La multinationalisation des entreprises françaises publiques et privées de 1945 à 1981
p. 311-336
Texte intégral
1Les multinationales françaises privées et publiques depuis 1945 et jusqu’aux suites du deuxième choc pétrolier sont un type d’entreprise que les Français croient connaître, tellement leurs noms sont devenus familiers. En outre, les médias d’aujourd’hui consacrent beaucoup de place aux performances et aux stratégies de ces multinationales.
2Cette opinion repose sur l’abondante activité de recherche en la matière des économistes français. À partir de travaux réalisés à la fin des années soixante, un Centre de recherche sur l’économie des multinationales s’est en particulier développé au début des années soixante-dix à l’Université Paris X-Nanterre qui a produit beaucoup de publications. Il a notamment élaboré un cadre théorique distinguant différentes stratégies de multinationalisation1. Ce cadre prend en compte « la zone géographique d’implantation de la filiale étrangère de production, et les modalités de l’insertion de la filiale au sein du groupe ». Il met en évidence trois types de stratégies dans notre période : une stratégie d’approvisionnement qui vise « l’exploitation de ressources naturelles situées hors du territoire national », une stratégie commerciale qui entend conquérir ou défendre des marchés « par une autre voie que celle des exportations » grâce à la création de « filiales-relais » vendant essentiellement la production des firmes « sur les marchés locaux d’implantation, avec des réexportations faibles ou nulles », une stratégie productive qui veut « tirer avantage de l’inégalité des coûts de production d’une région à l’autre » grâce à des « filiales-ateliers » dont la production est fréquemment réexportée. La stratégie commerciale est pratiquée dans les pays développés, la stratégie productive dans le Tiers Monde. Dans cette perspective l’économiste Julien Savary a réalisé une thèse de doctorat sur les multinationales françaises reposant sur un échantillon de 413 firmes représentatif de l’économie française entre 1974 et 1978. « Il comprend des entreprises petites ou moyennes afin de ne pas limiter l’analyse aux grandes entreprises multinationales, et des entreprises non multinationales de façon à pouvoir rechercher si la multinationalisation s’accompagne d’une spécificité économique ou financière : parmi ces 413 sociétés, 182 contrôlaient en 1974 une activité de production hors de France. » Le livre tiré du tome II de cette thèse a fait autorité sur notre sujet2. Il en ressort qu’en 1974 les 22 premiers grands groupes multinationaux contrôlent plus de 70 % de la production à l’étranger réalisée par l’ensemble des entreprises industrielles françaises, alors qu’ils ne représentent que 13,7 % de leurs effectifs en France », ce qui « pousse au conservatisme des positions historiquement conquises : ce point explique sans doute la relative “sous-multinationalisation” de l’économie française par rapport aux autres puissances économiques du monde occidental »3. L’importance de la multinationalisation au sein des pays développés est vue par l’auteur comme le fruit d’un objectif d’extension des parts de marché dans le cadre de la concurrence, tandis que la multinationalisation des entreprises françaises dans le Tiers Monde – en particulier l’Afrique – et l’Europe du Sud vise, elle, à tirer parti de l’inégal développement entre les économies. Du coup, certains se demandent s’il y a vraiment besoin de travaux d’historiens pour comprendre ce que les économistes ont déjà superbement analysé.
3Ce cadre théorique et cette recherche empirique ont représenté un travail considérable. Pourtant aujourd’hui ils posent plusieurs problèmes. L’enquête sur les multinationales françaises n’a pas inclus les sociétés non cotées en bourse, ce qui biaise l’échantillon par rapport à la fois aux PME et aux entreprises publiques. De même, elle a choisi d’exclure « banques et assurances ». Mais se limiter aux multinationales de l’industrie crée un biais dans l’analyse. Le déroulement du processus de multinationalisation implique les entreprises de négoce international, petites ou grandes (ici on pense à Louis-Dreyfus)4, les sociétés de logistique, les sociétés de services informatiques (SSII)5, et assurément les banques et les compagnies d’assurances6. Tous ces services renvoient eux-mêmes aux marchés financiers7, à la création des eurodollars et à la politique des changes. De même, la question de savoir si les implantations que les entreprises de France possèdent dans les colonies jusqu’en 1962 doivent être considérées comme filiales de multinationales mérite d’être débattue et tranchée au fond8. En outre, l’enquête ne différencie pas assez la multinationalisation selon les catégories de firmes. Elle reconnaît l’importance du facteur taille en montrant sans surprise que la multinationalisation croît avec la taille mais n’entre pas dans le détail des écarts entre les grandes firmes – celles qui font les unes de l’actualité – et les PME – l’apéritif Lillet9, la Pointe Bic à ses débuts, ou bien les entreprises moyennes de la région Rhône-Alpes… L’auteur admet que son échantillon « surreprésente les grandes firmes et sous-estime la diffusion de la multinationalisation à des entreprises petites et moyennes10 ». Son enquête reconnaît le rôle de l’histoire en constatant qu’il y a eu en France « croissance et mutation de l’investissement international », mais ne fait pas suffisamment la différence entre les générations auxquelles ces multinationales appartiennent – certaines sont très anciennes (leur origine peut remonter jusqu’au XVIIe siècle), d’autres tout à fait récentes – et entre les durées de vie des filiales – or les unes ont une vie longue, d’autres une trajectoire brève, alors qu’on pourrait leur appliquer l’ensemble des approches de la démographie des entreprises qui ont été utilisées dans différents pays (dont le nôtre) pour le territoire national. Enfin le cadre théorique lui-même est largement remis en question : en économie et en gestion les chercheurs anglo-saxons (spécialistes de « l’organisation industrielle11 ») et scandinaves12 ont élaboré au cours des quarante dernières années un cadre conceptuel qui peut nous permettre de penser les multinationales françaises en des termes nouveaux.
4Pour autant est-il facile d’aborder aujourd’hui en historien les multinationales françaises de cette période ? Les travaux de recherche historique à ce propos n’ont vraiment commencé, à l’incitation de Maurice Lévy-Leboyer, qu’au milieu des années quatre-vingt. Depuis ils se sont développés, et le congrès européen d’histoire des entreprises tenu à Bordeaux en 2000 en a publié tout un éventail13. Pour un pays important, l’Allemagne, nous disposons même d’une étude très complète de 1945 à 197014. Il manque cependant à ce jour une synthèse détaillée des informations obtenues par les travaux des historiens et une recension des questions sur lesquelles nous restons encore dans l’ignorance.
5Mon propos va donc être modeste. Il s’agira seulement ici de déconstruire nombre des conclusions diffusées par les économistes français en faisant un état provisoire et précaire de nos connaissances sur la chronologie de ces multinationales depuis 1945, sur les motivations de leur expansion (pour celles qui ont créé, ont survécu ou se sont développées), sur les problèmes rencontrés au cours de leur pénétration des pays étrangers et enfin sur les solutions apportées par les entreprises et le cas échéant par l’État.
I. La chronologie
6Les données statistiques étrangères et françaises sur les multinationales françaises de ces années restent très insuffisantes « avant 1960 »15. Actuellement, à défaut d’une véritable chronologie, nous pouvons donner face aux questions qui se posent une série de réponses surtout négatives plutôt qu’une périodisation positive.
7D’abord que se passe-t-il dans les années de la Libération ? Les destructions imputables à la guerre ont porté atteinte à une partie des filiales des multinationales françaises non seulement aux colonies, mais encore en Europe et en Asie. Il a même pu y avoir « séquestre et vente des participations allemande et autrichienne »16. Il est surtout certain que l’implantation internationale des entreprises françaises diminue à cause des changements de régime intervenus dans les pays d’Europe centrale et orientale, puis en Chine. La doyenne des multinationales françaises, Saint-Gobain, perd ainsi ses filiales « en Allemagne de l’Est, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Roumanie, en Yougoslavie ». Il en va de même pour L’Air Liquide17. Ceci touche également des banques comme la banque Mirabaud18. L’historien Hubert Bonin a suggéré un mouvement bien plus vaste lorsqu’il a indiqué récemment que le gouvernement aurait incité en 1944-1946 « une grande majorité » des entreprises françaises à céder leurs actifs à l’étranger pour faire face à la pénurie de devises19. Qu’il ait pu y avoir des pressions de l’État en ce sens sur une poignée d’entreprises, c’est certain. Ainsi Léon Blum, président du conseil en 1946, a forcé L’Air Liquide à vendre sa participation de 7 % dans la firme Air Réduction « pour que les Français puissent acheter du blé américain »20. Mais le peu de cas avérés ne justifie en rien une analyse aussi globale. De toute évidence, même un État aussi dirigiste que celui de la Libération n’avait pas les moyens de mener à bien une initiative aussi radicale à l’égard de la majorité des multinationales françaises de l’époque et pour tous les pays.
8Ensuite peut-on parler d’une « réouverture aux échanges depuis les années soixante », comme l’indiquait en 2002 le programme du colloque dont le présent livre est issu ? Je n’y crois pas du tout. Une telle formule ne correspond pas à ce que les historiens peuvent observer du côté des multinationales. Il suffit de prendre quelques exemples pour alimenter le débat à ce propos. Voici L’Air Liquide, une vieille multinationale, fondée en 1902 et, par exemple, présente dès 1907 au Japon, où elle fut la première multinationale française21. Elle reprend son expansion à l’étranger dès 1946, comme si de rien n’était. Elle pénètre au Brésil. En 1948 elle s’implante en Afrique du Sud, en 1956 en Australie, et en 1956 au Nigeria. Le PDG Jean Delorme déclare : « Mon père a fait l’hémisphère Nord. Moi, l’hémisphère Sud22. » Voici, dans l’aluminium, Pechiney. Il s’implante à Édéa (Cameroun) en 1957, à La Corogne (Espagne) (1960), Haghios Nikolaos (Grèce) (1966), Ferndale (Etats-Unis, côte Ouest) (1966), Frederick (Etats-Unis, côte Est) (1970), Flessingue (Hollande) (1971), avant Tomago (Australie) (1983) et Becancour (Canada) (1986)23. Pechiney acquiert aussi en 1962 la firme américaine Howe Sound. Voici la Pointe Bic, petite firme créée en 1948, entrée en production en 1950, déjà multinationale à partir de 1954 : pour contourner les obstacles à la diffusion commerciale érigés par certains États (droits de douane trop élevés, difficultés à obtenir les autorisations indispensables) Marcel Bich crée une usine à Milan où les ouvriers fabriquent des stylos pour le marché italien, établit une unité de fabrication sous licence à Barcelone, installe une société de distribution en Suisse. « Les marchés d’Allemagne, d’Autriche, de Hollande sont attaqués. À l’exportation pure et simple le PDG préfère déjà, écrit sa femme, ce qu’il appelle la multinationalité de l’entreprise. » Au passage, ce cas permet de remettre en cause la théorie des étapes successives de la multinationalisation que nombre d’économistes français nous avaient enseignée. Dès 1956 Bic est à São Paulo (Brésil), et il ouvre l’immense marché de l’Amérique du Sud. En 1957 il acquiert une firme anglaise qui est leader du marché des stylos à bille en Grande-Bretagne et dans la zone sterling24. Voici encore Dior, maison de haute couture créée en 1947. Dès 1949 elle a des filiales aux États-Unis et en Angleterre25. Il y a donc eu une reprise de la multinationalisation même dans une France ayant des problèmes de convertibilité des devises et une pratique protectionniste. Une série d’acteurs s’étendent à l’international avant les années soixante, donc avant l’ouverture effective du Marché commun.
9Il est cependant certain que la mise en place du Marché commun a à la fois orienté à la hausse les flux directs d’investissements directs à l’étranger et a incité « une très forte majorité » d’entre eux à se diriger vers la Communauté économique européenne jusqu’en 196826. Les exemples seraient effectivement très nombreux. Ainsi l’entreprise de yaourts Danone, déjà présente aux États-Unis (jusqu’en 1954) et en Espagne, choisit, en association avec les Glaces Gervais, de s’implanter en Belgique en 1961, puis de s’étendre en Espagne et d’entrer en Italie (1968)27. Thomson, firme fondée en 1893, qui jusque-là exportait uniquement, devient alors une multinationale par souci de taille critique en rachetant des filiales ou départements de sociétés américaines, commençant dans le secteur médical à General Electric en Belgique (1971) et continuant à Westinghouse aux États-Unis (1975) et dans la fabrication de téléviseurs à General Electric en Espagne (1974)28.
10Maurice Lévy-Leboyer a évoqué en aval un grand tournant, celui de 1973-1974 (la Grande-Bretagne rejoignant le Marché commun et le monde industriel subissant le premier choc pétrolier). Ce tournant en faveur de la multinationalisation, stimulé par la décélération de l’économie française, est vérifié pour de grandes firmes industrielles de différents secteurs : Pernod-Ricard assurément ; Thomson, qui se livre à une véritable razzia parmi les fabricants allemands de téléviseurs ; la Compagnie générale d’électricité (CGE), qui avait auparavant quelques filiales d’équipement ou de commercialisation (au Liban, en Afrique ou en Indonésie) et dont la politique d’acquisition de sociétés à l’étranger s’accélère à partir de 1976, aboutissant à une présence dans dix-neuf pays, désormais coordonnée par une direction des affaires internationales et par une filiale spécialisée29 ; Michelin, qui revient alors sur le territoire des États-Unis dont il avait dû partir peu glorieusement en 1930. Le tableau détaillé que donne le chapitre entier que Julien Savary consacre à la période 1974-1979 conclut à la fois à une accentuation de la multinationalisation et à un recentrage géographique vers les pays développés30. On peut aussi parler de tournant dans la grande distribution qui s’internationalise pour la première fois à ce moment. Carrefour en 1973 s’implante en Espagne puis en 1976 en Allemagne. Promodès réalise en 1975 deux implantations en même temps, en Espagne et en Allemagne31.
11Mais pour quelques autres secteurs on n’observe pas de tournant à ce moment, et il faut en réalité attendre les années quatre-vingt pour enregistrer un rebond. Dans cette dernière décennie on constate une généralisation géographique des implantations étrangères, mais parallèlement la fermeture d’une série d’implantations antérieures qui doivent être passées par pertes et profits, ainsi que le développement d’une nouvelle vague de multinationales de taille moyenne, relevé à l’époque par le Commissariat général au Plan (elles sont axées sur la haute technologie). Avec les privatisations à partir de 1986 on note en outre l’accès à la multinationalisation de toute une série de secteurs qui avaient été freinés à l’international par soit les nationalisations de la Libération, soit, dans une moindre mesure, les nationalisations de 1982.
12En définitive, on peut donc mettre en évidence davantage de continuités qu’on ne l’a dit jusqu’ici. On retrouve donc, tout au long de la période, des secteurs comme le luxe (la haute couture, les parfums), les assurances (déjà présentes en Espagne, par exemple, avant la guerre de 1914, qui cette fois vont aller s’implanter en Asie : Japon, Malaisie, Thaïlande, Chine), l’automobile, l’électronique, etc. Mais on note l’entrée en multinationalisation de secteurs comme les télécommunications et autres activités à forte valeur ajoutée. Il y a eu au total une intensification progressive de la multinationalisation des entreprises françaises au cours de cette période. Elle s’est accompagnée d’un certain nombre d’échecs, sur lesquels on reviendra plus loin32. Mais je ne crois vraiment pas que l’on puisse conclure à un « retour » dans les années soixante, et le tournant à partir de 1974 est sans doute en partie à nuancer. J’attire en outre l’attention sur le fait qu’il n’y a pas en cette matière de secteurs nobles et non nobles. Par exemple, la parfumerie-cosmétique dans les années quatre-vingt – qui est un secteur chimique éminent depuis la fin du XIXe siècle du côté français – a compensé dans la balance commerciale l’accroissement du déficit de l’industrie textile.
13Quelles sont les motivations effectives de cette intensification progressive de la multinationalisation ?
II. Les motivations
14Alors que tant de forces économiques, de syndicats de salariés33, d’organisations professionnelles34 disent au cours de la période que le marché national est très rentable et que les Français manquent longtemps de biens d’équipement, de biens de consommation, de services modernes, pourquoi des entreprises françaises vont-elles au-delà de l’exportation et font-elles le pari de l’investissement international ? Outre les travaux des économistes français, on peut aujourd’hui faire appel ici aux différentes théories anglo-saxonnes et scandinaves pour mieux éclairer les motivations des acteurs.
15Cependant au préalable il est un point sur lequel les chercheurs en sciences sociales s’accordent : comme dans les périodes antérieures, la force des stratégies d’approvisionnement à la recherche de ressources naturelles extérieures. Cela vaut pour la production à l’étranger des matières premières, ensuite importées en France. On a vu plus haut l’activité en ce sens de Pechiney. On peut y ajouter des firmes comme Le Nickel, Penarroya, Mokta, mais aussi Salins du Midi et Saupiquet. Il y a ici place pour des free-standing companies35, qui opèrent dans d’anciennes colonies en Asie ou Afrique : Rochefortaise de produits alimentaires, Brasseries et Glacières internationales, etc.36 L’approvisionnement de l’économie française est bien sûr le motif fondamental pour le pétrole et le gaz naturel37. La Compagnie française des pétroles poursuit et étend sa présence au Moyen-Orient, mais à partir de 1962 passe à une véritable « mondialisation de l’exploration ». Elle accroît également son activité internationale en matière de vente et de distribution. Son challenger du secteur public, l’ERAP, qui prend comme nom de marque Elf en 1967, est, lui, initialement basé en France et en Algérie et réalise son expansion en conquérant des gisements en Afrique, au Canada, au Moyen-Orient et en mer du Nord. À partir de 1974 il internationalise son activité de distribution en rachetant trois réseaux en Europe. Il est utile de noter que de l’approvisionnement les multinationales passent à la vente, au raffinage et à la distribution. Ce qui revient à poser la question des économies de synergie et des diversifications liées.
16Celle-ci a été mise au centre du processus de multinationalisation par l’historien américain Alfred Chandler pour les multinationales des États-Unis, dont il explique l’expansion à l’étranger par la possibilité de réaliser ainsi davantage d’économies d’échelle et de synergie. Cette analyse a été complétée par l’économiste américain Oliver Williamson en appliquant la théorie des coûts de transaction aux multinationales. Dans certains cas, il est plus simple de préférer aux contrats d’exportation l’internalisation par la multinationale de l’activité à l’étranger lorsqu’il y a transfert de technologies dans des industries manufacturières, lorsqu’il y a nécessité d’avoir une organisation de la grande entreprise qui soit suffisamment souple pour s’adapter à des marchés de produits ou de services diversifiés géographiquement, et lorsqu’il faut prendre en compte les différences de spécialisation nationale. Cet ensemble de motivations se retrouve naturellement dans le cas de la France. On peut en citer différents exemples. Je vais en prendre un du côté de la cosmétique, avec L’Oréal. Le deuxième PDG de cette entreprise, François Dalle, écrit dans ses mémoires à propos de ses relations avec les dirigeants de ses filiales étrangères : « Les dirigeants doivent savoir que le succès appelle le succès car il y a un véritable déterminisme du succès. Si ça marche en Allemagne, ça doit aussi marcher en Angleterre et en Hollande. Si ça marche en Allemagne, en Angleterre et en Hollande, ça doit marcher aussi en Norvège, en Espagne et au Portugal. Bien entendu, l’inverse est également vrai. L’échec appelle l’échec, et s’il y a échec quelque part, il faut se retenir partout38. » Du côté des PME, la même analyse s’applique pour la poêle Téfal, dont le créateur développe des filiales commerciales aux États-Unis (1960), en Hollande et au Danemark, et même en Tchécoslovaquie et en Syrie (1967)39, ou pour la Pointe Bic déjà citée. Du côté des services, elle vaut pour l’expansion et les diversifications menées par le Club Méditerranée40. Du côté des entreprises publiques, elle convient aux différentes filiales d’assistance technique dont l’État autorise la création dans les années cinquante : Sofremines (1955), Sofrerail (1957), Sofregaz, Sofrelec (1959), Sofretu (filiale d’ingénierie de la RATP) (1961) et Sofrecom (filiale des PTT fondée fin 1966 avec pour objet « toutes études d’ordre technique et financier […] et travaux relatifs aux questions et problèmes relatifs aux télécommunications en tous pays ». En 1967 Sofrecom participe à un plan de vingt-cinq ans pour les télécommunications en Iran41. Au milieu des années soixante-dix Sofretu s’en va du côté de l’Iran et d’autres pays répliquer en utilisant les économies de synergie ce que la RATP a fait en Île-de-France42.
17Une seconde motivation a été définie par un autre historien américain, Peter Temin43. Selon lui, lorsque dans des pays occidentaux il y a une forte régulation étatique, c’est une incitation extrêmement forte pour que des entreprises privées ou publiques aillent à l’étranger faire tout ce qu’on les empêche de faire sur le territoire national. Une telle analyse appliquée à la France permet d’expliquer pourquoi bon nombre d’entreprises publiques : Renault dès les années soixante en créant deux filiales financières en Suisse44, par la suite des entreprises de télécommunications ou de transports vont aller à l’étranger pour échapper aux directives de la rue de Rivoli ou même parfois, il faut bien le dire, à d’autres formes de contrôle45. Le cas des firmes privées de la grande distribution va dans le même sens. Le refus en 1973 par le gouvernement et le parlement de l’expansion des hypermarchés sur le marché intérieur (symbolisé par le vote de la loi Royer) est une des explications majeures de l’engagement à l’international des deux principales firmes du secteur46.
18Une troisième motivation a été mise en évidence par des économistes suédois autour de Jan Johanson47. Selon eux, il y a un processus d’implication à l’international. Dès l’instant que la firme met un pied dehors, il y a une série de relations qui s’établissent en termes de standards, de qualité, de sensibilité à la demande de la clientèle, de relations avec les gouvernements. Elles contribuent peu à peu à une dépendance progressive à l’international. Les exemples français dans cette perspective abondent. Le jeune Claude Bébéar, envoyé au Canada en 1964 par le groupe d’assurances L’Ancienne Mutuelle pour créer la branche vie de la filiale locale, découvre « qu’à l’étranger il y avait des opportunités fantastiques, tandis que l’assurance vivait en France une période difficile ». Il prend conscience que son entreprise doit être davantage internationale « afin de pouvoir répartir ses risques et se trouver à tout moment sur un marché porteur »48. La Compagnie générale d’électricité dans les années soixante-dix réalise une internationalisation de ses activités commerciales, puis en fait autant « dans les domaines technique et industriel, où les responsabilités sont de plus en plus transférées au niveau des filiales locales ». Elle en vient ainsi à prendre une participation dans la Générale occidentale en 1979 pour se renforcer aux États-Unis et à acheter le réseau commercial et l’appareil industriel de Ronéo49. Le développement progressif des usines de montage des constructeurs automobiles français dans la période s’inscrit dans la même perspective. Ce n’est que peu à peu que les firmes en viennent à envisager la réexportation, la division internationale du travail, les institutions financières communes et enfin une stratégie internationale intégrée50.
19Une dernière motivation est la plus connue. C’est la demande d’un certain nombre de gouvernements, d’abord de gouvernements du Tiers Monde mais aussi de certains États européens (on pense par exemple à l’Espagne dans l’automobile à partir de 1950, à l’Irlande en 1980 pour la commutation téléphonique), d’avoir à demeure des industries ou des services étrangers, et en l’occurrence français, afin de créer des emplois et d’accéder à des technologies modernes en échange de primes, de protections oligopolistiques et même, dans certains cas, de barrières douanières. Les entreprises françaises décident au cas par cas, dans des arbitrages toujours difficiles entre « la perte d’heures de travail en France » et « l’accroissement du nombre de pièces exportées », entre la participation au capital des filiales qui offre notamment « l’avantage de pouvoir exercer un contrôle plus approfondi » et l’exportation de fonds dont elles peuvent « avoir besoin en France même »51.
20Ce qui explique l’expansion hors du territoire national de firmes françaises dans cette période n’est donc pas en réalité une théorie unifiée de l’investissement multinational, qui marche relativement bien pour des entreprises nord-américaines, mais au moins quatre modèles de motivations à la multinationalisation en France. Encore faut-il, selon la démarche de l’historien, savoir ce que soit les stratégies élaborées soit le processus d’implication et de dépendance donnent sur le terrain, qui peut inciter à de profondes inflexions, et examiner les principaux problèmes rencontrés.
III. Les problèmes rencontrés
21Il y a certes un problème spécifique à notre pays : le franc. L’évolution du régime des changes est donc une donnée essentielle du processus de multinationalisation jusqu’à 1959 au moins. Autrement, on est de nouveau ici devant des éléments qui n’ont rien de propre à la France, mais que la France a ressentis fortement. En effet, comme les économistes et les gestionnaires l’ont montré, l’apprentissage de la compétitivité n’est pas acquis pour toujours, il doit se reconstituer en permanence, et des leçons que d’autres pensent avoir apprises durablement ont sans cesse à être reprises52. Au premier rang des problèmes rencontrés on mettra le coût en capitaux, en hommes et en échelle de production ou de vente de la multinationalisation.
22Certains de ces problèmes sont anciens. Il en va ainsi de la fraude et de la contrefaçon. Les exemples sont nombreux. Ils ne se limitent pas aux pays socialistes ou à l’Asie (où la contrefaçon des chemises Lacoste a défrayé la chronique). Téfal en a fait l’amère expérience pour ses ustensiles de cuisine antiadhésifs en Europe et en Amérique dans les années soixante53. Il en va de même des risques politiques54. Les firmes françaises les rencontrent au cours de la période dans les (anciennes) colonies, en Israël, à Cuba, en Iran, dans les pays d’Europe de l’Est, mais aussi en Italie. On rangera dans la même catégorie les coûts d’entrée irrécouvrables en cas d’échec, les coûts d’information, les coûts d’ouverture du marché. Et des coûts que les historiens connaissent beaucoup mieux, comme l’endettement bancaire soit auprès des banques étrangères soit auprès des banques françaises, qui dans un certain nombre de cas se sont fait tirer l’oreille pour la multinationalisation (Bic voulant investir aux États-Unis en 1958-1959 en est un bon exemple55) et qui dans d’autres cas ont été tout à fait performantes (Renault en a fait l’expérience à ses débuts en Amérique latine à la fin des années cinquante56).
23Cependant dans cette période les firmes françaises ont fait l’expérience de différents phénomènes qui n’entraient pas dans les connaissances acquises ou transmises par les firmes anciennes et qui étaient évidemment nouveaux pour la vague de nouveaux entrants dans l’espace international. On y inclura les coûts d’organisation d’équipes compétentes pour acheter, produire, vendre, financer, entretenir, les coûts de maintien sur les marchés de l’international et enfin la veille concurrentielle.
24Une troisième série de problèmes a trait à l’échec de l’expansion de multinationales françaises dans cette période. Souligner ce point fait entrer dans une approche récente de l’histoire des entreprises qui prend en compte la part importante de l’échec dans les trajectoires des firmes57. François Dalle dans ses mémoires écrit même que la contrepartie de la prise de risque est un « droit à l’erreur ». La possibilité d’échec sur des marchés étrangers est donc à certains égards normale. Sa concrétisation signifie qu’à l’international aussi les économies d’échelle et de synergie ne sont pas automatiques et qu’un travail d’information, de connaissance, d’organisation, de construction de réseaux y est à chaque étape indispensable. La croissance économique mondiale rend seulement plus considérable l’impact des échecs qui interviennent. L’échec à l’international dissipe aussi le mirage récurrent du consommateur mondial. On se bornera ici encore une fois à quelques exemples. Dans les années soixante une entreprise alimentaire moyenne, les Pâtes Panzani, a vu échouer ses projets d’implantation en Europe58. En Allemagne, Jean-François Eck a montré comment des projets très importants avec BASF et Röchling n’ont pas été menés à bien59. Au Canada, le conglomérat de munitions et d’outillage pour le bâtiment Gévelot ouvre en 1960 une usine de chargement de munitions de chasse « après s’être laissé convaincre par le président du syndicat des propriétaires de stations d’essence de la province ». Mais les chasseurs manquent « dans une contrée pratiquement inhabitée » et la filiale « brade auprès des tribus indiennes et eskimos de l’extrême Nord des munitions qui ont la fâcheuse tendance de rater leur mise à feu ». Après « de vains efforts de redressement », le PDG refuse la fermeture et « préfère l’hémorragie permanente »60. Au Canada encore, Michelin crée une usine dernier cri en 1971 pour entrer sur le marché américain en masse. Or il a la surprise de voir en 1973 le gouvernement américain lever très haut les barrières douanières sur les pneus en provenance du Canada et l’usine Michelin n’est plus compétitive dans l’immédiat, ce qui va conduire Michelin à accélérer son passage par « la voie la plus coûteuse à court terme mais assurément la mieux adaptée » : l’implantation directe d’usines aux États-Unis, dans le Sud61. Les États-Unis sont un véritable cimetière de tentatives françaises. Saint-Gobain, Michelin, Renault, Lafarge sont chacun entrés plusieurs fois aux États-Unis et ont dû en ressortir tête basse62. Cependant un certain nombre de grandes firmes françaises ont réussi leur retour : Lafarge63, Michelin, L’Air Liquide, Saint-Gobain64, ou sont parvenues à rester durablement : L’Oréal, dont son ancien patron François Dalle écrit : « Nous perçons aux États-Unis après vingt années de bricolage » entre 1957 et 197765, ou encore Bic qui entre sur le marché américain en 1959 et qui n’arrive à l’équilibre qu’en 1965, après avoir mis de sa poche, vu le refus des banques, et englouti quelque 10 millions de dollars66.
25Dans les réactions manifestées par certaines entreprises ou par l’État aux difficultés essuyées ou aux coûts de la multinationalisation il est possible de dégager différents points communs.
IV. Les solutions élaborées
26Il y a eu en effet un certain nombre de solutions qui ont été apportées dans cette période. Certaines sont abordées dans d’autres chapitres de ce livre. Elles relèvent de l’instauration de rapports de coopération d’entreprises industrielles ou de services avec des maisons de négoce international ou des banques. Mais d’autres sont de ma compétence, et j’en cite quelques-unes.
27L’une est le renforcement de l’aide de l’État au commerce extérieur en général, qui avait été demandé par les entreprises dès les années trente. Il prend plusieurs formes, et celles-ci concernent évidemment aussi l’exportation et même l’importation. La première est le Centre national du commerce extérieur, créé par le régime de Vichy en 1943 et réformé en 1961 par un décret qui permet sa renaissance67. Il contribue à améliorer l’information économique sur les pays étrangers. La seconde a été la création en 1946 – à la place de la Société française d’assurance crédit – de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE). Cette entreprise privée cotée en bourse offre assurance prospection et assurance crédit. Elle engage sa propre responsabilité financière ou bien intervient pour le compte et la garantie de l’État. Tel a été le cas pour l’implantation puis la montée en puissance d’Aluminium de Grèce entre 1961 et 1973, qui a bénéficié de plusieurs prêts de la COFACE68. Il a été dit que la COFACE a, chez les entreprises tournées vers l’exportation et la multinationalisation, « encouragé la préférence pour l’Afrique et les pays sous-développés »69. Ce point reste à vérifier. On peut estimer qu’au début des années quatre-vingt la COFACE fournit une assurance à un tiers des exportations françaises70. La troisième forme est la création, toujours en 1946, de la Banque française pour le commerce extérieur, banque publique qui entre en activité en octobre 1947. Elle facilite le financement des opérations d’exportation (ou d’importation) de diverses manières. Elle est la seule institution à recevoir les garanties de la COFACE. Elle assure le réescompte des crédits à l’exportation. Elle devient une « seconde banque » pour l’octroi de prêts supérieurs aux plafonds imposés aux banques de dépôt71. Il convient ici de préciser que la France n’est pas seule à recourir à des institutions de soutien : l’Italie a un Institut du commerce extérieur équivalent du CNCE, dont les origines remontent à 1926 et qui a pris sa forme définitive en 193672, l’Allemagne a le pendant de la COFACE, Hermès, et la Grande-Bretagne aussi avec ECGD. La BFCE, elle, suit les précédents de l’EximBank américaine, de l’Espagne et de l’Allemagne fédérale. En 1975 l’aide directe de l’État aux exportations représente 27,3 millions de dollars contre 23,7 millions aux États-Unis73. Dans les années soixante-dix l’État multiplie les accords de coopération technique avec d’autres nations et dans leur cadre promeut la présence de firmes françaises74. Il importe aussi de mentionner la création de la SOPEXA, conseil de l’État en matière de promotion de l’industrie agro-alimentaire à l’international (1961), et de l’ACTIM, Agence pour la coopération tehnique industrielle et économique (1969)75. Le témoignage d’André de Lattre indique d’autres modalités, en honneur au ministère des Finances : à la direction des Finances extérieures à partir de 1949, il n’a « pas cessé d’être obsédé par la nécessité d’aider l’investissement français à l’étranger. Il est vrai que ces investissements s’effectuaient au cours de la devise-titre, ce qui était coûteux. Mais certains, considérés comme prioritaires, étaient favorisés. Ainsi, dès 1947-1948, nous avons aidé la CFP en lui délivrant sur nos maigres ressources des devises au taux officiel pour accroître leurs installations en Australie, en Afrique du Sud et en Italie. Je me souviens que dans les années cinquante le président de la CFP, Victor de Metz, me disait que si nous pouvions lui donner l’argent nécessaire pour ouvrir un réseau aux États-Unis, représentant 1 % du marché américain, il pourrait fermer le reste du monde. Il y a donc eu un effort notable pour soutenir les investissements français à l’étranger.76 »
28Une autre solution a été la montée en puissance des activités de recherche et de développement. Leur essor a été assez régulier à partir des années soixante. Si Saint-Gobain a échoué pour avoir présenté aux États-Unis une technologie de verre plat devenue obsolète le jour même de l’ouverture de l’usine en 1962, ce qui a conduit à l’échec de sa percée américaine décidée en 1958 (laquelle a en outre provoqué « une contre-attaque américaine en Europe »), ensuite Saint-Gobain est monté en puissance au profit de « produits à forte valeur ajoutée »77. Un dirigeant du service commercial de cette compagnie dans la période a porté l’appréciation suivante : « La recherche a été le point faible de la maison. […] En effet, la recherche fondamentale a été négligée au profit de la recherche appliquée. […] En résumé, on fabriquait bien, on recherchait mal et on vendait mal78. » Si, dans un contexte où pourtant la part de la France sur le marché mondial des produits pharmaceutiques recule, Roussel-Uclaf a percé au Japon dans un moment qui était encore très pionnier : en 1959, c’était pour avoir lancé des produits pharmaceutiques qui étaient pertinents et novateurs79. De même, L’Oréal est passé des savons (Monsavon), que l’entreprise a abandonnés par la suite, à des produits cosmétiques impliquant de plus en plus de recherche et développement et en est venu à créer des laboratoires de biologie80. On peut en dire autant, mutatis mutandis, pour la transformation de cet instrument de cuisine très classique qu’est la poêle apportée par Téfal. En 1962 le directeur général de Pechiney, Pierre Jouven, a tiré de ses voyages aux États-Unis la conclusion que les entreprises françaises avaient besoin d’un renforcement de l’aide de l’État à la recherche privée et d’une modification parallèle de la fiscalité en faveur de la recherche. Il a envoyé une note substantielle à François-Xavier Ortoli, alors conseiller technique au cabinet du premier ministre Georges Pompidou. Des actions concertées de recherche en place pour les recherches appliquées ont été créées en novembre 1962, mais les autres mesures souhaitées « n’ont été que partiellement mises en œuvre »81. L’État a réuni en 1965 un groupe de travail comprenant industriels et hauts fonctionnaires qui a conclu à la nécessité de renforcer et de réorienter l’effort public de recherche en faveur de l’industrie, mais « sans prendre pour modèle les États-Unis »82. En 1979 l’aide publique à la recherche et au développement représente 29 % des dépenses de recherche contre 32 % aux États-Unis83.
29Une troisième solution a été le développement autour de ces multinationales grandes et petites de réseaux de services. Citons ainsi la création de banques de groupe opérant à l’international84. Simca en 1956 a créé sa banque de groupe en France, la Compagnie financière de Paris, par rachat autorisé par le ministère des Finances. Mais l’innovation de la période, c’est la banque de groupe installée hors de France pour opérer sur les marchés étrangers. Les grands pionniers sont ici Michelin (1961) et Renault (1964). Parmi leurs émules l’essor le plus spectaculaire a été celui de L’Oréal. Outils de gestion, capables notamment de faire face au risque devises, ces banques ont pu ensuite jouer le rôle de productrices de services commerciaux à la clientèle du groupe, que ce soit pour la gestion de fortune, le trading, le financement des particuliers ou le financement à long terme des entreprises. Elles sont aussi devenues des moyens de diversification géographique ou stratégique. De façon plus large les formes de financement international de l’industrie et des services se sont multipliées dans la période85.
30Une quatrième solution, pratiquée de longue date par l’ensemble des pays industrialisés, a été le développement d’entreprises mixtes (joint ventures) pour réduire les capitaux à investir et mettre en commun des compétences86. Certaines sont entre firmes françaises : dans l’automobile Peugeot et Renault créent ensemble une usine au Canada en 1965 (elle se révélera cependant vite une impasse), puis, dans les sept années qui suivent étudient des usines communes en Grèce, au Nigeria, en Afrique du Sud, à Madagascar, au Chili, au Pérou, et en Australie87. D’autres entreprises mixtes sont fondées soit avec des firmes de pays développés, soit avec des firmes de pays émergents. En Europe l’aéronautique et l’armement sont le terrain d’élection de telles coopérations à partir des années cinquante88. En 1967 la filiale téléphones de la CGE crée une filiale commerciale avec une société américaine89.
31Une dernière solution a été le développement d’activités nouvelles à l’étranger pour résoudre des problèmes rencontrés sur le terrain. Par la suite elles ont été rapatriées sur l’ensemble du groupe. Jean-François Eck l’a montré sur l’Allemagne90. En 1957 c’est la filiale L’Air Liquide Canada, avec le « bouillant centralien » André Lot qui dirige sa division gaz, qui vient à bout de nombreuses réticences et persuade la direction générale à Paris de passer de l’oxygène gazeux à l’oxygène liquide91. La première diversification de Téfal est venue en 1969 du directeur de la filiale belge. Il a l’idée de commercialiser un nouvel appareil à faire des gaufres que fabrique une petite société lyonnaise. Le succès de cette initiative incite Téfal à créer son propre appareil, et cette innovation est à l’origine de Téfal Électroménager92. L’Oréal a trouvé un style de publicité inédit face aux réticences du marché américain. Dont le fameux slogan : « Ça m’est égal de dépenser plus pour L’Oréal, parce que je le vaux bien », devenu depuis « Puisque vous le valez bien ». Ensuite il est venu en Europe93.
Tableau 1. La présence à l’étranger des vingt-deux premiers producteurs industriels français cotés en bourse en 1974

Note 9494 ;
Note 9595 ;
Note 9696 ;
Note 9797 ;
Note 9898.
Source : Julien Savary, Les multinationales françaises, Paris, PUF, 1981, p. 46-47
Tableau 2. L’ouverture de succursales à l’étranger des banques de dépôt nationalisées de 1948 à 1958
Années | Banques |
1948 | CNEP Calcutta Crédit Lyonnais São Paulo |
1949 | BNCI Montevideo BNCI Mexico |
1951 | Société générale La Havane |
Crédit lyonnais Beyrouth | |
1952 | Crédit lyonnais Khartoum |
Crédit lyonnais Lima | |
1953 | Crédit lyonnais Caracas BNCI Panama |
1954 | Société générale Cologne BNCI Bogota |
1955 | Société générale Luxembourg |
1958 | Crédit lyonnais Téhéran |
BNCI Francfort |
Source des données : Hubert Bonin, « The competitiveness… », art. cit., p. 195-198. Georges Smolarski, « Regards sur la politique internationale du Crédit lyonnais, 1945-1990 », in Bernard Desjardins et alii (dir.), Le Crédit lyonnais 1863-1986, Genève, Droz, 2003, p. 671
Conclusion
32Au terme de ce panorama encore partiel et provisoire nous sommes devant trois questions qui sont très ouvertes.
33La première est de produire une estimation quantitative du mouvement que nous avons retracé. Il s’agit d’abord de classer la multinationalisation française par rapport à celle des autres pays européens dans cette période. Si on se limite à l’investissement international direct dans l’industrie en pourcentage du total mondial et avec des données statistiques très approximatives, la France est toujours derrière la Grande-Bretagne, et à partir de 1976 est dépassée par l’Allemagne fédérale et la Suisse. Alors qu’elle faisait 22,2 % du total mondial en 1914 et encore 8,4 % en 1930, elle en représente 4,7 % en 1960, 5,5 % en 1967, 5,8 % en 1971, 4,1 % en 197699. Il s’agit ensuite, comme des historiens américains l’ont fait pour les entreprises de leur pays, de comparer la part de l’activité réalisée à l’étranger en 1970 par rapport à 1914. Aux États-Unis elle est la même, soit 7 à 8 % du PNB100. Le paradoxe américain a été une croissance du volume des investissements directs à l’étranger, accompagnée d’une diversification géographique, telle qu’elle a abouti au maintien de leur pourcentage d’un PNB en forte hausse. En va-t-il de même en France ? De la baisse du rang international ou de l’essor de la multinationalisation depuis 1945 quelle tendance a l’effet principal ? On ne le sait pas, en l’absence de données aussi bonnes que celles que livre depuis 1991 la Banque de France dans le cadre de ses publications sur la balance des paiements. C’est donc un calcul qui est devant nous.
34La seconde question est encore d’ordre comparatif, mais cette fois sous l’angle qualitatif. Quelles sont donc les particularités des multinationales françaises ? Certaines sont attendues101. La France compte ainsi des leaders mondiaux dans leur spécialité : Michelin, L’Air Liquide, L’Oréal sont trois exemples classiques. Elle possède aussi des firmes de niche : Louis Vuitton dans le luxe102. Elle a des activités de luxe héritées du XIXe siècle, qui ont connu une expansion à partir du début des années soixante-dix, vite traduite dans des implantations internationales103. Mais personnellement je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que la France serait en train de retrouver l’esprit du XIXe siècle. En effet, outre la concentration et l’expansion des firmes pétrolières que nous avons signalées, l’on voit arriver d’autres formes. Des formes de haute technologie104. Une transformation des firmes d’infrastructure105 et des firmes d’armement106 – qui les unes et les autres œuvrent dans des domaines qui sont de vieilles spécialités internationales de la France – en firmes de haute technologie. Bref, comme le souligne dans le présent ouvrage André Cartapanis, une montée en gamme de spécialisation. Ces différents éléments donnent aux firmes multinationales françaises des caractéristiques, une identité assez particulières. Quand on inclut, comme il le faut, banques, compagnies d’assurances, grande distribution, et autres sociétés de services, ces traits se confirment. Cette seconde question se relie étroitement à la première. La part relativement modeste de la France dans les investissements directs mondiaux à l’étranger en 1976 malgré l’expansion que nous avons retracée est-elle en effet, comme se le demande l’économiste américain Jean-François Hennart, attribuable en définitive aux types d’avantages que possèdent les firmes françaises, avantages qui sont peut-être encastrés de façon plus efficace dans des biens ou services ou vendus sous licence que dans le cas des firmes états-uniennes ou est-elle due à une propension plus faible des Français dans cette période à exploiter ces avantages par l’investissement direct à l’étranger ? Le type d’avantages spécifiques à la firme que les entreprises françaises apportent sur les marchés et les modes d’exploitation de ceux-ci qu’elles choisissent sont donc des variables cruciales107, sur lesquelles il nous faudra en savoir davantage.
35Mais peut-on parler pour cette période d’un type unique de multinationale française, quelle que soit la taille ? Ici je rejoins les économistes et les sociologues en distinguant des entreprises qui font du global industriel où les achats, la recherche et le développement, la production, la distribution et le financement sont pensés à la fois dans leur unité et leur diversité à « l’échelle du monde »108, des firmes qui font du global nomade et ont hérité des activités de grands contrats qui avaient commencé dès le XIXe siècle et des firmes qui font du local global à partir notamment des services urbains et qui réunissent un grand nombre d’exploitations toutes locales et singulières, mais ont une gestion commune tant des hommes que des capitaux et des savoir-faire109.
36La troisième question porte sur les effets proprement économiques de l’essor de la multinationalisation en France dans la période. Il est nécessaire d’en savoir plus sur les relations entre l’exportation, la vente de licences de brevets et l’investissement direct à l’étranger dans le cas français. Comme l’a relevé l’économiste Jean-François Hennart, les données rassemblées dans le livre de Julien Savary ne permettent pas de trancher si l’engagement d’investissements directs a accru ou diminué les exportations110. De même, Julien Savary considère que les multinationales françaises ont une « rentabilité supérieure et plus stable » que les autres firmes et que la production à l’étranger est « souvent plus rentable que la production en France »111. Cependant Jean-François Hennart a objecté avec raison qu’aucune conclusion sur la profitabilité relative ne peut être tirée d’une comparaison entre les profits mesurés au niveau des sociétés mères des multinationales avec ceux des firmes purement françaises car l’allocation des profits entre les maisons mères et les filiales est en elle-même arbitraire, et déterminée en partie par des considérations politiques ou fiscales112.
37Ainsi le tableau provisoire que nous avons dressé et l’ampleur des questions toujours ouvertes commencent-ils à faire apparaître des dynamiques, des contradictions et des limites dans la multinationalisation des entreprises françaises de 1945 à la fin du XXe siècle qui sont assez différentes des idées reçues sur le sujet comme des aventures que les médias mettent en valeur aujourd’hui.
Notes de bas de page
1 Julien Savary, « Les stratégies d’internationalisation des firmes », in Richard Arena, Laurent Benzoni, Jacques De Bandt, Paul-Marie Romani (dir.), Traité d’économie industrielle, Paris, Economica, 1988, p. 451-453.
2 Julien Savary, Les multinationales françaises, Paris, PUF, 1981.
3 François Morin, « Préface », in Julien Savary, Les multinationales…, op. cit., p. 6.
4 Claude Boquin, « Le pied marin en affaires », communication à l’École de Paris du management, 1993.
5 Pierre Dellis et Philippe Picard (dir.), « Les sociétés de services et d’ingénierie informatiques », Entreprises et Histoire, novembre 2005. Gérard Dréan, L’industrie informatique. Structures, Économie, perspectives, Paris, Masson, 1996.
6 Michèle Ruffat, Édouard-Vincent Caloni, Bernard Laguerre, L’UAP et l’histoire de l’assurance, Paris, Maison des sciences de l’homme et J.-C. Lattès, 1990. Caroline Desaegher, L’histoire d’Axa, Paris, HM Éditions, 1986.
7 Youssef Cassis et Éric Bussière (dir.), London and Paris as Financial Centres in the Twentieth Century, Oxford, Oxford University Press, 2005. Laure Quennouëlle-Corre, « The state, banks and financing of investments in France from World War II to the 1970’s », Financial History Review, avril 2005, p. 63-86.
8 Je remercie Tetsuji Okazaki pour cette remarque.
9 Olivier Londeix, Lillet 1862-1985. Histoire d’un défi girondin, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 1999.
10 Julien Savary, Les multinationales…, op. cit., p. 111.
11 Julien Savary, « Les stratégies… », art. cit., p. 448-449. Mira Wilkins (éd.), The Growth of Multinationals, Aldershot, Edward Elgar, 1991. Alfred D. Chandler Jr. et Bruce Mazlish (éd.), Leviathans: Multinational Corporations and the New Global History, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
12 Jan Johanson et Jan-Erik Vahlne, « The internationalization process of the firm – a model of knowledge development and increasing foreign market commitments », Journal of International Business Studies, printemps-été 1977, p. 23-32.
13 Hubert Bonin, Christophe Bouneau, Ludovic Cailluet, Alexandre Fernandez, Silvia Marzagalli (éd.), Transnational companies 19th – 20th centuries, Paris, Éditions P. L. A. G. E., 2002.
14 Jean-François Eck, Les entreprises françaises face à l’Allemagne de 1945 à la fin des années soixante, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003. Voir aussi son chapitre dans le présent livre.
15 Charles-Albert Michalet, « Panorama général de la présence de l’industrie française dans l’économie mondiale : 1950-1975 », in Christian Stoffaës (dir.), L’industrie française face à l’ouverture internationale, Paris, Economica, 1991, p. 12.
16 Alain Jemain, Les conquérants de l’invisible. Air Liquide 100 ans d’histoire, Paris, Fayard, 2002, p. 108 et 121-122.
17 Témoignage de M. Bailly, in Christian Stoffaës (dir.), L’industrie française…, op. cit., p. 188. Alain Jemain, Les conquérants…, op. cit., p. 116.
18 Témoignage de trois anciens dirigeants de la banque Mirabaud recueilli par Alain Plessis et moi en 1996. Cf. également Isabelle Chancelier, Messieurs Mirabaud et Cie : d’Aigues-Vives à Paris, via Genève et Milan, Saint-Pierre-de-Vassols, Éditions familiales, 2001.
19 Hubert Bonin, « The challenged competitiveness of the Paris banking and finance markets, 1914-1958 », in Youssef Cassis et Eric Bussière (dir.), London and Paris…, op. cit., p. 200-201. Aucune source n’est citée ni aucun exemple donné.
20 Alain Jemain, Les conquérants…, op. cit., p. 195.
21 Terushi Hara, « The French gas firm L’Air Liquide in Japan (1907-2000) », in Hubert Bonin et alii (dir.), Transnational companies…, op. cit., p. 873-878.
22 Alain Jemain, Les conquérants…, op. cit., p. 121-127.
23 René Lesclous, Histoire des sites producteurs d’aluminium. Les choix stratégiques de Pechiney 1892-1992, Paris, Presses de l’École des mines de Paris, 1999, p. 77-79. Ivan Grinberg et Philippe Mioche, Aluminium de Grèce, l’usine aux trois rivages, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1996.
24 Laurence Bich, Le baron Bich. Un homme de pointe, Paris, Perrin, 2001, p. 91-93.
25 Tomoko Okawa, Dior 1947-1957, mémoire de maîtrise d’histoire, Université municipale de Tokyo, 2005. Les négociations avec l’Office des changes à cette fin ont commencé en 1946, un an avant la création de la maison Dior.
26 Charles-Albert Michalet, « Panorama… », art. cit., p. 12-13.
27 Félix Torrès et Pierre Labasse, Mémoire de Danone. Barcelone, Paris, New York…, Paris, Le Cherche-Midi, 2003, p. 104, 112-114 et 118.
28 Maurice Lévy-Leboyer, Patrick Fridenson, Véronique Rostas, Une entreprise dans le siècle. Histoire du groupe Thomson, Jouy-en-Josas, Campus Thomson, 1995, p. 106.
29 Yves Bouvier, La Compagnie générale d’électricité : un grand groupe industriel et l’État. Technologies, hommes et marchés 1898-1992, thèse de doctorat d’histoire, Université Paris IV, 2005, p. 669-672.
30 Julien Savary, Les multinationales…, op. cit., p. 109-129.
31 Imke Schuller, « L’hypermarché à la française ? ». La grande distribution française en Allemagne 1975-1996. Le cas de Promodès, mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paris VII, 2005, p. 38.
32 Guillaume Franck, À la conquête du marché américain, Paris, Odile Jacob, 1997. Mira Wilkins, « French multinationals in the United States : an historical perspective », Entreprises et Histoire, mai 1993, p. 14-29. Christine Kerdellant, Le prix de l’incompétence. Histoire des grandes erreurs de management, Paris, Denoël, 2000, p. 65-78.
33 Il s’agit surtout de la CGT. Cf. pour Renault vers 1958 Pierre Dreyfus, La liberté de réussir, Paris, J.-C. Simoën, 1977, p. 57.
34 Béatrice Touchelay, « Le CNPF et l’internationalisation des entreprises françaises entre 1946 et le début des années soixante », in Hubert Bonin et alii (dir.), Transnational Companies…, op. cit., p. 843-870. Marine Moguen Toursel, L’ouverture des frontières européennes dans les années cinquante. Fruit d’une concertation avec les industriels ?, Berne, Peter Lang, 2002.
35 Mira Wilkins et Harm Schröder (éd.), The free-standing company in the world economy, 1830-1996, Oxford, Oxford University Press, 1998.
36 Julien Savary, Les multinationales…, op. cit., p. 95.
37 Emmanuel Catta, Victor de Metz. De la CFP au groupe Total, Paris, Total Édition Presse, 1990, p. 323-344. Alain Beltran et Sophie Chauveau, Elf Aquitaine des origines à 1989, Paris, Fayard, 1998, p. 123-148 et 171-190. Travaux d’Éric Godelier (École polytechnique) sur le gaz naturel.
38 François Dalle, L’aventure L’Oréal, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 102-103.
39 Vincent Chapel, « La “poêle magique” ou la genèse d’une firme innovante », Entreprises et Histoire, décembre 1999, p. 63-76.
40 Alain Ehrenberg, Le culte de la performance, Paris, Calmann-Lévy, 1991, p. 97-168.
41 Alain Beltran, « Internationaliser une société nationalisée : l’exemple de Gaz de France (1946-2000) », in Hubert Bonin et alii (dir.), Transnational Companies…, op. cit., p. 390. Yves Bouvier, La Compagnie générale d’électricité…, op. cit., p. 678.
42 Recherches de Sylvie Vo (EHESS).
43 Peter Temin, communication à l’auteur, 1994.
44 Patrick Fridenson, « Renault face au problème du franc et du risque devises (1957-1981) », in Maurice Lévy-Leboyer, Alain Plessis, Michel Aglietta, Christian de Boissieu (dir.), Du franc Poincaré à l’écu, Paris, Comité d’histoire économique et financière de la France, 1993, p. 583-592.
45 Cf. Jean-Pierre Anastossopoulos, Georges Blanc, Pierre Dussauge, Les multinationales publiques, Paris, PUF, 1985.
46 Imke Schuller, « L’hypermarché à la française ? »…, op. cit., p. 38.
47 Jan Johanson and Jan-Erik Vahlne, « The internationalization process… », art. cit.
48 Caroline Desaegher, L’histoire d’Axa, op. cit., p. 26-27.
49 Yves Bouvier, La Compagnie générale d’électricité…, op. cit., p. 671-672.
50 Patrick Fridenson, « The growth of multinational activities in the French motor industry, 1890-1979 », in Peter Hertner and Geoffrey Jones (éd.), Multinationals: Theory and History, Aldershot, Gower, 1986, p. 157-168.
51 Pierre Dreyfus, La liberté…, op. cit., p. 146-147. Yves Bouvier, La Compagnie générale d’électricité…, op. cit., p. 677-679.
52 Chris Argyris, Reasons and Rationalizations: the Limits to Organizational Knowledge, Oxford, Oxford University Press, 2004.
53 Vincent Chapel, « La “poêle magique”… », art. cit., p. 68.
54 Jean-Louis Loubet, Citroën, Peugeot, Renault et les autres. Histoire de stratégies d’entreprises, Boulogne-Billancourt, ETAI, 1999, p. 358-362.
55 Laurence Bich, Le baron Bich…, op. cit., p. 97-98.
56 Gilles Gleyze, La Régie Renault et l’Amérique latine depuis 1945, mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paris X-Nanterre, 1988.
57 Patrick Fridenson, « Business failure and the agenda of business history », Enterprise and Society, décembre 2004, p. 562-582.
58 Pierre-Antoine Dessaux, Des vermicelliers au groupe Danone : consommer, produire et vendre des pâtes alimentaires en France (XVIIe-XXe siècle), thèse de doctorat d’histoire, EHESS, 2003.
59 Jean-François Eck, Les entreprises françaises…, op. cit.
60 Noël Goutard, L’outsider. Chroniques d’un patron hors norme, Paris, Village Mondial, 2005, p. 48 et 54-55.
61 Alain Jemain, Michelin. Un siècle de secrets, Paris, Calmann-Lévy, 1982, p. 217-219.
62 Mira Wilkins, « French multinationals… », art. cit., p. 24-26. Guillaume Franck, À la conquête…, op. cit.
63 Bertrand Collomb, « L’industrie européenne du ciment au XXe siècle », Entreprises et Histoire, mai 1993, p. 108-110. Félix Torrès et Martine Muller, Lafarge Coppée 1947-1989, Paris, Lafarge Coppée, 1991.
64 Maurice Hamon, Du soleil à l’atome, Paris, J.-C. Lattès, 1988.
65 François Dalle, L’aventure L’Oréal, op. cit., p. 230-238.
66 Laurence Bich, Le baron Bich…, op. cit., p. 98-105.
67 Alice Ferrière, L’histoire du Centre national du commerce extérieur entre 1943 et 1972 : renaissance et expansion d’un service public de l’information économique, mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paris I, 2003.
68 Samir Saul, « L’État et l’assurance des risques à l’exportation : la COFACE (1946-1966) », Histoire, économie et société, juillet-septembre 2002, p. 357-375. Ludovic Cailluet, « Nation states as providers of organizational capability: French industry overseas, 1950-1965 », European Yearbook of Business History, II, 1999, p. 83 et 85-86.
69 André de Lattre, « Les relations économiques et financières extérieures », in Christian Stoffaës (dir.), L’industrie française…, op. cit., p. 34. La COFACE prend à sa charge la moitié des créances de Renault en Algérie lorsque sa filiale est nationalisée en 1971 : Jean-Louis Loubet, Citroën, Peugeot, Renault…, op. cit., p. 360.
70 Helen Milner, « Resisting the protectionist temptation: industry and the making of trade policy in France and the United States during the 1970’s », Industrial Organization, automne 1987, p. 659.
71 Hubert Bonin, « The challenged competitiveness… », art. cit., p. 198-200.
72 Sara Nocentini, « Alle origini dell’Istituto nazionale per il commercio estero », Passato e presente, septembre-décembre 2005, p. 65-88, et « L’ICE e la distribuzione degli aiuti postbellici in Italia (1943-1950) », Studi Storici, janvier-mars 2005, p. 155-186.
73 Helen Milner, « Resisting… », art. cit.
74 Yves Bouvier, La Compagnie générale d’électricité…, op. cit., p. 674-675.
75 Je remercie Laurence Badel pour avoir attiré mon attention sur ces deux structures.
76 André de Lattre, « Les relations… », art. cit., p. 40.
77 Jean-Louis Beffa, « Le verre en Europe au XXe siècle. Un bilan historique », Entreprises et Histoire, mai 1993, p. 81-83.
78 Intervention de M. Bailly déjà citée, p. 188-189.
79 Sources privées.
80 François Dalle, L’aventure L’Oréal, op. cit., p. 301-313.
81 Muriel Le Roux, L’entreprise et la recherche : un siècle de recherche industrielle à Pechiney, Paris, Éditions Rive Droite, 1998, p. 306-309.
82 Archives du Comité pour l’histoire économique et financière de la France, rapport au président de la République du groupe de travail présidé par Jean Saint-Geours, « L’allocation des ressources consacrées à la recherche », 1er octobre 1965.
83 Helen Milner, « Resisting… », art. cit., p. 659.
84 Alain Jemain, Michelin…, op. cit., p. 148 et 183-185. Karine Ohana, Les banques de groupe en France, Paris, PUF, 1991. Patrick Fridenson, « Renault… », art. cit., p. 586-590. Gilberte Beaux, Une femme libre, Paris, Fayard, 2006, p. 59-81.
85 Pierre-Bruno Ruffini, « L’internationalisation du financement de l’industrie », in Richard Arena et alii (dir.), Traité…, op. cit., p. 775-786. Éric Bussière, « French banks and the eurobonds issue market in the 1960’s », in Éric Bussière et Youssef Cassis (éd.), London and Paris…, op. cit., p. 265-283.
86 Charles-Albert Michalet, « Les accords interfirmes internationaux : un cadre pour l’analyse », in Richard Arena et alii (dir.), Traité…, op. cit., p. 278-290.
87 Jean-Louis Loubet, Citroën, Peugeot, Renault…, op. cit., p. 362-363.
88 Claire Lemercier, « L’Europe de l’armement ? Cinquante ans d’histoire », Entreprises et Histoire, octobre 2003, p. 101-105.
89 Yves Bouvier, La Compagnie générale d’électricité…, op. cit., p. 673-674.
90 Jean-François Eck, Les entreprises françaises…, op. cit.
91 Alain Jemain, Les conquérants…, op. cit., p. 145-148.
92 Vincent Chapel, « La “poêle magique”… », art. cit., p. 71.
93 François Dalle, L’aventure L’Oréal, op. cit., p. 236-238.
94 Cie de Mokta exclue.
95 En 1980 baisse des effectifs étrangers (cession filiales verre).
96 Fusion de ERAP et SNPA. Les effectifs concernent ici le seul secteur énergie.
97 Absorption de Citroën et des filiales européennes de Chrysler (3e ou 4e rang en 1979).
98 Chiffre d’affaires des filiales étrangères de production. Classement réalisé sur la base de
l’année 1974.
99 Julien Savary, Les multinationales…, op. cit., p. 20.
100 Mira Wilkins, The Maturing of Multinational Enterprise: American Business Abroad from 1914 to 1970, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1974.
101 Dominique Barjot, « French companies’internationalisation : an assessment », in Hubert Bonin et alii (éd.), Transnational Companies…, op. cit., p. 969-978.
102 Paul-Gérard Pasols, Louis Vuitton, la naissance du luxe moderne, Paris, La Martinière, 2005. Kyojiro Hata, Louis Vuitton Japon : l’invention du luxe, Paris, Assouline, 2004.
103 Marc de Ferrière, « L’industrie du luxe en France depuis 1945. Un exemple d’industrie compétitive ? », Entreprises et Histoire, mai 1993, p. 85-96.
104 Pascal Griset, « La haute technologie », in Maurice Lévy-Leboyer (dir.), Histoire de la France industrielle, Paris, Larousse, 1996, p. 390-411. Georges Pébereau et Pascal Griset, L’industrie, une passion française, Paris, PUF, 2005.
105 Dominique Barjot, La trace des bâtisseurs. Histoire du groupe Vinci, Paris, Vinci, 2003. Dominique Lorrain, « La firme locale-globale : Lyonnaise des Eaux (1980-2004) », Sociologie du travail, juillet 2005, p. 340-361.
106 Marc-Daniel Seiffert, Stratégies technologiques et politiques de coopération : l’industrie française des hélicoptères depuis 1945, thèse de doctorat d’histoire, EHESS, 2000. Patrick Fridenson, « Le rôle des petites entreprises, des grandes firmes et de l’État dans la percée de l’optronique militaire en France », in Jean-François Belhoste, Serge Chassagne, Philippe Mioche (dir.), Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004, p. 603-627.
107 Jean-François Hennart, « French multinationals », Journal of International Business Studies, printemps 1986, p. 158.
108 Patrick Verley, L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Paris, Gallimard, 1997.
109 Dominique Lorrain, « Capitalismes urbains : la montée des firmes d’infrastructures », Entreprises et Histoire, septembre 2002, p. 22-24.
110 Jean-François Hennart, « French multinationals », art. cit., p. 156-158. Pour une réponse plus concluante sur cette question (à propos de la Suède), cf. Birgitta Swedenborg, The Multinational Operations of Swedish Firms : an Analysis of Determinants and Effects, Stockholm, Industrial Institute for Economic and Social Research, 1979.
111 Julien Savary, Les multinationales…, op. cit., p. 135-151.
112 Jean-François Hennart, « French multinationals », art. cit., p. 157-158. Pour une vue d’ensemble, cf. Geoffrey Jones, Multinationals and Global Capitalism: from the Nineteenth Century to the Twenty-first Century, Oxford, Oxford University Press, 2005. Pour la France, cf. « Les entreprises sur les marchés mondiaux », Économie et Statistique, nº spécial triple 363-365, novembre 2003.
Auteur
Ancien élève de l’École normale supérieure, Patrick Fridenson est historien économiste, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Rédacteur en chef de la revue Entreprises et Histoire, il est ancien président de l’Association Française des Historiens Economistes (AFHE) et de la Business History Conference. Il a publié récemment : « La différence des entreprises japonaises », in Jean-François Sabouret (dir.), La dynamique du Japon, Paris, Éditions Saint-Simon, 2005, p. 321-331 ; « Introduction », in Olivier Dard et Gilles Richard (dir.), Les permanents patronaux : éléments pour l’histoire de l’organisation du patronat en France dans la première moitié du XXe siècle, Metz, Centre de recherche Histoire et civilisations de l’université de Metz, 2005, p. 5-23 ; « The main changes in the behavior of French companies in the past 25 years », Bulletin de la Société franco-japonaise de gestion, nº 23, 2006, p. 15-25.
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