Information commerciale et prise de décision au début de l’époque moderne : le marché hispano-américain, Rouen et l’Europe du nord-ouest (1580-1640)
p. 37-61
Texte intégral
1« Les chargeurs pour les deux flottes pour Terre [Ferme] et Neufve-Espaigne n’ont commancé a achapter, atendant l’arivé des navires de Rouan, alors j’estime que les bonnes [toiles] de ballot, curaige de Rouan, vaudront 4 1/4 r[éau]x, autour. La flotte de Terre Ferme ne poura partir qu’il ne soit le mois de febvrier prochain, laquelle yra bien riche et consommera grand nombre de touttes sortes de marchandises pour le nombre d’argent et passagers venus au derniers gallions ». De Séville, le marchand commissionnaire rouennais Michel Damiens tentait ainsi d’éclairer son commettant anversois Jan Van Immerseel1 dans sa décision d’acheter des toiles rouennaises pour les écouler sur la place andalouse.
2Cet épisode s’inscrit dans le fonctionnement des courants commerciaux nés de la conquête espagnole en Amérique, qui prirent la forme d’échanges réglés entre l’Espagne et ses colonies, connus sous le terme de Carrera de Indias. Dès le milieu du XVIe siècle, une partie importante du négoce et de l’activité productive industrielle de l’Europe du Nord-Ouest fut impliquée dans ce mouvement. Située au carrefour de la Méditerranée, de l’espace atlantique et des courants Nord-Sud de la façade occidentale de l’Europe, Séville assura, jusqu’aux années 1630, une fonction d’articulation majeure du jeu commercial entre Europe et Amériques. Elle fut, à ce titre, en relation permanente avec les places du Nord-Ouest de l’Europe, qui drainaient les marchandises destinées aux cargadores et aux peruleros. C’est aussi de Séville que les correspondants des négociants d’Anvers, de Rouen, d’Amsterdam et de Hambourg devaient opérer, en contrepartie des marchandises écoulées, les retours les plus avantageux. Pour les réseaux de négociants français et néerlandais qui étaient alors les principaux animateurs de ce secteur, la valorisation de ces mouvements de marchandises ou de fonds passait par une connaissance aussi précise que possible de l’état de la demande et des prix.
3Quelle était exactement la nature de cette information qui circulait principalement à travers les correspondances commerciales ? Comment intervenait-elle dans la prise de décision des acteurs et quelles étaient les positions respectives de ces derniers par rapport au « processus informatif » ?
4Il n’est pas inutile, avant d’envisager ces questions, de revenir sur quelques-uns des caractères propres aux « jeux de l’échange » établis entre l’Europe du Nord-Ouest et l’emporium majeur que furent Séville et ses avant-ports pour le commerce des Amériques, entre 1570 et 1620-1630. La spécificité de ce système commercial doit en effet être examinée dans une double dimension, spatiale et temporelle. Replacée dans la très longue durée, la période représente, on le sait, avec des nuances liées autant aux espaces pris en considération qu’aux spécialisations et à l’importance des firmes, une phase de sédentarisation croissante des acteurs, qui entraînait un développement du commerce de commission, inopérant sans une circulation accrue de l’information. Dans une échelle de temps plus courte, et pour en rester à l’espace du Nord-Ouest européen, le dernier tiers du XVIe siècle fut marqué par un ensemble d’affrontements de nature politico-religieuse dont le plus important reste l’éclatement politique des Pays-Bas, avec son cortège d’opérations militaires et de perturbations de toutes sortes. Leur principal avatar du point de vue de l’activité commerciale, reste moins l’affaiblissement que l’éclatement du pôle anversois, avec comme conséquence majeure l’accélération du processus d’essaimage des firmes de la métropole brabançonne, et plus largement des acteurs néerlandais du Sud (en particulier de Valenciennes, Lille et Tournai), dans à peu près toutes les directions2. Hambourg, Amsterdam et Rouen furent les principales bénéficiaires de ces migrations, dans le secteur de l’Europe du Nord-Ouest. Par rapport au début du siècle, les mouvements des élites négociantes entre la zone ibérique et les villes de l’Europe du Nord-Ouest se seront inversés, après les années 1560, conduisant notamment à la formation de groupes importants d’acteurs néerlandais, et aussi français, à Séville.
5La deuxième dimension dont il faut souligner la spécificité du point de vue de la diffusion de l’information commerciale, concerne l’articulation entre commerce ibéro-américain et échanges européens. Les places andalouses, Séville, et plus tard Cadix, se situèrent, dans ce contexte, à l’interface entre un système d’échanges plus ou moins réguliers3 avec les Amériques, organisé autour des « flottes », et sous contrôle encore assez efficace de la monarchie espagnole, et des échanges européens Nord-Sud développés de longue date sur la façade atlantique, et mobilisant un vaste arrière-pays continental4. Il s’agit donc d’une configuration particulière, marquée par l’allongement des distances et de la durée des opérations commerciales, mais très différente du système mis sur pied autour de 1600 par les Hollandais et les Zélandais avec la compagnie des Indes orientales, mieux contrôlé à l’amont. Même l’interdit qui pesait sur la fourniture de produits par les ennemis directs de la monarchie espagnole (Provinces-Unies et Angleterre) fut en partie rendu illusoire par une fraude assez généralisée.
Quels types d’information ?
6On sait que, très tôt, l’activité commerciale n’a pu se passer, en particulier pour les échanges à longue distance, d’un ensemble de données informatives diffusées notamment par les lettres marchandes5. On ne peut donc réduire l’information commerciale à la seule diffusion de données « publiques », dont le développement dans le très long terme a sans aucun doute participé d’un processus de rationalisation de la prise de décision des acteurs économiques, informés de manière plus régulière, plus précise, plus égale6. Ce point a été développé de manière convaincante dans l’étude que John J. McCusker et Cora Gravesteijn7 ont consacrée à la diffusion sous forme imprimée de prix courants, de cours de change, de monnaies, et même d’actions, à partir d’observations poussées sur un grand nombre de villes ou de places européennes, en particulier du côté d’Anvers, d’Amsterdam et de Lyon, mais pas de Séville. Faut-il opposer radicalement ces formes « modernes » de publicisation des cours de changes et des produits, à des formes plus anciennement développées d’échange privé d’informations ? À Lyon, les deux auteurs n’ont trouvé aucun enregistrement sous forme imprimée de prix courants, avant 1627. Les cours de change pour différentes places européennes y furent pourtant régulièrement enregistrés par certains notaires dès le dernier tiers du XVIe siècle et reportés sur des formulaires imprimés. Ces cours « courants » dont on sait qu’ils étaient établis au sein des principales « nations » italiennes, y prenaient donc un caractère plus public que la communication privée de cours de référence entre marchands, ce qui ne les empêchait pas d’être inclus dans les lettres commerciales8.
7On ne peut pourtant pas réduire le fonctionnement des marchés à une mise en rapport d’acteurs fondant rationnellement leur décision sur des données chiffrées incontestables. Pour aller plus loin, il faut s’interroger sur la typologie des informations qui transitaient par le biais des échanges épistolaires entre marchands. Il faut aussi se demander si, pour un même type d’information, les données communiquées d’une place à l’autre étaient réellement homogènes.
8Parce qu’elle mettait en jeu un système articulé de places aux fonctions plus ou moins définies, la structure même du commerce d’Espagne, explique l’importance que prenaient, en dehors de la communication de prix ou de cours, les informations relatives à la gestion des affaires dans un contexte où la commission et le commerce d’agence occupaient une position centrale9. On ne peut d’ailleurs isoler la documentation gestionnaire par excellence – la comptabilité – de la circulation des lettres marchandes. Tout en informant de l’avancement des ventes, de l’expédition des marchandises et surtout de la circulation des fonds, ces lettres étaient souvent accompagnées de documents comptables – comptes de cargaison et de vente, comptes courants. Dès que le simple échange bilatéral laissait la place à un enchaînement d’opérations complémentaires, la communication à intervalles plus ou moins réguliers d’éléments d’information devenait d’autant plus nécessaire que les mouvements de marchandises et de fonds se trouvaient délocalisés par rapport aux acteurs. Il suffit, pour s’en faire une idée, d’observer les opérations exécutées par les Rouennais Jehan de Cahaignes et Michel Damiens. Sur ordre de Jan Van Immerseel d’Anvers, et pour le compte de Hans de Velaer de Hambourg, ils vendaient à Séville des toiles venues de Rouen, et en assuraient le retour en marchandises adressées à Velaer ou à son commis à Middelbourg, Jehan Van Loemel, ainsi qu’en remises sur Anvers10. On imagine les cheminements empruntés par les courriers depuis le donneur d’ordre initial jusqu’à l’inscription dans les comptabilités du résultat final ! Indispensable à la communication des ordres et des informations entre partenaires, cette circulation des lettres était à l’évidence plus démultipliée et plus complexe que celle des marchandises.
9Tout aussi important, un autre élément de l’information commerciale visait à éclairer les décisions des acteurs, à travers un échange croisé d’avis sur l’état, réel ou supposé, de l’offre et de la demande des produits et de leurs prix, sans entraîner forcément une prise de décision. Il est difficile d’y voir les éléments constitutifs d’une information diffusée de manière homogène de l’Espagne à Hambourg et aux ports de la Baltique. Même pour les données les mieux définies en apparence, comme les prix courants de marché ou les cours de change, le facteur temps jouait en effet un rôle essentiel quant à la validité des informations, du point de vue de la prise de décision des acteurs11. À l’exception de retournements très brutaux de la conjoncture locale, toujours possibles, la communication de telles données, par exemple entre Anvers et Rouen, s’inscrivait dans un jeu d’informations réciproques, affecté d’une rapidité et d’une régularité suffisantes – de l’ordre d’une quinzaine de jours à trois semaines entre une question et sa réponse – pour que les décisions prises fussent fondées sur des éléments de comparaison valides. Il n’en allait pas ainsi sur de plus longues distances : un simple va-et-vient de l’information entre Rouen ou Anvers et Séville exigeait d’un mois et demi au mieux, jusqu’à près de quatre mois. Éviter de prendre une décision à contretemps devenait, dès lors, l’une des préoccupations majeures auxquelles les acteurs se trouvaient confrontés. Détenir des informations plus fiables que celles de ses concurrents ou en disposer avant eux représentait alors le moyen nécessaire, sinon la garantie, d’une anticipation promise au succès.
Le commerce toilier : interaction des marchés et anticipations
10Parce qu’il était l’un des fondements du commerce ibéro-américain12, et pour cette raison un élément important des échanges européens, le commerce des toiles occupa une place centrale dans les stratégies des négociants du Nord-Ouest européen et en particulier français13, dans une durée pluriséculaire14. Principal produit d’échange contre l’argent et les produits tropicaux venus des Amériques, il suscita la circulation d’une masse considérable d’informations croisées, relatives à l’état des différents marchés, aux prix, aux qualités, aux quantités et à la disponibilité des principaux produits. Dès les années 1560, les correspondances adressées de Rouen et de Nantes aux Ruiz en témoignent. Les informations sur l’achat, le blanchiment et l’expédition des lienços, y étaient permanentes, et pour les opérateurs actifs sur le marché rouennais des toiles, le résultat des ventes aux Indes était primordial.
11La commercialisation en gros des toiles destinées aux marchés coloniaux passait par trois étapes majeures : la concentration et l’achat des produits à Rouen et dans quelques ports bretons (Nantes, Saint-Malo, Morlaix), la vente aux chargeurs à Séville et dans ses avant-ports, l’écoulement des cargaisons sur les marchés américains – Porto Bello, Vera Cruz et Mexico. Les interactions entre ces trois grandes phases étaient au cœur des commentaires que livraient les expéditeurs rouennais de toiles sur les marchés ibériques à leurs correspondants, commanditaires ou banquiers, d’Anvers. Rapportées à Séville ou à Lisbonne par les caravelles d’aviso, les nouvelles sur la vigueur de la demande aux Indes et sur la richesse supposée des cargaisons de retour étaient immédiatement répercutées à Rouen, puis à Anvers. Et certaines lettres soulignaient cette incidence quasi automatique et comme structurelle des nouvelles venues des marchés américains sur le niveau des prix à l’autre bout de la chaîne : « Venant une bonne nouvelle d’Espagne, elles (les toiles) montent de 5 % incontinent, et venant de mauvaises, abaissent de mesme », remarque un marchand rouennais en 160115. Se référant à des situations ponctuelles, d’autres observations confirment l’importance des mécanismes d’anticipation engendrés par l’espoir d’une forte demande des prochaines flottes. Arrivée par l’« ordinaire » d’Espagne, en juin 1614, l’information selon laquelle les ventes de toiles s’étaient opérées à 5 1/2 réaux la varre16 avait fait espérer un regain des ventes aux Amériques et fait « courir les toilles a la halle »17. En juillet 1623, encore, de « bonnes nouvelles des Indes » avaient provoqué une hausse de 10, 12 et 15 % du prix des toiles à Rouen, en partie imputable aux achats massifs du marchand espagnol Marcos Challon18.
12On pourrait multiplier ces exemples d’anticipation d’une demande ultérieure en hausse, sur la foi de nouvelles dont la portée exacte ne pouvait pas toujours être évaluée19. Ils témoignent de la conscience qu’avaient les acteurs de l’interdépendance des marchés20. En juin 1612, une lettre de Séville, informant que deux galions du Pérou (de Terre Ferme) avaient acheté toutes les « rouens », décrit la véritable réaction en chaîne provoquée par cette nouvelle : une hausse des prix sur l’autre versant des marchés ibéro-américains, à Mexico, où la crainte d’une raréfaction de l’offre avait fait monter la varre de toile à 7 et 8 réaux, et, du côté européen, une hausse immédiate dans le complexe commercial sévillan de 18 % à bord des navires et de 3 1/3 % « à la rue », engendrant à son tour une flambée spéculative à Rouen. Mouvement démenti dès le mois de novembre par un retournement de la tendance des prix à Séville.
13Si souvent répercutée dans les lettres marchandes en provenance de Séville, la mention des prix de vente aux « Indes », ne constituait pourtant pas une information sur laquelle on pût arrêter une stratégie commerciale assurée, tant que l’on n’avait pas la certitude d’un retour sans perte notable des flottes ou des galions, toujours exposés aux aléas de la course ou du mauvais temps. Un simple retardement, pour les mêmes raisons, pouvait aussi démentir les espoirs suscités par la « nouvelle » de bonnes ventes aux Indes. La prise de décision des acteurs était en fait plus fondée lorsqu’elle tablait sur des données précises, relatives à la valeur et à la composition des retours des « flottes ». Régulièrement, les Van Immerseel d’Anvers recevaient de leurs agents rouennais à Séville des états plus ou moins détaillés sur ce sujet21. Pour les vendeurs de toiles, il s’agissait d’une information d’autant plus stratégique qu’elle alimentait les spéculations futures sur les retours. Sans aucun doute, la valeur globale de ce qu’apportaient les flottes fournissait une première indication sur la demande liée à leur prochain départ. La composition des cargaisons n’était pas moins cruciale, dans une optique prévisionnelle de maximisation du profit provenu de la vente des toiles ou, dans les cas les moins favorables, de limitation voire de compensation des pertes. Une attention qui s’explique d’autant plus que, sur les trois produits majeurs rapportés par les flottes et donnant lieu à des évaluations – l’argent, les cuirs, et la cochenille – les deux derniers, la cochenille surtout, connaissaient des variations quantitatives de grande amplitude. Ainsi, alors que les flottes avaient rapporté près de 10 000 arrobes de cochenille en 1595, il n’en vint que 6 000 en 1600 et 2 700 en 1612. Dans l’ensemble, les acteurs déploraient l’arrivée trop massive de produits dont l’écoulement mal maîtrisé était susceptible d’entraîner l’effondrement des cours22. Les plaintes à ce sujet revinrent de manière récurrente dans les lettres à propos des cuirs, dans les années 1600. En 1614, un opérateur rouennais décrivait a contrario le scénario idéal, en considérant qu’il y aurait « meilleure demande aux marchandises » du fait que l’or et l’argent représentaient plus de 90 % en valeur de ce que rapportait la flotte23.
14Un dernier ensemble d’observations soulignait certains caractères structurels du marché des toiles à Séville. En particulier le fait que les achats des « pérouliers », qui chargeaient pour Terre Ferme, étaient beaucoup plus soutenus que ceux des cargadores de la flotte de Nouvelle-Espagne24. Or, ce sont justement les échanges avec ce versant sud-américain qui furent le plus tôt perturbés. Le constat de cette demande insuffisante de la part des exportateurs revient en permanence chez les marchands commissionnaires rouennais à Séville. Ils y voyaient l’origine de la saturation récurrente du marché des toiles sur la place andalouse, couramment dénoncée dans les lettres marchandes, dès la deuxième moitié du XVIe siècle. D’où les appréciations sur le bras de fer qui s’engageait entre vendeurs et chargeurs pour aboutir à la fixation d’un prix de référence, avant le chargement des navires pour les « Indes »25. D’où, aussi, l’opinion avancée par les observateurs rouennais qu’il valait mieux que la marchandise fût, à Séville, entre de « fortes mains », celles de quelques très grands opérateurs français ou néerlandais, capables de tenir les prix26.
15Réduites par une plus grande irrégularité du système des flottes et une demande parfois atone, les marges de manœuvre dont disposaient les vendeurs étaient donc largement dépendantes de l’état du marché rouennais. Dès les années 1560, les correspondances adressées par les agents à Rouen de Simon Ruiz, ainsi que de Cosme Ruiz et de Lope de Arziniega, décrivent en détail les fonctionnements du marché des toiles dans le port normand. Elles témoignent aussi d’un élargissement des opérations, si l’on observe les expéditions exécutées en double commission pour le compte de leur agent génois de Séville, Morovelli. Cette dimension européenne de l’entrepôt et du marché rouennais des toiles est d’ailleurs confirmée par d’autres achats de toiles, effectués en commission d’acteurs hambourgeois ou amstellodamois par des Lucquois de Rouen, dès les années 158027. De plus en plus présents sur toutes les places importantes, de Hambourg à Séville, au début du XVIIe siècle, les acteurs néerlandais contribuèrent à l’essor de ce commerce de commission.
Commerce de commission et information
16Bien qu’ils ne concernent qu’un petit nombre des acteurs impliqués dans un négoce qui dominait l’activité de la place normande, ces exemples revêtent une portée générale. Les explications et les informations communiquées à leurs commettants par les commissionnaires des Ruiz, avant 1590 et par les correspondants des Van Immerseel, dans les décennies suivantes, présentent en effet de nombreuses analogies. Et d’abord du point de vue même de la typologie des informations, tantôt relatives au fonctionnement général du marché, tantôt à des observations conjoncturelles sur les prix ou sur la disponibilité du produit. La grande question restait l’ajustement entre les deux marchés européens de Rouen et de Séville.
La connaissance des marchés
17À travers plusieurs décennies, les acteurs rouennais persistèrent à exposer à leurs commettants situés en Andalousie ou aux Pays-Bas les grandes lignes de l’organisation du marché des toiles, et en particulier sa chronologie, souvent cruciale pour le résultat des opérations. En juillet 1575, l’agent de Simon Ruiz détaille les premières étapes d’un processus qui, de l’achat en écru au blanchiment, et jusqu’à la vente des toiles à Séville, s’étalait au final sur près d’un an. « … Comiencen conprar para el primer curage que viene desde el mes de agosto o setiembre… y conpran fasta Navidad segun la cantidad que quieren conprar… y d’esta manera escogen la mercaderia a su placer y mas barato, por que, de Navidad adelante, salen mas conpradores…28 ». Bien que faisant état d’une chronologie décalée de quelques mois29, le commissionnaire à Rouen de Jan Van Immerseel s’exprimait à peu près dans les mêmes termes, en novembre 160130. Avec une belle unanimité, les acteurs soulignaient aussi l’importance des foires franches de Chandeleur et de Pentecôte, véritables temps forts des achats de toiles blanches qui se trouvaient alors exemptes de droits31. Tous insistaient sur l’existence d’un double marché : marché des écrues, achetées par des négociants qui les donnaient à blanchir avant de les expédier ou de les revendre sur place, et marché des toiles blanches, mises en vente surtout au moment des foires franches. La phase du curage des toiles était donc doublement importante. Pour la qualité finale du produit, mais surtout en raison du gain à l’aunage qu’apportait le traitement des tissus écrus. En septembre 1585, Francisco Ontenada et Antonio Pascual le situaient autour de 13 à 14 %32. Achetées à 90/92 livres t. le cent d’aunes en écru, les « entreanchos » (toiles de largeur moyenne) « sortaient » (revenaient), une fois blanchies, à 83 ou 84 l. t., alors qu’elles se vendaient au même moment de 107 à 110 l. t. à la halle. On comprend mieux, alors, l’intérêt manifesté par les acheteurs établis sur place pour l’achat des toiles en écru, le coût du curage restant limité.
18Cette information conjoncturelle sur les prix, qui constituait l’élément le plus récurrent des correspondances adressées aux commettants des acheteurs rouennais de toiles, n’était pas forcément homogène. Si les acheteurs étaient en effet attentifs à la différenciation des produits, on constate une évolution sensible entre les considérations avancées par les agents rouennais de Simon Ruiz, dans les années 1560-1580, et celles que livraient les acteurs rouennais et néerlandais au début du XVIIe siècle. Indépendamment des observations toujours présentes, relatives à leur qualité, les Castillans classaient de manière préférentielle les toiles normandes en fonction de leur largeur – « anchos, entreanchos, estrechos » – ou de leurs usages – « menajes » – pour spécifier le produit. Seul le qualificatif de « coffres » correspondait à un type défini par la finesse de son fil et la régularité de son tissage33. Ces considérations n’avaient plus cours dans les correspondances reçues de Rouen par les Van Immerseel, qui produisaient des échelles de prix liées à la qualité, très bonne, bonne ou mauvaise, des toiles, durant la première décennie du XVIIe siècle. On commence alors à noter, dans la communication des prix courants de la place, des références plus fréquentes à une catégorisation plus fine des produits, parfois définis par des appellations liées aux origines géographiques34. Quel rôle pouvait jouer cette information plus détaillée dans la prise de décision des acteurs, si elle l’influençait vraiment ?
Les facteurs d’incertitude
19C’est en confrontant les observations auxquelles se livraient les opérateurs de part et d’autre, à Rouen et à Séville, que l’on peut comprendre comment ils se déterminaient à intervenir sur le marché rouennais des toiles. Notons d’abord que les cas où les acteurs rouennais ne disposaient pas d’une connaissance assurée des prix à Séville ou en Castille n’étaient pas rares35. Les correspondances Ruiz se font assez souvent l’écho de cette difficulté : la circulation du courrier, sur la ligne Espagne-Pays-Bas ou Espagne-France n’était pas, et de loin, la plus régulière36. Les instructions du commettant étaient cependant parfois assez fermes pour dissiper les hésitations du commissionnaire. Au début de l’année 1586, les agents de Simon Ruiz, Francisco Ontaneda et Juan Pascual, ayant reçu commission de ne pas dépasser à l’achat les 90 l. t. au cent d’aunes, prirent l’initiative d’enfreindre les ordres, mais en se limitant à quelques pièces, à 97 l. t., « de la meilleure marchandise ». Voyant la montée continue des prix, ils ne poussèrent pas les choses plus loin, et ils informèrent leur commettant qu’ils renonçaient à tout achat37.
20Que les cas de désaccord entre l’évolution des prix sur les deux marchés n’aient pas été exceptionnels mérite aussi qu’on y regarde de plus près. Dans le dernier tiers du XVIe siècle, les commissionnaires de Simon Ruiz livrèrent à plusieurs reprises de telles observations. À l’automne 1575, Pedro Ortiz de Valderrama soulignait ainsi à son commettant le risque d’une évolution divergente des prix entre Séville et Rouen38. Certains s’étonnaient de constater que l’atonie du marché de Séville restât sans effet sur les acheteurs à Rouen39. Ontaneda et Pascual s’en font encore l’écho en 1588, lorsqu’ils stigmatisent les comportements, à leurs yeux irrationnels, de certains acteurs espagnols40. Il faut pourtant constater que de tels désaccords continuèrent à se manifester dans les premières décennies du XVIIe siècle. Bien documentées par les correspondances adressées aux Van Immerseel d’Anvers et de Séville, les années 1595-1630 témoignent que si, dans l’ensemble, l’ajustement entre les trois marchés – celui des Amériques, celui de Séville et celui de Rouen – tendait à s’opérer, la durée des opérations était suffisamment longue pour décevoir certaines anticipations.
21Cette durée explique les paris pris sur l’avenir par les opérateurs, qui avaient pour effet d’assurer parfois la bonne tenue des prix à Rouen, en dépit de nouvelles peu encourageantes venues d’Espagne41. Ainsi en 1601 où, après un fléchissement en avril, les prix s’orientèrent à la hausse à la fin du printemps 1601, alors que le commerce d’Espagne restait encore prohibé aux marchands français et que l’information sur les prix à Séville n’avait rien d’engageant42. Pari réussi, dans ce cas, puisque dès l’automne la nouvelle de la réouverture d’une « traite libre » suffisait à doper les ventes et à renchérir les toiles de 4 %. On observe encore cette discordance entre la cherté des textiles à Rouen et la réalisation de « petites ventes » à Séville, en 1603 et 1604. Cette dernière année, les prix des toiles écrues restèrent élevés malgré les défenses d’exportation, les nouvelles inquiétantes sur la venue des galions de Terre Ferme, et le peu de demande en Nouvelle-Espagne. En 1610, la montée du prix des toiles, amorcée en juin et juillet, se poursuivait au mois d’août, malgré l’arrivée de mauvaises nouvelles de Nouvelle-Espagne, de manière peu compréhensible pour certains ténors de la place43. Cette déconnexion, qui semble s’être poursuivie en 1612 – en novembre les toiles écrues avaient pris près de 3 % – était envisagée par les acteurs avec une certaine fatalité, en raison des fortes incertitudes pesant sur le marché sévillan44. Ce sont ces incertitudes, avec leur part d’espérance dans un regain des ventes en Espagne, qui expliquent la fréquence des discordances sur la place rouennaise elle-même entre le cours des toiles blanches, destinées à une demande de court terme et les écrues promises à un avenir commercial plus lointain et plus spéculatif45.
Prix, produits et marché
22On ne doit pas en conclure que la fonction d’information assurée par les correspondances commerciales jouait un rôle presque inexistant dans la prise de décision des acteurs. De bonnes nouvelles venues des Amériques ou de Séville, suffisaient, on l’a vu, à dynamiser les ventes sur le marché rouennais. Mais, à supposer que les acheteurs de toiles à Rouen ou à Séville aient eu une bonne connaissance des prix des deux côtés, il n’est pas certain que cela ait suffi à garantir la rationalité des décisions prises. En effet, les difficultés d’ajustement auxquelles les acteurs se trouvaient régulièrement confrontés conduisent à s’interroger sur l’homogénéité des données échangées de part et d’autre.
23Un examen attentif des informations diffusées dans les correspondances expédiées de Séville et de Rouen permet d’avancer qu’en liaison avec l’organisation du marché, le système de fixation des prix n’était pas identique dans les deux villes. À Rouen, la commercialisation des toiles s’opéra dans un cadre fortement institutionnalisé, dès le milieu du XVIe siècle. Ce cadre semble s’être renforcé dans les années 1600, en rapport avec une centralisation accrue des ventes dans la capitale normande, au détriment des marchés locaux. Situation de mise en concurrence des produits soulignée par les observateurs46, qui contribua sans aucun doute à renforcer la normalisation et la catégorisation des produits, et dont on retrouve la trace dans les lettres marchandes.
24L’observation du prix des toiles à Rouen conduit donc à prendre en compte un ensemble de facteurs dans lesquels le processus de fabrication et la qualité du produit tenaient un rôle majeur. On le voit avec la coexistence de deux cours distincts, pour les écrues et pour les blanches, même si, comme on l’a noté, leurs prix fluctuaient différemment dans le temps, en fonction de tensions décalées entre offre et demande. Il n’en reste pas moins que le rythme de production et de commercialisation des toiles s’inscrivait, du côté normand, dans une chronologie à peu près stable d’une année sur l’autre, scandée à la fois par les marchés hebdomadaires, actifs pour les écrues de l’automne au début du printemps, et pour les blanches surtout à la fin du printemps et en été, et par les temps forts que représentaient la foire de Chandeleur, en particulier pour les écrues, et celle de Pentecôte pour les deux sortes. Ajoutons-y des conditions de vente relativement homogènes, puisque largement réalisées en halle et en général à terme de quelques mois, portant sur une gamme diversifiée de produits définis par des types et par une échelle de qualité reconnue par l’ensemble du milieu marchand.
25S’il semble difficile de parler de « transparence » pour qualifier le fonctionnement du marché rouennais, l’examen des conditions dans lesquelles les toiles se négociaient en Andalousie, montre à quel point les prix enregistrés et communiqués de part et d’autre s’y élaboraient dans des contextes différents. Il est inutile de revenir en détail sur la désorganisation et le caractère de plus en plus erratique du système de la Carrera de Indias. Pierre Chaunu en a depuis longtemps retracé les péripéties47. Rappelons seulement que l’imprévisibilité croissante de la demande, liée notamment à l’irrégularité des flottes, accrut de beaucoup la difficulté des acteurs à « se régler ». Il est tout aussi frappant de constater à quel point les deux marchés divergeaient quant à la catégorisation des produits. Si les états de vente communiqués aux marchands rouennais ou anversois par leurs facteurs à Séville témoignent bien, en effet, de la perception d’écarts de qualité répercutés sur les prix, ils n’utilisaient que le terme générique de « rouens », sans jamais mentionner les appellations en cours sur le marché rouennais. Les recommandations adressées d’Espagne aux acheteurs rouennais ou anversois portaient d’ailleurs pour l’essentiel sur la solidité des toiles48, la demande en produits fins restant minime49. Enfin, et surtout, ce sont les conditions de vente qui introduisaient une différenciation particulièrement nette entre les échelles de prix sur les deux places. Autant, on l’a souligné, les pratiques de paiement étaient assez homogènes à Rouen – en général un paiement mixte, partie au comptant et partie à deux termes de quelques mois – pour garantir une échelle resserrée des cours de chaque catégorie de produit, autant à Séville, les conditions de transaction contribuaient-elles à ouvrir plus largement la fourchette des prix.
26Les exportateurs rouennais constataient eux-mêmes à quel point la demande des acheteurs, que répercutaient leurs commissionnaires, restait étrangère à la spécification des produits. Installé à Séville pour quelques années, le commissionnaire des Van Immerseel en faisait la réflexion, en février 1609 : « les tres bonnes ne valent pas plus que les moindres »50. Observation confirmée, plus de vingt ans après, par la remarque étonnée du Rouennais Jean Doublet : « il est vray que sur la moindre marchandise ay plus gaigné que sur la bonne… »51.
27L’apparente incohérence de ces pratiques doit être rapportée au contexte des pratiques de vente qui avaient cours au sein du complexe commercial sévillan. Notons d’abord l’habitude prise par certains vendeurs de mêler des toiles de qualités différentes dans les mêmes ballots, afin d’écouler plus facilement la marchandise médiocre52. Si cette manipulation ne trompait sans doute pas grand monde, elle explique en partie pourquoi les acheteurs avaient plus tendance à évaluer globalement les lots qu’à prêter attention aux différents types de produits, et aussi pourquoi les lots les plus homogènes et d’une bonne qualité « moyenne-solide » se vendaient plus vite que les autres. Un autre élément déterminant pour la structure des prix tenait dans la multiplicité des conditions de transaction possibles dans l’espace commercial sévillan : diversité de la demande, éclatement des espaces du marché, disparité dans la nature et la chronologie des paiements.
28Cette spécificité était régulièrement rappelée par les opérateurs normands ou flamands établis sur place. Ils soulignaient à la fois le caractère concurrentiel du marché sévillan, pour les toiles bretonnes ou normandes, et la diversité de la demande. Michel Damiens en fait état à ses correspondants anversois à la fin du XVIe siècle, à propos de l’arrivée à Séville des premières toiles silésiennes : « … aussi d’Allemagne vient grand cantité de thoilles crues fort larges en pacques et ballots, que quasi mettent a perdre la trette de Bretaigne… »53. Il relève dans la même lettre l’importance de la demande locale, à propos de l’arrivée récente des toiles de Guingamp à Séville54. Même les « rouens », en principe destinées surtout aux marchés américains, n’en entraient pas moins dans la consommation locale, dès que les sources d’approvisionnement habituelles de ce segment de la demande étaient taries55.
29Quant aux conditions et aux délais de vente, ils influençaient de manière déterminante le niveau des prix. Trop dispersées, trop hétérogènes, les données mentionnées par les commissionnaires de Séville autorisent d’autant moins la comparaison terme à terme avec les chiffres rouennais, que les Sévillans communiquaient le plus souvent des prix de transaction, là où les Rouennais répercutaient surtout des prix courants. On peut néanmoins souligner l’importance des écarts observés en Andalousie. Souvent dénoncée par les grands marchands rouennais, la vente directe aux navires à San Lucar entraînait les prix à la baisse56. C’est que l’intérêt était ailleurs : en échappant au paiement des droits, les vendeurs s’ouvraient des perspectives intéressantes, mais non sans risques, de profit sur l’argent sorti en fraude57. Vendues « à la rue » les toiles s’appréciaient facilement de 15 à 20 % par rapport à la vente « à bord »58. Les écarts les plus importants se creusaient cependant en fonction du mode de paiement. En mars 1595, par exemple, les toiles blanches, vendues entre 115 et 130 maravédis la varre au comptant, se négociaient, dans le cas d’un paiement « au retour des flottes », à 160-170 maravédis59. Différence justifiée par la durée exceptionnellement longue du crédit, et l’issue en partie imprévisible de l’affaire. Il reste en revanche beaucoup plus difficile d’analyser l’impact du paiement au comptant, en « libranza » (en cédules) ou en troc sur la gamme des prix.
30Le choix du mode de paiement, du niveau de profit et de la durée éventuelle des immobilisations, relevait à la fois de la décision des vendeurs, et du rapport de force qu’ils établissaient avec les acheteurs pour les flottes. Leur capacité à maîtriser le jeu semble bien avoir été beaucoup plus limitée, de ce point de vue, sur le marché des toiles à Séville qu’à Rouen. On comprend bien pourquoi les expéditeurs rouennais de toiles étaient peu enclins à entrer dans les procédures de crédit à très long terme qu’impliquait le paiement au retour des flottes. De trop longues immobilisations ne convenaient guère à une place rouennaise généralement en manque de fonds. Si l’on y ajoute l’incertitude qui pesait sur l’état des marchés américains, sur la sécurité des flottes à l’aller comme au retour, ainsi que sur la solvabilité des débiteurs, de telles opérations apparaissaient sans doute comme très risquées. Même sans engagements d’aussi longue durée, le fonctionnement du marché de Séville gardait une forme d’opacité pour les acteurs de l’Europe du Nord-Ouest : outre le besoin lié au manque structurel de liquidités sur la place de Rouen, l’attrait des expéditeurs de toiles pour une vente au comptant en apparence peu avantageuse, est en grande partie à rechercher de ce côté. La place andalouse était peu sûre, les faillites y étant nombreuses60 et la négociation du papier commercial toujours difficile61. Assurer un retour rapide en change ou en marchandises, éventuellement à la suite d’un troc, restait le moyen le plus sûr de faire revenir les fonds avec profit ou en limitant les pertes.
Information et cycle commercial
31Que le résultat des opérations commerciales sur le marché de Séville dût se mesurer à l’aune des retours relève d’ailleurs de l’évidence, et les acteurs, du moins les plus lucides d’entre eux, le savaient d’ailleurs fort bien62. Lorsqu’il observe qu’après l’achat des toiles à haut prix à Rouen, leur vente très moyenne à Séville et l’arrivée massive de cuirs des Indes, « la traite ne sera pas grande », le Rouennais Jacques de Bauquemare témoigne de cette vision claire de l’enchaînement des opérations qui menait au résultat final.
32Si l’on excepte les achats éventuels de produits méditerranéens (vins, raisins secs) et de laines, la conversion des avoirs nés de la vente des textiles ou d’autres produits destinés aux Amériques ou aux marchés espagnols s’ouvrait sur un éventail limité d’options. Une première alternative qui s’offrait aux acteurs consistait à choisir entre la réexpédition de marchandises, argent compris, acquises en troc ou achetées avec les fonds – liquidités ou créances – provenus de la vente des toiles, et le retour direct de ces fonds sous forme de lettres de change, choix rarement exclusif, sauf en cas d’atonie prononcée du marché des produits tropicaux sur les places du Nord-Ouest européen63. Les acteurs avaient ensuite à se déterminer sur une gamme limitée de produits, – cochenille, cuirs, indigo – et sur leur destination, ce qui ouvrait un peu plus l’éventail des possibles.
33Dans tous les cas, l’information était au cœur de la prise de décision des commissionnaires ainsi que de leurs commettants anversois et rouennais. Le premier élément dont les agents de Séville cherchaient à avoir connaissance concernait l’évaluation de ce que rapportaient les flottes. Une information à caractère « public » qui, si elle restait toujours sujette à caution, ne serait-ce qu’en raison de la fraude, permettait de prévoir en gros la tendance future des cours. Mais tous les acteurs ne se retrouvaient pas ensuite égaux, lors de la mise sur le marché des cargaisons. Possible confiscation par le souverain64, importance des engagements aux marchands génois et florentins de l’argent et la cochenille, contribuaient à opacifier le processus de commercialisation des retours des flottes65. Or cette phase était essentielle pour l’accès à la marchandise comme pour l’établissement des prix et des cours de change. Et de ce point de vue, les acteurs présents à Séville n’étaient pas sur un pied d’égalité. Le groupe le plus puissant, les « Italiens », comme les qualifiaient les marchands français et flamands, était en partie maître du marché en tant que détenteur et principal acheteur des produits, en particulier de la cochenille. De Séville, le Rouennais Michel Damiens tentait, dans une lettre du 1er mai 1598, de jeter un peu de lumière sur les manœuvres entreprises par les Florentins pour maintenir le cours de la précieuse teinture, en invoquant l’interdépendance des marchés andalou et toscan66. La même réflexion procédant d’une compréhension multilatérale des échanges se retrouve sous la plume de Jacques de Bauquemare, seize ans plus tard, lorsqu’il fait remarquer qu’à Rouen, « la cochenille a esté la meilleure marchandise venue d’Espagne par les navires, a cause du peu qu’il est venu et de la quantité que l’Italie a tiré »67.
34On voit se révéler, à travers ces situations concrètes, deux aspects fondamentaux de l’information commerciale, de nature à peser sur la prise de décision des opérateurs, et particulièrement en ce qui concerne les retours de la vente des toiles à Séville et dans les ports andalous.
35Insistons d’abord sur le caractère plus ou moins secret d’une partie des échanges de nouvelles et d’informations dans le cadre local, comme dans l’espace international, qui conférait à quelques firmes, groupes, nations ou réseaux, la primeur d’une information et, par conséquent, une antériorité dans la capacité d’action. Cela jouait certainement plus encore à Anvers ou à Rouen par rapport à une place comme Séville, réputée peu sûre. Au printemps 1601, certains acteurs rouennais parmi les plus importants s’inquiétaient des répercussions possibles de la faillite du « banc public de Séville » évoquée plus haut68, et s’étonnaient que la nouvelle ne soit pas parvenue à Anvers. Tout en évoquant l’attente d’une confirmation sur la place rouennaise, où il semblait qu’« ung chascun est[oit] aulx escoultes »69, ils soulignaient bien le fait que les réseaux italiens, qui en avaient été informés, l’avaient tenu secret70. En 1617 encore, le facteur des Van Immerseel à Rouen signalait à ses commettants le même processus qui voyait l’arrivée de « quelques lettres particulieres » venues par une autre voie que l’ordinaire, et soulignait : « chacun les tient secretes »71. Si l’on ne dispose pas des sources qui permettraient de mesurer les effets en termes d’efficacité commerciale de ces dénivellations d’information, il est clair que, loin de se jouer seulement entre les places, elles se manifestaient tout autant en un même lieu entre des acteurs qui n’étaient égaux ni vis-à-vis de la source de l’information, ni vis-à-vis de sa circulation.
36Les opérateurs commerciaux n’étaient pas plus égaux quant à leur capacité à orienter les marchandises de Séville vers l’Europe du Nord-Ouest et à valoriser les retours. On ne s’étendra pas ici sur les conditions dans lesquelles les Rouennais et les Anversois commanditaient à leurs facteurs à Séville d’expédier de la cochenille tantôt vers Anvers, tantôt vers Amsterdam, Lille ou le port normand72. Observons seulement qu’ils faisaient preuve, pour les plus avisés, d’une réactivité qui les conduisait souvent à réorienter la marchandise au dernier moment. Si ces tentatives n’étaient pas toujours couronnées de succès, puisque la marchandise devait souvent revenir sur Paris ou sur Rouen, elles n’auraient en aucun cas été possibles, sans une connaissance multilatérale des prix et de la demande, à laquelle seul un réseau de relations suffisamment fiable et étendu donnait accès. Cette question était d’autant plus cruciale que l’on mesure, en lisant les lettres marchandes, à quel point la demande pouvait être précise en termes de qualité, dès qu’il s’agissait de produits aussi spéculatifs que la cochenille73. Encore fallait-il que cette bonne connaissance du marché pût être prise en considération à temps dans la décision, un renversement de tendance des prix pouvant intervenir rapidement sur ce genre de produit. C’est ce que l’on voit arriver en 1623, à propos d’un baril de cochenille à 78 ducats l’arrobe, que Chrisostome Van Immerseel avait expédié de Séville, en retour de deux ballots de toiles, au Rouennais Jean Soupplis. Affaire à l’issue malheureuse, qui aurait pourtant été bénéficiaire trois semaines auparavant74.
37On comprend pourquoi, dans ces conditions, le change, outre son usage instrumental permanent (le change « forcé ») s’imposait comme élément d’alternative préférable au retour en marchandises, dans les périodes d’atonie prononcée des affaires75. Commune chez les grandes firmes marchandes italiennes, dès les deux derniers siècles du Moyen Âge, la communication des cours de change s’imposait avec la même force chez des acteurs de moindre envergure, dans le cas qui nous occupe, pour deux raisons. Pour ceux qui remettaient ou faisaient remettre de Séville sur Rouen, la médiatisation par des relais bancaires à Lyon ou par Anvers était extrêmement courante76. Mais notons surtout que, soucieux de rentabiliser leurs retours, ils avaient tout intérêt à maximiser le profit attendu d’un cours favorable à Séville, en complexifiant les parcours77 et en recourant aux arbitrages. La familiarité de grands marchands comme le Rouennais Jacques Hallé avec cette pratique ne fait aucun doute. Au début des années 1600, il supputait régulièrement, sur la base des cours qui lui étaient communiqués, les avantages comparatifs d’une remise sur Amsterdam, Middelbourg ou Lyon, des fonds revenus pour son compte de Séville, afin de les retirer de Rouen78. De telles opérations n’exigeaient certainement pas que tous les acteurs impliqués eussent en main les informations les plus récentes au moment de l’exécution, mais elles requéraient de ceux qui les commanditaient une bonne connaissance des mécanismes et une solide assimilation des informations passées. La réussite reposait ensuite sur deux qualités essentielles du commissionnaire, la compétence et la fiabilité.
*
* *
38On retrouve dans ces opérations de change, comme dans l’ensemble du champ de l’activité commerciale, tous les ingrédients qui liaient l’information et l’action. En effet, l’information ne pouvait contribuer efficacement à la réussite des acteurs que mise en rapport avec la compétence et les apprentissages. Les carnets ou « livres de mémoires » de marchands anversois de haut niveau, tels Baltazar Andrea et Antoine Boussemart, montrent comment les apprentissages se poursuivaient, chez des acteurs confirmés, par la mise en mémoire d’informations. Qu’il s’agît de données structurelles, comme les indications relatives à la métrologie, aux pratiques institutionnelles ou fiscales des places (tarifs), à la connaissance des produits, et de l’enregistrement d’opérations réelles, appelées à servir de référence ou de modèle pour des affaires futures. Dans le quotidien, les praticiens du commerce se construisaient ainsi des instruments de référence proches par le contenu, sinon par la formalisation, de certains manuels imprimés, comme des esquisses de comptes faits79.
39S’agissant de l’information plus immédiate qui entrait dans le processus de décision des acteurs, le problème majeur résidait, on l’a souligné, dans la fiabilité aussi bien morale que technique des agents. C’est pourquoi la connaissance des partenaires constituait un élément non chiffré, mais tout aussi fondamental de l’information liée à la prise de décision80. Le problème touchait particulièrement les rapports entre commettants et commissionnaires81. Et il était aggravé par les temps de communication et l’éloignement, comme le montrent les plaintes des Rouennais à l’encontre de leurs représentants à Séville, dans les lettres qu’ils adressaient à leurs correspondants anversois. Mais les motifs de contentieux portaient moins sur la qualité de l’information elle-même82 que sur les décisions jugées inadéquates, prises par les commissionnaires83, et sur leur propension à conserver les fonds84. En ce sens, si le développement de la communauté marchande franco-néerlandaise à Séville représenta un réel facteur de sécurisation du point de vue de la circulation de l’information, ce processus fut insuffisant pour compenser le caractère plus erratique du « commerce d’Espagne », dans les premières décennies du XVIIe siècle.
40De quelle capacité d’adaptation disposaient les acteurs, de ce point de vue ? Un examen attentif de leur pratique sur l’entrepôt rouennais montre qu’elle dépendait largement de leurs positions respectives. Comme on l’a déjà souligné, ils n’étaient pas tous égaux vis-à-vis de l’information. Même s’ils ne jouaient pas juste à tous les coups, les marchands les plus expérimentés – les mêmes qui étaient insérés dans les réseaux les plus stables – savaient prendre du recul par rapport aux nouvelles, mieux en évaluer la portée que d’autres85 et n’hésitaient pas à différer leur décision. Tous les acquéreurs de toiles n’étaient pas non plus dans une situation égale, quant à l’écoulement du produit à Séville. Les grands acheteurs espagnols, qui avaient nettement plus de facilité à charger sur les flottes et la possibilité d’engranger les profits de la vente sur les marchés américains, étaient, pour cette raison, moins regardants aux écarts de prix entre Rouen et Séville. C’est sans doute ce qui explique leurs achats massifs et précipités de toiles blanches, dénoncés à diverses reprises par les Rouennais86. Jouant sur des écarts de prix plus resserrés, ces derniers furent de plus en plus souvent mis en difficulté en Espagne. Pris entre les incertitudes liées à une information trop souvent dépassée en regard de la réalité du marché, et un rapport de force qui leur était en général défavorable à Séville, les plus avisés d’entre eux firent le choix d’opérer seulement sur le marché rouennais qu’ils maîtrisaient mieux et où les gains apparaissaient potentiellement plus intéressants87.
Notes de bas de page
1 Lettre du 10 avril 1600, Stadsarchief Antwerpen (ensuite abrégé en SAA), Insolvente Boedelskamer (ensuite abrégé en IB) 255.
2 Sur ce point, l’ouvrage de référence reste celui d’Eddy Stols, De spaanse brabanders of de handelsbetrekkingen der zuidelijke Nederlanden met de iberische wereld 1598-1648, Palais de l’Académie, Bruxelles, 1971, 2 vol. (Verhandelingen van de koninklijke vlaamse academie voor wetenschappen, letteren en schone kunsten van België. Letteren ; 70).
3 Pour une vue globale sur la question, cf. Antonio García-Baquero González, La Carrera de Indias : histoire du commerce hispano-américain, XVIe-XVIIIe siècles, Desjonquères, Paris, 1997 (1re éd. espagnole : Andalucía y la Carrera de Indias (1492-1824)), Editoriales Andaluzas Unidas, Séville, 1986 (Biblioteca de la cultura andaluza ; 52).
4 On laissera ici de côté les liens aussi très denses entre le commerce méditerranéen, notamment italien, et l’Andalousie ; voir entre autres sur ce point, du côté espagnol Enrique Otte, Sevilla y sus mercaderes a fines de la Edad Media, Fundación El Monte, Séville, 1996, et du côté vénitien, Wilfrid Brulez, Marchands flamands à Venise, t. I : 1568-1605, et Idem et Greta Devos, t. II : 1606-1621, Academia Belgica, Bruxelles-Rome, 1965 et 1986 (Études d’histoire économique et sociale publiées par l’Institut historique belge de Rome ; VI et IX).
5 Sur les différents aspects de la diffusion de l’information, particulièrement au début de l’époque moderne, remarquable contribution de Pierre Jeannin, « La diffusion de l’information », dans Fiere e mercati nella integrazione delle economie europee, secc. XIII-XVIII. Atti della « trentaduesima Settimana di Studi » (8-12 maggio 2000) éd. par Simonetta Cavaciocchi, Le Monnier, Florence, 2001 (Pubblicazioni. Serie II, Atti delle « settimane di studio » e altri convegni ; 32), p. 231-262.
6 Du point de vue de l’émergence d’une information marchande plus spécifique, voir Jérôme Hayez, « Avviso, informazione, novella, nuova : la notion de l’information dans les correspondances toscanes vers 1400 », dans Claire Boudreau et al. (éd.), Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge, Publications de la Sorbonne, Paris, 2004 (Histoire ancienne et médiévale ; 78), p. 113-134.
7 The Beginnings of Commercial and Financial Journalism: the Commodity Price Currents, Exchange Rate Currents, and Money Currents of Early Modern Europe, Nederlandsch Economisch-Historisch Archief, Amsterdam, 1991.
8 Bel exemple de ce type de document avec la liste imprimée, complétée manuellement, des cours de Lyon sur quinze places étrangères (dont neuf places italiennes) adressée par les Bonvisi de Lyon à Simon Ruiz dans leur lettre du 23 juin 1582, Archivo Provincial de Valladolid, fonds Ruiz (ensuite APV, Ruiz), Caja 77, 177.
9 Voir, par exemple, l’observation adressée par Laurent Hallé de Rouen à Jan Van Immerseel (ensuite abrégé en J.V.I.), dans une lettre du 22 février 1594 : « je trouve sur mon livre dud. compte nº 13 que la premiere partye dont je vous estoyes débiteur est de 13 livres de gros 17 pour l’esgallement de nostre compte nº 12… » (SAA, IB 257).
10 Lettres de Jehan de Cahaignes et Michel Damiens des années 1597 et 1598 (SAA, IB 255).
11 Pour plus de détail sur cette question, dans l’espace considéré, Jacques Bottin, « Négoce et circulation de l’information au début de l’époque moderne », dans Muriel Le Roux (éd.), Histoire de la poste. De l’administration à l’entreprise, Éd. Rue d’Ulm, Paris, 2002, p. 41-54.
12 Voir, sur ce point, tôt dans le XVIe siècle, l’activité de l’agent des Fugger à Séville, Cristoph Rayser, dans Hermann Kellenbenz et Rolf Walter (éd.), Oberdeutsche Kaufleute in Sevilla und Cadiz, 1525-1560, eine Edition von Notariatsakten aus den dortigen Archive, F. Steiner Verlag, Stuttgart, 2001 (Deutsche Handelsakten des Mittelalters und der Neuzeit ; 21), notices 410, 412, 502, 516, 524, 526, 529, 530, 533, 554, 557, 572, 681, 682, 722, 723.
13 Sur la position particulière de plusieurs régions françaises dans l’exportation des toiles vers les marchés lointains, cf. J. Bottin, « Les toiles en France au début de l’époque moderne : production de masse et marché mondial », dans Louis Bergeron et Patrice Bourdelais (dir.), La France n’est-elle pas douée pour l’industrie ? Belin, Paris, 1998, p. 53-78 et 373-378.
14 Michel Morineau a établi, à partir de l’enquête de Patoulet, la position dominante du commerce français (75 %), dans l’approvisionnement des Flottes de Nouvelle-Espagne et des Galions de Terre Ferme en toiles de lin à la fin du XVIIe siècle, Incroyables gazettes et fabuleux métaux. Les retours des trésors américains d’après les gazettes hollandaises (XVIe-XVIIIe siècle), Cambridge UP-Éd. de la MSH, Londres-Paris, 1985, p. 265.
15 Lettre de Christophe de Nouiller à J.V.I. du 24 novembre, (SAA, IB 259).
16 Mesure utilisée pour les textiles d’une valeur de 0,76 m d’après diverses sources imprimées, confirmées par les équivalences rencontrées dans la correspondance Van Immerseel et dans le « Livre de Memories » de l’Anversois Balthasar Andrea (SAA, IB 4). Rappelons que l’aune de Rouen, identique à celle de Paris, valait environ 1,19 m.
17 « … sous je ne sçay quelle esperance que l’on a conceüs de rechauffe aux toilles en Neuve Espagne ». Lettre de Jacques de Bauquemare à Chrisostome Van Immerseel (ensuite abrégé en Ch.V.I.) du 22 juin 1614 (SAA, IB 264).
18 Lettre de Jean Soupplis à Ch.V.I. (à Séville), qui précise que la hausse engendrée par les nouvelles venues d’Espagne, intervenue sur la fin du « premier curage », en mai, de l’ordre de 7 à 8 %, avait été amplifiée par « le grand nombre et quantité que M. Challon et aultres des meilleures bources de ceste ville en font cœuillir a la halle… que mettent le feu aux encheres… », 17 mai 1623 (SAA, IB 272).
19 Le 24 mars 1604, Jacques Hallé, de Rouen, n’accordait qu’une confiance limitée à la nouvelle, venue de Valladolid, de l’arrivée des galions à San Lucar : « estant de consequence comme elle est, eust couru plus promptement ». Lettre à J.V.I. (SAA, IB 257).
20 Un exemple dans une lettre à Simon Ruiz (ensuite S.R.) de son agent rouennais Pedro Ortiz de Valderrama écrivant que le prix des toiles, après une baisse de deux semaines « … esta semana, con las nuevas que se an entendido de la caravela de haviso de Tierra Firme que a llegado, en que dize vienen las flotas rricas, a tornado a subir, y a comprar lienços blancos… » (souligné en italique par moi). Lettre du 31 juillet 1580, APV, C. 62, 67.
21 Ces états sont conservés notamment pour les années 1595, 1598, 1600, 1601, 1604, cf. les lettres de Pierre Damiens, du 22 avril 1595, de Michel Damiens, des 28 février 1600 et 18 septembre 1601, de Jean de Cahaignes, du 28 septembre 1598 (SAA, IB 255).
22 Voir à ce propos l’opinion du Rouennais Jacques de Bauquemare « … la grande quantité de cuirs que les navires du Havre apportent fera que le profit de la traicte ne sera pas grand… ». Lettre à Ch.V.I. du 2 avril 1614 (SAA, IB 264).
23 Lettre de Ch. de Nouiller à Ch V.I., du 17 novembre 1614 (SAA, IB 269).
24 Pour le Rouennais Michel Damiens, « les Pérouliers achetaient plus en 8 jours que ceux de la flotte en 3 mois ». Lettre du 12 mai 1597 (SAA, IB 255). Sur l’une des raisons qui expliquent peut-être la demande moins forte de la Nouvelle-Espagne, J. Bottin, « Les toiles en France au début de l’époque moderne… », art. cité, p. 78.
25 Cette tension était parfaitement perçue par les acteurs, comme le montre l’observation de Pierre Sonning et Nicolas le Vigneron, adressée de Séville à Ch.V.I., à propos du départ de la flotte de Nouvelle-Espagne : « … ont casi tout ce qui leur fault, exepté les rouens, lesquelz ils atendent tousjours a l’extresmité pour les achapter, estimant qu’il en viendra davantaige avant le partement… et que par ce moyen en achapteront meilleur marché… ». Lettre du 22 avril 1614 (SAA, IB 272).
26 En 1633, le Rouennais Jean Doublet ne dit pas autre chose à propos de toiles de qualité supérieure : « quand telles marchandises sont par della (à Séville), les marchands doivent les fere valloir ce qu’ilz vallent… ». Lettre à Ch.V.I., 11 juin 1633 (SAA, IB 265).
27 P. Jeannin, J. Bottin, « La place de Rouen et les réseaux d’affaires lucquois en Europe du Nord-Ouest (fin du XVIe -début du XVIIe siècle) », dans Rita Mazzei et Tomaso Fanfani (éd.), Lucca e l’Europa degli affari, secoli XV-XVII, Maria Pacini Fazzi, Lucques, 1990, p. 170.
28 Lettre de Pedro Ortiz de Valderrama à Simon Ruiz (ensuite abrégé en S.R.), 3 juillet 1575 (APV, Ruiz, C. 27, 293). Même attention à la chronologie des opérations chez Antonio de Quintanadueñas : « … los curages (les toiles blanches) tenemos en casa la mayor parte, y dentro de 12 o 15 dias, creo tendre todo el rresto… ». Lettre à Francisco de la Presa et S.R., du 24 juillet 1565 (APV, Ruiz, C. 3, 258).
29 Ch. de Nouiller informe Van Immerseel qu’on achète en janvier et février pour faire blanchir en mars. Lettre du 19 novembre 1601 (SAA, IB 259), mais se contredit dans la lettre suivante du 24 novembre : « pour les thoiles escrues, est a present que l’achapt s’en fait » (ibid.).
30 Deux hypothèses peuvent expliquer ce retard de quelques mois des achats de toiles écrues en trois ou quatre décennies. On ne peut d’abord écarter un effet de l’évolution climatique défavorable à un curage précoce des toiles dans l’année, comme on le voit à plusieurs reprises dans les années 1570. Une deuxième explication ressortit peut-être à l’organisation des marchés. Il semble qu’on achetait en général davantage sur les marchés ruraux au XVIe siècle qu’au début du XVIIe, où la centralisation sur Rouen des ventes et du blanchiment s’était renforcée, permettant ainsi d’écourter le temps d’immobilisation des capitaux.
31 Point souligné par Ch. de Nouiller, dans une lettre à J.V.I. : « pour la foire, n’y a point de franchise pour ceulx qui achaptent les thoilles en escru et les envoient blanches, mais pour ceulx qui les achaptent blanches durant la foire… », 29 mai 1602 (SAA, IB 259).
32 Lettre à S.R. du 6 septembre 1585. L’explication est reprise toujours à propos des entreanchos dans la lettre du 18 décembre. Elles valaient au dernier marché 99 l.t. « muy buena mercaderia ». Elles devraient sortir en blanc à 90, un peu plus, et avec le curage (5 %) à 104, et l’on gagnera 14 % à l’aunage (APV, Ruiz, C. 104, 112 et 115).
33 Cf. sur ce point Henri Lapeyre, Une famille de marchands : les Ruiz. Contribution à l’étude du commerce entre la France et l’Espagne au temps de Philippe II, A. Colin, Paris, 1955 (EPHE, Affaires et gens d’affaires ; 8), p. 508-509.
34 Par exemple chez l’agent rouennais de J.V.I., les cours respectifs des écrues et des blanches se précisent en fonction des qualités ou des types de blanchiment ou de tissage, entre ordinaires, bonnes, fleurettes, blancardes. En 1614, le Rouennais Jean Papavoine évoque la vente de « bonnes cauchoises ».
35 Voir la lettre de Pedro Ortiz de Valderrama à S.R., du 21 janvier 1575, où il avoue ne pas avoir connaissance du prix des toiles de lin en Espagne (APV, Ruiz, C. 27, 291).
36 P. Jeannin, « L’information… », art. cité, p. 240-241, et J. Bottin, « Négoce et circulation… », art. cité, p. 48-49.
37 « … y visto el alto precio no siguimos mas encomprar falta fin de noviembre que costaron 98 l. 10, y en 4 de diziembre a 98, y en 11 d’el a 99, y en 18 d’el a 100, y en 24 d’el a 102 l. 15, y en primero d’este a 103 l. 15, y a esta causa escrivimos a V. M. no podir efetuar su comision ». Lettre du 8 janvier 1586 (APV, Ruiz, C. 104, 116).
38 Il lui recommande alors de faire savoir à « aquellos de Sevilla que tengan en buena rreputatacion la rropa que, como digo, aca lo tenen en mas rreputacion que asta aqui… ». Lettre du 28 octobre 1575 (APV, Ruiz, C. 27, 294).
39 « … por la poca venta que alla tienen no acavamos de entender lo que pretenden estos señores de la nacion que los compran ». Lettre du 8 mai 1585 à S.R. (APV, Ruiz, C. 129, 58). Remarque dans le même sens quelques mois plus tard (le 16 octobre) : le prix des « entrehanchos » étant monté à 85 l. t. le cent, « precio muy desaforado, visto el precio que alla tienen » (ibid., C. 129, 65).
40 « … compran sin saber el porque, pues alla no açen milagros… ». Lettre à S. R. du 24 octobre 1588 (ibid., C. 129, 68).
41 Remarque sans ambiguïté sur ce point de Ch. de Nouiller à Rouen, le 28 février 1604, à propos du haut prix des toiles écrues : « chacun imagine qu’il y aura quelque changement avant qu’elles soient blanches ». Lettre à J.V.I. (SAA, IB 255).
42 Lettres de Ch. de Nouiller à J.V.I. des 18 mars, 12 avril, et 24 novembre 1601. Les « rouens » étaient vendues à 140/144 maravédis la varre en mars, alors que les toiles blanches étaient à 120-126 le cent d’aunes à Rouen (ibid.).
43 Voir la remarque de Jacques Hallé à Ch.V.I., le 3 août : « … malgré l’avis de Neuve Espagne, les thoiles ne laissent de se bien recueillir à la halle, valent un prix excessif veü les prix de della (Séville), faudra laisser courir les plus hastés » (SAA, IB 267).
44 « nous verrons ce qu’elles (les toiles) diront en Seville, qui est le principal pour ceux qui traictent a la mer ». Lettre à Ch.V.I., 16 mai 1612 (SAA, IB 269).
45 Ch. de Nouiller en faisait le constat en 1611 : « par deça, les escrues font merveille et montent chaque jour de marché… », soulignant que les toiles « crues » étaient « en réputation » à 98-108 les ordinaires et à 112-120 les « florettes », et qu’elles avaient bonne demande, alors qu’il n’y en avait aucune sur les blanches. Lettre à J.V.I. du 22 juillet (SAA, IB 259).
46 D’après Ch. de Nouiller, « … les thoilles crues qui viennent à la hasle de Rouen, une fois par semayne, jour de marché, y sont apportees, les unes par les telliers mesmes, les aultres et le plus grand nombre par marchandz villageois ordinaires, qui les apportent à la hasle de ceste ville, où estantz lesd. thoilles crues, s’achaptent par les bourgeois de cested. ville… ». Lettre à J.V.I. du 9 avril 1603 (ibid.).
47 Huguette et Pierre Chaunu, Séville et l’Atlantique, 1504-1650, A. Colin, [puis] SEVPEN, Paris, 1955-1960, 8 t. en 11 vol., particulièrement vol. 8/2/2 : La conjoncture, 1593-1650, 1959.
48 Remarque de Jehan de Cahaignes, à Séville, parfaitement représentative sur ce point : « … ne faut que envoyer des meilleures sortes et avoir esgard qu’ilz soient des plus forfaites car… [les acheteurs] fuient de thoilles claires, encor qu’ilz soient fines ». Lettre de Jehan de Cahaignes à J.V.I., 7 juin 1599 (SAA, IB 255).
49 De Rouen, Ch. de Nouiller en fait la remarque comme d’une donnée structurelle : « je vous diray que les marchandz qui traictent en thoilles en Espagne font peu de thoilles de coffre (les plus fines) d’aultant que ung ballot est aussy tot vendu comme une piece de thoille fine ». Lettre à J.V.I. du 24 novembre 1601 (SAA, IB 259).
50 Ch. de Nouiller à J.V.I., 3 février 1609 (ibid.).
51 Lettre à Ch.V.I. du 11 juin 1633 (SAA, IB 265).
52 Allusion à cette pratique par Jehan de Cahaignes, de Séville : « M. Paviot m’a envoyé quelques thoilles pour son compte, mais c’estoit basse sorte, et ne se sont peu vendues que a 108 maravedis. Ce sont thoilles qu’il fait curer pour revendre a Rouen ou entremeslent de plusieurs sortes pour faire leur sauve… ». Lettre à J.V.I. du 7 juin 1599 (SAA, IB 255). Cette pratique est confirmée par Ch. de Nouiller un peu plus tard : « On met les bonnes et les mauvaises touttes en un chacun ». Lettre de Séville à J.V.I. du 25 août 1607 (SAA, IB 259).
53 Lettre à J.V.I. du 1er mai 1598 (SAA, IB 255).
54 « Je vous diray que c’est une marchandise qui se gaste fort au païs et n’est suspecte attendre l’occasion des flottes, les talleurs [la] gaste fort, et lingeres et menu peuple ne gastent quasi autre sorte de thoille… » (ibid.). Même type de remarque à propos des mélinges : personne n’en veut à Séville, mais « les marchands de Cordoba en ont grant affaire ». Lettre d’Étienne Goret, Cadix, à Guillaume Van Immerseel, Séville, 13 janvier 1614 (SAA, IB 277).
55 Allusion à ce fait par Michel Damiens dans sa lettre du 10 avril 1600 à J.V.I. : « … les “hollandes” dés a present se vendroist incontinant, aussy des “gingaux” (guingamps) et autres thoilles qui viennent d’Allemaigne, et pour y en avoir grand faulte, le païs gaste cantité de thoille de Rouan… » (SAA, IB 255).
56 Allusion à cette pratique, dans une lettre de Michel Damiens : « Aux Indes, les thoilles n’avoient pas la valeur que l’on estimoit a cause que par le passé estoient ycy a bon marché et les gallions et navires qui porterent les balles en porterent nombre qu’ilz chargeres de bord a bord, et ainsi en firent bon marché aux Indes, et ainsi gagnoist beaucoup… », 13 mars 1600 (ibid.).
57 Lettre du même informant Van Immerseel de l’emprisonnement à Séville de Jacques de Baucquemare, accusé « d’avoir tiré soixante et ungne barres d’argent…, lequel confessa avoir transporté onze barres dans un navire aulonnois… », 8 avril 1603 (ibid.).
58 Les rares mentions de prix courants indiquent une dénivellation d’environ 15 à 20 %. Une lettre de Ch. de Nouiller du 20 juillet 1612 indique une différence de plus de 18 % jusqu’à l’arrivée de bonnes nouvelles de Nouvelle-Espagne, suivie d’une montée beaucoup plus rapide des prix aux galions que dans la ville (SAA, IB 269).
59 Lettre de Pierre Damiens à J.V.I., 19 mars 1595 (SAA, IB 255).
60 En 1601, par exemple, la place était ébranlée par la faillite de Juan de Castellanos pour 1,2 millions de ducats et par une autre faillite d’un « banc public » de Séville pour 800 000 ducats. L’un des gros acheteurs génois de toiles, Jacomé Mortedo devait y perdre 250 000 ducats. Lettre de Guy et Antoine Damiens de Rouen à J.V.I. du 28 avril (ibid.).
61 Ce point est souligné par Michel Damiens : « … a tout, je vous diray que, achaptant cochenille, nulz pranderont debtes en payment sy ce n’estoit petite debte et que la partye de cochenille fust grande… ». Lettre à J.V.I. du 26 octobre 1598 (ibid.).
62 Cette réalité n’était pourtant pas toujours perçue. On le voit avec les agents de S.R. à Rouen, qui s’étonnaient des achats à haut prix opérés par les marchands locaux : « … estos Franceses… son tan enemigos de su dinero que han començado a comprar lienços hanchos en blanco a 127… ». Lettre du 8 janvier 1586 (APV, Ruiz, C. 104, 116).
63 Ch. de Nouiller n’hésitait pas à suggérer cette option à son commissionnaire à Séville : « venant le change beau, n’est besoin achapter marchandises pour faire mieulx ». Lettre à Guillaume Van Immerseel (SAA, IB 269).
64 Déjà en 1566, les Bonvisi de Lyon font état de leur crainte à S.R., après l’arrivée d’une flotte richement chargée : « … estaremos agora esperando el particular de todo y que su Majestad no se aia querido servir de los dinieros que benian para los particulares, que de ottra mañera seria gran daño… ». Lettre du 16 octobre 1566 (APV, Ruiz, C. 4, 257).
65 Allusion à ce processus par Ch. de Nouiller : il y a peu d’espoir de récupérer l’argent en barre arrêté par le roi d’Espagne « veü l’assignation donnee par luy aux Italliens. Je croy que s’il y a concierto avec lesd. Italliens a la charge de se rembourser desdites barres, qu’ilz ne perdront l’occasion ». Lettre à Ch.V.I. du 10 mars 1618 (SAA, IB 269).
66 « Les Florentins ont rompus prix a 76 ducatz, la pouvant avoir a 66, et l’on pence que l’on fait cela pour faire maintenir le prix de la cantités qui est en Italie, n’y tenantz nulz prix, ny demendes ». Lettre à J.V.I. (SAA, IB 255).
67 Lettre à Ch.V.I. du 11 mai 1614 (SAA, IB 264).
68 Voir note 60.
69 Jacques Hallé exprimait alors clairement l’enjeu : « [cette nouvelle] nous donnes bien a penser, car y cella est, il ne fault doubter que ung chacquun n’y soit inthéressé et qu’il ne s’ensuive de lourdes faillites ». Lettre à J.V.I. du 27 avril 1601 (SAA, IB 257).
70 Allusion sans détours du même à J.V.I. dans sa lettre du 5 mai : « Les Italliens de vostre ville ne mancquoient d’avis, car je sçais que aucquun l’a escrit a autre Itallien demeurant icy » (ibid.).
71 Lettre de Ch. de Nouiller à Ch.V.I. (à Anvers) du 19 juillet 1617 (SAA, IB 269).
72 Développement sur ces aspects matériels dans J. Bottin, « De la toile et du change : l’entrepôt rouennais et le commerce de Séville au début de l’époque moderne », dans Dynamiques marchandes : acteurs, réseaux, produits, XIIIe-XIXe siècle, numéro spécial des Annales du Midi, 2005, nº 2, p. 323-345.
73 D’après Ch. de Nouiller, « pour Rouen faut de la tescala grosse et clere, la mesteca qu’elle soit bien grise ». Lettre à Ch.V.I. (à Séville) du 27 décembre 1609 (SAA, IB 269).
74 Soupplis souligne que deux de ses concurrents, Thomas Fauvel et l’Espagnol Challon, ayant acheté de la cochenille « mestique » à 66 ducats, vendue entre 13 l. 10 s. et 14 l. « y gagnent fort honnestement ». La montée du prix d’achat à Séville et la chute du prix de vente à Rouen, consécutive à l’arrivée de 75 à 80 barils, à 13 l. et 13 l. 10 s. ne laisse aucun espoir d’éviter la perte. Lettres des 6 avril et 5 mai 1623 (SAA, IB 272).
75 Les acteurs ne s’y trompaient pas. Ayant perdu 2 à 3 % à la revente des ballots à Séville, de Nouiller affirmait : « il y a peu a faire a touttes sortes de marchandise, n’estoit le change ». Lettre à Ch.V.I. du 3 août 1610 (SAA, IB 269).
76 Sur les raisons de cette situation, liées à la structure même des relations cambiaires, cf. J. Bottin, « La place de Rouen et ses acteurs au début de l’époque moderne », dossier d’Habilitation de l’université de Paris IV, 1998, dactyl., notamment p. 97-121.
77 Michel Damiens, l’un des agents rouennais de J.V.I. à Séville, envisageait ainsi de tirer sur Anvers par le relais de Lisbonne, estimant que ce serait « meilleur et plus à [son] advantage » pour son commettant. Lettre du 31 août 1598 (SAA, IB 255).
78 Voir par exemple les lettres du 3 et du 12 avril 1601 à J.V.I. (SAA, IB 257).
79 Cf. le « livre de mémories » de Baltazar Andrea d’Anvers, p. 120-124 (SAA, IB 4).
80 Amené à payer une traite 10 jours avant l’échéance, à la suite d’une falsification, Nicolas Le Vigneron, de Séville, interrogeait ainsi Chrisostome Van Immerseel sur le bénéficiaire, Jacques Vivien, « seulement pour connoistre les gens », lettre à Ch.V.I., 14 octobre 1617 (SAA, IB 273).
81 Scepticisme sur ce point de Ch. Nouiller, en ce qui concerne ses agents à Séville et leurs exigences sur la qualité des toiles, jugées peu convaincantes : « … Il faut avoir patience, quand elles sont fortes, elles sont grosses et moiennes, quand elles sont fines, elles sont claires et ayons jamais rien à propos… ». Lettre du 28 mars 1601 (SAA, IB 259).
82 À l’exception de cas rares, comme celui du Rouennais Jean Soupplis priant Chrisostome Van Immerseel, à Séville, de lui envoyer ses comptes joints en français, car étant « escriptz en langage espagnol », il n’y pouvait « riens entendre ny comprendre » et avait dû les faire traduire par un confrère. Lettre à Ch.V.I. du 6 décembre 1622 (SAA, IB 272).
83 Cf. le cas déjà évoqué d’un retour de toiles expédiées par Jean Soupplis en cochenille, à un prix trop élevé de 78 ducats et dans un navire dont il n’était « aucunement content, pour n’estre aucunement de deffence », alors que les instructions étaient de charger en « quelque bon navire de Saint-Malo, fort et de bonne deffence ». Lettres des 5 mai et 18 mars 1623 (ibid.).
84 Remarque éclairante sur ce point de Ch. de Nouiller à Rouen : « quand pour Espagne, il me semble que c’est de continuer la diligence a ces messieurs de Seville, affin de restituer toujours le capittal ». Lettre à J.V.I. du 10 mai, 1601 (SAA, IB 258).
85 Voir la réflexion de Jacques de Bauquemare sur l’engouement des acheteurs de toiles en 1614 (cf. supra note 16), lié à la nouvelle que les navires des Philippines ne viendraient plus comme auparavant concurrencer le commerce atlantique, et sa conclusion : « ce fondement est bien léger ».
86 Par exemple Jean Soupplis à Ch.V.I. à Séville : « ung seul Espaignol…, a moins de deux ou trois jours, en a acheté et retenu plus de 60 000 aunes, baillé des cedulles et promesses a la main, et de present ne reste plus ung milier de thoilles a vendre » (SAA, IB 272).
87 Plusieurs allusions à ce choix dans les lettres de plusieurs grands opérateurs rouennais comme Jacques Hallé et Jacques de Bauquemare, par exemple chez Jean Soupplis le 26 août 1623, à propos de la hausse des prix de 25 % en un an à Rouen : « … il y a plusieurs particuliers de par deça, lesquelz ayant reongneü ung si beau et honneste proffit… ont mieux aymé les (les toiles) vendre en ceste ville que de les charger pour Espagne et en courir les risques ». Lettre à Ch.V.I., à Séville (ibid.).
Auteur
Directeur de recherche à l’Institut d’Histoire moderne et contemporaine (CNRS-École normale supérieure). Il a publié récemment en relation avec le thème de la diffusion de l’information : « Négoce et circulation de l’information au début de l’époque moderne », dans Muriel Le Roux (éd.), Histoire de la poste. De l’administration à l’entreprise, Paris, Éd. rue d’Ulm, 2002, p. 41-54 ; « Les relations entre les places du Nord-ouest de l’Europe et le marché ibéro-américain : système commercial et complémentarité de fonctions », dans Isabelle Richefort et Burghart Schmidt (dir.), Les relations entre la France et les villes hanséatiques de Brême, Hambourg et Lubeck (Moyen-Âge-XIXe siècle), Bruxelles, P.I.E. – Peter Lang, 2006 (Diplomatie et Histoire : 6), p. 307-322 ; « De la toile et du change : l’entrepôt rouennais et le commerce de Séville au début de l’époque moderne », Annales du Midi, 2005, p. 323-345 ; « La formazione dei mercanti-imprenditori fra il libro e il banco (Europa nord-occidentale, secc. XVI-XVII) », Annali di storia dell’impresa, 18, 2007, p. 253-269. Il prépare actuellement l’édition critique du manuel de comptabilité de Michel Van Damme (Rouen, 1606).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Contrôler les finances sous l’Ancien Régime
Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes
Dominique Le Page (dir.)
2011
Le Bureau des finances de la généralité de Lyon. XVIe-XVIIIe siècle
Aspects institutionnels et politiques
Karine Deharbe
2010
« Messieurs des finances »
Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance
Philippe Hamon
1999
Bâtir une généralité
Le droit des travaux publics dans la généralité d’Amiens au XVIIIe siècle
Anne-Sophie Condette-Marcant
2001
State Cash Resources and State Building in Europe 13th-18th century
Katia Béguin et Anne L. Murphy (dir.)
2017
Ressources publiques et construction étatique en Europe. XIIIe-XVIIIe siècle
Katia Béguin (dir.)
2015