L’enthousiasme du nouveau venu : la politique européenne de l’Espagne (1979‑1992)
p. 183-206
Texte intégral
Introduction
1Après de longues années d’isolement et de longues et difficiles négociations, l’Espagne devient le douzième membre des Communautés européennes le 1er janvier 1986. « C’est toute la nation espagnole qui récupère la plénitude de son histoire », déclare alors le président du gouvernement espagnol, Felipe González, lors de la signature du traité du 12 juin 1985. L’adhésion de l’Espagne aux Communautés européennes peut, en effet, se lire comme une triple récupération : la recherche d’un développement économique renouvelé et accéléré, l’aboutissement du processus de consolidation démocratique entrepris depuis 1975, et enfin le retour de l’Espagne sur la scène européenne et internationale. Pour reprendre la formule de l’écrivain José Ortega y Gasset – prononcée en 1910 –, on peut dire que le thème repose sur une formule : l’Espagne est le problème, l’Europe la solution.
2Ce retour à l’Europe, effectué dans un enthousiasme consensuel du côté espagnol, coïncide avec le processus de relance de la construction européenne des années 1980 et amène à s’interroger sur les premiers pas de ce nouveau venu dans le concert européen, ainsi que sur la position du gouvernement espagnol face au projet de « grand marché » et d’Union Économique et Monétaire (UEM). L’Espagne voit-elle toujours dans ces défis européens une solution à ses propres problèmes ? Quelles sont ses priorités de politique européenne après son adhésion ? Après s’être concentré sur la définition d’une stratégie de négociation pour entrer dans la Communauté Économique Européenne (CEE), le gouvernement espagnol se retrouve confronté à la nécessité de s’adapter à un nouveau contexte devant aboutir à un approfondissement communautaire. Il s’agit donc de s’intéresser aux conceptions et lignes politiques d’action de l’État espagnol face aux enjeux européens des années 1980.
3Deux hypothèses de travail peuvent guider la réflexion. En réalité, l’Espagne tout entière a adopté avec le même enthousiasme le nouveau projet européen, en particulier son volet politique et économique, comme l’illustre son soutien décidé à l’Acte unique de 1986, et le gouvernement espagnol a parfaitement négocié son baptême du feu, notamment lorsque la présidence de la Communauté européenne lui revient au premier semestre 1989. Cette période permet de renforcer le rôle de l’Espagne au sein de la Communauté et le sentiment européen de sa population, mais cette politique obéit essentiellement à une volonté de défendre les intérêts nationaux. Cependant, il ne s’agit pas là du seul axe de la politique européenne de l’Espagne : les relations entre l’Europe communautaire et l’Amérique latine, la volonté d’impulser une politique méditerranéenne au sein de la Communauté, ou encore la définition d’une citoyenneté européenne sont autant de thèmes que tente de promouvoir Madrid à l’intérieur de l’Europe politique, tout en nouant des liens privilégiés avec Paris et Bonn à tel point que certains ont évoqué la constitution d’un « axe Paris-Bonn-Madrid »1.
4Tout au long des années 1980, l’Espagne s’efforce de rapprocher le rythme de son économie de celui qui est nécessaire pour intégrer l’espace unique européen. Si la croissance espagnole est une des plus élevées de la CEE, l’Espagne souffre d’un niveau élevé de chômage (20 % de la population active en 1992) et lutte, avec des mesures drastiques, contre l’inflation (5,4 % en 1992). Cette situation illustre, au fond, les ambiguïtés et limites de la politique européenne de l’Espagne, pays voulant être au centre des décisions politiques mais restant à la marge économique de l’Europe.
I. Retour à l’Europe
A. L’Espagne : un nouveau venu
5L’Europe est au cœur de la politique étrangère de l’Espagne des années 1970-1980, et l’adhésion aux Communautés européennes est la grande affaire de la diplomatie espagnole entre 1979 et 1986. La disparition du régime autoritaire du général Franco est l’occasion d’une redéfinition de la politique européenne du pays2. Un mois seulement après la tenue des élections démocratiques, le gouvernement espagnol a officiellement sollicité son intégration le 28 juillet 1977, puis créé un ministère chargé des relations avec les Communautés européennes confié à Leopoldo Calvo-Sotelo, un proche du président du gouvernement Adolfo Suárez.
6L’institutionnalisation des relations hispano-communautaires s’accompagne d’une longue phase d’identification des problèmes posés par la candidature espagnole aboutissant à la rédaction de nombreux documents de la Commission3. Les négociations d’adhésion, qui se déroulent de 1979 à 1986 selon deux niveaux – des sessions au niveau ministériel et au niveau des suppléants – sont placées dès le début sous le signe des difficultés économiques et techniques, si bien que des incertitudes pèsent sur les relations entre l’Espagne et la CEE.
7D’autre part, la problématique des relations hispano-communautaires dans les années 1980 a révélé des interférences entre questions de politique intérieure et questions de politique étrangère, et des interférences entre relations bilatérales et relations multilatérales. Tous les négociateurs, diplomates et journalistes espagnols ont présenté les négociations hispano-communautaires comme une affaire franco-espagnole4. Le discours du président Giscard d’Estaing du 5 mai 1980, tenu devant l’Assemblée des Chambres d’agriculture françaises5, cristallise les craintes espagnoles : en proposant une « pause » dans les discussions et le règlement des questions laissées en suspens par l’entrée de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et du Danemark avant tout nouvel élargissement – approfondissement avant élargissement –, la France apparaît comme le responsable des retards et blocages des négociations hispano-communautaires6. À cela il faut ajouter l’attitude jugée arrogante de certains dirigeants français qui affectent de parrainer la transition démocratique espagnole, à l’origine de malentendus7.
8Les tensions franco-espagnoles ont porté essentiellement sur les productions méditerranéennes (fruits et légumes, vin de table et huile d’olive). Par crainte de la concurrence agricole espagnole dans ces domaines, mais aussi pour des raisons électorales, le gouvernement français a adopté une attitude prudente et parfois réticente face à l’élargissement de la Communauté à la péninsule ibérique. Il n’est pas exagéré d’affirmer que le lobby agricole français a été à l’origine de cette discorde en réussissant à imposer ses craintes et à faire admettre que l’entrée de l’Espagne était une menace8. Cependant, les autorités françaises ont toujours affirmé le droit à l’Espagne de devenir membre des Communautés ; il n’y a jamais eu de veto français à l’entrée de Madrid, mais au contraire parfois une certaine dramatisation de la position française de la part des Espagnols9.
9Deux idées sont à mettre en exergue au cours de cette phase : d’une part, le pays candidat ne maîtrise absolument pas le calendrier de ses négociations avec la CEE10 ; d’autre part, les Espagnols qui frappent à la porte de la Communauté européenne se présentent avec une certaine inexpérience, voire une relative naïveté11, et la confiance est grande en Espagne – sans doute excessive12 – de voir le pays intégrer rapidement les institutions communautaires13. S’appuyant sur l’exemple du précédent élargissement, les Espagnols espéraient que, une fois passés les obstacles politiques, ils seraient accueillis à bras ouverts par la Communauté européenne. D’où leur profonde déception face à la lenteur des discussions. Toujours est-il que l’Espagne entre dans la Communauté le 1er janvier 1986 et fait figure de néophyte dans le concert européen, en apportant sa fraîcheur mais aussi son enthousiasme proeuropéen.
B. La profession de foi européenne de l’Espagne
10Tout au long des années 1979-1992, le gouvernement espagnol n’a jamais cessé de proclamer sa foi dans une Europe soudée et unie sur le plan politique et économique. Il ne faut pas s’y tromper cependant : pour les Espagnols, la CEE constitue avant tout un enjeu de politique intérieure et le discours sur l’Europe suit en réalité trois objectifs précis.
11L’entrée dans la Communauté européenne est d’abord perçue comme un objectif économique fondamental. Le maître mot est la modernisation du pays. Ce point mérite d’être souligné : il est totalement différent du constat que dressent les socialistes grecs ou portugais à la même époque14. Les socialistes espagnols – au pouvoir de 1982 à 1996 – se sont lancés à partir d’octobre 1982 dans un programme économique d’austérité destiné à lutter contre l’inflation sous la conduite du ministre de l’Économie et des Finances, Miguel Boyer, dont le pendant en politique étrangère est l’entrée dans la CEE et la participation active à la construction européenne15. En intégrant le Marché commun, le gouvernement cherche à améliorer la compétitivité de l’économie espagnole, à rattraper le retard par rapport à l’Europe occidentale et à trouver des débouchés commerciaux afin de consolider les positions acquises sur le marché des Dix. Cette politique n’est pas sans heurter les syndicats espagnols avec lesquels des tensions apparaissent, et elle provoque les craintes de certaines organisations patronales16. La logique des échanges espagnols pousse à l’entrée dans le Marché commun. Depuis le retour de la démocratie en Espagne, le niveau des échanges avec la Communauté a fait apparaître une nette amélioration de la position espagnole : le taux de couverture des échanges ne cesse de progresser au profit de l’Espagne passant de 77,8 % à 95,3 % entre 1977 et 1982. Le solde de la balance commerciale hispano-communautaire devient même excédentaire en faveur de l’Espagne à partir de 1983.
12D’autre part, dans le discours du gouvernement socialiste, l’entrée dans la Communauté représente un enjeu fondamental de consolidation démocratique. L’alternance d’octobre 1982 a marqué symboliquement la fin de la transition démocratique en Espagne : il s’agit maintenant de consolider la démocratie. Après le coup d’État manqué du lieutenant-colonel Tejero de février 1981 qui a fait peser une sérieuse menace sur la monarchie, Felipe González entend enraciner la démocratie espagnole en la faisant entrer dans l’Europe communautaire. Dans ce contexte, l’Europe est perçue comme un facteur pouvant consolider et renforcer le système démocratique espagnol17. En réalité, ce discours se situe dans la lignée de l’européisme espagnol forgé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et à la suite du congrès européen de Munich de 1962, notamment au sein des élites politiques, sociales et intellectuelles qui ont préparé l’après-franquisme et érigé l’Europe comme un objectif idéal. Projet démocratique et projet européen sont donc indissolublement liés18.
13Solution aux problèmes économiques et politiques, l’entrée de l’Espagne dans la CEE apparaît enfin comme une solution de politique étrangère. La question de l’entrée dans la Communauté européenne pose la question de la place de l’Espagne sur la scène internationale. Animé par le souci de sortir définitivement le pays de son isolement et de le replacer au cœur des préoccupations européennes, le gouvernement espagnol fait de l’entrée dans la CEE une priorité absolue, et Felipe González en fait un thème prioritaire dans ses conversations avec ses homologues européens19. Pour l’ensemble des dirigeants politiques et la quasi-totalité des diplomates espagnols, la politique étrangère du pays aura plus de poids si l’Espagne appartient à la Communauté européenne et, à l’intérieur du Marché commun, l’Espagne pourra également participer pleinement à l’élaboration des normes communautaires20. La stratégie et la détermination des Espagnols expliquent ainsi, en grande partie, la résolution des problèmes et la réussite des négociations. Elles font apparaître des solidarités politiques, diplomatiques, parlementaires et même monarchiques, et elles s’appuient également sur un large consensus favorable à l’Europe.
C. « Le consensus à l’espagnole »
14Un large consensus en faveur de l’entrée dans la CEE est apparu en Espagne. De 1975 à 1982, le consensus est un élément structurant de la société et de la vie politique espagnoles post-franquistes : il s’exprime tant sur le plan institutionnel qu’en matière de politique économique ou étrangère. Cette culture du consensus s’exprime de façon remarquable à propos de l’entrée dans l’Europe communautaire, et l’Europe devient un ciment de la politique étrangère espagnole. Contrairement à la Grèce ou au Portugal, un consensus complet dépassant tous les clivages s’est formé en Espagne en exerçant un véritable tropisme21. Le consensus espagnol sur l’Europe revêt trois dimensions : un consensus social, dans la mesure où l’opinion publique dit « oui » à l’entrée dans l’Europe ; un consensus politique, dans la mesure où l’ensemble de la classe politique dit unanimement « oui » aux Communautés européennes ; enfin, un consensus économique, dans la mesure où les acteurs et élites économiques disent « oui » au Marché commun. Le choix européen de l’Espagne n’est donc pas un choix par défaut.
15Ce consensus est particulièrement apprécié en Espagne et en Europe. Même si des critiques apparaissent à propos de la méthodologie22, l’ensemble des forces politiques est favorable à l’action du gouvernement à travers des déclarations et résolutions adoptées à l’unanimité aux Cortès. Le consensus espagnol en faveur de l’entrée dans les Communautés européennes se mesure aussi à travers les nombreuses enquêtes d’opinion menées entre 1976 et 1986. Felipe González souhaite ainsi faire entendre aux Européens que les Espagnols sont unanimes et que cette unanimité ne doit pas être frustrée. Mais ce « consensus à l’espagnole » a aussi des limites. Par son caractère global, unanime et unificateur, il acquiert une dimension quasi mythique et empêche pratiquement tout débat au sein de la société espagnole. Spontané, le consensus est aussi opportuniste, dans la mesure où chaque groupe réagit en fonction de ses propres intérêts. On ne saurait oublier, en même temps, que l’appartenance à l’Europe communautaire constitue un brevet de démocratie incontestable permettant, parfois, à des hommes politiques trop proches du régime franquiste de se « dédouaner » après 1975.
II. La politique européenne de l’Espagne après l’adhésion : l’euro-enthousiasme et la défense des intérêts nationaux
A. Les premiers pas de l’Espagne dans l’Europe communautaire : une normalisation
16Tout au long des années 1986-1989, la politique européenne de l’Espagne est presque entièrement consacrée à la transposition de quelque 800 directives européennes dans le droit espagnol, et à l’adaptation des changements consécutifs au traité d’adhésion et à l’Acte unique européen. Avec l’entrée dans la Communauté européenne, l’Espagne retrouve sa place en Europe et les relations entre l’Espagne et l’Europe se normalisent23.
17Le traité d’adhésion de l’Espagne aux Communautés européennes24 – signé le 12 juin 1985 – peut être considéré comme un traité classique prenant pour modèle les précédents traités d’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark. Il faut en réalité distinguer deux instruments d’adhésion : d’abord, le traité proprement dit, très court, composé seulement d’un préambule et de trois articles, l’acte, ensuite, beaucoup plus dense, qui contient « l’essentiel de la substance du traité d’adhésion »25. Cet acte d’adhésion comporte au total 403 articles, 36 annexes, 25 protocoles, un acte final, 33 déclarations communes annexes et 5 parties. Le texte reflète les principaux thèmes des négociations qui ont fait l’objet d’âpres discussions. À elles seules, l’agriculture et la pêche absorbent 110 des 403 articles. Derrière l’expression « traité d’adhésion » se cache donc une grande variété de documents qui régissent l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans les Communautés européennes.
18Il ne nous appartient pas de commenter ici en détail le traité d’adhésion de l’Espagne aux Communautés européennes : plusieurs ouvrages y ont consacré une étude exhaustive26. En revanche, on peut s’interroger sur le résultat des négociations. Le contenu et l’analyse sectorielle du traité font apparaître trois grands principes.
19Le traité d’adhésion règle, tout d’abord, la question de la participation de l’Espagne aux institutions européennes. Si le Portugal est traité sur le même plan que les Pays-Bas, la Grèce ou la Belgique, l’Espagne est considérée comme un pays intermédiaire entre les petits pays de la Communauté et les quatre « grands » (Allemagne, France, Italie, Grande-Bretagne). L’Espagne obtient 8 voix au Conseil des ministres de la Communauté contre 10 aux quatre « grands »27, et 60 sièges au Parlement européen contre 81 aux « grands ». Au sein de la Commission, l’Espagne obtient deux fauteuils de commissaires au même titre que la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Italie, alors que le Portugal n’en obtient qu’un seul. L’Espagne dispose également d’un magistrat au sein de la Cour de justice, un magistrat au sein de la Cour des comptes comme tout État membre, 21 représentants au Comité économique et social contre 24 aux quatre « grands ».
Tableau 1. L’acte d’adhésion de l’Espagne aux Communautés européennes
Principaux chapitres | Articles |
Principes | Articles 1 à 9 |
L’Espagne, les institutions communautaires et l’adaptation des traités | Articles 10 à 29 |
Libre circulation des marchandises industrielles, dispositions douanières générales, désarmement tarifaire et douanier | Articles 30 à 53 |
Relations entre l’Espagne et le Portugal | Articles 54, 189 à 377 |
Libre circulation des personnes | Articles 55 à 60 |
Libre circulation des capitaux | Articles 61 à 66 |
Agriculture | Articles 67 à 153 |
Pêche | Articles 154 à 176 |
Relations extérieures | Articles 177 à 183 |
Questions financières et budgétaires | Articles 184 à 188 |
Autres dispositions transitoires | Articles 378 à 380 |
Dispositions relatives à l’application du traité | Articles 381 à 403 |
Source : Élaboration personnelle d’après l’acte d’adhésion de l’Espagne
20Le traité d’adhésion permet ensuite d’inclure l’économie espagnole dans le Marché commun, c’est-à-dire dans l’union douanière communautaire. Il prévoit la libre circulation des marchandises et des personnes, la suppression mutuelle totale des obstacles tarifaires, douaniers et contingentaires, et le gouvernement de Madrid doit aligner progressivement ses tarifs douaniers sur ceux de la Communauté et pratiquer le système de la préférence communautaire. L’économie espagnole s’intègre, d’autre part, à la Politique Agricole Commune (PAC) et à la politique communautaire en matière de pêche28. C’est donc toute la politique industrielle, agricole, commerciale et douanière espagnole qui s’en trouve modifiée.
21Enfin, le traité prévoit diverses exceptions et crée des dispositions transitoires afin d’intégrer progressivement l’économie espagnole dans le Marché commun. La majeure partie de l’acte d’adhésion est d’ailleurs consacrée aux mesures transitoires : pas moins de 353 articles. Dans la plupart des cas, la période de transition retenue est de sept ans, mais elle peut aller jusqu’à dix ans dans le cas de produits agricoles comme les fruits et légumes frais. L’adhésion de l’Espagne n’est donc définitive qu’au 1er janvier 199629. Ainsi, un calendrier précis de désarmement tarifaire mutuel et graduel est retenu dans le domaine industriel. À l’exception de certains produits, il prévoit des réductions successives de 10 % la première30 et la dernière année, de 15 % pour la troisième et quatrième année, et de 12,5 % pour les autres années. L’Espagne accepte, dans le même temps, l’ensemble de l’acquis communautaire et les grands principes des traités de Rome. Elle se voit notamment obligée d’introduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dès janvier 198631.
22L’Espagne se situe donc en cinquième position par son poids et son importance dans les institutions européennes, c’est-à-dire dans une position intermédiaire juste derrière les « quatre grands » (Allemagne, France, Italie, Grande-Bretagne) et devant les « petits » États (Pays-Bas, Belgique, Irlande, Portugal). C’est le plus petit des « grands » et le plus grand des « petits »32. Cette position conditionne et détermine l’attitude du gouvernement espagnol face aux mutations européennes des années 1980.
23En 1986, Felipe González peut se féliciter d’avoir tenu sa promesse de conclure les négociations d’adhésion avant la fin de la législature. Il s’agit d’une victoire pour le président du gouvernement espagnol qui obtient la même année un succès identique lors du référendum sur le maintien dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) approuvé par 52,53 % des Espagnols avec un taux de participation de 59,73 %. Ce résultat rassure les chancelleries européennes et renforce la crédibilité internationale de González. Celui-ci promet de travailler pour la paix dans le monde33. En 1989, l’Espagne devient membre de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO). Après son entrée dans l’Europe communautaire et avec la confirmation de sa participation à l’Alliance atlantique et à la défense européenne, l’Espagne affiche une politique extérieure que certains jugent « cohérente et équilibrée »34, en tout cas, normalisée et dénuée d’ambiguïté.
Tableau 2. Rythme de réduction tarifaire mutuelle dans le domaine industriel et rapprochement progressif des droits de douane espagnols au tarif douanier commun
Année | % de réduction | % accumulé |
1986 | 10 | 10 |
1987 | 12,5 | 22,5 |
1988 | 15 | 37,5 |
1989 | 15 | 52,5 |
1990 | 12,5 | 65 |
1991 | 12,5 | 77,5 |
1992 | 12,5 | 90 |
1993 | 10 | 100 |
Source : Élaboration personnelle
B. Définition et objectifs de la politique européenne de l’Espagne
24Une fois l’Espagne entrée dans l’Europe, deux grands principes guident la position du gouvernement espagnol tout au long des années 1986-1992 dans sa politique européenne.
25La stratégie espagnole repose d’abord sur une idée simple : la défense et la promotion des intérêts nationaux au sein de la Communauté. Concrètement, cela amène les Espagnols à suivre trois objectifs principaux à Bruxelles : augmenter le poids relatif de l’Europe du Sud en tentant d’obtenir de meilleures ressources financières ; obtenir un traitement plus favorable en tant que pays moins développé en Europe, grâce à des dérogations et à l’extension des délais d’application des normes communautaires ; renforcer les liens de la CEE avec le Sud de la Méditerranée et les pays de l’Amérique latine35. Cette stratégie conduit le gouvernement espagnol à défendre les initiatives de la Commission notamment lors des discussions sur le budget communautaire et à propos du Marché unique. Ainsi le gouvernement espagnol parvient-il à obtenir le doublement des ressources assignées aux fonds structurels en 198836 avec une nette amélioration du solde financier en faveur de l’Espagne. Les Espagnols estiment en effet que la création du « grand marché » interne aurait pour conséquence de creuser le fossé entre pays riches et pays pauvres au sein de la Communauté, ce qui légitime la recherche d’un plus grand « équilibre Nord-Sud » et la revendication de mesures destinées à favoriser la cohésion économique et sociale de la Communauté. Homme d’expérience, fin connaisseur du fonctionnement et des milieux communautaires, l’ambassadeur Carlos Westendorp résume ainsi cette idée :
« Nous avions toujours une économie protégée. Notre principale tâche a été essentiellement de convaincre les secteurs espagnols que l’ouverture économique allait être un avantage pour eux. D’autre part, à Bruxelles, nous devions défendre pied à pied des questions qui avaient été mal résolues dans le traité, le thème de la pêche ou de l’agriculture par exemple. Et en effet, le traité a été renégocié sur certains points, comme les périodes transitoires. […] Les années 1986 et suivantes coïncidaient aussi avec une période d’euro-enthousiasme et d’optimisme économique. L’entrée de l’Espagne et du Portugal dynamise encore plus ce processus. […] Ce que nous voulions – et que nous voulons toujours –, c’était le meilleur pour l’Europe, car c’est toujours le meilleur pour l’Espagne. Nous ne voyons aucun inconvénient à être membres de l’Europe, au contraire […] et nous, socialistes, nous pensons que l’alliance avec l’Allemagne et la France est fondamentale »37.
26Le second grand principe de la politique européenne espagnole tout au long des années 1986-1992 est le soutien aux initiatives de Paris et de Bonn afin de promouvoir l’intégration européenne. Consciente de sa position d’État « moyen » au sein de la Communauté, l’Espagne de Felipe González cherche quasi systématiquement à se positionner aux côtés du couple franco-allemand. Les Espagnols considèrent que la France et l’Allemagne sont les deux grands moteurs de la construction européenne et que l’Espagne a tout intérêt à soutenir leurs initiatives afin d’en tirer le maximum de bénéfices en terme de politique étrangère et de politique économique. Ce soutien stratégique aboutit à la constitution d’un axe Paris-Bonn-Madrid que Felipe González définit et justifie en ces termes :
« Il y avait un très haut degré d’entente entre un groupe de dirigeants qui est devenu le moteur de la construction européenne. C’était une espèce d’accord non écrit Bonn-Paris-Madrid. […] Le Benelux soutenait presque toujours cette politique, et le noyau en était Jacques Delors, à travers ses constantes initiatives en tant que président de la Commission. Mitterrand passait au-dessus des détails, il faisait le discours. Kohl impulsait avec une force irrésistible et moi, j’étudiais les dossiers à fond. Lorsque Delors avait épuisé tous ses arguments et se confrontait à Margaret Thatcher, nous intervenions toujours pour soutenir ses propositions. C’était systématique. Les Italiens se joignaient souvent à nous, mais toujours limités par leurs crises qui provoquaient une sérieuse perte de leur poids […]. Ce groupe, plus qu’un axe, a fonctionné de façon permanence à tel point que, à partir de 1988, il y eut une coordination discrète entre Bonn, Paris et Madrid. Nous avions un lien permanent entre la présidence de la République française, la chancellerie allemande et la présidence espagnole. Cela a disparu en 1996 avec notre départ du Gouvernement »38.
C. « Un saut qualitatif »
27L’entrée dans la CEE a permis un « saut qualitatif »39 de l’économie espagnole. Durant les dix premières années de l’adhésion, la croissance espagnole s’est établie à 3 % par an en moyenne et le revenu par habitant a augmenté en moyenne de 41 %, entraînant une progression du pouvoir d’achat des Espagnols. Les investissements étrangers en Espagne sont passés de 330,4 à 2 354,9 millions de pesetas entre 1985 et 1994. Les forts taux d’intérêt pratiqués par Madrid ont permis l’entrée de devises, si bien qu’en 1992, l’Espagne est devenu le troisième pays au monde en réserves de devises, juste après le Japon et Taiwan. L’intégration de l’Espagne dans la CEE a également entraîné une profonde transformation de son appareil productif. Le gouvernement espagnol a su tirer parti des fonds de cohésion communautaires. Ces derniers ont amené une amélioration des infrastructures et le solde financier de l’Espagne avec l’Union européenne s’est avéré positif à hauteur de plus de 3 milliards de pesetas40.
28Mais l’adaptation de l’Espagne aux conditions de l’acquis communautaire a eu un coût économique, social et même culturel. L’agriculture espagnole a payé un prix fort en intégrant la politique agricole commune, notamment dans le secteur de l’élevage et des produits laitiers. Les éleveurs du Nord du pays ont dû réduire drastiquement leur production face à la concurrence européenne et à la situation de saturation des marchés, tandis que les agriculteurs du Sud ont subi la concurrence de leurs voisins méditerranéens, français, italiens et grecs. Le secteur de la pêche a également rapidement déchanté. Certes, en participant à la politique communautaire, l’Espagne a eu accès aux zones de pêche communautaires41, mais elle a dû réduire sa participation au total annuel des captures (TAC) à hauteur de 30 % et restructurer sa flotte afin de se conformer aux normes communautaires en vigueur, notamment en matière de quantité et de taille des bateaux. Enfin, à la suite de la libéralisation du commerce extérieur espagnol, le déficit commercial espagnol a été multiplié par quatre entre 1985 et 1987 et la balance commerciale espagnole vis-à-vis de la CEE est devenue déficitaire à partir de 1986, situation qui s’est lentement dégradée jusqu’en 1992.
29Dans le même temps, l’opinion publique espagnole commence à prendre la mesure des efforts et sacrifices demandés, et l’euro-enthousiasme des années 1980 laisse peu à peu la place à un certain désenchantement vis-à-vis de l’Europe communautaire. Celui-ci se ressent au travers de plusieurs sondages réalisés à partir de 1987 qui indiquent tous une baisse du nombre de satisfaits à l’égard de l’entrée dans la CEE. Ainsi, alors qu’ils sont encore 63 % à considérer comme une bonne chose l’appartenance à l’Europe communautaire, 58 % des Espagnols estiment dès 1987 que leur pays n’a tiré aucun bénéfice de l’adhésion42. Les Espagnols mesurent le coût de l’intégration et ne constatent aucune amélioration de leur condition de vie à court terme, tandis que le chômage en Espagne est l’un des plus élevés de la Communauté (20 % en 1992). Certains hommes politiques, critiquant une entrée à tout prix et précipitée dans la CEE – comme le leader de l’opposition de droite Manuel Fraga –, font publiquement savoir qu’ils demanderont une renégociation du traité d’adhésion s’ils accèdent au pouvoir43. L’Espagne fait la découverte de l’euroscepticisme44. Il ne faudrait pas oublier, toutefois, que les mécontents de l’Europe restent largement minoritaires et que le gouvernement espagnol, profondément européiste, est soutenu par la population. Les socialistes sont brillamment réélus en 1986 et 1989. Quoi qu’il en soit, le processus d’intégration européenne est diversement apprécié en Espagne.
III. De la Communauté à l’Union : l’Espagne et la « chevauchée européenne »
A. La participation de l’Espagne à la relance européenne des années 1980
30Décrivant les grandes réalisations européennes des années 1980 – Acte unique, politiques de cohésion, budgets pluriannuels, projet d’Union Économique et Monétaire (UEM) et traité de Maastricht –, Felipe González parle de « la chevauchée européenne »45. Le premier jalon de cette « chevauchée » est constitué par l’Acte unique auquel l’Espagne a indirectement contribué. Entre juillet et décembre 1985, Madrid participe aux délibérations communautaires en tant qu’observateur, statut résumé par la formule : « avec une voix, mais sans vote »46. On applique à l’Espagne la procédure dite de coopération, établie pour la première fois avec le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, prévoyant que, au cours de cette phase, le pays peut exprimer ses positions mais ne peut pas prendre part au vote.
31L’activité des Espagnols n’en est pas moins importante. Dès février 1984, l’Espagne et le Portugal ont été invités à prendre part au processus de réforme institutionnelle et les délibérations des ministres des Affaires étrangères des Dix leur ont été communiquées par une troïka composée du président en cours du Conseil, de son prédécesseur et du ministre qui lui succédera dans cette fonction47. Les Espagnols participent au Conseil européen de Milan en juin 1985. Jacques Delors revient en ces termes sur la place des pays ibériques lors de ces deux journées décisives :
« L’Espagne et le Portugal participaient [au Conseil de Milan] en tant qu’observateurs et pourtant, j’avais le sentiment qu’ils faisaient partie de la famille depuis toujours, tant leurs interventions s’intégraient sans surprise, sans faute de goût, sans trace d’incompétence ou d’ignorance de l’histoire. Felipe González et Mario Soares s’exprimaient sobrement en ayant conscience de leur condition d’observateurs, mais dans le bon sens »48.
32Le président du gouvernement, Felipe González, et son ministre des Affaires étrangères participent ensuite aux travaux de la conférence intergouvernementale qui s’ouvre le 9 septembre sous présidence luxembourgeoise à la suite des propositions du « comité Dooge ». L’objectif est de faire progresser l’Union européenne par l’élaboration d’un traité sur la politique extérieure et de sécurité et la mise en place d’un véritable marché intérieur intégré, ce qui passe par une modification des traités49. Au sein de cette conférence intergouvernementale, une ligne de partage se dessine entre des pays décidés à avancer vers l’Union européenne – Benelux, Italie – et ceux qui restent plus sceptiques face à ce projet – Royaume-Uni, Danemark, Grèce. L’Espagne adopte des positions très proches des pays les plus favorables au processus d’intégration européenne, tout en appuyant la position des pays membres les moins développés, comme la Grèce, désireux de diminuer les différences entre les niveaux de développement au sein de la Communauté50. Le Conseil européen de Luxembourg des 2 et 3 décembre 1985 finit par approuver une série de textes regroupés sous l’appellation d’« Acte unique » modifiant le traité de Rome sur le marché intérieur, l’union monétaire, la cohésion, les institutions, la recherche et le développement technologique, l’environnement, ou encore la politique sociale51. C’est donc toute la mise en route du grand marché unique qui est engagée au cours du deuxième semestre 1985, et la voix de l’Espagne s’est fait entendre dans un sens très favorable à la constitution de ce marché.
33Par ailleurs, entre la signature du traité et l’entrée officielle de l’Espagne dans la CEE, l’Europe communautaire continue à adopter des textes et à produire de « l’acquis communautaire », notamment dans le domaine des relations avec les pays « ACP » (Afrique, Caraïbes, Pacifique), avec ceux du bassin méditerranéen et avec les membres de l’Association Européenne de Libre-Échange (AELE). Or, pendant les négociations, l’Espagne a accepté l’acquis communautaire non pas jusqu’à la date de la signature du traité, le 12 juin 1985, mais jusqu’à l’entrée en vigueur de celui-ci, le 31 décembre 1985. Sur les nombreux thèmes évoqués au cours du second semestre 1985, l’Espagne se range quasi systématiquement derrière les avis de la Commission présidée par Jacques Delors et les positions française et allemande, mais sans jamais perdre de vue ses propres intérêts52. Le 3 mars 1987, les Cortès espagnoles ratifient l’Acte unique européen à la quasi-unanimité (271 voix favorables, une seule contre).
B. Le nouveau contexte européen et la première présidence espagnole de la CEE
34Avant même d’entrer officiellement dans l’Europe communautaire, l’Espagne est déjà perçue comme un pays très européiste53. De façon générale, elle a rapidement acquis l’image d’un pays sérieux, stable et efficace en termes politique et administratif, réussissant à inspirer la confiance des investisseurs potentiels malgré le contexte de morosité économique. Ce succès est dû à la conjugaison de l’action du gouvernement et des efforts des acteurs économiques.
35Dès 1986, les élites politiques, administratives et économiques ont fait le pari de l’intégration européenne, essentiellement pour des raisons pragmatiques. Le gouvernement s’est attaché à l’intégration de la peseta dans le Système Monétaire Européen (SME), nouvelle étape importante dans la politique européenne de l’Espagne. L’analyse faite par les Espagnols consiste à dire qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages à rester en dehors du SME. La participation au SME suppose une discipline imposée par le mécanisme de changes aux pays membres et favorise le contrôle de l’inflation, priorité économique du gouvernement espagnol. En même temps, le système pivote autour de la monnaie la plus forte, le mark, et oblige les autres pays à s’aligner sur la politique économique allemande privilégiant la stabilité à la croissance, ce dont l’Espagne pouvait difficilement se permettre. Mais le président du gouvernement espagnol en profite pour demander une plus grande aide économique en faveur des pays les plus pauvres de la Communauté au nom de la solidarité communautaire. Ainsi, la politique de stabilité de la peseta s’est trouvée renforcée par son entrée dans le SME le 19 juin 1989.
36Il faut également souligner le rôle de la Banque d’Espagne qui a œuvré comme un promoteur de l’intégration économique du pays dans l’Europe. Plusieurs études menées par cet organisme ont, à de nombreuses reprises, souligné la nécessité pour l’Espagne de participer dès le début à l’Union économique et monétaire54. Les dirigeants bancaires espagnols estiment que l’Espagne se doit de peser sur les grandes décisions européennes et considèrent, là encore, qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages à rester en dehors de l’UEM. D’où, plus tard, la mise en place d’une politique économique tournée vers le respect des critères de convergence de Maastricht.
37Toutefois, le changement radical qu’a connu la société internationale après la chute du mur de Berlin a affecté la marge de manœuvre du gouvernement espagnol. La fin de la guerre froide, la réunification allemande et les nouvelles perspectives d’élargissement de la Communauté au Nord et à l’Est ont fait réapparaître en Espagne la crainte d’une marginalisation et d’un rejet à la périphérie de l’Europe. C’est dans ce contexte que l’Espagne assume pour la première fois la présidence de la Communauté européenne au premier semestre 1989. Cette présidence va se révéler fondamentale. Le gouvernement espagnol y fait la preuve de ses capacités institutionnelles et de sa volonté d’avancer vers le « grand marché ». À l’issue du Conseil européen de Madrid qui clôt cette présidence les 26 et 27 juin, une série de décisions sont prises ou annoncées, notamment sur l’Union économique et monétaire (suite au rapport du comité Delors), sur la nécessité de respecter l’équilibre entre les aspects sociaux et les aspects économiques de la construction du Marché unique, et sur la suppression totale et définitive des droits de douane aux exportations espagnoles et portugaises. Les Européens décident également que la première phase de la réalisation de l’UEM devra démarrer le 1er juillet 1990 et que l’Espagne devra présider à partir du 1er juillet 1990 l’Eurogroupe, organisme européen créé en 1968 pour mettre en marche un système de défense européenne compatible avec l’OTAN. En revanche, malgré d’âpres discussions, aucun accord n’est trouvé sur le projet d’une « charte communautaire des droits fondamentaux ».
C. L’Espagne face aux défis du grand marché et de l’Union européenne
38La position de l’Espagne face aux défis du « grand marché » et à la naissance de l’Union européenne suit trois objectifs : un objectif prioritaire, un objectif de prestige et un objectif européiste55.
39La défense d’une Europe de la cohésion économique et sociale constitue l’objectif prioritaire du gouvernement espagnol au début des années 1990. Felipe González en a fait une condition de l’accord de l’Espagne à l’Union économique et monétaire. Le président du gouvernement s’est montré très déterminé et combatif sur ce sujet et n’hésite pas à brandir la menace d’un veto si l’Espagne n’obtient pas entière satisfaction. Il considère le principe de solidarité entre les États européens comme essentiel, d’autant plus que les pays en retard de développement au sein de la Communauté – dont l’Espagne – souhaitent entrer dans l’UEM et remplir les conditions imposées. Sur ce thème qui revêt pour l’Espagne une importance cruciale, la discussion qui se déroule à Maastricht en décembre 1991 est serrée et difficile. Felipe González réclame le redoublement des dotations financières des fonds structurels et la création et le financement d’un fonds de cohésion. Concrètement, il demande que les pays dont le PNB est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire puissent bénéficier de l’aide du nouveau Fonds de cohésion économique et social, en argumentant qu’il s’agit d’aider et de compenser les efforts des pays à s’adapter à l’UEM. La proposition espagnole concerne ainsi seulement l’Espagne, l’Irlande, la Grèce et le Portugal, et exclut l’Italie dont le PNB se situe à 105 % de la moyenne communautaire mais dont la situation du Mezzogiorno se situe bien en dessous. Grand avocat de la solidarité, Felipe González obtient finalement satisfaction : un Fonds de cohésion est créé et consacré au financement des grandes infrastructures européennes et aux investissements pour la protection de l’environnement. En contrepartie, pour bénéficier de ce Fonds, les candidats doivent présenter un programme de convergence économique démontrant leur intention de rattraper leur retard de développement économique et de respecter les critères de convergence prévus pour l’UEM. « Au total, un grand succès pour Felipe González »56. À l’issue du Conseil européen d’Édimbourg de décembre 1992, l’ensemble des crédits alloués à la cohésion – politiques structurelles et fonds de cohésion proprement dit – est fixé autour d’une moyenne annuelle de 25 milliards d’euros, contre 13 milliards pour le paquet Delors I de février 198757. Ce résultat, qui est loin d’être négligeable pour l’Espagne, a démontré que le gouvernement espagnol était un acteur habile et de premier plan au sein de la Communauté.
40Le second grand objectif de la politique européenne de l’Espagne est un objectif de prestige : il s’agit de promouvoir l’idée d’une Europe des citoyens. Pour Felipe González, la citoyenneté européenne est un objectif tout aussi important que l’UEM et le concept de citoyenneté européenne apparaît comme le pendant politique d’une Europe trop centrée sur les problèmes économiques, et le prolongement nécessaire du rapport Spinelli. Dans une lettre adressée le 4 mai 1990 au président en exercice de la Communauté, le Premier ministre irlandais Charles J. Hausghey, le président du gouvernement espagnol écrit :
« À mon avis, l’union politique consiste de façon primordiale à transformer un espace de caractère jusqu’à maintenant essentiellement économique, pensé pour garantir la libre circulation de travailleurs, de services, de capitaux et de marchandises, en espace commun intégré, dont le citoyen européen serait le protagoniste58. »
41Enfin, le dernier grand objectif de la politique européenne de l’Espagne est un objectif européiste : le soutien à la mise en place d’une Politique Extérieure et de Sécurité Commune (PESC). Sur ce point, Madrid a appuyé les propositions franco-allemandes. La position espagnole reflète assez bien la normalisation et l’insertion obtenues par le pays en matière de sécurité occidentale – intégration dans l’OTAN et l’UEO, participation à la guerre du Golfe en 1991 – ainsi que sa volonté de jouer un rôle majeur sur un plan international. Au total, la contribution de l’Espagne à la PESC a, certes, été limitée, mais non moins pragmatique. Au sein de la Communauté, Madrid a tenté de promouvoir les relations entre l’Europe communautaire et l’Amérique latine, et d’impulser une politique méditerranéenne. Ces initiatives rejoignent d’ailleurs les préoccupations plus traditionnelles de la politique étrangère espagnole59. De façon générale, l’adhésion de l’Espagne aux Communautés européennes entraîne une reconsidération de sa politique à l’égard de l’Amérique latine et Madrid tente de créer des liens privilégiés entre l’Europe et l’Amérique latine60. D’autre part, le gouvernement socialiste espagnol parraine le retour à la démocratie de certains États ou bien l’insertion de certains partis politiques d’Amérique centrale dans l’Internationale socialiste, comme le Front sandiniste de libération nationale de Daniel Ortega61. Quant aux pays arabes, l’Espagne entretient avec eux des relations traditionnelles d’amitié, tout particulièrement avec les pays du pourtour méditerranéen. N’oublions pas non plus le poids de l’Espagne dans la zone méditerranéenne. Le Conseil européen de Madrid de juin 1989 s’est terminé par une déclaration sur le Proche-Orient, et c’est à Madrid que s’est tenue en octobre 1991 la Conférence internationale sur la paix au Proche-Orient amorçant un processus de paix entre Palestiniens et Israéliens.
Conclusion
42Les premiers pas de l’Espagne dans la CEE ont été décisifs à la fois pour l’Espagne et pour l’Europe. Le gouvernement espagnol a mené une politique proeuropéenne enthousiaste entre 1986 et 1992, sorte de fuite en avant européiste, par conviction d’abord, et pour prouver ensuite sa bonne foi européenne. N’oublions pas que la non-participation à la construction européenne a été vécue comme une frustration par une grande partie des Espagnols, et que le gouvernement de Felipe González apparaît comme profondément européen. Cette politique est aussi teintée de pragmatisme : elle répond à des objectifs économiques et diplomatiques précis. L’UEM est perçue comme une nécessité pour l’économie du pays et les questions européennes sont étudiées à travers le prisme des intérêts nationaux. D’autre part, la politique décidée de soutien aux initiatives du couple franco-allemand semble la meilleure pour se rapprocher du centre décisionnel de l’Europe. Il ne faut pas perdre de vue, enfin, que les initiatives du gouvernement espagnol s’appuient sur un large consensus en faveur de l’Europe. Un autre exemple en est donné par la ratification du traité de Maastricht devant les Cortès : le 29 octobre 1992, les parlementaires espagnols approuvent le traité avec 314 voix pour, seulement 3 contre et 8 abstentions.
43Cette politique a en grande partie porté ses fruits et les Espagnols ont tiré des bénéfices de leur entrée dans la Communauté. Le gouvernement de Madrid a effectué un spectaculaire retour sur le devant de la scène internationale et toute une génération d’Espagnols retrouve l’Europe et ses institutions. En témoigne la présence de personnalités espagnoles à la tête d’organisations ou de missions européennes ou intergouvernementales : citons, à titre d’exemple, les noms de Manuel Marín, vice-président de la Commission européenne, Javier Solana, secrétaire général de l’OTAN puis chargé de la politique étrangère de sécurité commune (PESC), Enrique Barón Crespo et José María Gil-Robles, présidents du Parlement européen de Strasbourg, ou encore Miguel Ángel Moratinos, envoyé spécial de l’Union européenne pour le Proche-Orient.
Notes de bas de page
1 Felipe González, Juan Luis Cebrián, El futuro no es lo que era, Madrid, Aguilar, 2001, p. 143.
2 Antonio Moreno Juste, España y el proceso de construcción europea, Ariel, Barcelone, 1998, pp. 73-74.
3 Cf. Commission des Communautés européennes, Réflexions d’ensemble relatives aux problèmes de l’élargissement, communication de la Commission au Conseil, Bruxelles, doc. COM (78) 120 final, 19 avril 1978 ; Avis de la Commission au Conseil sur la demande d’adhésion espagnole et Annexes statistiques, Bruxelles, doc. COM (78) 630 final, 29 novembre 1978 ; Problèmes de l’élargissement : inventaire et propositions. Communication de la Commission au Conseil européen, Copenhague, 3 et 4 décembre 1982, Bruxelles, doc. COM (82) 757 final, 12 novembre 1982.
4 Marcelino Oreja, Tres Vascos en la política exterior de España, Real Academia de Ciencias Morales y Políticas, Madrid, 2001 ; Leopoldo Calvo-Sotelo, Memoria viva de la transición, Plaza y Janés/Cambio 16, Barcelone, 1990 ; Raimundo Bassols, España en Europa. Historia de la adhesión a la C.E.E. 1957-1985, Estudios de Política Exterior, Madrid, 1995 ; Ramón-Luis Acuña, Como los dientes de una sierra. Francia y España de 1975 a 1985, una década, Plaza y Janés, Barcelone, 1986.
5 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE-E), R 17896, Exp. 1, allocution prononcée par M. Valéry Giscard d’Estaing devant l’assemblée permanente des Chambres d’agriculture, 5 juin 1980.
6 Les journalistes espagnols vont jusqu’à qualifier la position de la France, entraînant une pause dans les négociations, de « giscardazo » (« coup de Giscard »). Cf. José Mario Armero, Política exterior de España en democracia, Espasa-Calpe, Madrid, 1989, pp. 76-81 ; R. L. Acuña, Como los dientes…, op. cit.
7 Cf. L. Calvo-Sotelo, Memoria viva…, op. cit. ; Guy Hermet, « France-Espagne : les grands malentendus », L’Histoire, nº 70, septembre 1984, pp. 100-104.
8 Cf. CNJA, Espagne : un choc pour l’Europe, publication du CNJA, avril 1976, 36 ; entretien de l’auteur avec Raymond Barre, février 2003 ; Matthieu Trouvé, « Une querelle agricole : le Midi de la France et l’entrée de l’Espagne dans la CEE (1975-1986) », Annales du Midi, nº 117/250, avril-juin 2005, pp. 203-227.
9 L’attitude de la France a considérablement irrité les Espagnols et a entraîné une forte campagne de critiques en Espagne. Cf. Paul Aubert, « El equívoco (1979-1984) », in Daniel de Busturia (coord.), Del reencuentro a la convergencia. Historia de las relaciones bilaterales hispano-francesas, Ciencias de la dirección, Madrid, 1994, pp. 143-159.
10 L’examen de la candidature espagnole et l’avis de la Commission n’ont pu intervenir avant novembre 1978 ; les négociations d’adhésion n’ont pu démarrer qu’en février 1979 ; le gouvernement espagnol n’est jamais parvenu à obtenir un calendrier prévoyant son adhésion ; enfin, les négociations se sont continuellement heurtées à des questions économiques et techniques de 1979 à 1985.
11 Certains, comme Manuel Marín, estiment que les Espagnols se présentent avec une certaine « virginité » auprès des autorités communautaires. Entretien de l’auteur avec Manuel Marín, octobre 2002.
12 Le ministre des Affaires étrangères Fernando Morán n’hésite pas à parler d’une opinion publique espagnole imbue de confiance à ce sujet. Cf. Fernando Morán, España en su sitio, Plaza y Janés/Cambio 16, Barcelone, 1990, p. 40.
13 Le gouvernement d’Adolfo Suárez a longtemps cru pouvoir intégrer la CEE avant la fin de la deuxième législature démocratique, c’est-à-dire au 1er janvier 1983 au plus tard.
14 Berta Álvarez de Miranda, El Sur de Europa y la adhesión a la Comunidad. Los debates políticos, CIS, Madrid, 1996.
15 Cf. Jean-François Larribau, « La politique économique, contraintes et perspectives de l’intégration européenne », et Maria Emilia Casas Bahamonde, « La politique des rapports sociaux », in Pierre Bon, Franck Moderne (dir.), L’Espagne aujourd’hui. Dix années de gouvernement socialiste (1982-1992), La Documentation française, Paris, 1993, pp. 117-137 et 139-154.
16 Cf. José Maria Maravall, « Democracia y socialdemocracia. Quince años de política en España », Sistema, nº 100, 1991, pp. 59-65, et Manuel Marín, « España en las Comunidades europeas », Sistema, nº 86-87, 1988, pp. 175-181.
17 Cf. Roberto Mesa, Democracia y política exterior en España, EUDESA, Madrid, 1988, p. 131.
18 Cf. B. Álvarez de Miranda, El Sur de Europa…, p. 285 ; Juan Carlos Pereira, « Europeización de España/ Españolización de Europa : el dilema histórico resuelto », Documentación social, nº 111, 1998, pp. 39-58 ; Fernando Morán, « Europa, modelo para España. Historia de un equívoco », Movimiento europeo, nº 3, 1982, pp. 18-20 ; Fernando Morán, Palimpsesto. A modo de memorias, Espasa-Calpe, Madrid, 2002, p. 56 ; Fernando Morán, « Principios de la política exterior española », Leviatán, nº 16, 1984, pp. 7-19.
19 C’est le cas notamment lors de ses rencontres avec Helmut Kohl en mai 1983, avec François Mitterrand en décembre 1983, avec le Premier ministre français Pierre Mauroy en mars 1984 et son successeur Laurent Fabius, ou encore avec Margaret Thatcher en mars 1985. Sa détermination sans faille à aboutir est une clé du succès final des négociations. Cf. Entretien de l’auteur avec Fernando Morán, octobre 2002 ; lettre de Felipe González aux chefs d’État et de gouvernement des Dix, 18 novembre 1983, in R. Bassols, España en Europa…, op. cit., pp. 347-348 ; AMAE-E, R 25095, Exp. 1, lettre de Felipe González à Andreas Papandreou, 7 janvier 1985.
20 Cf. entretiens de l’auteur avec Juan Durán-Lóriga (décembre 2000), Carlos Westendorp (septembre 2001), Raimundo Bassols (octobre 2001), Javier Elorza Cavengt (septembre 2002), Pablo Benavides, Gabriel Ferrán, Antonio Fournier et Manuel Marín (octobre 2002), et Carlos María Bru (juin 2003).
21 B. Álvarez de Miranda, El Sur de Europa…, pp. 1-15 et 213-310.
22 Cf. Miguel Herrero y Rodríguez de Miñón, España y la Comunidad Económica Europea, Planeta, Barcelone, 1986.
23 F. Morán, España…, op. cit., p. 452.
24 Texte intégral publié dans Journal officiel des Communautés européennes, nº L 302, 15 novembre 1985 et dans le Boletín Oficial del Estado, nº 1, 1er janvier 1986.
25 L’Espagne et le Portugal dans la CEE. Interrogations et enjeux, Paris, Notes et études documentaires nº 4 819, La Documentation française, Paris, 1986, p. 22.
26 Nous renvoyons sur ce point à Ministerio de Asuntos Exteriores, Secretaría de Estado para las Comunidades Europeas, Las negociaciones para la adhesión de España a las Comunidades Europeas, Madrid, 1985 ; L’Espagne et le Portugal dans la CEE…, op. cit. ; Victor Pou Serradell, España – Comunidad Europea : después de la adhesión, Université de Navarre, estudios y ediciones IESE, Navarre, 1990 ; Antonio Alonso Madero, España en el Mercado Común. Del acuerdo del 70 a la Comunidad de los Doce, Espasa-Calpe, Madrid, 1985, pp. 211-292 ; Ramón Tamames, Monica López, La Unión europea, Alianza Editorial, 4e éd., Madrid, 1999, pp. 765-793.
27 À la suite de l’élargissement, la majorité qualifiée passe ainsi à 54 voix sur 76 lorsque les décisions sont prises sur proposition de la Commission, et à 54 voix et 8 pays dans les autres cas.
28 Les Organisations Communes de Marché (OCM) fonctionnent suivant trois principaux critères : l’unité de marché, la préférence communautaire et la solidarité financière.
29 C’est la raison pour laquelle certains auteurs parlent d’une « intégration effective différée », L’Espagne et le Portugal dans la CEE…, op. cit., p. 31.
30 La première réduction a lieu le 1er mars 1986, soit deux mois après l’adhésion.
31 Loi 30/1985 du 2 août créant l’IVA publiée dans le Boletín Oficial del Estado, nº 190 du 9 août 1985.
32 Julio Crespo Maclennan, España en Europa, 1945-2000. Del ostracismo a la modernidad, Marcial Pons Ediciones de Historia, Madrid, 2004, p. 248.
33 El País, 13 mars 1986.
34 Charles Powell, España en democracia, 1975-2000. Las claves de la profunda transformación de España, Plaza y Janés, Madrid, 2001, p. 372.
35 Antonio Moreno Juste, « España en el proceso de integración europea », in Ricardo Martín de La Guardia, Guillermo Pérez Sánchez (coord.), Historia de la integración europea, Ariel, Barcelone, 2001, pp. 167-214.
36 La quantité allouée aux fonds structurels est ainsi passée de 7 à 14 milliards d’écus en 1988, soit 27 % du budget communautaire et 0,3 % du PIB communautaire.
37 Entretien avec l’auteur, septembre 2001.
38 Felipe González, Juan Luis Cebrián, El futuro no es lo que era, Madrid, Aguilar, 2001, p. 143. Traduction de l’auteur.
39 Felipe González, « Diez años en Europa », El País, 11 juin 1995.
40 Voir Pedro Montes, La integración de España : del Plan de Estabilización a Maastricht, Trotta, Madrid, 1993, p. 104.
41 À l’exception toutefois du « box irlandais », riche en ressources halieutiques, dont l’accès n’est prévu qu’au 1er janvier 1995.
42 Cf. Eurobaromètre, 21 juillet 1987 et Centro de Investigaciones Sociológicas (C. I. S.), « Actitudes y opiniones de los Españoles ante las relaciones internacionales », Estudios y Encuestas, nº 6, Madrid, septembre 1987.
43 ABC, 8 mai 1987.
44 J. Crespo Maclennan, España en Europa,… op. cit., p. 253 ; A. Moreno Juste, España y el proceso…, op. cit., p. 133.
45 F. González, J. L. Cebrián, El futuro…, op. cit., p. 144.
46 « Con voz, pero sin voto. » Cf. F. Morán, España…, op. cit., pp. 491-492, et entretien de l’auteur avec Javier Elorza (septembre 2002).
47 Jacques Attali, Verbatim, tome I : Chronique des années 1981-1986, Fayard, Paris, 1993, p. 598.
48 Jacques Delors, Mémoires, Plon, Paris, p. 213.
49 Voir les conclusions du Conseil dans le Bulletin Europe, nº 4 121, 30 juin 1985.
50 Enrique González Sánchez, « Las relaciones entre España y las Comunidades europeas a lo largo del periodo de ratificación », Revista de Instituciones Europeas, vol. 13, nº 1, 1986, pp. 86-87.
51 Bulletin Europe, nº 4 217, 4 décembre 1985.
52 Entretien de l’auteur avec Javier Elorza, septembre 2002.
53 Entretien de l’auteur avec Gabriel Ferrán, octobre 2002.
54 Voir notamment Banco de España, La Unión Monetaria Europea. Cuestiones fundamentales, Banco de España, Madrid, 1997, pp. 58-60.
55 Nous suivons sur ce point A. Moreno Juste, « España en el proceso… », op. cit., p. 207.
56 J. Delors, Mémoires, op. cit., p. 367.
57 Pour le seul fonds de cohésion économique et sociale, ce sont 15,15 milliards d’écus qui sont dégagés en faveur de l’Espagne, de l’Irlande, de la Grèce et du Portugal.
58 Roberto Mesa, « La politique extérieure », in P. Bon, F. Moderne (dir.), op. cit., p. 109.
59 Déclaration de Felipe González dans Ramón-Luis Acuña, « Une politique étrangère. Entretien avec Felipe González », Politique Etrangère, nº 3, octobre 1982, pp. 557-564.
60 Voir Celestino del Arenal, « La adhesión de España a la Comunidad europea y su impacto en las relaciones entre América latina y la Comunidad europea », Revista de Instituciones Europeas, vol. 17, nº 2, mai-août 1990, pp. 329-367 et, du même auteur, 1976-1992, una nueva etapa en las relaciones de España con Iberamerica, Casa de America, Madrid, 1994.
61 Pierre Mauroy, Mémoires, « Vous mettrez du bleu au ciel », Plon, Paris, 2003, pp. 286, 452 et 457.
Auteur
Agrégé d’histoire, diplômé de l’IEP de Bordeaux et docteur en histoire, Matthieu Trouvé est actuellement chargé de cours à l’IEP de Bordeaux et professeur dans le secondaire. Ancien boursier de la Casa de Velázquez et de la Fondation Académie européenne de Yuste, membre du Centre d’Études des Mondes Modernes et Contemporains (CEMMC) et de plusieurs groupes de recherche dont le réseau SEGEI, ses travaux portent actuellement sur l’histoire de la construction européenne, l’histoire de l’Espagne et de l’Amérique latine au XXe siècle et l’histoire politique française depuis 1945. Sa thèse est en cours de publication aux éditions Peter Lang sous le titre L’Espagne et l’Europe. De la dictature de Franco à l’Union européenne. Parmi ses récentes publications sur le sujet : « Une querelle agricole : le Midi de la France et l’adhésion de l’Espagne à la CEE (1975-1986) », Annales du Midi, tome 117, nº 250, avril-juin 2005, pp. 203-227 ; « La diplomatie espagnole face à l’Europe (1962-1986). Enjeux, stratégies et acteurs de l’adhésion de l’Espagne aux Communautés européennes », Cuadernos de Yuste, nº 3, novembre-décembre 2005 ; « Le rapport des parlementaires aquitains à l’Europe », revue Parlement, numéro spécial, novembre-décembre 2005.
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