Le rayonnement international des banques françaises (1900-1940) : essai d’évaluation
p. 117-143
Texte intégral
1La description des activités des banques françaises à l’étranger et outremer, la chronologie de leur déploiement, l’engagement de certains types d’établissements – maisons de haute banque, banques d’affaires, banques de dépôts, banques impériales –, sont désormais bien connus grâce à deux décennies qui ont permis de prolonger sensiblement la thèse pionnière de Maurice Lévy-Leboyer, qui avait posé de nombreux thèmes de réflexion, ainsi que le regard posé par René Girault, Bernard Michel, Raymond Poidevin et Jacques Thobie sur certaines parties du monde (Russie, Autriche-Hongrie, Allemagne et Empire ottoman), historiens pionniers dont nous n’évoquerons pas ici la bibliographie, devenue le socle de référence1.
2Aussi notre propos vise-t-il ici essentiellement à soupeser la qualité de ce rayonnement international, à déterminer les points forts et les points faibles des banques françaises hors des frontières nationales – dans le cadre d’une réflexion plus large concernant la compétitivité de l’économie bancaire française, en2 esquisse de ce que nos collègues britanniques ont déjà largement développé depuis plus d’une décennie3. Ce questionnement doit en fait déboucher sur une question clé : les clients des banques françaises sont-ils satisfaits de leurs prestations à l’international4 ? Un tel balayage supposerait en fait une étude comparative point par point (activité, localisation, qualité des services) entre les établissements français et leurs confrères européens, britanniques et allemands notamment, ce que nous n’oserons pas tenter de façon isolée, mais des allusions récurrentes en lanceront au moins les termes.
3Quoi qu’il en soit, au-delà des services aux particuliers voyageurs, ce sont les besoins des entreprises et de l’institution étatique qui doivent être comblés par les banquiers ; est-ce que l’État, par exemple, était satisfait des opérations de règlement de la balance des comptes assumées par les banques ? de la gestion des mouvements de métaux précieux ? de la réalisation de quelques emprunts sur le marché international des capitaux ? A-t-il trouvé auprès des banques des relais pour la défense de quelques grands intérêts nationaux et publics dans quelques secteurs clés ? Parallèlement, les firmes ont-elles trouvé auprès des banques de quoi étayer leurs opérations de change ? des services pour la circulation des règlements des opérations commerciales ? l’apport des garanties contractuelles nécessaires à celles-ci ? Ont-elles obtenu des financements corrects pour leurs flux de marchandises ou de matériaux vers l’étranger ou en provenance de l’étranger ? Ont-elles réussi à placer leurs titres à l’étranger grâce aux talents des banquiers en ingénierie financière ? Ce sont là autant de questions auxquelles nous ne saurions répondre en réalité car nous n’avons que rarement déniché quelque document d’entreprise jaugeant la qualité des services bancaires… Aussi notre reconstitution sera-t-elle largement hypothétique !
4Par ailleurs, apprécier la qualité des services bancaires internationaux ne constitue pas le seul angle d’approche : l’on peut en effet aussi se demander si les banques ont développé des stratégies de déploiement de leurs savoir faire, de leurs activités, de leurs métiers hors des frontières, pour leur propre compte, pour valoriser leur capital immatériel de matière grise, leur culture tertiaire, dans le cadre d’une proto-transnationalisation5 : dans ce cas, la question serait plutôt : l’international a-t-il été un levier d’expansion pour les banques, susceptible de procurer des revenus, des économies d’échelle, grâce au partage des compétences permis par un tel essaimage ? De telles ambitions justifient que ces questionnements ne puissent déboucher que sur un tel « essai », sur des conclusions elles-mêmes sources de débats et, à terme, de comparaisons.
I. Les banques françaises et le change
5Même si ce thème paraît secondaire par rapport aux belles études sur la stratégie internationale des entreprises bancaires, nous pensons que le métier du change est la clé de leur activité internationale ; c’est le service essentiel que leur réclament les clients. Les particuliers, bien entendu, utilisent le système de transferts de moyens de payement que permet le réseau de « correspondants bancaires » à travers l’Europe, voire le monde, par le biais des « lettres de crédit » pour ceux qui voyagent ; à Paris même, les grandes maisons accueillent les clients étrangers dans des salons particuliers – par exemple au Crédit lyonnais – pour toutes opérations de change et de gestion de moyens de payement à l’échelle internationale.
A. La clé de voûte londonienne
6L’héritage de la première révolution bancaire est décisif ; on sait comment les banquiers parisiens ont su à merveille gérer le transfert de l’argent dû à la jeune Allemagne après la défaite au milieu des années 1870 : une bonne partie de l’indemnité a été réglée sous forme de lettres de change commerciales réunies par les établissements dans leur clientèle ; ils les ont ensuite orientées sur Londres pour que les établissements britanniques et allemands s’entendent pour les transformer en liquidités recueillies in fine par les autorités berlinoises. C’est là qu’on mesure toute l’importance de l’implantation des banques françaises dans la City6.
7Elles s’y sont installées (Crédit lyonnais, Société générale, CNEP, CIC, Paribas, puis aussi Banque de l’Indochine et Lazard) au tournant des années 1870 et leur agence (ou filiale pour le CNEP) y est devenue un rouage clé de l’organisation d’entreprise. Cette entité gère en effet la compensation des devises en parallèle au siège parisien et souvent en délégation – à cause du poids du sterling dans le système monétaire international et de la liquidité du marché monétaire interbancaire de la City. L’entité gère également le clearing des exchange bills que chaque établissement peut réunir (voire mobiliser) pour le compte de ses clients, dès lors que, on le sait, une immense chaîne de circulation de papier commercial réunit les continents (avec un mouvement d’Est en Ouest notamment, de l’Extrême-Orient au subcontinent indien, puis de la Méditerranée orientale à l’Europe ; ou avec le mouvement transatlantique) qui aboutit sur Londres pour la compensation de cette énorme masse de bills. C’est bien dans la City que les banques françaises s’insèrent activement et avec succès dans cette chaîne de compensation, essentiellement en reflet des activités de leurs clients – mais l’on ne peut exclure qu’elles placent une partie de leurs disponibilités en emplois en lettres de change en sterling.
8Aucune étude exhaustive n’est encore disponible – en attendant la thèse de François Gallice sur les activités des banques françaises à Londres –, mais de multiples indices nous permettent de prétendre de façon empirique que les banquiers parisiens sont compétitifs et compétents dans la City. Leur entité londonienne gère le volume croissant des opérations de change de la clientèle ainsi que celles transmises par les confrères à qui ils servent de correspondant sur la place ; ainsi, dans l’entre-deux-guerres, Lazard assume les affaires de change des banques provinciales Charpentier, de Cognac, et Tarneaud, de Limoges, affaires amples à cause des exportations de cognac et de porcelaine. Toutefois, jusqu’à l’entre-deux-guerres, nombre de banques parisiennes jouent ce rôle de relais de consœurs provinciales pour les affaires de change, en particulier les maisons de haute banque, de Rothschild aux maisons internationalisées qu’a étudiées A. Plessis, comme Mirabaud ; et l’on peut supposer que Paribas reprend cette tradition. La compétence de Lazard est d’ailleurs confirmée à la Libération quand elle dirige, pour le compte de l’ensemble de la place parisienne, les affaires de change liées aux importations de matériaux textiles (laine et coton), en chef de file du syndicat (pool) bancaire qui accompagne la gestion centralisée de ces achats par le biais des marchés de matières premières britanniques.
9La succursale londonienne de la Société générale relaye le siège parisien et les grosses agences régionales liées aux flux de matières premières (Roubaix, Lille ou Le Havre, par exemple) ; son unité de « forex » (foreign exchange) acquiert rapidement une expertise – en liaison étroite avec le siège parisien néanmoins – qui lui procure un capital immatériel hors pair. Notre collègue Ranald Michie7 assure même que, grâce à elle, la Société générale est devenue la première banque étrangère pour les affaires de change de la City au début du XXe siècle et encore dans l’entre-deux-guerres. L’agence gère des comptes de dépôt en livres de nombreuses firmes clientes et anime les flux nécessaires au règlement de leurs affaires. Certes, elle subit de graves déboires quand ses positions de change en roubles s’avèrent bloquées après la révolution bolchevique et quand de grosses lignes de change en couronnes autrichiennes sont aussi compromises par la chute de l’Empire. Mais son niveau de savoir-faire n’est en rien ébranlé ; d’ailleurs, le Britannique Éric Anderson, jusqu’alors chef des arbitragistes du forex de la banque à Londres depuis 1927, est appelé à Paris pour prendre la tête du service des changes en juillet 1933-mai 1934, tandis qu’un autre Anglais lui succède jusqu’en 1939, John Smith ; mais Anderson, promu fondé de pouvoirs (en 1934-1953 ; puis sous-directeur jusqu’en 1962), continue de facto à superviser l’ensemble des opérations de change de la maison. Ajoutons qu’un arbitragiste de l’agence, Georges Boulton8, la quitte pour établir à la Banque d’Angleterre le département de change.
B. La mobilisation du savoir-faire en change
10Si une histoire du change bancaire reste à établir, quelques éléments nous permettent d’ores et déjà de suggérer que le savoir-faire des maisons parisiennes était une réalité. Ainsi, durant la Première Guerre mondiale, elles ont géré les opérations de change liées aux contrats d’importation dans le cadre de l’économie de guerre, tels les deux contrats Schneider négociés par Schneider en liaison avec la Banque de l’Union parisienne (où Octave Homberg a joué alors un rôle clé9), ainsi que la négociation des emprunts en devises auprès de pays « neutres » (Suède, Pays-Bas, Suisse). Chacun sait la part prise par Lazard dans le soutien de la puissance publique lors des diverses batailles du franc des années 1923-192610 : c’est bien l’équipe de cette banque d’affaires qui a agi (efficacement) en délégation (informelle mais contractuelle) pour le compte du Trésor et qui a partagé avec lui son capital d’expertise (supervisé par Raymond Philippe11) et son capital de relations interbancaires outre-Manche et surtout outre-Atlantique car il fallait savoir gérer des interventions au jour le jour (spot, comme on dirait aujourd’hui) sur le marché des devises de façon à la fois discrète et décisive. Mais les grandes banques classiques sont elles aussi intervenues avec efficacité ici et là : aux côtés de Lazard, Paribas et la Société générale sont partie prenantes dans l’achat de devises sur le marché des changes12 pour le compte du Trésor dans les années 1920-1926 ; et n’oublions pas que c’est un cadre du Crédit lyonnais qui est recruté par la Banque de France en 1926 pour lancer son département des changes.
11À l’inverse – nous voulons dire : contre le franc… –, l’on devine dans certaines pièces d’archives combien les banques de dépôts ont réussi à aider leurs clients entreprises à se couvrir contre la dépréciation de la monnaie13 ; la Société générale et le Crédit du Nord relèvent ainsi la percée concurrentielle du Crédit commercial de France14 sur Roubaix et Lille au plus fort de la crise des changes car ce confrère aurait été alors en pointe dans les affaires de change et se serait taillé des positions commerciales grâce à elles. Pour ou contre le franc, mais au service des clients et de la banque en tout cas, l’agence de la Société générale à Londres s’avère alors une animatrice talentueuse des opérations de change : ses engagements sont « considérables » en 1922-1926 ; les agences françaises lui transmettent de nombreux ordres de conversion, de placements au jour le jour sur Londres et d’opérations de reports en livres chez les banquiers de la City. Semblablement, elle se retrouve au cœur des tourbillons monétaires dans les années 1930 : elle brasse ainsi un énorme volume d’opérations de change entre le 3 mars 1932 et le 26 juillet 1932, pour 11,8 millions de livres. Le talent des banquiers a été réactivé dans les années 1930 quand des compagnies ferroviaires ont émis des emprunts libellés en devises à la fois pour se procurer des fonds et parce que l’État leur recommandait d’aider à la défense du franc.
II. Les banques françaises et les flux de matériaux et de marchandises
12Une première conclusion empirique pourrait ainsi s’imposer : dans le domaine du change, les banques françaises disposeraient d’une capacité d’action certaine. Si l’on se risque à jauger leurs activités mêlant banque commerciale et banque d’entreprise, les aléas de l’évaluation deviennent encore plus grands puisque notre analyse repose sur la simple juxtaposition d’éléments disparates.
A. Des PME de banque d’entreprise internationalisées
13Nous pouvons tout d’abord noter que tous les témoignages des « anciens » que nous avons interrogés sur les banques des années 1920 à 1940 lors de nos multiples enquêtes sur le terrain pendant les années 1980 à 2000 ont convergé vers une appréciation positive : partout, au siège et dans le réseau, ces banques disposaient d’entités aptes à procurer aux firmes clientes les prestations attendues. Le « service du portefeuille étranger », notamment, était la clef de voûte d’un système bancaire cohérent et solide. Dans les banques de dépôts, entre une dizaine à une quinzaine de grosses agences – Bordeaux, Marseille, Le Havre, Lyon, Lille-Roubaix, Dunkerque, Nantes, Sète, etc. – étaient dotés d’équipes d’« employés supérieurs » et de chefs de service riches d’un capital d’expérience accumulé par de longues années de spécialisation tandis que des directeurs et sous-directeurs d’agence tournaient dans ce mini-réseau (en grimpant les échelons) avant, pour certains, de grimper au siège. C’étaient des merchant bankers au sens traditionnel du terme, experts dans toute la gamme de la banque marchande, dans le financement et l’accompagnement de l’import-export : crédits confirmés, avals, cautions en douane, et, en particulier, les fameux crédits documentaires qui constituaient le levier de l’expansion internationale des firmes. C’étaient, à Paris et en province, des pôles de banque d’entreprise à forte valeur ajoutée, de véritables PME au service d’une clientèle de PME et d’entreprises moyennes-grandes, adossées au robuste service parisien du « portefeuille étranger », royaume de « banquiers » au sens véritable du mot, c’est-à-dire cumulant la proximité relationnelle dans l’évaluation du risque et la compétence technique.
14Cependant, certaines entités des banques provinciales elles aussi prenaient part à ces activités tournées vers le financement international. Nous avons scruté les savoir-faire du Crédit industriel de Normandie (et de ses prédécesseurs), de la Société bordelaise de CIC, du Crédit du Nord, en particulier15, et nombre d’éléments concernant ce que nous avons lu des archives encore disponibles de la Banque de Mulhouse, de diverses petites banques locales16 (Charpentier, Tarneaud, etc.) indiquent que ces maisons elles aussi abritaient quelques experts formés sur le tas.
B. Des chaînes d’accompagnement international fragmentaires ?
15Cela dit, nous nous rappelons avoir entendu et lu notre collègue Raymond Poidevin déplorer que les banques françaises aient été aussi faiblement implantées à l’international par rapport à leurs rivales allemandes17 ; c’était une constante dans ses analyses, qui insistaient sur la présence des banquiers allemands en Amérique latine et en Asie du Sud-Est (jusqu’en 1914-1918) et sur la timidité française… La génération des historiens économistes des années 1960 à 1980 a souvent insisté sur les points faibles de la présence internationale des banques françaises, qui auraient entravé le rayonnement des firmes françaises. Doit-on encore penser que ces dernières n’ont pu œuvrer avec succès en Amérique latine et en Asie faute de relais bancaires efficaces ?
16Nous voudrions ébranler quelque peu ces certitudes négatives… Nous noterons tout d’abord qu’une banque a élaboré un véritable « système » d’appui commercial outre-mer : il s’agit du Comptoir national d’escompte de Paris18 (CNEP). Celui-ci a échafaudé une stratégie de banque des PME et des entreprises moyennes-grandes qui était cohérente et durable, le long d’une chaîne de prestations de services vouée aux échanges entre la France, la Méditerranée et la route des Indes.
17Tout le long de cette chaîne, et dans les deux sens, mais notamment pour l’importation par la France des matériaux nécessaires à son industrie (laines d’Australie, cotons d’Égypte, huiles de Tunisie, etc.), le CNEP jouait un rôle clé dans le financement des flux. Par ailleurs, il était devenu le « parrain » des banques actives dans l’outre-mer impérial français, leur principal correspondant sur Paris, que ce soit la Banque de l’Indochine, la Banque de l’Afrique occidentale19 et même les banques antillaises – et, s’il avait manqué l’opération de création de la Banque de Madagascar au profit de Paribas dans les années 1920, il entretenait son réseau d’agences en propre dans la Grande Île. C’était enfin la seule banque implantée directement aux États-Unis, par le biais de la French American Banking Corporation, créée en 1919. Nous croyons qu’on peut parler d’un véritable « système bancaire international du CNEP », grâce à la cohérence et la complémentarité de cette chaîne de présence directe et de financement ou de refinancement20. Si c’était possible en collectant les archives ad hoc, il faudrait reconstituer les activités réellement développées le long de cette chaîne, que nous avons pu seulement pressentir à travers les procès-verbaux des séances du conseil d’administration.
18Comment expliquer alors, dans un deuxième temps, l’abstention des autres banques ? leur faible présence à l’international outre-mer ? La Société générale s’établit en Argentine, aux États-Unis et en Afrique noire seulement en 1939-1941 ; le Crédit lyonnais reste absent des Amériques et d’Asie – à part une tentative malheureuse en Inde dans les années 1890 et ses agences d’Égypte, bien actives, notamment dans les affaires cotonnières. Doit-on déplorer les carences des banques françaises face à la toute puissance des banques britanniques en Amérique latine ou au Moyen-Orient telle qu’a pu l’étudier Geoffrey Jones ?
19En fait, pour l’Asie et l’Afrique noire, la communauté bancaire française a préféré un choix stratégique, celui du corporatisme : une entité était chargée de la représenter tout entière dans ces contrées, au nom des économies d’échelle et des économies de frais généraux. La Banque de l’Indochine est devenue ainsi peu à peu l’ambassade des banques françaises en Asie – malgré ses réticences initiales des années 1890, bien perçues par M. Meuleau et les velléités de la Société générale et du Crédit lyonnais de se doter d’un clone de la Banque de l’Indochine par le biais d’une banque d’émission au Tonkin au tournant des années 1890, avant que tous deux rejoignent le capital de la Banque de l’Indochine – tandis que la Banque de l’Afrique occidentale devenait, dès sa création en 1901, l’outil des banques françaises en Afrique noire, et cela, malgré la percée éphémère de la Banque française de l’Afrique dans les années 1920 ou de la Banque industrielle de Chine, de la Banque française de Chine ou de la Banque russo-chinoise dans les années 1890-1920. La Banque de l’Indochine, complétée par la chaîne du CNEP, et la Banque de l’Afrique occidentale (BAO), partie intégrante de cette chaîne du CNEP, assuraient cette mission avec une efficacité certaine en concurrence avec les puissantes Hong Kong & Shanghai Bank21 et les diverses banques anglaises en Afrique (Barclays Dominions, Colonial & Overseas, dans l’entre-deux-guerres).
20Par ailleurs, chacun sait combien les banquiers français ont su établir leur pavillon en Méditerranée orientale. David Landes puis surtout Samir Saul22 ont scruté leur présence en Égypte tandis que Jacques Thobie jaugeait la diversité et la puissance des activités de la Banque impériale ottomane. Toutefois, en Méditerranée nord orientale, la force de la Banque impériale ottomane n’a pas accaparé à elle seule le déploiement bancaire français : la Banque de Salonique (dans les années 1880-1920), les agences du Crédit lyonnais23, celles du Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie au Levant et sa prise de contrôle de la Banque de Salonique en 1919, la percée de la Banque de l’Union parisienne dans les Balkans, par le biais du contrôle de la Banque d’Athènes (pendant la première moitié du XXe siècle) et de la Banque commerciale de Roumanie, concurrencée par l’établissement parrainé par Paribas, la Banque de commerce roumaine, sont autant de relais de l’influence française dans les aires du Danube, de la mer Noire, de la mer Égée, de la Méditerranée orientale. Là aussi, un « système » d’appui bancaire aux flux Est-Ouest a été bâti par les banques françaises24.
21Ces « systèmes » (ou structures cohérentes et stratégiques de relais bancaires aux échanges commerciaux dans une zone donnée ou selon un axe spécifique) sont autant d’étais au déploiement des firmes françaises outremer : affaires de change, circuits et compensation de lettres de change et d’effets de commerce, divers types de crédits.
22Des « points forts » sont donc incontestablement activés par les banques françaises. Est-ce à dire que, ailleurs, elles présentent des « points faibles » ? Il est vrai que leur réseau en Europe centrale et méridionale est lacunaire ; que leur implantation en Amérique et au Moyen-Orient ou en Inde est inexistante (mise à part la French American Banking Corporation-FABC et la petite maison Schlumberger25 pour les affaires nord-américaines ; ou la Banque française et italienne pour l’Amérique du Sud-Sudaméris, celle-ci en liaison avec la Banque commerciale italienne). Est-ce de la faiblesse ou du réalisme ? de l’aveuglement stratégique ou du pragmatisme stratégique ? Le plus difficile est de comprendre comment, en effet, fonctionnent les firmes françaises lorsqu’elles commercent en Amérique (exportation de soieries aux États-Unis, par exemple ; de matériels et produits de consommation en Amérique latine, etc.). Tous les indices convergent en fait pour prouver que la toute puissance des maisons britanniques impose aux banquiers français de passer par leur intermédiaire pour dénouer les flux de bills of exchange. C’est bien par la City qu’ils agissent, grâce au correspondent banking, que ce soit directement depuis le siège parisien ou indirectement par les succursales ou filiales à Londres. Même une banque aussi peu dotée d’une stratégie internationaliste comme la Banque nationale de crédit finit par ouvrir une agence à Londres en 1928 tant elle ne peut en rester absente sous peine de manquer de relais pour les opérations apportées par ses clients en banque d’entreprise. Nous avions ainsi noté que, à Bordeaux, la forte banque locale Lafargue – reprise par le CNEP en 1891 – travaillait en direct avec Londres pour ses affaires transatlantiques et nous croyons que ce cas de figure reflète la plasticité du système bancaire français, évidemment « second » derrière la City, même si être derrière ne signifie pas être désuet (back, but not backward…).
23Une étude des relations bancaires franco-américaines (nord-et sud-américaines) manque encore qui permettrait d’apprécier le quotidien de l’économie bancaire transatlantique, et nous ne pouvons donc qu’insister sur l’intermédiation londonienne – aperçue déjà pour le marché des lettres de change alimenté par les immenses affaires de guano de la Société générale dans les années 1860-1880, traitées avec Schröders et diverses maisons de Londres. D’ailleurs, la force des banques britanniques est tellement incontournable qu’elles finissent par s’établir elles-mêmes en France pendant la Première Guerre mondiale (ou de part et d’autre de celle-ci), que ce soit à Paris ou sur certaines places provinciales, comme Bordeaux (Natwest, Barclays, Lloyds) ou Lyon (avec la HSBC, qui vient rogner des affaires de financement des importations de soieries asiatiques…).
24Le bilan est donc contrasté : des points forts par le biais de pôles de compétence remarquables ; des systèmes géographiquement trapus ; mais aussi l’admission de la force de la City pour les relations avec certains ensembles, américains ou asiatiques, par exemple.
III. Ingénierie financière et courtage face à l’international
25Sans relancer ici l’analyse ou les controverses liées aux « emprunts russes », nous voulons discuter de l’efficacité et de la compétitivité de l’intervention des banques françaises sur le marché international des capitaux. Il est clair que tous nos collègues – et nous-même à propos de la Banque de l’Union parisienne et de la Société générale – ont prouvé que la capacité d’ingénierie financière et de courtage des banques françaises était solide pour les émissions de titres étrangers (Amérique latine, Russie, Empire ottoman et ses marges). Leur rôle a été à la fois puissant – puisqu’elles ont dirigé ou codirigé des syndicats d’émission, ont participé aux négociations au sommet, comme pour le grand emprunt chinois en 1911-1913, ont eu la responsabilité de « tranches françaises » d’emprunts internationaux ou en ont organisé certains seulement pour le marché français – et efficace puisqu’elles ont mobilisé leurs réseaux d’investisseurs, pour les banques d’affaires, et d’agences, pour les banques de dépôts pour assurer la réussite (parfois incertaine, certes) du courtage de nombreuses obligations (voire des actions de firmes russes et ottomanes). Des chaînes de soutien des intérêts français ont été démontées par nos collègues, et Jacques Thobie a même insisté sur « le triptyque banque, industrie, diplomatie » à propos des affaires ottomanes. La Russie et tout le pourtour méditerranéen en ont été les bases pendant la Belle Époque, que l’on appelle cela « impérialisme financier » ou « déploiement financier à l’international ». De la valeur ajoutée a en tout cas été produite ; un capital d’expertise a été accumulé, symbolisé par la direction des affaires financières et le service des études économiques et financières au Crédit lyonnais, posés quelque peu en « modèles » au sein de la profession et imités par la Société générale puis par la Banque de l’Union parisienne, comme nous l’avons analysé nous-même à propos de ces deux maisons ou pour l’ensemble de la profession de l’entre-deux-guerres.
26L’efficacité de la capacité de courtage (brokerage) a été prouvée par sa mobilisation au service d’opérations transatlantiques. Les financiers des banques françaises sont parvenus à s’implanter dans la City, à y nouer des relations fructueuses et à obtenir la rétrocession de parts substantielles de certaines émissions de valeurs nord-ou sud-américaines à la Belle Époque26. Nous avons souligné la proximité entre la Société générale et la maison Schröders ou les financiers londoniens Cassel & Matheson : « De puissantes maisons réservent actuellement à notre agence dans la Cité une part profitable dans les grandes affaires syndicales », note en 1908 la Société générale, relais (en association souvent avec Paribas) de Baring, Morgan Grenfell et Rothschild pour des opérations sud-américaines du tournant du siècle. « Le marché de Londres attire de plus en plus nos capitaux et fait une concurrence d’autant plus grande à la Bourse de Paris. Nombre de nos agents de change et les établissements de crédit ont à Londres des correspondants ou des succursales et ils déclarent que c’est sur leurs courtages anglais qu’ils font leurs plus beaux bénéfices », relève le ministère des Affaires étrangères en 1903. Mais, à la Belle Époque comme encore un peu dans l’entre-deux-guerres, l’habileté des banques françaises consiste dans leurs relations avec les petites maisons de banquiers-financiers qui, en voltigeurs du capitalisme financier, détectent et montent des affaires avant de les transmettre aux grands établissements (Farqhar, Spitzer, Thalmann, etc.) ; la Société générale, Paribas et la Banque de l’Union parisienne sont parties prenantes de cette économie financière « cosmopolite », soit par le biais de leur entité londonienne, soit surtout en direct depuis le siège parisien, ce qui suppose de nombreux voyages à Londres pour les responsables des directions financières pour valoriser l’expertise de leur maison en ingénierie financière.
27Ce sont donc bien là des signes évidents d’une bonne capacité d’intermédiation au profit des entreprises liées aux intérêts français à l’étranger, des clients investisseurs et épargnants, quel que soit le sort ultérieur de certains placements (russes ou sud-américains). Le problème est bien entendu constitué par le recul des affaires financières internationales des banques françaises dans l’entre-deux-guerres à cause de la vente d’actifs pendant le conflit pour mobiliser des devises au service de l’économie de guerre, des restrictions à l’exportation de capitaux en 1918-1928, de la faiblesse du franc et des besoins de la reconstruction puis de la croissance industrielle. Une part substantielle des activités des banques françaises consiste alors à régler les contentieux nés de l’effondrement des empires centraux et orientaux. De plus, comme le marché nord-américain se nourrit de plus en plus lui-même et comme le marché sud-américain est devenu incertain, les eldorados transatlantiques se sont érodés… ; des occasions d’affaires naissent à nouveau avec les emprunts Dawes et Young liés aux réparations allemandes ou à certaines opérations tournées vers l’Europe centrale ou le Levant. Mais la capacité d’intermédiation et d’ingénierie financière plafonne indéniablement chez des banquiers manquant dans ce domaine d’une large envergure internationale.
IV. Les politiques internationales d’emplois d’actifs et d’essaimage de savoir‑faire
28Tandis que les banques françaises bataillent pour combler les besoins de leurs clients ouverts sur l’international, elles animent ici ou là des stratégies internationalistes qui visent à développer et rentabiliser leurs « emplois », leurs actifs bilantiels, puisque chaque banque gère des activités « pour compte propre » destinées à sécréter des revenus d’exploitation et peut-être in fine des bénéfices courants. Nous désirons ici identifier les axes suivis pour cette politique d’emplois et d’essaimage à l’international pour déterminer quels savoir-faire ont été privilégiés – dans le cadre d’une évaluation qui pourrait être plus large et apprécier la compétitivité française dans le domaine des services en général. Ces savoir-faire sont simples à cerner : la gestion d’actifs, la banque de détail et de réseau, la banque commerciale, la gestion de fortune.
A. Emplois et essaimage entre 1880 et 1914
29Le parcours des banques françaises est bien connu. En gestion d’actifs pour compte propre, elles placent des fonds sur les places où des valeurs à court terme sont à acquérir ; Jean Bouvier a montré le rôle de diverses agences étrangères du Crédit lyonnais pour accéder à ce marché des bons du Trésor en Espagne, par exemple ; Jacques Thobie a indiqué combien la Banque impériale ottomane souscrivait de valeurs de trésorerie ottomanes. Raymond Poidevin a révélé l’ampleur des placements de liquidités en Allemagne à la Belle Époque tant le marché monétaire et interbancaire allemand avait besoin de financements étrangers, et il a fallu l’intervention comminatoire de Poincaré en 1912-1913 pour que de tels placements soient suspendus27. L’activité de banque de dépôts à réseau s’est déployée seulement sur deux marchés, la Russie – nous renvoyons à notre étude sur la Banque russo-asiatique – et, à une moindre échelle pour le réseau, l’Empire ottoman (J. Thobie), sans évoquer ici les territoires de l’empire colonial. La réussite de la Banque russo-asiatique est tellement percutante (et méconnue) qu’elle prouve que le capital de compétences de l’économie bancaire française a sérieusement progressé depuis les aléas des années 1870-1880 rencontrés dans plusieurs établissements. Les desseins concernant l’essaimage de la banque de dépôts (ainsi que la banque hypothécaire pour le crédit foncier et immobilier) dans les Balkans et l’Europe centrale confirment ce mouvement, brisé par la guerre.
30Les talents en banque commerciale à l’international par le biais d’implantations en direct à l’étranger ont pris corps : les implantations en Russie, en Extrême-Orient (Banque russo-asiatique, Banque de l’Indochine), en Égypte, sur le pourtour de la mer Égée ont commencé à dégager des opérations de financement local ; en effet, ces mini-réseaux finissent par se nourrir eux-mêmes puisque « l’effet ping-pong », comme on dit, les mobilise pour des affaires propres à l’aire géographique en cause. La Banque de l’Indochine finance ainsi des opérations internes au monde asiatique, entre l’Indochine et la Chine, de place en place selon les flux du cabotage et des échanges locaux ; des affaires se dénouent entre les entités bancaires situées en Méditerranée nord-orientale et celles de l’Égypte, etc. La Banque russo-chinoise puis la Banque russo-asiatique animent des flux d’affaires le long des voies ferrées russes sans aucun rapport avec les flux Est-Ouest avec la France, ce qui génère une capacité d’amortissement des investissements en agences et en équipes de banque commerciale à Saint-Pétersbourg, tout comme Jean Morin a montré comment les agences russes du Crédit lyonnais traitaient de plus en plus d’opérations locales (pour la foire de Nijni-Novgorod, par exemple)28. Classiquement enfin, les sièges parisiens gagnaient de l’argent dans le cadre de leur politique d’emplois en refinançant les établissements ou agences à l’étranger, quand ils avaient besoin de liquidités supplémentaires pour faire face aux « campagnes », aux fluctuations saisonnières liées aux récoltes, par exemple.
B. Emplois et essaimage dans l’entre‑deux‑guerres
31Le repli des affaires russes porte un rude coup à la stratégie d’essaimage de la Société générale – mais elle le compense en devenant la première banque en France même entre 1922 et 1928… La stratégie internationaliste semble vaciller : la jeune Banque nationale de crédit n’en développe presque aucune et se concentre sur le marché intérieur ; la Société générale cède la Banque de Salonique au CFAT et elle aussi se recentre sur l’axe Paris-Londres. On peut prétendre grosso modo que la politique d’essaimage n’est plus portée que par les banques d’affaires : seules Paribas et la Banque de l’Union parisienne déploient une vigoureuse stratégie d’implantation en Europe centrale et orientale, on le sait, et Paribas prend même le contrôle de la Banque impériale ottomane en 1923 quand celle-ci change de nature fonctionnelle et devient une banque commerciale turque. Éric Bussière, nous-même et divers collègues d’Europe centrale avons reconstitué les diverses pistes suivies par Paribas et la Banque de l’Union parisienne en Roumanie, en Grèce, en Hongrie, en Yougoslavie ainsi que la politique du Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie (CFAT) en Méditerranée nord-orientale. Là encore, cela suscite deux remarques banales : les affaires locales y prennent une ampleur considérable – mais à l’échelle de ces pays proto-émergents, donc avec beaucoup de crédits à des PME ou entreprises moyennes-grandes, à des négociants en matières premières agricoles ou minières ou en combustibles.
32Par ailleurs, sans évoquer à nouveau ici l’activité de change, la politique d’emplois des banques françaises trouve à se satisfaire des opérations de refinancement des établissements filiales ou partenaires à qui elles procurent sans cesse des liquidités, en francs ou en devises, pour faire face aux pointes de besoins de trésorerie, d’où des revenus appréciables. Mais elles renouent aussi avec leur tactique d’avant-guerre et se retrouvent apporter des liquidités à des consœurs allemandes, notamment dans la seconde moitié des années 1920 et au tournant des années 1930. On perçoit l’importance de cet engagement quand ces créances se retrouvent gelées vers 1931-1935 par les divers moratoires, accords de compensation (clearing) ou standstill ; les montants atteignent plusieurs centaines de millions de francs en Allemagne pour la Société générale. Pendant le reste des années 1930, les banquiers s’échinent dès lors à récupérer ces actifs, comme la Banque de l’Union parisienne en Grèce. Cela dit, de façon moins dramatique, l’animation de l’activité de « correspondance interbancaire » fournit de nombreuses et larges occasions d’affaires dans tous les pays européens ; ainsi, la Banque de l’Union parisienne octroie des lignes de crédit permanentes, des « crédits de courrier », des facilités de caisse sur comptes courants (de cinq à huit semaines en général au début de 1930) à ses consœurs belges, allemandes, hollandaises, suisses, autrichiennes, anglaises, voire japonaises : un montant de quelque 110 millions de francs est en jeu en février 1930, soit en gros 5 % de son bilan, ce qui n’est pas négligeable.
33Il est délicat, croyons-nous, d’évaluer la contribution des activités étrangères en direct aux revenus, aux bénéfices d’exploitation et à l’actif des banques françaises. En attendant notre analyse des comptes internationaux de la Société générale, nous nous contenterons d’indiquer que, si l’on additionne l’ensemble des lignes de crédit qu’on perçoit ici et là dans notre reconstitution des interventions de la Banque de l’Union parisienne en contrefort du groupe Schneider en Europe centrale et des banques qui sont proches d’elles en Europe centrale et balkanique, on débouche sur deux centaines de millions de francs en 1929, soit un quart de l’encours des crédits de l’établissement cette année-là : « Certaines de nos banques affiliées dans la région de l’Europe centrale traitent avec nous un chiffre d’affaires atteignant 60 et 80 millions de francs », note la Banque de l’Union parisienne29 en 1924.
V. Un bilan est-il possible ?
34Nous ne sommes pas certain de pouvoir apporter des conclusions définitives et fermes à notre démarche analytique tant elle repose sur une appréciation empirique de données disparates. Mais nous entendons suivre deux pistes de réflexion.
A. Vers un bilan de la relation avec la clientèle à l’international ?
35Si l’on se place dans une logique de satisfaction des besoins des clients (selon la démarche CRM à la mode, ou customer relationship management…)30, nous ne sommes pas sûrs que nous trouverons dans les archives des entreprises un seul manageur satisfait de ses banquiers en raison du coût et de la prudence de leurs interventions… Il faudrait en fait dénicher de telles archives, mais dispose-t-on chez les clients de dossiers évaluant la relation avec les banques ? Quant à celles-ci, leurs archives ne permettent guère généralement de mesurer comment elles se préoccupent vraiment leur relation-client, sauf en l’occasion d’événements (une rupture, une grosse affaire de crédit ou d’émission) qui sont en soi exceptionnels, ce qui peut fausser la vision des choses.
36Il est évident que des tensions surgissent, que les capitaines d’industrie peuvent grommeler contre ce qu’ils jugent les lacunes de leurs banquiers. Nous ne connaissons qu’un beau cas de rupture, celui de la Banque de l’Union parisienne et de Schneider vers 1927 ; le groupe se dote alors d’une « banque de groupe », la Banque des pays du Nord, qu’il réunit plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, avec sa holding mi-financière mi-bancaire, l’Union européenne industrielle et financière, au sein de la Banque de l’Union européenne. On sent Schneider désireux d’obtenir beaucoup plus de son banquier maison ; René Girault l’a montré pour les affaires russes en 1910-1916 ; Claude Beaud et nous-même fournissons des éléments sur les relations des années 1920, qui conduisent à une séparation car Schneider31 semble exiger des prises de risque que la banque ne peut trop étendre sans perdre sa capacité d’autonomie – perte constatée plus tard à la Banque nationale de crédit vis-à-vis des affaires du groupe Vincent… Il faudrait donc scruter systématiquement les archives des entreprises pour y saisir l’intimité des relations entre les patrons de sociétés industrielles ou tertiaires et leurs banquiers compagnons de route. Doit-on interpréter la création de la Banque nationale française du commerce extérieur en 1919 comme l’expression du mécontentement de la « France des moyens », des PME désireuses de trouver plus de soutien auprès des banques pour leurs activités d’import-export, un peu dans la lignée de la création des Banques populaires pour les crédits courants ? Doit-on penser qu’un décalage aurait surgi – dans le style du fameux MacMillan gap britannique – entre le monde de la grande entreprise et celui des PME dans les relations avec le système bancaire ? Les lacunes du marché des « acceptations » en France par rapport aux pratiques anglaises et américaines en seraient un signe – d’où la création en 1929 de la Banque française d’acceptations. Cependant, cette BNFCE ne fonctionne pas bien32.
37Cela dit, et donc de façon plutôt hypothétique, on peut penser que la configuration de l’économie bancaire française était adaptée au déploiement des intérêts français à l’international. La circulation des moyens de payement, la gestion de la compensation des lettres de change à l’échelle mondiale, la gestion des changes, la fourniture des instruments de support du commerce international (crédits documentaires, etc.), la mise à disposition des clients de réseaux de correspondants interbancaires, la mobilisation des équipes internationalistes du siège et de l’entité londonienne : ce sont autant d’atouts que peuvent utiliser ces clients. Après tout, si les banques françaises avaient été tellement inefficaces et incompétentes, leur marché, tout de même relativement ouvert et en tout cas, pour beaucoup d’affaires internationales, placé en pleine compétition interbancaire, se serait ouvert beaucoup plus à l’offensive des rivaux britanniques, suisses ou belges, déjà bien actifs sur Paris et sur certaines places provinciales… La Société générale de Belgique est bien venue titiller ses consœurs dans les années 1870-1904 (avant d’apporter sa filiale, la Banque parisienne, à la Banque de l’Union parisienne), puis elle dispose sur Paris d’une succursale de la Banque belge pour l’étranger ; les banques anglaises, on l’a dit, progressent sensiblement en France pendant la Première Guerre mondiale. Par ailleurs, le « cosmopolitisme » de la place parisienne nous paraît une réalité : nombre de banquiers d’Europe centrale et orientale (Camondo, etc.), nombre de petites maisons de banquiers financiers travaillant à l’échelle européenne avec la Russie, Amsterdam (voire, par ce biais, avec Francfort et Berlin), Anvers et Bruxelles, Londres, sont actifs sur Paris et servent d’intermédiaires aux grands établissements, qui ne restent pas repliés sur eux-mêmes. Sans même évoquer le nombre de cadres dirigeants d’origine étrangère au Crédit lyonnais (Rosselli) ou au CNEP (Ullman, etc.), nombre de dirigeants se sont formés dans les grosses agences ouvertes sur les flux mondiaux et animent au siège des entités bien internationalisées (portefeuille étranger, etc.).
38Certes, l’économie bancaire française à l’international a dû se couler dans les rapports de forces interbancaires et financiers : la prédominance de la City, la perte relative de substance en masse de papier commercial à cause du payement de l’indemnité allemande en 1872-1874, la vente d’actifs financiers étrangers pendant la Première Guerre mondiale, les aléas de la compétitivité des firmes françaises à l’export – notamment pendant la Grande Dépression, puis pendant la crise des années 1930 – et enfin les soubresauts du franc en 1922-1926 ont pu entailler la capacité des banquiers à renforcer leurs positions à l’international. Par ailleurs, il a certainement manqué aux banquiers une large « culture » asiatique et sud-américaine (mis à part un Neuflize qui, à la Belle Époque, effectue des voyages en Amérique latine), voire également nord-américaine, comme si la toute puissance des banquiers britanniques sur ces marchés restreignait la mobilité conceptuelle ou relationnelle de leurs homologues parisiens – ce qui est surprenant étant donné l’insertion de nombreux patrons (notamment dans le négoce) au sein des flux commerciaux vers l’Amérique et l’Asie. Ce sont là des points qu’il faudrait éclaircir en soupesant les mentalités, les références culturelles, bref, l’ouverture d’esprit des banquiers, ce qui dépasse largement nos moyens, vu le faible nombre de souvenirs ou mémoires disponibles.
B. Vers un bilan du positionnement international des banques françaises ?
39Dans le monde de la banque internationalisée, les Français ont essentiellement conquis des archipels de développement : l’Europe centrale et orientale (Russie, et Balkans ; puis bassin danubien et Balkans) et la Méditerranée orientale ont constitué les points forts de ce déploiement de relations, de points d’implantation et de filiales, de savoir-faire. Des échecs ont été subis au Brésil et au Mexique et les filiales ou plutôt les filleules d’Amérique latine ou des Caraïbes ici et là sont restées de taille fort modeste (Haïti, etc.). En Asie et en Océanie, seuls quelques places sont touchées, par le CNEP et surtout par la Banque de l’Indochine. L’on peut donc se demander pourquoi cette stratégie d’implantation n’a pas été plus systématique, plus rationnelle, pourquoi elle comprend tant de « trous » dans la carte des points de contact bancaire – puisque seul le CNEP a mis au point un « système » cohérent outre-mer. L’État a eu du mal à imposer à la Banque de l’Indochine un glissement de ses opérations de la Cochinchine à la Chine et à l’ensemble de l’Extrême-Orient, par exemple. Pendant un temps, à la Belle Époque, un couple efficace s’est constitué autour de Paribas et de la Société générale par le biais d’une alliance informelle ; mais les déboires de la Société générale en 1913-1914 puis les effets de la guerre et de la révolution russe l’ont détournée d’une stratégie internationaliste. Dans l’entre-deux-guerres, hormis les établissements actifs dans l’empire, en fait, seules la Banque de l’Union parisienne et Paribas portent un réel dessein de déploiement international, surtout est-européen à vrai dire.
40Il sera banal de conclure que les banques françaises ne se sont donc pas posées en « sociétés multinationales bancaires », qu’elles n’ont pas entretenu globalement une culture de développement plurinational, et, en disant cela, nous aurons conscience de l’anachronisme de telles formulations… Une telle attitude trouve plusieurs facteurs d’explication : la communauté bancaire française a confié à certains de ses représentants le soin de la représenter outre-mer, en Afrique (BAO) et en Asie (Banque de l’Indochine) selon une sorte de principe de délégation collective et de spécialisation informelle. Chaque pays a peu ou prou respecté un gentlemen’s agreement : tout le monde respectait les intérêts de chacun et n’allait pas brouter le pré du voisin de façon intempestive, d’autant plus que les complémentarités ont joué à plein entre les divers pays pour beaucoup de flux d’affaires grâce au système de correspondance interbancaire et que les particularismes, le patriotisme et l’esprit de clocher, voire les réglementations entravaient tout désir d’implantation. C’est ce qui explique que les pays neufs ouverts à la concurrence sont devenus de vastes champs d’expansion où le capital de compétences a pu être mobilisé, comme en Russie puis en Europe centrale et balkanique – mais en y veillant au respect des susceptibilités nationales néanmoins.
41Nous voudrions également noter qu’une politique d’expansion internationale suppose beaucoup de fonds propres ou de disponibilités stables – contreparties de prises de risques, anticipation de risques de change, besoins inopinés de refinancement d’une filiale, comme doit le faire la Société générale pour la Banque du Nord, en Russie, en 1904-1905 ou la Banque de l’Union parisienne pour la Banque d’Athènes en 1910, abondants engagements en crédits de banque commerciale – alors même que les augmentations de fonds de propres sont relativement modérées parmi les établissements parisiens et que, par surcroît, ils sortent laminés des dérives inflationnistes des années de guerre ou d’après-guerre.
42Notre bilan reste donc largement hypothétique et flou, car il ouvre plus de pistes qu’il ne suit jusqu’au bout… Il lui manque indéniablement une synthèse sur l’internationalisation des banques françaises telle qu’a pu la réaliser Geoffrey Jones pour les firmes britanniques, et aussi une étude comparative où l’économie bancaire française serait mise en balance avec ses homologues étrangères33. C’est pourquoi nous avons intitulé notre texte « essai » !
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Notes de bas de page
1 Cf. la bibliographie à la fin de ce texte.
2 Cf. Hubert Bonin, « Frankreich [La France] », in Europäische Bankengeschichte (Histoire européenne de la banque contemporaine), éd. Fritz Knapp Verlag, Francfort, 1993 (trois chapitres : p. 250-262, 373-393 et 498-516). « French Banking History: A Review Article », Business History, vol. 38, nº 1, 1996, p. 115-127. Le monde des banquiers français au XXe siècle, éd. Complexe, Bruxelles, 2000. Les banques françaises de l’entre-deux-guerres, éd. P. L. A. G. E., Paris, 2000 (3 vol.).
3 Cf. Geoffrey Jones, British Multinational Banking, 1830-1990, Clarendon Press, Oxford, 1993. Geoffrey Jones (dir.), Banks as Multinationals, Routledge, Londres, 1990. Ton de Graaf, Joost Jonker et Jaap-Jan Mobron, European Banking Overseas, 19th-20th century, European Association for Banking History-ABN-AMRO, 2002.
4 Un peu dans l’esprit de la plaquette La banque et ses clients. Partenaires et solidaires publiée par l’Association française des banques en 1993.
5 Cf. Geoffrey Jones, The Evolution of International Business. An Introduction, Routledge, Londres, 1996. H. Bonin et alii (dir.), Transnational Companies (19th-20th Centuries), actes du 4e congrès de l’European Business History Association à Bordeaux en septembre 2000, éd. P. L. A. G. E., Paris, 2002.
6 Pour une vision large, cf. Youssef Cassis, La City de Londres, 1870-1914, Belin, Paris, 1987.
7 Dans des discussions que nous avons eues autour de son texte : « The City of London as a global financial Centre, 1880-1939 : Finance, foreign Exchange and the First World War », présenté au colloque de Stockholm de l’European Association for Banking History, 30 mai-1er juin 2002.
8 Bolton est le futur président de la Bank of London & South America.
9 Octave Homberg, Les coulisses de l’Histoire. Souvenirs, 1898-1928, Fayard, 1938.
10 Cf. Bertrand Blancheton, Le Pape et l’Empereur. La Banque de France, la direction du Trésor et la politique monétaire de la France (1914-1928), Albin Michel, 2001, p. 311-314. Entre juin et octobre 1925, Lazard joue un rôle clé dans l’intervention sur le marché des changes.
11 Cf. Raymond Philippe, Le drame financier de 1924-1928, Gallimard, Les documents bleus, nº 42, 1931 (notamment p. 83).
12 B. Blancheton, op. cit., p. 172.
13 Pour une vision sereine de ces mouvements spéculatifs, cf. Charles Kindleberger, Histoire mondiale de la spéculation financière, éditions P. A. U., 1994.
14 Sur l’histoire du CCF, cf. Jean-Pierre Daviet et Michel Germain, CCF, 1894-1994. Crédit commercial de France, une banque dans le siècle, éd. Textuel, Paris, 1994.
15 Cf. H. Bonin, Histoire de la Société bordelaise de CIC (1880-1990), éd. L’horizon chimérique, Bordeaux, 1991. « Le Crédit industriel de Normandie de 1945 à nos jours. L’essor de la banque régionale », in Jean-Pierre Chaline et Hubert Bonin, Le Crédit industriel de Normandie (1848-1995), publications du CIN, Rouen, 1996. Histoire de banques. Crédit du Nord, 1848-1998, avec Philippe Decroix, Sabine Effosse, Pierre Pouchain, Olivier Puydt, éd. Hervas, Paris, 1998 et 2004.
16 Cf. H. Bonin, « Vieille banque et nouvelle banque : les banques bordelaises au tournant du XXe siècle », in Michel Lescure et Alain Plessis (dir.), Banques locales et banques régionales en France au XIXe siècle, Albin Michel, Mission historique de la Banque de France, 1999, p. 237-273. « La splendeur des Samazeuilh, banquiers à Bordeaux (1810-1913) », Revue historique, 1993, nº 288, p. 349-389.
17 Cf. Peter Hertner, « German Banks abroad before 1924 », in G. Jones (dir.), Banks as Multinationals, Routledge, Londres, p. 99-119.
18 Cf. H. Bonin, « Une grande entreprise bancaire : le Comptoir national d’escompte de Paris dans l’entre-deux-guerres », Études et documents IV, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, décembre 1992, p. 225-382. « Le Comptoir national d’escompte de Paris, une banque impériale (1848-1940) », Revue française d’histoire d’outre-mer, tome 78, nº 293, 1991, p. 477-497.
19 Jacques Alibert, BAO, BIAO. De la vie coloniale au défi international, Chotard, 1983.
20 La petite Banque transatlantique avait elle aussi, à sa modeste échelle, tissé un micro-système reliant des agences de la Compagnie générale transatlantique dans les ports français et outre-mer pour développer des affaires de crédit, un peu d’ailleurs comme Worms. Cf. Banque transatlantique. Centenaire, 1881-1981, plaquette. Cette maison s’intègre au groupe du CIC pendant la seconde guerre mondiale.
21 Cf. Frank King, The History of the Hong Kong and Shanghai Banking Corporation, 4 vol. , Cambridge University Press, 1987-1991.
22 David Landes, Banquiers et pachas. Finance internationale et impérialisme économique en Égypte, Albin Michel, 1993. Samir Saul, La France et l’Égypte de 1882 à 1914. Intérêts économiques et implications politiques, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1997.
23 Cf. Jean Morin, Souvenirs d’un banquier français, Denoël, 1984 (à propos de Smyrne, puis de l’Égypte).
24 L’étude de ce système en Méditerranée nord-orientale pour le premier tiers du XXe siècle constitue actuellement l’un de nos axes de recherche et nous remercions la Fondation Onassis de son concours.
25 Christian Grand, Trois siècles de banque. De Neuflize, Schlumberger, Mallet, de 1667 à nos jours, E/P/A éd., 1991.
26 Cf. M. G. Myers, Paris a Financial Centre, PS King, Londres, 1936. Youssef Cassis et Éric Bussière (dir.), London and Paris as International Financial Centres in the 20th Century, Oxford University Press, Oxford, 2005.
27 À l’inverse, au passif, les sièges parisiens abritaient des disponibilités de l’État tsariste pour le règlement du service financier des valeurs mobilières russes.
28 Jean Morin, op. cit., 1984.
29 H. Bonin, « Les affaires de la BUP et du Crédit mobilier français à l’étranger », chapitre 9 de H. Bonin, La Banque de l’Union parisienne (1874/1904-1974). Histoire de la deuxième grande banque d’affaires française, éd. P. L. A. G. E., Paris, 2001.
30 Un peu dans la logique des recherches effectuées par nos collègues britanniques sur l’offre de crédit bancaire : Forrest Cappie et Michael Collins, « Deficient Suppliers ? Commercial Banks in the United Kingdom, 1870-1980 », in P. Cottrell, A. Teichova et T. Yuzawa (dir.), Finance in the Age of the Corporate Economy, Ashgate, Aldershot, 1997.
31 Claude Beaud, « Une multinationale française au lendemain de la première guerre mondiale : Schneider et l’Union européenne industrielle et financière dans l’entre-deux-guerres », Histoire, économie, sociétés, nº 4, 4e trim. 1985, p. 625-644. H. Bonin, « La BUP soutien d’entreprises : la BUP et Schneider un partenariat tumultueux », chapitre 5 de H. Bonin, La Banque de l’Union parisienne…, op. cit.
32 La BNFCE est créée par la communauté bancaire et l’État ; elle reçoit une avance de l’État de 25 millions de francs et doit recevoir une redevance annuelle de 2 millions de francs, tandis que des investisseurs bancaires lui apportent un capital de 100 millions. Mais elle subit des difficultés de gestion et d’appréciation des risques pendant une première demi-douzaine d’années. Le président est changé (François Albert-Buisson succède à Gaston Griolet en 1925, jusqu’en 1931) ; Jean-François Bloch-Lainé en devient le directeur général entre 1925 et 1930 et la redresse – avant de rejoindre la maison Lazard.
33 Dans l’esprit de : Youssef Cassis, « Financial Elites in three European Centres: London, Paris, Berlin, 1880’s-1930’s », Business History, 33, 1991.
Auteur
Professeur d’histoire économique contemporaine à l’Institut d’études politiques de Bordeaux, responsable du Centre Montesquieu d’histoire économique-Bordeaux IV (rattaché à l’IFREDE-Institut fédératif de recherches sur les dynamiques économiques-GRES, Université de Bordeaux IV), associé au Centre aquitain de recherche en histoire moderne et contemporaine (Université de Bordeaux). Spécialiste d’histoire bancaire et financière, mais aussi de l’histoire des entreprises et des organisations tertiaires, de l’esprit d’entreprise et du négoce et de la banque ultramarines, il a publié récemment Les banques du grand Sud-Ouest. Système bancaire et gestion des risques (des années 1900 à nos jours), Paris, PLAGE, février 2006 et Les coopératives laitières du grand Sud-Ouest (1893-2005). Le mouvement coopérateur et l’économie laitière, Paris, PLAGE, novembre 2005
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