqué que dans tous les autres États membres de 1976 jusqu’à la fin des années 1990.
35Le second modèle qui a influencé considérablement la politique italienne à l’égard de la coopération monétaire européenne est celui de la politique économique qui a revêtu une importance fondamentale pour les autorités économiques. Jusqu’à la fin des années 1970, les principes keynésiens, qui s’étaient imposés relativement tard en Italie (De Cecco, 1989), ont remporté un franc succès et, en raison de différents facteurs institutionnels mentionnés précédemment, il était extrêmement difficile d’opter pour un autre modèle économique, même dans le contexte de crise pétrolière et de stagflation des années 1970.
36Selon la théorie keynésienne, la politique économique vise avant tout à réaliser un réglage fin de l’économie, dans l’optique d’assurer une croissance soutenue, pour conduire in fine à un accroissement du revenu national (Peluffo et Rey, 1995). Lorsqu’en 1975, Paolo Baffi devint gouverneur de la Banque centrale d’Italie, il critiquait certes ouvertement le postulat d’une corrélation entre l’inflation et le chômage et refusait de s’en remettre à l’inflation pour redistribuer les ressources (Fratianni et Spinelli, 1997), mais le premier objectif de la politique économique demeurait le maintien d’un taux de croissance élevé et la création d’emplois, grâce au rythme soutenu des exportations. Or, la participation de l’Italie aux accords monétaires européens ne pouvait qu’entraîner une réduction de la flexibilité du taux de change susceptible de nuire aux exportations. D’où l’attitude de la Banque centrale et de plusieurs experts économiques, opposés à toute adhésion italienne au SME.
37La seconde composante du paradigme de la politique économique concernait les instruments. Dans une économie ouverte telle que l’Italie, le niveau de la balance des paiements et le taux de change font l’objet d’une surveillance constante de la part des autorités monétaires. D’après la Banque d’Italie, la balance des paiements a constitué, dans les années 1970, une contrainte extérieure réelle pour l’économie italienne (Baffi, Final Remarks, 31 mai 1979). À la fin des années 1960, les autorités monétaires italiennes soutenaient un régime de change flottant qu’elles utilisaient comme un outil d’ajustement, préservant ainsi l’équilibre de la balance des paiements (Giavazzi et Spaventa, 1989) tout en laissant les autorités nationales libres de mettre en œuvre les politiques macroéconomiques qu’elles jugeaient les plus appropriées10. Outre les objectifs et les instruments, un autre élément entrait en ligne de compte : la stratégie. Au cours des années 1970, les autorités monétaires italiennes et les économistes se sont montrés prudents sur la stratégie consistant à limiter le recours aux instruments économiques, directement dans le domaine monétaire, indirectement dans les autres domaines.
38Le passage du paradigme économique dominant que constituait la doctrine keynésienne à une culture orientée vers davantage de stabilité est fondamental pour expliquer l’approche des responsables italiens de la politique macroéconomique face à l’intégration monétaire européenne dans les années 1980. À cette époque, la Banque centrale d’Italie adhérait pleinement au principe de stabilité du SME, considéré et utilisé comme un outil macroéconomique indispensable à l’instauration d’une certaine discipline économique au niveau national. L’objectif prioritaire du paradigme de la stabilité, qui représente la « variante européenne » du paradigme monétariste, est la stabilité des prix et, plus généralement, la stabilité de l’économie dans son ensemble. Cette dernière s’appuie sur une « masse monétaire saine », une politique monétaire plutôt restrictive qui surveille de près les agrégats monétaires et des « finances publiques saines », autrement dit une politique budgétaire viable, qui maintienne la dette publique et le déficit à des niveaux relativement bas (Dyson, 1994).
39Les principaux instruments de la politique monétaire sont : le contrôle de la base monétaire par une banque centrale indépendante ; un taux de change stable, qui devient un instrument propre à instaurer une certaine discipline économique ; la libre circulation des capitaux ; une politique de la concurrence. Dans les années 1980, le taux de change est devenu « un objectif et une contrainte » (Ciampi, 1986b) dans la conduite de la politique monétaire en Italie, l’argument sous-jacent étant que la dévaluation ne résolvait pas les problèmes mais se contentait de les masquer et entraînait le cercle vicieux inflation-dévaluation-inflation. Contrairement à la politique mise en œuvre au cours de la décennie précédente, le taux de change n’était alors plus considéré comme un instrument d’ajustement indispensable, destiné à assurer l’équilibre de la balance des paiements. On estimait que dans le cadre du régime de change quasi fixe du SME, l’appréciation de la lire entraînerait des restructurations majeures du secteur manufacturier, augmentant du même coup la productivité tout en mettant un frein aux exigences des syndicats (Ciampi, 1995a). Le raisonnement fut poussé plus loin : le secteur industriel exercerait des pressions sur les secteurs d’activité à l’abri de la concurrence internationale – tels que les services et l’administration publique – mais aussi sur les autorités budgétaires, incitant ces dernières à adopter une ligne de conduite anti-inflationniste (Carli 1993). Par ailleurs, on estimait qu’une appréciation du taux de change associée à un taux d’intérêt élevé influencerait directement la politique budgétaire, en encourageant les autorités compétentes (autrement dit les autorités politiques) à entreprendre l’assainissement budgétaire nécessaire (Connolly, 1995). En théorie économique, le fait de vouloir changer l’orientation de la politique budgétaire au moyen d’une politique monétaire restrictive est connu sous le nom de « jeu de Stackelberg », une stratégie dont l’efficacité est controversée11.
40Les idées en matière d’instruments de contrôle des mouvements de capitaux ont également évolué au fil du temps. La libéralisation des mouvements de capitaux au sein de l’UE s’est accélérée au cours des années 1980, bien qu’elle n’ait été mise en œuvre que progressivement par le Trésor et la Banque d’Italie, qui estimaient que la péninsule n’était pas prête pour cette « thérapie de choc » (interview, Rome, juin 2001). Leur principale inquiétude portait sur l’incapacité de l’État à financer la dette publique, d’un montant élevé, une fois que les investisseurs nationaux seraient libres d’opérer à l’étranger. Il ne faut pas oublier que la libéralisation des capitaux en Italie s’est accompagnée de la déréglementation du marché financier national, suite à une réévaluation des avantages de la concurrence et des instruments fonctionnant conformément aux règles du marché (Ciocca, 2000). Ces mesures visaient également à faciliter le placement des obligations du Trésor sur le marché. La notion même de politique de concurrence et le modèle institutionnel de l’autorité de concurrence créée en Italie dans les années 1990 ont été deux éléments très importants pour l’UE.
41La stratégie du paradigme de la stabilité accordait une importance substantielle à la crédibilité des politiques macroéconomiques, censée être améliorée en « liant les mains » des décideurs (Giavazzi et Pagano, 1988) par des engagements d’ordre macroéconomique et en protégeant les institutions macroéconomiques des luttes partisanes. Cette stratégie s’appuie sur la théorie des anticipations rationnelles introduite par Lucas, qui considère l’inflation comme un problème de crédibilité (Gros et Thygsen, 1998). Giavazzi et Pagano (1988), à l’origine de cet argument selon lequel il peut être profitable de « se lier les mains », soutenaient qu’un pays qui manquait de crédibilité dans sa lutte contre l’inflation, à l’instar de l’Italie, pourrait remédier à ce défaut en « empruntant » de la crédibilité auprès d’autres autorités monétaires (autrement dit la Bundesbank) dont la réputation n’était plus à faire dans ce domaine. Cette stratégie d’engagement préalable reposait sur la participation à un système de taux de change tel que le SME et sur l’ancrage du taux de change à la monnaie la plus stable de ce système, en l’occurrence le mark allemand. Ce raisonnement avait davantage de poids par référence à l’Union monétaire, considérée comme un régime monétaire plus durable (et par conséquent plus crédible) qu’un simple accord de taux de change tel que le SME.
42Le fait de fixer le taux de change dans le cadre du SME donnait une certaine légitimité à la politique monétaire relativement restrictive de la Banque d’Italie. Sarcinelli (1995) explique que, dans une phase où le cadre institutionnel de la Banque centrale restait à définir et où l’autonomie de cette dernière n’était pas totale, une règle monétaire fondée sur les agrégats monétaires nationaux pouvait faire naître des pressions politiques injustifiées sur la Banque d’Italie, avec le risque de ralentir son évolution vers l’autonomie. En revanche, l’objectif d’éviter des réalignements visibles et coûteux sur le plan politique (dévaluations) était partagé par nombre d’acteurs nationaux, qui y voyaient une condition préalable nécessaire pour participer au processus d’intégration européenne, largement approuvé par l’opinion publique italienne (Spaventa, 1990 ; voir aussi Sarcinelli, 1995).
43Que ce soit dans le cadre du SME ou de l’UEM, le croisement et, dans une large mesure, l’interpénétration des idées proeuropéennes et des principes économiques de stabilité ont modifié les perspectives nationales et la formation des coalitions. D’un côté, les partisans de l’intégration européenne soutenaient le SME et l’UEM, qu’ils voyaient comme des outils pouvant contribuer à l’union politique de l’Europe, indépendamment de la viabilité du paradigme économique qui y était incorporé. Il est surprenant de constater que la classe politique italienne adhérait à un projet qui incorporait un modèle économique relativement éloigné du mode de gouvernance économique dominant en Italie et remettait en cause le système du clientélisme en vigueur.
44D’un autre côté, les adeptes du paradigme de la stabilité considéraient le SME d’abord et l’UEM ensuite comme des mécanismes permettant l’élaboration de politiques macroéconomiques saines en Italie, à consolider dans un cadre politique stable. Par conséquent, ils envisageaient des solutions européennes à des problèmes économiques et politiques nationaux, en raison du blocage des modes de gouvernance du pays. L’UE apportait des ressources qui n’existaient pas au niveau national et certains décideurs italiens en ont fait bon usage.
Conclusion
45Nous avons présenté dans cette étude une analyse de la politique italienne en faveur de l’intégration monétaire européenne entre 1978 et 1992. Comparé à d’autres domaines politiques de l’UE, l’apport à l’Italie en la matière a été déterminant, au moins pendant les années 1980. On estime que les institutions nationales et les « idées » sous la forme de paradigmes politiques jouent un rôle important dans l’élaboration de la politique européenne d’un pays dans un domaine donné. Dans le cas présent, outre le paradigme de la politique étrangère, il est essentiel de considérer aussi le paradigme de la politique macroéconomique. Tandis que le premier n’a pas été fondamentalement modifié en Italie au cours de la période 1979-1992, le second a évolué vers des politiques de stabilité, au moins au niveau des autorités monétaires.
46En 1978, la décision de l’Italie de rejoindre le SME fut une décision d’ordre politique. Elle se fondait sur le paradigme de politique étrangère dominant, qui avait réduit au silence les inquiétudes exprimées par les autorités économiques sur la base du paradigme économique dominant (Maes et Quaglia, 2003). L’Italie a rejoint le mécanisme de change européen parce que le coût économique de cette démarche était perçu, sous l’angle du paradigme de politique étrangère, comme moins important que le coût politique qui aurait résulté d’une non-adhésion. Les autorités françaises et allemandes ont présenté le SME comme un « test européen » pour l’Italie (Ludlow, 1982). Cet argument a considérablement influencé les autorités italiennes en raison des conceptions de politique étrangère de la majorité de l’élite, pour qui la priorité de l’Italie était de devenir une partie de « l’Europe » et de tout ce que cela représentait. À l’inverse de la création du SME en 1978, les négociations liées au traité sur l’Union européenne n’ont donné lieu à aucun désaccord parmi les décideurs italiens, les idées en matière de politique économique et de politique étrangère convergeant vers un même résultat – l’adhésion de l’Italie à l’UEM.
47Je voudrais suggérer deux pistes de recherche qui permettraient d’aller plus loin. Premièrement, le même cadre analytique pourrait être appliqué à d’autres politiques, comme la politique de la concurrence ou la politique industrielle, pour tenter d’identifier le ou les paradigme(s) économique(s) en jeu, par exemple « protectionniste » contre « libéral », « orienté vers le marché » contre « orienté vers l’État » pour chaque partie prenante. Deuxièmement, l’interaction des paradigmes macroéconomiques et de politique étrangère pourrait faire l’objet d’une étude comparative avec les autres pays tels que la France, l’Allemagne (Maes et Quaglia, 2005) ou encore le Royaume-Uni.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 En 1978, le Premier ministre de l’Italie était le démocrate-chrétien Giulio Andreotti (1978-1979), l’un des hommes politiques italiens les plus expérimentés. Il avait par le passé rempli les fonctions de Premier ministre à trois reprises, puis occupé d’autres postes ministériels.
2 Lors de la procédure de vote parlementaire, le Parti communiste a voté contre et le Parti socialiste s’est abstenu.
3 Il faut ajouter que les institutions de l’UE et certains opérateurs financiers privés, établis principalement en Italie, en France et en Belgique, étaient de fervents défenseurs du rôle de l’écu.
4 Ce mémorandum, transmis aux ministres de l’Écofin et publié par le journal italien Il Sole 24 Ore (25 février 1988), reprenait un grand nombre des arguments fréquemment exposés par la Banque d’Italie depuis la création du SME.
5 Le gouverneur Ciampi s’était exprimé en des termes encore plus cinglants sur cette question, en déclarant publiquement qu’« en l’absence d’une monnaie unique, il y aurait une monnaie hégémonique » (intervention de Ciampi lors de la session parlementaire du 20 juillet 1992, Ciampi, 1992b : 89, traduction non officielle) et que l’Italie ne jouissait d’aucune véritable autonomie monétaire au sein du SME.
6 N. d. T. MSI (parti d’extrême-droite).
7 En décembre 1991, la suppression officielle du mécanisme d’indexation automatique des salaires sur les prix (la « scala mobile ») a été acceptée.
8 Pendant la période d’après-guerre, plus de cinquante gouvernements se sont succédés en Italie, contre seulement cinq gouverneurs à la tête de la Banque d’Italie.
9 En dépit du fait que le paradigme de la politique étrangère revêt certainement une importance majeure pour les élites politiques et que son pendant économique joue un rôle similaire pour les élites économiques, les idées proeuropéennes ont aussi aidé les décideurs à élaborer la « meilleure politique » pour l’Italie dans le domaine macroéconomique. À titre d’exemple, l’orientation proeuropéenne de personnalités de premier plan, telles que Carlo Ciampi et Guido Carli, ont contribué de manière substantielle à la conception de la « stratégie européenne » de l’Italie, fondée sur l’utilisation des régimes monétaires européens en tant que contraintes extérieures propres à entraîner des réformes politiques et des changements institutionnels au niveau national.
10 Cette approche des régimes de change était dans la droite ligne de la théorie des zones monétaires optimales, qui avait cours à cette époque dans le débat macroéconomique international auquel prenaient part les décideurs italiens.
11 Par exemple, Sargent et Wallace (1986) estiment que les autorités budgétaires sont celles qui décident en dernier ressort et que le seul résultat de cette stratégie est une aggravation de l’endettement public.
Auteur
Lucia Quaglia est actuellement Senior Lecturer au Sussex European Institute de l’Université du Sussex. Elle est l’auteur de nombreuses contributions dans plusieurs revues : European Journal of Political Research, Journal of Common Market Studies, Journal of European Public Policy, West European Politics, Governance, Constitutional Political Economy, Comparative European Politics, South European Society and Politics, Moneta and Credito, Banca Nazionale del Lavoro Quarterly Review. Sa thèse de doctorat a été publiée sous le titre Italy and Economic and Monetary Union: The Politics of Ideas, Edwin Mellen Press, NY, 2006.
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