Financiers et industriels français et allemands à la conquête des terres polonaises (1870‑1914)
p. 39-78
Texte intégral
1À l’heure où la révolution industrielle amorcée en Europe occidentale cherche à s’exporter vers des terres encore vierges, le territoire démembré de la Pologne du second XIXe siècle offre quelques atouts ; la partie sous tutelle russe en particulier, aussi nommée royaume de Pologne, apparaît la plus à même d’accueillir des investisseurs occidentaux. Les premières tentatives d’industrialisation du pays engagées dans les années 1815-1830 avaient été interrompues par les soubresauts nationalistes1. L’embryon des différents bassins industriels avait été posé, mais l’avenir du territoire, toujours plus fortement assujetti à la Russie, ne dépendait plus directement des Polonais.
2Cette marche de l’Est européen est admirablement située, à proximité immédiate des bassins de Silésie et de Karwina-Ostrawa auxquels elle est reliée par une jonction ferroviaire. L’émancipation de la paysannerie en 1864, le développement des premières voies ferroviaires polonaises2, l’intégration progressive du royaume à l’espace douanier russe, tous ces évènements associés éveillent de nouvelles potentialités industrielles qui attirent les investisseurs. Mais le royaume constitue surtout une porte d’entrée vers les espaces infinis de la Russie et de l’Extrême-Orient, le tout dans un cadre protectionniste.
3La date à laquelle débute la pénétration des capitaux étrangers fait débat : si, d’un point de vue strictement polonais, on pourrait retenir 1851, date de l’unification douanière du territoire de la Vistule et des terres russes, c’est le renforcement du protectionnisme aux frontières de l’Empire en 1877 qui déclenche, de fait, l’afflux des capitaux étrangers. Les capitaux allemands sont aux premières loges, bientôt rejoints par les Français.
I. Les Silésiens et la Bankowa : deux pôles moteurs
A. L’opportunisme des industriels haut-silésiens
4Deux hausses successives de tarifs douaniers, sur le fer en 1868, puis sur les produits métallurgiques en 1877, incitent les industriels allemands du bassin limitrophe de Haute-Silésie à franchir la frontière. Dans un premier temps, l’investissement allemand se limite à quelques filiales alimentées en coke par les sociétés mères sises de l’autre côté de la Brynica, la petite rivière qui marque la frontière. Le capital silésien fait preuve d’une forte mobilité et le bassin voisin de Dąbrowa, situé dans la continuité géologique du bassin silésien, fait finalement office de position de repli utilisée au gré de la conjoncture3. La main-d’œuvre y est bon marché, la proximité des entreprises mères limite l’investissement et le marché presque vierge aspire toute la production. La rentabilité des implantations polonaises est par ailleurs remarquable : les dividendes distribués sont de 50 à 100 % supérieurs à ceux des entreprises mères. C’est le cas en particulier pour les deux konzerns sidérurgiques silésiens Oberreisen4 et Oberbedarf5. Pour la période 1906-1914, la moyenne des dividendes distribués par ce dernier en Haute-Silésie est de 4,6 % alors que, pour sa filiale polonaise de Sosnowiec, cette moyenne est de 11 % ; en 1914, le ratio est même de 1 à 46.
5Les investissements silésiens maintiennent leur positionnement géographique durant toute la période, mais transfèrent leurs investissements de branche en branche : implantés dans les houillères dès le milieu des années 1860, ils y renforcent cette position après 1870. Dans les années 1880, les intérêts silésiens se déplacent vers l’industrie métallique, en réaction une nouvelle fois aux mesures protectionnistes russes. En 1881, trois filiales de sociétés allemandes voient le jour dans le bassin de Dąbrowa. Deux émanent de transferts d’intérêts silésiens : l’usine de tubes Huldszynski et Fils liée aux Ets Huldschinsky Hüttenwerke AG de Gleiwitz, l’usine de W. Fitzner originaire de Siemianowitz ; la troisième est liée à la société berlinoise A. Leman, Hein et Cie et se concentre sur la production de tôles de zinc7.
6À la fin de la décennie, les sociétés allemandes, stimulées par la réussite insolente de la Huta Bankowa et l’introduction, en 1887, de droits de douane prohibitifs sur la fonte, opèrent de nouveaux investissements : les sociétés silésiennes Hutschinski, Laurahütte ou encore Henckel von Donnersmarck construisent de nouveaux hauts-fourneaux. Les trois sociétés créées dans ce cadre, Huta Alexander, Huta Katarzyna et Huta Puszkin, assurent dès 1886, 44 % de la production de fer du royaume. On assiste, de fait, à un partage des marchés : les capitaux silésiens contrôlent la production de fer, les intérêts français de la Bankowa celle de l’acier.
7En dehors du bassin de Dąbrowa, les intérêts allemands participent aussi au capital de plusieurs sociétés créées dans les années 1870-1880 en association souvent avec des financiers varsoviens : en 1875, l’industriel silésien Guido Henckel von Donnersmarck est ainsi partie prenante de la création de la société sidérurgique Starachowickie Towarzystwo Zakładów Górniczych, sise à Starachowice dans le plus vieux bassin sidérurgique du pays ; dix ans plus tard, les intérêts allemands consolident leur positionnement dans ce même bassin du sud du royaume et prennent une part active à la création du Towarzystwo Wielkich Pieców i Zakładów Ostrowieckich. Cette entreprise, qui emploie en 1899, 3 700 personnes8, se positionne rapidement dans le peloton de tête des entreprises sidérurgiques, derrière l’intouchable Huta Bankowa.
8Ce renforcement de l’engagement allemand dans la sidérurgie polonaise débouche dans les années 1890 sur une opération de concentration9 menée par les konzerns Oberbedarf et Oberreisen. La Bank Handlowy de Varsovie, liée aux intérêts allemands, participe ainsi au côté de la société Oberdarf à la création de la société sidérurgique Huta Miłowice (1890), puis en 1897 à la transformation en société anonyme de la société métallurgique, Towarzystwo Zakładu Żelaznego Puszkin, fondée en 1883 par le prince silésien Guido Henckel von Donnersmarck. En 1911, ces deux sociétés sont regroupées au sein de la Milowicer Eisenwerke.
9Parallèlement au renforcement de la concentration des sociétés sidérurgiques, les années 1897-1898 voient un mouvement massif de transformation des sociétés de capitaux allemands en sociétés anonymes de droit russe. S’agit-il d’une forme de réaction à la cartellisation entreprise par les intérêts français du charbon de Dąbrowa ? Ou encore d’une adaptation au droit russe dans le but de pouvoir plus facilement pénétrer le marché et échapper à la stigmatisation dont font très régulièrement l’objet les intérêts allemands ?
B. Huta Bankowa, pièce maîtresse de l’investissement français
10Le cadre est différent en ce qui concerne les capitaux français. Même si l’histoire a favorisé les liens entre les deux nations, les échanges industriels et commerciaux ont toujours été limités. Les deux sociétés anonymes, la Huta Bankowa et la Société franco-italienne des houillères de Dąbrowa, qui voient presque conjointement le jour en 1876-1877 pour reprendre les anciens établissements industriels du Trésor polonais dans le bassin de Dąbrowa, reposent sur l’association des intérêts de spéculateurs russes et de capitaux industriels et bancaires français. La manœuvre est toutefois dirigée depuis Saint-Pétersbourg qui favorise à la fois la russification des biens polonais et l’ouverture du marché aux capitaux français amis10. L’engagement français dans ces deux entreprises reste mesuré : les sites industriels sont simplement affermés, pour 36 et 90 ans, par les sociétés anonymes créées pour l’occasion. Pour les Houillères franco-italienne, le financeur et principal actionnaire est la Banque franco-italienne : il s’agit donc d’une démarche classique de placement de capitaux. La démarche est différente pour le groupe d’industriels et d’ingénieurs qui prend en main le devenir de la Huta Bankowa : c’est une forme de délocalisation de l’activité d’une usine métallurgique française en crise. Les machines et équipements qui servent à la reconstruction des hauts-fourneaux, de l’aciérie et du laminoir de l’usine polonaise sont directement démontés dans l’usine de la Société des forges et aciéries de Firminy et transférés sur le site polonais des Forges et aciéries de Huta Bankowa.
11Ce transfert de technologie et de compétences se traduit par un développement remarquable du potentiel industriel : les 6 premiers fours Martin sont installés dès 1878 et, le 12 avril 1880, l’on assiste à la première coulée de fonte du nouveau haut-fourneau à coke11 : les observateurs sont impressionnés et n’hésitent pas, pour certains, à qualifier d’historique ce jour où toutes les références qui étaient celles de la sidérurgie polonaise se trouvent reléguées dans un autre âge. Les résultats sont impressionnants12 et attisent la curiosité des industriels silésiens13. En 1890, un troisième haut-fourneau de 58 000 t inaugure la « décennie de la fonte polonaise ». La demande est telle, que les usines sont assurées de vendre avant même d’avoir commencé à produire. La fièvre du chemin de fer a gagné l’Empire des tsars : on construit 16 000 kilomètres de voies entre 1886 et 1890, avant d’entreprendre d’apprivoiser l’Orient avec la voie transsibérienne (1891-1900). La Bankowa passe en 1900 la barre des 100 000 tonnes et assure plus du tiers de la production polonaise ; dans la décennie suivante, sa part est de 48 %14.
12Dynamisée par la Bankowa, l’explosion de cette branche est révélatrice de l’apport étranger, tant technique que financier, à l’industrialisation du territoire. Cet apport est moins marqué pour la métallurgie. Son développement se heurte à la politique douanière russe qui introduit à plusieurs reprises des droits de douane prohibitifs sur l’acier et les produits finis de l’industrie métallurgique. Les entreprises polonaises produisent alors essentiellement à partir de fonte importée de Haute-Silésie. Le protectionnisme russe est donc un élément déterminant pour l’expansion industrielle du royaume. La production d’acier de la Bankowa n’est toutefois pas en reste et représente, en 1900, 53 % de la production nationale15.
13La seconde vague de l’investissement français dans le bassin de Dąbrowa se confond, de fait, avec une nouvelle étape du développement des Forges et Aciéries de la Huta Bankowa, amorcée en 1896-1898. Les trois opérations qui se réalisent alors portent le capital-actions des entreprises gérées par les Hexagonaux à 70 millions de francs. L’aciérie de Dąbrowa qui a déjà opéré une première concentration horizontale, entre dans une nouvelle phase, créant les bases solides d’une structure verticale complète. La démarche anticipe la rupture brutale qui s’opère sur le marché russe de l’acier et de la fonte. Totalement assujetti à la demande gouvernementale, ce dernier subit les contrecoups de l’achèvement de la construction de la voie transsibérienne, qu’aucun projet d’importance ne vient remplacer : c’est la fin de « la décennie dorée » de la sidérurgie russe qu’amplifie la crise conjoncturelle du début du siècle. Ayant mis en œuvre une politique de déplacement de ses intérêts vers le Donbass, la Bankowa a en partie préempté l’évolution de la politique pétersbourgeoise qui favorise ouvertement le développement de nouveaux pôles industriels nationaux russes, reléguant les bassins industriels du royaume dans une position secondaire.
14La société française n’en abandonne pas pour autant ses intérêts polonais et réussit à forger, durant les quinze années qui précèdent la guerre, un groupe industriel sans égal sur le marché polonais. Elle parvient ainsi à assurer de très hauts dividendes à ses actionnaires. Nonobstant la crise des débouchés qui s’abat brutalement sur l’industrie russe en 1900, elle distribue ainsi, entre 1899 et 1907, une somme totale de 12,8 millions de francs, égale au double de son capital-actions, rétribuant ses actionnaires à hauteur de 20 à 25 %16. Les 6 entreprises étrangères du secteur ventilent à elles seules 58,6 % de la totalité des revenus distribués par la métallurgie : les trois quarts de cette somme échoient aux actionnaires français de la Bankowa. Au regard du capital originel, la société dabrowienne est celle qui, durant les premières années du siècle, réussit la meilleure rentabilisation : le rendement du capital est, sur cette courte période, de 204 %17. C’est le plus bel atout de la mise hexagonale : à la Bourse de Lyon, la cotation de ses actions nominales de 500 francs atteint 4 400 francs18. Ces sommes importantes ne doivent toutefois pas faire oublier la sagesse de la politique menée durant les deux premières décennies, la société s’étant volontairement abstenue de payer le moindre dividende19. L’aciérie française parvient durant cette même période à maintenir la croissance de sa production : de 1900 à 1913, elle augmente de 40 % pour l’acier (atteignant 170 000 tonnes), alors que la fonte ne progresse que de 10 %. Un élément, néanmoins, ne trompe pas sur les conséquences réelles des nouveaux choix qui s’opèrent : durant la même époque, l’entreprise se sépare du quart de sa main-d’œuvre.
C. Pénétration française dans le monopole énergétique allemand
15Présentes dès les années 1850, deux entreprises allemandes se sont attribué le monopole de la distribution de gaz dans les principales villes polonaises. La plus ancienne, la Deutsche Continental-Gas-Gesellschaft (DCGG) a installé plusieurs centrales : à Varsovie (1856 et 1888), à Vilnus en 1866 et à Łódź en 1870. Les installations de Kalisz (1872) et de Piotrków Trybunalski (1894) sont à mettre au crédit des Vereinigte Gaswerke20. Le secteur énergétique reste sous le contrôle des capitaux allemands jusqu’au début du XXe siècle.
16La création à Paris, en 1903, d’une société de droit français nommée Compagnie d’électricité de Varsovie, marque l’entrée des intérêts français dans un domaine où la technologie et le savoir allemands font référence. Cette démarche est unique et remarquable. Unique, car elle relève d’une diversification de l’investissement français, hors des secteurs traditionnels des mines, de la sidérurgie ou encore du textile. Remarquable, dans le sens où elle s’opère en association avec les capitaux allemands : les intérêts français sont représentés par la Société industrielle d’énergie électrique de Paris, associée à deux entreprises d’outre-Rhin (la Continental Gesellschaft A. G. vorm. Schuckert & Co de Nuremberg et la Continental Gesellschaft für Elektrische Unternehmungen de Francfort21) et à l’entreprise russe Schuckert & Co22. Bien que les sociétés allemandes soient très fortement représentées, il semble néanmoins que les actions soient majoritairement détenues dans des portefeuilles français23. Les capitaux hexagonaux dominent aussi très fortement dans le conseil d’administration (9 Français pour 2 Allemands) et ce sont des Français qui dirigent l’usine de Varsovie. La société a en charge, dans un premier temps, l’éclairage public de la capitale polonaise qui compte 800 000 habitants, et à moyen terme du gouvernement de Varsovie. À partir d’une station centrale installée dans la ville même, en 1903, la compagnie développe en dix années d’activité plusieurs unités pour une puissance totale de 22 500 chevaux. Une seconde station est en projet en 1913, mais la guerre empêche sa réalisation.
17La Cie d’électricité de Varsovie réalise en dix années d’activité des bénéfices de l’ordre de 10,8 millions de francs, dont près de la moitié24 regagne l’Europe occidentale au titre des dividendes. Si l’on ajoute à cette somme 3,2 millions de francs qui servent dans l’intervalle au service des obligations25, ce sont plus de 8 millions de francs qui sont ainsi réexportés, soit plus que le capital initial26. Ces résultats n’ont rien à envier à ceux des autres secteurs. Ils illustrent, une nouvelle fois, la rentabilité intrinsèque des terres polonaises en matière de placements industriels.
II. Les industries extractives abandonnées aux Français
18Domaine clé de la révolution industrielle, l’industrie minière constitue indéniablement le principal espace de concurrence entre capitaux français et allemands. L’arrivée des capitaux français coïncide avec le démarrage de la production houillère, qui passe de 230 000 t en 1872 à 1,38 M de tonnes en 1882. Quatre sociétés, toutes situées dans le bassin de Dąbrowa, assurent 85 % de l’extraction. La plus importante, la Franco-Italienne, est déjà aux mains du capital français, deux autres, Comte Renard et Von Kramst, le seront bientôt. Trente ans plus tard, le capital français qui détient six des neuf sociétés existantes, assure deux tiers des 6,5 M de tonnes de la production totale.
A. Des intérêts français gourmands
19Fondée en 1876 à Paris, sous l’égide des capitaux lyonnais et de la Banque franco-italienne27, la Société franco-italienne des houillères de Dąbrowa, est la plus ancienne implantation du capital français dans les industries extractives des terres polonaises. À l’image de la Bankowa, la Franco-Italienne connaît, dans sa période française, une expansion tout à fait remarquable, grâce entre autres à une reconstruction complète des mines et à l’introduction de nouvelles méthodes d’extraction, plus modernes28. Tout comme la Bankowa, la Franco-Italienne obtient l’autorisation du gouvernement russe pour le transfert exonéré de droits de douanes de machines, matériaux et équipements destinés à la modernisation de son entreprise29. En 1890, à la fin de ce que l’on considère comme la période de prise en main de l’entreprise et qui coïncide avec la fin des travaux d’une nouvelle mine très moderne baptisée Paryż, la Franco-Italienne passe le cap du million de tonnes30.
20La plus ancienne des houillères françaises est appréciée pour la qualité de son administration. Elle parvient en effet, malgré un capital de fondation assez faible et qui ne sera jamais augmenté, à accroître sa production, tout en dégageant des fonds importants, tant pour l’autofinancement que pour la rétribution des actionnaires. En 1911, ces réserves s’élèvent à 1,4 million de francs et représentent plus du tiers du capital nominal. Les bénéfices suivent la courbe de la production et représentent, pour l’ensemble de la période 1897-1914, 24 millions de francs, dont 14 millions de francs réexportés en France pour le seul paiement des dividendes. Ces derniers qui devaient être payés à hauteur de 6 %, le sont en fait durant cette période à plus de 20 %. En 1908, la société peut même se permettre de racheter son capital, augmenté pour l’occasion à 12 millions de francs.
21La spécificité de l’exploitation par le système de l’affermage, tel qu’il est mis en pratique par la Huta Bankowa, la Franco-Italienne et la Société minière franco-russe, semble procéder d’une adaptation à la législation russe qui interdit la transmission des biens fonciers et industriels à des sujets non russes, les étrangers se retrouvant de fait limités à un partenariat financier et technique. L’apparition de la Société des charbonnages, mines & usines de Sosnowiec relève indirectement de ce système. Cette nouvelle société, fondée en Russie par des capitaux français au début de 1891, reprend de fait les possessions et exploitations minières florissantes de la famille aristocratique allemande von Kramst arrivée en pionnière dans le bassin dès 1863. L’ensemble comprend un immense domaine de plus d’une dizaine de milliers d’hectares doté de 55 concessions de houille, 21 concessions de zinc et de plomb, de concessions de fer, etc.31. L’acquisition conduite par le Crédit industriel et commercial32 s’élève à 34 millions de francs.
22Profitant d’une structure géologique remarquable33, permettant un rendement exceptionnel, l’activité de l’entreprise est dominée par les charbonnages. Prenant, à l’inverse de la Bankowa ou de la Czeladź, la suite d’une exploitation en parfaite santé industrielle, la Sosnowiec s’affiche d’entrée comme le chef de file des houillères polonaises. Sa production, en progression dès les premières années, atteint en 1897-1898 1,7 million de tonnes34, soit plus de 40 % de la production du royaume. La Sosnowiec est une entreprise gigantesque pour le lieu, l’une des plus importantes sociétés houillères du pays. L’importance et l’étendue de sa production lui valent d’être comparée à de brillantes sociétés du bassin franco-belge, et on l’appelle couramment l’Anzin ou la Vieille Montagne russe. Elle emploie au total, dans ses mines de houille et de calamine, dans ses usines et ses ateliers, près de 7 000 ouvriers.
23L’entreprise de Sosnowiec affiche des bénéfices croissants et se positionne comme un des leaders du groupe français de Russie. Elle n’échappe pas de ce fait à la spéculation boursière. Au seuil du nouveau siècle, l’action de 500 francs atteint une cotation de 2 850 francs. La société bénéficie d’une grande confiance, en partie grâce à ses résultats industriels, mais aussi par la régularité des dividendes qu’elle verse à ses actionnaires. Aucune année creuse : au total de la période, les sommes réexportées à ces fins se montent à près de 78 millions de francs, soit trois fois le capital-actions de la société. La démarche de la Sosnowiec est donc résolument tournée vers la satisfaction des actionnaires, ce qui, en l’occurrence, n’est pas antithétique d’une politique d’investissement et de développement de l’appareil de production. On ambitionne pour le début du nouveau siècle un doublement de la production de 1,5 million à 3 millions de tonnes35. Mais la Sosnowiec stagne sur ses acquis. Celle qui fut un temps la plus prometteuse des houillères françaises du bassin de Dąbrowa semble avoir échoué à affronter la concurrence de nouveaux venus. La confiance perdure toutefois et sa cotation se maintient à 1 500 francs à la veille de la guerre.
24La plus modeste, en apparence du moins, des sociétés houillères françaises installées dans le bassin de Dąbrowa, la Société française de mines de Czeladź, voit le jour à Paris en 1879, afin de reprendre, des mains d’Ernest Kramer, petit exploitant allemand de Silésie, une petite mine située à Piaski, au nord de Sosnowiec. Bien que détenant le capital nominal le plus bas de l’ensemble hexagonal, les Houillères de Czeladź affichent en 1913, les plus hauts dividendes de l’ensemble français : 120 francs par action de 500 francs, soit 24 % de l’apport. Ce n’est en fait, que le point culminant de quinze années successives de bénéfices spectaculaires, qui assurent aux actionnaires de la société un pourcentage moyen de dividendes de 16,7 % entre 1899 et 1907 et 21 % entre 1908 et 1913. Le total des sommes rapatriées dans ce cadre dépasse les 20 millions de francs, ce qui représente près de sept fois la hauteur du premier capital initial, et plus du double du capital de 1913. Ce résultat illustre de manière exemplaire la rentabilité de l’ensemble des investissements engagés dans le bassin de Dąbrowa. Ainsi, les Houillères Saturn, voisines de la Czeladź, aux mains des industriels allemands du textile de Łódź depuis 1900, réalisent des bénéfices de même ordre, mais avec un capital de base plus important36 : elles offrent entre 1907 et 1913 des dividendes moyens de 7,5 %37.
25Pourtant en 1879, au moment où les investisseurs français prennent en main l’exploitation de la mine de Piaski, celle-ci offre un tableau pour le moins rustique, décrit sous la plume d’un chroniqueur local :
« La mine était dans un état pitoyable : deux puits avec un cuvelage en bois, constamment inondés, deux hangars équipés de treuils manuels, quelques seaux destinés à remonter le charbon et à puiser l’eau, de rares cabanes de mineurs et tout autour : le désert »38.
26Les difficultés sont en fait bien plus importantes que celles relevées par les investisseurs français dans un premier temps et la société connaît une mise en activité très lente. Durant les quinze premières années, la production oscille entre 100 000 et 150 000 tonnes, et les rares bénéfices, immédiatement engloutis dans les travaux de modernisation, ne suffisent pas à assurer le démarrage véritable de l’exploitation. Le déblocage n’intervient finalement qu’à la fin du XIXe siècle, grâce à un apport financier extérieur, venu peut-être de la Société générale de crédit industriel et commercial, qui occupe alors une place importante au conseil de surveillance la société. Il permet d’entreprendre les travaux les plus importants. En 1898, la production décolle et passe de 117 000 tonnes l’année précédente à 232 000 tonnes39. On distribue cette même année les premiers dividendes, encore modestes, d’une vague par la suite ininterrompue. Le démarrage se confirme rapidement, affichant une progression continue de la production : multipliée par trois entre 1894 et 1904, elle atteint 618 000 tonnes à la veille du conflit mondial40.
27Les Houillères de Czeladź affichent une réussite ostentatoire : le triplement du capital en 190541 est réalisé en grande partie grâce à des sommes défalquées sur les bénéfices. Ces résultats vont de pair avec un développement des investissements et une modernisation des équipements : le poste « Immobilisations du compte de premier établissement » passe de 4,6 millions de francs (1894) à 14,5 millions de francs en 1913. La Czeladź emploie, à la veille de la guerre, 1 800 ouvriers. Les investisseurs français qui ont hérité d’un site dépouillé, construisent au début du siècle une cité ouvrière, associée à une salle des fêtes, ainsi qu’une école pouvant accueillir 400 enfants. L’étude des bilans nous a permis d’évaluer à un minimum de 45 millions de francs le total des fonds dégagés au titre du cash-flow, le tout réalisé en trois décennies d’activité, par la plus petite des sociétés industrielles françaises, exploitant une unique mine : c’est quinze fois le capital initialement investi. On comprend que la Czeladź soit au nombre des sociétés françaises de Pologne les plus lucratives et les plus recherchées ; à la Bourse de Paris, l’action de 500 francs cote, en 1909, 2240 francs42. À la veille de la guerre, la capitalisation de l’une des plus importantes valeurs polonaises de la place parisienne atteint plus de 44 millions de francs43.
B. Une hégémonie française menacée
28L’hégémonie française constatée dans le secteur charbonnier est principalement la résultante d’une absence d’opposition réelle de la part du capital allemand. Ce dernier possède la supériorité que lui donne la richesse du bassin haut-silésien, et en particulier le coke ; c’est ce qui explique que son intervention en terres polonaises soit plutôt axée sur l’industrie lourde que la politique douanière russe lui a fermée. Le coke, quant à lui, continue de passer la frontière comme il l’a toujours fait, et le gouvernement russe ne peut se permettre de le taxer excessivement. Le groupe français profite de cette prépondérance pour imposer à l’industrie polonaise, son principal client, une politique des prix et de la production favorable à ses intérêts. Ainsi, les sociétés sont-elles à l’origine d’une entente secrète, qui intervient en 1897, et dont le principal objectif, rapidement réalisé, est l’augmentation fictive du prix de la houille par une limitation de la production. La production de charbon qui a augmenté de 2 millions de tonnes entre 1884 et 1895, se trouve ainsi ramenée, durant la décennie suivante à une progression d’1 million de tonnes seulement, alors que la demande est bien plus importante ; cette situation entraîne une hausse du prix de la tonne de 5 roubles44. Si l’on considère la production polonaise en 1900, de l’ordre de 4 millions de tonnes, dont plus de 60 % sont fournis par des sociétés contrôlées par des capitaux français45, on peut estimer l’augmentation du chiffre d’affaires des sociétés françaises à plus de 6,5 millions de francs par an. Les marges dégagées par les dix plus importantes sociétés du bassin minier passent, durant cette période, de 11 % à 30 % de leur capital nominal.
29Cette famine de charbon est cruellement ressentie dans le pays, en particulier par les industriels du textile et les chemins de fer. Elle conduit le gouvernement russe à intervenir, en favorisant les importations de Haute-Silésie et du Donbass. La principale conséquence est la baisse des droits de douane sur le charbon haut-silésien, déjà fortement favorisé par sa grande proximité. Les industriels allemands de Łódź entreprennent, pour leur part, de s’assurer la maîtrise d’une partie de leur approvisionnement en matières premières et prennent le contrôle de la société dabrowienne Saturn. La stratégie des sociétés houillères françaises se retourne donc contre elles et les contraint, face à cette nouvelle concurrence, à chercher, dès 1903-1904, de nouveaux marchés, plus loin, en Russie. La réaction dynamique du gouvernement russe et des principaux représentants de la première industrie du pays illustre en pratique, si l’énoncé des chiffres n’y suffisait, la mainmise exercée par le capital français sur la houille polonaise. La cartellisation amorcée par les entreprises houillères françaises de Dąbrowa ne soutient pas la comparaison avec la démarche mise en œuvre par Huta Bankowa dans la Prodameta46 : cette dernière est à l’envergure de l’Empire et c’est l’élément majeur de sa réussite. Les charbonnages, forts de leur position hégémonique sur les terres polonaises, et de leur corporatisme hexagonal, ne parviennent à entrevoir les limites d’une action qui, si elle porte ses fruits à court terme, en leur permettant de générer des marges plus importantes, ouvre aussi grande la porte à la future remise en cause de leur prééminence.
30L’implantation hexagonale dans le charbon de Dąbrowa se déploie en deux phases qui ouvrent et ferment le dernier quart du XIXe siècle : 1876-1879 et 1897-1899. La dernière année du siècle amorce une rupture dans ce mouvement : aucune création de société nouvelle, aucune prise de participation dans des sociétés concurrentes. Le capital hexagonal se distingue en l’occurrence de l’ensemble des capitaux étrangers qui entreprennent à cette époque une nouvelle tentative d’expansion. Les Allemands, en particulier, fortifient largement leur position dans le secteur métallurgique de Dąbrowa. L’attitude française relève-t-elle des contrecoups de la crise monétaire de la fin du siècle, ou encore de la crise industrielle de 1900-1903 ? À la césure du nouveau siècle, deux réactions s’observent parmi les investisseurs français de Dąbrowa. À l’image des entrepreneurs de la Huta Bankowa, quelques esprits pionniers tentent un nouveau pari industriel et financier, plus à l’Est, sur les terres russes du Donbass en particulier. Le capital français du royaume de Pologne apparaît néanmoins majoritairement prudent et pondéré, préférant consolider ses positions. La Franco-Italienne double son capital en 1908, après avoir racheté le capital de fondation. La même année, la Bankowa prend possession des biens qu’elle ne faisait, jusqu’alors, qu’administrer et, pour ce faire, triple son capital initial. Si l’on ajoute la Sosnowiec qui voit son capital passer de 17 à 26 millions de francs en 1895, toutes les sociétés passées sous contrôle français lors de la vague de 1877-1880 affirment deux décennies plus tard leur bonne santé et leur réussite industrielle.
31Le caractère rentier d’une partie des capitaux français est donc avéré. Les dividendes qui sont distribués varient communément entre 6-7 % et 20-25 % du nominal de l’action47. Ces chiffres impressionnent dans l’absolu, tout autant qu’en comparaison des pourcentages distribués dans le bassin polonais ou des résultats obtenus par l’ensemble des sociétés françaises de l’Empire russe48. Le pourcentage moyen des dividendes versés par les sociétés du bassin polonais oscille, entre 1901 et 1913, autour de 14 %, avec une pointe avant-guerre à 17 %, et un creux en 1907 à 10 %. En comparaison, les revenus tirés de l’ensemble russe se situent, pour l’association des mines et de la métallurgie, entre 4 et 8 %. Les revenus des seuls charbonnages « russes »49 sont eux, bien plus bas encore, puisque leur moyenne ne passe pas la barre des 5 % ; et ce sont, à n’en pas douter, les sociétés polonaises qui poussent le chiffre russe au-delà des 4 %, dans les trois dernières années de l’avant-guerre. La moyenne des charbonnages de Dąbrowa se situe, sur ces mêmes années, au-delà de 15 %. C’est donc très justement que les affaires polonaises se voient honorées dans un rapport de l’Union des porteurs de valeurs russes50 du titre de « groupe exceptionnel ». Le mémoire précise encore qu’il convient de les distinguer de l’ensemble des investissements opérés dans l’Empire russe, car les entreprises polonaises font montre d’un équilibre financier meilleur et d’un rendement supérieur. Le rapporteur y décèle les conséquences logiques d’une meilleure administration et de la « haute culture des Polonais » (sic)51.
C. La citadelle de Dąbrowa : victoire française ou abandon allemand ?
32Dans les charbonnages, nous n’assistons pas à la création de sociétés nouvelles, mais uniquement à la superposition du capital français à un rapport de forces déjà existant où, par impuissance du capital autochtone, polonais ou russe d’ailleurs, c’est le capital allemand qui est jusqu’alors maître des lieux. Quelle est la réalité de cette prise de position ? Peut-on réellement parler de substitution du capital français au capital allemand ou simplement de diversification des capitaux ? Existe-t-il un rapport de forces entre les deux groupes majoritaires ? Est-on en présence d’un épisode supplémentaire de la bataille que se livrent, à la fin du XIXe siècle, la France et l’Allemagne, en matière de contrôle économique de l’Europe continentale ? De notre point de vue, il n’y a pas d’affrontement véritable. Pour les capitaux allemands, le bassin de Dąbrowa n’est qu’un bassin annexe, où ils cherchent à contourner les obstacles dus à la politique douanière russe, en créant des filiales ; la concentration y reste aléatoire, ce qui laisse libre cours à l’expansion hégémonique hexagonale. Les Français bénéficient pour leur part de la clémence des autorités russes qui favorisent leur installation, avec la volonté délibérée de contrer le poids de la présence allemande. Le transfert « de nationalité » s’opère dans les dernières années du XIXe siècle. En 1881, les capitaux français assuraient 19,82 % de la production contre 57,16 % pour les capitaux allemands. Le basculement est effectif en 1896 avec le passage de la société von Kramst aux mains d’investisseurs français, et se trouve renforcé en 1899 par le rachat de la société allemande Comte Renard ; la part allemande dans la production houillère tombe alors à 10,61 %, contre 67,76 % pour les intérêts français52.
33L’opportunisme des investisseurs français débouche sur l’éviction des capitaux allemands : les Français détiennent en 1913 six des neuf plus importantes entreprises houillères du pays. Le capital français contrôle à lui seul plus de 57 % du capital nominal des sociétés houillères, pourcentage qui s’élève à 65 % si l’on ajoute les sociétés contrôlées en association avec le capital allemand. Cette domination est plus affirmée encore si l’on s’arrête aux chiffres de la production : ce sont les deux tiers de l’extraction de houille polonaise que contrôlent les investisseurs français53. Les intérêts allemands sont plus mesurés : 23 % du capital et 13 % de la production. Avec le charbon, les Silésiens ont aussi abandonné aux Français l’extraction du minerai de zinc : en 1900, la Société minière franco-russe contrôle 80 % de la production de zinc du royaume.
34Le secteur de l’industrie métallurgique et des machines est l’une des rares branches où s’impose peu à peu une concurrence polonaise. Elle s’installe sans doute dans l’espace laissé vacant par le déplacement des investissements étrangers plus à l’Est. Le mode d’implantation est toutefois différent et l’assise financière des entreprises autochtones beaucoup plus limitée. Aussi, le recul de la part des capitaux étrangers, essentiellement français et allemands, dans les sociétés anonymes polonaises dans les trois dernières années du XIXe siècle, n’illustre qu’imparfaitement le déplacement des intérêts des investissements étrangers vers l’intérieur de l’Empire russe. Si l’on note en effet une diminution de la part des capitaux étrangers qui ne représentent plus en 1899 que 43,7 % du capital social total des sociétés sidérurgiques (contre 67,2 % en 1892), on constate en parallèle une augmentation du nombre de sociétés concernées et une augmentation du capital de fondation total des sociétés étrangères de près de 25 % entre 1897 et 189954. Dans les années qui suivent, la disparition des quelques entreprises polonaises du vieux bassin de Varsovie conduit au renforcement de la place des capitaux français et allemands dans la production sidérurgique polonaise qui passe de 52,2 % en 1883 à près de 80 % à la veille de la Première Guerre mondiale.
III. L’implantation discrète du textile français
35Les industries minières, la métallurgie et l’industrie des métaux assurent ensemble près des deux tiers de l’investissement étranger dans le royaume ; le tiers restant concerne l’industrie textile. Les premières initiatives dans ce secteur relèvent d’une poursuite de la démarche d’industrialisation du territoire entreprise par les autorités polonaises ; ces dernières, soumises à un pouvoir tiers, à court de capitaux, mais toujours soucieuses de soutenir l’activité industrielle du territoire, remettent leurs sites industriels à des investisseurs étrangers : l’un des exemples le plus marquant de ce processus est la reprise, en 1857, de la fabrique de lin de Żyrardów par deux industriels allemands des Sudètes, Hille & Dietrich55. Transformée en société anonyme en 1885, l’entreprise étend son domaine industriel en rachetant quelques-unes parmi les plus prometteuses usines textiles polonaises, au nombre desquelles la filature de jute de Bleszno56, cédée au début du siècle aux industriels roubaisiens de la Chenstochovienne. L’usine de Żyrardów est, au début du siècle, l’un des plus beaux fleurons de l’industrie du royaume : elle emploie plus de 9 000 ouvriers (1900) et affiche un chiffre d’affaires de plus de 10 millions de roubles (1907/1908)57. La qualité de sa production, écoulée à plus de 80 % dans l’Empire russe, est reconnue dans toute l’Europe. En 1913, la prééminence de Hille & Dietrich sur le secteur lin-jute-chanvre est encore incontestable : elle emploie plus de la moitié de la main-d’œuvre et assure près des deux tiers du chiffre d’affaires total58.
A. Allart & Rousseau ouvre la voie aux investisseurs roubaisiens
36À l’opposé de cette démarche individuelle, l’étude de la pénétration française dans le textile polonais révèle une certaine cohésion, une unité, une communauté d’approche. Le textile hexagonal en territoire polonais est d’abord affaire de concentration géographique, à une échelle moindre que le charbon toutefois : deux villes industrielles, Łódź et Częstochowa, distantes de 70 kilomètres, accueillent la totalité des entreprises concernées. L’unité concerne aussi le choix des secteurs d’investissement, le peignage lainier, et la chronologie des arrivées, en deux étapes marquées : 1878, pour les défricheurs, Allart & Rousseau ; 1889-1890, pour la vague suivante, génératrice d’extension durant la dernière décennie du siècle.
37L’installation de la première entreprise textile française dans le royaume de Pologne, en 1878, est concomitante à celle des pionniers du capital hexagonal dans le bassin de Dąbrowa, la Franco-Italienne et les Forges de la Bankowa. Cette proximité chronologique permet de rattacher la venue d’Allart & Rousseau59 au contexte des réformes douanières mises en place alors par l’Empire russe. Bien que nos sources ne nous permettent pas d’affirmer ou d’infirmer cette proposition, il convient toutefois de souligner l’impact direct de la réforme douanière sur ce secteur de l’industrie russe, en particulier pour les productions textiles de qualité supérieure, telles que la soie, le tulle, mais aussi les fils peignés et les tissus qui en sont issus. À postuler des liens préexistants entre l’industrie phare de Roubaix-Tourcoing et l’immense marché d’écoulement de l’Empire russe, l’arrivée des entrepreneurs nordistes pourrait trouver dans ce contexte sa justification60.
38À l’opposé des modes d’implantation des firmes minières et métallurgiques, il n’y a, dans le textile français en terres polonaises, ni affermage, ni prise de participation. Il s’agit dans la quasi-totalité des cas de créations de sociétés, de toutes pièces ou par rachat, sans passage par des intermédiaires russes ou polonais. Ceci s’explique en partie par la structure encore très familiale du capital de l’industrie textile, qui implique des modes d’exploitation différents du charbon, plus directs, avec un contrôle effectif de la société-mère sise en France : on crée du neuf, mais, juridiquement, il s’agit toujours de filiales. L’argument majeur d’une transplantation industrielle réussie reste le choix du secteur de pénétration, en l’occurrence la laine61.
39La société Léon Allart, fils & Cie ouvre la voie au textile français en 1879. Initié par la construction d’une filature (1880), le développement est graduel62 et aboutit en 9 années à la réalisation d’un complexe industriel très compétitif. Les efforts conséquents de développement industriel sont soutenus par des résultats à la hauteur du risque encouru par le précurseur de l’investissement nordiste : entre 1883 et 1886, les bénéfices nets représentent plus de 83 % du capital de l’usine polonaise63 et plus du double des sommes consacrées aux investissements en machines et équipements. L’intégralité de la somme64 rejoint le siège français et constitue les quatre cinquièmes de l’ensemble des bénéfices affichés par la société mère du Nord de la France65.
40Forte de son potentiel, la firme Allart & Rousseau se positionne rapidement à la tête des filatures les plus modernes et les mieux développées de son secteur66. La société roubaisienne est, à la veille de la guerre, l’une des deux entreprises françaises à avoir pris une place remarquée au cœur de la « Terre Promise » du capitalisme polonais67. En 1912, Allart & Rousseau domine les onze sociétés par actions du secteur lainier et assure le troisième chiffre d’affaires68 sur l’ensemble des 41 SA de la branche textile, loin toutefois derrière les potentats du coton lodzien que sont les établissements Poznański (12 millions de roubles) et Scheibler (21 millions de roubles)69.
41Les établissements Allart et Rousseau ont ouvert la voie, ils ont creusé peu à peu le lit du cours de la pénétration des capitaux français dans le textile polonais. Leur expérience et leurs premières réussites font des émules chez leurs collègues roubaisiens qui lancent trois nouvelles entreprises dans l’aventure polonaise durant la dernière décennie du XIXe siècle. Une décennie aura toutefois été nécessaire à jauger les risques encourus, tout en analysant les potentialités du marché, avant de déployer des moyens supplémentaires.
B. Motte, acteur de la pérennisation du textile français
42La seconde étape de l’intervention des capitaux français dans le textile polonais est symbolisée par un nom : Motte. Le plus illustre patronyme du textile roubaisien, représenté en la circonstance par l’héritier de la lignée, Eugène, rassemble sous sa coupe tout ce que le Nord textile compte de volonté d’expansion est-européenne, pour accomplir une opération de grande envergure, qui allie diversification industrielle et concentration de capitaux, et dont les territoires polonais ne constitueront en fin de compte qu’un rameau70.
43Chronologiquement, et suivant en cela la ligne de Allart et Rousseau, c’est d’abord dans l’industrie de la laine peignée que se fixe l’industriel nordiste, au travers de deux entreprises créées en 1889-1890 : l’une à Łódź, la firme Paul Desurmont, Motte et Cie, l’autre à Częstochowa, les Usines Motte, Meillassoux et Caulliez. Eugène accomplit en terres polonaises ce que son père, Alfred, n’a pas réussi en France : l’intégration complète d’une branche donnée de l’industrie textile, rassemblant en un même lieu et sous une même administration toutes les étapes de la transformation de la matière première (filature, tissage) jusqu’à la finition (teinture et apprêt)71. L’éloignement des sociétés génitrices sises en France, les rigueurs de la politique douanière russe : ces deux aspects, parmi d’autres, soulignent la nécessité d’une maîtrise complète de la fabrication. C’est un élément majeur dans la conquête des immenses étendues russes et extrême-orientales qui représentent souvent plus de 80 % des débouchés : cette intégration verticale s’impose donc d’elle-même. Elle concourt à moyen terme à une diminution des coûts, et donc à une augmentation de la rentabilité.
44La seconde phase d’expansion de l’industriel roubaisien s’ouvre avec le rachat en 1900 de la plus ancienne filature de jute du pays72. L’entreprise créée trente ans plus tôt par le célèbre financier polonais Léopold Kronenberg73 est située dans une région en pleine expansion industrielle. Le district de Częstochowa jouit d’une position privilégiée74, à proximité immédiate de la frontière prussienne, dans le prolongement direct du bassin houiller de Dąbrowa, avec lequel il possède une liaison ferroviaire. C’est le nouveau pôle de l’industrie textile (métallurgique aussi) polonaise, qui explose dans les années 1880-189075.
45Fondée en février 1900, avec un capital de 12,5 millions de francs, la Chenstochovienne apparaît de fait comme la pupille76 de l’autre entreprise roubaisienne de la ville, les Usines Motte, Meillassoux et Caulliez. La Chenstochovienne77 participe à une démarche de diversification des premiers apports effectués dix années plus tôt78. L’entreprise connaît une sage progression : elle double, en l’espace de douze années (de 1892 à 1904), le nombre de ses ouvriers ainsi que la valeur de sa production79. Les industriels roubaisiens font le pari de la rentabilité. Ils choisissent de s’intéresser à des branches moins prestigieuses de leur industrie, mais garantes de profits élevés : le coton et le jute. Les opportunités du marché est-européen sont énormes et le développement industriel remarquable de l’entreprise (construction de nouveaux ateliers, mécanisation), autofinancé, n’interdit pas de dégager des bénéfices conséquents80.
46Un premier pic est atteint en 1909. Les ventes passent la barre des 20 millions de francs. L’analyse sectorielle permet de saisir l’atout que représente la structure duale de l’entreprise et de relever aussi l’opportunisme dont font montre les investisseurs roubaisiens, en choisissant de s’ouvrir au coton. C’est en effet, la production cotonnière qui assure les deux tiers des 7,6 millions de roubles du chiffre d’affaires de 1909. Bien que secondaire pour la valeur de sa production, le jute est toutefois moins sujet aux perturbations que la branche cotonnière. C’est l’un des enseignements de la crise de 1904-1905 : le jute résiste mieux, sa production ne perd qu’une dizaine de points, alors qu’au même moment, la chute de plus de 50 % de la production des cotonnades impose la fermeture de deux tiers des ateliers de tissage81. La dépendance envers le marché russe, tant pour l’écoulement82 que pour les fournitures en fibres de coton, est salutaire en période de calme, mais par contre beaucoup plus difficile à gérer sur le moyen terme, dans les secousses répétées d’un Empire en crise latente. La dualité de la production est un facteur important. Associée à la modernisation constante de l’appareil productif, elle explique la très bonne image d’ensemble de l’activité de la société durant les treize premières années du XXe siècle.
47Cette image est renforcée par le versement dans les années qui précèdent le conflit mondial de surdividendes en compensation des années échues83. L’effort est remarquable. La somme des dividendes versés en 1910-1914 s’élève ainsi à plus de 6,2 millions de francs, soit plus des trois quarts des dividendes alloués sur l’ensemble de la période. Ce souci de rassurer les rentiers de la place lilloise encourage ces derniers à participer à l’augmentation du capital nominal qui amène la création d’une filiale française consacrée au négoce en 1910.
48La réussite des entrepreneurs roubaisiens fait des adeptes hors des frontières du Nord industriel : en décembre 1909, une cinquième société française s’établit en terres polonaises. Fondée à Paris, avec un capital de 18 millions de francs, la SA de l’Industrie textile (SAIT)84 prend la suite de la société belge Peltzer & Fils de Verviers, installée à Częstochowa depuis 1887, principalement orientée vers le peignage lainier. Les premiers mois d’activité n’annoncent pas de bouleversements majeurs. Le degré d’équipement et la productivité tout à fait satisfaisante de la société n’imposent pas de gros investissements. Le rendement de la SAIT, qui se situe au-dessus de la Chenstochovienne, avec 2 700 roubles/ouvrier pour 1913, contre 2 027 à l’usine de Bleszno85, illustre la bonne santé de l’entreprise. La SAIT affiche, à la veille du conflit mondial, un chiffre d’affaires de 8,6 millions de francs86, qui la situe à peu près au même niveau que sa voisine Motte, Meillassoux & Caulliez. Le ratio du bénéfice brut sur le chiffre d’affaires, qui atteint lors de ce dernier exercice, près de 25 %, place la dernière venue à l’avant-poste des sociétés françaises quant à la rentabilisation de son activité industrielle. Durant les quatre années de gestion française, la SA de l’Industrie textile distribue un total de 4,6 millions de francs, ce qui constitue plus de 62 % de l’ensemble de ses bénéfices. De toute évidence, la dernière-née des sociétés françaises en terre polonaise n’a rien à envier à ses aînées.
C. Volontarisme et expertise de l’implantation française dans le textile polonais
49De 1875 à 1913, 19 entreprises textiles liées au capital étranger voient le jour, dont 9 fondées par des capitaux allemands et 5 par des capitaux français. L’implantation des capitaux étrangers est diversifiée et s’étend aussi au jute et au chanvre (Société des Frères Goldstein, Oderfeld et Oppenheim, filiale de la société Hille & Dietrich à Bleszno). Le Roubaisien Allart et quelques Allemands s’installent à Łódź, mais majoritairement les nouveaux venus se regroupent à proximité immédiate de la frontière dans la région de Sosnowiec-Częstochowa. Ce choix géographique n’est pas anodin. Si, pour les industriels silésiens, l’intérêt est énergétique, pour ceux du textile, il est commercial. Les droits de douane qui sont prohibitifs sur les produits finis, restent faibles sur les matières premières, et favorisent donc le maintien de liens très forts avec les sociétés mères allemandes sises pour partie en Saxe (Dietel, Frères Ginsberg87), mais aussi avec les banques berlinoises qui créditent leurs achats et les ports de la Baltique qui permettent d’acheminer les importations de matières premières.
50Ces nouveaux capitaux arrivés dans le dernier quart du XIXe siècle, associés à quelques capitaux belges et anglais, représentent en 1900, 22,9 % de la valeur de la production du secteur ; élément non négligeable en terme d’apport de sang neuf. Les nouveaux venus, à l’image du pionnier de l’investissement textile français, le Roubaisien Allart & Rousseau, font le choix de nouvelles branches textiles, inexistantes dans le royaume : celui de la laine peignée (H. Dietel, CG Schön, Allart, etc.), mais aussi celui de la laine de vigogne, introduite par la société H. Kürzel88, venue de Saxe, suivie en 1883 par la société Schmelzer. Les investisseurs hexagonaux tentent donc de s’infiltrer dans un domaine encore vierge de l’industrie polonaise et qui correspond, qui plus est, à un secteur de pointe dans leur pays d’origine. Nous retrouvons ici un des schémas majeurs des mécanismes de l’investissement international tels que les analyses Gilles Y. Bertin89 : la prise en charge d’un secteur industriel sous-développé nécessitant un transfert de technologie fondamental. On assiste, en conséquence, comme c’est le cas pour la Bankowa, à une transplantation des machines et des équipements de France vers l’usine de Łódź. La filiale polonaise a ainsi l’opportunité de tirer parti d’une importante avance technologique dans un des domaines de premier plan de l’industrie hexagonale. La compétitivité des sociétés françaises est potentiellement assurée, dans un marché en pleine expansion où la demande de laine peignée se fait croissante pour l’élaboration de produits textiles de haute qualité.
51Allart & Rousseau, la Chenstochovienne, Motte & Meillassoux et la SAIT rassemblent, en 1909, un chiffre d’affaires total de 21 millions de roubles, soit 16 % de la valeur produite par les 27 plus importantes entreprises polonaises du coton et de la laine90. On peut donc estimer la pénétration française dans l’industrie textile du royaume comme assurant le contrôle d’un peu plus d’un septième de l’ensemble91. C’est loin de l’omnipotence exercée par le capital hexagonal sur les houillères. Les traces laissées par cette présence n’en sont pas moins notables, en particulier dans le bassin encore jeune de Częstochowa : en 1913, le capital français assure 40 % de la production industrielle totale92, pourcentage qui passe à 70 %, si l’on considère la seule branche textile93. Les sociétés hexagonales sont aussi les maîtres employeurs de la ville de la Vierge-Noire : la Chenstochovienne occupe 4 200 ouvriers, autant que ses deux homologues réunis, sur un ensemble de 10 400 salariés employés dans cette branche94. L’introduction concomitante des capitaux français et allemands, associés à quelques intérêts belges, contribue à l’éclosion d’un nouveau bassin industriel qui, sans pouvoir entrer en concurrence avec celui de Łódź, n’en constitue pas moins un atout important du développement industriel des territoires de Pologne russe. La valeur de la production textile du bassin est multipliée par 50 entre 1882 et 1900, et par 160 % entre 1900 et 191395. Malgré la prééminence de la Chenstochovienne, dans la globalité, les intérêts français et allemands de la région de Częstochowa paraissent s’équilibrer.
52La situation est différente pour les industriels allemands. Pour les capitaux venus directement du territoire du Reich, le royaume représente en période de fermeture du marché russe une sorte de cheval de Troie, seule porte ouvrant l’accès au marché oriental pour les productions allemandes. La réussite des capitaux allemands de « la seconde génération »96 est du même ordre que celle des entreprises françaises évoquées précédemment, à l’exemple de la SA Zawiercie (ex-Frères Ginsberg) localisée sur la frontière germano-polonaise, qui dégage d’importants bénéfices et distribue de non moins conséquents dividendes97. L’implantation massive des nouveaux venus dans le bassin frontalier de Częstochowa-Sosnowiec, associée aux choix très spécifiques des secteurs d’investissement que sont la laine, le jute et le chanvre, conduit à une spécialisation des bassins textiles et crée au sein des industriels de langue allemande, une ligne de démarcation à la fois géographique et sectorielle entre première génération et deuxième génération.
IV. Łódź, la ville des artisans colons devenus patrons d’industrie
53Le secteur textile reste néanmoins tout au long de la période qui nous préoccupe un bastion germanique. Au milieu des années 1880, les Allemands gardent la mainmise sur l’industrie textile du royaume : ils possèdent la quasi-totalité des grandes entreprises et assurent 30 % de la production lainière et cotonnière du territoire ; la production de toile est assurée à 80 % par la seule usine de Żyrardów aux mains de Hille & Dietrich. En 1887, les capitaux allemands assurent avec 12,8 millions de roubles plus du tiers de la production du bassin industriel de Łódź.
A. Une greffe allemande en terre polonaise
54Au seuil des années soixante-dix, la ville de Łódź, la deuxième du pays, a détrôné le vieux bassin industriel de Varsovie et pris la tête de la révolution industrielle qui frappait alors aux portes des terres de la Vistule. Cette mutation s’est faite sous la férule de quelques artisans colons devenus patrons d’industrie et maîtres d’une future capitale industrielle. Ces hommes, tous Allemands de souche, installés sur les terres polonaises depuis les années 1820, constituent une spécificité de la présence économique allemande en Pologne russe à la fin du XIXe siècle. Ils forment, par leur histoire particulière, un groupe spécifique qui est, tout autant que la vague des années 1870-1880, partie prenante de l’engagement industriel et financier allemand. Constituent-ils pour autant un poste avancé de « l’impérialisme à l’allemande »98 tel que le définissait René Girault ?
55Les historiens polonais chiffrent à environ dix mille familles99 originaires des territoires de la Confédération germanique et de la Prusse (soit environ 50 000 personnes), les artisans textiles allemands100 installés en territoire polonais durant les années 1820. Cet épisode est désigné par l’historienne polonaise Wirginia Grabska comme « la greffe d’un artisanat étranger et de son capital sur les terres polonaises dans le cadre d’une politique volontariste de développement industriel dirigé par le gouvernement du royaume de Pologne »101.
56Cet appel aux artisans, recrutés par de véritables chasseurs de tête, semble avoir trouvé un écho favorable dans certaines régions de l’Ouest de l’Allemagne gagnées par la paupérisation. Ces migrants, accueillis à bras ouverts, aidés dans leur installation, sont à l’origine de la naissance de l’industrie textile polonaise au XIXe siècle.
57La singularité de ce phénomène soulève plusieurs questions, objet de débat entre les historiographies polonaise et allemande, en particulier celui de la « paternité » de l’industrie textile polonaise. Si le rôle des artisans allemands est avéré, il relève essentiellement de l’apport technique, moins de l’apport financier car il semble que peu de migrants soient arrivés avec des capitaux importants. L’intérêt des gouvernements polonais successifs pour ce qui s’avère être les prémices de ce que l’on nommera « le travail organique » est illustré par la venue à la même époque de Philippe de Girard, inventeur français, débauché en Angleterre et installé en Pologne avec un contrat de développement industriel102. Certaines manufactures appartenant au Trésor polonais passent alors aux mains d’investisseurs allemands : ainsi la plus grande manufacture polonaise de draps, créée en 1820, entre en possession des industriels Fraenkel et Wietsche ; la manufacture de tapis créée par Stanisław Staszic103 en 1817 passe à un certain Geysmer104.
58L’historiographie polonaise considère qu’il y a eu peu d’apports de capitaux extérieurs en territoire polonais jusqu’à la fin des années 1870105. Le passage progressif, dans les années 1850, du textile de Łódź à une phase industrielle sous l’égide des migrants allemands de la première vague serait donc le fruit de l’épargne générée par l’activité artisanale, relayée par l’apport d’un capital autochtone issu du commerce et intégré par mariage. Ce sont le soutien financier et les avantages nombreux offerts par les autorités polonaises qui ont permis le démarrage des activités artisanales, le savoir-faire et la conjoncture économique faisant le reste. On avance ainsi 20 % de capitaux étrangers pour le démarrage, en 1855, de l’activité industrielle d’un des grands noms du textile de Łódź : Karol Scheibler. Le reste du capital initial serait constitué par la dot de son épouse et un prêt conséquent de la Banque de Pologne.
59La transformation des sociétés familiales allemandes du textile en sociétés anonymes se fit donc sans apport conséquent de capitaux neufs, uniquement dans le cadre d’une évolution structurelle. Deux parmi les plus importantes sociétés du textile de Łódź, les Ets Scheibler et les Ets Geyer, se transforment en sociétés anonymes dans les années 1880 en attribuant l’intégralité des actions nominativement à la famille du fondateur sans soumettre la société à une cotation boursière. Ainsi, en moins de deux décennies, quelques artisans allemands devenus patrons d’usine ont transformé la périphérie de la petite ville de Łódź en un des premiers bassins textiles de l’empire russe.
B. Les industriels allemands, maîtres de Łódź
60Le graphique qui suit illustre parfaitement la prééminence de l’élément allemand parmi les industriels de la ville de Łódź. À partir de 1884, le nombre des industriels augmente constamment pour atteindre, en 1913, 548 personnes. Le phénomène le plus remarquable dans cette progression est la diversification qui s’opère dans les activités, avec la croissance du nombre des entrepreneurs allemands engagés dans des branches non textiles. À noter que le groupe allemand est le seul à opérer une telle diversification de ses activités : en 1913, il a perdu sa prééminence dans le groupe textile dont il constitue néanmoins plus du tiers des membres (37 %) et représente la majorité des industriels des branches non textiles, avec 242 membres, soit 57,9 % de l’ensemble.
61Ce constat traduit la capacité d’adaptation des entrepreneurs allemands de Łódź, mais aussi leur ancrage à long terme dans la ville dont ils contribuent par leur activité à organiser le cadre économique et social. Ces chiffres concernent l’ensemble des industriels de Łódź. La perte d’hégémonie du groupe allemand dans l’industrie textile s’explique par l’installation massive dans la ville d’industriels non allemands, majoritairement russes et polonais, membres de la communauté juive, attirés par l’expansion de la ville au seuil des années 1890. Ces chiffres ne traduisent qu’imparfaitement la place réelle de l’élément allemand dans la production textile de la ville ; les migrants allemands de la première vague constituent en effet l’essentiel de la grande bourgeoisie de Łódź et détiennent les plus grandes entreprises de la ville. En 1914, ils contrôlent plus de la moitié des sociétés textiles de plus de 1 000 ouvriers et près des deux tiers des entreprises de 300 à 1 000 ouvriers.
62L’apport de ce groupe au développement industriel, social et économique du bassin de Łódź, dans les années 1880-1914, est remarquable et dépasse largement le cadre de l’industrie textile. La réussite exceptionnelle des grandes familles allemandes de Łódź les pousse à se rassembler au sein d’ententes industrielles et financières visant à la fois à diversifier les revenus et les activités, mais aussi à soutenir le développement industriel des autres sociétés de la ville, celles de la communauté allemande en particulier, à travers un système de prêts mutuels. Le groupe allemand est ainsi à l’initiative de la création de plusieurs établissements bancaires : le Bank Handlowy de Łódź en 1872107, la Kasa Pożyczkowa en 1881 ou encore le Bank Kupiecki en 1897108.
63Ces groupes industriels et financiers dominés par les grandes familles locales (Scheibler-Herbst, Geyer, Heinzel, Grohman, etc.) contribuent aussi à moderniser « leur » ville en construisant la première ligne de tramway du pays, ou encore en prenant en main la distribution de gaz. Ils investissent dans les chemins de fer et construisent la ligne Łódź-Koszulski qui raccroche le bassin de Łódź à la capitale. Les ambitions de la famille Scheibler-Herbst, en particulier, dépassent dès le milieu des années 1880 les frontières devenues trop étroites du bassin lodzien. Ils participent ainsi en 1885 à 35 % du capital de fondation de la Société des Hauts Fourneaux et Usines Métallurgiques d’Ostrowiec109. Durant la décennie suivante, ils suivent le vent des investissements qui quittent les terres polonaises vers la Russie et prennent part, en lien avec la société allemande de Dąbrowa, W. Fitzner & K. Gamper, à la construction d’une usine métallurgique à Kramatorsk, dans le bassin méridional de la Russie.
C. Dualité de l’apport germanique
64Force est de conclure à une réelle dualité de l’apport allemand à l’industrialisation de la Pologne russe au XIXe siècle : dualité temporelle, dualité aussi en ce qui concerne l’investissement direct, le capital financier dégagé par les industriels de Łódź, le développement d’autres branches apparaissant comme complémentaires des investissements directs opérés par la génération des migrants des années 1860-1880. Le débat reste ouvert avec l’historiographie polonaise qui, dans son ensemble, tend à distinguer les capitaux qui ont traversé la frontière, assimilés à l’apport étranger, et les capitaux produits par les activités développées sur le territoire polonais, considérés comme assimilés ou polonisés. La question est passionnelle et a longtemps divisée historiens allemands et polonais. Au crédit de la thèse polonaise qui insiste sur cette dimension polonisée du capital industriel allemand, il faut souligner la sédentarisation des migrants de la première génération, dont les liens avec le pays d’origine sont souvent distendus et qui n’ont d’autre volonté que d’utiliser leurs revenus à poursuivre le développement de leur terroir d’accueil alors que l’on dénonce la propension des capitaux étrangers à réexporter leurs bénéfices vers leur terre d’origine sans réellement s’impliquer dans le devenir du pays d’accueil.
65Aussi, les Allemands de Łódź n’hésitent-ils pas à s’opposer à leurs compatriotes quand leurs intérêts sont menacés. Une dure bataille oppose, dans la dernière décennie du siècle, les investisseurs allemands de la SA Siemens-Halske et les industriels germano-lodziens pour la concession de la centrale électrique municipale. La lutte dure trois années. Elle nécessite la médiation russe qui déboute finalement le capital endogène au profit de la société Siemens-Halske. Pourtant, si les capitaux allemands s’opposent ainsi entre migrants de la première génération et nouveaux venus, la solidarité nationale se réveille quand les intérêts allemands sont menacés. En 1897, réagissant à la famine du charbon provoquée par le cartel des houillers français de Dąbrowa, les industriels allemands du textile de Łódź créent le consortium de consommateurs de charbon Kunitzer et Co, qui fournit ses membres en charbon silésien, contournant ainsi la mainmise française sur la houille du royaume. Ce rapprochement avec le groupe silésien débouche la même année sur la reprise par les industriels du textile d’une société aux mains de la famille silésienne Hohenlohe von Oehringen. Les industriels allemands de Łódź, dont la société assure 12 % de la production polonaise, viennent ainsi concurrencer les houillers français de Dąbrowa dans leur bastion. Le bénéfice est double : comme toutes les sociétés houillères du bassin, la société Saturn offre des dividendes remarquables110, mais elle assure surtout l’indépendance énergétique des industriels allemands face aux houillers français.
66Au seuil du nouveau siècle, Łódź perd sa dimension de ville allemande, mais elle demeure un bastion remarquable du savoir-faire industriel allemand à l’est de l’Oder et un élément non négligeable d’une politique de germanisation possible. Les liens restent forts avec le pays d’origine. Les banques, en particulier la Deutsche Bank et la Mitteldeutsche Kreditbank, ou encore la Bank für Handel und Industrie à Berlin, fournissent des crédits aux sociétés allemandes ou apparentées. Les capitaux sont allemands, les machines et les ingénieurs et les contremaîtres aussi, le coton américain est débarqué dans des ports allemands… La Pologne ne constitue ainsi qu’un espace de développement…
67L’assimilation, si elle est réelle en termes de polonisation des capitaux allemands, reste par contre très limitée en ce qui concerne la dimension culturelle. La langue allemande continue d’être la langue du commerce textile et les éléments d’affirmation du Deutschtum ne sont pas étrangers à l’histoire de la ville à la charnière du siècle. Même si ses habitants tendent à se définir de plus en plus comme des « Lodzmenshen », l’intégration n’implique que très rarement une dégermanisation et les communautés qui composent la ville continuent de se distinguer par la langue et la religion, mais aussi par l’appartenance sociale ; même si l’apport allemand pénètre l’ensemble des couches sociales, la bourgeoisie est dominée par les grandes familles allemandes qui marquent la ville de leur empreinte.
68L’apport allemand au développement industriel des terres polonaises dans le second XIXe siècle ne se chiffre donc pas uniquement en investissement direct, mais aussi et surtout en transfert de savoir-faire, en technicité, en esprit d’entreprise, et plus généralement en engagement dans la mise en valeur de leur terre d’accueil.
V. Bilan du rapport de force franco-allemand en terre polonaise
69Les quatre branches industrielles que nous avons évoquées concentrent près des neuf dixièmes des 170 millions de roubles de l’investissement étranger dans l’industrie polonaise en 1913. La part des capitaux étrangers dans l’industrialisation des terres de la Vistule apparaît remarquable. En 1900, les entreprises étrangères emploient 55 % de la main-d’œuvre industrielle. Dans le textile, leur part atteint les deux tiers. Elles assurent 60 % de la production industrielle et 75 % de celle du textile111.
70Les capitaux français et allemands se partagent donc les secteurs clés de l’industrialisation du royaume. Les manœuvres opérées de part et d’autre ont débouché sur un partage des branches d’activité. Les Français assurent la mainmise sur les industries extractives (90 %) et se maintiennent à 30 et 40 % dans le textile et l’industrie des métaux. Les Allemands dominent ces deux secteurs ainsi que la métallurgie. Au total, l’investissement français et allemand sur la période 1870-1913 semble s’équilibrer, avec une légère prépondérance pour l’investissement allemand (46 % contre 44 %). Précisons que ces chiffres, fruits d’une synthèse des travaux d’historiens polonais sur la situation de chaque branche, n’intègrent que les capitaux étrangers entrés en Pologne après 1850.
71Il est indéniable que l’engagement français profite de la faveur des autorités russes, alors qu’à l’inverse les Allemands sont parfois contrariés dans leurs desseins. Les autorités russes tentent de contrôler, mais aussi de russifier l’investissement étranger. Une loi de 1887 interdit l’achat ou la prise de contrôle d’une société par des citoyens non russes. Les Français la contournent en s’associant à des faire-valoir russes ou polonais. Les Allemands de Łódź prennent massivement la citoyenneté russe par commodité113. À l’inverse, les Silésiens s’y refusent, à l’image des héritiers von Kramst qui se voient contraints de céder leurs avoirs à un groupe français.
72L’implantation française en terre polonaise s’inscrit dans le cadre plus général de la pénétration dans l’Empire russe. Bénéficiant d’une position géographique privilégiée sur la marche occidentale de l’Empire et de la précocité de l’investissement étranger, le royaume joue, à partir des années 1890, le rôle de tremplin pour une avancée plus à l’est. Avec 180 millions de francs, la province polonaise se situe au troisième rang de l’ensemble des investissements français en Russie (22,72 %)115. La courbe du capital-actions cumulé des sociétés françaises de Pologne russe montre toutefois une poursuite de l’investissement français, étayé par l’apport de nouveaux capitaux dans les années 1890, et aussi par le développement des sociétés préexistantes qui augmentent à plusieurs reprises leur capital-actions. Ces augmentations sont perceptibles à la fin de la première décennie du XXe siècle : le secteur métallurgie-mines passe de 76 à 95,5 millions de francs (1908), l’industrie textile de 43,5 à 61,5 millions de francs (1910). L’industrie lourde et les charbonnages restent les secteurs privilégiés de l’investissement français : ils concentrent sur l’ensemble de la période116 plus de la moitié du capital-actions hexagonal. Si l’on considère la hauteur des sommes distribuées, c’est aussi la branche industrielle la plus rémunératrice.
73La caractéristique de l’investissement français en terre polonaise demeure sa faible dispersion, tant du point de vue géographique que sectoriel. Le repositionnement de cette perspective dans l’ensemble russe atteste du particularisme polonais. Le capital hexagonal est présent dans presque tous les secteurs de l’activité économique de l’Empire, en particulier dans la banque118, qui constitue le troisième poste de la pénétration française, ou encore dans l’industrie chimique, des secteurs qu’il a totalement ignorés en Pologne. La Pologne a subi les conséquences de la précocité de son développement industriel. Elle s’est positionnée comme un terrain de conquête privilégié, mais uniquement dans des domaines qui avaient déjà fait l’objet d’un premier développement, arrêté un temps pour des raisons tout autant politiques que financières. L’étroitesse de son marché national et le dirigisme des autorités de tutelle russe ne lui donnaient pas la possibilité d’orienter les investissements vers ses propres besoins.
74Ainsi, le capital français, en apportant les fonds, mais aussi les compétences technologiques permet, tout en palliant la carence des capitaux nationaux, de favoriser et réaliser l’expansion industrielle des terres polonaises. Les Français profitent des ouvertures que leur offre leur position de citoyens de la nation alliée pour réaliser ce que le pouvoir tsariste avait interdit un temps aux Polonais. La pénétration française s’appuie de fait sur une rapide rentabilisation des premiers apports, élément qui ne peut qu’œuvrer à un maintien de la présence française. Durant la seule année 1911, le bénéfice net réalisé par les 8 plus importantes sociétés françaises s’élève à 20,5 millions de francs ; il représente 18,3 % de l’ensemble de leur capital-actions et 7,3 % de leur actif total119.
75L’entrée massive de capitaux étrangers, dans un pays à faible capital indigène, dans une période primordiale pour l’industrialisation, pose la question nécessaire de la place qu’il convient de leur attribuer et de leur reconnaître dans ce processus de maturation. La réponse est complexe. En ce qui concerne le capital français, objet de nos travaux, on ne peut omettre son orientation rentière, mais il convient aussi de reconnaître le concours positif apporté par les représentants du capital hexagonal cités en exemple, tant pour la gestion de leur entreprise que pour leur contribution à l’évolution technique de leur domaine d’activité. Les historiens s’accordent aujourd’hui à reconnaître la réalité d’une contribution des capitaux étrangers120, allemands et français en particulier, à la dynamisation de l’industrialisation des terres polonaises dans le second XIXe siècle. Cette dimension multiforme de l’apport des investissements étrangers est une réalité avérée des transferts massifs de capitaux opérés tant au XIXe siècle que dans le premier XXe siècle et concerne dans une large mesure tous les capitaux issus des pays en avance technologique quel que soit leur espace d’installation.
76Les écarts de développement industriel que connaissent les différents tronçons du territoire national polonais, démembré à la fin du XVIIIe siècle, illustrent aussi la sujétion des Polonais dans leur ensemble aux choix politiques opérés par les puissances co-partageantes pour leur intérêt propre. Il est indéniable que le royaume de Pologne a profité, à la fois, de sa situation privilégiée de porte d’entrée dans l’Empire russe, mais aussi de la volonté pétersbourgeoise d’industrialisation sans laquelle rien n’eût été possible. Les chiffres des sociétés anonymes créées sur les terres polonaises entre 1876 et 1913 viennent conforter cette affirmation. Trois quarts des 236 SA apparues durant la période sont localisées en Pologne russe ; le tiers de l’ensemble (86 SA) étant par ailleurs apparu sur le territoire du royaume durant les années 1876-1900, largement mises en valeur dans notre propos121. La disproportion entre la contribution des intérêts allemands dominant dans la mise en valeur du royaume de Pologne et le désintérêt de ces mêmes capitaux pour celle de la Posnanie122, pourtant intégrée à la Prusse, vient renforcer nos conclusions sur la dimension de tremplin vers la Russie, attribuée par les capitaux allemands de la deuxième génération aux terres de la Vistule.
Conclusion
77La difficile question de la nationalité des capitaux, l’aspect fluctuant des prises de participation tout au long de la période, la dimension pérenne de l’immigration allemande et de son activité économique, tous ces éléments rendent difficile une estimation chiffrée de la participation française et allemande à l’économie polonaise. Une étude polonaise de 1919 évalue la part des capitaux étrangers dans le royaume entre 800 et 900 millions de francs parmi lesquels 500 à 520 millions, soit environ 60 %, reviendraient aux capitaux allemands, la part franco-belge oscillant entre 250 et 300 millions (environ 30 %). Nous ne sommes pas à même de commenter ces chiffres bruts ; le rapport de force nous apparaît toutefois refléter assez justement la situation réelle des deux groupes nationaux sur le territoire de la Vistule, intégrant en particulier la place remarquable du groupe allemand de la première génération.
78Le déclenchement du premier conflit mondial laisse dos à dos les deux groupes nationaux, désormais antagonistes. La renaissance, en 1918, d’une Pologne souveraine intégrant une partie du bassin haut-silésien pose avec une nouvelle acuité la question de la cohabitation des capitaux français et allemands sur un même territoire. Les deux bastions de la présence allemande sur les terres de la Seconde République Polonaise connaîtront alors un destin très différent : les industriels allemands du textile de Łódź seront progressivement intégrés, considérés globalement comme des citoyens polonais, membres d’une minorité nationale reconnue. À l’inverse, les industriels silésiens, coincés sur une frontière qui partage leurs avoirs entre deux États, considérés comme hostiles, seront brimés et combattus. Les Français, appelés en renfort, échoueront dans leur démarche de rachat des avoirs allemands de Silésie ; leur positionnement hérité du XIXe siècle leur offrira toutefois un ancrage important pour la consolidation de leur pénétration du territoire polonais durant l’entre-deux-guerres123.
Notes de bas de page
1 La première vague de développement de l’industrialisation polonaise dans les années 1820 est interrompue par l’introduction d’une barrière douanière, en représailles à l’insurrection nationale de 1831, avec pour conséquence la fermeture du marché russe pour deux décennies.
2 La première ligne ferroviaire du royaume reliant Varsovie à Vienne a été construite dans les années 1840 à l’initiative d’industriels polonais avec le soutien de la Banque de Pologne.
3 Après 1870, le bassin silésien se retrouve rejeté en périphérie du nouvel Empire recentré sur le bassin rhénan : l’ouverture vers l’Est s’offre alors comme un salut.
4 Sigle de la SA silésienne Oberschlesische Eisen-Industrie AG für Bergbau-und Hüttenbetrieb, créée à Gleiwitz en 1889.
5 Sigle de Oberschlesische Eisenbahn-Bedarfs-Aktiengesellschaft, société silésienne créée en 1871.
6 Dividendes distribués par ces deux sociétés et leurs trois filiales polonaises pour la période 1903-1914. Józef Popkiewicz, Franciszek Ryszka, Przemysł ciężki Górnego Śląska w gospodarce Polski międzywojennej (1922-1939) : studium historyczno-gospodarcze, Opole, Zakład Narodowy im. Ossolińskich, 1959, 504 p, tab. V, p. 28.
7 Zbigniew Pustuła, Kapitały obce w przemyśle ciężkim Królestwa Polskiego (1876-1900), Warszawa, KiW, 1964.
8 Elżbieta Kaczyńska, « Ostrowiec Świętokrzyski », Encyklopedia historii gospodarczej Polski do 1945 roku, Warszawa, Wiedza Powszechna, 1981 t. 2/p. 27
9 Toutes les entreprises silésiennes, ainsi que la Huta Częstochawa (créée en 1899 par les capitaux germano-varsoviens de la SA B. Hantke) passent sous la houlette des deux konzerns silésiens. Z. Pustuła, « Kapitały obce w przemyśle ciężkim Królestwa polskiego (1876-1900) », Warszawa, Kwartalnik Historyczny, 1964/z. 4, p. 397.
10 La période correspond aussi à l’installation de la première agence bancaire française à Saint-Pétersbourg : une succursale du Crédit lyonnais.
11 C’est le premier haut-fourneau moderne réintroduit sur les terres polonaises après l’abandon des premières tentatives, quelques décennies plus tôt, principalement en raison de l’inexistence de ce combustible dans les bassins polonais. En 1872, il restait deux hauts-fourneaux à coke, qui n’assuraient que 15 % de la très modeste production polonaise (31 000 t).
12 16 500 t à l’année, soit 50 % de la production du royaume 3 ans plus tôt. Aleksander Bocheński, Wędrowki po dziejach przemysłu polskiego, Warszawa, Krajowa Agencja Wydawnicza, 1989, t. 2/p. 241.
13 Les industriels silésiens n’hésitent pas à copier certaines de ses installations techniques. La sidérurgie silésienne qui a connu un développement beaucoup plus hâtif que son homologue polonaise, souffre de fait, dans les années 1880, d’un vieillissement notable de son parc industriel.
14 « Huta Bankowa et l’âge d’or de la fonte polonaise », in Mylène Natar-Mihout, L’intervention des capitaux français dans la Pologne de la Seconde République (1918-1939), thèse de doctorat, Université Charles de Gaulle-Lille III, 2003, 1087 p., graphique 9/p. 815.
15 Soit 120 000 t. Le taux de croissance de la production métallurgique de la Bankowa est plus remarquable encore que celui de la sidérurgie, car, pour faire face à la demande, l’entreprise française importe de Silésie une partie de la fonte qu’elle transforme.
16 Dossier de mars 1920, concernant la Sté des Forges & Aciéries de Huta Bankowa. Arch. nat. 187 AQ 72 (7).
17 Le total des sommes distribuées par les 12 SA de la métallurgie polonaise s’élève à 1,88 million de roubles, dont 58,6 % revenant aux 6 SA étrangères. Z. Pustuła, « Kapitały obce w przemyśle ciężkim Królestwa Polskiego (1876-1900) », Kwartalnik Historyczny, R. 71/z. 4, 1964, p. 43
18 Elżbieta Kaczyńska, « Huta Bankowa », Encyklopedia historii gospodarczej Polski, Warszawa, Wiedza Powszechna, 1981, t. 1/p. 266.
19 René Girault précise que c’est le mécontentement de certains actionnaires qui a poussé la Bankowa à enfin accepter de payer des dividendes. Ces taux très importants ne satisfont pourtant pas certains actionnaires, devenus visiblement plus exigeants. Ils poussent la société à s’engager, en 1903, à ne plus réaliser d’achats de parts dans d’autres sociétés au détriment du versement des dividendes. R. Girault, Emprunts russes et investissements français en Russie 1887-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 1973, 626 p., p. 21, (réédition Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999).
20 Czesław Łuczak, Od Bismarka do Hitlera, Polsko-niemieckie stosunki gospodarcze, Poznań, Wydawnictwo Poznańskie, 1988, p. 124-125.
21 Note sur la Société. Arch. min. Fin., B 31526.
22 Filiale de la société allemande du même nom. Idem.
23 Mémoire du consul général de France au ministère des Affaires étrangères, 18 février 1911. Arch. min. Fin., B 31263.
24 Au total 4,8 millions de francs.
25 Le service des obligations s’est poursuivi jusqu’en 1917. Il représente, durant les trois années de guerre, 2 nouveaux millions de francs, soit une somme globale de 10 millions de francs réexportés.
26 Une fois et demie son capital de fondation (7,5 M de francs).
27 Voir ci-dessus § I. B.
28 Les machines à vapeur introduites dès 1877 voient leur puissance multipliée par 15 en trois décennies.
29 On ne sait pas quelles étaient les conditions assujetties à cette dispense. Huta Bankowa ayant négocié certaines clauses, il est permis de penser que la Franco-Italienne eut à faire de même.
30 La production réalisée ne représente que la moitié du potentiel de l’entreprise, mais la conjoncture, fortement marquée par l’absence de débouchés, n’incite pas à la poursuite de cette progression. Henryk Rechowicz (pod redakcją), Kopalnia Generała Zawadzki-dzieje zakładu i załogi-, Katowice, Śląski Instytut Naukowy, 1974, 369 p.
31 Persistance du système foncier semi-seigneurial, même aux extrémités les plus occidentales de l’Empire russe : 3 900 hectares de terres arables et de terrains forestiers font partie intégrante de l’ensemble cédé.
32 On note aussi la participation minoritaire des capitaux belges de la Société John Cockerill. La Semaine Financière, Paris, 6 mai 1899.
33 Situés dans la couche Reden, les gisements de houille de Sosnowiec se présentent en une veine unique ne contenant ni grisou, ni eau.
34 Ce chiffre reste jusqu’à la guerre le record de la région.
35 On compte en particulier sur la mise en route d’un nouveau puits creusé sur la fosse Mortimer et qui devrait donner une extraction de 1 million de tonnes.
36 5 millions de roubles contre 3,6 millions de roubles aux Mines de Czeladź.
37 Elles distribuent durant la période une moyenne de 1 million de francs de dividendes. Kazimierz Sarna, Czeladź, zarys rozwoju miasta, Katowice, Wydawnictwo Śląsk, 1977, p. 53.
38 En polonais, traduit par nos soins, cité par Marian Kantor-Mirski, Z Przeszłości zagłębia Dąbrowskiego i okolicy, Sosnowiec, 1931-1932, 406 p., p. 206.
39 K. Sarna, Czeladź, op. cit., p. 52.
40 Au prorata de la production polonaise de houille, la Czeladź est passée d’une place mineure à un rôle de premier plan. Elle assure après 1908 près d’un dixième de l’extraction polonaise, au même titre que ses homologues hexagonales comme la Franco-Italienne ou encore la société Comte Renard.
41 Porté à 9,75 millions de francs.
42 Note du consulat général de France à Varsovie du 18 février 1911, concernant « les entreprises françaises en Pologne ». Arch. min. Fin. B 31263.
43 Valeur du portefeuille français des sociétés industrielles de Pologne russe au 31 décembre 1914. Note non datée. Arch. min. Fin. B 32004.
44 A. Bocheński, Wędrowki…, op. cit, t. 2, p. 324-325.
45 Ce pourcentage est une approximation minimale. La Sosnowiec et la société Comte Renard produisent à elles seules déjà 50,5 % de la production du bassin.
46 Bankowa prend la tête en 1902 d’un des plus puissants cartels de l’industrie russe qui entend contrôler la production de fonte dans l’Empire.
47 Les plus importants pourcentages sont à mettre au crédit de la Huta Bankowa (20,3 % en moyenne entre 1897 et 1907) et des Houillères de Czeladź (16,7 % pour la même période).
48 Revenu des actions des sociétés industrielles françaises du royaume de Pologne et de l’Empire russe (1904-1913). M. Natar-Mihout, L’intervention…, op. cit., graphique 13/p. 821.
49 Sous-entendues les sociétés françaises de Russie, ensemble qui recouvre donc aussi les charbonnages de Dąbrowa.
50 Rapport sur l’utilité de l’Union des valeurs russes, première assemblée des porteurs de valeurs russes, Paris, 20 décembre 1917. Archiwum Akt Nowych (AAN-Warszawa) KNP 748.
51 Par opposition aux Russes, peut-être, dans l’esprit de l’intervenant français. Ibid.
52 Rafał Kowalczyk, « Rola kapitału zagranicznego w górnictwie węgla kamiennego zagłębia dąbrowskiego w latach 1831-1899 », Łódź, Studia z historii społeczno-gospodarczej XIX i XX wieku, 2003, t. 1, p. 68-89.
53 Le capital de fondation des sociétés contrôlées par les intérêts français s’élève à 24,9 M de roubles dont 7,1 en association avec des intérêts allemands. M. Natar-Mihout, L’intervention…, op. cit., graphique 9/p. 815.
54 Le capital de fondation des SA étrangères dans la sidérurgie passe de 5,12 M de roubles en 1897 à 6,4 M de roubles en 1899. Cette augmentation est le fait des capitaux allemands qui créent deux nouvelles sociétés : Puszkin en 1897 et Poręba en 1898, toutes deux au même capital de 750 000 roubles. Z. Pustuła, « Kapitały… », op. cit., p. 931-957.
55 La fabrique de lin de Żyrardów, mise en œuvre par Philippe de Girard avec le soutien de la Banque de Pologne en 1831, est repassée sous la direction de cette dernière suite à des difficultés financières en 1847. Le transfert à des entrepreneurs étrangers relève d’une incapacité de la Banque de Pologne à faire face aux coûts de fonctionnement d’une entreprise fortement mécanisée.
56 À la périphérie de Częstochawa.
57 Zbigniew Landau et Jerzy Tomaszewski, Sprawa Żyrardowska, Przyczynek do dziejów kapitałów obcych w Polsce międzywojennej, Warszawa, KiW, 1983, 307 p., p. 63.
58 Wiesław Puś, « Zakłady żyrardowskie w strukturze przestrennej przemysłu włókienniczego Polski (1870-1939) », in Żyrardów 1829-1945 (dir. I. Pietrzak-Pawłowska), Warszawa, 1980, p. 225-239, p. 227.
59 Affaire familiale originaire de Roubaix : Léon Allart, fils & Cie est une firme qui compte une quinzaine d’années d’existence (1863) et dont l’activité est axée sur la filature de la laine.
60 Un autre investisseur nordiste, Desurmont, était quant à lui déjà commanditaire d’une firme moscovite (Dufourmantel). René Girault, Emprunts…, op. cit., p. 256-257.
61 Voir les éléments sur la situation de la branche lainière dans le royaume. Ci-dessous III. C.
62 Atelier de peignage (1889), atelier de retordage (1885) et carderie (1886). Bolesław Pełka, Działalność francuskiego przedsiębiorstwa Allart, Rousseau i Ska w przemyśle wełnianym w Łodzi w latach 1879-1944, manuscrit, Łódź, 1967, p. 60.
63 Ce capital serait de 640 000 roubles, soit 1,6 M de francs.
64 532 000 roubles.
65 Bolesław Pełka, « Kapitał krajowy i obcy oraz pierwsze spółki akcyjne w przemyśle ciężkim Królestwa Polskiego w latach 1878-1886 », Łódź, Rocznik Łódzki, t. XII/1967, p. 18-19.
66 22 000 broches sont en activité en 1886. Deux décennies plus tard, l’appareil de production a triplé : trois filatures totalisent plus de 45 000 broches, sur lesquelles se greffent deux ateliers de retordage (9 400 broches) et un atelier de teinturerie.
67 Allusion au titre de l’un des plus célèbres romans, Ziemia Obiecana, de l’écrivain naturaliste Władysław Reymont. Titre ironique, qui dénonce les illusions de la révolution industrielle, à travers le sort miséreux de la masse des ouvriers de la nouvelle agglomération industrielle de Łódź.
68 8 millions de roubles.
69 Irena Piterzak-Pawowska (dir), « Przemysł włókienniczy do 1918 », Wrocław, Uprzemysłowanie ziem polskich, Studia i Materiały, Ossolineum, 1970, tab. 66, p. 272-276.
70 Parallèlement Eugène Motte s’installe aussi en Haute-Silésie, puis entreprend une extension plus à l’Est dans l’Empire russe, rachetant en 1910 une filature et un tissage de jute installé à Odessa. Discours d’Eugène Motte, 4 sept. 1927.
71 Note sur les « Motte » au travers de Jacques Boudet, Le monde des affaires en France de 1830 à nos jours, Paris, 1952, p. 694.
72 On peut néanmoins avancer l’hypothèse de la réussite exemplaire des premiers investissements, comme conditionnant une poursuite de l’expérience polonaise.
73 L. Kronenberg (1812-1878), financier, industriel et homme politique, est l’un des acteurs les plus éminents de la vie économique des terres polonaises au XIXe siècle. Il est à l’initiative d’investissements aussi nombreux que diversifiés, de la banque aux houillères et à l’industrie lourde, en passant par le textile, l’industrie sucrière ou encore le monopole du tabac. Il est surtout le principal financier des lignes ferroviaires polonaises, en particulier la ligne Varsovie-Vienne. Voir carte 1 au début de cet article.
74 Dans les années qui suivent, ses conditions géographiques tout à fait favorables à la pratique industrielle s’optimalisent, avec la construction, en 1902, de la ligne Herby (douane prussienne) - Częstochowa, qui rattache la région au réseau prussien et en particulier au port de Szczecin, puis, en 1911, par la liaison avec Kielce, qui rapproche du marché russe.
75 La valeur de sa production passe de 150 000 roubles en 1882 à 7,6 millions de roubles en 1900. Durant la même période, le nombre des ouvriers passe de 91 à 5 120. Gryzelda Missałowa (dir), « Przemysł włókienniczy do 1918 », Uprzemysłowanie ziem polskich, Studia i Materiały, p. 226.
76 Ce sont en effet, les mêmes grands noms roubaisiens qui œuvrent à sa création : les Motte (Albert, Eugène et Stéphane), mais aussi les branches collatérales, les Meillassoux, Delaoutre (famille), Caulliez (famille), etc.
77 En polonais Częstochowianka. Le nom de « Chenstochovienne », parfois orthographié « Czenstochovienne », est celui qui est donné par les investisseurs français lors de la création de la société ; nous nous permettons donc de l’employer.
78 Franciszek Sobalski, « Częstochowa w latach 1905-1918 », Dzieje Częstochowy od zarania do czasów współczesnych, Katowice, Wyd. Śląsk, 1964, 396 p., p. 112-113
79 1 100 ouvriers et un chiffre d’affaires de 2,2 M Rb en 1904.
80 Sur l’ensemble de la période 1901-1913, les bénéfices bruts se montent à 5,7 M de roubles pour un capital initial de fondation de 4,5 M roubles. Eugeniusz Sitek, « Rola kapitałów obcych w tworzeniu częstochowskiego przemysłu », Częstochowa, Zeszyty Naukowe Politechniki Częstochowskiej, 1975/nº 96, p. 52.
81 Note du consulat de France à Varsovie, 18 février 1911 ; Arch. min. Fin., B 31263.
82 L’essentiel de la production part à l’exportation, hors du Royaume, la Russie absorbant à elle-seule 80-85 % du total. Jan Palczewski, « Zarys rozwoju przemysłu włókienniczego w Częstochowie », Dzieje Częstochowy od zarania do czasów współczesnych, Katowice, Wydawnictwo Śląsk, 1964, p. 204.
83 Ces années creuses correspondent à une baisse de la production textile dans l’ensemble du territoire. Les causes avancées sont celle d’une dépression, aggravée à partir de 1905 par une fermeture du marché russe, l’Empire étant occupé à combattre les Japonais en Extrême-Orient. S’ajoutent aussi les échos de la première révolution russe, qui pousse un certain nombre des 91 étrangers employés (Français, Belges et Allemands) à fuir le pays. Ils reviendront deux fois plus nombreux en 1908 (leur nombre est alors de 211). À l’échelle de la ville de Częstochowa, on note une remontée spectaculaire de la production textile dès 1907, qui dépasse alors de 40 % les chiffres de 1904. La Chenstochovienne verse ainsi, en 1910, 120 francs par action de 1 000 francs, et même 177 francs l’année suivante F. Sobalski, « Częstochowa… », op. cit., p. 112-113.
84 Towarzystwo Akcyjne Przemyslu Włóknistego.
85 G. Missałowa (dir.), « Przemysł… », op. cit., p. 273-275.
86 Note anonyme sur la société, non datée (1919 ?) ; Arch. min. Fin. B 31926.
87 La société des Frères Ginsberg, liée à des sociétés de Saxe et à des banques berlinoises, est transformée en 1877 en SA Zawiercie. Bolesław Pełka, « Kapitał krajowy i obcy oraz pierwsze SA w przemyśle włókienniczym Królestwa Polskiego w l. 1878-1886 », Łódź, Rocznik łódzki, 1967, p. 16-17.
88 Installée à Zgierz (près de Łódź), elle est la filiale de la société du même nom localisée à Krimitschau en Saxe.
89 Gilles Y. Bertin, L’investissement international, Que sais-je ? nº 1256, PUF, Paris, 1983 (3e édition), p. 53-55.
90 Ces 27 firmes (de plus de 1 000 ouvriers) produisent une valeur globale de 130,8 millions de roubles, assurent plus de la moitié de la production totale du secteur.
91 Si l’on s’arrête aux chiffres de la main-d’œuvre, les 9 000 ouvriers employés dans les structures hexagonales représentent 12 % des 73 000 ouvriers employés par l’ensemble des 27 entreprises.
92 Les investisseurs hexagonaux participent à un processus d’accaparement du jeune bassin industriel par le capital étranger. Les industriels polonais n’assurent qu’un tiers de la production industrielle totale. Les 20 % restant reviennent aux Allemands, essentiellement présents dans l’industrie lourde. Eugeniusz Sitek, « Rola kapitałów obcych w tworzeniu częstochowskiego przemysłu », Zeszyty Naukowe Politechniki Częstochowskiej, 1975/nº 96, p. 51.
93 Pour 1909-1910, le pourcentage est du même ordre : la valeur totale de la production des sociétés françaises est alors de 8,5 M de roubles (Chenstochovienne – 4 M Rb, Peltzer-SA textile – 2,5 M Rb, Motte – 2 M Rb).
94 Henryk Rola, « Częstochowa w latach 1905-1918 », in Dzieje Częstochowy od zarania do czasów współczesnych, Katowice, Wyd. Śląsk, 1964, 396 p., p. 111-112.
95 Franciszek Sobalski, « Okręg włókienniczy częstochowsko-sosnowiecki », Łódź, Rocznik Łódzki, 1962, p. 91-99.
96 Nous les qualifions ainsi afin de les distinguer des industriels allemands arrivés dans les années 1820-1830 dont nous évoquons longuement le parcours dans le paragraphe qui suit.
97 14 % en 1879, 10 % l’année suivante et une moyenne de 7 à 9 % pour les années 1881-1889. B. Pełka, « Kapitał… », op. cit., p. 18-19.
98 Ce dernier associe à une importante présence économique une forme d’implantation territoriale. Cette dernière, qui tend à prolonger la colonisation de la Posnanie, définit une « zone d’expansion privilégiée et réservée », considérée au même titre que le reste de l’Europe centrale, comme une extension naturelle de l’espace germanique.
99 Stanisław A. Kempner, Dzieje gospodarcze Polski porozbiorowej, Warszawa, Druk. K. Kowalewski, 1920, p. 21.
100 Cette démarche spécifique visant principalement l’artisanat textile est dictée à un groupe de politiciens soucieux du développement économique du pays par le nouveau découpage territorial. La nouvelle frontière prusso-polonaise a coupé les terres du royaume des artisans textiles, en particulier les drapiers de Silésie et de Grande Pologne. Wirginia Grabska, Ekspansja ekonomiczna Niemiec na Wschód w latach 1870-1939, Wrocław, Ossolineum, 1964, p. 31-32.
101 W. Grabska, Ekspansja…, op. cit., p. 30.
102 Il laissera d’ailleurs son nom à la ville polonaise du lin Żyrardów (on lit Gérardouf).
103 Un des principaux représentants de Lumières polonaises, initiateurs du développement économique du pays.
104 W. Grabska, Ekspansja…, op. cit., p. 32.
105 Cette thèse d’un développement de l’industrie de Łódź né de l’accumulation du capital, et non d’apports extérieurs, est défendue entre autres par B. Pełka, « Kapitał… », op. cit., p. 13-22.
106 Graphique réalisé par nos soins. Données extraites de Stefan Pytlas, Łódźka burżuazja przemysłowa w latach 1864-1914, Łódź, Wydawnictwo Uniwersytetu Łódzkiego, 1994, tab. 6, p. 43.
107 La Banque commerciale de Łódź est fondée en association avec les banquiers varsoviens Starkmann, Rosenblum et Kronenberg, pour partie sans doute aussi liés à des banques allemandes mais aussi anglaises. Ireneusz Inhatowicz, « Z badań nad kapitałem obcym w przemyśle polskim w latach 1860-1880 », Warszawa, Kwartalnik Historyczny, 1956, z. 4-6, p. 245-254.
108 . La Banque des négociants.
109 Voir ci-dessus I. A.
110 Voir ci-dessus II. A.
111 Ces chiffres intègrent les capitaux allemands de la première génération (années 1820-1830).
112 Graphique réalisé par nos soins. Données extraites de Bolesław Puś, Rozwój przemysłu w Królestwie Polskim, Łódź, Wydawnictwo Uniwersytetu Łódzkiego, 1997.
113 Ainsi, sur les 668 industriels recensés dans la ville de Łódź dans les années 1890, 75 % possèdent la citoyenneté russe, alors qu’à la même époque les industriels de souche allemande constituent plus de la moitié du groupe analysé ; seuls 17,8 % ont gardé la citoyenneté allemande.
114 Graphique réalisé par nos soins, extrait de M. Natar-Mihout, L’intervention, op. cit., 18A/p. 829.
115 Le royaume de Pologne est la troisième région d’implantation après la Russie méridionale (300 millions de francs, soit 37,8 %), qui devance pour sa part la région de Moscou (242 millions de francs, soit 30,6 %). Ces trois régions assurent près des 9/10e de l’investissement français. Notons une autre spécificité de l’investissement polonais par rapport à celui qui touche la Russie « historique » : l’absence d’investissements dans des emprunt d’États, qui forment l’essentiel de l’apport de capitaux français à la Russie (les prêts représentent, avec plus de 6 milliards de francs, 88,5 % de l’ensemble). I. Pietrzak-Pawłowska, « L’expansion de la région Lyon-Saint-Etienne sur le territoire polonais après 1870 », Studia Historiae Œconomicae, Poznań, UAM, vol. 1/1966, p. 100.
116 Une exception néanmoins : 1889, année où le textile domine avec plus de 60 % de l’ensemble. Le reste du temps, la proportion reste constante, le textile oscillant entre 30 % et 40 % de l’ensemble. Le capital-actions des différentes branches évolue sur l’ensemble de la période, par paliers et de manière assez similaire. Cf. graphique 3 ci-dessus.
117 Les pourcentages représentent la part de chaque groupe d’industrie dans le total considéré de chaque paramètre. Graphique réalisé par nos soins, extrait de M. Natar-Mihout, L’intervention, op. cit., 18 B, p. 829.
118 Avec 284,6 millions de francs, représentant plus de 13 % de l’ensemble. R. Girault, op. cit., p. 516.
119 Chiffré à 278,7 millions de francs. Mémoire du Consul Général de France au Ministère des Affaires Étrangères, 18 février 1911. Arch. min. Fin. B 31263
120 Ce qui n’interdit pas la mise en valeur des contributions endogènes, privées ou publiques, au développement industriel du pays, comme le montrent les noms de L. Kronenberg, Jan G. Bloch, H. Łubieński, quelques-uns parmi d’autres qui se sont illustrés à la même époque dans le développement des chemins de fer ou d’autres secteurs, la banque en particulier.
121 Rocznik Statystyki RP 1920-1922, Warszawa, GUS, 1923, 377 p., p. 157.
122 Seules 18 SA sont créées en Pologne prussienne durant la période, soit moins de 8 % de l’ensemble, l’essentiel d’ailleurs avec des capitaux polonais, la plus célèbre étant l’entreprise posnanienne de construction de machines Cegielski. Ce désintérêt pour le développement industriel de la Posnanie est à mettre en parallèle avec la volonté bismarckienne de vider ce territoire, considéré comme un espace de l’expansion coloniale allemande, de ses forces vives.
123 Ces aspects sont développés dans notre thèse de doctorat. M. Natar-Mihout, L’intervention…, op. cit.
Auteur
Docteur en histoire et licenciée de polonais. Auteur d’une thèse, soutenue en 2003 devant l’université de Lille 3 : L’intervention des capitaux français dans la Pologne de la Seconde République (1918-1939) : contribution à l’histoire de l’impérialisme économique français en Europe centrale (dir. Odette Hardy-Hémery). Éditrice de Un militant syndicaliste franco-polonais : « La vie errante » de Thomas Olszanski 1856-1959, texte traduit et commenté, avec une préface de Janine Ponty, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires de Lille, 1993.
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