Collaboration et intensification des contacts économiques. Les négociations franco-allemandes sous le régime de Vichy (1940‑1944)
p. 201-224
Texte intégral
Introduction
1Jusqu’à présent, les chercheurs ne se sont guère penchés sur les pratiques sociales en œuvre dans les négociations commerciales entre l’autorité d’occupation allemande et le gouvernement de Vichy. Le rôle de ces pratiques sociales dans le fonctionnement de l’économie de guerre et le rapprochement des économies française et allemande constitue précisément le thème central de cette étude, qui s’attardera notamment sur les principaux acteurs et les contacts pris au niveau des entreprises, deux aspects importants de la question.
2Il convient d’abord de préciser qu’il existe deux conceptions de l’économie de guerre, qui en soulignent bien les contradictions :
La Kommandowirtschaft, un système économique impitoyable qui transpose les méthodes militaires dans la sphère de négociations. Étant donné le caractère unilatéral manifeste, la collaboration avec le régime d’occupation est motivée avant tout par des raisons qui ne sont pas d’ordre économique, mais d’ordre idéologique.
La Lenkungswirtschaft, ou économie dirigée. Le système se caractérise certes par un interventionnisme économique fort des institutions, mais il respecte les règles économiques rationnelles. La collaboration est alors motivée par l’espoir que le cadre institutionnel sera d’une quelconque utilité. Dans le même temps, l’autorité d’occupation dépend de la bonne volonté de l’administration du pays concerné, pour maintenir en fonction l’appareil qui est au service de cette économie dirigée.
3En 1944, Elmar Michel, chef des sections économiques de l’administration militaire allemande en France (MBF), aurait fait le commentaire suivant à propos de la culture de négociation dans la France de Vichy et de ses effets sur le rapprochement franco-allemand :
« Il n’a jamais existé dans l’histoire, entre la France et l’Allemagne, une collaboration aussi vive et étroite que celle, dans le domaine économique, durant les quatre années de l’occupation. »1
4Manifestement, – telle pourrait être notre hypothèse – l’occupation allemande a modifié le rapport de force traditionnel entre l’Allemagne et la France. Jusqu’alors, ce dernier avait toujours desservi les relations économiques franco-allemandes, qui s’étaient néanmoins développées dans les années 30, ainsi que l’a expliqué Sylvain Schirmann2. En ce qui concerne les pratiques sociales, la question est de savoir si seuls les intérêts allemands parvenaient à s’imposer dans l’interaction sociale, si les négociateurs français savaient tirer parti de leur marge de décision et si, dans les négociations, le conflit d’intérêts, pris comme postulat, était aussi aigu que l’on croit.
5Les acteurs de ces négociations constituent un premier fil conducteur. Les ouvrages biographiques existent surtout du côté français.3 En Allemagne, ces études font défaut, si l’on excepte celle tout à fait exceptionnelle d’Ulrich Herbert sur Werner Best, le chef de l’administration civile. Les approches comparatives ont elles aussi été négligées : ce n’est que récemment qu’Arne Radtke-Delacor a présenté une analyse des structures technocratiques du régime de Vichy, qu’il met en parallèle avec celles de l’administration économique allemande à Paris4. C’est sur ces analyses que s’appuient les passages qui, dans le présent exposé, évoquent les acteurs des négociations.
I. Première prise de contacts
6Selon Arne Radtke-Delacor et d’autres auteurs5, les six premiers mois de l’occupation allemande se réduisirent à une phase de pillage. La reconversion des entreprises d’armement ne fut décidée qu’en raison de la prolongation de la guerre contre l’Angleterre, qui a conduit le Reich à vouloir exploiter à long terme l’économie française, mise ainsi au service des intérêts allemands.
7En réalité, dès l’entrée des troupes allemandes dans Paris, des démarches sont entamées pour prendre contact avec des responsables français. Les rapports quotidiens, rédigés du 17 juin au 23 juillet 1940 par un dénommé Westphal, de la section « organisation économique » du MBF, nous renseignent sur ce sujet. Par ailleurs, l’arrivée rapide à Paris d’Elmar Michel, chef du MBF, et des chefs chargés, au sein de la section groupe économique, du ravitaillement, de l’agriculture, du contrôle des prix, et des activités industrielles et artisanales, mais aussi de spécialistes de l’énergie, du charbon et des transports, incite à penser que le régime d’occupation avait été conçu et organisé à l’avance.6 Les contacts que ces personnes nouèrent dans des délais record avec des interlocuteurs français se limitèrent dans un premier temps à la région parisienne. Bien que la volonté de coopérer fût réelle, les progrès de la collaboration furent au début très lent ; de nombreux dirigeants et cadres français s’étaient retirés en province, ce qui obligea les sections économiques du MBF à attendre leur retour.7
8La première institution fut la Reichskreditkasse, créée dans la capitale française le 24 juin 1940, soit six jours après l’invasion allemande8. Cette « banque d’occupation » émettait des billets qui lui étaient propres (Reichskreditkassenscheine) et qui furent utilisés initialement par la Wehrmacht comme moyen de paiement pour ses achats auprès des entreprises françaises. Très tôt, il fut ainsi possible de payer des armes et des biens d’équipement sans avoir à recourir à des mesures de réquisition nuisibles à la coopération. Parallèlement, la section économique prit contact avec le contrôleur général de la Banque de France, M. de Bletterie.
9Après l’installation des services de l’Inspection de l’armement, des contacts directs commencèrent à être noués avec les principales usines de la région parisienne. L’industrie chimique fut le premier secteur ciblé. Des délégués des sections économiques du MBF rendirent notamment visite au directeur de Rhône-Poulenc le 26 juin, dans les locaux de la Société parisienne d’expansion chimique (SPECIA), filiale de l’entreprise.9 L’industrie du verre fut elle aussi l’objet de démarches directes, l’entreprise Saint-Gobain possédant une usine à Aubervilliers.10 Peu de temps après, le chef du « bureau chimie » du MBF se rendit à Bordeaux, accompagné de représentants du siège parisien du groupe, pour y rencontrer les délégués de l’établissement local.11 Ces visites sur place visaient à évaluer les capacités de production des usines stratégiques. D’abord concentrée dans le département de la Seine, cette politique allemande s’étendit progressivement au reste de la France.
II. Consensus technocratique et logique de la collaboration
10Pour assurer l’exploitation systématique du territoire français occupé, il était capital de mettre en place des institutions chargées de diriger les mécanismes économiques. À titre de travaux préliminaires, des études de grande ampleur avaient été menées sur le territoire à occuper, notamment le rapport en quatre parties sur l’économie de guerre en France, présenté en octobre 1939 par le ministère de l’Économie du Reich.12 Cette riche synthèse présentait la situation des transports en France et la répartition des ressources minières, tout en fournissant des informations sur des secteurs industriels importants tels que la chimie, l’électrotechnique, la construction de machines ou de véhicules. Il y était question de la production et de la consommation de ces secteurs, ainsi que des performances des grandes entreprises les représentant.
11Les forces d’occupation allemande avaient misé dès le début sur la carte de la collaboration. Cela est confirmé non seulement par le caractère précoce des prises de contacts, mais aussi par la composition du personnel de l’administration d’occupation. Étant donné que l’administration de la France occupée se limitait à des activités de surveillance, le MBF devait compter sur un effectif de 1 500 personnes au plus. Seul le Danemark occupé affichait une présence allemande encore plus réduite au niveau des institutions.13 Le principe de cette administration dite de surveillance consistait à repérer des personnalités complaisantes du côté français, afin de garantir une coopération aussi bonne que possible avec le gouvernement en place.
12Le MBF tenait les membres du Mouvement synarchique d’Empire pour les plus qualifiés en matière de collaboration, puisqu’il s’agissait d’un cercle né pour faire contrepoids à l’anarchisme. La création de ce groupe remontait en 1922, à l’occasion de la marche sur Rome de Mussolini.14 Dans les années 1937-1938, ses adhérents étaient pour la plupart des personnes qui occupaient des positions influentes dans les milieux économiques ; le passage à l’économie de guerre porta ces dernières aux plus hauts postes de responsabilité. Citons notamment Jacques Le Roy Ladurie, ministre de l’Agriculture et du Ravitaillement sous le régime de Vichy et Yves Bouthillier, son bras droit, ministre de l’Industrie à partir de 1940. D’autres cadres du ministère de la Production industrielle étaient également issus de ce mouvement, à savoir Jean Bichelonne, Pierre Pucheu et François Lehideux.15 En 1940, Bichelonne fut nommé secrétaire général pour le Commerce et l’Industrie, et chef de l’Office central de répartition des produits industriels. En mai 1942, il prit la tête du ministère de l’Industrie, qui atteignit une taille insoupçonnée sous sa conduite et ne cessa d’étendre sa sphère d’influence. Dès les premières années, P. Pucheu avait occupé une fonction de direction au Comptoir sidérurgique. Il resta dans ce secteur en tant que président du comité d’organisation, puis fut nommé secrétaire d’État à la Production industrielle en 1941, sous le gouvernement Darlan (de février à juillet 1941). En août 1941, il fut promu ministre de l’Intérieur, domaine nouveau pour lui. F. Lehideux, neveu de l’industriel Louis Renault, dont il présidait l’entreprise, dirigeait le Comité d’organisation de l’automobile, le premier à être créé. Il prit la suite de P. Pucheu en tant que secrétaire d’État de la Production industrielle en juillet 1941 et fut nommé dans le même temps délégué général à l’Équipement national.
13Le principal protagoniste de la première phase de collaboration fut Jacques Barnaud, inspirateur occulte du groupe des synarchistes.16 Sa biographie montre la concentration du pouvoir au sein de ce cercle. À l’instar de beaucoup de synarchistes déjà cités, J. Barnaud était diplômé de l’École polytechnique. Il travaillait depuis 1925 dans l’équipe de direction de la Banque Worms. Son rôle en tant que spécialiste de l’économie et des finances, mais aussi en tant qu’idéologue des synarchistes, transparaît à travers deux articles des Nouveaux Cahiers (magazine fondé en 1937), qui réclamaient des compétences plus larges pour les élites technocratiques.17 Parallèlement, J. Barnaud prit des postes à partir desquels il pouvait exercer une influence au plan économique, par exemple en tant que membre du conseil de surveillance d’Air France, de la Lyonnaise des Eaux et du groupe d’électricité Ernest Mercier. Sa carrière administrative avait commencé peu avant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il avait été nommé chargé de mission au ministère de l’Armement en octobre 1939. En janvier 1940, le ministre des Finances, Paul Reynaud, lui demanda d’assurer la direction de l’ensemble des finances extérieures au ministère des Finances. Il se trouva ensuite au centre de la collaboration économique à partir de février 1941, lorsqu’il fut nommé délégué général aux Relations économiques franco-allemandes.
14Les points suivants sont caractéristiques des synarchistes et plus généralement des technocrates du régime de Vichy. Comme les élites industrielles françaises, ils étaient issus des grandes écoles. J. Barnaud et J. Bichelonne étaient diplômés de l’École polytechnique, la plus prestigieuse, qui ouvrait des perspectives de carrière prometteuse. D’autres, tel Pierre Pucheu, avaient suivi la voie, non moins classique, de l’École normale supérieure. Tous ces futurs dirigeants se virent confier très rapidement des fonctions d’encadrement dans de grandes entreprises industrielles ou dans des établissements bancaires. Barnaud était né en 1893, mais les autres protagonistes tels que J. Bichelonne, Y. Bouthillier, F. Lehideux et P. Pucheu, tous nés entre 1899 et 1904, étaient relativement jeunes lorsqu’ils prirent leurs fonctions dans l’administration de Vichy. Ils appartenaient à la même génération que beaucoup de nazis allemands promus aux plus hautes responsabilités.
15Les technocrates étaient très prisés du MBF, ainsi qu’en atteste le rapport de novembre 1941 sur les influences idéologiques adverses en France.18 Leur qualité de spécialistes reconnus était appréciée, notamment dans le domaine de la finance (J. Barnaud, Y. Bouthillier), même si le rapport précité souligne les tendances ultra-conservatrices du clan Bouthillier. En ce qui concerne J. Bichelonne, son statut de major de Polytechnique inspirait un grand respect, sans compter qu’il se distinguait par un fort esprit de décision, des conceptions claires et une bonne mémoire. F. Lehideux, quant à lui, avait participé activement à la mise en place du Service du travail obligatoire, et était lié à « l’équipe Worms », autrement dit J. Barnaud et P. Pucheu. Ce dernier était considéré par les Allemands comme un organisateur de sang-froid, calculateur et intelligent, qui incarnait les principes autoritaires.
16Pour beaucoup de ces protagonistes français, il est frappant de constater que, malgré les appréciations portées par les Allemands, leur poids politique a été largement sous-estimé et ils ont été réduits au rôle de parfait technocrate. Cette approche a récemment été battue en brèche par Arne Radtke-Delacor, qui présente un point de vue allant à l’encontre de l’image du « pont de la rivière Kwaï » proposée par Alfred Sauvy.19 Il s’appuie sur l’exemple de J. Bichelonne, dont la loyauté inébranlable envers l’autorité d’occupation était clairement affichée et s’expliquait par son enthousiasme réel pour un État autoritaire.20 Ce n’est pas un hasard si l’administration économique allemande le tenait pour le ministre français le plus compétent et pour un homme d’avenir. Vers la fin de la collaboration vichyste, son pouvoir politique dépassait celui de Laval.
17Des intérêts concordants liaient synarchistes et occupants allemands ; en effet, tous souhaitaient une réorganisation autoritaire, corporative de l’État français.21 Depuis août 1940, les spécialistes français œuvraient à la restructuration institutionnelle de l’économie. Outre leurs affinités idéologiques avec l’autorité d’occupation, les collaborateurs étaient motivés par la volonté pragmatique de préserver les intérêts de la France. Leur principal objectif était de relancer la production de denrées alimentaires, de biens de consommation et de produits industriels afin que la France ne souffre pas de la famine et de pénuries matérielles. Il s’agissait de s’opposer d’une certaine façon aux pillages allemands et de remettre l’économie sur les rails, de manière ordonnée et contrôlable. Sous le choc de la défaite, les technocrates français partaient du principe que l’Allemagne sortirait victorieuse de la guerre et que l’occasion était donnée à la France, en premier, de s’assurer une place dans l’ordre européen de l’après-guerre, sous hégémonie allemande.
18Les premières mesures visant à transformer l’économie française se rapportèrent à la loi du 16 août 1940 relative à l’organisation provisoire de la production industrielle.22 Avec la création des comités d’organisation, un nouveau découpage corporatif de l’économie était institué, qui s’apparentait à celui des groupes économiques du Reich. Le texte de la loi, qui comportait de nombreuses références à la loi française du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la Nation en temps de guerre, émanait du ministère de l’Industrie dirigé par René Belin. Il avait été rédigé par Jacques Barnaud, qui était chef de cabinet du ministre du Travail depuis le 15 juillet 1940 et qui fut assisté dans cette tâche par les sympathisants Jean Bichelonne et Henri Lafond.23 La création des comités d’organisation s’inspirait largement des organisations patronales existantes, de sorte que les personnalités qui dirigeaient les grands groupes se retrouvaient à leur tête. Le cumul des mandats n’était pas rare, comme ce fut le cas avec François Lehideux et Pierre Pucheu : ils présidaient le comité d’organisation de leur branche industrielle respective, et soutenaient le régime de Vichy. Une certaine tendance à vouloir concentrer le pouvoir n’est donc pas à exclure.24
19Tous ces collaborateurs du ministère de l’Industrie contribuèrent à la création de nouvelles institutions, nécessaires à l’économie dirigée : ainsi, l’Office central de répartition des produits industriels (OCRPI) fut instauré sous la conduite de Jacques Barnaud, qui élabora le texte législatif correspondant car il considérait que le contingentement était indispensable en temps de guerre. En même temps, il émettait de sérieux doutes sur l’utilité de son projet : « À côté d’avantages certains mais épisodiques, l’organisation projetée présente des inconvénients graves et profonds qui se rattachent spécialement à la création dans toutes les branches d’industrie des offices de répartition obligatoire. »25 Parmi les effets négatifs, il citait également « la disparition de l’esprit d’initiative et du goût de l’entreprise », la tendance à produire des marchandises standardisées d’un niveau moyen et la concentration économique dans le secteur de l’industrie. Dans la pratique, l’OCRPI s’avéra plus influent que les comités d’organisation, qui n’exercèrent jamais véritablement leur fonction de répartition.26 Ceux-ci ne pouvaient entreprendre qu’une répartition secondaire au sein de leur groupe économique.
20La volonté de coopérer à la refonte institutionnelle de l’économie française s’accompagnait chez les technocrates collaborationnistes du désir d’assurer eux-mêmes les tâches imposées. À partir de la formation du gouvernement Darlan, début 1941, ils montèrent systématiquement en grade, ce qui marqua la percée du technocratisme.
21Avec l’arrivée d’Elmar Michel, c’est un ancien chef de service du ministère de l’Économie du Reich qui prend la tête des sections économiques du MBF. Rétrospectivement, Werner Best, son collègue parisien et chef de la section administrative, considérait ce juriste, né en 1897, comme un fonctionnaire exceptionnel, d’une grande objectivité et d’une concentration toute entière tournée vers le travail.27 Pour ses activités au MBF, le gouvernement du Reich lui avait conféré le rang de chef de l’administration de guerre, un titre spécialement créé par la dictature nazie pour l’administration des territoires occupés. L’exemple d’Elmar Michel montre que le pouvoir se concentrait toujours davantage entre les mains de ceux qui restaient en poste pendant une période relativement longue, aussi bien du côté allemand que du côté français. Ainsi, sous l’Occupation, E. Michel cumula encore d’autres fonctions, notamment celle de commissaire au commerce extérieur et à la monnaie, lors de la baisse des frais d’occupation concédée à la France.28 Les sections économiques revêtant une importance stratégique croissante, E. Michel fut nommé, le 1er août 1942, chef de l’état-major administratif.29
22Un tiers du personnel administratif opérationnel en France était concentré dans les services centraux parisiens, hébergés à l’hôtel Majestic. Il existe une vue d’ensemble des sections économiques du MBF pour le mois de mai 1941.30 La France recevait surtout des spécialistes de l’administration, issus à 65 % des ministères allemands.31 Les fonctionnaires avaient déjà souvent travaillé, depuis 1939, à la mise en place de la future administration d’occupation en France. Les autres spécialistes étaient des techniciens et des commerciaux.
23Les sections économiques du MBF comptaient plus de 30 bureaux, compétents pour chaque secteur économique. Ils étaient subdivisés en dix groupes en fonction des branches. En mai 1941, on répertoriait au total 44 chefs de bureaux et de groupes.32 Seuls quatre d’entre eux avaient un grade militaire, de lieutenant à capitaine. Les autres, c’est-à-dire la grande majorité appartenaient à la société civile et occupaient des fonctions allant d’assistant à administrateur. Beaucoup de chefs de bureau étaient simplement des commissaires. 59 % de ces spécialistes de l’économie et des finances avaient un diplôme de doctorat. Avec près de 110 postes, les commissaires et les conseillers de l’administration militaire formaient la majorité du personnel technique. Ils étaient assistés d’autres techniciens pour les travaux d’enregistrement et d’inspection. Enfin, les tâches de secrétariat étaient confiées à une main-d’œuvre presque exclusivement féminine, comptant plus d’une centaine de personnes. Ces effectifs relativement réduits montrent à quel point les sections économiques devaient, pour fonctionner, compter sur la collaboration des ministères français. Le profil de l’état-major d’Elmar Michel montre bien, en outre, que la tradition technocratique était plus forte aussi du côté allemand que du côté français. Selon Radtke-Delacor, tous étaient liés par un état d’esprit antidémocratique, moteur de la politique de collaboration, associé à des visées utilitaristes.33
III. Lieu des négociations économiques
24La commission d’armistice mise en place à Wiesbaden fin juin 1940 est souvent présentée comme l’instance centrale des relations diplomatiques franco-allemandes pendant la période de la Seconde Guerre mondiale. De fait, les deux États y envoyèrent chacun une délégation économique, chargée des questions bilatérales. La délégation économique allemande était présidée par Hans Richard Hemmen, membre depuis 1919 des services diplomatiques allemands et pouvant être considéré comme expert des négociations économiques avec les pays d’Europe occidentale.34 Hemmen avait compétence pour l’ensemble des relations économiques et commerciales avec la France métropolitaine et d’outre-mer tandis que le MBF, basé à Paris, était investi du pouvoir exécutif pour les décisions de politique économique sur le territoire. Pour autant, il faut se garder de déduire de cette « organisation hiérarchique » que les autorités de Wiesbaden conduisaient les négociations décisives car, en réalité, ce sont les sections économiques du MBF qui jouaient le premier rôle dans la direction économique du pays.35
25Ainsi, dans la pratique, c’est à Paris qu’avaient lieu les négociations économiques. Si le gouvernement civil français était effectivement basé à Vichy, il n’en reste pas moins que des pans entiers des ministères avaient été maintenus à Paris. On citera en particulier les ministères économiques comme le ministère des Finances et le ministère de la Production industrielle, en relation permanente avec les sections économiques du MBF. Après l’installation du gouvernement Darlan, Jacques Barnaud fut nommé délégué général aux Relations économiques franco-allemandes (DGRE). Deux instances coexistaient par conséquent en France aussi. À l’instar de son homologue allemande, la délégation économique française auprès de la commission d’armistice basée à Wiesbaden était composée en majorité de militaires, mais aussi de diplomates tels Maurice Couve de Murville, qui joua un rôle de premier plan dans le règlement de la question des frais d’occupation. Les services Barnaud, autre nom de la DGRE, comptaient également parmi leurs membres des diplomates économiques, comme François Conty et Jacques de Bourbon-Busset. De nombreux délégués, à l’image d’Olivier Mourre, chargé des contacts avec Vichy, étaient issus du corps des inspecteurs des Finances ou de la Cour des Comptes (cas de Claude des Pontes). La DGRE comprenait également des praticiens de l’économie dépêchés à Paris, comme Jean Terray issu du secteur de l’aviation ou Bernard Lechartier, de la SNCF, ce dernier étant chef de cabinet jusqu’en juillet 1942.
26Les négociations économiques organisées selon un rythme quasi quotidien à l’hôtel Majestic n’avaient nullement pour finalité la concrétisation des accords de Wiesbaden : c’est simplement là qu’étaient précisés les impératifs du dirigisme économique. Avec la mise en place des institutions citées plus haut, l’administration militaire allemande avait posé un cadre qui, lui non plus, n’était pas négociable. Les entretiens qui se déroulaient à Paris au Majestic avaient pour objectif de régler les tensions en cours de processus. La mutation de Hans Hemmen fut un autre signe évident du transfert du lieu des négociations de Wiesbaden à Paris et du passage à un système de collaboration directe. Le chef des négociations pour les questions économiques à Wiesbaden fut en effet muté à Paris en mars 1941, au moment même où les services Barnaud commençaient leurs travaux.
27Lorsque les délégations françaises arrivaient chez le MBF, elles se retrouvaient face au groupe des négociateurs allemands. La partie française était présidée par Barnaud pour toutes les questions importantes et celles relevant de plusieurs ministères, tandis que la partie allemande était, dans ces cas-là, presque systématiquement présidée par Elmar Michel. Pour les services Barnaud, il était significatif que les négociateurs ne soient pas exclusivement issus des rangs de la DGRE et qu’au contraire, les principaux décideurs au sein des autorités gouvernementales parisiennes soient associés. C’est ainsi que Jean Bichelonne et Francois Lehideux, issus du ministère de la Production industrielle, prirent part aux négociations les plus importantes.
28Les représentants des sections en charge de la politique économique d’ensemble occupaient une place particulière. Ainsi, dans le domaine du contrôle des Prix, Olivier Fourmon, chef de la sous-direction des Prix au sein du ministère des Finances à Paris, avait fréquemment affaire à Seifarth, son partenaire allemand dans les négociations, mais aussi responsable de la section chargée de ces questions au sein du MBF.36 Ils formaient un tandem au même titre que Barnaud et Michel et apprirent à travailler ensemble au fil des mois. Les rencontres entre les bureaux administratifs allemands et français avaient le plus souvent pour objet de régler des questions secondaires comme la coordination des méthodes de fonctionnement. Étaient également régulièrement associés aux négociations, à tous les niveaux, des experts, des administratifs, des délégués des ministères du Reich basés à Berlin ou des représentants d’entreprises, soulignant ainsi leur caractère éminemment concret.
IV. Caractéristiques de la phase intense de négociation
29La phase de négociations économiques intenses va de la nomination de Jacques Barnaud à la tête de la DGRE, en janvier 1941, jusqu’à sa démission de cette instance en novembre 1942. L’objectif qui primait sur tous les autres était l’adaptation de la France au système de l’économie de guerre allemande ; il fallait montrer, dans la logique de la collaboration, que les partenaires français dans les négociations s’adaptaient de mieux en mieux aux stratégies allemandes.
30La partie allemande cherchait avant tout à obtenir des informations sur les capacités de production françaises. Le ministère de la Production industrielle centralisait les informations transmises par les instances placées sous son autorité et les mettait à la disposition de l’occupant. Il produisait des statistiques et collectait des données relatives au marché du travail auprès des entreprises.37 En jugeant les données servant de base à l’élaboration de statistiques sur l’industrie française de mauvaise qualité, Jean Bichelonne admettait qu’il existait dans ce domaine d’assez sérieuses lacunes. Dès octobre 1940, les sections économiques du MBF ordonnèrent par décret un nouveau recensement des statistiques des entreprises, tâche successivement confiée aux préfets et aux comités d’organisation.38 Ainsi était lancé le mouvement d’élargissement de la sphère de compétences du ministère de la Production industrielle, par ailleurs en charge d’autres missions comme la répartition. Mais en définitive, ce décret eut également pour effet de contribuer à l’amélioration de la collecte statistique.39
31La préoccupation principale des sections économiques du MBF était, avec l’aide des institutions susmentionnées, d’harmoniser les outils du dirigisme économique. Leurs membres formèrent leurs partenaires français dans les négociations sur le contrôle du système de répartition, en particulier dans le cadre de l’orientation du commerce extérieur assurée par l’Agence centrale des contrats.40 Pour prévenir les tendances inflationnistes, l’administration Michel repoussa toutes les demandes de hausse des prix ou des salaires exprimées par maints acteurs nationaux.41 L’intérêt porté par l’occupant aux livraisons de denrées alimentaires était surtout motivé par le souci de ravitailler les troupes d’occupation. D’autres revendications portaient sur la livraison de matières premières à l’Allemagne. L’objectif global était, dans la mesure du possible, d’inclure la zone non occupée dans le régime d’économie dirigée, objectif qui ne fut que partiellement atteint. Ainsi, en janvier 1942, les certificats délivrés par l’Agence centrale des contrats, indispensables pour l’exportation, n’avaient pas encore été introduits dans le Sud de la France.42
32S’agissant des livraisons à l’Allemagne, les sections économiques du MBF s’appliquèrent à fixer des quotas, inscrits dans des plans de livraison. L’un des plans les plus connus est le plan Kehrl pour l’industrie du textile. Le contrat signé en février 1941 entre Jean Bichelonne et Elmar Michel prévoyait à l’origine des avantages pour les deux parties. Le plan d’ensemble se divisait en plusieurs accords : l’un deux prévoyait par exemple la livraison à l’Allemagne, en mai 1941, de 5 000 tonnes de coton en échange d’une quantité équivalente de cellulose.43 Ces livraisons furent à maintes reprises entachées de retards ou de difficultés. En l’occurrence, dans la plupart des cas, la partie allemande ne remplissait pas ses engagements de livraisons. C’est ainsi qu’elle accumula un déficit qui allait être long à résorber. Quoi qu’il en soit, les responsables au sein du ministère de la Production industrielle continuèrent à s’en tenir au plan car en dépit de tous les inconvénients, il semblait permettre de maintenir le rythme de production dans le secteur textile.44
33Abstraction faite de ces déficits et de ces prises unilatérales d’avantages, la mise en œuvre de ces programmes d’échanges industriels aboutit à une interpénétration des deux économies. Dès la première réunion, le 12 août 1940, au siège de l’Union textile, des industriels du textile furent associés aux négociations.45 Le centrage de la production française sur le marché allemand devait aboutir, en mai 1941, à la mise en place de commissions mixtes, composées des représentants de l’Intendance allemande et d’un représentant du comité d’organisation de l’industrie textile.46 La sécurité d’approvisionnement des entreprises françaises en matières premières était assurée par un système de bons d’achat. Des rapports étaient censés être remis régulièrement au bureau du textile du MBF et au comité d’organisation. Ce mode de fonctionnement eut pour conséquence une rationalisation du système, laquelle contribua à son tour à aiguiser une nouvelle fois les appétits de la partie allemande.47
34Des chefs d’entreprise furent à maintes reprises directement associés aux négociations organisées au Majestic. En particulier, les industriels allemands tentèrent d’exploiter à leur profit le déséquilibre des pouvoirs en faveur de l’Allemagne en vue de conclure des contrats de livraison exclusifs. Ainsi, l’entrepreneur Emil Fuchs, venu de Betzdorf an der Sieg, avait des vues sur le monopole sur les importations de matières premières dont jouissait la Société des Minerais de la Grande Île.48 Si, dans ce cas précis, Paris opposa une fin de non-recevoir, cet exemple n’en montre pas moins que les chefs d’entreprise allemands ont très tôt cherché à utiliser les structures existantes à leur avantage. Dans ce cas comme dans d’autres, des industriels allemands prirent contact avec le MBF pour renforcer les liens économiques avec la France.
35Le MBF exigeait que les formalités concernant la délivrance des cartes d’identité de commerçants étrangers soient simplifiées pour les négociants allemands désirant s’installer en France.49 Il fut proposé une procédure plus rapide, dans laquelle l’ancienne chambre de commerce allemande de Paris centraliserait les demandes, les transmettrait au secrétariat d’État à la Production industrielle qui les examinerait et les enverrait ensuite aux préfets, auxquels incomberait la tâche de délivrer la carte de commerçant. De toute évidence, ces initiatives visaient à renforcer encore l’interpénétration des économies française et allemande. Parallèlement, elles visaient à créer, au sein de l’Europe centrale, un grand espace économique dominé par l’Allemagne. Ayant eu connaissance de ces négociations, les entrepreneurs allemands ne tardèrent pas à se rallier au plan. Ainsi, en juillet 1941, le représentant de Telefunken prit contact avec le MBF en vue de créer une succursale Telefunken-France.50
36Dans le même ordre d’idées, certains investisseurs allemands cherchèrent à entrer dans le capital d’entreprises françaises. Il faut bien reconnaître, à la suite de Michel Margairaz, que la stratégie de prise de possession d’entreprises françaises par des capitaux allemands ne fut menée de façon ni systématique ni obstinée.51 En revanche, l’aryanisation des entreprises juives représenta une opportunité de placement pour les capitaux allemands, sujet traité de manière exhaustive par Philippe Verheyde. 175 cas ont été étudiés dans divers secteurs industriels et dans 41 d’entre eux, on constate une volonté, côté allemand, de réaliser des acquisitions.52 Mais, là encore, souvent, on en resta au stade des intentions car il arrivait que les velléités de prises de participation capitalistique se heurtent à un refus au cours des négociations. Au final, il n’y eut que 25 prises de participation effectives, dans de petites entreprises pour l’essentiel. Les prises de participation importantes, voire spectaculaires (au capital des Galeries Lafayette ou des Chaussures André, par exemple) furent décidées dans le cadre des négociations franco-allemandes au Majestic.
37Les secteurs les plus divers étaient concernés, les Schistes d’Autun, par exemple.53 Dans ce cas précis, d’aucuns soupçonnèrent que la prise de participation allemande envisagée (50 millions de francs) serait financée par les ressources affectées à l’Occupation. Ce projet de prise de participation dans les Schistes d’Autun servit de prétexte à une forte immixtion dans les affaires de cette entreprise française. Les négociations à Paris s’étalèrent sur une année et Fischer, délégué par le ministère de l’Économie à Berlin, y joua un rôle de premier plan. Il était persuadé que l’exploitation des schistes selon le modèle utilisé en Estonie permettrait d’améliorer considérablement le rendement. Le chef des négociations pour l’Allemagne laissa entrevoir le débauchage de personnel spécialisé estonien.54 Les spécialistes se réunirent en juin 1941 à Autun et s’attelèrent à l’extraction d’huile de schistes, très probablement dans l’idée de soulager la situation de pénurie de carburants.55
38Parallèlement, des négociations de plus longue haleine eurent lieu sur des projets industriels communs. Ces projets portaient presque tous sur des domaines industriels d’une haute importance stratégique d’un point de vue militaire (la fabrication de penthrite à Angoulême, par exemple,56 ou l’industrie aéronautique, dans laquelle un programme conjoint fut décidé en juillet 1941).57 Une entreprise, établissement de l’Omnium des produits azotés, fut créée dans l’objectif de fabriquer des explosifs.58 Toujours dans ce contexte, des projets technico-scientifiques virent le jour, comme la construction d’un laboratoire commun de fabrication de poudres au sein de la Commission française des poudres à Versailles.59 Les projets s’étendaient néanmoins au domaine civil, comme le projet de construction d’une usine pour la fabrication de jus de pomme en Normandie.60
39Du reste, on constate à cette époque un véritable transfert de technologie, par le biais notamment de la présence d’ingénieurs allemands dans les Charbonnages du Nord-Pas-de-Calais.61 Même l’édification d’industries de produits de substitution, rendue nécessaire par la situation de guerre, eut quelques retombées positives sur l’économie française. Avec l’aide de la puissance occupante, la fabrication française de rayonne fut poursuivie, de même que la production à l’échelle industrielle de caoutchouc synthétique, entamée en 1937.62 Après l’arrêt, provoqué par les hostilités, des livraisons de caoutchouc naturel en provenance de l’Empire colonial, les autorités d’occupation se mirent d’accord avec le ministère français de la Production industrielle sur la construction dans les trois ans, avec le concours d’IG Farben, d’une usine de fabrication de caoutchouc synthétique au Nord-Est de Lyon.63 Avant cela, l’entreprise Hutchinson, établie dans le Loiret, fut la bénéficiaire directe d’un accord qui lui confiait l’introduction du procédé de fabrication allemand. Le secteur de la construction bénéficia également du soutien de l’Allemagne.64 C’est dans le secteur automobile que les échanges techniques et commerciaux étaient les plus intensifs, en particulier entre les constructeurs Volkswagen et Peugeot.65 D’autres branches furent influencées par le système allemand des « entreprises de parrainage » (Patenfirmen) et des « entreprises de direction » (Leitfirmen), introduit en 1942, qui visait à renforcer les contacts sur les plans économique et technique. Parallèlement, on assista à une intensification des contacts dans le domaine scientifique. Ainsi, les deux parties déléguèrent chacune 30 experts au congrès franco-allemand de l’énergie organisé en juillet 1941.66
40Il convient de souligner le déséquilibre des rapports de force dans la plupart des négociations, la partie allemande revendiquant sa supériorité au titre de puissance dominante et disposant du reste des moyens de s’attribuer unilatéralement des avantages. La diversité des projets n’en reste pas moins remarquable, même si maints d’entre eux restèrent précisément à l’état de projets. S’agissant du rapprochement franco-allemand, il est significatif que la coopération économique n’ait pas été restreinte aux secteurs industriels traditionnels comme le secteur du charbon et de l’acier ou bien encore celui de la chimie, apparu dans les années 1920, qui portaient souvent la marque d’affrontements d’un autre temps. Au contraire, la coopération porta aussi sur des secteurs qui allaient devenir les secteurs d’avenir pendant la seconde moitié du XXe siècle, à l’instar de l’industrie automobile. On notera également que, souvent, les contacts étaient pris non pas au niveau des ministères mais à celui des entreprises.
41Il convient toutefois de dire que dès mai 1942, soit juste après le « tournant Laval », les contacts étaient de moins en moins souvent noués directement au sein de la DGRE. Le poids dominant des administrations ne se fit par conséquent sentir que pendant la période où l’on commença à percevoir que l’économie allait devoir être adaptée dans la perspective de la victoire militaire de l’Allemagne. Pendant cette période de l’Occupation, qui dura à peine deux ans, la DGRE représenta le chaînon décisif du dispositif, sous domination allemande, de pillage systématique de la France au profit de l’économie de guerre.
V. Stratégies des négociateurs français
42J. Barnaud s’est servi des informations privilégiées en sa possession pour formuler de nombreuses recommandations et propositions de compromis, acceptées pour la plupart d’entre elles par le partenaire allemand dans les négociations. De fait, il existait une asymétrie d’informations en faveur de la commission Barnaud. Cette dernière était en général mieux informée que la délégation de Wiesbaden, à laquelle elle soumettait les thèmes de négociation qu’elle avait préparés, comme celui de la réduction des frais d’occupation. Pourtant, la partie française n’a que rarement réussi à exploiter cet avantage dans ses relations avec le MBF. Régulièrement, les postes militaires allemands présentaient au gouvernement français des demandes de livraison à ce point exagérées qu’en réalité, il ne restait guère de marge de négociation réelle. Tout au plus Barnaud et son équipe parvinrent-ils, grâce à leur connaissance fine des rouages du système, à faire traîner les choses.
43La partie française souhaitait, dans la mesure du possible, globaliser les négociations. Dans ce schéma, les problèmes seraient traités au sein de groupes relativement importants et dans un contexte assez large. Or, la partie allemande n’ayant à retirer aucun bénéfice de cette méthode de négociation, elle chercha, en la personne du MBF, à segmenter les points de négociation. Cette segmentation se traduisait par le fait que, lorsque les négociations franco-allemandes officielles étaient terminées, les représentants de branche ou les entreprises entretenant des relations commerciales traitaient directement entre eux.
44À peine deux ans plus tard, la DGRE devait devenir le rouage principal d’un système d’exploitation systématique de la France pour les besoins de la guerre. Des rencontres régulières furent organisées pendant cette période qui fut le témoin d’un tournant économique dans la perspective de l’établissement d’une « pax germanica ». Du point de vue allemand, cette période de négociations intensives était nécessaire pour consolider les relations et les contacts à différents niveaux. Les négociations avaient pour objectif de rendre les institutions de gouvernance économique capables de fonctionner. Dès que cet objectif fut atteint, le rythme des négociations ne tarda pas à ralentir. On avait déjà pu le constater au moment du remaniement du gouvernement Pierre Laval, en mai 1942, c’est-à-dire au cours de la phase du second Vichy.
45La dissolution de la DGRE, en novembre 1942, marqua l’aboutissement du processus de perte d’influence qui s’était amorcé déjà six mois auparavant. Elle coïncida avec l’entrée des troupes allemandes en zone non occupée, sans en être une conséquence.
46Finalement, le tournant pris par les hostilités fut certainement un événement déclencheur de la démission de Jacques Barnaud. Toujours est-il que les décisions qu’il prit à l’issue de la guerre lui permirent d’obtenir un non-lieu dans l’action en justice engagée contre lui et de poursuivre sa carrière dans le secteur bancaire.67
47Déjà, à différentes occasions par le passé, les représentants du MBF avaient utilisé à leur profit la structure hiérarchisée du ministère français de la Production industrielle en conduisant des négociations à l’insu de la DGRE. Jean Bichelonne chercha à se mettre en avant en concluant des accords avec la force occupante dans le cadre d’une initiative personnelle.68 En 1943, et peut-être même plus tôt, il devint ainsi l’interlocuteur privilégié des sections économiques du MBF. En septembre de cette année-là, il fut même appelé à Berlin auprès d’Albert Speer, ministre de l’Armement et de la Production de guerre du Reich.69
VI. Rétrécissement du champ des négociations et renforcement du régime autoritaire en 1943‑1944
48Avec la dissolution de la DGRE en novembre 1942, la marque de son action disparut dans pratiquement tous les domaines. Les négociations entre l’administration militaire allemande et les décideurs économiques français ne se poursuivirent plus guère que dans deux domaines, essentiellement.
49L’ancien président de la délégation allemande pour l’Économie à la Commission d’armistice de Wiesbaden, Hans Hemmen, fut nommé « délégué du gouvernement du Reich aux questions économiques et financières auprès du gouvernement français ». Depuis janvier 1943, il recevait l’Intendant général Casanoue pour des entretiens hebdomadaires au Majestic.70 Ces entretiens portaient presque exclusivement sur la situation du ravitaillement en général et de l’entretien des troupes allemandes en particulier, comme à l’accoutumée. Ce cycle de négociations se limitait à une problématique aux contours clairement définis, qui concernait exclusivement des questions de politique agricole.
50La rencontre entre Speer et Bichelonne en septembre 1943 à Berlin aboutit de la même façon à des réunions franco-allemandes régulières, auxquelles assistaient d’assez nombreux représentants du MBF et des ministères français.71 Ces entretiens portaient, eux aussi, sur un problème précis, à savoir la réquisition de main-d’œuvre française pour l’Allemagne, l’une des « actions Sauckel ». Glatzel, membre des SS et adjoint de Sauckel en charge des affaires françaises, fut promu vice-chef de l’administration militaire en France. Ses partenaires de négociation côté français étaient, outre Jean Bichelonne, le chef de cabinet de ce dernier, Cosmi, puis, à partir de mars 1944, Marcel Déat, secrétaire d’État au Travail, aux côtés de Kupeczek, Boyez et d’autres qui continuèrent, par esprit de loyauté, à collaborer à la politique de réquisition de la main-d’œuvre jusqu’à la fin juin 1944.
51En 1943 et 1944, la logique de la collaboration évolua : ceux qui, à la différence de Lehideux, Bouthiller, Le Roy Ladurie (en avril-mai 1942, lors de l’inauguration du second Vichy sous Laval), Barnaud, Lafond ou encore Couve de Murville (en novembre 1942, lors de l’entrée des troupes allemandes en zone non occupée) ne s’étaient pas retirés des responsabilités, virent désormais leur sort dépendre de leur loyauté envers les responsables de guerre allemands. Il était trop tard pour passer à l’ennemi, comme en atteste le fait qu’en mars 1943, un vieux compagnon de route (Pierre Pucheu) qui avait fui à Alger fut mis en accusation. Un tribunal militaire le condamna à être fusillé par décision de la cour martiale pour haute trahison. Ce jugement, qui devait marquer le début de l’épuration judiciaire, rétrécit considérablement la marge de manœuvre des membres du gouvernement Laval encore en fonction.72
52Ces derniers s’étaient inventé une communauté de destin avec l’occupant allemand et se retrouvaient pieds et poings liés par cette stratégie. Logiquement, la pression exercée par les Allemands sur leurs partisans français s’accentua. Par exemple, le MBF exigea, en forme d’ultimatum, une augmentation des quantités de denrées alimentaires livrées. Le chef des négociations pour la partie française, Casanoue, se retrouva avec comme seul argument à opposer que le ravitaillement de la France elle-même était une question d’urgence. Au bout du compte, cela ne lui permit pas d’obtenir beaucoup pour son pays. Pour l’administration allemande, en revanche, il représentait une pièce maîtresse dans le dispositif de diffusion de ses instructions au sein de l’administration française. Les négociations relatives à la main-d’œuvre prirent la même tournure. En particulier, on opposa que l’envoi de travailleurs en Allemagne entrait en conflit avec les plans Speer de mobilisation des entreprises actives dans le secteur de l’armement en France, protégées du transfert de main-d’œuvre vers l’Allemagne (on les appelait les S-Betriebe). Ce dilemme transforma les membres du gouvernement Laval cités plus haut en alliés du ministre allemand de l’Armement. Ils cherchaient avant tout à convaincre Glatzel, l’envoyé allemand de Sauckel, de l’intérêt, pour l’armement, de diverses entreprises. Les fonctionnaires du ministère de la Production industrielle prirent les dispositions nécessaires pour que le droit de figurer sur la liste des S-Betriebe soit conditionné à l’obligation pour les entreprises industrielles de consacrer au minimum 70 % de leur production aux biens d’armement.
53En ce sens, on peut difficilement parler de convergence d’intérêts entre les partenaires français et allemands des négociations73. Il y avait plutôt convergence sur certains objectifs. Le dernier exemple prouve néanmoins que compte tenu de son faible pouvoir de décision, la partie française en était réduite à, entre deux maux, choisir le moindre.
54À compter de 1943, s’imposa un mode de négociations directes entre entreprises allemandes et françaises. Le gouvernement allemand avait, dans cette perspective, importé en France occupée le système allemand de cercles et de comités. Le 1er août 1942, un bureau allemand d’approvisionnement fut installé à Paris.74 En outre, 18 « délégués nationaux » (Länderbeauftragte) allemands s’installèrent à l’hôtel Chambord à Paris. À la fin de la guerre, leur nombre était monté à 28. Les comités et cercles affectèrent aux entreprises françaises des chargés de mission allemands. Pour concrétiser cette démarche, le ministre de l’Armement Speer conçut à cette fin le système d’entreprises de parrainage (Patenfirmen) et d’entreprises de direction (Leitfirmen). Alors que les Patenfirmen n’encadraient qu’une seule entreprise française du même secteur, les Leitfirmen assumaient le contrôle de plusieurs firmes de leur secteur de fabrication.
55Les objectifs avoués ne se limitaient pas à la simplification administrative mais s’étendaient au contraire à l’intensification de la mainmise technique sur la production française.75 C’est dans ce contexte qu’il faut resituer la réforme institutionnelle voulue par Speer, visant le transfert de technologies et l’échange de connaissances. Pour l’essentiel, ce système concernait les grandes entreprises de l’armement. Jusqu’à la fin de 1943, 222 entreprises allemandes furent nommées Patenfirmen et Leitfirmen pour 710 usines françaises.
56Avec l’accord de Bichelonne, le système des Patenfirmen et Leitfirmen fut également introduit en Zone sud.76
57D’un côté, les contacts directs entre les entreprises contournaient l’appareil administratif de Vichy. De l’autre, même les autorités d’occupation centrales allemandes se retrouvaient ainsi dépossédées de leur fonction de contrôle. Compte tenu de l’effectif restreint du MBF, ce fait n’entra pratiquement pas en ligne de compte, car l’effet recherché était en réalité tout autre : comme sous le Reich, Speer misait sur la dé-bureaucratisation et comptait entièrement sur l’orientation capitaliste de l’économie pour relancer la production d’armements.77 L’autonomie des firmes, qui pouvaient désormais donner libre cours à leur recherche du profit dans le cadre de relations commerciales d’exclusivité, fut considérablement renforcée. La coopération entre firmes françaises et allemandes s’amplifia, par rapport à la période de la DGRE, particulièrement dans les secteurs en rapport avec l’armement. Malheureusement, il existe encore peu d’études détaillées par secteur d’activité et entreprise pouvant attester de ce rapprochement, pour tel ou tel secteur ou telle ou telle entreprise, au cours de la phase finale de la guerre. Les exemples traités dans le présent exposé soulignent néanmoins cette intensification des contacts.
VII. Perspectives : vers un partenariat franco-allemand d’après-guerre
58Au terme de l’intervalle relativement court de la dénazification ou de l’épuration, l’ordre politique connut dans l’après-guerre, en Allemagne de l’Ouest comme en France, une évolution accélérée. Sous l’effet de la pression exercée par les États-Unis, un processus de libéralisation fut engagé, qui devait aboutir à une liberté des échanges inégalée depuis le début du XXe siècle. Le témoignage le plus frappant du passage de l’économie mondiale au libéralisme est la conclusion de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) en octobre 1947. L’application subséquente de ses dispositions devait rapidement faire redémarrer le commerce de marchandises entre les deux anciens ennemis. Dans un premier temps, les échanges furent surtout intensifs avec la zone occupée. Après la création de la République fédérale d’Allemagne, en 1948, le volume des échanges entre les deux États augmenta continûment. Cette augmentation ne concerna pas uniquement les exportations et les importations, mais également les investissements directs. Comment expliquer que des liens économiques intensifs aient été noués aussi rapidement ? Quel rôle la période de la collaboration a-t-elle joué pour les échanges économiques franco-allemands ?
59Dès 1995, dans une synthèse présentée à l’occasion d’un colloque franco-allemand, Rainer Hudemann indiquait que, ce qui avait été interrompu par le IIIe Reich ou avait été réorienté fut, en grande partie, rétabli peu de temps après la Seconde Guerre mondiale.78 Comme nous l’avons vu, de nombreux indices montreraient que l’interruption des relations économiques a été limitée à quelques secteurs seulement. En revanche, dès lors que l’on se situe au niveau des entreprises, on constate de manière bien plus systématique une intensification ou une reprise des liens commerciaux existants. Cette politique fut poursuivie jusqu’en 1942 au travers des négociations entre les sections économiques du MBF et la DGRE, puis du dispositif de comités et de cercles. C’est pourquoi il convient peut-être de mettre l’accent de l’analyse sur un autre aspect : après 1945, on renoua avec une coopération économique étroite qui avait, par la force des choses, été instaurée par la collaboration. En ce sens, la période de l’Occupation peut à bien des égards être considérée comme le point de départ des relations économiques franco-allemandes de l’après-guerre.
Notes de bas de page
1 Extrait de Arne Radtke-Delacor, « Produire pour le Reich. Les commandes allemandes à l’industrie française (1940-1944) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire 70/2 (2001), p. 99.
2 Sylvain Schirmann, Les relations économiques et financières franco-allemandes 1932-1939, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, 1995.
3 Voir notamment. Henry Rousso, La collaboration. Les noms, les thèmes, les lieux. M. A. Éditions, Paris, 1987.
4 Arne Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich. Versuch einer vergleichenden Untersuchung der technokratischen Strukturen der NS-Besatzungsmacht und des Vichy-Regimes (1940-1944) », in Alain Chatriot, Dieter Gosewinkel (dir.), Figurationen des Staates in Deutschland und Frankreich 1870-1945. Les figures de l’État en Allemagne et en France, Oldenbourg, Munich, 2006 (Pariser Historische Studien, 72), p. 235-254.
5 A. Radtke-Delacor, « Produire pour le Reich… », op. cit., p. 100 ; Hans Umbreit « Auf dem Weg zur Kontinentalherrschaft », in Militärgeschichtliches Forschungsamt (dir.) Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg, vol. 5: Organisation und Mobilisierung des deutschen Machtbereichs, 1. Halbband: Kriegsverwaltung, Wirtschaft und personelle Ressourcen, Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart, 1988, p. 224.
6 Archives nationales de Paris (Arch. nat.) AJ 40/578. Erste Tagesmeldung von Westphal, MBF-Abteilung Wirtschaftsorganisation, an das Oberkommando des Heeres, 17 juin 1940.
7 Voir Arch. nat., AJ 40/578. Fünfte und neunte Tagesmeldung von Westphal (MBF) an das Oberkommando des Heeres, 23 et 27 juin 1940.
8 Arch. nat., AJ 40/578. Dritte Tagesmeldung von Westphal (MBF) an das Oberkommando des Heeres, 21 juin 1940.
9 Arch. nat., AJ 40/578. Achte Tagesmeldung von Westphal (MBF) an das Oberkommando des Heeres, 26 juin 1940
10 Arch. nat., AJ 40/578. Zwölfte Tagesmeldung von Westphal (MBF) an das Oberkommando des Heeres, 30 juin 1940.
11 Arch. nat., AJ 40/578. Achte Tagesmeldung von Westphal (MBF) an das Oberkommando des Heeres, 26 juin 1940.
12 Arch. nat., AJ 40/413.
13 Ulrich Herbert, Best. Biographische Studien über Radikalismus, Weltanschauung und Vernunft 1903-1989, 2e édition, Dietz, Bonn, 1996, p. 290.
14 Arch. nat., 3 W 51. Rapport du ministère de l’Intérieur, direction générale de la Sûreté nationale, 12 mars 1946.
15 H. Rousso, La collaboration. Les noms…, op. cit., p. 40-42, 153-155. S. Schirmann, Les relations économiques…, op. cit., p. 156. A. Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 243.
16 H. Rousso, La collaboration. Les noms…, op. cit., p. 33.
17 Arch. nat., 3 W 51. Les articles « Le problème des sociétés anonymes » (novembre 1937) et « Le problème monétaire français » (avril 1938).
18 Arch. nat., AJ 413. Bericht des MBF über gegnerisch-weltanschauliche Einflüsse in Frankreich, 10 novembre 1941.
19 A. Sauvy, La vie économique des Français de 1939 à 1945, Flammarion, Paris 1978, p. 177. Extrait de : Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion 1932-1952, vol. 1, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris 1991, p. 678 ; Marc Oliver Baruch, Das Vichy-Regime. Frankreich 1940-1944, Reclam, Stuttgart, 1999, p. 125.
20 A. Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 247-250.
21 M. Margairaz, L’État, les finances…, op. cit., p. 560 et suiv.
22 Journal officiel nº 205, 18 août 1940.
23 M. Margairaz, L’État, les finances…, op. cit., p. 512.
24 Richard Vinen, The Politics of French Business 1936-1945, Cambridge University Press, Cambridge, 1991, p. 138-146.
25 Arch. nat., F 37/2. Cabinet Jacques Barnaud. Projet d’organisation de la répartition des produits suivant les suggestions des autorités d’occupation, 5 septembre 1940.
26 M. Margairaz, L’État, les finances…, op. cit., p. 514.
27 D’après Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 241.
28 Bundesarchiv Berlin, R 3101/32293. Schreiben des Auswärtigen Amtes Berlin an Elmar Michel, 21 mai 1941.
29 A. Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 242.
30 Arch. nat., AJ 40/578. Geschäftsverteilungsplan der MBF-Wirtschaftsabteilung, 1er mai 1941.
31 Hans Umbreit, Der Militärbefehlshaber in Frankreich 1940-1944, Boldt, Boppard 1968, p. 35.
32 Arch. nat., AJ 40/578. Geschäftsverteilungsplan der MBF-Wirtschaftsabteilung, 1er mai 1941.
33 A. Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 244, 248.
34 Hans Umbreit, Der Militärbefehlshaber in Frankreich, op. cit., p. 87 et suiv.
35 Voir également A. Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 237.
36 Arch. nat., F 37/3. Divers protocoles de négociation.
37 Arch. nat., F 37/3. Compte rendu de conversation de la direction des Industries mécaniques et électriques, 26 avril 1941. Arch. nat., F 37/4. Note de M. Mourre (DGRE) sur la réunion au Majestic, 14 janvier 1942.
38 Arch. nat., AJ 40/408. Décret spécial du MBF relatif à la collecte statistique, 15 octobre 1940. Arch. nat., AJ 40/444. MBF, Chef des Verwaltungsstabes, Lagebericht Oktober 1940 vom 1er novembre 1940.
39 Yves Le Maner, Henry Rousso, « La domination allemande », in Alain Beltran, Robert Frank, Henry Rousso (dir.) : La vie des entreprises sous l’Occupation. Une enquête à l’échelle locale, Belin, Paris, 1994, p. 39.
40 M. Margairaz, L’État, les finances…, op. cit., p. 594-597.
41 Arch. nat., F 37/4. Réunion des délégations Michel et Barnaud au Majestic, 3 février 1942.
42 Arch. nat., F 37/4. Réunion des délégations Michel et Barnaud au Majestic, 29 janvier 1942.
43 Bundesarchiv-Militärarchiv Freiburg, RW 35/8. Lagebericht August/September 1941 MBF-Kommandostabes, Abteilung Ia, 30 septembre 1941.
44 M. Margairaz, L’État, les finances…, op. cit., p. 609-611.
45 Hans Kehrl, Krisenmanager im Dritten Reich. 6 Jahre Frieden – 6 Jahre Krieg. Erinnerungen. Mit kritischen Anmerkungen und einem Nachwort von Erwin Viefhaus, Droste, Düsseldorf, 1973, p. 197-199.
46 Arch. nat., F 37/3. Compte rendu de la négociation du sous-directeur du Comité d’organisation des textiles et cuirs Emieux, avec Momm, Leiter des Textilreferates der MBF-Wirtschaftsabteilung, betr. Durchführung des Plan Kehrl, 16 mai 1941.
47 M. Margairaz, L’État, les finances…, op. cit., p. 708.
48 Arch. nat., F 37/3. Compte rendu de la direction des Mines. Conversation avec les autorités d’occupation, 10 mai 1941.
49 Arch. nat., F 37/3. Note de Barjonet, sous-chef de bureau, à la direction du Commerce intérieur, sur la discussion avec le Referatsleiter Hornes, 18 juin 1941.
50 Arch. nat., F 37/3. Compte rendu de conversation avec les autorités d’occupation de Giboin, direction du Commerce intérieur, 17 juillet 1941.
51 M. Margairaz, L’État, les finances…, op. cit., p. 631 – 669.
52 Philippe Verheyde, « Vichy, die deutsche Besatzungsmacht und ihre wirtschaftlichen Beziehungen im Rahmen der "Arisierung" der großen jüdischen Unternehmen », dans Zeitschrift für Unternehmensgeschichte 50 (2005), p. 220.
53 Arch. nat., F 37/3. Diverses négociations entre mai et octobre 1941.
54 Arch. nat., F 37/3. Compte rendu de la direction des Mines. Conversation avec les autorités d’occupation, 2 mai 1941.
55 Arch. nat., F 37/3. Réunion présidée par Michel et Barnaud au Majestic, 10 juin 1941.
56 Arch. nat., F 37/3. Réunion présidée par le colonel von Horn avec participation d’inspecteurs généraux français, 1er avril 1941.
57 Gerhard Hirschfeld, « Kollaboration in Frankreich – Einführung », dans Gerhard Hirschfeld (dir.), Kollaboration in Frankreich. Politik, Wirtschaft und Kultur während der nationalsozialistischen Besatzung 1940-1944, Fischer Verlag, Francfort-sur-le-Main, 1991, p. 16.
58 Arch. nat., F 37/3. Diverses négociations entre avril et octobre 1941.
59 Arch. nat., F 37/3, Réunion présidée par le colonel von Horn, 1er avril 1941. Ibid., compte rendu de la direction des Mines, 2 mai 1941.
60 Arch. nat., F 37/3. Réunion présidée par Michel et Barnaud au Majestic, 4 décembre 1941.
61 Le Maner/Rousso, « La domination allemande », p. 39.
62 Arch. nat., F 37/3. Compte rendu de conversation de Perret, directeur général du Comité d’organisation de l’industrie du caoutchouc, 20 mai 1941.
63 Arch. nat., AJ 40/444. Rapport du MBF sur la période d’octobre à décembre 1942, 27 janvier 1943. Arch. nat., F 37/4. Réunion au Majestic présidée par Barnaud et Michel, 14 octobre 1942.
64 Cf. la contribution de Fabian Lemmes dans ce recueil.
65 Le Maner/Rousso, « La domination allemande », op. cit., p. 39.
66 Arch. nat., F 37/3. Compte rendu de négociation avec les autorités d’occupation de Jarlier, direction des Mines, 17 juillet 1941.
67 Arch. nat., 3 W 52. Arrêt de non-lieu rendu par la Haute Cour de la Justice, 27 janvier 1949.
68 Arch. nat., AJ 40/776. Aktenvermerk der MBF-Abteilung Gewerbliche Wirtschaft über Besprechung mit Bichelonne und Pannié, 30 mai 1941.
69 Arch. nat., AJ 72/1926. Procès-verbal de la conférence tenue à Berlin dans le bureau de M. le ministre Speer, 17 septembre 1943.
70 Arch. nat., F 37/4. Copies adressées par le Service des négociations avec la puissance occupante au ministère de l’Agriculture et du Ravitaillement.
71 Arch. nat., AJ 72/1929. Papiers Bichelonne-Cosmi.
72 A. Radtke-Delacor, « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 249.
73 Contrairement à ce que dit A. Radtke-Delacor dans « Die "gelenkte Wirtschaft" in Frankreich… », op. cit., p. 250 et suiv.
74 A. Radtke-Delacor, « Produire pour le Reich… », op. cit., p. 109.
75 Bundesarchiv Berlin R 3101/32261. Reichsminister Speer an die Ausschüsse und Ringe betr. deren Einschaltung bei der Nutzbarmachung Frankreichs, 1er juin 1943.
76 A. Radtke-Delacor, « Produire pour le Reich… », op. cit., p. 109.
77 Bundesarchiv Berlin R 3101/32261. Reichsminister Speer an die Ausschüsse und Ringe betr. deren Einschaltung bei der Nutzbarmachung Frankreichs, 1er juin 1943.
78 Rainer Hudemann, « Wirtschaftsbeziehungen im deutsch-französischen Verhältnis der Nachkriegsperiode: Stand und Perspektiven der Forschung », dans Andreas Wilkens (dir.) : Die deutsch-französischen Wirtschaftsbeziehungen. Les relations économiques franco-allemandes, Thorbecke, Sigmaringen 1997, p. 309.
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L’économie, l’argent et les hommes
Ce livre est cité par
- Bilbao Zubiri, Irene. Carré, Anne-Laure. (2023) Giving a New Status to a Dyes Collection: A Contribution to the Chromotope Project. Heritage, 6. DOI: 10.3390/heritage6020117
L’économie, l’argent et les hommes
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