Introduction : économie et information à l’époque moderne
p. 3-16
Texte intégral
1Transportons-nous mentalement quelques instants au XVIIIe siècle, sur le carreau de la halle aux cuirs, un quelconque jour ouvrable. Les peaux, apportées par les tanneurs ou leurs commissionnaires ont été triées, enregistrées, marquées, loties selon leur nature et leur qualité par les contrôleurs de la halle, celles qui sont impropres à l’ouvrage écartées. À l’heure dite, tous les utilisateurs de peaux (cordonniers, selliers, tapissiers de voiture ou carrosses, tabletiers…), pénètrent dans l’enceinte et sont libres d’examiner les lots offerts à la vente, dont aucun, invendu, ne pourra repartir chercher preneur sur une autre place. L’examen sensible, qui requiert un coup d’œil et un toucher d’expert, est complété par un échange direct entre offreurs et demandeurs. Les raisons de l’abondance ou de la rareté, l’état des stocks dans les cuves, les conditions et les perspectives d’approvisionnement en amont, sont autant de paramètres dont il faut s’enquérir avant de faire une offre, en pariant sur la fiabilité des informations délivrées par les tanneurs ou leurs commissionnaires. Les moins motivés ou les moins expérimentés des maîtres de métiers peuvent sans crainte se tenir à l’écart. Les plus entreprenants, les plus exercés vont bien se charger de faire une offre et d’arrêter un marché raisonnable. Au premier accord conclu pour un type et une qualité déterminés, offreur et acheteur se rendent au bureau de la halle et font officialiser le prix convenu, qui devient le prix légal pour chacun des assortiments de même nature. Désormais, c’est le hasard, ou la providence, qui décidera de la répartition des lots par tirage au sort, chaque candidat à l’acquisition d’un lot étant invité à déposer un jeton marqué à son nom dans un sac. Les candidats malheureux ne pourront invoquer que la malchance ou la défaveur divine si l’offre insuffisante n’a pas permis de satisfaire tout le monde. Libre à eux de reporter leur choix sur un autre classe de produits ou sur une autre qualité, ou d’attendre le prochain jour ouvrable. Quant à celui qui a arrêté le premier marché, il risque fort de repartir déçu lui aussi : s’il ne peut être écarté de la distribution des lots, rien ne garantit qu’il aura obtenu la quantité de peaux, ni même la qualité homogène qu’il aurait désirées. Tout dépend du volume de la demande à satisfaire ce jour-là…
2Considérons maintenant la demande adressée en 1807 au ministère de l’Intérieur par P.A. Tissot, de faire paraître sous ses auspices une « feuille périodique » intitulée : Manuel du Négociant1. Ce « guide » est destiné, selon l’auteur, « à répandre la connaissance du cours des changes, des prix des marchandises dans les départements, de l’établissement des manufactures, de leurs travaux successifs, des prix des voitures de terre et d’eau ainsi que du roulage, enfin tout ce qui peut être utile aux négociants et aux spéculateurs de connaître ». La publication, distincte du corpus encyclopédique d’information économique auquel elle se rattache pourtant par son titre, et plus encore éloignée de l’horizon théorique dégagé par le « discours économique », progressivement autonomisé au XVIIIe siècle, s’inscrit en revanche pleinement dans la veine, contemporaine, des « périodiques » qui délivrent une information conjoncturelle, vite périmée et vouée à une actualisation permanente2. Dans le panorama dressé par Jochen Hoock, le Manuel du Négociant atteste du caractère irréversible de l’inflexion repérée dès la fin du XVIIe siècle, qui tire les conséquences de la tension entre la dynamique des pratiques commerciales et l’horizon de stabilité postulé par la formule des dictionnaires et encyclopédies commerçantes. Plus qu’à la formation du marchand, la publication prétend contribuer à son information, destinée à le guider dans ses anticipations et ses décisions, de court ou de plus long terme. Nouveaux établissements, nouveaux produits, prix et coûts de transports, différentiel des changes, autant de paramètres variables à prendre en compte pour répondre aux exigences d’une adaptation permanente à l’accélération du changement et des modes.
3Le contraste entre les deux occurrences n’aura pas échappé : dans le premier cas, la proximité, des hommes et des marchandises physiquement présentes ; un circuit court qui enchaîne sans solution de continuité information et décision ; l’interférence de l’institution dans la production d’informations via le tri, puis l’assortiment des marchandises ; la tension entre individualisation et socialisation du processus ; la généralisation du jugement appréciatif ; enfin, la déconnexion entre processus informatif/appréciatif et formation des prix en phase deux. Dans le second cas, l’information est elle-même inscrite dans un marché, véhiculée par le support d’un média imprimé, destinée à un usage individuel ; elle ne se rapporte pas à un ensemble fini de marchandises circonscrites dans l’espace fini d’un entrepôt, mais intéresse les divers aspects de l’appareil productif ainsi que les services financiers ou de transport sur l’ensemble du territoire. Elle prend place dans une vision du marché des biens et des services en voie d’intégration, où tout acteur sur tout point du territoire est susceptible d’acquérir ou de vendre sur n’importe quelle place. La rapidité et l’ubiquité de l’information accompagnent la dilatation du temps et de l’espace des échanges. Ainsi, dans un contexte de régulation institutionnelle de l’usage d’une ressource rare comme dans un contexte de liberté des échanges, tel que le préfigurent les réformes libérales qui s’efforcent de mettre le droit à l’heure des faits au XVIIIe siècle, l’information semble bien présente, au cœur du processus de formation des prix et de la réalité des transactions.
4Le rapprochement de ces deux figures suffit-il à convaincre que le thème de l’information économique n’est pas une problématique exogène, importée dans l’univers moderne ? Maintes objections semblent pouvoir être formulées dans le contexte de hautes périodes où la part de l’autoconsommation (de l’autoproduction, comme on voudra), quoique difficilement mesurable, demeure assurément importante3 ; où l’éventail des produits et des biens échangés est encore limité, la consommation, pour la plus large part des individus et des ménages, encore étroite ; où une très large part des échanges, là encore non mesurable avec précision, mais évaluable par différence, est le fait d’échanges de proximité, même si la visibilité et le caractère spectaculaire des échanges à longue distance ont focalisé jusqu’à un passé récent l’essentiel de l’attention des historiens ; où, enfin, il n’existe pas d’économie « de marché » mais des marchés, structurés le plus souvent par des monopoles de droit ou de fait. Dans ces conditions, le choix du thème est sans doute susceptible d’apparaître comme une concession à la facilité, manière d’accommoder les restes de festins préparés et consommés dans d’autres provinces historiographiques ou disciplinaires. À la manière de l’Histoire de l’édition française ménageant une place à l’édition économique, s’agit-il, dans l’orbite d’une histoire culturelle largement entendue, de considérer la manière dont, à l’époque moderne, la soif d’information et la circulation accélérée de celle-ci se manifestent dans la sphère économique, elle-même en voie de transformation et d’autonomisation dans les perceptions des contemporains ?
5Une première légitimation du thème peut en effet être recherchée du côté du contexte et des transformations qui surviennent dans le champ social, culturel et politique à l’époque moderne, bien mises en évidence par l’historiographie, qui fait apparaître un essor conjoint de l’offre et de la demande de communication imprimée, un appétit sans précédent d’information littéraire, politique, scientifique, que des auteurs et des entrepreneurs d’édition s’emploient à satisfaire et, pour les plus audacieux, à anticiper et à exciter. L’essor des mobilités suscite lui aussi une exigence croissante d’information, puissant stimulant à la production de toute une littérature pratique de guides ou d’almanachs, tandis que la mise en place d’une offre de transports publics comme la volonté d’en normer les pratiques, conduisent à la publication de tarifs, d’horaires, permettant à l’usager, particulier ou professionnel, de faire des choix parmi les solutions qui s’offrent à lui pour déplacer personnes ou marchandises. Parallèlement, le regain d’intérêt pour histoire administrative sous sa figure policière – au sens gestionnaire où on l’entend dans l’Ancien Régime – et pour histoire des modalités de contrôle social, a permis de mettre l’accent sur l’exigence croissante d’information sur les individus et les différentes populations, notamment de migrants, aussi bien que sur la prolifération de signes et de systèmes informatifs dans l’espace public, à commencer par l’usage des enseignes ou la numérotation des rues.
6Cette attention portée à l’information dans d’autres champs de l’historiographie ainsi que la mise en évidence de l’essor massif de supports d’information de nature variée à l’époque moderne peut certes inciter à porter le regard dans le champ de l’économie. Il existe à mon sens des raisons théoriques et historiographiques plus impératives qui tiennent, d’une part, aux hypothèses qui soutiennent les interrogations récentes sur la nature de l’économie d’Ancien Régime et la nature des évolutions qui l’affectent à partir de la fin du XVIIe siècle, d’autre part aux renouvellements opérés dans le champ de la science économique, qui, en cassant l’hypothèse de concurrence parfaite et en se donnant pour objet l’analyse de marchés imparfaits, a progressivement focalisé l’attention sur les mécanismes de circulation de l’information et les coûts d’acquisition de celle-ci. Dans cet esprit, plus qu’un regard sur les acteurs et les canaux de diffusion d’une information sur l’économie, les contributions réunies dans le présent volume proposent une approche du rôle de l’information dans le fonctionnement des échanges et des marchés d’Ancien Régime, à la lumière des éclairages nouveaux apportés tant par l’histoire que par l’économie.
7Plusieurs courants, interrogés dans les pages qui suivent par Alessandro Stanziani, associant théorie économique, économie historique et histoire économique, apparaissent en effet convergents dans la commune attention qu’ils portent à l’information, notion pivotale de chacun des systèmes de description et d’explication des mécanismes et des dynamiques économiques qu’ils proposent. Rappelons pour mémoire les théories des asymétries informationnelles illustrées par Akerlof et Stiglitz ; la théorie des coûts de transaction développée par Ronald Coase, au fondement des diverses déclinaisons de l’approche neoinstitutionnaliste, dans la version Douglas North, qui privilégie l’analyse du rôle des dispositifs législatifs et réglementaires, ou la version Williamson, qui considère plutôt les institutions que sont les firmes ; les théories des interactions stratégiques enfin, qui s’appuient sur la théorie des jeux et élargissent la notion d’information au point d’en faire une composante principale de la dynamique de coordination des acteurs et des marchés4. À la différence du modèle néoclassique, développé comme une superbe utopie dans l’indifférence aux réalités historiques du marché, considérées comme autant d’occurrences attestant seulement le caractère d’inachèvement de celui-ci, encore insuffisamment atomisé ou libéré de ses entraves institutionnelles, les différentes approches évoquées, sans nécessairement abandonner ce préjugé normatif, partagent une commune prétention au réalisme, et entretiennent une relation étroite à l’histoire5. Cette rencontre s’est actualisée dans un double mouvement : soit il s’est agi, pour les théoriciens, comme Douglas North par exemple, de trouver dans l’histoire un répertoire d’occurrences destinées à apporter la preuve expérimentale du bien fondé de la théorie, soit il s’est agi, pour les historiens, d’utiliser des outils conceptuels fournis par la théorie, à leurs yeux dotés d’un potentiel descriptif et d’une valeur heuristique performants. Ce type de travaux historiques émane cependant pour l’essentiel du monde anglo-saxon, et même si certains d’entre eux, comme les travaux de McCloskey sur la rationalité du système des soles ou ceux de Jean-Laurent Rosenthal sur l’irrigation ont reçu un écho certain en France, parmi les modernistes, il apparaissait légitime d’apporter sur cette question de l’information un éclairage croisé, mettant en regard modèles économiques et analyse historique6.
8Dans le modèle néoclassique, la notion d’information, inscrite dans une vision sous-socialisée du marché, se révèle assez pauvre. Instruits de la totalité des événements susceptibles de survenir, les individus rationnels, comme autant d’atomes sans liens réciproques, forment leurs anticipations en se fondant sur l’ensemble des signaux envoyés par les marchés. Mais comme le marché sanctionne instantanément par des variations de prix toute modification, soit du nombre des offreurs et des quantités de biens aux prix auxquels ils sont prêts à les offrir, soit du nombre des demandeurs ou des quantités de bien et des prix auxquels ils sont prêts à les acquérir, ces signaux se résument en fait à l’information sur les prix. Dans des conditions parfaites d’atomisation des acteurs, dont le défaut est ruineux pour la concurrence, les individus n’ont pas besoin d’autre information que celle véhiculée par les prix, ils n’ont en particulier pas besoin d’informations sur leurs partenaires, idéalement anonymes, et l’environnement dans lequel ils évoluent. Au contraire, modèles et analyses évoqués plus haut attirent notre attention sur plusieurs données qui complexifient la notion d’information : ils montrent d’abord que l’information délivrée par les prix est loin de suffire pour parvenir à un fonctionnement optimal du marché ; que les acteurs partagent rarement une information équivalente au moment d’une transaction, sur les biens ou les services échangés ; qu’il existe d’autres formes de coordination que la coordination par les prix, et des formes de coopération observables qui contredisent l’hypothèse selon laquelle concurrence et sanction du marché sont toujours les plus efficaces pour optimiser l’allocation des ressources et des biens. Ainsi ces modèles font-ils apparaître que l’information est difficile à quérir, qu’elle a un coût ; qu’elle est inégalement partagée et qu’elle peut être capitalisée, procurant des avantages comparatifs à ceux qui la détiennent ; mais qu’à l’inverse, le partage de l’information, sur la qualité par exemple, peut s’avérer décisif pour prévenir l’apparition de phénomènes de sélection adverse, ruineux pour l’efficacité des choix des acteurs et porteurs à terme d’un dépérissement du marché des biens ou des services considérés. Ils mettent aussi en évidence le fait que personne ne peut maîtriser l’ensemble des possibles, que des aléas peuvent toujours surgir, malhonnêteté d’un partenaire, paresse ou désinvolture d’un employé (tous les problèmes de « hasard moral »), bref, qu’il subsiste toujours un certain degré d’incertitude dans l’échange, non réductible à un risque calculable à partir des seuls indicateurs du marché. Au surplus, l’hypothèse d’atomisation des acteurs fait l’impasse sur l’interaction des individus, que les approches stratégiques se donnent en revanche pour objet d’analyse : le fait que chacun anticipe non seulement la réalisation de ses gains propres, mais aussi les anticipations des autres, complexifie le processus d’ajustement de l’offre et de la demande sur le marché.
9En plaçant l’information au cœur des dispositifs d’analyse du fonctionnement et surtout de ce qu’elle considère comme des dysfonctionnements des marchés, en explorant sous hypothèses les possibilités et les combinaisons de choix des acteurs, la théorie attire l’attention sur certaines propriétés de l’information, certaines configurations informationnelles ; elle offre en outre un répertoire de scénarios, dont, toutefois, la visée prédictive et normative comme les présupposés sur lesquels ils reposent – quant à la rationalité des acteurs et la matière informationnelle sur laquelle elle s’exerce, quant à la nature et les propriétés du jeu de l’échange –, ne garantissent en rien leur pertinence ni leur valeur heuristique pour les périodes anciennes. Naguère encore, Pierre Jeannin minimisait la portée de la circulation de l’information sur la dynamique des échanges locaux et régionaux, et, s’agissant des hautes sphères du négoce et de la banque, allait jusqu’à remettre en cause la possibilité, pour l’historien, d’élucider la relation, dont il doutait qu’elle fût de causalité simple, entre information élargie et innovations stratégiques7. Sans doute la contribution de Loïc Charles est-elle propre à rassurer sur le caractère endogène du thème, qui appartient de plein droit au corpus théorique de l’économie politique des Lumières. Mais il montre simultanément à quelles fins polémiques et normatives il est mobilisé dans le contexte du combat pour la liberté du commerce des grains, marquant ainsi l’écart entre deux configurations, l’une réelle et l’autre théorique, dans lesquelles l’information n’a ni le même contenu, ni la même fonction. La littérature qu’il évoque construit la réalité qu’elle théorise, celle d’un monde ou l’on produit pour vendre, ou les prix, de variable déduite, passent en position de variable exogène et constituent le repère infaillible, la seule information propre à orienter le laboureur et le marchand et à assurer l’abondance dans les greniers et sur les tables. Les doutes et les intuitions réalistes de Forbonnais n’y changent rien : l’information dont il est question participe bien de l’édification de la figure d’un marché parfait, figure de combat contre celle du marché administré, « informé », au sens génétique du terme, par une toute autre matière que les « signaux du marché » résumés dans les prix.
10L’information, pas plus que la valeur, n’est une réalité transcendante et intemporelle. Ses différentes figures dépendent de la configuration socio-économique qui la produit, en organise la circulation et en détermine l’usage. La structure et les contenus informationnels ne sont pas identiques au cours de l’histoire, pas plus que la manière dont ils viennent s’inscrire dans les pratiques et les représentations du marché : selon que les choix collectifs, par exemple, sont tenus pour la résultante de microdécisions individuelles orientées rationnellement vers la maximisation des utilités, ou bien qu’ils sont considérés comme collectivement ordonnés et congruents à une hiérarchie des conditions et une distribution réglée des rôles sociaux. Ce qui informe et fait signe n’est donc pas de même nature à toutes les époques, mais dépend à la fois de l’environnement institutionnel et des dynamiques – celles de l’offre et celles de la demande – à l’œuvre dans les sociétés et les contextes considérés. En se fondant sur un modèle de description de l’économie moderne très fidèle à celui qu’en donnent certains économistes comme Boisguilbert, ou Cantillon, qui fait de l’intermédiaire – l’« entrepreneur à l’incertain » –, le pivot d’une économie de circuit, Jean-Yves Grenier a ainsi naguère mis en évidence la structure originale des anticipations sur les marchés des biens primaires, dont découle à son tour la structure très particulière de l’information qui lui est associée, très différente du schéma condensé dans la figure du « signal »8. Ainsi, l’information sur les partenaires, sur la destination des échanges – au sens géographique et fonctionnel du terme – et sur l’usage différencié des biens apparaît-t-elle aussi importante que l’information sur les prix. De sorte que cette « information » s’apparente à une connaissance, acquise par l’apprentissage, la pratique, l’habitude, bien plus qu’à un ensemble de données traitées selon une séquence émission/réception/interprétation/décision. En lieu et place d’une information discrète et sans mémoire, on rencontre plutôt une représentation globale et partagée des règles et de l’état du marché, forgée à partir des régularités temporelles observables (qu’il s’agisse des formes d’adaptation des producteurs aux variations des récoltes et des prix du côté de l’offre, ou des habitudes de comportement du côté de la demande). Le processus informatif et son résultat n’ont donc ni le même profil, ni la même fonction dans le mécanisme de formation des prix et d’allocation des ressources, que dans la configuration rassemblée dans la métaphore des « signaux du marché ».
11De la même façon, sur les marchés des biens manufacturés, la connaissance partagée sur la hiérarchie des marchandises informe-t-elle en amont le processus marchand, au sens propre du terme : elle lui donne une forme, et apparaît déterminante dans le mécanisme de formation et d’ajustement des prix, qui ne résulte pas seulement des coûts de production ou d’un équilibre de court terme offre/demande, mais d’un ensemble de données socioculturelles qui lui confère une certaine rigidité. S’interrogeant sur le statut des informations de caractère conjoncturel véhiculées par les correspondances de marchands, Pierre Jeannin observait pour sa part que les modalités d’appropriation de celles-ci leur conféraient celui de « savoir partagé par la communauté marchande » davantage que celui de données de caractère stratégique protégées par le secret des affaires. Jacques Bottin, s’inscrivant dans le droit fil de ces réflexions, analyse ici par le menu les ressorts de cette communication, au sujet de laquelle il établit une différence fine entre, d’une part, les composantes privées, relatives à la conduite des affaires et au contrôle des agents de la firme, et, d’autre part, les aspects publics de l’information sur les prix, les partenaires éventuels, les fluctuations des changes… Tout en insistant sur l’importance de la qualité, de la rapidité, de la régularité et de la fiabilité des informations délivrées, il interroge de façon nuancée le lien entre information et décision, soulignant et relativisant alternativement le poids de la première dans un univers caractérisé simultanément par la solidarité et la concurrence des acteurs, et par l’énorme part d’incertitude qui plane sur l’issue ponctuelle des opérations et le devenir du commerce, liée aux délais et à l’insécurité des trafics. De ce point de vue, il n’est pas sûr que l’univers des années 1580-1640 décrit par Jacques Bottin soit fondamentalement différent de celui que nous observons quelque deux siècles plus tard avec Gérard Gayot ou Matthieu de Oliveira, alors que l’équipement et les canaux de diffusion de l’information économique se sont indiscutablement enrichis et diversifiés. Pour s’en convaincre, il suffit de relire la chronique des mécomptes de Charles de Constant, cet aventurier aux doux yeux de myope (au sens physiologique comme au sens comportemental que lui confère la théorie des jeux)9. Information, rumeurs, calcul, croyances et incertitude alimentent selon un dosage instable comportements et décisions, que celui-ci agisse pour le compte de la Compagnie des Indes ou pour son compte propre. On pourra certes alléguer que l’intéressé, s’efforçant précisément de réunir le capital informationnel primitif nécessaire pour prétendre prendre rang parmi les acteurs du grand négoce international, ne possède ni la formation, ni les réseaux pour s’insérer dans une circulation appropriée à ses desseins. On pourra également imputer une part de ses déconvenues à la cécité des administrateurs de la Compagnie auxquels il associe pour un temps son destin, acteurs irresponsables et de moindre envergure que leurs homologues marchands des compagnies anglaises et hollandaises rivales. Il n’empêche. Les jeux de l’échange ressemblent fort à une loterie où seuls l’exemple et l’espoir de gains faramineux mais exceptionnels font agir les candidats à la fortune comme les agents de maisons de commerce à la réputation solidement établie. La part du calcul assis sur une information sélective rationnellement collectée et traitée semble bien faible à côté du pari sur l’issue des voyages et la valorisation des retours. Du XVIe au XVIIIe siècle, pour ne rien dire des périodes antérieures, les cultures négociantes, alliant témérité et prudence semblent bien se nourrir équitablement d’assurances informationnelles et d’entreprises « au hasard ».
12Tout au long de la période moderne, les correspondances commerciales, enrichies de leurs prolongements imprimés, demeurent un instrument fondamental de maîtrise de la distance et de gestion de la tension mobilité-sédentarité – celle des marchandises d’un côté, celle des marchands de l’autre. Cependant, les évolutions que connurent plus ou moins précocement et avec plus ou moins d’intensité la plupart des économies de l’Europe occidentale au XVIIIe siècle, ne furent pas sans conséquence sur la production et la circulation d’informations. L’intensification des échanges et la complexification des circuits de distribution, les transformations des modèles et des pratiques de consommation, les mutations des mondes de production ont stimulé, en même temps qu’ils en étaient pour une part le produit, de nouvelles formes de communication auxquelles les historiens ont été peu attentifs jusqu’à un passé récent. Pendant longtemps, ceux-ci ont, de façon prioritaire, concentré leur attention sur l’offre de biens, parce qu’ils n’accordaient aucune autonomie à la demande, variable à leurs yeux nécessairement dépendante des revenus engendrés par une hausse antérieure de la production, s’expliquant elle-même par la modification des facteurs. Pourtant, rappelle Patrick Verley, « … les sociétés préindustrielles sont dans une large mesure des sociétés dans lesquelles les facteurs de production sont sous-employés, où une part sans doute importante de la main-d’œuvre est marginalisée, où la quantité annuelle de travail est faible, où le travail est peu intensif, où les capitaux accumulés ne sont que très partiellement consacrés à des investissements productifs. »10 Il faut donc admettre qu’antérieurement aux grandes mutations de l’offre qui caractérisent la phase d’industrialisation proprement dite, une configuration favorable des marchés préexiste, qui joue un rôle soit initiateur, soit permissif, et qui, loin d’être seulement la contrepartie de la croissance industrielle elle-même, renvoie à l’évolution démographique, à la complexité des structures sociales et des relations internationales, c’est-à-dire à la modification de la demande intérieure et l’émergence d’une demande de biens diversifiés, ainsi qu’à celle de marchés extérieurs, notamment coloniaux. Or, la construction des marchés ne peut advenir, entre autres conditions, sans le concours de réseaux commerciaux permettant d’exploiter les potentialités de la demande. Et c’est là que nous retrouvons la question de l’information. En effet, pour que la demande se porte sur de nouveaux produits, il est nécessaire que les consommateurs potentiels, comme les distributeurs, grossistes ou détaillants, soient informés de leur existence, du lieu où ils peuvent se les procurer, de leur prix mais aussi de leur qualité (souplesse, solidité, imperméabilité pour des textiles par exemple). Réciproquement, pour que des producteurs ou des marchands-fabricants s’orientent vers la fabrication de nouveaux produits ou d’imitations, il est nécessaire qu’ils soient informés des goûts et des exigences des consommateurs, dont la subjectivation est aussi une donnée observée. Nous savons par ailleurs que la faible standardisation des produits et leur défaut d’homogénéité excluent que la concurrence, et donc la coordination des marchés, s’exercent exclusivement sur et par les prix. La concurrence s’exerce précisément sur les qualités, et l’on est en présence de marchés saturés d’informations sur la qualité, que ce soit par le canal des marques collectives, des appellations d’origine ou de la publicité.11
13C’est bien à la frange ou dans le champ même de la publicité que se situent les supports analysés par Matthieu de Oliveira et Gérard Gayot. Alors que la publicité à destination des consommateurs prend son essor dans les périodiques et les journaux, spécialisés comme l’Avant-Coureur ou les différentes variantes des Affiches, annonces et avis divers, généralistes comme le Journal de Paris, d’autres vecteurs d’information sont mobilisés par les acteurs du commerce afin de faire connaître leurs maisons ainsi que les produits et les services qu’elles sont en mesure d’offrir, au consommateur final comme aux professionnels, partenaires commerciaux potentiels. De l’enseigne de magasin au logo d’entreprise apposé sur les pièces de draps fins, des vignettes et cachets reproduits sur les factures ou papiers à en-tête aux circulaires commerciales largement diffusées, les dispositifs mis au service de stratégies commerciales offensives, voire agressives, témoignent de l’inventivité des entrepreneurs et de leur capacité à user des virtualités de l’imprimé pour accompagner ou anticiper les évolutions du marché. Il faut pourtant se garder d’interpréter ces témoignages en terme de substitution, ou de modernité, là où il y a en fait diversification et complémentarité, expérimentation d’une protocommunication d’entreprise nullement exclusive d’autres médias, ou d’autres véhicules d’information. Comme le montrent les explorations dans la branche des draps fins, qui appartient au secteur du luxe, les contacts personnels, de même que les correspondances, personnalisées, ne disparaissent nullement des pratiques marchandes. Dans les années 1770, ce sont des commis voyageurs, carnets d’échantillons en poche, qui parcourent les routes à la rencontre des grossistes et des détaillants. Au début du XIXe siècle, Guillaume Ternaux n’hésite pas à accomplir lui-même le trajet jusqu’aux foires de Leipsig pour présenter ses produits et tenter de s’ouvrir le marché de l’Europe centrale et orientale. Les temporalités sont également interrogées pas le jeu des motifs et des signes par lesquels l’entrepreneur, désormais seul dans la compétition économique et délivré des solidarités et des contraintes institutionnelles par la Révolution, accrédite sa position. Le rappel de l’heureux temps des certifications gouvernementales est l’un de ceux-là, fait pour suggérer la continuité et le suivi des qualités dans un contexte de bouleversements politiques et économiques. Cependant, ce temps-là est bien révolu, et si l’entrepreneur, marchand ou manufacturier, a réussi à s’imposer comme acteur de l’économie aux dépens de l’État, il lui appartient désormais de l’emporter dans le champ de la concurrence, en se faisant connaître et en informant largement, mieux que ne le font almanachs et guides spécialisés, sur les produits et les services qu’il est en mesure de proposer. Les envois circulaires, qui semblent apparaître dans les années 1780 et se généraliser par la suite, répondent parmi d’autres à cet objectif et sont un moyen efficace d’informer les partenaires professionnels, occasionnels, réguliers ou potentiels, du devenir, commercial, financier, technique, d’une entreprise. Information et persuasion se mêlent assurément dans ce discours publicitaire, sans amoindrir néanmoins l’enseignement qu’il apporte sur les stratégies d’entreprise et sur les aires de diffusion de l’information. Il resterait bien sûr à apprécier l’impact de telles innovations. La conservation scrupuleuse, par certains de leurs destinataires, des circulaires qui forment aujourd’hui les corpus de référence de l’historien, tend à prouver qu’elles constituaient à leurs yeux une ressource, propre à les orienter dans leurs démarches prospectives et dans leurs choix. Une véritable typologie fonctionnelle des contenus et des supports informatifs se dessine ainsi, qui renvoie aux différentes échelles et temporalités de l’échange, et aux particularités des marchés de biens considérés.
14Les contributions réunies dans ce volume n’ont pas vocation à former une somme, et ne se donnent pas à lire comme un bilan, fût-il provisoire. L’objectif d’une journée d’étude est plutôt de confronter des approches et des chantiers, d’ouvrir des pistes, dont certaines se révèlent parfois après-coup des impasses. Celle dont on offre ici la matière était loin d’épuiser les entrées possibles, se concentrant sur les marchés des produits et délaissant, par seul souci de cohérence, les marchés du travail ou de l’argent, au demeurant inégalement explorés par ailleurs. Alors que la question du crédit a fait récemment l’objet de nombreuses publications, très éclairantes, sur le rôle de l’information et de l’intermédiation dans la construction de la confiance et la coordination des acteurs, la circulation de l’information sur ce qu’il faut bien appeler des marchés du travail demeure beaucoup plus mal connue. Pourtant, l’instabilité dans l’emploi, la mobilité accrue de la main-d’œuvre, l’intensification des migrations temporaires ou définitives au XVIIIe siècle interrogent, elles aussi, le rôle de l’information, la nature des canaux par lesquels elle circule, à différentes échelles spatiales et temporelles. Le placement des compagnons et des apprentis se révèle ainsi, à la faveur des ruptures de contrats, être un enjeu majeur, auquel les parties en cause s’efforcent de faire face par des dispositifs qui laissent néanmoins insatisfaites les unes comme les autres12. À petite échelle, les déplacements transfrontaliers de travailleurs hautement qualifiés ne questionnent pas moins les modalités de circulation de l’information grâce auxquelles peuvent s’ajuster une offre et une demande de travail13. Sacrifiés à regret, on verra que ces champs ne sont cependant pas totalement invisibles, grâce au large spectre de la contribution d’Alessandro Stanziani. Un autre absent de poids était l’État. À partir du XVIIe siècle, l’État moderne s’affirme en effet comme un grand collecteur et producteur d’information économique, sous les différentes figures de la statistique. Certes, la statistique gouvernementale n’a pas vocation à être divulguée, mais à servir les desseins propres de l’État, acteur central d’une économie qui appartient encore de plein droit au champ de la politique. L’État moderne est cependant loin de se montrer indifférent à la question de l’information des acteurs : le mot d’ordre de l’encouragement a pour corollaire toute une gamme d’initiatives de caractère informatif, voire pédagogique ou publicitaire. Par l’ensemble de ces actions, l’État apparaît au centre d’un système d’information crucial pour la construction et la différenciation des marchés. L’ampleur même de cette thématique excluait un survol, au risque de la superficialité : elle nous a paru justifier à elle seule une autre rencontre, dont les textes qui en sont issus sont réunis dans la seconde partie du livre.
15« Il est possible de distinguer du point de vue de l’information trois types de produits et services : ceux pour lesquels l’information est assez facile à acquérir et à comprendre… ceux qui supposent un processus d’apprentissage… et ceux pour lesquels l’incertitude demeure toujours. Dans ses choix, l’individu exerce une rationalité limitée dans un champ d’incertitude. »14 En renversant la proposition de Jean-Michel Servet, on pourrait avancer que l’information peut être typologisée en fonction des produits, des acteurs, mais aussi des séquences historiques dans lesquelles elle s’inscrit. Cependant, elle a toujours vocation, pour celui qui la produit comme pour celui qui cherche à l’acquérir, à réduire cette part d’incertitude qui limite l’exercice de choix rationnels, ou pensés comme tels par ceux qui les expriment. Aux différentes échelles de l’échange, l’information a toujours pour fonction de recréer de la proximité, non seulement spatiale, comme c’est le cas dans l’enceinte de la halle aux cuirs, ou temporelle, comme c’est le cas pour les correspondances commerciales ou les publications périodiques, mais surtout relationnelle. Du concept, abstrait, on passe ainsi à ce qui tisse, en amont comme en aval de l’échange, dans la familiarité du face à face ou dans l’éloignement, la trame humaine des échanges. On retrouve ainsi, par-delà les figures désincarnées de la théorie et la platitude du signal, l’épaisseur des interactions sociales.
Notes de bas de page
1 Archives nationales (AN par la suite), F12 652, dossier 7. Manuel du Négociant contenant des renseignements sur les fabriques et manufactures de tous genre ; la nomenclature des maisons de commerce établies dans les diverses villes de l’Empire, avec une note explicative du genre de commerce de la plupart de ces maisons ; le tableau des foires qui ont lieu dans tout l’Empire français dans le courant de l’année ; le tableau de comparaison des anciens poids et mesures des principales villes de la France avec le nouveau système métrique ; le code de commerce collationné sur l’édition originale, Paris, Baudouin et Cie, 1808.
2 Manuel à distinguer de celui de Peuchet, publié en 1829, dont l’extension du titre est : Manuel du Négociant et du manufacturier contenant les lois et règlements relatifs au commerce, aux fabriques et à l’industrie, la connaissance des marchandises, les usages dans les ventes et les achats, les poids et mesures, monnaies étrangères, les douanes et les tarifs et les droits, Paris, Roret, 1829.
3 Cf. sur ce point les évaluations de Jean Marczewski, Histoire quantitative de l’économie française, Cahiers de l’ISEA, juillet 1965, série AF, 4, p. XIX.
4 Cf. références bibliographiques infra, A. Stanziani, n. 2 à 4.
5 Même dans le cas de la théorie des jeux, apparemment la plus éloignée de toute connexion avec l’histoire économique, comme le montre Christian Schmitt, La théorie des jeux. Essai d’interprétation, Paris, PUF, 2001.
6 Cf. références bibliographiques infra, A. Stanziani, n. 4.
7 Pierre Jeannin, « La diffusion de l’information », dans Fiere e mercati nella integrazione delle economie europee, secc. XIII-XVIII. Atti della « trentaduesima Settimana di Studi » (8-12 maggio 2000), Florence, Le Monnier, 2001, spécialement p. 232-233 et 250.
8 Jean-Yves Grenier, L’économie d’Ancien Régime, Paris, Albin Michel, 1996, chap. 5.
9 Louis Dermigny, Les mémoires de Charles de Constant sur le commerce à la Chine, Paris, SEVPEN, 1964.
10 Patrick Verley, L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Paris, Galimard, 1997, p. 116.
11 La qualité des produits en France, XVIIIe-XXe siècle, A. Stanziani (dir.), Paris, Belin, 2003.
12 M. Sonenscher, « Journeymen’s Migrations and Workshop Organization in Eighteenth-Century France », in Work in France : Representation, Meaning, Organisation and Practice, Steven Kaplan & Cinthia Koepp (dir), New-York, Cornell University Press, 1986 ; St. Kaplan, Le meilleur pain du monde, Paris Fayard, 2004.
13 Cf. par exemple Gérard Gayot, « Les “ouvriers les plus nécessaires” sur le marché des manufactures de draps aux XVIIe et XVIIIe siècles » in : Les ouvriers qualifiés de l’industrie (XVIe-XXe siècle), Revue du Nord, Hors Série, 2001, p. 210-237.
14 Jean-Michel Servet, « Paroles données, le lien de confiance » in La Revue du Mauss, 4, 1994, p. 43.
Auteur
Professeur d’histoire moderne à l’Université de Paris 1, responsable du pôle Paris 1 de l’IDHE-UMR 8533 du CNRS. Elle a publié notamment Foires et marchés dans la France préindustrielle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1988 et François de Neufchâteau. Biographie intellectuelle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2005. Elle a dirigé avec Philippe Minard Le marché dans son histoire, numéro spécial de la Revue de Synthèse, Éditions Rue d’Ulm, t. 127, 2006/2, ainsi que Les temps composés de l’économie, nº spécial des Annales historiques de la Révolution française, nº 352, avril-juin 2008.
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