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La politique monétaire et la tyrannie de l’or pendant les années trente

p. 169-196


Texte intégral

Introduction

1L’un des traits les plus frappants de la Grande Dépression est la rapidité avec laquelle la contraction de l’activité s’est propagée à l’ensemble de l’économie mondiale, entraînant une baisse prononcée des échanges commerciaux, de la production et de l’emploi. Il est admis aujourd’hui que l’étalon or a largement contribué au déclenchement puis à la propagation de la Grande Dépression, ainsi qu’à sa gravité et à sa durée. Le système de l’étalon or a en effet encouragé la spéculation et ses effets déstabilisateurs, exporté les contractions monétaires nationales et poussé à adopter des politiques déflationnistes qui n’ont fait qu’accélérer le mouvement de spirale à la baisse de l’économie mondiale1. Je me propose, dans la présente contribution, d’examiner plusieurs aspects de la période de l’étalon or pour, in fine, tenter d’expliquer pourquoi les acteurs de l’époque ont eu tant de mal à reconnaître que l’étalon or était en grande partie à l’origine des difficultés rencontrées et non la solution à ces difficultés. Je concentrerai mon étude sur la France, pays dans lequel la foi des responsables de la politique économique dans l’étalon or était la plus affirmée et où la convertibilité or a été maintenue le plus longtemps.

2Au début des années vingt, l’étalon or constituait un modèle pour la reconstruction d’un système monétaire cohérent au terme d’une période de guerre et d’après-guerre marquée par l’inflation et l’instabilité monétaire depuis la suspension, en 1914, de la convertibilité or. Ce système pouvait servir de référence en vue d’une définition de la conduite monétaire à adopter en même temps qu’il fournissait des objectifs clairs pour la reconstruction monétaire. Ainsi, Arthur Salter, chef de la section économique et financière de la Société des Nations (SDN) affirmait qu’en 1919 « le monde en 1913 était perçu par la plupart d’entre nous comme un paradis dont nous avions un temps été exclus par une épée flamboyante. À nos yeux, il justifiait à lui seul la peine que nous nous donnions pour reconquérir ce que nous avions perdu […] »2. En termes monétaires, en 1913, l’étalon or exerçait sa domination sur le monde. Le retour à l’étalon or après le premier conflit mondial fut à la fois long et laborieux mais il était vécu comme un sacrifice nécessaire dans la mesure où ce système offrait une solution précise au problème de l’inflation qui se posait de manière ininterrompue depuis 1914. Or, le système de l’étalon or tel qu’il existait dans l’entre-deux-guerres n’était ni à toute épreuve (« knave-proof ») ni d’un fonctionnement infaillible, contrairement à ce que ses partisans affirmaient. Il allait se révéler incapable de résoudre les problèmes de déflation auxquels l’économie mondiale serait confrontée à la fin des années vingt.

3Le rétablissement en 1928 de l’ancrage du franc à l’or marqua la fin d’une période caractérisée, en Europe, par les déficits budgétaires, l’inflation et les dépréciations des monnaies ; les autorités étaient convaincues que l’étalon or allait remettre de l’ordre dans la situation monétaire et financière. Le succès des mesures de stabilisation prises en France les renforça dans la conviction que le système de l’étalon or était indispensable à la stabilité internationale et au bien-être économique national. Ce succès encouragea et prolongea une politique de défense d’un franc surévalué, aggrava la crise en France, en augmenta la durée et isola la France à mesure que les autres pays abandonnaient la référence à l’or. Pour qui s’intéresse à l’évolution de la gestion monétaire au cours des années trente, le cas français est instructif. La validité des recettes orthodoxes, qui préconisaient de relever des taux d’intérêt pour défendre le taux de change et d’attendre les éventuelles conséquences négatives sur l’investissement, l’emploi et la production, fut remise en question par les effets conjugués des déficits budgétaires, de la fuite des capitaux et de la contraction économique. Ces recettes furent abandonnées en raison du décalage entre le fonctionnement théorique de la sphère monétaire et la réalité des choses. L’apprentissage de la science monétaire fut progressif. Les difficultés rencontrées lors de la Grande Dépression obligèrent les décideurs à abandonner les remèdes orthodoxes lorsqu’ils s’avérèrent impropres à combler les déficits budgétaires et à abaisser le haut niveau de chômage qui sévit pendant la déflation prolongée caractéristique de la Grande Dépression.

4Cette analyse diffère des interprétations récentes qui ont pu être faites de cette époque. Pour les tenants de ces interprétations, l’évolution de la politique monétaire s’est faite sous l’impulsion de modifications soudaines apportées à des régimes au départ statiques. Par ailleurs, pour eux, l’abandon de la référence à l’or dans les années trente ouvrit la voie à la reprise dans la mesure où, sous l’influence de la montée de la démocratie, une vague de contestation populaire balaya du pouvoir une élite totalement engluée dans « l’idéologie de l’étalon or »3. Ces interprétations masquent le caractère progressif de l’amélioration de la compréhension des problèmes économiques et de la réorientation des politiques, la continuité des institutions et des personnels malgré l’évolution des idées, ainsi que l’évolution des points de vue des responsables politiques et des institutions chargées de définir les politiques. Il est plus juste de considérer que les changements qu’a connus la politique monétaire durant cette période ont été le résultat d’une évolution, et non d’une révolution. La politique monétaire conduite par la banque centrale et le gouvernement changea en ce sens qu’elle accorda plus d’attention immédiate au contexte économique interne et se préoccupa moins de créer des bases solides pour la croissance économique future en s’attachant strictement à maintenir la stabilité monétaire.

5Le système de l’étalon or faisait de la stabilité des changes – garantie par la convertibilité en or selon une parité fixe – l’objectif central de la politique monétaire et confiait au premier chef aux banques centrales le soin de conduire une politique dans ce sens. L’emploi et la production devaient bénéficier de la stabilité des changes et de « l’ajustement automatique » du pouvoir d’achat national, cependant que les fluctuations des prix constituaient le principal instrument d’ajustement : « Les prix internes étaient automatiquement ajustés de façon telle que les importations n’atteignent pas un niveau excessif ; la création de crédit bancaire était tellement encadrée qu’il était possible d’accorder aux établissements bancaires une liberté par rapport au pouvoir de l’État qui aurait été impossible dans le cadre d’un système monétaire moins rigide4. » On considérait comme allant de soi que les prix s’ajusteraient par le biais des changements en matière de taux d’intérêt, d’investissement, d’emploi et de salaire dans le cadre d’un système « automatique » qui ne prévoyait en principe pas de gestion discrétionnaire et était censé être un processus efficace et autonome pourvu qu’aucune décision extérieure ne vienne l’affecter. Or, la spirale à la baisse dans laquelle les prix, la production et l’emploi furent entraînés après 1929 augmenta les coûts économiques et politiques du maintien en place de l’étalon or. Le recul de la production et de l’emploi accrut la demande de politiques aux effets plus rapides et l’on ne se contenta plus de la promesse d’une croissance future fondée sur un resserrement préalable de la politique monétaire.

6À l’appui de ma thèse selon laquelle la compréhension des phénomènes monétaires s’est faite de façon séquentielle, j’examinerai ici quatre aspects de la période de l’entre-deux-guerres, en mettant l’accent sur la France entre 1928 et 1939. Le premier de ces aspects concerne la nature de la foi en l’or et le peu d’espace que cette foi laissait à une coopération entre banques centrales dans le cadre du nouvel étalon or. Le deuxième aspect concerne la difficulté qu’il y a nécessairement à vouloir traiter les difficultés internationales comme des problèmes à résoudre à l’échelon national et cela a fortiori dans le cas de la défense de l’étalon or en France. Le troisième aspect concerne le lien entre les vertus prêtées à l’étalon or et les intérêts institutionnels des banques centrales. Avec l’instauration de l’étalon or, les banques centrales se sont vues confier la définition de la politique monétaire nationale et ont ainsi pris le relais de l’exécutif, dont l’action s’était soldée par l’inflation et la dépréciation de la monnaie ; les banques centrales montrèrent une certaine réticence, on s’en doute, à se défaire de cette nouvelle compétence. Les pouvoirs conférés aux banques centrales dans les années vingt les incitèrent à défendre encore plus ardemment l’étalon or et ralentirent la progression de la gestion discrétionnaire. Enfin, le quatrième aspect concerne les moyens utilisés pour s’affranchir des « chaînes » de l’étalon or. Ni la fin de la convertibilité or ni la mise à l’écart des élites politiques ne jurant que par l’étalon or n’y suffirent : il fallut un revirement de la part des autorités monétaires qui, généralement, survivaient aux changements opérés dans la composition politique des gouvernements. Ce revirement intervint lorsqu’elles durent convenir que leur attachement à l’étalon or, certes conforme à la pensée orthodoxe, aggravait les crises économiques au lieu d’en atténuer les effets.

I. L’étalon or et la coopération entre banques centrales entre 1928 et 1931

7Les observateurs de l’époque accueillirent la stabilisation de jure du franc en juin 1928 comme l’événement marquant la fin de l’instabilité monétaire d’après-guerre. L’Economist y vit « une étape qui marquera la fin du chaos monétaire caractéristique de l’après-guerre en Europe » tandis que la Réserve fédérale américaine estimait dans son bulletin que cette stabilisation signalait « l’achèvement, dans la pratique, de la reconstruction monétaire mondiale »5. Pour Montagu Norman, gouverneur de la Banque d’Angleterre, la stabilisation potentielle du franc représentait « l’évolution la plus à craindre dans un avenir proche »6, mais il est vrai que Norman était particulièrement sensible à l’influence française sur le marché de Londres et aux revendications possibles de la France sur les réserves d’or britanniques. La stabilisation de jure du franc signifiait le retour de toutes les grandes monnaies à l’or et la restauration de la « normalité ».

8Pour autant, « normalité » ne signifie pas reproduction à l’identique de l’étalon or classique. Les pièces d’or furent retirées de la circulation et, dans le nouvel étalon or lingot, le lien entre la monnaie et l’or était moins direct. Malgré une inflation non négligeable aux États-Unis, le dollar américain était parvenu à maintenir la même parité or qu’avant le conflit. Cela incita d’autres pays, notamment la Grande-Bretagne, à retrouver les parités d’avant-guerre et augmenta les besoins en or des réserves des banques centrales7. Anticipant une pénurie de métal jaune, les participants à la conférence de Gênes recommandèrent que seules certaines banques centrales détiennent des réserves d’or, ce qui eut pour effet de prolonger l’existence du « gold exchange standart » tel qu’on le connaissait avant la guerre. Les résolutions des participants appelèrent également à une coopération entre banques centrales afin de piloter un système dont on espérait auparavant qu’il se gérerait seul. Ainsi, le système monétaire international s’orienta, bon gré mal gré, vers un encadrement et une coordination renforcés.

9Au demeurant, les résolutions adoptées à Gênes ne recueillirent pas des banquiers centraux le soutien à même de garantir leur mise en œuvre intégrale dans les années qui suivirent. L’idée d’une concertation régulière entre banques centrales dans le but de stabiliser le système monétaire international était nouvelle : elle avait été avancée pour la première fois en 1916 par Benjamin Strong, gouverneur de la Federal Reserve Bank of New York (FRBNY) et soutenue au début des années vingt par Montagu Norman. Avant 1914, la coopération entre banques centrales s’était faite de manière irrégulière et en fonction des circonstances. Elle avait été motivée par l’intérêt bien compris des banques en cas de crise, plutôt que par le souci d’une stabilité systémique8. Cette coopération contribua au ré-arrimage des principales monnaies européennes à l’or après la guerre et nourrit l’espoir d’un programme plus ambitieux : en se consultant régulièrement, les banquiers centraux devaient pouvoir coordonner les initiatives prises pour améliorer la stabilité du système international. Or, en 1928, l’étalon or ayant été rétabli, les banquiers centraux n’étaient pas disposés à gérer de manière collégiale le système monétaire international : ils considéraient à la quasi-unanimité que le « gold exchange standard » souffrait de graves défauts et qu’il ne se concevait que comme un système provisoire, le temps que les banques centrales parachèvent la réintroduction d’un étalon or lingot. Ils estimaient qu’à partir du moment où la gestion était saine à l’échelon national, toute coopération deviendrait superflue, mise à part dans des circonstances exceptionnelles génératrices de crises. Lors de l’élaboration des textes organisant le rétablissement de la convertibilité du franc, la Banque de France rejeta le « gold exchange standard » au motif qu’il était « un système monétaire condamné par l’expérience qui en a été faite au cours des dernières années »9. La Banque d’Angleterre, principal défenseur du « gold exchange standard » dut constater en 1928 et 1929 que les banques centrales européennes se détournaient petit à petit du « gold exchange standard »10, et que nombre d’entre elles manifestaient à son endroit ainsi qu’à celui de son gouverneur une certaine défiance11.

10Si les résolutions de Gênes recommandaient le rétablissement du « gold exchange standard », c’est parce que les Britanniques craignaient que la quantité insuffisante d’or disponible pour les réserves des banques centrales compromette le bon fonctionnement du système une fois réintroduit12. Reste que si l’on excepte Norman et quelques conseillers britanniques, les banquiers centraux ne craignaient en 1928 aucune pénurie d’or. Strong voyait la production d’or à des niveaux records en 1928 et pensait que le déblocage d’une partie des réserves d’or américaines reconstituerait les stocks des banques centrales européennes et fournirait des quantités suffisantes de métal jaune pour le système monétaire international13. Les autorités françaises, pour leur part, ne constataient aucune pénurie d’or et n’en prévoyaient pas non plus : elles faisaient le raisonnement que la baisse des prix encouragerait une production d’or adaptée aux besoins14. L’appel lancé à la Banque d’Angleterre à Gênes en faveur de l’organisation d’une conférence des banquiers centraux à la Banque d’Angleterre était resté sans suite. En effet, les projets de résolutions sur la politique des banques centrales diffusés par Norman en 1922 ne rencontrèrent pas un consensus suffisant de la part des banquiers centraux pour que l’organisation d’une conférence soit jugée opportune15. En 1927, la Banque d’Angleterre décourageait même toute proposition visant à susciter un débat public sur la politique des banques centrales et Norman préférait travailler, loin des regards, avec de petits groupes de banquiers centraux partageant ses opinions. Le gouverneur Strong, lui aussi, préférait aux conférences officielles, et à l’attention et aux attentes qu’elles ne manqueraient pas de susciter, les réunions informelles entre collègues voyant les choses de la même façon16. Aucun gouverneur ne tenait particulièrement à créer des structures officielles en vue d’instaurer une coopération plus étroite. S’il était positif de communiquer régulièrement sur les fluctuations du taux d’escompte et sur les tensions sur les marchés des changes, la clé de la stabilité du système résidait avant tout dans la conduite de politiques nationales avisées.

11Lorsque la Société des Nations proposa une enquête sur les incidences de l’étalon or sur la stabilité monétaire et la stabilité des prix, les banquiers centraux lui opposèrent que cela risquait de susciter un débat public sur la politique des banques centrales qui pourrait chercher à imposer à ces dernières de suivre les recommandations de personnalités extérieures. L’idée de cette enquête, qui était à l’origine celle de Sir Henry Strakosch, conseiller auprès de Norman, fut reprise par Sir Arthur Salter à la SDN. Tous deux avaient le souhait que des représentants des banques centrales participent à cette vaste enquête, mais force fut pour Salter de constater que les gouverneurs de banque centrale se montraient peu coopératifs. Moreau et Strong, par exemple, étaient hostiles à l’enquête et, en novembre 1928, Moreau expliqua les raisons de cette hostilité dans une lettre adressée à George Harrison, qui prit la tête de la FRBNY au décès de Strong. Pour eux, le principal danger de cette enquête était que les responsables politiques et l’opinion allaient dès lors immanquablement accroître leur influence sur la politique monétaire. Ils considéraient les membres de la SDN comme des amateurs empiétant sur le domaine de compétence des professionnels qu’étaient les banquiers centraux17.

12Même au sein de la Banque d’Angleterre, il se trouvait des conseillers pour estimer que l’enquête de la SDN n’était que de manière trop patente dans l’intérêt de la Grande-Bretagne et qu’elle cherchait à « retirer les marrons du feu pour l’Angleterre »18. « En réalité, Sir Strakdosch plaide le cas de la Grande-Bretagne », déclara un adversaire de cette enquête lors de délibérations à la Banque de France ; les Britanniques cherchaient à protéger leur industrie et leurs échanges commerciaux après une réévaluation trop rapide de leur devise visant à la ramener durablement à sa parité d’avant-guerre19. Norman décida à contrecœur de se rallier au point de vue des autres banquiers centraux plutôt que de prendre une position qui l’isolerait20. Les banques centrales ne coopérèrent aucunement à l’enquête de la SDN, qui progressa lentement et fut rattrapée par l’effondrement des prix mondiaux et des échanges commerciaux internationaux à partir de 1929. Son rapport final, publié en 1932, attribuait la responsabilité de la crise aux erreurs d’arbitrage économiques commises dans le sillage de la Première Guerre mondiale mais ne proposait aucune solution. Les experts de la SDN étaient divisés quant au fait de savoir si la politique menée en matière d’or avait joué un rôle décisif21. Si les banquiers centraux étaient opposés à l’enquête, c’est parce qu’ils n’estimaient pas encore qu’il y avait pénurie d’or, que la quantité d’or en circulation avait une incidence sur les prix ou encore parce qu’ils estimaient que les institutions auxquelles ils appartenaient avaient la capacité ou le devoir de stabiliser les prix. Ils refusaient toute « ingérence » de la SDN dans la politique des banques centrales22. La Banque d’Angleterre et le Trésor britannique se rallièrent aux conclusions du rapport de la majorité tandis que l’impuissance de la Délégation à réunir un consensus et à proposer des actions de coopération constructives ne fit que souligner l’incapacité de la SDN à résoudre la crise internationale23.

13La coopération entre banques centrales lors des crises qui secouèrent l’Europe centrale en 1931 et conduisirent le sterling à décrocher de l’or a souvent été jugée catastrophique24. Toutefois, dès lors que les banquiers centraux voyaient dans l’étalon or un moyen de garantir des politiques nationales saines, la coopération avait vocation à n’être utilisée qu’à titre exceptionnel et il n’était pas possible d’attendre d’elle qu’elle pallie les erreurs de gestion interne à l’origine de déficits budgétaires et d’une fuite des capitaux. Si la politique de coopération avait porté ses fruits au milieu des années vingt, lorsque les banques centrales accordèrent des crédits de stabilisation (non destinés à être utilisés) pour accroître la confiance dans les programmes de stabilisation et encourager les prêts de l’étranger, en 1931, en revanche, elle n’était pas à même de résoudre les crises ; le contraste entre ces deux périodes était frappant. En accordant des crédits pour consolider la stabilisation des changes, les banques centrales donnaient en quelque sorte leur blanc-seing aux mesures nationales prises pour rétablir la stabilité financière et monétaire, ce qui facilitait en retour l’emprunt sur les marchés étrangers. Dès lors, la situation n’avait aucun caractère d’urgence : les banquiers centraux étudiaient les politiques budgétaire et monétaire en détail, proposaient des solutions et acceptaient d’accorder des crédits s’ils pouvaient raisonnablement estimer que les conditions de la stabilisation étaient réunies. Lors des crises monétaires comme celle de 1931, il était essentiel d’agir rapidement : les crédits sollicités étaient destinés à être utilisés immédiatement, pas à résoudre les problèmes de fond, quand bien même ils en auraient été capables. Ils permettaient de laisser aux mesures nationales le temps d’agir pour mettre un terme à la crise, mais pas d’éluder les réformes internes essentielles. Lorsque l’intervention de la banque centrale – prenant généralement la forme d’un relèvement du taux d’escompte s’avérait nécessaire, cette intervention n’était qu’un élément parmi d’autres d’un programme qui comptait sur l’action politique pour réduire les déficits budgétaires et résoudre les difficultés critiques d’ordre bancaire ou concernant la balance des paiements. Le rôle des banques centrales, sous forme de conseils, de mesures ou de coopération n’était que secondaire par rapport à l’action gouvernementale et était au demeurant compris comme tel par les banquiers centraux, qui pressaient des autorités politiques dans la tourmente de durcir leur politique budgétaire25.

14Les décrochages de la parité or dans les années trente se firent sous la pression, dans le but d’éviter des pertes d’or exigées par l’étalon or et plutôt que d’avoir à imposer aux économies nationales une baisse de régime politiquement intenable. Le maintien de la convertibilité aurait en effet supposé une augmentation de la pression fiscale, des coupes claires dans les dépenses (y compris dans les dépenses contra cycliques telles que les allocations de chômage), ainsi que la hausse du chômage qui aurait permis une réduction des coûts de la main-d’œuvre. La coopération entre banques centrales ne pouvait rien changer au fait que dans le système de l’étalon or, la première des priorités était la stabilité des changes, non la production et l’emploi. Si elles furent initialement réticentes à abandonner la référence à l’or, les autorités monétaires ne tardèrent pas à s’adapter et à utiliser les instruments à leur disposition pour stimuler l’emploi et l’activité économique. Le cas de la Grande-Bretagne est emblématique à cet égard26. En France, la volonté de conserver la référence à l’or était plus forte. En outre, le pays était momentanément à l’abri des tensions déflationnistes grâce à la sous-évaluation du franc en 1928 et à l’abondance des réserves d’or accumulées depuis cette date. De ce fait, les autorités eurent beaucoup plus de mal à revoir leurs priorités et à privilégier la bonne santé de l’économie nationale à la stabilité des changes.

II. La dimension nationale : la défense de l’étalon or en France

15Pour que tout à la fois la croyance fondamentale dans l’étalon or et une politique monétaire passive puissent céder la place à une gestion monétaire active ayant pour ambition de stimuler la reprise de l’économie nationale, il fallait que les autorités revoient leurs priorités : la primauté de la stabilité des changes devait céder la place à la stimulation de l’emploi et de la production par le biais de la politique monétaire. Dans ce changement de priorités, les pertes des stocks d’or, le niveau élevé du chômage et les pressions nationales jouèrent un rôle moteur, même si le premier de ces facteurs ne constitua une menace sérieuse pour la France qu’à partir du moment où la plupart des pays rattachés à l’étalon or suspendirent la convertibilité de leur devise. Les autorités monétaires françaises eurent donc la chance de pouvoir observer l’évolution de la politique monétaire conduite à l’étranger entre 1931 et 1936, période durant laquelle la situation économique française se détériora.

16Dès lors que la convertibilité or se faisait à parités fixes, la trajectoire de la politique monétaire était clairement tracée : 1) maintenir la parité du franc en prévoyant des réserves d’or suffisantes pour respecter les exigences en matière de réserves légales (35 % du total des engagements à vue) et faire face à tout déficit passager de la balance des paiements ; 2) apporter à la politique monétaire les ajustements nécessaires pour maintenir un solde extérieur ne mettant pas en danger les réserves d’or. La stabilité des changes créerait les conditions d’une croissance économique saine. Les opérations d’open market étaient considérées comme inflationnistes et étaient généralement utilisées pour se soustraire à l’impératif d’autodiscipline inhérent à l’étalon or27. Le relèvement du taux d’escompte était le principal moyen de se prémunir contre les pertes d’or.

17La sous-évaluation du franc et l’importance de l’excédent budgétaire avaient conforté le solde largement positif de la balance des paiements et la faiblesse du cours des titres boursiers, de sorte que cela avait stimulé l’afflux de capitaux et d’or vers la France après la stabilisation de 1928. Entre juillet 1928 et juin 1932, la valorisation des réserves d’or passa de 29 à 82 milliards de francs tandis que le ratio or/devises dans les réserves passa de 40 % en juin 1928 à 76 % en juin 1932. Les pertes d’or entraînant dans les pays en déficit une restriction monétaire et une contraction de l’activité qui se propagèrent à l’économie mondiale, la Banque de France présenta la Grande Dépression comme la résultante normale de l’étalon or. La France n’avait nul besoin de mesures de relance : la contraction de l’économie ailleurs représentait le moyen nécessaire pour rétablir l’ordre à l’intérieur des frontières et l’harmonie à l’échelle internationale. L’or quitterait la France à partir du moment où la contraction économique ailleurs aurait rétabli une situation financière saine dans les pays subissant des pertes d’or28. Les représentants des administrations britannique et française du Trésor consacrèrent des débats à ce sujet en 1930-1931, sans qu’ils débouchent sur beaucoup de résultats. La Banque de France fit valoir qu’elle ne pouvait guère faire plus que de s’en tenir à l’attitude passive qui allait de pair avec sa foi dans l’étalon or. Ce système était là pour se prémunir contre l’inflation, pas pour la stimuler dans les pays dont l’augmentation des réserves d’or était là pour témoigner du caractère adapté de leur politique29.

18Les politiques fondées sur l’étalon or obligèrent à prendre des mesures déflationnistes pour endiguer les pertes d’or et, dans un mouvement de spirale à la baisse affectant les prix, la production, l’emploi et les échanges, enfoncèrent les pays un peu plus dans la crise. La France attendit que des mesures soient prises à l’étranger car, plutôt que de concevoir la politique budgétaire et la politique monétaire comme des instruments de relance, elle estimait que la bonne utilisation faite par la France de l’étalon or pourrait servir d’exemple aux autres pays qui, dès lors, ne tarderaient plus à se rendre compte des avantages d’un ré-arrimage de leur monnaie à l’or. Or, au lieu d’être un îlot de prospérité grâce à son utilisation de l’étalon or, la France se retrouva de plus en plus isolée à mesure que les pays hors du système mettaient au point des politiques de relance de l’économie nationale et de gestion de leur monnaie qui incluaient une gestion des changes et ne semblaient pas tenir beaucoup à rétablir la convertibilité or, associée à des contraintes paralysantes30.

19La France cherchait par sa fidélité à l’or à démontrer la viabilité de l’étalon or en remédiant à ses propres déficits de la balance des paiements et de son budget, car le scepticisme qu’inspirait sa politique à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières entraînait une fuite des capitaux et la spéculation contre le franc. Or, la réussite de la défense du franc ne dépendait pas de la situation budgétaire intérieure : elle dépendait en grande partie de décisions prises à l’étranger sur lesquelles la France n’avait aucune prise. L’attaché financier Emmanuel Mönick tint des propos dépourvus d’ambiguïté à ce sujet en septembre 1935, en affirmant que la politique déflationniste conduite en France, quels qu’en soient les succès à l’échelon national, pouvait être compromise par la dépréciation des autres monnaies tant que la France continuerait d’utiliser l’étalon or31. L’étalon or exigeait l’adaptation de l’économie nationale au contexte international. Aucune solution purement nationale n’était possible tant que la France était susceptible, dans le cadre d’un régime de changes fixes, de subir des pertes d’or. À la fin de 1935 et au cours des premiers mois de 1936, les leaders d’opinion en France ne perdirent pas foi en l’or mais en la capacité du pays à défendre le franc Poincaré32.

20Cette perte de foi résultait du dilemme fondamental posé par la politique de l’étalon or : comment trouver l’équilibre entre les bénéfices supposés de la stabilité des changes (stabilité vers laquelle tendait en priorité la politique monétaire) et les coûts immédiats pour l’économie nationale (déflation, hausse des taux d’intérêt, contraction des investissements et montée du chômage) des politiques que le système rendait nécessaires ? Même si la problématique n’était pas formulée de cette façon, ceux qui perdirent foi dans la capacité à défendre le franc Poincaré en vinrent à considérer que la dévaluation était préférable à une crise prolongée. L’étalon or ne pouvait pas être conservé par un pays seul, quand bien même il était considéré comme le système optimal.

21Trois facteurs sont à l’origine de cette perte de confiance dans le franc Poincaré. Premièrement, en grande partie du fait de la dépréciation des autres devises à l’étranger, la France n’était pas compétitive à l’international (handicap masqué par l’application de quotas et de droits de douane, considérés comme les principaux obstacles au commerce). Les producteurs français se retrouvaient étranglés par la chute des prix mondiaux et se voyaient obligés de diminuer leurs coûts afin d’affronter les prix du marché mondial, réduits du fait de la dépréciation monétaire. En période de chute des prix, les producteurs et les vendeurs éprouvaient bien des difficultés à réaliser un quelconque profit. Aussi le principal argument en faveur de la dévaluation du franc utilisé par Paul Reynaud fut-il la nécessité de rétablir les conditions permettant aux entreprises françaises de faire face à leurs coûts et de dégager un bénéfice. Deuxième facteur : le niveau élevé des taux d’intérêt, rendu nécessaire par la défense du franc, eut un impact majeur sur l’investissement et l’emploi dans le pays. L’importance accordée par la Banque de France à la stabilité du taux d’escompte et son refus d’admettre que, en période de déflation, des taux modérés en termes nominaux étaient, en termes réels, des taux élevés lui coûtèrent le soutien du monde des affaires et créèrent des divisions entre la Banque et le Trésor33. Troisièmement, l’impossibilité d’équilibrer le budget en raison de recettes qui baissaient à rythme plus rapide que les dépenses exposaient les gouvernants au refus de la population de voir réduites les dépenses (salaires, pensions, remboursements de la dette, en particulier). Ces griefs provoquèrent des manifestations populaires contre les décrets-lois pris par Laval en juillet 1935 pour mettre en place une politique déflationniste et suscitèrent la sympathie d’une partie du corps électoral, notamment des fonctionnaires34.

22L’acceptation de la dévaluation en 1936 ne signifiait pas l’abandon de la croyance dans l’étalon or. Il était devenu intenable de défendre le franc Poincaré, surévalué, et indispensable de renoncer à cette politique pour assainir les finances de la France et accorder la valeur de la monnaie à la dépréciation monétaire à l’étranger ainsi qu’à l’effet réflationniste des mesures décidées sous le Front populaire. Le ministre des Finances, Vincent Auriol, espérait négocier une réévaluation de la devise française dans le cadre d’un rétablissement généralisé de l’étalon or. Les autorités monétaires américaines et britanniques ne souhaitant nullement limiter leurs marges de manœuvre respectives par un retour à l’or, cet espoir tourna court. La France procéda à une dévaluation en s’efforçant toutefois de gérer la parité entre le franc et le sterling, mais sans avoir une idée très précise de la manière dont elle pourrait utiliser la latitude accrue que cela pourrait lui procurer pour sa gestion des changes et la conduite de sa politique budgétaire35.

III. La dimension institutionnelle : l’étalon or et les banques centrales modernes

23Le maintien de l’étalon or présentait un grand intérêt institutionnel pour les banques centrales. Il avait joué un rôle important dans leur transformation en institutions modernes, dans le cadre de l’évolution des systèmes bancaires nationaux intervenue à la fin du XIXe siècle. Grâce à l’étalon or, les instituts d’émission nationaux se voyaient confier un objectif central, clair et indiscutable, distinct de leurs responsabilités à l’égard de l’État : maintenir la parité or de la monnaie nationale. Pour y parvenir, le principal instrument dont ils disposaient était le taux d’escompte, auquel s’ajoutaient le réescompte et, dans certains cas, les opérations d’open market36. En 1914, la suspension de la convertibilité or avait eu pour conséquence le transfert du contrôle monétaire des banques centrales aux gouvernements, qui utilisèrent la création monétaire pour financer la guerre. Les autorités présumaient que ce transfert serait temporaire et qu’il serait aisé, les hostilités étant terminées, de revenir à la situation qui prévalait antérieurement. Mais dans la période d’après-guerre, les efforts considérables déployés pour équilibrer les budgets et stabiliser les monnaies se révélèrent laborieux et la restitution du contrôle de la création monétaire aux banques centrales présenta un nouvel attrait du fait de la sensibilité de l’action du gouvernement aux pressions inflationnistes politiques et financières. Les nouvelles banques centrales devenues autonomes étaient censées assurer, de façon rationnelle et au plan technique, la conduite de la politique monétaire. Le retour à l’étalon or permettrait de rétablir la stabilité, de juguler l’inflation et de maîtriser les dépenses publiques en restituant le pouvoir monétaire à des banques centrales autonomes37.

24Mais l’objectif d’un maintien de la parité or ne faisait plus alors l’unanimité. L’intérêt du public pour la politique économique et monétaire s’était accru sous l’influence de plusieurs facteurs : le rôle de plus en plus prépondérant de l’État dans l’économie nationale, l’extension du droit de vote et le développement de la représentation politique de la classe ouvrière. En outre, dans tous les pays, des questions financières internationales telles que les réparations et les dettes de guerre pesaient désormais lourdement sur la balance des paiements. La politique monétaire et financière ne pouvait être envisagée en dehors de toute réflexion politique et la ligne d’action de la banque centrale faisait à présent l’objet d’un examen plus rigoureux, tant par les responsables politiques que par l’opinion, et de critiques plus nombreuses38.

25Le rétablissement de l’étalon or dans les années vingt visait à replacer la politique monétaire sous le contrôle exclusif de la banque centrale, comme au temps de l’étalon or classique. En 1921, Norman attendait avec impatience l’avènement d’une ère où « la politique pourrait laisser la place à l’économie et à la finance » et concevait les banques centrales comme des experts financiers apolitiques capables de diriger les finances internationales avec bien plus d’efficacité si le monde politique était laissé à l’écart39. Strong, quant à lui, déplorait l’ingérence croissante des politiques dans le dossier financier. Tant Norman que Strong faisaient l’objet d’une surveillance et de pressions constantes de la part des journalistes et des autorités ; l’incidence directe qu’avait la politique monétaire sur l’économie nationale ne pouvait être ignorée.

26Au cours des premières années d’après-guerre, la Banque de France ne parvint pas à corriger la politique financière de l’État afin, au final, de modérer l’impact des déficits budgétaires sur le franc40. Lorsqu’il devint gouverneur en juin 1926, Émile Moreau fit du rétablissement du pouvoir et de l’autonomie de la banque centrale une priorité dans ses relations avec Raymond Poincaré41. Le succès de la stabilisation du franc en 1928 permit à la Banque de s’employer ultérieurement au maintien de la parité or du franc, ce qui impliquait tout d’abord de s’opposer à l’augmentation rapide de la circulation fiduciaire, consécutive à la stabilisation. Avec un budget national excédentaire, une balance des paiements favorable (qui drainait un important flux d’or vers la France) et une forte croissance économique, il n’y avait nul motif à un conflit entre la Banque et le Trésor ou à une ingérence politique dans la conduite de la politique monétaire42.

27Néanmoins, lorsque cette situation se détériora après 1930, se traduisant par l’augmentation des déficits budgétaires et la diminution de la production et de l’emploi, la Banque de France géra cette crise comme un ralentissement cyclique normal de l’activité appelant un remède orthodoxe : maîtriser les dépenses publiques et empêcher le recours excessif à l’escompte. Avec des finances assainies et une monnaie solide, la reprise en France se produirait d’elle-même une fois éliminée l’activité économique qui n’était pas saine43. En 1932, dans son rapport annuel publié en janvier, la Banque affirma son renoncement à l’aventurisme monétaire et se prononça en faveur d’une politique orthodoxe fondée sur l’étalon or : « Nous estimons plus que jamais de notre devoir d’assurer au franc le gage métallique qui est la seule base stable sur laquelle puisse s’appuyer une monnaie. Nous considérons la convertibilité en or, non comme une servitude surannée, mais comme une discipline nécessaire. Nous voyons en elle la seule garantie efficace de la sécurité des contrats et de la moralité des transactions44. » Responsables politiques et économistes étaient d’accord sur ce point. Après quatre années de crise, Charles Rist, économiste français renommé et ancien gouverneur adjoint de la Banque de France, restait convaincu que le rétablissement de l’étalon or permettrait de redresser l’activité économique ; les quotas et les restrictions à l’importation « disparaîtraient comme par magie » et les flux de capitaux et les courants d’échanges internationaux reprendraient normalement :

« La sévérité de la crise que traverse le monde depuis maintenant quatre ans n’est pas imputable à quelque défaut intrinsèque de l’étalon or, mais plutôt aux erreurs qui furent peut-être malheureusement commises lors de son rétablissement après la guerre45. »

28Or l’économie de la France et de ses partenaires du bloc or resta engluée dans la crise après 1933, tandis que celle des pays dont la monnaie n’était plus couplée à l’or se redressa ; la défense du franc Poincaré suscita alors une attention de plus en plus critique. Les critiques les plus importantes émanaient de trois fronts. Tout d’abord, le Trésor, subissant des pertes de recettes chroniques, prit conscience que la fixation des taux d’intérêts à un niveau plus faible était essentielle non seulement pour réduire le coût de l’emprunt public, mais également pour relancer l’économie française. En mai 1934, un conflit se fit jour entre la Banque et le Trésor sur la politique des taux d’intérêt et affaiblit les opposants à une dévaluation au sein du Trésor en 1935 et durant le premier semestre de 193646. Fidèle au principe de l’étalon or, la Banque affirmait que la politique des taux d’intérêt devait constituer le principal instrument permettant de préserver les réserves d’or de la Banque et non servir à promouvoir la relance au plan national. Ensuite, la défense du franc faisait de la Banque elle-même la cible de critiques, non seulement parce qu’elle était l’institution responsable de cette politique, mais aussi parce qu’elle allait au-delà de sa mission sur le marché des changes en organisant et en subventionnant une campagne d’articles de presse et de discours publics dans toute la France ayant pour but la défense de la politique de change et du système de l’étalon or dans le débat politique47. Cette campagne visait à encourager l’opposition populaire à la dévaluation et, par là même, la pression de l’opinion sur les responsables politiques pour préserver le franc Poincaré. Ces efforts déployés par la Banque pour tenter d’influencer le débat politique suscitèrent des critiques émanant de la gauche, critiques qui auraient pour effet en 1936 de faire figurer la question de l’indépendance de la Banque en bonne place dans le programme électoral du Front populaire. Enfin, l’année 1935 vit le mécontentement grandir dans les milieux des affaires et de la finance, notamment dans les secteurs de l’agriculture, des industries d’exportation et du tourisme, qui ressentaient tous directement l’incidence de la surévaluation du franc. La réussite de la Banque dans la défense du franc était contrebalancée par la conviction, de plus en plus répandue dans les milieux d’affaires, qu’une dévaluation serait plus utile à l’économie.

29Ne plus croire dans le franc Poincaré ne signifiait pas nécessairement ne plus avoir foi dans l’étalon or. En cherchant à négocier une dévaluation dans le cadre d’une stabilisation internationale, le premier projet français d’accord tripartite avec la Grande-Bretagne et les États-Unis proposait un pacte de stabilisation officiel qui conférerait l’autorité monétaire aux banques centrales. Mais les négociateurs britanniques et américains objectèrent qu’ayant transféré le pouvoir monétaire au Trésor dans leurs pays respectifs, ils n’avaient nulle envie de le restituer aux banques centrales. Ils insistèrent pour que l’expression « autorités monétaires » soit employée dans les déclarations sur la conduite de la politique monétaire48. En France, c’est le Trésor qui négocia la position nationale ; la Banque de France était plus favorable au contrôle des changes qu’à une dévaluation et ne fut pas consultée dans les négociations de l’accord tripartite49. La préférence du Trésor pour des taux d’intérêt bas fut immédiatement traduite en actes. Les taux d’intérêt, que le Front populaire avait abaissés après son arrivée au pouvoir en juin, furent temporairement relevés pendant la négociation de l’accord tripartite en septembre, puis rapidement réduits de 5 à 2 % en octobre 193650.

IV. La fin de la tyrannie de l’or

30Il fallut plus qu’une simple dévaluation pour échapper à la pensée orthodoxe fondée sur l’étalon or et ce, dans le but de promouvoir la relance de l’économie nationale. Il fut nécessaire de reconsidérer les objectifs de la politique monétaire pour accorder la priorité absolue à la croissance économique nationale au lieu de chercher à atteindre les conditions optimales de cette croissance en privilégiant le taux de change. L’opinion française évolua sensiblement entre 1934 et 1939, qu’il s’agisse des institutions ou des individus. B. Eichengreen et P. Temin citent la France comme le dernier bastion de la croyance dans l’étalon or dans les années trente, soutenant que « les Français empêchaient d’accéder au pouvoir quiconque était en désaccord avec le discours en faveur de l’étalon or », jusqu’à ce que la victoire du Front populaire en mai 1936 balaie les partisans de ce système et conduise au pouvoir de nouveaux responsables politiques favorables à nouvelles politiques51. Selon ces auteurs, la France fut le théâtre d’un scénario dans lequel les électeurs utilisèrent des moyens démocratiques pour voter contre les politiques fondées sur l’étalon or qui impliquaient des réductions salariales et chasser du pouvoir les tenants de ce système. L’abandon de l’étalon or fut donc un processus essentiellement démocratique.

31Cette interprétation confère à l’opinion populaire un certain degré de connaissances et une influence sur la politique menée qui ne concordent pas avec les données historiques. En Grande-Bretagne, le parti travailliste lutta pour le maintien de l’étalon or afin d’empêcher l’inflation et l’effet négatif qu’elle aurait pour la classe ouvrière sur le coût de la vie52. Les pressions exercées sur le gouvernement travailliste pour que celui-ci réduise les allocations de chômage conduisirent à sa démission et à la formation d’un gouvernement national regroupant principalement des conservateurs, plus élitistes et moins sensibles aux intérêts de la classe ouvrière, qui, confrontés à une grave crise de change, acceptèrent alors de dévaluer la monnaie. Bien que la décision ait été prise par le cabinet, le rôle de conseil joué auprès de lui par la Banque d’Angleterre avait été essentiel.53 Aux États-Unis, les décisions de Roosevelt de suspendre la convertibilité en mars et d’abandonner l’étalon or en avril 1933 furent adoptées en réponse aux crises survenues après son arrivée au pouvoir. La politique monétaire qu’il prévoyait de mettre en œuvre n’avait pas été définie dans le cadre de sa campagne électorale ; il condamna les déficits budgétaires creusés par Hoover et prit l’engagement que son futur gouvernement respecterait le principe d’un budget en équilibre. Sa décision d’abandonner l’étalon or en avril n’était pas inscrite dans son programme électoral, mais découla de la nécessité pour lui de prendre en compte et de contrôler les fortes pressions exercées par le Congrès en faveur d’une politique inflationniste54.

32Dans le cas de la France, la dévaluation fit son apparition dans le débat public en 1933 et devint l’objet d’un vif intérêt en 1935-1936. Mais la question fut largement éludée au cours de la campagne électorale de 193655 ; l’opposition publique à la déflation ne signifiait pas pour autant l’acceptation ou l’approbation de la dévaluation, ou le rejet de l’étalon or. Le Front populaire ne fit pas campagne pour éliminer les tenants de l’étalon or du pouvoir ; par le slogan choisi, « ni déflation, ni dévaluation », les représentants du Front tentaient d’éviter de faire un choix inévitable et leur programme de janvier 1936, loin de préconiser la dévaluation, faisait état de leur préférence pour le contrôle des changes afin de conserver la référence à l’or. Vincent Auriol, ministre des Finances sous le gouvernement de Front populaire de Blum en 1936, s’opposa d’ailleurs à la dévaluation, à l’instar de ses prédécesseurs de droite, Georges Bonnet, Louis Germain-Martin et Marcel Régnier. Si Jean Tannery fut relevé de ses fonctions de gouverneur de la Banque de France, c’est à cause de ses liens politiques avec Pierre Laval et de sa position favorable à la déflation, et non du fait de sa croyance dans l’étalon or56. Il fut remplacé par Émile Labeyrie, raillé comme le « facteur d’Auriol à la Banque de France » et opposé à la dévaluation, préconisant le contrôle des changes pour contenir les pertes d’or57. La transition de l’or à un taux de change contrôlé s’effectua, non par le jeu de mécanismes démocratiques éliminant les partisans de l’étalon or, mais par la conversion des décideurs dans le monde politique et dans les principales institutions, sous la pression des pertes d’or et des crises de change.

33Le plus notable des « convertis » français à la dévaluation, Paul Reynaud, est à l’évidence un cas d’espèce. Partisan en vue de l’étalon or, Reynaud défend la politique française fondée sur l’or en 1932 en s’appuyant sur les documents fournis par la Banque de France58. Il accepte la dévaluation en 1934 afin de réaligner les prix français sur les prix mondiaux, alors que la déflation nationale se révèle incapable de produire le même résultat. Il continue à préconiser des politiques budgétaires orthodoxes conformes à sa fidélité à l’étalon or et critique la dévaluation pratiquée sous le Front populaire parce qu’elle s’inscrit dans le cadre de mesures inflationnistes59. Reynaud souligne la nécessité de rendre à nouveau rentables les entreprises françaises et accepte la dévaluation car celle-ci constitue le moyen le plus aisé de rendre les prix français compétitifs au plan international sans détruire les bénéfices des entreprises. Il critique vivement le programme économique de relance du Front populaire. En avril 1938, face à un franc qui flotte, ou plutôt qui coule, et à une fuite massive des capitaux, il est partisan d’une dévaluation visant à sous-évaluer volontairement le franc et ce, dans le but de provoquer un reflux des capitaux et de stimuler les exportations. Ce résultat sera obtenu en partie en stabilisant le franc à un niveau susceptible de générer des anticipations d’une appréciation future60.

34Au sein du Trésor français, les attachés en poste à l’étranger, en particulier aux États-Unis et en Grande-Bretagne, furent plus prompts à prendre conscience de la nécessité d’une dévaluation61. Emmanuel Mönick, attaché financier à Washington (1930-1934) et à Londres (1934-1940), hâta le rythme de l’action menée en France et négocia les conditions de la dévaluation dans ces deux villes en 1936. Jacques Rueff, attaché à Londres (1930-1934), avait plaidé en faveur d’une baisse des taux d’intérêt en 1934 et encouragea Georges Bonnet à laisser flotter le franc en 1937. Mais Jacques Rueff formula ces recommandations en tant que partisan de l’étalon or, en insistant sur la nécessité de réaliser des coupes claires dans les dépenses et d’équilibrer le budget62. Wilfrid Baumgartner, directeur du Trésor en 1935-1936, vit dans la dévaluation une nécessité lorsque la déflation atteignit ses limites au début de l’année 1936, après s’y être fortement opposé entre 1933 et 193563.

35Les responsables politiques sensibles à l’opinion populaire étaient plutôt opposés à la dévaluation. Léon Blum, dirigeant de la SFIO, était l’un des rares hommes politiques favorables à la dévaluation au printemps 1934. Il cessa de la prôner en raison de l’opposition au sein même du parti socialiste. Le parti communiste, pour sa part, était fermement hostile à la dévaluation, craignant que son effet inflationniste sur les prix ne réduise les salaires réels des ouvriers64. Dans un cas comme dans l’autre, l’opinion publique associait la dévaluation à l’inflation, association encouragée par les efforts de propagande déployés par la Banque de France. L’opposition populaire à la déflation contribua à l’élection du Front populaire et engagea la coalition sur un programme de relance ; le Front populaire fut cependant contraint de procéder à la dévaluation plus qu’il n’y adhéra de son plein gré. Il s’agit là clairement d’un exemple d’action contrainte, et non de conversion, en particulier pour ce qui est d’Auriol. D’anciens ministres des Finances, qui dans le cadre du scénario conçu par B. Eichengreen et P. Temin auraient dû demeurer loyalement attachés à l’orthodoxie fondée sur l’étalon or, reconnurent publiquement la nécessité d’une dévaluation. Il ne s’agissait pas de rejeter l’étalon or, ni les principes d’une « monnaie solide » et de « finances saines », mais d’admettre que l’abandon de la référence à l’or dans d’autres pays faisait de la France un îlot où les prix et les taux d’intérêt demeuraient élevés, où les exportations et les bénéfices étaient faibles et où régnait une certaine torpeur économique. Ils prirent conscience que les salaires ne pouvaient pas être constamment réduits pour être en adéquation avec les baisses de prix obtenues aisément à l’étranger par la dépréciation de la monnaie. Georges Bonnet et Louis Germain-Martin revinrent sur leur point de vue durant l’été 1936. Jacques Rueff et Charles Rist s’aperçurent qu’indépendamment de la croyance dans l’étalon or, la position monétaire de la France était intenable en 1936 et qu’une dévaluation était essentielle pour restaurer la rentabilité, abaisser les taux d’intérêt et favoriser la reprise65. Tous deux restèrent fidèles à l’étalon or.

36À l’échelon institutionnel, les responsables du Trésor renoncèrent à leur attachement orthodoxe à l’étalon or plus rapidement que ceux de la Banque de France. La nécessité de redresser l’économie française pour accroître les recettes fiscales et équilibrer les budgets éveilla l’intérêt du Trésor pour un abaissement des taux d’intérêt. La défense du franc imposant le maintien de taux élevés et encourageant la fuite des capitaux, le Trésor accepta la dévaluation comme une opération vitale pour l’économie nationale. Une fois celle-ci réalisée, les besoins de financement du réarmement pesèrent lourdement sur les finances de l’État. Jacques Rueff, l’un des plus fervents défenseurs de l’étalon or en France, prit la direction du Trésor à la fin de l’année 1936 ; sur son conseil, Georges Bonnet décida le décrochage du franc en juin 1937 pour que celui-ci « trouve son niveau naturel », entraînant une chute de 110 à 160 francs par rapport à la livre66. L’incertitude régnant sous le gouvernement de Front populaire et la crainte que ses politiques de dépense n’entraînent une inflation et une dépréciation du change affaiblirent la confiance. En outre, la gestion du taux de change par le Fonds de stabilisation des changes (FSC) fut assurée de façon peu satisfaisante, les responsabilités étant partagées entre le Trésor et la Banque de France. Le principal problème était davantage la gestion budgétaire que la gestion monétaire67.

37C’est pourquoi le retour de Paul Reynaud à la rue de Rivoli en novembre 1938 et sa volonté évidente de remettre de l’ordre dans les finances marquèrent un tournant plus décisif que la dévaluation opérée en 1936. Les capitaux reprirent le chemin la France, en dépit du déficit budgétaire croissant lié aux dépenses de réarmement. Pour Charles Rist, la fuite des capitaux qui s’était produite s’expliquait à soixante-quinze pour cent par le déséquilibre du budget et à seulement vingt-cinq pour cent par l’arrivée du Front populaire ; néanmoins, le retour régulier des capitaux au début de l’année 1939 en dépit de la persistance du déficit budgétaire signifia clairement que l’insécurité politique avait été la principale raison de cette fuite68. La politique menée par Reynaud était à l’opposé des mesures de relance nationale et d’augmentation des allocations destinées aux ouvriers prises par le Front populaire. En novembre, une tentative de grève générale en protestation contre la suspension de la semaine de quarante heures avorta et marqua la fin des espérances suscitées par le Front populaire. C’est précisément lorsque le vote démocratique en faveur du Front populaire et de la politique de relance, en 1936, fut tenu en échec et que l’autorité de l’État fut rétablie que la confiance revint et que l’activité économique connut une accélération.

38En août et en septembre 1936, la Banque de France avait affiché une préférence marquée pour le contrôle des changes en vue de conserver l’étalon or. Mais la Banque ne fut pas consultée lors de l’adoption de la décision de dévaluation, et dans le cadre de la mise en place du Fonds de stabilisation des changes, la gestion des taux de change fut placée juste en dehors du champ de compétence de la Banque. Le gouverneur jouait certes un rôle au sein de cette nouvelle institution et Charles Cariguel, directeur du département des opérations internationales de la Banque, assumait la gestion du Fonds au jour le jour, mais la définition de la politique des taux de change était du ressort du Trésor.

39L’abandon de l’étalon or et la réforme de la Banque en juillet 1936 ouvrirent de nouvelles perspectives de modernisation de l’activité de cette dernière. Cette réforme eut pour effet de modifier la composition du Conseil général afin de garantir que les intérêts économiques nationaux primeraient sur ceux de la sphère de la haute banque, dont étaient issus la plupart des régents. La politique menée par la Banque ne s’en trouva pas radicalement transformée, mais l’éventail des intérêts exerçant une influence sur sa ligne d’action fut ainsi élargi. Les changements intervenus au niveau du personnel, notamment la nouvelle composition du Conseil général et la nomination de Pierre Fournier aux fonctions de gouverneur en juillet 1937, affaiblirent la résistance au concept moderne d’une politique monétaire active69. Les relations avec les banques commerciales s’améliorèrent. La Banque avait besoin de leur concours pour défendre le franc en 1935 et cessa d’être en concurrence avec elles pour l’escompte direct afin d’obtenir leur coopération et la reconnaissance de son autorité. Enfin, les difficultés financières poussèrent la Banque à accepter les opérations d’open market comme instrument légitime de la politique de la banque centrale en juin 1938. Après avoir été longtemps condamnées au motif qu’elles constituaient une entorse inflationniste à la discipline de l’étalon or, ces opérations furent adoptées pour améliorer le contrôle du marché par la banque centrale et accroître les revenus70.

40Sans réelle liaison avec l’abandon de la référence à l’or, ces changements montrent que les décideurs politiques n’étaient ni enfermés dans une « culture de l’étalon or », ni liés par un rejet démocratique de l’idéologie fondée sur ce système. Il faut davantage attribuer cette évolution aux déboires que ces mêmes décideurs connurent tant avec l’étalon or qu’avec les efforts de gestion des taux de change après la dévaluation dans le but de mieux contrôler les prix et de promouvoir la croissance économique et l’emploi. La principale conséquence de l’abandon de l’étalon or fut le transfert de l’autorité monétaire de la Banque centrale au Trésor, c’est-à-dire d’une institution entièrement vouée au système de l’étalon or à une autre qui refusait les coûts du maintien de la parité or du franc pour la nation.

Conclusion

41La France se singularise par la force et la durée de sa croyance dans l’étalon or, qui ralentit l’avènement d’une banque centrale et d’une gestion monétaire modernes. Mais à l’image de la Grande-Bretagne et des États-Unis qui abandonnèrent la référence à l’or et utilisèrent la politique monétaire plus précocement pour promouvoir la croissance économique nationale, cette évolution politique ne fut liée ni à une vague démocratique balayant du pouvoir les tenants de l’étalon or, ni à un rejet de ce système en soi. Ce fut plutôt un processus graduel dans lequel individus et institutions recherchèrent de nouveaux outils de gestion monétaire et furent amenés à repenser les priorités de l’action publique face à l’échec persistant des remèdes orthodoxes recommandés par l’usage de l’étalon or.

42Après une période d’inflation et de dépréciation monétaire suscitée par le gouvernement depuis 1914, l’étalon or fut largement considéré comme le meilleur moyen de parvenir à une stabilité monétaire et de se protéger contre l’inflation. Face à la chute des prix après la stabilisation de la monnaie intervenue au milieu des années vingt, l’étalon or imposa toutefois la déflation. La baisse de la production et de l’emploi, l’augmentation des faillites de banques et d’entreprises et l’existence d’une balance des paiements défavorable entraînèrent des pertes d’or et accrurent les pressions politiques au plan national pour rompre la spirale déflationniste. Les pays abandonnant la référence à l’or cherchèrent ainsi en général à suspendre les pertes d’or et la fuite des capitaux dans l’espoir de remettre leur économie en ordre. Cette référence étant abandonnée, la plus grande marge de manœuvre politique dont ces pays disposaient permit de déployer de nouveaux efforts pour promouvoir la reprise nationale, mais cette marge de manœuvre ne fut pas utilisée immédiatement ni de façon systématique. Les dirigeants politiques devaient d’abord prendre acte de cette nouvelle liberté, puis apprendre à s’en servir. Ce processus d’apprentissage fut accéléré par l’expérience acquise en matière de gestion monétaire active avant l’abandon de la parité or. Cela explique en partie les divergences entre les cas de la France et de la Grande-Bretagne lorsque le franc et la livre décrochèrent de l’or. Une fois cette marge de manœuvre reconnue et utilisée, le retour aux contraintes de l’étalon or ne présentait plus beaucoup d’attrait.

43Ces contraintes ne furent souvent admises comme étant indûment restrictives qu’après avoir été brisées. Le passage de la foi dans le principe de l’étalon or à la reconnaissance de l’utilité de la gestion active des taux de change marqua un progrès dans les connaissances et la détermination de priorités en matière d’action publique fondées sur l’expérience. Sous la pression des difficultés économiques nationales et de leurs répercussions politiques, il fut impossible de demeurer entièrement fidèle aux prescriptions d’une politique orthodoxe incapable de résoudre les problèmes économiques et monétaires de la Grande Dépression. La monnaie n’étant fut plus arrimée à l’or, les décideurs purent s’employer à raviver l’économie nationale et utiliser le taux de change pour aligner les prix nationaux sur les prix mondiaux. Ils étaient toujours attachés à une monnaie solide et à des finances saines, mais prirent conscience que ces principes pouvaient être mis en œuvre autrement qu’en souscrivant à une parité or fixe.

44Le cas de la France fut exceptionnel par son ampleur plus que par sa nature ; il illustre de façon plus évidente que dans n’importe quel autre pays la façon dont la politique orthodoxe recommandée par l’usage de l’étalon or engendra des désillusions liées à la parité or fixe. À la fin des années vingt, la France exprimait l’opinion consensuelle selon laquelle le « gold exchange standard » ne devait être envisagé que comme une étape de transition dans le rétablissement de l’étalon or lingot et qu’une gestion saine au plan national devait exclure la nécessité d’une coopération systématique. Le succès de la stabilisation Poincaré et la conviction selon laquelle la survenue de la crise économique était le résultat d’erreurs stratégiques commises à l’étranger renforcèrent la croyance de la France dans la nécessité et la viabilité de l’étalon or. L’isolement croissant du pays dans ce choix ne suffit pas à ébranler sa foi. Il fallut deux autres facteurs pour éroder la confiance dans le franc Poincaré : le mécontentement de plus en plus vif de l’opinion populaire et des institutions face à la persistance de la crise et l’identification de la surévaluation du franc comme principal obstacle à la reprise.

45L’abandon par la France de l’étalon or en 1936 ne résulta pas du jeu des mécanismes démocratiques. L’adhésion au Front populaire était certes alimentée par le refus des politiques déflationnistes menées par les gouvernements antérieurs, mais l’attachement fort à l’étalon or semble avoir été partagé par les députés et les partisans du Front. Le véritable changement découla de la conviction, commune au Trésor, aux milieux d’affaires et à une part importante de l’opinion publique, que le franc Poincaré pouvait et devait en rester à sa parité de 1928. La dévaluation réalisée en 1936 marqua un pas dans la lente et longue évolution des mentalités et des politiques qui allait avoir pour effet d’affaiblir la foi dans l’étalon or. Après la dévaluation, la gestion monétaire française fut largement entravée par les besoins de financement du réarmement et par le manque de confiance de l’opinion dans les politiques conduites par le Front populaire. Mais une gestion monétaire active venait de s’ébaucher, avec le transfert du pouvoir de décision de la Banque de France au Trésor et l’assouplissement des positions rigides adoptées au sein de ces deux institutions quant aux objectifs de la politique monétaire et aux instruments permettant de les atteindre.

Notes de bas de page

1 Parmi les travaux qui développent cette thèse, citons en particulier James D. Hamilton, « The Role of the Gold Standard in Propagating the Great Depression », Contemporary Policy Issues, 6, 1988, p. 67-89 ; Peter Temin, Lessons from the Great Depression, Cambridge, MA, MIT Press, 1989 ; Ben Bernanke, Harold James, « The Gold Standard, Deflation, and Financial Crisis in the Great Depression: An International Comparison », in R. G. Hubbard (éd.), Financial Markets and Financial Crises, Chicago: University of Chicago Press, 1991, p. 33-68; Barry Eichengreen, Golden Fetters: The Gold Standard and the Great Depression, 1918-1939, New York, Oxford University Press, 1992; Peter Temin, « Transmission of the Great Depression », Journal of Economic Perspectives, 7, nº 2, printemps 1993, p. 87-102 ; Ben Bernanke, « The Macroeconomics of the Great Depression: A Comparative Approach », Journal of Money, Credit and Banking, 27, 1995, p. 1-28 ; et enfin Barry Eichengreen, Peter Temin, « The Gold Standard and the Great Depression », Contemporary European History, 9, nº 2, 2000, p. 183-207.

2 Lord Salter, Memoirs of a Public Servant, London, Faber and Faber, 1961, p. 193.

3 Cf. la thèse de Peter Temin, exposée dans Lessons from the Great Depression, op. cit. et que j’étudie plus en détail dans « Vu du pont : l’étalon or de l’entre-deux-guerres était-il un “régime” ? », Économie internationale, nº 78, 1999, p. 105-128, privilégiant une explication par des modifications de régimes. Voir aussi l’assimilation de l’étalon or, faite par B. Eichengreen et P. Temin dans « The Gold Standard and the Great Depression », op. cit., p. 207, à une « idéologie hégémonique » qui s’est révélée « résistante au changement, y compris dans les situations d’urgence les plus extrêmes ». Les auteurs affirment que la reprise dans les années trente est intervenue non pas suite à un changement de position des dirigeants politiques et des responsables de la politique économique mais suite au renversement, sous le jeu des mécanismes démocratiques, d’une élite politique dont la foi dans l’étalon or était « endémique ».

4 Committee on Currency and Foreign Exchanges after the War, First Interim Report, London, HMSO, 1918, par. 6.

5 The Economist, 23 juin 1928, 1278; Federal Reserve Bulletin d’août 1928, p. 541-544.

6 Tel que rapporté dans les discussions entre Norman et Benjamin Strong, dans « Memorandum re: Bank of England-Bank of France », 24 mai 1928, FRBNY, Strong Papers, 1000.9.

7 H. Clark Johnson, Gold, France, and the Great Depression, 1919-1932, New Haven, Yale University Press, 1997, chap. 2 et 3.

8 B. Eichengreen, pour sa part, présente la coopération comme un pilier essentiel de l’étalon or classique dans Golden Fetters, op. cit., p. 30-32. En revanche, il existe une convergence entre mon analyse et celle faite par Marc Flandreau de la coopération entre banques centrales avant 1914 dans « Central Bank Cooperation in Historical Perspective : A Sceptical View », Economic History Review, 50, nº 4, 1997, p. 735-763. Je reviens plus longuement sur l’évolution de la coopération entre banques centrales au chapitre 6 de The Gold Standard Illusion, France, the Bank of France and the international gold standard, 1914-1939, Oxford, Oxford University Presse, 2002. L’ouvrage de référence sur le sujet est Central Bank Cooperation 1924-31, New York, FRBNY, 1967, de Stephen V. O. Clarke.

9 « Méthodes propres à assurer le maintien de la stabilité du franc », juin 1928, Arch. nat., 374 AP 8.

10 Les banquiers craignaient avant tout l’empilement de crédits de type pyramidal assis sur des réserves d’or peu abondantes (cf. rapports semestriels du Central Banking Office rassemblés dans BoE, OV50/24). Clarke explique les raisons du scepticisme des banquiers centraux dans Central Bank Cooperation, op. cit., p. 34-44.

11 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 179.

12 R G. Hawtrey, « The Gold Standard », Economic Journal, 29, 1919, p. 428-442; Susan Howson, « Hawtrey and the Real World », in G. C. Harcourt (éd.), Keynes and His Contemporaries, New York, St. Martin’s Press, 1985, p. 153-155 et G. C. Peden, The Treasury and British Public Policy, 1906-1959, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 155-156.

13 Strong à Owen D. Young (11 juin 1928) et propos échangés entre Strong et Arthur Salter, rapportés dans « Memorandum of Conversation between Governor Strong and Sir Arthur Salter at Hotel George V, Paris, May 25, 1928 », FRBNY, Strong Papers, 1000.9.

14 Cf. « La stabilisation du pouvoir d’achat de l’or » (sans date) et note plus fournie sur le même sujet datée du 15 janvier 1931 dans Banque de France, 1397199402/49.

15 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 151.

16 Cf. K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 172. Pour comprendre le point de vue de Strong, on se reportera utilement à O. Ernest Moore, « Memorandum of Conversation between Governor Strong and Sir Arthur Salter at Hotel George V, Paris, May 25, 1928 », op. cit. Strong considérait avec circonspection les conférences et les relations avec la presse en raison des problèmes d’erreur d’interprétation et de déformation de la politique de la FRBNY que cela avait créé dans le passé et risquait de créer à l’avenir. Il craignait également que cela ne le mette en difficulté au sein du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale à Washington.

17 Une version remaniée du courrier adressé par Moreau à Harrison fut envoyée aux gouverneurs de banque centrale pour tenter de fédérer les oppositions à l’enquête en décembre 1928. Voir courrier de Moreau à Harrison en date du 24 novembre 1928 et courriers aux gouverneurs en date des 28 et 29 décembre 1928, Banque de France, 1397199402/48.

18 H. A. Siepmann, « Note on the Proposed Enquiry into the Stabilisation of the Value of Gold », 19 novembre 1928. Voir également « League Enquiry into the Stabilisation of Gold », 26 novembre 1928, BoE, OV48/2.

19 « Note sur le projet de stabilisation du pouvoir d’achat de l’or », novembre 1928, Banque de France, 1397199402/49.

20 Voir R. S. Sayers, The Bank of England, Cambridge, Cambridge University Press, 1976, vol. 1, p. 349-351 et R. W. D. Boyce, British Capitalism at the Crossroads 1919-1932. A Study in Politics, Economics and international Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 171 et 172.

21 Le rapport majoritaire attribuait la responsabilité de la crise à des erreurs d’ajustement économique depuis la guerre tandis qu’un rapport minoritaire mettait en cause une mauvaise répartition de l’or. Enfin, dans une note, Gustav Cassel exprimait son désaccord avec ces deux thèses.

22 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 176-178.

23 Voir compte rendu dans Patricia Clavin, « “Money Talks”: Competition and Cooperation with the League of Nations, 1929-1940 », in Marc Flandreau (éd.), Money Doctors: The Experience of International Financial Advising 1850-2000, London, Routledge, 2003, p. 222-231.

24 S. V. O. Clarke, Central Bank Cooperation, op. cit., p. 220 ; Charles P. Kindleberger, A Financial History of Western Europe, Oxford, Oxford University Press, 1993, 2e éd., p. 334; B. Eichengreen, Golden Fetters, op. cit., p. 7-12.

25 Cela était particulièrement évident dans le cas de la Grande-Bretagne (voir K. Mouré, The Gold Standard Illusion, op. cit., p. 193-200).

26 Voir Susan Howson, Domestic Monetary Management in Britain 1919-1938, Cambridge, Cambridge University Press, 1975, chap. 4 et 5.

27 Voir K. Mouré, La politique du franc Poincaré, perception de l’économie et contraintes politiques dans la stratégie monétaire de la France, 1926-1936, trad. de l’anglais par Jean-Marc Mendel, préf. de Jean-Charles Asselain, (traduction de Managing the Franc Poincaré), Paris, A. Michel, 1998, p. 223-234 et The Gold Standard Illusion, op. cit., p. 251-256.

28 Telle était l’explication fournie par la Banque de France pour justifier son inaction. Charles Rist était le défenseur le plus actif de ce point de vue. Voir Charles Rist, « La question de l’or », Revue d’économie politique, 44, 1930 et un commentaire de cette argumentation dans K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 191-193.

29 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 183-189.

30 Sur l’évolution de la gestion des changes en Grande-Bretagne et aux États-Unis, voir Susan Howson, « Sterling’s Managed Float: The Operation of the Exchange Equalisation Account, 1932-1939 », Princeton Studies in International Finance, 46, 1980 et Anna J. Schwartz, « From Obscurity to Notoriety: A Biography of the Exchange Stabilization Fund », Journal of Money, Credit and Banking, 29, nº 2, mai 1997, p. 135-153.

31 E. Mönick, « Les Conditions extérieures de l’expérience de déflation en France », 1er septembre 1935, SAEF, B 33201.

32 Cf. K. Mouré, La politique du franc Poincaré, op. cit., p. 311-351.

33 Ces questions sont traitées plus en détail dans K. Mouré, La politique du franc Poincaré, op. cit., p. 234-244. Rueff a pesé dans les arguments du Trésor en faveur d’une baisse des taux d’intérêt en 1934-1935. L’importance du rôle qu’il a joué n’a été véritablement comprise qu’avec la déclassification des archives de Rueff, conservées aux Archives nationales. Voir « Arguments en faveur d’une baisse du taux d’escompte de la Banque de France », 6 septembre 1934 ; « Les enseignements de l’assainissement financier anglais », 11 mai 1935, dans Arch. nat., 579 AP 60 et les brouillons de lettres de Rueff à Laval datés de juillet 1935 dans Arch. nat., 579 AP 63.

34 Cf. Julian Jackson, The Popular Front in France: Defending Democracy, 1934-1938, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 44-46.

35 K. Mouré, La politique du franc Poincaré, op. cit., p. 343-350.

36 Deux autres changements survenus à cette époque distinguèrent les premières banques centrales modernes des instituts d’émission nationaux traditionnels : l’indépendance vis-à-vis du gouvernement et l’acceptation de la responsabilité du système bancaire national en jouant le rôle de prêteur en dernier ressort dans les périodes de crise. Voir Charles Goodhart, Forrest Capie et Norbert Schnadt, « The Development of Central Banking », in Forrest Capie et al., The Future of Central Banking: The Tercentenary Symposium of the Bank of England, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, en particulier p. 5 et 15, et Charles Goodhart, The Evolution of Central Banks, Cambridge, Mass., MIT Press, 1988.

37 De 23 en 1920, le nombre de banques centrales passa à 41 en 1940 ; voir Goodhart, Capie et Schnadt, « The Development of Central Banking », op. cit., p. 6.

38 Comme le soulignent B. Eichengreen dans Golden Fetters et Beth A. Simmons, Who Adjusts? Domestic Sources of Foreign Economic Policy during the Interwar Years, Princeton, Princeton University Press, 1994, en particulier chap. 2 et p. 278-282.

39 Citation de Norman à Clegg, 2 novembre 1921, BoE, G3/177 ; voir P. L. Cottrell, « Norman, Strakosch and the Development of Central Banking From Conception to Practice, 1919-1924 », in Philip L. Cottrell (éd.), Rebuilding the Financial System in Central and Eastern Europe, 1918-1994, Aldershot, Scolar Press, 1997, p. 40.

40 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 40-49.

41 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 58-70.

42 Sur la nature du conflit opposant la Banque de France et le Trésor dans les années vingt, ainsi que l’importance des besoins financiers de l’État dans ce conflit, voir l’analyse judicieuse de Bertrand Blancheton, Le Pape et l’Empereur : La Banque de France, la direction du Trésor et la politique monétaire de la France (1914-1928), Paris, Albin Michel, 2001.

43 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 115-127.

44 Banque de France, Compte rendu des opérations de la Banque de France pendant l’année 1931, Paris, Paul Dupont, 1932, p. 17-18 et voir des déclarations analogues dans le Compte rendu des opérations de la Banque de France pour 1932, p. 13, et 1933, p. 22-23.

45 Charles Rist, « Gold and the End of the Depression », Foreign Affairs, 12, nº 2, janv. 1934, p. 244-259, citation p. 259. Les principales erreurs commises dans le rétablissement de l’étalon or furent le maintien de la valeur or du dollar américain en dépit de l’inflation qui sévissait aux États-Unis et le « recours abusif au crédit » pratiqué par ce pays et par la Grande-Bretagne, conjuguant un faible taux d’escompte et des opérations d’open market pour promouvoir l’activité économique à la fin des années vingt.

46 J’ai évoqué ce conflit dans La Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 262-269. Sur l’importance du rôle joué par Rueff en tant que partisan de taux d’intérêt plus faibles pour encourager la reprise économique, à partir de septembre 1934, voir note 32 ci-dessus.

47 K. Mouré, « Le chef d’orchestre invisible et le son de la cloche officielle : The Bank of France and the Campaign Against Devaluation, 1935-1936 », French History, 9, nº 3, 1995, p. 341-362.

48 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 353-355.

49 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 227-228.

50 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 243-244.

51 B. Eichengreen et P. Temin, « The Gold Standard », op. cit., p. 205-06.

52 Cf. S. Howson, Domestic Monetary Management in Britain, op. cit., p. 76.

53 Cf. R. S. Sayers, The Bank of England 1891-1944, op. cit., p. 387-415, et Diane B. Kunz, The Battle for Britain’s Gold Standard in 1931, London, Croom Helm, 1987.

54 William J. Barber, From New Era to New Deal: Herbert Hoover, the Economists, and American Policy, 1921-1933, New York, Cambridge University Press, 1985, p. 192. Albert U. Romasco évoque l’arrivée de Roosevelt à Washington avec « un imposant bagage d’idées à sélectionner. Mais savoir laquelle de ces idées il choisirait effectivement d’utiliser, quand et comment, dépendrait essentiellement des événements à venir. » La décision d’accepter l’amendement Thomas et de mettre fin à la convertibilité du dollar en or fut prise pour élever le niveau des prix et déjouer les pressions exercées par le Congrès en faveur d’une inflation directe. Voir Albert U. Romasco, The Politics of Recovery: Roosevelt’s New Deal, New York, Oxford University Press, 1983, citation extraite de la page 14, décision d’abandonner l’étalon or p. 43-44. Dans sa déclaration faite le lendemain à la presse, Roosevelt assura qu’une fois que le prix des produits de base aurait augmenté, il s’efforcerait de faire revenir le monde à « une certaine forme d’étalon or ». Voir William J. Barber, Design within Disorder: Franklin D. Roosevelt, the Economists, and the Shaping of American Public Policy, 1933-1945, New York, Cambridge University Press, 1996, p. 26, et Jordan Schwarz, 1933: Roosevelt’s Decision. The United States Leaves the Gold Standard, New York, Chelsea House Publishers, 1969, p. XV-XX 127-130.

55 Julian Jackson, The Politics of Depression in France 1932-1936, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, p. 201.

56 Cf. K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 342-343, pour l’examen de ce point.

57 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 342, n. 38, et p. 352-353.

58 Sur l’évolution des idées de Reynaud, voir K. Mouré, Managing the Franc Poincaré, op. cit., p. 289-297 ; pour les documents de la Banque de France ayant servi à étayer la défense par Reynaud de la politique française de référence à l’or en 1932, voir Banque de France, 1397199403/2.

59 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 365-366.

60 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 241.

61 Nathalie Carré de Malberg, « Les inspecteurs des finances et la défense du franc (1934-1935) », in Maurice Lévy-Leboyer, Alain Plessis, Michel Aglietta et Christian de Boissieu (dir.), Du Franc Poincaré à l’écu, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1993, p. 149-150.

62 Jacques Rueff, De l’Aube au crépuscule : autobiographie, Paris, Plon, 1977, p. 117-159, et K. Mouré, Gold Standard Illusion, p. 232-241.

63 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 322-324.

64 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 308-311.

65 K. Mouré, Politique du franc Poincaré, op. cit., p. 334-335, et J. Rueff, De l’Aube…, op. cit., p. 123-128.

66 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 235-239 ; principales recommandations de Rueff à Bonnet dans la « Note pour le Ministre » 22 juin 1937, SAEF, B 33195.

67 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 231-243.

68 N. E. Young, « Note of an Interview with Professor Rist, May 23rd, 1939 », 24 mai 1939, BoE, OV45/87.

69 Le gouverneur nommé par le Front populaire, Émile Labeyrie, était proche des théories socialistes préconisant une baisse des taux d’intérêt, mais était peu au fait de l’activité de la banque centrale.

70 K. Mouré, Gold Standard Illusion, op. cit., p. 251-257.

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