Chapitre VI. Un devenir incertain
p. 397-473
Texte intégral
1Le prix du blé avait été au cœur des projets de la première moitié des années trente, avec pour acmé l’établissement du prix minimum de juillet 1933, qui n’avait pas été respecté. Au-delà du symbole, ce prix était aussi au centre des débats parlementaires en amont du vote de la loi créant l’Office, tant la question des conditions de sa fixation faisait l’objet de crispation politique. L’intérêt est ici de constater que, pendant les trois premières années de fonctionnement de l’Office, la question du prix annuel du blé reste permanente, au cœur des luttes et de beaucoup de polémiques. Même les détracteurs les plus sévères de l’Office ont bien compris l’enjeu de l’arbitrage du prix annuel. L’économiste libéral André Liesse note ainsi que « la décision la plus importante et la plus délicate à prendre, à beaucoup d’égards, est celle de la fixation des prix1 ». Imaginer que l’institution créée par la loi d’août 1936 resterait figée était bien sûr une illusion. Elle réussit cependant à perdurer, mais au prix de transformations assez profondes qui vont se réaliser par étapes. Il est certain en effet que les luttes idéologiques de l’été 1936 ne pouvaient pas totalement se dissiper. Certes, l’Office ne s’effondre pas rapidement, comme l’avaient prédit à tort certains de ses contempteurs, mais les conflits restent présents. Trois enjeux différents doivent être décrits. Le premier concerne les réactions des acteurs de la filière. Ils méritent d’être restitués précisément, car, si de nombreux opposants ne désarment pas, d’autres commencent à accepter pour partie l’institution, et parfois même à y trouver un intérêt. La deuxième question concerne la préparation de la récolte, qui s’annonce excédentaire en 1938. Queuille, de retour au ministère de l’Agriculture, s’emploie à gérer cette situation qui n’avait été que partiellement et imparfaitement prévue par la loi d’août 1936. Enfin, le financement de cette récolte excédentaire de 1938 croise la crise financière et la nouvelle politique dirigée par Paul Reynaud. De nouveaux décrets-lois modifient donc, en 1938 et 1939, assez profondément le fonctionnement même de l’institution.
I. L’enjeu central de la fixation du prix
2Alors que le projet de loi était en discussion, un commentateur notait déjà, à propos de la partie du texte précisant qu’en cas d’absence d’unanimité, les prix seraient fixés par le gouvernement :
« Pourquoi n’avoir pas fait de ce paragraphe l’article I et dernier de la loi sur le blé ? C’est dans cet alinéa que se cache l’intention du gouvernement de monopoliser tôt ou tard les moyens de production et d’échange du blé, de la farine et du pain. C’est en tout cas, dès maintenant un avertissement donné aux agriculteurs, aux meuniers, aux boulangers, aux consommateurs que si on leur fait la grâce de leur demander leur avis, cet avis ne pèsera pas lourd sur la décision du gouvernement s’il ne cadre pas avec les conjonctures politiques du moment. Disons en bref que la Chambre de députés a voté un “Office d’État” et a entendu mettre le sort de la paysannerie française sous la dépendance étroite de la politique2. »
3La détermination du prix par l’Office ne peut être rapportée aux mesures antérieures à 19363. La question est complexe, car elle met en cause aussi bien l’interprétation du texte même de la loi (finalement tranchée tardivement en Conseil d’État) que les formes d’arbitrage possibles des membres du conseil central entre eux et dans l’interaction avec le ministre de l’Agriculture.
A. Un prix d’arbitrage pour 1936 non revalorisé
4Georges Monnet, à l’ouverture du Conseil central le 27 août 1936, fait des déclarations qui indiquent sa vision de l’action de l’office : « L’idée d’un juste prix, c’est une idée qui je crois, a recueilli maintenant, dans notre pays, l’adhésion de la grande majorité des citoyens4. » Il ajoute : « Vous vous efforcerez d’avoir cet esprit objectif qui vous amènera à trouver ce prix raisonnable et que tout le monde acceptera avec le sentiment qu’il est un prix raisonnable. », et conclut :
« Ma résolution est bien simple : si vous n’étiez pas d’accord et que je dusse trancher, je trancherais sans la moindre hésitation pour le prix que je croirais être le prix équitable. Par conséquent, je ne vous dis pas : éloignez de moi ce calice, je vous demande de démontrer que, comme la Chambre et le Sénat ont voulu l’affirmer, il y a actuellement parmi les travailleurs de France et ceux qui les représentent une maturité suffisante pour que l’on puisse constituer de grands organismes économiques qui sachent prendre la responsabilité des intérêts qu’ils ont entre les mains. »
5La fixation du prix du blé est le premier objet de débat pour le conseil central de l’Office. Les premières décisions prises sont les plus simples : le prix fixé sera le « prix rendu gare ou magasin de l’acheteur par les seuls moyens habituels de l’agriculteur » ; le poids spécifique est de 72 kg à l’hectolitre (bonifications au-dessus de 73 kg, réfactions au-dessous de 71,5 kg) ; si le poids spécifique est inférieur à 67 kg, il n’est plus « loyal et marchand ». Les différents indices prévus par le texte de la loi sont énoncés, et la séance est levée en début de soirée avant de reprendre le lendemain matin. Le procès-verbal conservé est hélas allusif pour la séance du vendredi 28 août au matin, et précise juste qu’« après un exposé des propositions de chacune des catégories intéressées, le conseil central prend à l’unanimité la décision5 » de fixer le prix d’achat du blé tendre à 140 francs le quintal à compter du 1er septembre, avec une majoration mensuelle de 1 franc jusqu’au 31 janvier 1937, et de 1,50 franc pour les mois suivants. Une sous-commission est désignée pour étudier la fixation du prix des blés durs. Cette séance, commencée à 9 h 30, est levée à 19 h 15, et les deux pages de procès-verbal n’en rendent donc que très partiellement compte ! La complexité des prix liés aux bonifications et réfactions est soulignée par certains commentateurs, comme Adrien Roux, directeur de la Revue de métrologie pratique :
« Si le blé doit être vendu à un prix rémunérant honnêtement le travail et les dépenses de toutes sortes engagées par nos cultivateurs, cette bonne intention ne se traduira jamais, comme le font croire des démagogues aux ignorants, par l’établissement d’un prix fixe du quintal de blé. La qualité, la variété, la valeur du poids à l’hectolitre déterminant le rendement probable en farine, interviendront pour rendre le problème beaucoup plus complexe6. »
6Une nouvelle séance du comité se tient le lundi 31 août après-midi. Elle s’ouvre sur la lecture de sa lettre de démission par Adolphe Pointier, le président de l’AGPB. La lettre de démission est publiée intégralement par l’AGPB. Le président de l’association y revient sur le fait que s’il a accepté le prix de 140 francs pour un poids spécifique de 72 kg, il reconnaît
« un résultat tactique a donc été acquis. Cependant, le prix de 140 francs n’est pas celui que la culture était en droit d’exiger. Il viole la Loi puisque les calculs – basés sur les coefficients les plus réduits – avaient amené le conseil central de l’Office à reconnaître le chiffre minimum de 165 francs ; il est contraire aux propositions des comités départementaux nettement plus élevées ; il impose à la culture – avec notre mauvaise récolte – une perte de 2 milliards de francs, sur la recette brute de 11 milliards nécessaire pour que le blé paie. Lourd sacrifice pour la culture, le prix de 140 francs n’est que le barrage le moins défavorable qu’il nous a été possible d’opposer à l’arbitraire d’une fixation gouvernementale ».
7Pointier démissionne donc « pour affirmer [sa] protestation contre l’injustice et l’illégalité [qu’ils ont] été obligés de commettre afin d’éviter le pire7 ».
8Le procès-verbal n’indique aucune réaction. Le comité poursuit ses travaux avec la fixation du barème de bonifications et de réfactions applicables au blé tendre, puis des quantités de blé susceptibles d’être vendues par les producteurs en attendant la fixation de l’échelonnement. Le ministre de l’Agriculture vient assister aux délibérations concernant la marge de rétrocession des blés à la meunerie et la cotisation pour la caisse de garantie et le fonds spécial8. Le lendemain, les prix des blés durs, qui concernent surtout la production de l’Algérie, sont adoptés9.
9Jean Parrel, membre du conseil central, cherche à justifier l’arbitrage de 140 francs par quintal, fortement critiqué. Pour justifier ce prix de compromis, il rappelle :
« si les représentants des producteurs de blés avec les représentants des coopératives de blé sont la majorité au sein du conseil, puisqu’ils sont 29 sur 51, ils ne sont en fait, pour toutes les décisions importantes, et notamment pour la fixation du prix du blé et la fixation de la marge de rétrocession, qu’une majorité sans action étant donné qu’il faut une majorité des ¾ des présents et que par conséquent, en admettant que le conseil soit au complet, 13 voix seulement ont plus de poids que 38 et empêchent ainsi toutes décisions10 ».
10Il ajoute qu’il a été frappé de voir l’état d’esprit des représentants de la classe ouvrière au conseil central : « C’est avec ce même état d’esprit, je suppose, qu’ils devaient discuter, en juin dernier, avec le patronat industriel […]. Dans la discussion, en effet, ils paraissaient ne voir en face d’eux que les gros exploitants des régions de grande culture, qu’ils assimilaient, bien à tort à mon sens, aux patrons industriels11. » Une des autres figures du syndicat rural conservateur de cette région écrit, dans le même sens : « En ce qui concerne le blé, la revalorisation de son prix, souhaitée depuis si longtemps, a été limitée arbitrairement pour des motifs politiques12. »
11Un autre membre du conseil central se fait aussi critique de la décision prise : « Ces quelques remarques montrent que, dans l’avenir, le Conseil central de l’Office ne devrait pas fixer le prix du blé sans avoir fait auparavant une étude précise et approfondie du coefficient moyen de majoration prévu par la loi13. » Girard, également membre du conseil central, note :
« Ce prix a été fixé à l’unanimité, le 28 août, mais il est incontestable que cette unanimité dont on argue souvent comme si elle symbolisait un accord parfait, n’a été qu’une marque de bonne volonté des producteurs désirant participer à une expérience intéressante à la suite de toutes leurs déceptions. La pression à la baisse du gouvernement et des éléments non professionnels du Conseil a été manifeste14. »
12En septembre 1936, le ministre de l’Intérieur adresse une circulaire aux préfets concernant les prix du blé et du pain, qui fait suite à celle du ministre de l’Agriculture. La situation est claire : l’objectif est « que la modification du coût de cet aliment de première nécessité soit réalisée d’extrême urgence, mais avec le souci d’éviter toute augmentation injustifiée15 ». La tension entre le prix du blé fixé par l’Office et la crainte de l’inflation est bien exprimée dans « la volonté du gouvernement de réaliser, dans la lutte contre la vie chère, une politique de revalorisation des produits agricoles qui est à la base même des conditions de reprise économique du pays16 ».
13La dévaluation décidée par le gouvernement de Léon Blum17 a des conséquences sur les débats autour du prix du blé. Un des journaux agricoles hostiles au Front populaire commente ainsi la situation en octobre :
« La hausse des prix agricoles au cours de ces derniers mois – hausse d’ailleurs naturelle et dont il serait risible que le Gouvernement s’attribuât le mérite – a en partie corrigé un tel état de choses. […] Que la dévaluation ait pour effet de provoquer une nouvelle hausse des prix agricoles, à condition bien entendu que le plafond artificiel stupidement imposé au blé soit relevé, c’est possible. Mais cette hausse absolue ne saurait satisfaire l’agriculture. […] Le Gouvernement s’est fort peu soucié de l’agriculture lors du vote de la loi monétaire ; il a fallu des discussions sans fin et toute l’insistance du Sénat pour lui arracher le fameux article 15 aux termes duquel le Gouvernement pourra, si une hausse notable du coût de la vie se produit dans le courant du dernier trimestre de 1936, provoquer, après avis des organismes habilités à cet effet par la loi, la révision des prix des denrées agricoles soumises à une réglementation18. »
14Dans le même esprit, un article de la revue des Jésuites note que « dans le monde agricole, le mécontentement subsiste. Après les promesses de l’office du blé, la dévaluation a paru une sorte de duperie. Déjà, devant une récolte déficitaire, les tarifs officiels provoquaient des griefs accrus par la dépréciation de la monnaie19 ». Les meuniers réagissent dans le même sens :
« Toutes les céréales libres ont atteint leur niveau normal mais le blé qui jouit d’un traitement de faveur pour lequel on a créé un Office marxiste de revalorisation et au sujet duquel nos hommes politiques entonnent des hymnes, le blé fait figure de parent pauvre. […] L’office marxiste du blé a empêché la reine des céréales de “profiter” de la dévaluation au même titre que les autres grains et dans l’esprit des cultivateurs, qui ne sont pas aveugles, c’est la condamnation formelle de l’Office du blé. […] avec cette constatation que l’Office du blé, parti d’un bon mouvement, a abouti à soutenir le cultivateur comme la corde soutient le pendu20 ! »
15Avec la dévaluation, l’AGPB trouve un nouveau combat : la revalorisation du prix du blé. L’association insiste sur le fait que « la dévaluation éclaire d’un jour troublant la récente loi sur le blé21 ». Elle proteste « contre la façon dont le projet gouvernemental a délibérément voulu sacrifier l’agriculture22 ». La publication de l’AGPB diffuse la lettre de son président au ministre de l’Agriculture, en date du 10 novembre, « sur la nécessité qui s’impose impérieusement de réviser le prix du blé23 ». Puis, au début du mois de décembre, avant la réunion du conseil central de l’Office, l’AGPB répond aux « mauvais arguments » du ministre24 et, attaquant cette « politique de compression des prix agricoles », dresse un parallèle entre l’action de Monnet et celle d’un président du Conseil honni des céréaliers : « Nous avons déjà connu cela avec M. Flandin25 ». L’AGPB en fait une de ses mobilisations principales en s’interrogeant : « Les producteurs de blé seront-ils sacrifiés à la politique “de classe” antiagricole que poursuit avec ténacité le gouvernement26 ? »
16Lors de la séance du 20 octobre, les membres du conseil central débattent du sujet, et s’ils ne souhaitent pas modifier le prix du blé en cours de campagne, ils mettent malgré tout la question à l’étude. Lors de cette même séance, Parrel demande, « en application de l’article 15 de la loi monétaire du 1er octobre 1936, que le prix du blé soit modifié dans le cas où, dans un avenir prochain, apparaîtrait une augmentation des charges de la production et de l’indice du coût de la vie27 ». Le président lui répond prudemment qu’il faut chiffrer cette augmentation avant d’envisager toute augmentation du prix du blé. Le 12 novembre 1936, le débat sur la revalorisation du prix du blé s’instaure au comité d’administration : Du Fou, Strauss et Gibert en sont partisans. L’inspecteur général Chavard leur répond que « la révision demandée lui paraît contraire au texte et à l’esprit de la loi28 ». Le 20 novembre, Poisson, représentant des consommateurs, met un peu d’huile sur le feu en déclarant qu’il est pour sa part partisan d’une diminution du prix arrêté en août. Les représentants de l’État insistent dans le même sens.
17La présence de sénateurs au conseil central de l’Office permet à l’information de circuler. Ainsi, en décembre 1936, les sénateurs Borgeot, Patizel et Jacques Benoist exposent à la commission de l’agriculture du palais du Luxembourg l’état du marché du blé et les tiennent au courant « des réclamations présentées au sujet d’une éventuelle révision du prix du blé ou du taux de la prime de rétrocession ». La conclusion est significative : « Après discussion, la commission décide, sur la proposition de son président, de faire entièrement confiance à ses quatre membres qui siègent au conseil central de l’office du blé pour défendre au mieux les intérêts des producteurs29. »
18Au Sénat, Monnet est ferme, en décembre 1936 :
« J’ai reçu, il y a quelques jours, la visite du comité d’administration de l’office du blé qui venait me demander si une modification du prix du blé ne m’apparaissait pas nécessaire. À cette question, très fermement, j’ai répondu – puisque là, j’avais qualité pour répondre – que, si la majorité des trois quarts ne se trouvait pas réunie – et je pense qu’elle ne le serait pas pour une augmentation du prix du blé –, ce n’est certainement pas de mon côté que viendrait l’initiative de cette augmentation. […] Je ne veux nullement dire que la révision est juridiquement impossible. Mais je considère qu’elle serait inopportune parce que depuis le mois d’août les prix de revient des producteurs de blé n’ont pas été modifiés de telle façon que cela puisse légitimer, dès à présent, une modification du prix du blé30. »
19Le dossier est au cœur des discussions lors de la réunion du conseil central du 16 décembre 1936. Le président Patizel indique qu’il a reçu, le 27 novembre, une lettre datée du 12, signée de plusieurs représentants des producteurs de blé, lui demandant de réunir d’urgence le conseil central en vue d’étudier la possibilité de la révision du prix du blé, et il signale que l’APCA a émis un vœu, le 14 novembre, pour cette révision dans les délais prévus par la loi monétaire. Alors que le débat s’engage, Monnet, le ministre de l’Agriculture, demande à être entendu et fait une déclaration ferme dans laquelle il « tient à indiquer que le gouvernement ne procédera pas à la révision du prix du blé31 ». Ernest Poisson, l’homme des coopératives de consommation, veut « éviter une divergence de vues profonde entre les producteurs et les consommateurs en ce qui concerne la révision ». Différents membres proposent alors des ordres du jour opposés et parfois rédigés de manière assez contradictoires. Un ordre du jour demandant au ministre de saisir le conseil central sur la question est finalement mis aux voix, et il obtient 29 pour, 3 abstentions et 15 contre, pour l’essentiel des producteurs liés à l’AGPB qui ne trouvaient pas le texte suffisamment explicite, mais aussi les délégués CGT et les représentants des ministres.
20La question revient à la séance suivante du conseil central, et c’est Thureau-Dangin qui la présente au nom des producteurs de blé. Il rappelle les débats de décembre devant le conseil, ainsi qu’au Sénat, où Patizel avait interpellé Monnet sur les délais possibles pour la révision du prix du blé et où ce dernier lui avait répondu que l’Office pouvait se saisir de la question à tout moment. Thureau-Dangin cherche ensuite sur le chiffrage des différents indices concourant au calcul du prix. La justification de sa proposition de relever le prix du blé réside dans la hausse de « tout ce qui concourt à la production du blé » et dans la hausse, sur le marché libre, des autres céréales ; il envisage de majorer le prix du blé de 27 francs à partir du 1er février 193732. Après l’exposé technique sur le prix de revient et le coût de la vie, la réponse est d’abord politique. Calvayrac est le premier à prendre la parole et il indique que la discussion porte « en réalité [sur] le principe même de l’office du blé. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que, sous le couvert de la défense de l’agriculture, il est question plutôt d’une manœuvre politique contre l’Office et contre le gouvernement du Front populaire ». Rappelant les débats législatifs de l’été 1936, Calvayrac refuse que l’Office modifie le prix fixé pour la campagne annuelle. Il s’accorde sur le nécessaire calcul d’un prix relevé pour la campagne à venir, mais refuse ce relèvement en milieu d’année, qui ne profiterait pas aux petits paysans qui ont vendu tout leur stock dès la fin de l’été 1936.
21Poisson, proche de la SFIO réformiste, se lance lui aussi dans de longues explications, qui contestent surtout la valeur légale de tout projet de relèvement du prix. Devant certaines protestations de producteurs, Poisson interpelle les hommes de l’AGPB et des coopératives de blé qui lui sont liées sur leur représentativité réelle, et il signale que certains agriculteurs sont opposés au projet de hausse du prix. Le directeur de l’Office, Mathonnet, intervient quant à lui pour indiquer que ses services ont refait les calculs de Thureau-Dangin sur les indices, et si augmentation il y a, celle-ci est plus modérée que présentée par le délégué des producteurs. Un premier vote est effectué sur la question de principe consistant à savoir si le conseil a le pouvoir de réviser le prix du blé : 33 voix pour et 9 contre. Un deuxième vote a lieu sur le principe de la majoration au 1er février : 32 voix pour, 12 voix contre et 4 abstentions ; les suffrages exprimés ne comptant pas les abstentions sont de 44, et la majorité des trois quarts est donc manquée d’une voix33.
22L’AGPB se fait bien sûr l’écho de la réunion du conseil central. Le Bulletin cite longuement le rapport Thureau-Dangin et titre son article : « Par 32 voix contre 12 le conseil central de l’office du blé réclame le relèvement de prix du blé. La décision dépend maintenant du gouvernement34. » L’association attaque aussi Calvayrac, le président de la Confédération nationale paysanne, « adversaire obstiné du relèvement du prix du blé35 ». À l’occasion de ces débats, l’association critique la composition du conseil central, avec une cible privilégiée : les consommateurs : « Cette présence des “consommateurs” est complétée par une procédure qui fait d’eux les arbitres souverains des décisions à prendre. Il est prévu en effet que les décisions doivent être prises à l’unanimité ou à une majorité telle que les cultivateurs seuls ne peuvent jamais l’atteindre36. »
23L’AGPB espère ensuite obtenir la revalorisation du prix du blé par les votes du Sénat autour de la proposition de résolution du sénateur Veyssière, adoptée largement par la haute assemblée. L’association commente ainsi cette situation : « La multiplicité des débats sur cette question ne démontre-t-elle pas la duperie de la loi du 15 août 1936 […] dont l’Office est l’organe d’exécution37 ? » Puis elle se plaint des atermoiements du gouvernement et du report des interpellations parlementaires : « Quelles manœuvres inventera-t-on pour étouffer la révision du prix du blé avant le départ du parlement en vacances38 ? »
24Dans le Journal d’agriculture pratique, Girard mène aussi la charge : « La séance du 29 janvier doit rester mémorable et servir de leçon aux producteurs39. » Il ajoute :
« M. Thureau-Dangin a lu un rapport clair, court, objectif et parfait, qui aurait convaincu certes une Assemblée vraiment indépendante et souveraine. Tel n’a pas été le cas. Sur 48 membres présents, 4 se sont abstenus ; 44 ont exprimé leur volonté ; 32 ont proclamé la nécessité de donner aux cultivateurs les ressources indispensables au maintien de leur situation ; 12 ne l’ont pas voulu, bon nombre d’entre eux – pour ménager tout le monde – arguant du fait que seul le Gouvernement pouvait prendre la responsabilité du changement. Malgré la pression gouvernementale, il s’en est fallu d’une voix que le principe de l’ajustement ne soit adopté40. »
25Girard renchérit, dans un article ultérieur, en faisant de cette décision le symbole de la nécessaire réforme de l’institution :
« Il faudrait d’abord bien s’entendre sur ce qu’est un Office interprofessionnel ? […] Que viennent faire des consommateurs dans une réunion de techniciens ? Tout le monde est consommateur : ce n’est pas une profession ! […] On peut donc affirmer – expérience faite – que l’immixtion des Pouvoirs publics, apparente ou camouflée, enlève à l’Office son caractère technique41. »
26Au printemps et au début de l’été 1937, une offensive parlementaire est aussi menée pour la revalorisation de ce prix. Au Sénat, une proposition de loi est discutée le 25 mars et reçoit le soutien de Donon, en tant que rapporteur de la commission de l’agriculture42. Un texte bref est même adopté par le Sénat, mais son renvoi à la Chambre le bloque, prouvant que, dans ce bicamérisme strict, les blocages ne sont pas toujours issus du Sénat. Les députés opposants à l’Office essayent de relancer le débat en déposant eux aussi une proposition de loi43. Portée par Alexandre Duval, la proposition liste tous les votes du Sénat et les différentes initiatives, mais elle n’aboutit pas non plus, et on retrouve le débat au Sénat et à la Chambre à la veille de la clôture de la session.
27Devant la commission des finances de la Chambre, où un amendement, proposé sur un autre sujet, repose la question de la revalorisation du prix, Monnet vient dire clairement « qu’il n’est pas partisan, en principe, actuellement, d’une revalorisation du prix du blé44 ». Comme souvent depuis le vote de l’été 1936 créant l’Office, l’affrontement se fait en réalité avec le Sénat. La commission des finances de la Chambre accepte, conformément aux demandes du ministre de l’Agriculture et de celui des Finances, de disjoindre l’article cause du désaccord. Citant l’interpellation du sénateur Veyssière, le journaliste de L’Agriculture nouvelle conclut :
« Le refus du gouvernement de s’associer à l’élévation du prix du blé [est] l’argument le plus fort qui ait été produit contre l’institution de l’Office. Nous souscrivons sans réserve à cette appréciation, puisque nous avons toujours combattu l’office du blé, non pour des raisons politiques, mais parce que la stabilité des prix va à l’encontre de leur nature même, qui est d’être essentiellement mobile. Nous avons donc toujours considéré l’office du blé comme une hérésie économique45. »
28Le printemps 1937 est pour l’AGPB celui de cette lutte contre le gouvernement. L’association dénonce la situation :
« Par ses tortueuses manœuvres, le ministre de l’Agriculture est arrivé à ce qu’il voulait : il a retardé et fait traîner en longueur pendant deux mois, les interpellations sur le prix du blé, afin de les laisser sans réponse et de noyer leur conclusion à la faveur de la clôture de session et des vacances de Pâques. Combines, cuisine de procédure, intrigues, tout a joué pour bafouer les intérêts agricoles. […] Jamais les intérêts agricoles n’ont été sacrifiés avec autant d’ingéniosité cynique. Tout cela est trop bien cuisiné d’ailleurs. Le ministre de l’Agriculture a pris les paysans producteurs de blé pour des imbéciles qu’on peut bafouer impunément. Il le regrettera46. »
29Les meuniers se montrent plus circonspects :
« Au sujet du relèvement du cours du blé, pour cette campagne, nous croyons qu’il demeurera intangible, pour les raisons suivantes : le gouvernement ne veut à aucun prix d’une hausse du blé qui entraînerait la hausse du cours du pain. S’il doit la subir, il est certain qu’il ne fera rien pour la provoquer, M. Georges Monnet, qui est un dur, est chargé de cette politique. Il faut reconnaître qu’il a fait preuve d’une véritable virtuosité en éludant la question. […] Si l’Office se survit la campagne prochaine, à quel prix sera fixé le blé nouveau ? Nous ne pensons pas qu’il sera aussi fonction de la récolte qu’un vain peuple le pense, car la politique s’est introduite dans la question et a renversé les anciens facteurs : blé, farine et pain, en pain, farine et blé. Le prix du pain n’est plus fonction du prix du blé. C’est aujourd’hui le blé qui est fonction du prix du pain, car le “buen tono” gouvernemental est ouvrier et non rural47. »
30Le Journal d’agriculture pratique lance un référendum dans son numéro du 10 avril avec une double question : « 1° Êtes-vous partisan du relèvement du prix du blé ou du maintien du prix actuel ? 2° Quelles sont les raisons qui vous font préférer l’une ou l’autre solution48 ? » À la première question, le résultat est de 26 contre et 74 pour. À la seconde, le journal recense les arguments des « contre » : la revalorisation ne serait profitable que si du blé était encore en stock chez le producteur ; elle constituerait un problème pour les déficitaires, obligés d’en acheter à un cours plus élevé, et, enfin, elle entraînerait une augmentation générale du coût de la vie. Les arguments des « pour » résident dans les conséquences de la dévaluation, dans l’absence d’une corrélation absolue entre le prix du blé et celui du pain, dans la comparaison du niveau de vie des ouvriers et des paysans et dans la facilité qu’apporterait ce relèvement pour la transition avec la récolte suivante.
31En mai 1937, lors du congrès de Caen, organisé par l’UNSA, Pierre Hallé, pour l’AGPB, revient sur ces questions du prix du blé et, rappelant le passé, dénonce des choix politiques :
« Le prix de 55 francs a bien été le résultat, coupable, d’une politique insensée. […] Mais il est faux de prendre ce chiffre comme base de comparaison, en prétendant, comme le font les politiciens qui encensent l’Office du Blé, que ce prix de 55 francs représente la valeur du blé pendant toute la campagne qui a précédé la création de l’Office »
32Et il conclut : « Non la revalorisation agricole n’est pas faite49. »
33À la fin de la session, en juillet 1937, le sénateur Victor Lesaché constate cet échec et se plaint : « Voilà, plusieurs fois que cette proposition de loi, extrêmement importante, est ajournée50. » Une nouvelle proposition de loi, déposée par ce même sénateur, est débattue et reçoit le soutien de Borgeot, qui, rapportant pour la commission de l’agriculture, approuve l’augmentation de la part des producteurs dans le conseil central, ce « souci exprimé par M. Lesaché de donner à l’office du blé son caractère essentiellement professionnel51 ». Borgeot ne s’accorde pas sur une revalorisation du prix en cours de campagne : « La stabilité du prix est donc un des principes les plus importants et les plus essentiels de l’office du blé. On ne pourrait, par conséquent, sans s’exposer à de graves mécomptes, revenir sur ce principe qui satisfait l’ensemble du monde rural52. »
34La proposition de loi Lesaché au Sénat, en juillet 1937, est approuvée par l’AGPB, mais l’association indique :
« ce vote, dont le résultat ne constitue pas une loi, puisque la Chambre ne l’a pas ratifié, souligne cependant la volonté très nette du Sénat de ne plus admettre que les intérêts agricoles soient – par le jeu d’une procédure exorbitante – abandonnés au bon plaisir de la minorité des consommateurs et, en définitive, du ministre de l’Agriculture53 ».
35L’AGPB se félicite cependant de cette initiative, car « l’intervention de M. Lesaché a amené le ministre à prendre, devant le Sénat, l’engagement de ne pas modifier les bases de calcul fixées par la loi du 15 août 1936. L’opinion agricole sera reconnaissante à M. Lesaché, de son utile intervention. Elle sera reconnaissante au Sénat de l’avoir approuvé et soutenu [dans] ses efforts pour la défense des producteurs de blé54 ».
36Monnet se saisit de ce débat pour défendre son œuvre, et il déclare en séance :
« J’ai eu l’occasion, tout au cours de l’année, de traverser bien des départements de France où des paysans, par milliers, m’ont accueilli et m’ont remercié de la législation sur le blé. Et ces cultivateurs, je ne les avais pas convoqués. Je suis allé dans des départements dont les élus législatifs n’ont pas voté le projet sur l’office du blé55. »
37Monnet défend fermement la composition du conseil central et le principe de majorité qualifiée, et réaffirme : « Nous ne pouvons pas faire qu’un seul des éléments impose sa volonté à l’autre élément, sans quoi nous risquons de rendre absolument impossible le fonctionnement de la loi. » Il rappelle le débat de l’année précédente : « Respectez donc, Messieurs, ce que vous aviez fini par accepter l’an dernier : vous ne l’aviez pas, certes, accepté spontanément, puisque c’est seulement à la septième navette que vous vous y êtes ralliés56. » Le Sénat vote malgré tout cette modification, mais l’approche des vacances parlementaires empêche la transmission, même si un débat s’engage le même jour à la Chambre57.
38Monnet répond à une interpellation de Brachard à la Chambre de manière vive, sur le même thème :
« Vous avez la mémoire un peu courte, si vous ne vous souvenez pas que, l’an dernier, il a fallu sept navettes pour obtenir du Sénat ce vote sur lequel il essaie de revenir aujourd’hui en demandant qu’on s’en tienne à la majorité des deux tiers. J’avais déclaré, alors, que je préférais retirer mon projet instituant l’office du blé plutôt que d’admettre que le prix du blé soit fixé par les seuls producteurs. Ou bien on est partisan de l’office du blé et de la fixation du prix à sa valeur sociale, d’un prix qui échappe à la spéculation, qui est déterminée selon l’intérêt public, par la consultation de toutes les parties en cause, producteurs, intermédiaires, consommateurs et, dans ce cas, il faut que toutes les catégories en cause, soient consultées. Ou bien on est hostile à l’office et on cherche à y introduire des éléments qui en ruineront le principe58. »
39Le ton du ministre s’explique par le fait, précisé par un autre intervenant du débat, qu’il est alors 5 heures du matin !
40Mais ces débats sur la revalorisation empêchée révèlent d’abord un principe clef de l’Office, comme l’écrit alors un commentateur : « L’importance de la fixation de ce prix n’est plus à démontrer. Elle correspond au grand principe de l’Office : la stabilité59. » La mobilisation de l’AGPB montre d’ailleurs que l’accord existe dorénavant sur le principe du prix fixé pour la récolte, et que les luttes se déplacent sur le montant de ce prix.
B. La confusion sur le calcul du prix de 1937
41À l’approche de la fixation du prix pour 1937, l’AGPB reste attentive. Une déclaration du ministre, au début du mois du juin, approuvant par anticipation un prix de 150 francs, fait réagir l’association, qui déclare :
« le prix du blé doit être calculé par l’Office sur des bases chiffrées bien précisées par la loi. Il est grave que le ministre de l’Agriculture approuve officiellement – longtemps avant la récolte et avant la réunion du conseil de l’Office – un chiffre lancé au hasard d’une réunion publique et qui ne peut matériellement pas être le résultat d’un calcul fait conformément aux règles prévues par la loi60 ».
42L’AGPB publie une étude très détaillée sur les différents indices à prendre en compte pour le calcul du prix du blé, d’abord dans son Bulletin, puis en brochure61. Un premier échec pour fixer le prix du blé dur et l’incident de séance au conseil central sont relatés dans la presse. Ainsi, Le Temps commente l’événement en insistant sur « l’attitude résolue de la grande majorité des membres agricoles de l’office [qui] démontre que les producteurs de blé ne sont pas disposés à accepter que le gouvernement fixe un prix du blé inférieur à celui qui résulte de l’application rigoureuse de la loi62 ». L’AGPB se félicite de l’attitude des producteurs siégeant au conseil lors de cet incident63.
43En août, l’AGPB mobilise ses troupes avant la réunion du conseil central fixant le prix de la récolte pour le blé tendre. Pointier écrit que « l’importance de cette décision est exceptionnelle. Le sort de tous les producteurs de blé dépend du prix auquel la récolte sera payée. Le sort de tous les paysans est lié à la décision de l’office, il dépend du prix qui sera fixé pour le blé64 ». En ouverture de la séance fixant le prix pour la campagne de 1937, le ministre de l’Agriculture intervient. Après avoir demandé aux représentants des consommateurs « d’admettre que le prix du pain doit correspondre à un taux qui rapporte une rémunération satisfaisante aux producteurs de blé », il interpelle ces derniers et leur rappelle que « la fixation du prix du blé telle qu’elle appartient à l’Office n’est pas du tout l’établissement d’un prix arbitraire », commentant le fait que « l’office du blé n’a pas aboli la loi de l’offre et de la demande. L’office du blé a transposé dans le cadre national la loi de l’offre et de la demande. Il met en contact la production nationale et la consommation nationale et leur demande de déterminer où en est le point d’équilibre65 ».
44Patizel, réélu président, en appelle aux membres du conseil central pour « faire tout ce qui est en [leur] pouvoir pour que ce soit le conseil central et non pas le gouvernement qui fixe le prix du blé », et il parle d’un « prix équitable » à déterminer66. La séance de l’après-midi débute sur des querelles de légitimité. Du Fou reproche à la direction de l’Office d’avoir préparé une note sur le sujet du prix à fixer et de chercher à l’imposer. Il explique que « la note qui a été distribuée n’est donc qu’un élément mis à notre disposition pour l’étude de la question67 », et il propose que le conseil central débatte à partir de l’étude préparée par son collègue Thureau-Dangin. À propos de celle-ci, Patizel explique son origine : il a provoqué une réunion à l’assemblée des chambres d’agriculteurs la veille afin « de simplifier la discussion en recherchant entre [eux], producteurs, aussi objectivement que possible, la vérité, c’est-à-dire, le prix découlant de l’application de l’article 968 ». Le directeur de l’Office intervient alors pour défendre ses services et son initiative :
« Je sais que les producteurs de blé sont particulièrement qualifiés pour discuter de la valeur du blé, mais je sais aussi que les représentants du conseil central d’autres catégories de l’activité nationale n’ont pas, eux, les moyens de se renseigner complètement sur les prix et les indices qui doivent entrer dans le calcul du prix du blé. Aussi je revendique le périlleux honneur d’avoir rempli le devoir qui m’incombait en réunissant pour les membres du conseil central à qui ils pouvaient faire défaut, les indications indispensables pour une telle discussion69. »
45Dès le début de son discours, Thureau-Dangin explique qu’il demande, au nom des producteurs, au conseil central « de simplement appliquer la loi ». Il se lance ensuite dans un exposé complexe sur la méthode de calcul, qui s’oppose en tout cas aux choix ministériels70. Lurbe et Laulanié lui répondent en posant la question des prix de revient et des prix de remplacement, et en faisant part de leur désaccord sur ce point. Poisson intervient pour souligner l’origine des écarts dans les évaluations : « Les services de l’Office ont fait reposer leurs calculs sur les prix de revient de toutes les matières qui ont été employées pour la production de la récolte de 1937, tandis que M. Thureau-Dangin est parti des cours actuels71. » Poisson conclut sa prise de parole en interpellant les parlementaires qui siègent au conseil central sur la volonté initiale du législateur sur ce point. Flavien, pour sa part, reproche à Thureau-Dangin une « application arithmétique de la loi » et en appelle à un « certain esprit de conciliation », refusant de « se perdre dans des discussions byzantines72 ».
46Thureau-Dangin intervient alors en soulignant le problème de la virgule, qui fait éventuellement passer la prise en compte de trois à quatre coefficients :
« La difficulté vient de ce que le texte de la loi contient une virgule malencontreuse et inexplicable. Cette virgule placée avant la conjonction “et” prouve simplement que le prote du Journal officiel a oublié l’enseignement qu’il a reçu à l’école primaire. Dans une phrase, on n’accole jamais une virgule à la conjonction “et” on met la virgule ou la conjonction. On chercherait en vain cette virgule dans les textes qui ont été soumis aux délibérations du Parlement73. »
47Patizel décide de faire arbitrer par un vote la question du choix du prix de revient ou du prix de remplacement. Rius, représentant des consommateurs et membre de la CGT, refuse de prendre part au vote et Flavien s’abstient ; le score est cependant net : 26 voix contre 2 veulent que le calcul se fasse sur les indices actuels. Sur le second point des trois ou quatre indices, Brasart, le directeur de l’Agriculture, intervient et plaide fermement pour quatre. Il s’attire une réplique désagréable de Thureau-Dangin, qui lui reproche de ne pas avoir « l’expérience pratique de ces questions ». Le débat s’envenime et Du Fou répond à Rius qu’ils n’en sont plus « à savoir s’il y aura trois ou quatre indices mais à contester la totalité de la loi ». La séance dure et Poisson note ironiquement : « Je crains que nous n’avancions pas beaucoup. La discussion est très intéressante, très sérieuse, très instructive, mais je ne vois pas qu’elle nous éclaire beaucoup. » Face à Thureau-Dangin, il l’interpelle : « Je comprends très bien que vous ayez dit ce que vous croyiez être la loi. Vous êtes un homme plus qualifié que moi, puisque vous siégez au Sénat, mais enfin, nous nous tenons aussi à l’interprétation de la loi. Nous n’avons pas la même conception et c’est toute la question. » La discussion continue parfois dans une surenchère de détail, Tailledet, le représentant des artisans, se lance ainsi dans un développement sur les variations de prix de la bourrellerie !
48Devant l’impasse de la discussion sur les indices, les membres du conseil central commencent à annoncer les prix qu’ils sont prêts à voter… Calvayrac intervient ainsi pour dire que si, avec son collègue Gauthier, ils n’ont pas de mandat impératif, ils ont « la faculté de voter pour un prix allant de 180 à 185 frs le quintal », et il ajoute qu’ils ne voteront « pas un centime de moins, […] pas un centime de plus ». Sédillot annonce son inquiétude si le conseil n’arrive pas à un accord : « l’Office va se révéler incapable de faire ce dont il a la charge. On décrétera à plus ou moins brève échéance sa disparition ». Du Fou reprend sa position fermement et annonce qu’il ne donnera son « accord qu’à un prix qui résultera de l’application stricte de la loi ».
49Patizel décide alors de passer au vote et propose un premier scrutin sur le prix proposé par Thureau-Dangin. Il y a 51 présents sur les 52 membres, le quorum des quatre cinquièmes est largement atteint. Sur le prix de 200 francs, 10 membres s’abstiennent, 23 votent pour et 18 contre. Patizel fait ensuite voter sur la proposition Flavien à 175 francs : 5 abstentions, 11 pour, 35 contre. La séance est alors suspendue. Borgeot propose alors 185 francs, dans l’espoir d’obtenir l’unanimité. Poisson lui répond sévèrement : « Puisque l’accord complet n’existe pas, que chacun prenne ses responsabilités. Nous préférons plutôt que de nous compromettre et de vous compromettre, vous aussi, que le gouvernement décide lui-même du prix du blé. » Racamond, pour la CGT, refuse clairement le prix de 185 francs, en s’accordant au maximum pour 182 francs… Le vote, finalement, sur les 185 francs voit 3 abstentions, 23 pour et 25 contre !
50Après cette séance, le président de l’Office, Patizel, adresse un courrier manuscrit au président du Conseil pour lui apprendre que « malgré [son] désir le conseil central n’a pu se mettre d’accord sur le prix du blé. Le gouvernement va donc le fixer74 ». Il détaille :
« L’écart n’était pas grand cependant, puisque d’une part, les producteurs, en majorité, consentaient à ne pas s’en tenir rigoureusement au calcul résultant des conditions stipulées à l’art. 9 et consentaient le prix de 185 le qal. D’autre part, M. Gregh, contrôleur financier de l’office, parlant au nom des représentants de l’administration, proposait celui de 182. Vraisemblablement accepté par les représentants des consommateurs. J’ai l’espoir que le gouvernement tiendra compte de ces chiffres et fixera sinon 185, chiffre non exagéré si l’on tient compte de l’instabilité monétaire actuelle et des dévaluations successives, au moins 182. À l’appel que vous aviez bien voulu me faire jeudi dernier, je réponds par un autre appel en vous signalant la situation difficile dans laquelle se trouveraient les représentants des producteurs à l’office et moi-même plus particulièrement, si un prix inférieur était fixé. »
51Dans ce contexte, un député écrit aussi au président du Conseil à propos de la fixation du prix. Pierre Mathé est un parlementaire de Côte-d’Or inscrit comme « indépendant agraire », sa prise de position est polémique :
« Le conseil central de l’office du blé n’ayant pu se mettre d’accord, il appartient donc à Monsieur le ministre de l’Agriculture d’en fixer lui-même le prix. C’était ce que nous redoutions le plus, car, plus que jamais, Monsieur Monnet se montre l’adversaire de ceux qu’il doit défendre75. »
52Il réclame « un prix très voisin de 200 francs, correspondant aux circonstances actuelles et à l’équité que sont en droit d’attendre tous les producteurs français ».
53Un télégramme du sénateur Alexandre Goré, président de la Société des agriculteurs de l’Oise, et du président de la chambre d’agriculture de l’Oise, Henry Girard, demande la fixation du prix du blé « en tenant compte des calculs précis justifiés et légaux établis par représentants agricoles au comité central soit 200 francs/quintal76 ». Des agriculteurs du Cambrésis envoient eux aussi un télégramme à la présidence du Conseil pour demander « instamment au gouvernement la stricte application de la loi pour fixation du prix du blé récolte 1937 qui s’annonce particulièrement déficitaire dans la région77 ». Le président de la coopérative de blé d’Yvetot exprime une idée semblable en ajoutant un élément : « culture demande instamment 200 francs quintal blé ou liberté transactions pour permettre augmentation salaires ouvriers agricoles78 ».
54Le prix arbitré par le gouvernement à 180 francs est vécu comme « un échec grave » par l’AGPB, qui dénonce un prix « illégal et insuffisant79 » et s’attaque surtout à la majorité qualifiée réclamée pour cette procédure : « Une fois de plus, la preuve est faite que les intérêts agricoles ne peuvent pas obtenir à l’Office la majorité des ¾80. » De manière significative, l’AGPB publie le détail des votes sur le prix de 200 francs qui était proposé en conclusion du rapport Thureau-Dangin et que l’association considère comme le « prix légal », et le commente ainsi :
« D’un côté, pour le prix légal, l’immense majorité des producteurs. De l’autre, contre le prix légal : un indigène algérien, ami personnel du ministre de l’Agriculture, deux représentants de la confédération nationale paysanne socialiste, deux représentants de la confédération des paysans travailleurs communistes, les représentants des consommateurs, les représentants de la semoulerie de Marseille et de l’industrie des pâtes alimentaires, enfin, les quatre fonctionnaires représentants du gouvernement. C’est un beau rassemblement contre les intérêts agricoles81. »
55L’AGPB dénonce le calcul des services administratifs de l’Office sur 4 coefficients au lieu de 3, ainsi que la méthode de ce calcul, en contradiction avec les pratiques des offices comptabilité, et le fait qu’« au prix “légal” le ministre oppose un prix “réel” fixé par marchandage82 ». Devant cette situation, Pointier saisit au nom de l’AGPB le président de la commission sénatoriale de l’agriculture sur ces « irrégularités qui marquent la fixation du prix du blé 1937 », avec une très longue note pour démontrer que « la loi a été violée » et qu’il « faut que le ministre de l’Agriculture, responsable de cette illégalité, sache que le Parlement ne l’admet pas, ni pour le présent ni pour l’avenir83 ».
56Mais les représentants de la gauche paysanne au conseil central ne se laissent pas facilement dénoncer, et Élie Calvayrac répond dans la presse :
« Dans les 28 voix qui votèrent contre, on y trouve : les dorgéristes notoires de l’AGPB ; les délégués de la CGT et des coopératives de consommation, les délégués des transformateurs et de l’administration. C’est, vous le voyez, un bel amalgame, que je ne veux pas commenter. Je souhaite ardemment que ce vote n’ait pas de trop lourdes conséquences pour l’avenir. Pour en terminer, je veux dire aux aboyeurs de l’AGPB et aux journaleux qui écrivent dans la presse fasciste, soi-disant agraire, que Gauthier et moi avons apporté la preuve que la CNP, soucieuse de l’intérêt général du pays, savait aussi défendre les intérêts des Paysans authentiques, dans une indépendance totale et absolue84 ».
57Ce nouveau blocage sur la détermination du prix amène certains acteurs à s’interroger. Ainsi, Gérard Vée, secrétaire de la Confédération nationale paysanne, écrit dans un journal :
« Devons-nous mêler notre juste sentiment de regret à la campagne de dénigrement et de critiques que nos adversaires poursuivront non seulement contre l’office du Blé, mais aussi contre le principe – pour nous précieux – de la collaboration des producteurs et des consommateurs pour l’établissement d’un “prix social” mutuellement accepté ? Non et non ! L’office du blé est tout de même, il faut le redire, le résultat de sept épuisantes navettes parlementaires au cours desquelles notre camarade Georges Monnet dut consentir de sérieuses retouches qui affaiblissaient son projet de loi85. »
58L’AGPB poursuit ce prix, fixé par le ministre à 180 francs, de sa détestation. D’une part, Pointier dépose un recours devant le Conseil d’État et, d’autre part, l’association se fait l’écho d’un article d’Ernest Poisson du 13 novembre dans la revue Le Coopérateur de France. Poisson aurait écrit :
« Nous pensons qu’il ne dépend que de la bonne foi réciproque pour arriver à une entente. Sachant par avance que le prix de 180 fr. serait arrêté par le gouvernement, il semble bien que les représentants des consommateurs avaient fait un sacrifice en proposant à l’Office le prix de 182 fr. Si cela avait été accepté, le gouvernement ne serait pas intervenu. »
59L’AGPB commente ainsi :
« Lorsque les représentants agricoles se réunissaient à l’Office, de bonne foi, pour calculer le prix du blé comme le veut la loi, les jeux étaient déjà faits : le ministre de l’Agriculture avait déjà, et d’accord avec les consommateurs, décidé le prix de 180 fr. Que devient la légalité dans cette combinaison ? Que fait-on du calcul légal sur des indices minutieusement fixés par le législateur ? Quel compte tient-on des “avis” des comités départementaux ? Comment sont respectés les intérêts agricoles86 ? »
60En septembre 1937, la commission sénatoriale de l’agriculture reçoit une lettre de l’AGPB sur les conditions de fixation du prix du blé. La commission reste prudente sur le calcul, mais est « unanime à regretter qu’une majorité n’ait pu se dégager au sein du conseil central de l’office du blé sur un prix accordant une meilleure rémunération aux producteurs87 ». Monnet, au contraire, défend le travail du conseil central et insiste même, dans un texte publié, sur le rôle des représentants des consommateurs :
« Les débats qui se sont déroulés, en août 1936 et en août 1937, au sein du Conseil central de l’Office du blé, ont donné l’occasion aux représentants des consommateurs, ceux qui représentent les coopératives de consommation, comme ceux qui représentent la CGT, de se montrer tout disposés à consentir une augmentation du prix du pain, nécessaire pour garantir aux producteurs de blé une rémunération satisfaisante88. »
61En novembre 1937, se tient au Sénat un débat qui place Georges Monnet dans une situation délicate avec une interpellation du sénateur René Hachette, qui reconnaît, au début de son intervention, qu’il représente le même département que le ministre de l’Agriculture et qu’il est un de ses adversaires politiques. Hachette assume aussi son hostilité à l’Office, mais ses critiques sont précises. Elles portent d’abord sur certains membres désignés par le ministre au conseil central, « qui sont peut-être des hommes éminents en eux-mêmes, mais qui [lui] paraissent ne représenter qu’assez faiblement la profession, étant donné qu’ils sont les mandataires d’un nombre d’adhérents extrêmement restreint89 ». Mais le point le plus important de l’interpellation porte sur l’article 9 de la loi et les « virgules » de la phrase consacrée aux indices à mobiliser pour déterminer la base du prix. Hachette s’explique en ayant relu le texte de l’article avec sa ponctuation : « La dernière virgule que j’ai soulignée devant vous ne figure que dans un seul texte, celui qui a paru au Journal officiel le 18 août 1936 et que nulle part, dans aucun des trente documents qui ont été soumis aux deux assemblées au cours des sept navettes, cette virgule ne figure90. » Hachette explique la conséquence de cet état de fait, car, « suivant qu’il y a une virgule ou qu’il n’y en a pas, il y a lieu d’appliquer au prix du blé trois index ou quatre index ». Patizel défend l’Office et souligne qu’il a consulté des juristes qui ne se sont pas accordés sur ce point. Il fait un discours très général, dans lequel il plaide pour la discipline professionnelle afin d’éviter « la misère à brève échéance » : « Aujourd’hui comme hier, je dis : organisation91. » Jacques Benoist, lui aussi membre du conseil central, défend l’Office et conclut sa réponse à Hachette : « Je représente comme vous, mon cher collègue, un département grand producteur de blé, et dans tout ce département d’Eure-et-Loir, comme dans beaucoup d’autres que je connais bien, je peux dire qu’on a la plus grande confiance dans l’office du blé92. »
62Monnet intervient pour relativiser la question de la virgule :
« Là s’est posée une question de virgule, et je pense, à ce propos, à une scène assez cocasse du Mariage de Figaro. Allons-nous discuter sur un signe grammatical, sur la position d’une virgule ? […] Croyez-vous vraiment que cette virgule ait été mise là volontairement, malicieusement, systématiquement, comme si nous avions prévu qu’il valait mieux appliquer trois index que quatre, et que, grâce à cette virgule placée à certain endroit, on modifierait le nombre des indices93 ? »
63Le débat se poursuit sur le contingentement des moulins et ses conséquences. Un ordre du jour très hostile à l’Office est déposé par plusieurs sénateurs s’associant à Hachette. Donon demande de le repousser et commente ainsi : « Sans doute, l’office du blé n’a pas été réalisé comme l’avait espéré le Sénat. […] Bien qu’il n’ait pas été ce que nous désirions, cet office a cependant rendu des services à l’agriculture française94. » Le contrordre du jour qu’il propose obtient une nette majorité. Il n’en reste pas moins que le président du Sénat obtient du ministre de l’Agriculture un rectificatif pour la virgule « surnuméraire » à l’Officiel, près de 16 mois après la publication de la loi95.
64L’AGPB se félicite bien sûr de la correction parue à l’Officiel : « La leçon a porté et la rectification est faite : la virgule est supprimée ; le texte, rétabli dans sa rédaction primitive, fait bien apparaître les 3 indices, conformément à la logique grammaticale et au bon sens tout court96. » Un meunier note à ce propos :
« La coûteuse et chère virgule fait penser que l’Office qui devait être un organisme essentiellement économique devient, est devenu, un rouage politique à la disposition d’un ministre qui sera trop souvent l’émanation d’un parti. Entre des mains partisanes, l’Office peut devenir une de ces fibres nombreuses qui se tissent pour tenir le monde, le travail et les professions à la merci de la politique97. »
65Mais l’histoire de cette virgule et du nombre d’indices à mobiliser pour ce calcul n’est pas encore finie… En effet, les prix fixés en 1936 et en 1937 ont été tous les deux attaqués devant le Conseil d’État.
C. L’arbitrage (tardif) du Conseil d’État
66La juridiction administrative met du temps à se prononcer, mais le fait enfin à l’été 1938, juste avant la détermination du prix du blé pour la récolte de 1938. Le Conseil d’État tranche une bonne partie des questions de méthode concernant la fixation du prix annuel. L’AGPB s’était montrée critique de la lenteur du Conseil d’État à se prononcer sur le premier recours, introduit par Le Roy Ladurie contre le prix du blé fixé à l’été 1936 :
« Le Conseil d’État attendra-t-il que la récolte de 1936 soit complètement vendue pour rendre son jugement ? On dit que l’office du blé et l’administration multiplient les obstacles pour retarder la décision attendue. Évidemment, il faut éviter par-dessus tout que le prix de 140 francs soit déclaré illégal avant le mois d’août, époque à laquelle l’office sera appelé à statuer à nouveau98. »
67Les deux arrêts du Conseil d’État du 29 juillet 1938 sont explicites. Sont mobilisées dans les visas la loi du 15 août 1936 et les lois organisant le pouvoir juridictionnel du conseil99. Le premier, considérant des arrêts, reprend les termes de l’article 9 de la loi du 15 août 1936 et fait référence aux « travaux préparatoires » de celle-ci. Pour le prix fixé en 1936, la justification de la décision est celle-ci :
« Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment du compte rendu sténographique des délibérations du conseil central que celui-ci, après avoir fait porter son étude sur les indices, en en réduisant d’ailleurs irrégulièrement le nombre à trois, et en se bornant, en méconnaissance de la règle ci-dessus définie, à faire état des derniers cours relevés au jour de sa réunion, n’a pas poussé plus loin les opérations dont il avait la charge, et s’inspirant de soucis qui, quelle qu’en pût être la valeur propre, ne pouvaient justifier légalement l’abandon de la méthode imposée par l’art. 9 précité, a fixé à 140 francs le prix du blé à compter du 1er septembre 1936 par le motif que ce prix pouvait être admis comme représentant une transaction entre les divers intérêts en présence ; que dans ces conditions, les pièces du dossier ne permettant pas d’affirmer qu’au cas où il aurait été procédé en conformité des prescriptions législatives le prix du blé n’aurait pas dû être fixé à un chiffre plus élevé que celui qui a été arrêté, il y a lieu d’annuler la décision attaquée comme manquant de base légale100. »
68Sur le prix de 1937, le raisonnement est plus simple : « Considérant […] qu’il n’est justifié d’aucun vice dans la méthode appliquée […] le sieur Pointier n’est fondé à soutenir par aucun des moyens qu’il invoque que le décret attaqué est entaché d’excès de pouvoir101. »
69Pour mieux comprendre ces décisions et leur arrière-plan, on dispose par chance des conclusions publiées du commissaire du gouvernement Roger Latournerie102. De manière classique, ce texte commence par s’intéresser à la question de la recevabilité des pourvois. Si la justification est brève, elle est révélatrice. La première question à laquelle Latournerie répond concerne le fait de savoir si « de telles décisions [sont] susceptibles de recours pour excès de pouvoir ». Sa réponse est affirmative, car il s’agit de décisions administratives, que ce soit celle du conseil central ou, de manière plus évidente, celle du Conseil des ministres. Rappelant que l’article 1er de la loi créant l’Office en fait un « établissement public », il indique que « le conseil central a ainsi incontestablement le caractère d’une autorité administrative », et, s’interrogeant sur le fait de savoir dans quelle catégorie juridique, les mesures prises par l’Office prennent leur place, il répond que cette institution est « le type, jusqu’à présent le plus accompli, d’une nouvelle variété d’organisations administratives, à savoir les services économiques, qui, depuis la guerre, sont venus se ranger, sans s’y confondre, à côté des services commerciaux et industriels, sous la rubrique des services publics103 ». La seconde question pour la recevabilité concerne la qualité des requérants, et sur ce point, le commissaire du gouvernement se fait presque poète : « Cette qualité, ils la partagent d’ailleurs avec les centaines de milliers de citoyens français qui font germer le froment et dressent la javelle et qui, si faible que soit leur production, sont désormais, obligatoirement, les ressortissants de cette organisation nouvelle104. »
70La discussion sur le fond se compose de trois inégales parties : le prix du blé (récolte 1936-1937), qui fait l’essentiel de la démonstration, et deux éléments plus ponctuels concernant le barème des bonifications et réfactions pour la récolte 1937 et la taxe de 50 centimes pour la récolte 1936105. Sur le cœur du débat autour du prix du blé, Latournerie divise son raisonnement en deux : d’abord l’interprétation de l’art. 9, § 1er de la loi de 1936, puis l’application de ces principes.
71Sur l’interprétation de la loi, Latournerie ne pose pas moins de six questions, dont les réponses sont plus ou moins complexes. La première est simple : « Est-il exact que l’art. 9 […] ait institué un minimum de prix déterminé par une formule ? » Pour lui, « les termes mêmes de la loi sont, sur ce point, très explicites. Les travaux ne le sont pas moins106 ». Latournerie rappelle l’amendement de Guy La Chambre, déposé le 3 juillet, combattu par le ministre avant qu’il ne s’y rallie et finalement voté. La deuxième question concerne la formule et ses règles de calcul ; Latournerie la pose ainsi : « Mais cette formule capitale, où est enclose, en quelque sorte, à l’abri, la clé du coffre-fort de l’économie rurale, quelle est-elle107 ? » Il répond d’abord que la détermination du prix moyen est simple, le problème est celui du coefficient de majoration avec trois sous-questions : le nombre des indices à retenir, le calcul de ces indices et la nature de la moyenne de ceux-ci. Sur le nombre des indices, le conseiller d’État rappelle la mésaventure de la « virgule “excédentaire”108 » et sa suppression au Journal officiel par rectificatif, mais, dans le même temps, il souligne que les débats parlementaires expriment clairement l’idée qu’il s’agit de quatre indices. La question du calcul de ces indices est plus délicate, et Latournerie se fait l’écho d’un argument avancé par l’une des parties : « Si le gouvernement devait être regardé comme lié par la formule, il suffirait à son calcul d’un simple scribe, d’une sorte de robot mathématicien109. » Concernant la méthode pour faire la moyenne des indices, le commissaire du gouvernement reconnaît qu’il est dans le doute : « Il semble, néanmoins, que le législateur ait plutôt envisagé la moyenne arithmétique. Les travaux ne sont pas, toutefois, sur ce point, des plus nets110. » Le travail d’exégèse de la volonté du législateur est bien au cœur de la réflexion de la juridiction administrative.
72Le troisième point concerne la répercussion sur le prix de l’importance de la récolte. Sur ce point, l’interprétation de Latournerie est aussi intéressante :
« Mis à l’abri, par la formule du minimum de prix, de certaines de conséquences les plus rigoureuses de la loi de l’offre et de la demande, les producteurs de blé auront à payer le prix de cette sécurité par les sacrifices éventuels qui pourront leur être demandés, en cas de récolte insuffisante, sur le prix auquel peut-être, sans la loi, ils auraient pu alors prétendre. Ces sacrifices, en effet, ne sont que la contrepartie de ceux qui, dans le cas inverse, sont indirectement demandés aux consommateurs, sous la forme d’une majoration du prix qui fût sans doute résulté alors normalement de la loi de l’offre et de la demande111. »
73L’interrogation suivante porte sur les sources de la documentation nécessaire au calcul des indices, point sur lequel portait particulièrement l’attaque du pourvoi de Pointier contre le prix 1937, et Latournerie signale que la procédure semble sur ce point avoir été respectée. La cinquième question porte sur le fait de savoir si les règles en vigueur pour le conseil central s’appliquent au gouvernement, et la dernière sur la nature et l’étendue du contrôle du Conseil d’État sur l’application de ces règles.
74Concernant l’application de ces principes, les conclusions citent expressément les comptes rendus sténographiques du conseil central de l’Office et listent en détail les différents moyens introduits par les deux pourvois. Dans ses conclusions générales, Latournerie rappelle le sens de la démarche du Conseil d’État et montre qu’il a bien conscience de l’attente de certains protagonistes envers ces arrêts :
« À certaines procédures contentieuses il pourrait être, à tort sans doute, prêté la secrète intention de faire échec “sur le plan juridictionnel” à la volonté du législateur, telle qu’elle s’est inscrite dans la loi. Si d’aventure un tel dessein avait jamais pu être formé, il n’aurait pu l’être évidemment que par une méconnaissance flagrante de votre mission contentieuse. Votre décision, en effet, même si, comme il y a lieu, croyons-nous, elle prononce, sur les points que nous avons indiqués, l’annulation des mesures contestées, ne saurait nullement – sans doute serait-il superflu de le dire si parfois d’assez sérieuses méprises ne se produisaient sur la portée de vos arrêts – s’inspirer d’un esprit de censure, fût-elle indirecte, de la conception qui est à l’origine de la loi, non plus que des formes dans lesquelles elle s’est traduite. Là comme ailleurs – seraient seuls exposés à faire cette confusion ceux qui ignorent tout de son rôle – la fonction du Conseil d’État statuant au contentieux n’est pas de faire la critique de la loi, mais seulement son exégèse ; d’en modifier le champ ou la portée, mais bien au contraire d’en assurer une application à la fois conforme aux intentions du législateur et conciliable avec l’ensemble des règles juridiques en vigueur112. »
75Au-delà de la défense de la juridiction, le commissaire du gouvernement souligne l’enjeu de ces arrêts :
« Votre décision même, si comme nous le pensons, elle ne peut se dispenser de prononcer la censure des méthodes suivies dans la première campagne, ne sera évidemment pas sans jeter, non pas seulement dans les services, mais encore dans tout le monde agricole et aussi peut-être dans les diverses catégories sociales intéressées, un trouble qui n’est pas négligeable. Mais ce trouble, normalement ne doit être que temporaire ; car si votre décision, comme on doit l’espérer, reçoit la seule interprétation qu’il soit légitime de lui donner, elle doit apporter, bien plutôt qu’une entrave au jeu de la loi, une aide à son fonctionnement, en donnant aux agriculteurs, sur la mesure de leurs droits, et au service, sur la portée de la loi, des indications qu’en l’absence de tout règlement ils ne sauraient trouver ailleurs113. »
76Un jeune auditeur au Conseil d’État commente la décision dans une revue juridique et note, à propos de l’article 9 de la loi du 15 août 1936, que « ce texte n’est évidemment pas d’une grande clarté » et que « la décision du Conseil d’État laisse heureusement au conseil central de l’Office la possibilité de mettre un peu d’ordre dans ces éléments d’appréciation114 ». Il conclut en se félicitant d’une décision équilibrée :
« En somme, il résulte essentiellement de l’étude de ces décisions et des textes relatifs à la fixation du minimum de prix du blé que l’utilisation d’indices et de procédés arithmétiques pour la détermination du prix de ce produit se heurte à de grandes difficultés. Si l’on veut introduire en cette matière instable où l’offre et la demande bien que sur le plan national seul, doivent continuer à jouer, une méthode trop rigide de calcul des prix, on risque d’aboutir à des résultats théoriques déraisonnables ; si l’on supprime au contraire toute base de calcul d’un minimum de prix, on enlève une garantie sérieuse aux producteurs. Ni l’une, ni l’autre de ces deux tendances extrêmes n’ont prévalu devant le Conseil d’État qui par ces deux arrêts, et l’interprétation nuancée qu’ils donnent de la loi, tout en imposant l’utilisation des indices et coefficients légaux permet notamment par la pondération, leur utilisation raisonnable115. »
77En plein été 1938, l’AGPB se fait l’écho des « deux importants arrêts du Conseil d’État » sur la fixation du prix légal du blé116, que l’association résume ainsi :
« 1° Un premier fait capital : par l’annulation du prix 1936, le Conseil d’État apporte aux producteurs une garantie fondamentale contre une fixation arbitraire du prix par l’Office ou par le gouvernement. 2° L’interprétation de la loi, donnée par le Conseil d’État pour fixer les principes suivant lesquels le prix doit être calculé, conduit à une méthode défavorable à la fixation d’un prix vraiment rémunérateur. 3° Enfin, d’importantes questions techniques – objet essentiel du recours Pointier – ne sont pas tranchées : le Conseil d’État, volontairement, ne s’est pas prononcé sur les éléments techniques du calcul qu’il a estimé être – dans le cadre des principes généraux fixés par lui – du ressort du conseil central de l’office du blé117. »
78L’AGPB est un peu frustrée, malgré tout, du rejet du pourvoi de son président, et commente le travail de la juridiction :
« Cette volonté de ne pas s’immiscer dans les questions d’ordre technique a été inspirée très nettement, ainsi qu’il résulte de la discussion, par le souci du Conseil d’État de ne pas être transformé en un tribunal d’appel chaque fois qu’un intéressé pourrait s’estimer lésé par une décision purement technique. Le Conseil d’État réserve tous ses pouvoirs de contrôle pour le cas où une illégalité serait commise contre les règles de principe fixées par la loi et son interprétation qui doivent être respectées. Mais il ne veut pas être appelé à trancher des conflits naissant à propos des débats techniques sur les modalités d’application dont la solution ne découle pas strictement du texte même de la loi. C’est cette position qui a amené le Conseil d’État à ne pas donner satisfaction au recours Pointier118. »
79L’arrêt est aussi commenté par Monnet dans la presse quotidienne socialiste. L’ancien ministre de l’Agriculture parle d’« un arrêt qui ne manquera pas de surprendre l’opinion agricole ». Commentant l’annulation du prix de 1936, il indique : « La décision unanime prise par le conseil central, si elle n’a pas été suffisamment motivée, n’en était donc pas moins strictement conforme à la loi. C’est pourquoi l’exploitation que les adversaires de l’office chercheront à faire de l’arrêt du Conseil d’État ne pourra aller bien loin. » Il ajoute, comme une critique à peine voilée de la logique développée par la juridiction administrative :
« Cette notion de l’unanimité, c’est celle à laquelle, quant à moi, j’ai toujours attaché le plus de valeur : c’est bien celle qui consacre qu’un prix peut être fixé par un accord entre des catégories réputées antagonistes (producteurs et consommateurs) le jour où ces dernières sont devenues conscientes de l’exploitation dont elles sont victimes les unes comme les autres en économie capitaliste119. »
80Le débat est reposé brièvement à l’automne 1938 avec la nécessaire « reconsidération de la fixation du prix du blé de la campagne 1936-1937 », prix qui a donc été cassé par le Conseil d’État. Les services de l’Office proposent de nouveaux calculs, mais qui aboutissent à un prix quasiment identique à celui fixé en 1936. Le président Patizel conclut, satisfait : « Il n’y a donc aucune répercussion à prévoir120. » La réflexion de la haute juridiction n’en reste pas moins significative des difficultés à interpréter la loi votée à l’été 1936.
D. La configuration d’une récolte excédentaire :
le prix de 1938
81La fixation du prix de 1938 se fait donc dans un contexte un peu particulier après la décision du Conseil d’État et pour une récolte qui s’annonce largement excédentaire. En amont de la réunion décisive du conseil central se sont accumulées les tensions. La séance du 2 juin 1938 a été consacrée à la fixation du prix du blé dur et, comme l’année précédente, elle donne lieu à des affrontements sur l’interprétation du texte de la loi d’août 1936 et des décrets successifs. De plus, les luttes d’intérêts entre les représentants des producteurs d’Algérie et ceux de la semoulerie restent très présentes. Parallèlement, de nombreux commentaires sont publiés avant la réunion du mois d’août.
82En juillet, André Tardieu s’inquiète depuis sa retraite de la récolte excédentaire et des risques pour les producteurs de blé. Il tresse des éloges à son action passée et attaque ses successeurs et l’Office : « Il y avait, il est vrai, l’office du petit Monnet. Mais l’office du petit Monnet, n’ayant pris aucune des mesures classiques, s’est laissé déborder121. » Toujours avant la réunion du conseil central, un article dans le quotidien socialiste indique certaines tensions politiques :
« On a prétendu qu’aucune majorité ne pourrait se dégager au conseil central de l’Office pour fixer le prix arbitraire du blé et qu’il appartiendrait une fois de plus au conseil des ministres de fixer un prix forcément politique et social. Et d’ajouter que M. Queuille, renouvelable en octobre prochain par un collègue sénatorial rural, serait bien embarrassé122… »
83L’article du Populaire continue en indiquant plusieurs prix lancés par des parlementaires, souvent autour de 200 francs. L’AGPB a, comme l’année précédente, publié une brochure intitulée Pour fixer le prix légal du blé de la récolte 1938, avec en calcul provisoire un coefficient de 7,95 et donc un prix de 220,35 francs le quintal123. La brochure dénonce « l’escroquerie des 4 indices » que le décret-loi du 17 juin oblige à prendre en compte.
84La fixation du prix en août 1938 se fait dans des circonstances spécifiques qui sont rappelées par Patizel après sa réélection à la présidence de l’Office :
« Depuis la publication du décret de juin 1938 et l’arrêt rendu par le Conseil d’État, le conseil central est en présence de règles précises, dont il ne peut pas s’écarter, pour fixer le prix du blé, sous peine de voir annuler de nouveau sa décision par le Conseil d’État. Nous pouvons discuter ces règles en dehors de cette réunion. Ici, nous devons nous incliner devant ce qui est la loi et la jurisprudence124. »
85À l’ouverture de la séance le 24 août au matin, un seul absent excusé manque au conseil central pour statuer sur le prix du blé. Lurbe défend les calculs de ses services, qui ont donné lieu à une note adressée aux membres du conseil. Il rappelle l’arrêt du Conseil d’État et souligne que, comme le prix de 1937 n’a pas été annulé, il a adopté la même méthode et aboutit au prix de 195,40 francs. C’est à nouveau Thureau-Dangin qui, pour les producteurs, défend un calcul différent, en détaillant chaque indice et en en appelant aux conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d’État contre les services de l’Office. Il arrive à proposer un prix de 216 francs le quintal pour la récolte de 1938. Comme les fois précédentes, le débat devient assez vite vif, les calculs proposés dans une brochure par l’AGPB étant cités et pris à partie. Le directeur de l’Office mobilise lui aussi l’ensemble des arguments déployés au Palais-Royal. Viaux-Cambuzat, en soutien à Thureau-Dangin, rappelle les débats parlementaires de l’été 1936 et l’amendement de Guy La Chambre… L’exégèse des conclusions Latournerie et de l’arrêt du Conseil d’État tourne au pugilat rhétorique. Laulanié et Boulangé interviennent pour eux aussi défendre le point de vue des producteurs.
86Rius, de la CGT, n’intervient que pour commenter l’indice des salaires des ouvriers agricoles en refusant les chiffres avancés par les services de l’Office, mais il signale au passage son désaccord complet avec la méthode de Thureau-Dangin. Poisson, quant à lui, parle du prix du pain et plaint le consommateur si les chiffres avancés par Thureau-Dangin sont adoptés ; il conclut :
« Je sais bien que la décision à prendre est mathématique. Mais il y a l’interprétation des coefficients. Je vous demande de ne pas pousser à l’accroissement de ces coefficients, qui pourrait amener une situation délicate et creuser un fossé plus profond encore, il l’est déjà trop, entre les producteurs et les consommateurs125. »
87Calvayrac commence son intervention appelant à la médiation par une formule qui résume la tonalité des débats de 1938 : « Je voudrais essayer, malgré l’arrêt du Conseil d’État, de trouver un terrain d’entente126. » Jacques Fourmon, inspecteur des Finances et représentant du ministre de l’Économie nationale, indique que ses services ont aussi fait des calculs et arrivent à un chiffre encore inférieur de 190 francs, mais il accepte de se rallier au chiffre des services de l’Office. Thureau-Dangin lui oppose immédiatement l’obligation de se conformer à l’arrêt du Conseil d’État.
88Patizel prend sur ce point une position assez ferme :
« Je ne laisserai pas s’instaurer une discussion sur un prix déterminé par des considérations d’ordre social ou économique. Le conseil central n’a pas à se rallier à un prix arbitraire. S’il le faisait, ce serait suffisant pour vicier sa décision. M. Latournerie s’est reporté à nos discussions et aux procès-verbaux des réunions dans lesquelles nous avons fixé les prix de 1936 et de 1937 pour en tirer des arguments. Ne renouvelons pas l’erreur de 1936, nous nous exposerions de nouveau à un recours127. »
89Thureau-Dangin accepte de refaire des calculs avec certains des chiffres fournis par les services de l’Office et arrive à 209 francs. Patizel se réjouit d’une discussion « d’une très haute tenue », mais constate aussi qu’elle est « très longue »… Il fait finalement passer au vote d’abord sur la proposition Thureau-Dangin : sur 51 présents, 47 suffrages sont exprimés, et alors que la majorité des trois quarts des suffrages exprimés est donc à 36, la proposition reçoit 35 pour, 4 abstentions (Flavien, Sédillot, Guillée et Périer) et 12 contre (Bothereau, Cozette, Poisson, Prache, Racamond, Rius, Tailledet, Barbaro, le directeur de l’Agriculture, le directeur général des Contributions indirectes, le représentant du ministre de l’Économie nationale et le directeur des Affaires algériennes). Un second vote est fait sur le chiffre obtenu par le calcul des services de l’Office (« recalibré » à 196,40 francs) : 51 suffrages exprimés, 11 pour (les mêmes que le tour précédent, moins Poisson) et 41 contre ! La proposition Flavien, fondée sur un calcul encore différent, est rejetée sans vote nominal.
90Après la pause déjeuner, la séance est reprise et les producteurs présentent un nouveau calcul et un nouveau chiffre de 207 francs. Poisson intervient sévèrement pour dire : « Nous ne sommes toute de même pas – c’est un mot désagréable qui me vient aux lèvres, je vous prie de m’en excuser – une assemblée maquignon128 ! » Il annonce qu’il refuse tout nouveau vote. Bernard lui réplique tout aussi vivement : « Si, à toutes les séances, il est quelqu’un qui, je ne dirai pas maquignonne, mais qui essaye de marchander et de tirer les ficelles – nos procès-verbaux en font foi – c’est bien vous, Monsieur Poisson129. » Racamond, de la CGT, soutient Poisson et, malgré les appels au calme, le débat prend un tour passionnel. Les négociations continuent, mais avec la contrainte, toute formelle, de devoir justifier les chiffres lancés dans le débat par de nouveaux calculs… et Rius s’exclame : « J’ai l’impression que, depuis ce matin, les indices et les coefficients sont devenus bien élastiques130. » Racamond stigmatise des producteurs qui, ayant échoué à obtenir le matin le chiffre de 209, sont prêts à transiger dans l’espoir d’éviter que la décision revienne au gouvernement si la majorité qualifiée n’est pas atteinte par le vote du conseil central.
91La séance est suspendue, mais, à la reprise, le quorum n’est pas réuni et le débat est relancé pour savoir si, avant le vote, le quorum est déjà nécessaire pour pouvoir délibérer… Le temps de ces joutes verbales, le quorum est à nouveau réuni… Afin de tenter de trouver une transaction, on propose de discuter, en même temps que le prix, du poids spécifique ; un vote est réalisé sur ce dernier entre deux propositions : 76 et 77 kg, mais aucun des deux n’obtient la nécessaire majorité qualifiée et, devant cette impasse, la solution de transaction proposée en début d’après-midi par les producteurs est retirée. Des producteurs essayent de la relancer, mais la division de leur camp apparaît nettement. Les esprits s’échauffent quelque peu et on dénonce, qui les « discussions byzantines qui soulignent la carence de l’office », qui « le fonctionnement vicieux de l’Office ». Un nouveau vote est finalement appelé sur 204 francs avec des réfactions au-dessous de 76 kg et des bonifications au-dessus de 77 kg. Il est dénoncé par Rius comme reposant sur la méthode de calcul de Thureau-Dangin, « méthode illégale », mais approuvé par Racamond et Bothereau, car ils veulent « démontrer qu’il faut mettre entrave à ceux qui veulent prouver l’impuissance de l’Office131 » ; 45 suffrages sont exprimés et ils sont tous pour l’adoption – sont absents Girard, Poisson, Rius et Zirnheld (absent-excusé), et se sont abstenus trois des représentants ministériels. Soulagé, Patizel conclut : « Laissez-moi vous dire, Messieurs, combien je suis heureux du résultat obtenu132. »
92Un petit rebondissement se déroule cependant le lendemain. Le comité d’administration de l’Office est reçu par le président du Conseil. Patizel résume au conseil central la teneur de cette audience :
« Tout en reconnaissant la parfaite légalité et régularité des décisions du conseil central, M. le président du conseil et M. le ministre de l’Agriculture se sont montrés très préoccupés des répercussions que pourrait avoir en France une hausse brusque du prix du pain et ils ont exprimé le désir – je vous le communique sans commentaires – que le conseil central tâche, par des décisions opportunes, que cette hausse se produise progressivement, par paliers, au cours de la campagne133. »
93Le barème des bonifications est toutefois adopté sans trop de difficultés ainsi que les différentes primes (primes mensuelles et primes de rétrocession). La fixation des prix des blés tendres et durs algériens se règle aussi assez rapidement, la seule difficulté réside dans le fait que les réunions s’éternisant, il devient difficile de conserver le quorum nécessaire pour certains votes. À la séance du 31 août, Flavien fait une déclaration liminaire pour déplorer le fait suivant : « La fixation du prix du blé a donné lieu, cette année encore, à des polémiques de presse qui, loin de renforcer l’autorité de l’Office, tendent à lui faire retirer toute confiance de la part des producteurs de blé134. » Mais il attaque surtout les publications de l’AGPB, qui l’ont personnellement mis en cause.
94La réunion du conseil central pour fixer le prix du blé 1938 trouve bien sûr des échos à l’AGPB, qui titre son Bulletin « Faute de 2 voix, la majorité des ¾ échappe aux producteurs135 ». L’AGPB décrit ainsi la séance :
« Toute l’après-midi, la question, reprise, fut rediscutée au milieu d’une grande confusion. Après des heures de controverses et de négociations, on aboutit à l’unanimité au résultat suivant : Maintien et confirmation pour l’avenir de toutes les méthodes de calcul soutenues par les producteurs. Transactions sur certains chiffres et sur la pondération des quatre indices, conduisant au prix de 204 fr. Il est trop tôt pour tirer un commentaire définitif de ces séances mouvementées. Une première impression, cependant, se dégage, très nette : Une grande victoire a été acquise avec la condamnation des méthodes de calcul de l’Administration. […] Les défenseurs de l’agriculture une fois de plus ont été victimes du système odieux qui fait discuter le conseil central sous la menace de la taxation gouvernementale si la majorité des ¾ n’est pas atteinte136. »
95Comme pour le vote sur la revalorisation du prix, l’AGPB publie le détail nominatif des votes sous la forme de tableaux137.
96Le prix de 204 francs le quintal est par contre salué par le quotidien socialiste comme « une heureuse décision », dans un article qui revient sur la réunion du conseil central, en donnant en particulier le point de vue des représentants des consommateurs, « nos amis Gaston Prache, de la Fédération des coopératives de consommation, Bothereau de la CGT et Tailledet de l’artisanat138 ». Le journal socialiste attaque les producteurs et leur stratégie en séance :
« La majorité faisant brusquer la mise aux voix de diverses propositions avant qu’un accord intervienne a permis de dévoiler une de ses manœuvres. Croyant être assurés de la majorité requise par la loi, ils ont mis brutalement fin à la discussion en exigeant aussitôt le vote sur leur proposition. Ils se sont trompés et leur échec les a rendus plus accommodants139. »
97Le Populaire défend ouvertement le prix fixé à l’été 1938 et commente la presse sur le sujet :
« Les décisions du conseil central de l’office du blé ont déjà fait couler beaucoup d’encre. […] Pour beaucoup de confrères, c’est en effet l’occasion de lancer de nouvelles attaques contre l’actuelle législation et certains vont même jusqu’à s’en prendre en termes très vifs au Populaire qui, dit-on “lèche son ours”… Eh ! Oui, c’est vrai, nous sommes fiers de l’institution de cet office pour lequel notre parti a bataillé durant des années, que l’un des nôtres a réalisé et sur lequel nous veillons, n’en déplaise à ses détracteurs, avec un soin jaloux140. »
98Dans ce contexte tendu, le directeur de l’Office diffuse une circulaire dans laquelle il se justifie :
« De nombreuses demandes d’explications me sont parvenues au sujet des conditions dans lesquelles a été fixé le prix du blé de la récolte 1938. En effet, cette fixation fait l’objet d’interprétations tendancieuses qui ont jeté le trouble dans les milieux agricoles. Aussi m’apparaît-il nécessaire de vous mettre, sans plus tarder, à même de donner aux producteurs les éclaircissements d’ordre général dont ils ont besoin. Vous aurez à leur faire remarquer, tout d’abord, que les modifications apportées cette année au mécanisme de la fixation du prix du blé et aux règles de calcul des sommes à verser aux producteurs résultent, non pas des décisions du conseil central, mais des modifications apportées à la loi du 15 août 1936, en prévision d’une récolte largement excédentaire, par le décret-loi du 17 juin 1938, dont le conseil central a eu seulement à appliquer les dispositions141. »
99La circulaire répond à trois critiques : le montant des taxes rend le prix net insuffisant ; entre 182 francs et 219 francs, la question est posée de savoir qui tire profit de la différence ; la taxe frappe tous les producteurs, même ceux dont la production n’est pas excédentaire. Sur le premier point, le directeur répond fermement :
« [la] critique ne tient pas compte du fait que la récolte de 1938 est supérieure de plus de 30 % à celle de 1937. En régime de liberté un tel excédent aurait pour effet immédiat d’amener l’effondrement des prix. Or, grâce à l’office du blé et au décret-loi du 17 juin 1938, non seulement cet effondrement ne s’est pas produit, mais les vendeurs de moins de 100 quintaux peuvent obtenir un prix légèrement supérieur à celui de l’an dernier142 ».
100Sur le deuxième point, l’explication est simple : « La totalité de la différence entre le prix actuellement versé aux producteurs […] et le prix payé par les meuniers […] est encaissée en vue de la résorption des quantités excédentaires, c’est-à-dire pour assurer le maintien du prix légal et, par conséquent, dans l’intérêt exclusif des producteurs143. » La troisième critique est la plus difficile à contrer, mais le directeur utilise deux arguments : le système des contingents, qui auraient pu éviter cette taxation, était trop complexe à mettre en place et, de toute manière, si le prix s’était effondré, tous les agriculteurs auraient été touchés.
101Un juriste qui commente le fonctionnement de l’Office note à ce propos :
« Les producteurs de blé ont subi depuis l’organisation de l’Office, du fait des obligations qui leur ont été imposées, une diminution de leur liberté juridique qui consistait à produire et surtout à vendre librement leur récolte. Mais en revanche, ils ont bénéficié d’une extension correspondante de leur liberté économique qui, antérieurement à l’organisation de l’Office, se trouvait parfois réduite à un point tel qu’ils devaient subir passivement des prix très bas, tandis qu’actuellement, ils ont à la fois la possibilité de participer, dans une certaine mesure, à la formation du prix et le droit absolu et la possibilité réelle d’en obtenir le paiement ou des avantages pécuniaires équivalents144. »
102Il ajoute : « En définitive, le prix du blé ne semble pas avoir été fixé à un taux très différent de celui du “juste prix” qui serait résulté, dans un système d’économie libérale fonctionnant d’une façon satisfaisante, du libre jeu de la loi de l’offre et de la demande145. » Enfin, il conclut :
« Le prix ne peut être, en définitive, qu’un prix de conciliation entre des propositions différentes ou opposées lorsqu’il est fixé à la suite d’un débat où les intérêts contradictoires s’affrontent sur des bases de discussion assez larges, ou bien un prix d’arbitrage lorsque, à la suite d’un désaccord insoluble entre les différentes tendances, il est fixé par le Gouvernement146. »
103La fixation du prix annuel est donc bien un moment majeur pour l’institution, mais les jugements portés sur ce travail sont souvent polémiques. Certains se félicitent de cette procédure, comme le néosocialiste Marcel Déat, qui y voit la solution aux dérives connues durant la première moitié des années trente : « Un prix qui reçoit cette consécration et qui prend force réglementaire, force de loi – la vente au-dessous du cours devient un délit, au même titre que la vente au-dessus du cours – suffit à faire disparaître les formes abusives et spéculatives de la concurrence147. » Un docteur en droit, qui consacre sa thèse à l’Office en 1937, note par contre sévèrement : « L’expérience montre que la discussion au conseil central est toujours vaine et que la décision est prise, soit directement par le gouvernement, soit par le conseil, dans la crainte de l’arbitrage du gouvernement148. » Mais derrière ce premier jugement, le futur inspecteur des Finances Jacques de Bresson note dans le même temps assez justement qu’il s’agit d’« un prix d’arbitrage149 » et d’« une décision remise en question chaque année150 ».
II. Entre rejet et activisme : les réponses
des acteurs de la filière
104L’attitude des syndicats agricoles face au début de l’Office mérite d’être observée de près. Si on retrouve bien sûr l’AGPB à la pointe du combat – aussi bien dans les discours que devant le Conseil d’État pour attaquer des décisions de l’Office ou du ministère151 –, ses dirigeants ne sont pas les seuls à débattre du devenir de l’Office. On peut aussi s’intéresser aux discussions qui ont lieu au Conseil national économique, chez les meuniers ou dans d’autres syndicats agricoles.
105Après le coup d’éclat de la démission de son président du conseil central suite à la première séance, l’AGPB continue de dénigrer la loi instituant l’Office, mais reprend surtout son rôle d’information de ses adhérents en détaillant tous les dispositifs qui se mettent progressivement en place152. L’association se fait aussi l’écho des publications sur le sujet, surtout quand elle y trouve des arguments pour renforcer ses critiques. C’est ainsi le cas d’un article de Martial Entraygues dans le Journal des contributions indirectes du 8 décembre 1936, qui est longuement cité, car « cette étude objective montre, mieux que de longs discours, les difficultés d’application de la loi. Notre association avait déjà formulé la plupart des critiques que nous retrouvons ici. Mais elles se trouvent singulièrement renforcées du fait qu’elles se trouvent exprimées par les fonctionnaires mêmes chargés du contrôle. Difficultés de contrôle pour les blés d’échange, difficultés de contrôle en meunerie, difficultés de vérification des opérations des coopératives153 ». L’AGPB se félicite aussi du rejet par Édouard Barthe de tout projet d’office du vin154.
106L’AGPB critique vivement l’affiche adressée par l’Office aux maires en octobre 1936, qui présente l’action de l’Office aux producteurs de blé et commence en affirmant que l’office « a été institué pour [les] protéger contre la spéculation et l’instabilité des cours et pour [leur] garantir un prix rémunérateur ». L’AGPB dénonce en particulier « les conditions dans lesquelles cette affiche a été établie et envoyée. Portant la signature de l’office du blé elle a été rédigée sans que le conseil d’administration de l’office ait été consulté. Mis en présence du fait accompli les membres du conseil ont émis une très vive protestation contre les méthodes de travail en vigueur : textes des décrets, arrêtés, affiches, etc., sont établis par l’Administration sans même lui demander son avis. Pareille méthode est inacceptable. Elle est contraire aux méthodes d’organisation professionnelle maintes fois invoquées au cours des débats parlementaires. Elle ne nous étonne pas nous qui avons toujours affirmé que l’office était plus étatiste que professionnel155 ». Les attaques de l’AGPB restent concentrées sur l’étatisme de l’Office, et son opposition est très vive :
« On espérait que la création d’un office interprofessionnel devait permettre aux producteurs et aux autres professions d’exercer un contrôle plus grand sur les décisions gouvernementales. Dans la pratique, c’est le contraire qui s’est passé. […] Beaucoup des mesures réglementaires qui sont intervenues sont notoirement illégales. […] En réalité, l’Office est un organisme qui n’a de professionnel que le nom156. »
107Le rapport moral que présente Pierre Hallé devant l’assemblée générale de l’AGPB, qui se tient au Musée social le 17 mars 1937, fait un bilan assez franc de l’année écoulée. Il revient d’abord bien sûr sur le vote de la loi et ses conséquences :
« Lorsque la loi du 15 août 1936 a été votée après une discussion longue et passablement laborieuse, il y a eu évidemment dans l’opinion agricole un moment d’incertitude. On ne savait pas trop comment la loi pourrait s’appliquer. Il y a eu ensuite, c’est incontestable, ce que nous pouvons appeler la période de satisfaction. Le prix de 140 francs comparé aux cours de catastrophes que nous avions connus dans les mois précédents, notamment aux environs de juillet-août 1935 a donné à l’opinion agricole une satisfaction temporaire. […] Lorsque notre président a donné au mois d’août dernier sa démission de l’office du blé, je crois pouvoir dire sans être démenti, que son geste, n’a pas été très compris157. »
108Mais Hallé reprend tout de suite l’attaque de cette loi qui « est, comme les précédentes, d’une inextricable complexité, elle est pleine de contradictions. Ce n’est pas étonnant, car elle est le résultat de près d’un mois et demi de discussions par le parlement, au cours de séances de nuit multipliées : celle loi n’est pas claire, elle ne pouvait pas être d’une application simple158 ». Il dénonce la transformation du rôle des coopératives, qui se transforment petit à petit en « bureaux administratifs, en bureaux chargés d’appliquer des réglementations, en bureaux d’achat et de vente. Leurs responsabilités diminuent de jour en jour devant celles de l’office ou des administrations chargées de faire appliquer la loi159 ».
109À la fin de l’année 1937, l’AGPB dresse un nouveau bilan de l’Office, et constate qu’à sa base, « Il y a deux erreurs fondamentales et voulues : 1° Une conception tout à fait fausse et boiteuse des rôles respectifs de l’État et de l’organisation professionnelle, et de leurs rapports ; 2° Une politique partisane qui, sous prétexte d’intérêt général, veut favoriser certains intérêts particuliers de classe160. » Les mois suivants, l’AGPB présente son plan d’action pour un office qui la satisferait, duquel, entre autres, les « consommateurs » ne feraient pas partie et où les fonctionnaires n’auraient pas le droit de vote161. Une « autre condition pour qu’un office soit professionnel » réside dans le fait que « les services de l’Office doivent être dirigés par la profession et non pas par le ministre162 ». Le plan d’action de l’AGPB passe aussi par l’idée de « réformer la législation du blé », avec surtout deux principes :
« 1° Il faut que le statut du blé soit assez simple, assez clair, qu’il se présente avec une garantie d’impartialité telle, qu’il apporte à l’opinion des producteurs et des consommateurs des garanties morales atténuant, autant que faire se peut, les réactions psychologiques. 2° Il faut à tout prix dégager le plus possible le marché du blé de la politique163. »
110Enfin, l’AGPB dénonce les « erreurs du prix fixe et des transactions réglementées164 ».
111Mais les mesures souhaitées par l’association restent finalement assez floues, et le contre-projet est surtout un affrontement idéologique avec cette conclusion : « C’est la tâche d’un organisme professionnel autonome, responsable, muni de pouvoir capable de décider, d’exécuter aussitôt ; sa supériorité sera incalculable sur une lourde machine administrative165. » Dans l’élaboration de ce programme, l’AGPB insiste enfin sur la double nécessité d’une « coopération indépendante » et d’un « financement sûr166 ». L’ensemble du projet de l’AGPB est présenté par le secrétaire général lors de l’assemblée générale du 6 avril 1938167.
112Le Conseil d’État n’a pas été saisi que sur la seule question de la fixation des prix. Parmi les décisions de la juridiction administrative, l’une concerne la taxe à la production. Un cultivateur du Loir-et-Cher, le « Sieur Touzeau », attaque en effet pour excès de pouvoir les articles 7 à 10 du décret du 8 septembre 1936, et la juridiction du Palais-Royal décide, le 29 décembre 1937, de les annuler en considérant que « le décret a […] substitué au barème établi par l’art. 25 de la loi du 15 août 1936 un barème qui en diffère tant par les taux choisis que par le mode de progression adopté, et qui imposerait aux redevables des charges plus lourdes que celles prévues par ladite loi168 ». Un deuxième considérant dénonce le « vice d’illégalité » qui réside dans le fait d’avoir attribué aux Contributions indirectes la charge de s’occuper du recouvrement de la taxe, alors que la loi confiait cette mission aux comités départementaux.
113L’association soutient le pourvoi devant le Conseil d’État contre le décret qui a fixé les modalités de recouvrement de la taxe à la production, pourvoi déposé par Bernard Touzeau, un des vice-présidents de l’AGPB169. L’AGPB se félicite de l’annulation par la juridiction administrative et la commente : « Un premier barrage [est] dressé contre la désinvolture avec laquelle le ministre de l’Agriculture interprète et applique, à sa guise, la loi sur le blé, au mépris de la légalité et des intérêts professionnels170. » Cette décision du Conseil d’État de décembre 1937 est signalée dans la presse. Le Temps, qui n’a jamais vu d’un bon œil l’Office du blé, se fait l’écho du communiqué de presse victorieux de l’Union nationale des coopératives de blé. L’article attaque vivement Monnet :
« Le ministre de l’Agriculture, pour sa défense, a allégué les difficultés en présence desquelles il s’était trouvé. C’est ainsi, en effet, que les choses se passent depuis un an ou deux. Quand un texte de loi est d’une application difficile ou même impossible, un décret le rectifie sur tel ou tel point, et hors du contrôle du Parlement, ce qui ne veut pas dire pour cela qu’il l’améliore171. »
114Un autre arrêt du Conseil d’État tranche quant à lui les débats sur la redevance à verser à l’Office par les détenteurs de farine. Saisie de plusieurs requêtes, la juridiction administrative annule en juillet 1938 un arrêté du préfet de la Seine de décembre 1936 et un arrêté du préfet du Cantal de février 1937172. Mais cette annulation est juste due à l’écart de 1 franc dans le prix au quintal utilisé pour le calcul. Enfin, le Conseil d’État décide par contre de rejeter le pourvoi de l’Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation de blé. Ce pourvoi avait été formé contre une délibération du comité d’administration de l’Office en date du 10 décembre 1936, portant qu’une coopérative ne peut en aucun cas refuser de recevoir des usagers, et contre une lettre-circulaire du directeur de l’Office, en date du 15 février 1937, qui portait sur ce point. La requête est considérée comme n’étant pas recevable dès lors que « cet avis et cette circulaire constituent de simples mesures administratives d’ordre intérieur et non des décisions susceptibles de faire grief soit à l’union requérante, soit même aux coopératives agricoles qui la composent173 ».
115La tension avec le ministre de l’Agriculture semble nette, et l’AGPB écrit dans sa publication :
« M. Monnet a voué à l’AGPB une hostilité amère. Par tous les moyens dont il dispose, il cherche à nuire à notre association. Le ministre de l’Agriculture ne pardonne pas à l’AGPB d’avoir fait barrage contre sa politique de classe, faussement agricole, qui asservit les producteurs aux consommateurs. Il lui en veut de s’opposer à l’étatisation qu’il poursuit pour tenir en mains les organisations agricoles et les priver de toute liberté dans la défense professionnelle. Cette hostilité est normale : elle est le plus sûr témoignage d’une action utile et efficace174. »
116La suite de ce conflit se trouve dans une circulaire ministérielle aux chambres d’agriculture datée du 21 octobre et dans laquelle Monnet interdit désormais aux chambres d’attribuer des subventions aux associations agricoles à caractère national. L’AGPB commente ainsi ce texte : « Atteindre l’AGPB – cela ne fait de doute pour personne – est par-dessus tout l’objectif du ministre de l’Agriculture. Il rend ainsi le plus beau témoignage à l’indépendance et à l’efficacité de l’action de notre association175. » Cette circulaire conduit Hallé à écrire aux présidents de groupements adhérents à l’AGPB pour attirer leur attention sur la situation financière de l’association176.
117En lien avec cette affaire, c’est encore un arrêt du Conseil d’État qui tranche en juillet 1939 un pourvoi déposé par la chambre d’agriculture de la Loire contre une décision ministérielle du 13 janvier 1938, qui, arrêtant son budget, avait transformé les subventions allouées à un certain nombre d’associations agricoles en un versement « à titre de fonds de concours » à l’assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture. Rappelant dans son considérant les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1924 sur les chambres d’agriculture et le décret du 30 octobre 1935 sur l’assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture, le Conseil annule une décision qui « repose sur un motif de droit inexact177 ». L’arrêt du Conseil d’État de juillet 1939 est bien sûr salué par l’AGPB, directement concernée178.
118Certains parlementaires restent hostiles à l’Office. Ainsi, en mars 1937, une proposition de résolution est signée par de nombreux députés, pour la plupart très marqués à droite ou à l’extrême droite179, et elle dénonce une loi qui « s’est révélée impropre à la défense des producteurs », les « erreurs de cette
législation180 », rappelant les contre-projets déposés dans le feu du débat parlementaire de l’été 1936. Mais le texte même de la proposition est imprécis, puisqu’il invite le gouvernement à modifier la loi sur cinq points : supprimer la restriction de la production, donner une majorité agricole dans la composition de l’Office, fixer un prix équitable pour les récoltes de 1936, 1937 et 1938, limiter la hausse du pain et supprimer l’obligation des payements par l’intermédiaire des caisses de Crédit agricole. Autant de dispositions qui restent dans le flou.
119Les positions restent tranchées et vont de l’enthousiasme, « La petite paysannerie apprécie l’institution qui la protège contre la spéculation et l’accaparement ; s’il était menacé, elle saurait défendre “son” Office181 », à la détestation, comme avec ce commentaire né de la fixation du prix de 1937 :
« La journée du 20 août a confirmé deux choses : 1° Que la loi de 1936 est mal faite, notamment en son article 9 établissant les données d’après lesquelles doit être fixé le prix du blé ; 2° Que le Conseil central sera toujours incapable de résoudre le problème, étant données sa composition et la règle à laquelle est subordonnée la validité de certains votes. Toutes nos prévisions sont réalisées. Cette journée a consacré aussi la défaite des ruraux182. »
120En 1938, Girard, dans le Journal d’agriculture pratique, attaque le caractère parisien de l’institution :
« M. Patizel a été réélu président de l’Office à la quasi-unanimité des membres du Conseil Central. Ce succès est mérité. Les mauvaises langues disent que M. Patizel – bien que représentant des producteurs – cultive peu ou prou la céréale sacrée dans son exploitation de la Marne… Toujours est-il qu’il a beaucoup de qualités paysannes et françaises. Il sait aussi manœuvrer. […] Or, nous estimons que le personnel de l’Office, les “Services”, comme on dit, ne sont pas la “rue de Varenne” puisqu’ils sont boulevard Raspail… Mais personne ne s’y méprend. Tous les membres du Conseil central, quand ils parlent des “services”, les désignent avec raison comme étant “l’Administration”. Tous les hauts fonctionnaires de l’Office sont détachés du Ministère. On va nommer des professeurs d’agriculture qui seront payés par l’Office. Celui-ci ne devrait-il pas avoir son personnel, comme il conviendrait dans une formation vraiment indépendante183 ? »
121Dès la fin de l’automne 1936, le Conseil national économique (CNE) commence l’étude des marchés agricoles par une étude du marché du blé. La première réunion de la 1re section professionnelle, présidée par Monmirel, homme de la betterave, commence par une déclaration un peu provocatrice de Pierre Hallé, qui « remarque que depuis l’institution de l’office du blé il n’y a plus, en fait, de marché du blé », et, en réponse à une question il ajoute :
« Nous nous trouvons actuellement en présence d’une législation très touffue, au point que l’application de certains de ses articles n’a même pas été envisagée ; ce serait une mauvaise méthode que de chercher à améliorer dans le détail une législation qui serait à remettre entièrement sur le chantier. »
122Aux positions de membres de la commission réclamant malgré tout une étude, Hallé répond en renchérissant : « En année excédentaire, étant donné la complication des rouages de l’Office et le contrôle formidable qu’exige son fonctionnement, le système s’écroulera d’un seul coup184. »
123Le représentant de la Confédération générale des paysans travailleurs, Waldeck Rochet, intervient et déclare que « quelle que soit l’opinion personnelle qu’on peut avoir sur l’office du blé, il faut tenir compte de ce qui existe ». Élie Calvayrac, de la Confédération générale paysanne, en appelle à la constitution d’un stock de sécurité et à la création de silos, non sans qu’un débat sur les chiffres de production ne s’engage avec Hallé. Il se poursuit ensuite sur le rôle nouveau accordé aux coopératives, dont certains se plaignent qu’elles ne deviennent que de « simples bureaux administratifs ». Le plan d’une étude générale est arrêté, les rapports étant confiés à des inspecteurs généraux de l’Agriculture (Lecomte pour les cultures industrielles et Chavard pour les céréales).
124C’est à la fin de janvier 1937 que Chavard présente une première intervention synthétique qui fait naître ce commentaire ironique d’Hallé : « Le problème est tellement vaste que si la section entreprend une étude complète de l’organisation actuelle du marché du blé, un tel travail va demander de très nombreuses séances ». Et il ajoute qu’il « est persuadé qu’en année excédentaire les ressources prévues actuellement par l’office du blé n’arriveraient pas à être réalisées et que le système s’effondrerait d’un même coup185 ». Chavard propose un rapport sommaire pour la séance du 23 février. Hallé prend très vite la parole pour attaquer l’institution, en dénonçant en particulier le « rôle important attribué aux consommateurs186 ». Chavard ne se laisse pas faire et « interrompt M. Hallé pour demander qu’on précise bien dès le début quel doit être l’objet des réunions de la section professionnelle. La section doit-elle critiquer le fonctionnement de l’office du blé ou étudier les améliorations qu’il est possible d’apporter au marché des céréales187 ? » Calvayrac se positionne alors vivement contre Hallé et les deux s’affrontent à coups d’exemple concernant le fonctionnement de l’Office. Calvayrac finit par répliquer à Hallé : « Dans ces conditions, il est alors inutile de discuter. », témoignant d’une tension assez rare dans les réunions du CNE. Le débat s’oriente alors sur le devenir des coopératives et sur une discussion plus générale sur l’économie libérale versus l’économie dirigée.
125Alexandre Parodi, secrétaire général adjoint du CNE, intervient pour se dire « préoccupé de savoir comment doit s’orienter la section dans son travail. À son avis, elle devra d’abord constater le déroulement d’une expérience qui n’est encore qu’à son début et le rapport ne pourra recueillir à ce sujet que des appréciations assez différentes. D’autre part, il appartiendra à la section de voir si sur certains points de la législation actuelle, des améliorations sont immédiatement possibles188 ». Dans une séance suivante, Hallé conteste les conclusions de Chavard sur la question de la résorption des excédents de récolte189. Dans ce débat, Waldeck Rochet intervient pour contrer les discours de l’AGPB, et il déclare « que si le projet initial du gouvernement avait été adopté tel qu’il était conçu, les choses auraient été bien simplifiées car il éliminait le commerce libre ». Mais le rapport Chavard reste inachevé, d’ailleurs comme celui de Lecomte sur les cultures industrielles.
126À l’Académie d’agriculture, lieu par excellence de conservatisme sur les questions agricoles, c’est le docteur Adolphe Javal qui, en mars 1937, fait une intervention sur la vente du blé. En faisant l’éloge du rôle des négociants, il attaque les pratiques des coopératives :
« Les négociants, qui travaillent avec leur argent et qui ont été incontestablement brimés par les lois nouvelles, peuvent acheter, sans difficulté, le blé à la taxe et sans aucune retenue, ni visible ni occulte. Les coopératives qui travaillent, en grande partie, avec les milliards du Crédit agricole et qui jouissent de certains avantages fiscaux (qu’il ne faut pas exagérer), ont besoin de prélever de 2 à 10 francs supplémentaires pour leurs frais de gestion. Le moins que l’on puisse en conclure, c’est que le mécanisme nouveau n’est pas encore tout à fait rodé190. »
127Lors de la même séance, on dénonce les taxes dues à l’Office :
« N’insistons pas sur les multiples taxes d’État incompressibles et inchiffrables au quintal, puisque la principale est une pénalité progressive atteignant l’agriculteur suivant l’importance de sa récolte. Passons sur ce sacrifice de plusieurs centaines de millions offert, sur l’autel de l’intérêt général (dénommé office du blé), par l’ensemble des producteurs191. »
128L’attitude ambivalente du monde agricole envers l’Office est bien rendue dans un article publié en avril 1937 dans L’Agriculture nouvelle. Son auteur, très critique envers l’Office, se fait l’écho du courrier qu’il reçoit :
« Je dois dire qu’en très grande majorité [mes correspondants] se montrent favorables à cet office qui a eu, pour les cultivateurs pressés de réaliser leur récolte aussitôt la moisson, l’avantage de leur assurer un prix égal, compte tenu des primes de conservation, à celui qui sera payé en fin de campagne. Cette stabilité du prix du blé paraît avoir fortement impressionné mes interlocuteurs qui, tous, ont conservé un très mauvais souvenir des années 1934 et 1935 au cours desquelles, en 1935 surtout, les prix du blé ont subi des oscillations considérables, qu’à tort ou à raison les cultivateurs imputent aux manœuvres des spéculateurs qui, d’après eux, en ont tiré des bénéfices considérables192. »
129La presse locale rend bien compte de ce phénomène ; ainsi un agriculteur du Tarn écrit-il, en février 1939 : « Il est vrai qu’il y a dans l’organisation de l’Office du blé des imperfections, mais il y a aussi quelques avantages, notamment celui de stabiliser les cours et celui de toucher, dès le mois d’août de chaque année, le prix intégral de la récolte193. »
130La meunerie a quant à elle un regard assez divisé. La grande meunerie annonce régulièrement la future disparition de l’Office :
« Au mois d’août prochain, il y aura six mois que M. Monnet ne sera plus ministre et nous en serons, à ce moment-là, à son deuxième successeur qui, naturellement, son prédécesseur ayant commencé, laissera tomber l’Office de M. Monnet en désuétude, car il n’est pas possible qu’une institution marxiste puisse vivre dans le système capitaliste, surtout que la tendance actuelle porte les peuples, qui ont de plus en plus besoin d’air, vers le libre-échange et la reprise obligatoire des relations commerciales internationales. Sur ces données, l’Office, dont personne ne veut plus, devant expirer, avec la campagne actuelle, il nous semble utile de réviser la statistique du blé, les importations yougoslaves créant le fait nouveau194. »
131La petite meunerie, au contraire, place son espoir dans l’institution :
« La meunerie qui avait tant souffert précédemment sous le règne des lois imbéciles et des règlements encore plus idiots qui se succédaient à la cadence effarante d’un tir de mitrailleuse a apporté toute sa bonne volonté, comme tous ses moyens, à la viabilité de l’Office. La meunerie qui étouffait sous ce tas d’imbécillités inconcevables avait un besoin urgent de reprendre respiration ; l’Office lui a paru comme une planche provisoire de salut, comme capable de la dépêtrer, un jour, de cet enchevêtrement administratif où elle se débat vainement, où la vieille vindicte politique opère encore sournoisement, où l’insolente démagogie continue ses sévices. L’Office a montré la voie de l’organisation, a fait espérer, dans le malheur, le retour possible du soleil de la liberté. Mais, attention ! Ne nous emballons pas. Il est entre des mains qui sont obligées de tenir compte d’où vient le vent de la politique, qui subissent ses influences, bonnes ou mauvaises. Il peut beaucoup pour les producteurs de blé qui ont tout à espérer ou à craindre de lui. Il peut également beaucoup pour la meunerie qui a les moyens de se faire écouter si elle sait être forte, organisée et unie195. »
132Mais le journal de la petite meunerie se fait aussi l’écho de jugements sévères, comme celui d’un juriste conservateur qui dénonce l’Office : « Il n’est, en somme, qu’une adaptation occidentale de l’organisation bolcheviste. Il est démonstratif comme une expérience de laboratoire. L’électoralisme, cancer interne de la démocratie, a fourni les fondations premières. […] Blé bon
marché, pain cher. L’étatisme n’en fait pas d’autres196 ! » Le Petit Meunier tente un discours équilibré, mais attaque tout de même les contraintes imposées par l’institution :
« L’Office du blé a ses partisans et ses détracteurs. Les partisans les plus chauds se rencontrent toujours auprès de certains politiciens et quelques parlementaires qui regardent l’Office d’après leur point de vue doctrinal. Les détracteurs sont ceux qui regardent les faits, la réalité, et qui se fichent de la politique partisane, pour ne considérer que les intérêts supérieurs du pays. Le premier tort que s’est fait l’Office, c’est d’être devenu, en un rien de temps, un formidable nid de paperassiers coûteux et em… bêtants197. »
133Monnet, cependant, n’hésite pas à venir défendre son Office devant les meuniers, comme en octobre 1937, où il intervient lors d’un congrès international :
« J’ai accepté très volontiers, comme vient de le rappeler M. Chasles, l’invitation qu’il venait me faire, en votre nom, d’être celui qui déclarerait ouverte votre réunion internationale. Je l’ai accepté avec un plaisir particulier, car cela démontrait, une fois de plus, comme l’a rappelé votre président, la solidarité qui unit la meunerie et l’agriculture, et cela démontrait aussi – ce dont j’étais, personnellement encore plus satisfait – que la législation à laquelle j’ai donné, depuis seize mois, tous mes soins, est une législation que, de plus en plus, comprennent tous ceux à qui elle s’adresse. […] Nous sommes en un temps où il apparaît que la concurrence libre peut avoir des effets fâcheux au point de vue social et même au point de vue économique. En France, en particulier, l’opinion ne veut plus que les prix varient, parfois dans le courant d’une même année, dans des limites qui allaient du simple au double, dans certaines campagnes. […] C’est là un problème bien complexe. Nous nous sommes efforcés, avec l’Office du blé, d’en résoudre le premier terme, celui qui consiste à chercher un prix équitable, suffisant pour le producteur et supportable pour le consommateur198. »
134La grande meunerie reste ouvertement hostile à l’Office, vu comme une rupture d’avec le système libéral. Elle décrit ainsi ses « conditions antérieures d’existence » :
« Avant l’institution de l’Office du Blé, la Meunerie trouvait la juste rémunération de son travail dans l’exercice du commerce du blé et des produits de la mouture de cette céréale. Le libre jeu des prix assurait à chaque entreprise un équilibre économique stable en fonction de sa situation géographique particulière et de ses moyens industriels, commerciaux, financiers, propres. Conditions actuelles. La création de l’Office du blé a rompu cet équilibre réalisé en plusieurs siècles de régime libéral et bouleversé l’existence de la majeure partie des moulins. Cela s’est fait au moyen d’une législation d’exception qui a privé les exploitants de leurs prérogatives commerciales essentielles (liberté du commerce, de discussion du prix et des conditions de paiement du blé), en leur laissant cependant supporter les risques d’intermédiaires et les obligations fiscales des commerçants199. »
135Certains meuniers réclament même l’arrêt des différents contrôles :
« Après le trépas du prix minimum et des blés ci-dessus dénommés, un nouveau-né fit son apparition le 16 août 1936, et si ses premiers pas furent chancelants, il faut reconnaître que sa naissance fit cesser l’anarchie du marché du blé, et par là même celle du marché des farines ; mais hélas, que de paperasses, que de contrôles ! Plus l’enfant grandit, plus le filet de la réglementation se resserre ; mais qu’il sache bien, ce nouveau-né, que sa constitution devra être robuste, car au fur et à mesure qu’il resserrera son contrôle, il deviendra insupportable pour ceux qui ne l’ont pas encore subi et qui ne veulent du contrôle… que pour les autres. […] La meunerie, plus que toute autre industrie, a besoin qu’on lui fiche la paix, et… à cette condition, elle retrouvera son essor et sa prospérité200. »
136La meunerie critique aussi l’Office comme ne prenant pas en compte la consommation du pain :
« Le slogan de feu Chéron a été renversé ! Ce n’est plus “l’épi sauvera le France”, mais “l’épi tuera le franc”. Les cinq lois étatistes, la taxation, l’Office, sont des erreurs économiques monstrueuses, en ce sens qu’elles ont toujours poursuivi, et que l’Office poursuit encore, la solution d’un problème qui ne se pose pas, et qui ne s’est jamais posé : le problème du blé. Il n’y a pas de problème du blé. Il n’y en a jamais eu ! Nous le répétons et nous ne le répéterons jamais assez. Il n’y a qu’un problème du pain, et celui-là, ni le Gouvernement ni le Parlement ne veulent s’en occuper. Ou du moins si, ils ne désirent le traiter que sous l’aspect politique du prix, mais non sous l’aspect technique de la qualité. Tout est là ! En persévérant dans l’erreur où sont enfoncés le Gouvernement et le Parlement, on arrivera à tuer la culture du blé en France et, par répercussion, la meunerie et la boulangerie. La vraie politique agricole, la seule, c’est d’orienter l’agriculture française vers la qualité. Le blé ne doit pas, à son dernier stade, finir en balle de tennis, pas plus que le vin ne doit finir en vitriol ! Produire et surproduire, c’est relativement facile, mais faire consommer et surconsommer, cela l’est moins. Le Gouvernement et le Parlement ont oublié totalement, dans la conduite de la politique agricole, qu’un produit est fait pour la bouche du consommateur, et non la bouche du consommateur pour le produit. Là est l’erreur dont l’agriculture périra, si l’on ne modifie pas l’absurde politique économique suivie depuis près de vingt ans201 ! »
137L’organe officiel du milieu des négociants de la Bourse de commerce est sur la ligne de l’annonce permanente (et imagée) de la disparition de l’Office :
« M. Monnet, l’inventeur de la machine à contenir la nature comme on dit en style de Bourse, s’est fait coiffer. Lui et son office sont absolument incapables de faire respecter, par les acheteurs et les vendeurs, le prix fixé. L’Office est moralement cuit et M. Monnet avec ! Impossible qu’ils s’en tirent par des arguties. Le déficit de cette année les a tués et si la récolte de 1938 est excédentaire, l’excédent de ladite récolte les assommera à titre définitif pour eux et à titre onéreux pour le pays et le budget. Avant peu, on annoncera le décès de l’Office du blé. Le pays sera convié à ses obsèques. Le convoi partira du boulevard Raspail et passera par la rue de Varenne, pour que M. Monnet prenne part au cortège et tienne les cordons du poêle. Après la cérémonie, l’Office sera embarqué pour aller reposer dans un cimetière du Lot-et-Garonne où M. Renaud Jean lui dira un dernier adieu, pendant que M. Barthe méditera sur le fortuné destin qui a épargné un Office au vin202 ! »
138Mais de manière intéressante, cette presse des négociants profite de la situation pour attaquer les céréaliers avec lesquels ils sont en conflit depuis le début des années trente :
« Il est certain que M. Pointier a entièrement raison, mais lorsque nous annoncions que l’on voulait bolcheviser la culture, qui demandait la création d’un office interprofessionnel du blé pour lutter contre la Bourse de commerce et la spéculation sinon le Bulletin des producteurs de blé ? Que M. Pointier relise ses vieilles collections et il verra que l’idée de l’Office est née dans ses anciens bureaux de la rue du Louvre. Certes, l’Association ne le souhaitait pas tel, mais quand on veut se réfugier sous la protection de l’État, c’est un alibi qui coûte cher. M. Pointier s’en aperçoit un peu tard. En tout cas, c’est de l’histoire ancienne et, aujourd’hui, on a mieux à faire que de raviver d’anciennes querelles. L’Association des Producteurs de blé peut compter sur le Bulletin des Halles pour l’aider à arracher la production du blé, aujourd’hui, et, demain, toute l’agriculture des griffes du marxisme, cette doctrine économique de mort, de deuil et de vasselage total203 ! »
139Le négoce reprend l’antienne d’un office, pure création idéologique :
« L’Office du blé est une création marxiste d’inspiration soviétique et tchécoslovaque. Nous ne voulons pas, pour notre pays, de cette conception grégaire et collectiviste de l’économie rurale. Nous lui opposons la conception libérale et individuelle. Notre opposition est d’ordre fondamental. […] L’Office marxiste n’a pas été créé pour maintenir les cours du blé et protéger la culture mais pour la bolcheviser, lui faire perdre son initiative, sa liberté et sa personnalité et la mettre sous le joug de l’État204. »
140Quelques voix plus positives se font entendre à l’échelle locale, y compris dans un département céréalier comme l’Eure-et-Loir, qui veulent voir le potentiel de l’institution :
« Les cultivateurs doivent avoir pleine confiance dans la loi. Elle sera certainement protégée par tous ceux qui en ont la charge, elle doit procurer aux producteurs les avantages qu’ils sont en droit d’en attendre et pour notre part nous y apporterons un concours loyal et absolu. Méfions-nous des briseurs d’efforts et des critiqueurs de métier205 ! »
141Ce type de publication souligne la situation qui prévalait avant l’Office : « Il est donc téméraire d’affirmer que tout eût été mieux sous le régime précédent, et le cultivateur se souvenant qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras préfère encore le système actuel206. » Le journal de l’abbé Desgranges, député, note, en date du 9 avril 1937, ce propos d’un député :
« C’est également Monnet, dit Mendès France, qui a sauvé jusqu’à ce jour le Cabinet. Sans son office, le blé serait monté aujourd’hui à centre quatre-vingt-dix francs, mais tous les petits cultivateurs l’auraient vendu quatre-vingt, et nous aurions eu une jacquerie effroyable207. »
142Ces prises de positions sont révélatrices d’une appréhension spécifique de la question à l’échelle locale, où des paysans s’estiment satisfaits de pouvoir compter sur un prix garanti. Même un opposant politique à l’Office comme Louis Leroy, syndicaliste de l’UNSA, est obligé de reconnaître :
« les discussions interminables des politiciens ou des doctrinaires pour ou contre le libéralisme, pour ou contre l’étatisme, apparaissent quelque peu surannées. Entre ces deux conceptions doctrinales, un opportunisme de circonstance a joué le rôle de conciliateur. La loi du 15 août 1936 d’inspiration marxiste a été ainsi tempérée par les exigences du moment208 ».
143Certes, il critique certains choix de l’Office : « Ainsi au début de la campagne 1938-1939, au moment où des exportations étaient possibles, l’Office a perdu plusieurs semaines en discussion stériles. Rançon de l’énorme machine administrative qu’est l’Office, incapable de s’adapter aux réalités commerciales sans cesse changeantes209. » Mais il conclut : « Il est vain de faire la politique de l’autruche. L’Office du blé a été accueilli avec satisfaction dans le monde paysan. Les discussions qui se sont déroulées sur le plan doctrinal l’ont laissé indifférent. Incontestablement, l’Office a paru apporter une amélioration à l’état de choses antérieur210. »
144À propos de la position de l’UNSA, elle est bien résumée dans son évolution par l’historien David Bensoussan : « L’Office est accepté par l’UNSA sinon totalement dans son principe du moins par la place qu’il occupe désormais dans l’organisation du monde agricole211. » Leroy déclare même, à rebours d’autres acteurs de la filière, qu’« une disparition même momentanée ne paraît ni possible ni désirable212 ». Il rêve bien encore d’une solution plus corporative :
« Ainsi se trouvera réalisée l’organisation des marchés dans le cadre de la corporation agricole. Le système corporatif postule évidemment un climat de liberté. Le régime d’économie de guerre, sous lequel nous vivons est peu favorable à ces transformations. Mais dès que le danger extérieur sera conjuré, la restauration du pays aura forcément pour base : la profession organisée213. »
145Mais son acceptation de l’institution est significative et trouve des échos dans certains territoires. En étudiant les groupements de paysans bretons, Suzanne Berger a bien montré que « Landerneau [l’Office central des œuvres mutuelles agricoles du Finistère] protesta contre la fixation autoritaire des prix par l’État, mais tira avantage du fait que la loi prescrivait à tous les cultivateurs de stocker leur blé pour aboutir à la création d’une coopérative du blé qui disposerait des silos nécessaires. […] L’Office du blé, création d’un gouvernement de gauche que Landerneau craignait et détestait, valut en fait à l’Office central le quasi-monopole du commerce du blé dans le Finistère214 ».
146En suivant, via les archives familiales conservées, l’action de Jean Parrel, membre du conseil central et membre de l’UNSA, l’historien Albert Pin note justement :
« Jean Parrel et son collègue de l’USE Paul Pouzin, malgré leur appartenance idéologique, se démarquèrent à plusieurs reprises [des positions les plus intransigeantes de l’UNSA] en adoptant la voie des concessions ou celle de l’abstention, notamment lors de la difficile année 1938. De fait, il semble bien que le syndicalisme agricole conservateur n’ait pas réussi à unifier l’action de ses “représentants” à l’ONIB, dont les votes furent loin d’être toujours convergents, ce qui évita sans doute la paralysie chronique de l’institution215. »
147Il note d’ailleurs, en analysant les votes de conciliation de Parrel en 1938, que « cette position mitigée est significative de l’essoufflement qui gagna l’opposition agrarienne à l’ONIB à la veille de la guerre216 ».
148Le monde des coopératives, d’abord méfiant, commence à reconnaître l’intérêt de la loi :
« Nous eûmes lors de la création de l’Office du Blé de grandes inquiétudes sur l’avenir du mouvement coopératif. Des conceptions erronées, contraires aux habitudes traditionnelles de l’Agriculture, risquaient de fausser complètement l’esprit coopératif ; en même temps, on pouvait craindre la multiplication de coopératives de façade qui, au lieu de fortifier l’organisation professionnelle, auraient été pour elle et pour la défense agricole une cause de faiblesse. Enfin, des réglementations tracassières et chaque jour plus compliquées paralysaient nos organisations, leur enlevaient, peu à peu, leur initiative et leur liberté. La Coopération Blé, de plus en plus menacée d’étatisation, allait s’ankyloser jusqu’à ne plus pouvoir remplir sa mission de défense agricole. L’UCB, appuyée par l’AGPB, a combattu avec toute son énergie pour sauvegarder les principes essentiels de la Coopération ; pour conserver intact l’esprit de mutualité qui est la vraie force de l’organisation professionnelle agricole ; pour desserrer peu à peu l’étreinte des réglementations abusives et souvent arbitraires. Sans doute, ne sommes-nous pas parvenus à tout ce que nous aurions voulu. Tout de même, les dangers les plus menaçants ont été écartés. L’essentiel a été sauvé217. »
149Parmi les défenseurs de l’institution, on retrouve bien sûr les socialistes. Calvayrac, qui siège au conseil central, prend régulièrement la plume pour répondre aux attaques. Ainsi, en décembre 1938, il s’explique longuement sur les enjeux politiques autour de l’Office :
« On veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes. De Doriot à Dorgères. Du très noble et valeureux Colonel de La Rocque au vertueux canard qu’on appelle Le Bulletin des Halles. Et cette grande Presse Bourgeoise, dont on connaît le Patriotisme et le désintéressement. Tous, tous et tous, sont littéralement déchaînés. On le serait à moins. Pensez donc ! L’Office du blé vole le producteur. Il détrousse le consommateur. Et il s’apprête, voilez-vous la face, à bombarder la sacro-sainte Banque de France. On ne peut plus tolérer ça. Tas de coquins ! Et le Gouvernement laisse faire : mieux, il autorise son ministre des Finances à déclarer que l’Office du blé est un 420 braqué sur la Banque de France. Et la direction de l’Office, apeurée, ne réagit pas avec la vigueur nécessaire. Si, après ça, l’Office du Blé n’en crève pas, c’est que, véritablement, il aura la peau dure218. »
III. Transformer l’institution pour la sauvegarder
A. Financer les excédents de 1938
150L’ampleur des réactions des acteurs de la filière aux débuts de l’Office se prolonge avec les enjeux posés par une réforme de l’Office dans l’optique de la gestion d’une récolte qui s’annonce excédentaire pour 1938. Le retour rue de Varenne en avril 1938 d’Henri Queuille, bon connaisseur des dossiers agricoles et en particulier du blé, apporte aussi quelques changements. Il faut noter que le Parlement suit précisément l’action de l’Office, même si, au sens strict, il ne la contrôle pas. Dès l’hiver 1938, la commission des finances de la Chambre reste attentive aux moindres évolutions de l’organisation de l’Office. Suite à un décret du 13 janvier 1938, le député Alexandre Duval, membre de la commission, interpelle le ministre sur le fonctionnement de la caisse de garantie219 et obtient de lui, en réponse, une lettre220. Ce décret fait quelque bruit au Sénat, et, devant la commission sénatoriale de l’agriculture, Patizel vient expliquer que le décret a été pris « en complet accord avec le conseil central de l’office et qu’il est conforme à la loi du 15 août 1936221 ». Le communiqué final de cette séance précise que « la commission a été unanime à féliciter M. Patizel des efforts réalisés par l’Office pour appliquer, dans les meilleures conditions, la loi du 15 août 1936222 ».
151Le travail de redéfinition de son projet que mène l’AGPB au début de l’année 1938 correspond aussi au fantôme de la récolte excédentaire qui se profile et qui explique un article publié au début du mois de mai dans les pages du Bulletin et intitulé « Les producteurs ne sont pas responsables des crises d’excédents223 ». L’AGPB dénonce les dispositions existantes : « Tout le monde est d’accord pour reconnaître que le système prévu par la loi est inapplicable. C’est un point acquis, tardivement. Aucun projet précis n’a encore été mis sur pied par l’Office pour remplacer les dispositions légales reconnues défaillantes224. »
152Le texte des communiqués à la presse sur les décrets-lois agricoles pris à partir du 25 mai 1938 est explicite :
« M. Queuille, ministre de l’Agriculture a été amené, dès son arrivée à la rue de Varenne, à envisager les mesures à prendre pour parer aux conséquences d’une récolte excédentaire de blé. C’est ainsi qu’il a été amené à prendre quatre mesures qui constituent une étape importante dans le développement de notre politique agricole. Les deux premières visent l’organisation professionnelle des deux industries de transformation du blé : meunerie et semoulerie. La troisième institue un régime de distillation à la fois pour le blé et pour d’autres cultures. La quatrième aménage la loi d’août 1936 sur l’office du blé pour lui permettre de faire face à ses obligations en année excédentaire. Ces quatre mesures auront pour effet, sans léser le consommateur, d’apporter aux producteurs et aux transformateurs, une sécurité accrue225. »
153De manière intéressante, la déclaration à la presse note, sur le point sensible de la réforme de l’Office, que « le ministre de l’Agriculture a tenu à s’entourer de l’avis des commissions de l’agriculture de la Chambre et du Sénat226 ».
154Le 2 juin 1938, la séance du conseil central de l’Office est ouverte par une communication de Queuille, qui intervient sur la question épineuse des excédents. Il liste les hypothèses d’action : distillation du blé pour en faire du carburant, transformation en aliment du bétail, exportations, abaissement du taux d’extraction… mais toutes ces dispositions ont des coûts élevés. Queuille veut recueillir l’assentiment du conseil central de l’Office avant d’aller devant les commissions parlementaires, de négocier avec son collègue des Finances, puis de préparer un décret-loi. Il explique son objectif :
« Ce qui importe le plus à l’heure actuelle pour l’avenir de l’Office, l’assainissement du marché, la situation des producteurs et des consommateurs, c’est d’éviter le retour des oscillations, qui leur étaient très préjudiciables, en organisant au plus vite la résorption des excédents, puisque la récolte de 1938 semble devoir être abondante227. »
155Une fois le ministre retiré, les membres du conseil central délibèrent et Patizel les encourage à soutenir Queuille, car « plus le crédit voté par l’Office serait élevé plus il serait facile [au ministre de l’Agriculture] d’obtenir une participation importante de son collègue le ministre des Finances228 ». Borgeot lui répond, non sans pessimisme : « Je voterai le crédit demandé par M. le ministre, bien que persuadé que cette somme ne sera pas employée utilement229. » Une motion est finalement adoptée, mais non sans que des interrogations aient encore été faites sur l’avenir de l’Office et ses pouvoirs réels.
156Au début du mois de juin 1938, la commission de l’agriculture de la Chambre des députés est saisie d’un projet du président de l’ONIB tendant à modifier l’organisation de l’Office : « Les réformes envisagées sont d’une importance capitale pour l’Office car elles mettent en cause le principe de l’Office lui-même230. » L’audition du ministre est donc décidée.
157Le Sénat, toujours attentif au devenir de l’Office, en débat dans sa séance du 9 juin 1938, Borgeot interpellant le gouvernement sur le fonctionnement de l’institution, en particulier sur les dispositions à prendre en cas de récolte excédentaire. Il commence par demander « la suppression des paperasseries inutiles qui sont imposées » aux associations agricoles s’occupant de coopératives de blé231. Louis Louis-Dreyfus, qui vient de quitter la Chambre pour entrer au Sénat, intervient dans le débat en soulignant « combien de milliards ont coûté aux contribuables les années excédentaires232 » et en préconisant la construction de silos. Le débat au Sénat reste vif entre partisans et adversaires de l’Office. Gustave Guérin, regrettant de ne pouvoir obtenir la suppression, indique que son intervention n’a pour but que d’« essayer d’en atténuer certains de ses méfaits233 ». Maurice Viollette, au contraire, réaffirme que l’Office est « plus nécessaire que jamais234 ». Patizel joue son rôle devenu presque habituel de défenseur de l’institution devant l’assemblée dont il est aussi membre. Il commence par vouloir « dissiper une confusion » qui rend le ministre de l’Agriculture responsable de l’action de l’Office : « Au nom de mes collègues du comité d’administration et du conseil central, je déclare que nous revendiquons nos responsabilités et que nous les prenons pleines et entières235. » Il réagit ensuite aux demandes de Borgeot, qui souhaite un allégement des « paperasseries », et réaffirme la nécessité du contrôle pour les coopératives : « c’est leur intérêt, c’est aussi l’intérêt des producteurs, des administrateurs et des directeurs236 ».
158Le ministre de l’Agriculture, Henri Queuille, intervient à la fin du débat. Pour les excédents, il réaffirme d’abord la nécessité d’un report « pour des raisons de sécurité nationale », car « il peut se faire que dans certaines circonstances, en cas de conflit, par exemple, nous pourrions avoir pour nos approvisionnements en blé des difficultés237 ». Il liste ensuite les différentes possibilités : alimentation du bétail, exportations – il n’y croit guère –, distillation. Il en souligne les coûts et la nécessité de prévoir la compensation par des taxes sur le blé. Devant la commission sénatoriale de l’agriculture, c’est Patizel qui rapporte sur le sujet, et la commission adopte « la plupart des textes proposés qui ont pour objet d’assouplir le fonctionnement de l’Office et de rendre le contrôle plus efficace238 ». Le débat se fait surtout sur l’article prévoyant la résorption des excédents, mais la commission adopte le principe d’une taxe perçue à la production239.
159Queuille prend finalement un décret-loi relatif à l’Office le 17 juin 1938. L’exposé des motifs se félicite de l’action de l’Office depuis deux ans, mais souligne que « les dispositions législatives initiales exigent impérativement une modification sensible dans leurs modalités d’application », le texte proposant « de substituer à la notion trop incertaine du contingent de production, celle incontestable de l’importance des ventes effectuées par chaque producteur240 ». Des juristes commentent ainsi cette nouvelle réglementation : « Le décret-loi du 17 juin 1938 a supprimé, avant qu’elles aient reçu application, les dispositions antérieures assignant aux propriétaires un contingent de production qu’ils ne pouvaient dépasser. Seule demeure l’obligation de déclarer les quantités semées, et ultérieurement, la récolte et les blés stockés241. »
160Le décret-loi du 17 juin 1938 est salué par l’AGPB comme « une profonde réforme de la loi du 15 août 1936 », mais l’association hésite sur son jugement :
« Il est extraordinairement difficile de se faire une opinion sur la portée du nouveau décret-loi. Ce texte, très complexe par sa forme, par ses références aux lois antérieures, n’occupe pas moins de huit pages et demie du Journal officiel, plus que la loi du 15 août 1936 elle-même. En outre, le sens exact, la portée intégrale de bien des articles n’apparaîtront pleinement qu’à la lumière des faits, qu’à l’épreuve de l’application242. »
161Dans une de ses circulaires en date du 27 juin, l’AGPB précise d’ailleurs :
« le nouveau texte est le résultat d’un compromis entre les suggestions des services de l’Office, le point de vue du ministère de l’Agriculture, les points de vue des commissions de l’agriculture de la Chambre et du Sénat, ce compromis a été réalisé d’ailleurs, en dehors de toute consultation professionnelle, même des professionnels du conseil central de l’office du blé243 ».
162La presse se fait l’écho de ces nouveaux décrets-lois. Un journaliste commente ainsi qu’ils « ne paraissent pas avoir été accueillis avec une grande satisfaction, ni par les producteurs, menacés de payer des taxes importantes, ni par les consommateurs qui paieront cependant le pain plus cher, ni par la foule anonyme qui se demande par quel paradoxe une magnifique récolte peut se transformer en désastre national244 ». Dans L’Œuvre, le néosocialiste Marcel Déat insiste sur le fait que l’Office « avait été une des réussites les moins contestables du rassemblement populaire245 ». Déat souligne que le prix du quintal de blé a été établi en 1936 et en 1937 « en tenant compte, comme il se devait, de la condition paysanne, du niveau de vie des ruraux, de l’utilité vitale qu’il y a à leur conférer un pouvoir d’achat minimum, dont l’industrie urbaine doit être ensuite la bénéficiaire. Le prix du blé était donc déjà un « prix social ». » À l’approche de la récolte, les débats continuent. Le Bulletin des Halles met en garde face aux excédents qui s’annoncent et prend parti : « La situation va être assez sérieuse et les personnages responsables feront bien de réfléchir et de ne pas raconter des calembredaines à la radio. Nous avons dit, l’autre jour, que l’ère des boniments était passée. Il ne faut pas continuer à prendre les producteurs pour des imbéciles246. »
163Certains opposants du premier jour de l’Office ne désarment pas. Ainsi Joseph-Barthélemy, le juriste conservateur, livre en septembre 1938 un long éditorial au Temps247, dans lequel il reprend les invectives de l’été 1936 :
« Je ne mets en doute ni la compétence, ni l’activité, ni le dévouement des fonctionnaires et agents divers chargés de mettre en œuvre le système. Le vice est dans le système lui-même. Celui-ci n’est qu’une transplantation, adaptée à la mode occidentale, en attendant mieux, ou pire, de l’organisation inventée à Moscou. Il témoigne contre l’étatisme, à l’égal d’une démonstration décisive, comme l’expérience dans un tube de verre établit la constance d’une réaction chimique. »
164La suite de l’attaque est bien caractéristique de l’évolution autoritaire de l’auteur face au Front populaire :
« L’électoralisme, cancer interne de la démocratie, a fourni les fondations premières. On s’est d’abord tourné du côté des masses rurales et on a fait miroiter à leurs yeux la sécurité de cours rémunérateurs et constants ; sans doute, l’organisation nouvelle, comme toutes celles de l’État, ne manquerait pas d’être singulièrement coûteuse, mais on en ferait peser le poids exclusivement sur les “gros”. On s’est adressée ensuite aux consommateurs et on leur a dit, sur un ton de menace à l’égard de ceux que précédemment on flattait, qu’on ne permettrait pas aux paysans de spéculer sur la faim du peuple. […] À grands frais pour les contribuables, à grand renfort de paperasseries, à grands coups de tracasseries, à force d’inspections et de contrôles, l’État a réussi cet incroyable tour de force : blé bon marché, pain cher. »
165Le sénateur Joseph Faure, au nom de l’APPCA, écrit au président du Conseil juste après la conférence de Munich, à propos de l’enjeu de la constitution d’un stock de sécurité et de son financement. Faure indique que laisser ce financement à la charge de l’Office n’est pas raisonnable et que c’est même injuste, car « c’est demander en réalité aux producteurs de blé de prendre à leur seule charge une dépense qui, comme toutes les dépenses de sécurité, doivent incomber à la nation tout entière248 ».
166En août 1938, les différents services des Finances débattent entre eux des solutions envisageables. Le directeur du Contrôle financier et des Participations publiques adresse ainsi au directeur du Mouvement général des fonds une note pour le ministre dans laquelle il rend compte d’une réunion, le 11 août, dans le cabinet du ministre de l’Agriculture. La note précise la position de l’Agriculture :
« On peut chiffrer le total de la dépense à près de 3 milliards, somme que l’Office devrait, en toute rigueur se procurer dans le cours de la campagne grâce aux taxes perçues sur les producteurs. […] M. Queuille a précisé nettement qu’il estimait absolument impossible de prélever sur les agriculteurs cette contribution qui permettrait l’élimination complète des excédents avant la fin de la campagne qui s’ouvre actuellement. Il pense, en effet, pour des raisons économiques, autant que politiques que le total des ressources que peut demander l’Office aux producteurs ne doit pas dépasser un milliard ou un milliard et demi249. »
167Le ministère des Finances s’inquiète de cette situation et dresse des tableaux des risques directs et indirects pour le Trésor à travers les différentes opérations possibles de résorption des excédents de la récolte de 1938250.
168Une note du 2 septembre pose la question en termes de calendrier dans l’année :
« Le financement, en cours de campagne, ne doit pas présenter de difficulté sérieuse. Il est même probable qu’en début de campagne, période pendant laquelle la masse des taxes sera encaissée, le compte “Office du blé” au Trésor sera largement créditeur. Par contre, en fin de campagne, époque où l’office devra effectuer le paiement des excédents et dans l’hypothèse très vraisemblable où la Banque de France exigerait le remboursement de la totalité des “effets blé”, le Trésor sera, directement ou indirectement, amené à prendre en charge la totalité du stock existant251. »
169Devant son comité permanent, le gouverneur de la Banque de France reconnaît, en septembre 1938, que « le problème que pose le financement de la prochaine campagne de blé est assez ardu252 ». Il fait part d’une discussion avec les ministres des Finances et de l’Agriculture, et affirme sa position : « L’Institut d’émission est disposé à apporter un très large concours à l’agriculture, pendant la durée de la campagne, mais on ne saurait compter sur lui pour mobiliser les excédents de récolte et assurer la soudure entre deux campagnes. » La question financière se révèle alors cependant plus difficile que ne le pensaient les partisans de l’Office.
B. Reynaud, fossoyeur ou sauveur de l’Office ?
170La période qui s’ouvre en novembre 1938, lorsque Paul Reynaud, ministre des Finances du gouvernement Daladier, prend une série de décrets-lois, est bien connue par les historiens comme un moment de rupture avec les mesures prises par le Front populaire, en particulier ses lois sociales253. Or, Reynaud est obligé de traiter, parmi les dossiers financiers et économiques, la question de l’Office du blé. Il décrit, dans un de ses discours, le 12 novembre 1938, la situation à son arrivée aux Finances, et il fait entre autres référence au blé : « Partout, du côté de l’office du blé, du côté du service des alcools, du côté des usines d’aviation, du côté de l’Afrique, partout des emprunts, des emprunts, des emprunts ! La ronde des milliards m’assaillait254. »
171Mais, en écho, on peut lui opposer :
« Pour sa première sortie, M. Paul Reynaud s’en est tenu à un nombre restreint de vérités officielles. Mais connaissant le procédé, rien ne vous empêche de compléter à votre gré ce manuel du citoyen conscient et organisé : Voici quelques exemples qui sont bien dans le “ton” : - Ne dites pas : “À bas les deux cents familles”, mais dites : “Vive la collaboration des classes” […] – Ne dites pas : “L’épi sauvera le franc”, c’est un peu vieux jeu, mais dites : “À bas l’office du blé !”, cela flattera ce bon M. Dorgères et c’est Monnet qui sera embêté ! »
172Ainsi s’exprime « Démos », alias Camus, dans Alger républicain le 12 avril 1939255.
173Parmi les décrets-lois pris par Édouard Daladier et Paul Reynaud le 12 novembre 1938, l’un concerne donc l’Office et tend à assurer l’équilibre économique et financier de la production du blé dans le cadre de la loi du 15 août 1936. L’un des points à souligner est que le rapport au président de la République précise que ce texte a été préparé après des délibérations de la commission de l’agriculture de la Chambre des députés et de l’Office : « Le texte qui est soumis à votre haute approbation est le résultat d’un effort de collaboration entre le Parlement, les pouvoirs publics et les représentants des producteurs256. »
174Dans le même temps, certains s’inquiètent : « On constate depuis quelque temps le développement d’une campagne bien fâcheuse contre l’Office du blé, campagne de haine systématique bien plus que de critique raisonnée257. » D’autres au contraire se félicitent :
« Nous apprenons de source très sûre que dans les milieux informés on prévoit que quoiqu’il arrive au point de vue politique et sous la pression des difficultés financières, l’office du blé ne peut fonctionner plus loin que le mois de février prochain. Nos lecteurs du commerce des blés en déduiront les directives de circonspection qui s’imposent en prévision de cette éventualité258 ».
175À l’automne 1938, l’AGPB reste soucieuse de la situation du marché et, sous le titre « Le blé à un tournant critique », publie un article dans lequel l’association dénonce des « risques [qui] sont la conséquence du déséquilibre qui existe entre la politique financière de l’office et sa politique technique d’élimination des excédents259 ». Après le décret-loi Reynaud, l’AGPB s’interroge sur les conséquences de ce contingentement du blé et des autres productions :
« On demande ce que vont pourvoir faire les paysans ? De la betterave ? Contingentée. Du vin ? Contingenté. Des céréales secondaires ? Écrasées par les importations coloniales. Du bétail ? Surproduction. […] Alors ? Si, une solution : laisser les terres en friche ; déserter les villages, envahir les usines, les Administrations, les chemins de fer, la garde mobile, partout où l’on est mieux payé qu’à la terre en travaillant moins. Puis pour finir, grossir en ville l’armée des chômeurs. Pauvre pays260 ! »
176Le commentaire du texte de Reynaud est donc sévère :
« Le dernier décret-loi, il ne faut pas se faire d’illusion, a supprimé pour l’avenir les garanties pour la fixation du prix du blé. Une fois “calculé” le prix, – et l’on sait au milieu de quelles embûches – ce prix sera “augmenté” ou “diminué”, compte tenu de l’importance de la récolte et du report de la campagne précédente. Le principe se justifie ; car il est impossible et contre nature que le prix d’une récolte ne “tienne pas compte” de son importance. Mais, où le danger apparaît évident, c’est qu’une fois de plus, on a soigneusement laissé dans le vague le sens et la portée exacte de ce fameux “compte tenu”261. »
177En décembre 1938, Jacques Rueff, dans un rapport au ministre, fait état des problèmes de financement pour les 2 milliards nécessaires. Rueff s’oppose au projet de Queuille, qui envisageait une « émission spéciale de bons à court terme à placer dans les milieux ruraux avec le concours des caisses régionales de Crédit agricole », car cette « solution, dont le rendement est très hypothétique […], en tout état de cause constituerait une concurrence fâcheuse aux émissions du Trésor. […] L’aide de l’Institut d’émission apparaît comme le recours le moins gênant pour le Trésor, mais elle présente cet inconvénient d’être une solution de nature inflationniste. En outre, elle soulève de la part du gouverneur l’objection de ne pas être conforme aux statuts de son établissement. En effet, tout crédit de campagne implique l’existence d’une période de coupure262 ».
178Toujours critique, l’AGPB ne se réjouit pas de cette mise à disposition de l’Office de cette avance de 2,6 milliards de francs pour la fin de campagne, et explique en fait les enjeux de la mesure :
« En annonçant cette “avance”, pendant la discussion du budget, le ministre de l’Agriculture l’a expliquée par l’obligation imposée de rembourser à la Banque de France ses avances, avant le 1er août de l’année suivante ; les crédits consentis par elle sur le blé ont le caractère de crédit de campagne et ne peuvent pas être prorogés d’une campagne sur l’autre sans interruption. C’est exact. On peut dire aussi plus simplement : on va reporter un énorme excédent que l’Office doit légalement avoir acheté et payé avant la fin de la campagne. Pour qu’il puisse faire face à cette tâche, le gouvernement jette dans la balance plus de 2 milliards et demi ; car sans cette garantie massive, il eût été impossible d’obtenir les crédits nécessaires pour financer le gros stock qui va être reporté et dont l’avenir est des plus incertains. Impossible, car la législation actuelle est en porte-à-faux ; elle a promis aux producteurs de larges avantages pour la livraison et le paiement de leurs récoltes, mais sans soutenir cette politique financière par la garantie d’une politique technique capable d’assainir le marché. […] Si la crainte d’une défaillance quant au paiement s’était précisée, c’était avant très peu de temps la débâcle inévitable du marché. […] L’Office a la chance que la dernière dévaluation, en créant des disponibilités au Trésor, ait permis cette libéralité. C’est un sauvetage au bord du gouffre ; ce n’est pas une solution263. »
179Devant la très libérale société d’économie politique, le 6 février 1939, André Pavie fait un exposé sur « le marché français du blé dans la situation économique générale ». Ses conclusions sont sans appel :
« Un véritable équilibre entre la production et la consommation du blé français, nous sommes loin de l’avoir réalisé. Nous sommes en présence d’un équilibre illusoire, précaire, obtenu vaille que vaille par un organisme coûteux dont les producteurs font tous les frais, et dont les consommateurs ne semblent pas tirer un grand profit264. »
180Devant un parterre acquis à cette vision, Pavie voit sa position confirmée par une intervention d’Hallé, qui déclare que « l’office du blé a complètement échoué. Son succès apparent pendant les deux premières campagnes tient à ce qu’avec le déficit des récoltes l’Office n’a eu aucune difficulté à résoudre265 ».
181En février 1939, la commission des finances de la Chambre des députés étudie un projet de loi (5258) tendant à venir en aide aux agriculteurs, victimes des gelées de décembre 1938. Ce projet lui est soumis, car, suite aux gelées, la France manque de blés pour réensemencer, et l’idée consiste à ristourner les droits de douane sur les blés de semence à importer. L’intérêt est que le ministre a obtenu un accord sur ce point du conseil central de l’Office avant de le soumettre au Parlement266.
182Le Parlement reste attentif aux questions agricoles et au devenir de l’Office, et, en février 1939, une grande série d’interpellations sur la politique agricole du gouvernement se déroule à la Chambre des députés. Le communiste Renaud Jean prend la parole en indiquant bien l’enjeu autour de l’institution : « Au moment où, dans bien des endroits des attaques, directes ou obliques, sont dirigées contre l’Office interprofessionnel du blé, je tiens à déclarer que l’organisme créé par la loi du 15 août 1936 constitue pour les producteurs vendeurs de blé un excellent moyen de défense. », et il ajoute : « ses pires ennemis – je n’en citerai qu’un seul, M. Dorgères – en sont réduits à l’accepter aujourd’hui267 ». Mais le député communiste se plaint du système adopté pour résorber les excédents. Le débat s’engage ensuite sur l’application des allocations familiales à l’agriculture.
183Camille Riffaterre fait une intervention pour demander la protection de l’État pour une autre production agricole : « Pour des productions fondamentales, vous avez élevé le barrage : l’office du blé, le statut viticole, le contingentement de la betterave. Mais la pomme de terre qui tient dans les pays pauvres une place aussi large et qui est restée en dehors du secteur abrité, depuis trois ans elle côtoie la catastrophe268. » Prosper Blanc revient au blé et à la question des excédents, plaidant une vieille antienne des conservateurs ruraux : « Si les charges financières doivent être intégralement supportées par les producteurs, ne devrait-on pas, en contrepartie, prévoir la transformation de l’office étatiste du blé en organisme professionnel269 ? » Queuille lui répond fermement : « Il convient d’éviter, dans ce débat, toute affirmation erronée. Vous venez de dire que l’office du blé coûte annuellement deux milliards à l’État. Je me demande sur quels renseignements vous avez pu fonder cette affirmation, car elle n’est pas exacte. L’office du blé ne coûte actuellement rien à l’État. » Queuille explique le principe de l’avance de trésorerie pour la fin de campagne et ajoute aussi le financement du stock de sécurité, « que les circonstances présentes rendent indispensables270 ».
184La commission des finances de la Chambre des députés reste attentive au fonctionnement de l’Office et, en février 1939, elle réclame la publication prochaine des comptes et du budget en indiquant que « cette publication est prescrite par la loi et n’a jamais eu lieu271 ». La commission reçoit en mai un bref compte général de l’Office pour l’exercice 1936-1937. Le député conservateur de l’Eure, Alexandre Duval, bon connaisseur du dossier du blé, interpelle le pouvoir exécutif après avoir fait certains décomptes sur les recettes de l’Office, et conclut : « On a prélevé des sommes considérables sur les producteurs, sans justifier de leur emploi272. »
185L’AGPB veut voir dans cette question des excédents le révélateur de l’échec de l’Office, et elle commente en ce sens les interpellations agricoles à la Chambre de février 1939 :
« Le problème des excédents reste posé intégralement dans toute son acuité. Pour toute consolation, le ministre de l’Agriculture est invité à proposer toutes mesures utiles […] pour le résoudre le plus tôt possible dans les meilleures conditions… Voilà où nous en sommes deux ans et demi après la création de l’office du blé. Quel terrible aveu d’impuissance273 ! »
186À la fin de l’hiver 1939, l’Agriculture réclame aux Finances des avances pour tenter de tenir le financement de la récolte. Les Finances s’interrogent longuement sur le mode de financement de ces avances, et c’est finalement l’article 70 de la loi de finances du 31 mars 1932 qui est mobilisé à cette fin274. Le décret du 21 avril 1939 précise cette question financière. Il alloue à l’Office, à la fin de la campagne 1938-1939, une avance de trésorerie suffisante pour lui permettre d’assurer au 31 août le remboursement des effets émis en contrepartie des blés de la récolte de 1938 et avalisés par lui. Cette avance doit être remboursée au début de la campagne 1939-1940 et ne peut être renouvelée. L’article 3 est explicite : « À partir de la campagne 1939-1940, seule la partie de la récolte de blé correspondant aux besoins de la consommation nationale pourra faire l’objet du financement275 ».
187La note qui en accompagne la publication dans la revue Droit social est sévère lorsqu’elle indique : « Par une étrange omission le problème essentiel de la résorption des excédents de blé n’avait pas été traité dans la loi du 15 août 1936 instituant l’office du blé. Les événements se chargèrent l’an dernier de rappeler au législateur son oubli276 ». Le commentaire rappelle le coût de l’excédent de 26 millions de quintaux de la récolte de 1938, acheté pour l’Office à 5,400 milliards et financé seulement pour 2,600 milliards277. L’auteur anonyme ajoute :
« C’était donc la faillite lors de l’échéance des effets si l’État n’intervenait pas : l’État dut intervenir et l’ensemble des contribuables français doit avancer près de 3 milliards cette année pour assurer le paiement de tous les blés au prix légal. M. Paul Reynaud avait déclaré que l’office du blé était un 420 braqué sur la Banque de France. Le 420 vient de tirer 3 milliards environ sur le Trésor278. »
188Il conclut :
« On comprend qu’après avoir accepté de réparer provisoirement les dégâts, l’État ait décidé que par un moyen ou par un autre l’Office devrait s’arranger pour ne pas recommencer ! Cette décision de principe constitue l’objet essentiel du décret du 21 avril 1939 pris sur la proposition du Comité de réorganisation administrative, dit “comité de la Hache”279 ».
189Ce décret-loi d’avril 1939 est brièvement commenté par l’AGPB :
« Le gouvernement confirme l’avance de 2 milliards, 600 millions – promise verbalement en décembre dernier – pour soutenir les excédents à la fin de cette campagne. Mais il précise, en même temps, que pareille avance ne sera plus renouvelée à l’avenir. Pour éviter l’effondrement, frôlé cette année, il est stipulé que seule la quantité de récolte correspondant aux besoins sera financée conformément à la législation en vigueur. Les excédents ne pourront être payés aux producteurs que dans la mesure des recettes qui seront réalisées sur leur résorption280. »
190Suite à ce décret-loi, Sammy Béracha s’interroge, dans les colonnes du journal La République, sur « Que deviendra l’Office du blé ? ». Avec l’équilibre du budget réclamé, le journaliste note : « En aucun cas, il ne pourra plus, dans l’avenir, compter sur un concours financier de l’État pour assurer sa fonction essentielle : la résorption et le stockage des excédents de la production française de blé281. » Il ajoute : « en lui accordant encore les crédits dont il a besoin cette année, M. Paul Reynaud a consenti à ce que l’Office existât jusqu’à la prochaine récolte très fortement excédentaire. »
191En juin 1939, l’AGPB publie, comme les années précédentes, une brochure détaillant ses calculs « pour fixer le prix légal du blé de la récolte 1939 ». Le coefficient calculé est cette fois de 8,41, ce qui donnerait un prix de 233 francs. Mais, au-delà du débat sur les indices et les chiffres, cette brochure revendique cette fois une « politique agricole d’ensemble282 ».
192Au cours d’une réunion interministérielle du 5 juillet 1939, dont Michel Debré est le témoin, on débat fermement des prix agricoles283. Reynaud est encore à l’offensive :
« Le ministre rappelle avec certains détails, comment tous les prix agricoles français sont des prix artificiels en ce sens qu’ils sont entièrement dissociés des prix mondiaux. Le ministre énumère toutes les modalités de cette dissociation (fixation directe du prix, fixation indirecte par le blocage, la prime à l’export, le contingentement de la production, les armes diverses du trafic douanier), et en quelques phrases un peu cinglantes, le ministre rappelle que dans la langue agricole un contingent équivaut à une prohibition. »
193La réponse du ministre de l’Agriculture est ainsi décrite :
« C’est alors que M. Queuille prend la parole et l’on peut résumer son discours en deux parties. D’abord tout est faux, ensuite, même si c’est vrai, c’est très dangereux de faire quelque chose. […] Le ministre de l’Agriculture insiste sur le caractère politique de l’opération, sur le danger de mécontenter les paysans. Sur ce point, le président du conseil l’appuie. […] M. Queuille indique qu’il ne peut se faire mettre en tutelle par une commission chargée de lui dicter ce qu’il doit faire. »
194La conclusion de Reynaud est sévère :
« S’il comprend bien la politique agricole, il s’agit de transformer tous les paysans en fonctionnaires ; s’il y a déficience d’une production, il faut que l’augmentation du prix permette d’accorder à chaque paysan le prix qu’il aurait obtenu si la récolte avait été bonne, et si la production est excédentaire, il faut obliger l’État à acheter toute la partie de la récolte qui pourrait avoir un effet nuisible sur les prix. Cette précision provoque un silence un peu gênant. »
195Devant son comité permanent, le gouverneur de la Banque de France fait un point sur le financement de la récolte du blé en juillet 1939. Il commence en expliquant qu’« il avait déjà indiqué, il y a quelques mois, qu’il fallait s’attendre à des difficultés. Celles-ci se présentent aujourd’hui dans leur plénitude284 ». Le gouverneur insiste sur la sous-estimation de la récolte en septembre 1938, lourde de conséquences sur les taxes, et la difficulté à résorber l’excédent. Il souligne l’influence du contexte politique mondial : « À vrai dire, on a hésité à faire tout l’effort nécessaire pour résorber ce surplus, et cela parce que l’on s’attendait pour 1939 à une récolte déficitaire et que, étant donné la situation internationale, on ne voulait pas courir le risque de ne disposer que d’approvisionnements insuffisants. » Le gouverneur plaide pour une solution durable du régime du blé : « Si ce régime n’est pas modifié, on va à des difficultés inextricables. » Le procès-verbal du comité permanent note clairement : « Il faut modifier le régime du blé. C’est la condition préalable que M. le gouverneur a posée au cours de ses entretiens avec M. le ministre des Finances. M. Paul Reynaud est convaincu de cette nécessité285. » Le comité de la Banque de France approuve, tout en manifestant « le regret que la Banque se trouve amenée, par la force des choses, à continuer son concours à des opérations qui, à l’heure actuelle, devraient normalement être dénouées ».
196C’est au cours d’une réunion le 22 juillet 1939 que les arbitrages sont effectués en présence des deux ministres et des directeurs d’administrations centrales286. Au-delà des mesures financières actées, cette réunion aboutit à une décision importante :
« Il a été convenu que la mise en application du système de financement susvisé sera subordonnée à l’adoption d’un décret-loi apportant à la législation actuellement en vigueur sur les blés les réformes nécessaires pour que les dispositions du décret du 21 avril 1939 limitant le financement de la récolte à la portion de ladite récolte susceptible d’être absorbée par la consommation intérieure soient désormais strictement appliquées et qu’ainsi le risque du retour d’une situation analogue à la situation présente soit à jamais écarté. »
197Le décret-loi du 29 juillet 1939 prévoit donc une série de modifications de l’Office287. Au-delà de certains dispositifs techniques, l’un des points d’évolution majeure concerne le contrôle de la fixation du prix annuel par la modification de l’article 9 du décret de codification de novembre 1937. Le gouvernement regagne un pouvoir total sur le prix, tout en s’abritant derrière la formation d’une commission formée de hauts fonctionnaires et de statisticiens. Ce décret-loi est présenté par l’Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation du blé :
« Sans doute nombre de suggestions des groupements professionnels sont retenues. Mais il y a encore bien des lacunes : absence de modification pour orienter le conseil central sans le sens professionnel, persistance de l’emprise étatiste sur les coopératives, etc. Enregistrons toutefois avec satisfaction la sécurité immédiate apportée pour le règlement des excédents de la récolte 1938288. »
198Ce décret-loi de juillet 1939 est aussi commenté par l’AGPB, qui se plaint surtout du retard avec lequel il a été pris : « Ces retards, cette impuissance à aboutir en temps utile, éclairent d’une triste lumière les difficultés qui font obstacle à une réforme saine et nécessaire de l’office du blé. » L’AGPB liste de manière intéressante trois obstacles :
« Passons rapidement d’abord sur la ruée des intérêts particuliers : ils ne cherchent qu’à se servir, les uns dans le maintien d’un régime étatique boiteux ; d’autres dans le désordre de son écroulement ; d’autres dans l’anarchie d’un retour à la liberté sans frein. Cette tare est de tous les temps. Il y a contre l’Office les assauts persistants de doctrinaires du libéralisme intégral. La plupart ne comprennent pas et ne connaissent même pas les problèmes agricoles, ni leurs nécessités techniques et psychologiques. Ils “chargent” contre l’Office par principe ; plus exactement même, contre toute idée d’une politique de soutien et de défense des marchés agricoles. Ils appuient, quand ils n’en sont eux-mêmes les artisans, toute politique de déflation, par principe, des prix agricoles. Il y a les doctrinaires du marxisme. Ils ne se soucient en aucune façon de la défense des prix agricoles ; au contraire ils en appuient en sous-main la déflation favorable à leur clientèle électorale ouvrière289. »
199La fixation du prix du blé en 1939 se fait donc dans un contexte différent des années précédentes : à la fois par les événements en Europe et par les nouvelles dispositions du décret du 29 juillet 1939. Le vote s’obtient finalement sur un prix de 218,50 francs prix formulaire et 201,50 francs prix réel avec, sur les 43 présents, 30 pour et 13 abstentions (dont les quatre représentants des ministères)290. La décision du conseil central de l’ONIB, en août 1939, de consentir aux négociants agréés une avance sur les blés pris en charge amène la Confédération nationale des syndicats de grains à écrire au ministre des Finances pour lui demander d’accepter cette proposition de l’Office : « Nous ne saurions trop insister, sur la nécessité impérieuse de prendre une telle mesure en faveur de commerçants, qui ont dû faire déjà un effort considérable pour le financement des stocks qu’ils détiennent, et dont certains, se trouvent de ce fait, dans une situation extrêmement difficile291. »
200Comme le note un docteur en droit : « La structure des organes de l’Office du blé n’est pas modifiée avant 1940, mais la compétence du conseil central est très diminuée en 1939292. » En effet, si le Conseil central continue à fixer le prix du blé, cette décision n’est plus exécutoire. Le gouvernement obtient la possibilité de déférer les calculs du conseil à une commission composée d’un membre du Conseil d’État, qui la préside, d’un représentant désigné par le ministre des Finances et d’un autre par le ministre de l’Agriculture. De plus, les décisions pour le prix du blé et le taux de blutage, pour être rendues exécutoires, nécessitent dorénavant un décret.
201Les socialistes attaquent bien sûr Reynaud pour ces décisions :
« Tous nos lecteurs et amis s’étonneraient grandement si dans notre journal ne paraissait pas une vigoureuse protestation contre les mesures que vient de prendre M. le ministre des Finances. M. Paul Reynaud pratique une politique anti-paysanne, ce qui est tout à fait naturel de sa part. […] Tout le monde connaît à l’heure actuelle les mesures prises contre l’Office du blé, mais ce que beaucoup ne savent pas et il nous plaît de le dire dans notre journal, apportant ainsi une preuve nouvelle, que nous ne sommes pas animés par une politique partisane, beaucoup ne savent pas, dis-je, que ces mesures auraient été beaucoup plus graves […], si M. Queuille ne s’était pas dressé vigoureusement contre son collègue des Finances. Quoi qu’il en soit, l’Office du blé n’est plus, à l’heure actuelle, qu’un organisme consultatif, le ministre des Finances se réservant le droit de modifier les décisions qu’il pourra prendre293. »
202Enfin, un dernier dossier montre des oppositions politiques au début de l’année 1940, dans le cadre déjà du conflit mondial. Les représentants de la confédération communiste ont été exclus et l’association dissoute, ils doivent donc être remplacés. Les nouvelles nominations sont mal vues de l’AGPB, mais l’article publié dans son Bulletin du 1er février 1940 est en partie censuré. C’est dans une autre publication, liée aux céréaliers, que l’on peut en trouver le texte intégral qui mérite d’être cité tant il révèle la persistance de conflits de représentativité agricole à l’Office :
« On sait qu’un arrêté du 25 janvier a nommé sur proposition de la “Confédération nationale paysanne” 2 membres de la “Fédération nationale des coopératives de blé et de défense de l’Office du blé”, comme représentants des producteurs au Conseil central de l’ONIB en remplacement des deux membres de la CGPT, association communiste dissoute. Cette nomination a surpris et soulevé les critiques des cultivateurs. Ils constatent que, contrairement à la lettre de la loi, des organisations professionnelles nationales, véritablement qualifiées, n’ont pas été admises à proposer à la nomination du Ministre des noms de représentants des Producteurs au Conseil Central. D’autres organisations nationales comme l’AGPB n’ont pu désigner que deux représentants des producteurs ; notre Union des Coopératives de Blé qui groupe plus de 450 Coopératives traitant près des 2/3 du blé n’a désigné que 4 représentants des producteurs. Aujourd’hui la CNP, qui se recommande surtout par ses tendances politiques, a pu faire désigner 4 représentants des producteurs à l’Office du Blé. Déséquilibre choquant. – Indice révélateur de soucis politiques alors que l’on pouvait espérer que la guerre les aurait fait passer au second plan ! Notre Union des Coopératives de Blé, comme l’AGPB et l’Union Nationale des Syndicats agricoles a adressé ses protestations au Ministre de l’Agriculture. Le Bulletin de l’AGPB, d’autre part, commentait ces nominations politiques en ces termes que la censure a jugé bon de blanchir. Ils ne mettaient cependant pas en cause la Défense Nationale. »
203Et on dispose donc du texte intégral de l’AGPB, qui est le suivant :
« Nominations politiques. Deux “représentants des Producteurs” MM. Flavien et Sédillot, membres de la “CGPT”, Association communiste dissoute par la loi, viennent d’être remplacés au Conseil Central de l’ONIB. Un arrêté du ministre de l’Agriculture, en date du 25 janvier 1940, a désigné “sur proposition de la CNP et sur rapport du Directeur de l’Office du Blé”, deux membres de la “Fédération Nationale des Coopératives de Blé et de Défense de l’Office du Blé” ( ?) Cette Fédération, filiale de la CNP, est d’une importance professionnelle… limitée. Elle ne se recommande, comme la CNP, que de l’affection politique toute spéciale que lui portait M. Monnet, créateur de l’Office du Blé. La CNP et sa Fédération filiale ont maintenant quatre représentants à l’Office. Ainsi, le ministre de l’Agriculture, maître de par la loi de nommer les membres du Conseil Central “sur proposition des organisations professionnelles, à circonscription nationale les plus qualifiées” a choisi les membres d’une organisation peu connue des cultivateurs, dont l’étiquette “professionnelle” cache mal la tendance politique. Cependant, d’autres organisations agricoles nationales telles que “l’Union nationale des Syndicats Agricoles” n’ont jamais été admises à proposer de représentants agricoles à l’agrément du Ministre : l’AGPB n’a été admise qu’à proposer deux représentants agricoles. Cette décision invraisemblable est-elle le fait d’une préoccupation politique qui fait peine dans les circonstances présentes ? Quoi qu’il en soit, elle est médiocre. Le prestige de l’Office du Blé et celui du ministère de l’Agriculture n’en sont pas rehaussés. Sans doute la Censure aujourd’hui libérée de tout souci politique permettra-t-elle au journal des Coopératives de se faire l’écho de cette protestation justifiée. Ainsi sera connue l’opinion des cultivateurs sur ces regrettables nominations politiques. Le “Blanc” aura prouvé seulement une fois de plus qu’“il n’y a que la vérité qui blesse”294. »
204Dans le contexte du pays en guerre, le point pourrait sembler anodin, il est sans doute révélateur, au-delà de la méfiance conservée de l’AGPB envers l’Office du blé, du fait que la représentativité syndicale dans le monde agricole reste délicate.
Notes de bas de page
1 A. Liesse, « L’Office du Blé. Son caractère nettement socialiste », art. cité, p. 282.
2 F. Ninnin, « L’office du blé », art. cité, p. 639.
3 Le haut fonctionnaire Maspétiol note à ce propos : « Le passage de la fixation du prix du domaine contractuel au domaine réglementaire est, du point de vue de la structure sociale et de la technique de l’organisation économique, gros de conséquences. […] Cette notion ne saurait être confondue avec celle d’un prix maximum ou minimum, dont on peut contester l’opportunité et l’efficacité, mais qui n’est en définitive qu’une mesure de la police des transactions. », R. Maspétiol, « L’organisation agricole et l’Office français du blé », art. cité, p. 530.
4 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 27 août 1936.
5 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 28 août 1936.
6 A. Roux, « Office du blé et valeur loyale et marchande », Du blé au pain, nº 5, septembre-octobre 1936, p. 65-68.
7 Bulletin de documentation, 27 août 1936, p. 1.
8 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 31 août 1936.
9 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 1er septembre 1936.
10 J. Parrel, « L’office national du blé », L’Agriculteur du Sud-Est, 27 septembre 1936, p. 559-560, p. 559.
11 Ibid., p. 560.
12 F. Garcin, « Se sentir les coudes », L’Agriculteur du Sud-Est, 27 septembre 1936, p. 559.
13 R. de Laulanié, « La fixation du prix par l’Office du blé », Journal d’agriculture pratique, 28 novembre 1936, p. 361‑363, p. 363.
14 H. Girard, « Et le prix du blé ? », Journal d’agriculture pratique, 12 décembre 1936, p. 397-398, p. 397.
15 Arch. nat., F60 217, Blé. Culture, commerce, prix, consommation du blé en France, 1934-1947, circulaire de R. Salengro aux préfets, 10 septembre 1936. Le ministre de l’Intérieur en envoie une copie au président du Conseil.
16 Ibid.
17 M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie, histoire d’une conversion 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, t. 1, p. 267-271. Ouvrage en ligne sur http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/2276.
18 « L’agriculture devant la dévaluation », Revue des agriculteurs français, octobre 1936, p. 481-482.
19 Études, t. 229, octobre-novembre-décembre 1936, p. 406.
20 « Les céréales et la dévaluation », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 633, octobre 1936, p. 7.
21 « Il faut réviser le prix du blé », Bulletin de documentation, 1er octobre 1936, p. 1.
22 Ibid., p. 2. Une autre figure des élites rurales conservatrices note : « Les thuriféraires du gouvernement vantent dans nos campagnes les bienfaits d’une soi-disant nouvelle politique de revalorisation des produits agricoles. Et quelques-uns s’y laissent prendre. », R. Grand, « Toujours la politique anti-paysanne », L’Agriculteur du Sud-Est, 11 octobre 1936, p. 591.
23 Bulletin de documentation, 12 novembre 1936, p. 1-3.
24 « Il faut relever le prix du blé », Bulletin de documentation, 10 décembre 1936, p. 1.
25 Ibid., p. 3.
26 « Deux poids – deux mesures », Bulletin de documentation, 22 décembre 1936, p. 1.
27 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 20 octobre 1936.
28 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, séance du 12 novembre 1936.
29 AS, 69S 224, Commission de l’agriculture, Registre 1934-1936 Procès-verbaux, séance du 2 décembre 1936.
30 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 3 décembre 1936, p. 1558.
31 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 16 décembre 1936.
32 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 29 janvier 1937.
33 Ibid. On peut noter que les 4 abstentions sont le fait des représentants de la meunerie et de la boulangerie. Parmi les opposants, on retrouve les deux producteurs délégués par la Confédération nationale paysanne, la plupart des représentants des consommateurs, les représentants de la semoulerie et des pâtes alimentaires et les représentants des ministères. L’originalité vient du fait que les représentants de la Confédération nationale des paysans et travailleurs votent pour la revalorisation, ainsi que deux représentants des consommateurs et un de la meunerie.
34 Bulletin de documentation, 4 février 1937, p. 1.
35 « Curieux revirement », ibid., p. 5-6.
36 « Un grave danger pour l’agriculture. Le “consommateur” arbitre souverain des intérêts agricoles », Bulletin de documentation, 18 février 1937, p. 1.
37 « Le gouvernement va-t-il enfin relever le prix du blé ? », Bulletin de documentation, 4 mars 1937, p. 4-5.
38 « Deux poids – deux mesures », Bulletin de documentation, 25 mars 1937, p. 4-5, p. 5.
39 H. Girard, « À l’Office du blé, consécration douloureuse du déclassement des cultivateurs », Journal d’agriculture pratique, 101e année, nº 6, 6 février 1937, p. 175-176, p. 175.
40 Ibid., p. 176.
41 H. Girard, « À l’Office du blé, des réformes qui s’imposent », Journal d’agriculture pratique, 101e année, nº 7, 13 février 1937, p. 209-210, p. 209.
42 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, 25 mars 1937, p. 408-409.
43 A. Duval, et al., Proposition de loi tendant à apporter diverses modifications à la loi du 15 août 1936 sur l’office du blé, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Chambre des députés, 2293, annexe au PV de la séance du 27 avril 1937, p. 520-522.
44 Arch. nat., C 15172, Commission des finances 1936-1940, séance du 25 mars 1937, p. 6. Le projet en question porte au départ sur le traitement des fonctionnaires, dans lequel le Sénat a introduit un article 8 ouvrant la porte à une revalorisation des prix agricoles.
45 R. de Passillé, « La stabilité des prix », L’Agriculture nouvelle, 13 mars 1937. L’auteur est fermement sur des positions libérales, et il fait l’éloge de Pierre-Étienne Flandin quinze jours après : « Le néolibéralisme », 27 mars 1937. On note ici la différence de position entre L’Agriculture nouvelle et les discours de l’AGPB. Cette différence se retrouve nettement dans un article publié le 10 avril sous le titre « Le relèvement du prix du blé ».
46 « Le gouvernement fait échouer le relèvement du prix du blé », Bulletin de documentation, 8 avril 1937, p. 1. Le premier article du numéro suivant est titré « Ne pas réviser le prix du blé c’est compromettre le sort de la prochaine récolte », ibid., 29 avril 1937, p. 1-2.
47 « Le prix du blé. Prévisions », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 638, mars 1937.
48 « Notre référendum sur le prix du blé », Journal d’agriculture pratique, 101e année, nº 20, 15 mai 1937, p. 698-699.
49 P. Hallé, « Le bilan de la situation présente », in P. Hallé, et al., La France trahit ses paysans, Paris, Flammarion, Union nationale des syndicats agricoles, 1937, 111 p., p. 7-78, p. 56 et p. 60 pour les citations. Son discours est émaillé de formules chocs sur « Les paysans citoyens de seconde zone » (p. 61) et sur « Nos villages bientôt ne seront plus habités que par des Vieux. La paysannerie se meurt. La vie de la France est menacée. » (p. 78).
50 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, 6 juillet 1937, p. 805.
51 Ibid., 7 juillet 1937, p. 819.
52 Ibid.
53 « Au Sénat », Bulletin de documentation, 15 juillet 1937, p. 1-2, p. 1.
54 Ibid., p. 2.
55 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, 7 juillet 1937, p. 822.
56 Ibid., p. 823.
57 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, 7 juillet 1937, p. 2252-2254.
58 Ibid., p. 2254.
59 C. Sarazin, « Le problème du blé », 24 juillet 1937, art. cité, p. 1081. Un juriste note de la même manière : « Les producteurs ont pu bénéficier, dès la récolte, d’un prix qui, bien que ne correspondant pas à celui qu’ils avaient pu souhaiter, a eu l’avantage, ainsi que l’avait voulu le législateur d’être rémunérateur et stable. », A. Normand, Une expérience d’économie dirigée…, op. cit., p. 275.
60 « Déclarations imprudentes et méthode illégale », Bulletin de documentation, 17 juin 1937, p. 1-2, p. 1.
61 « Pour le calcul du prix du blé 1937 », Bulletin de documentation, 1er juillet 1937, p. 1-5.
62 « Les représentants de l’agriculture refusent de discuter à l’office du blé », Le Temps, 29 juillet 1937.
63 « Les représentants de l’agriculture à l’office du blé refusent de discuter sous la pression gouvernementale », Bulletin de documentation, 29 juillet 1937, p. 1.
64 « Le prix du blé pierre de touche de la politique agricole », Bulletin de documentation, 12 août 1937, p. 1-2.
65 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 20 août 1937, procès-verbal sténographique.
66 Ibid.
67 Ibid.
68 Ibid.
69 Ibid.
70 « Rejetant la méthode des quatre coefficients, écartant de même la méthode proposée par les services et qui consisterait à appliquer des coefficients pondérés, les producteurs demandent au conseil central de maintenir la façon de procéder qu’il a adoptée antérieurement et de calculer le prix du blé par l’application de trois coefficients. », ibid.
71 Ibid.
72 Ibid.
73 Ibid.
74 Arch. nat., F60 217, Blé. Culture, commerce, prix, consommation du blé en France, 1934-1947, lettre du président de l’Office au président du Conseil, 22 août 1937.
75 Arch. nat., F60 217, Blé. Culture, commerce, prix, consommation du blé en France, 1934-1947, lettre de P. Mathé au président du Conseil, 22 août 1937.
76 Arch. nat., F60 217, Blé. Culture, commerce, prix, consommation du blé en France, 1934-1947, télégramme de date illisible envoyé depuis Beauvais.
77 Ibid., télégramme de date illisible envoyé depuis Cambrai.
78 Ibid., télégramme du 24 août 1937 envoyé depuis Yvetot.
79 « Le gouvernement fixe le prix de 180 francs. À l’office du blé, le prix de base légal : 200 francs avait été réclamé par 23 voix agricoles. », Bulletin de documentation, 25 août 1937, p. 1.
80 Ibid.
81 Ibid., p. 4.
82 « À propos de la réunion de l’office du blé. Quelques points d’histoire à fixer », ibid., p. 6-8, p. 7.
83 Bulletin de documentation, 15 septembre 1937, p. 1-11, p. 1.
84 É. Calvayrac, « Le prix du blé, récolte 1937 », La Volonté paysanne, 28 août 1937.
85 G. Vée, « Le prix du blé et l’office du blé », Le Midi socialiste, 31 août 1937. Le syndicaliste socialiste précise son attaque : « M. le vicomte Alain Du Fou et ses amis ne défendent avant tout leurs intérêts de classe, leurs intérêts de grands propriétaires, étroitement solidaires de ceux du grand capitalisme. » Gérard Vée (1912-1986) dirige en 1937 La Volonté paysanne. Après la guerre, il travaille à l’ONIC et est député de l’Yonne de 1945 à 1951 (cf. sa notice dans le Maitron).
86 « L’Aveu », Bulletin de documentation, 25 novembre 1937, p. 1.
87 AS, 69S 223, Registre 1937-1938 Procès-verbaux, séance du 16 septembre 1937.
88 G. Monnet, « Préface », in M. Braibant, La tragédie paysanne, op. cit., p. IX-XVI, p. IX.
89 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, 23 novembre 1937, p. 944.
90 Ibid., p. 945.
91 Ibid., p. 948.
92 Ibid.
93 Ibid., p. 949.
94 Ibid., p. 955.
95 Loi tendant à l’institution d’un office national interprofessionnel du blé, rectificatif au Journal officiel du 18 août 1936 : p 8868, 1re colonne, article 9, 1er alinéa, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 28 décembre 1937, p. 14259.
96 « “Virgule” supprimée », Bulletin de documentation, 6 janvier 1938, p. 5.
97 F. Matignon, « Le prix d’une virgule », Le Petit Meunier, 195, 2 décembre 1937, p. 1.
98 « Qu’attend le Conseil d’État ? », Bulletin de documentation, 18 mai 1937, p. 6.
99 La loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du Conseil d’État et la loi des 7-14 octobre 1790, selon laquelle « les réclamations d’incompétence à l’égard des ordres administratifs seront portées au Roi, chef de l’administration générale », cette loi ayant servi de base législative pour le recours pour excès de pouvoir forgé devant le Conseil d’État (cf. J.-L. Mestre, « La signification de la loi des 7-14 octobre 1790 », Études et documents du Conseil d’État, 43, 1991, p. 281-298).
100 « Agriculture », Affaire 56294, Sieur Leroy-Ladurie, Recueil Lebon, 29 juillet 1938, p. 764-765, p. 765.
101 « Agriculture », Affaire 60896 Sieur Pointier ; Recueil Lebon, 29 juillet 1938, p. 765-766, p. 766.
102 « Cons. d’État 29 juillet 1938 (2 arrêts) », Jurisprudence administrative, Recueil Sirey, p. 105-117. Rappelons que le commissaire du gouvernement est la personne en charge de l’instruction de l’affaire. La publication de ses conclusions est d’autant plus précieuse que l’on n’a pas pu avoir accès au dossier, pour cause d’archives incommunicables.
103 Ibid., p. 106.
104 Ibid.
105 Et non 1937, comme l’indiquent fautivement les conclusions reproduites au Sirey, ibid., p. 115. Il faut noter que la numérotation des sous-chapitre est aussi incorrecte si l’on suit le raisonnement exact de Latournerie, puisqu’il manque un § 4 entre le § 3 et le § 5 dans la section 1 du titre 1er de la 2e partie : ce § 4 est noté « d) », p. 111.
106 Ibid., p. 106.
107 Ibid., p. 107.
108 Ibid., p. 108.
109 Ibid. Remarque importante qui prouve que, dans sa démonstration juridique, le maître des requêtes au Conseil d’État n’oublie pas le caractère négocié du prix à déterminer.
110 Ibid., p. 110.
111 Ibid., p. 111.
112 Ibid., p. 115-116.
113 Ibid., p. 116.
114 H. Leroy-Jay, « Note », Droit social, septembre-octobre 1938, p. 337-338, p. 337.
115 Ibid., p. 338.
116 Bulletin de documentation, 4 août 1938, p. 1-5.
117 Ibid., p. 1.
118 Ibid., p. 4. L’analyse précise sur ce point : « La partie essentielle de ce recours était, ensuite, consacrée aux vices des méthodes de calcul des indices (choix entre la méthode ministérielle et la méthode des offices de comptabilité agricole). Or, précisément, le Conseil d’État, – sans infirmer ni confirmer l’argumentation produite sur les questions techniques – a estimé que ces questions ne le concernaient pas : tout en les ayant largement examinées, il s’est volontairement abstenu d’y faire aucune allusion dans l’arrêt lui-même. Dès lors, une annulation du prix 1937 ne pouvait être obtenue sur la base de nos critiques techniques. Mais ces questions techniques restent non résolues et l’Office devra en reprendre la discussion pour en fixer la doctrine. » (ibid.).
119 G. Monnet, « Un arrêt du Conseil d’État », Le Populaire, 3 août 1938.
120 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 28 octobre 1938, procès-verbal sténographique. Sur les 41 présents, une seule abstention montre qu’avec 40 voix soutenant cette solution, les membres du conseil central ne veulent pas rouvrir ce dossier inextricable.
121 « Le scandale du blé et de l’essence », 8 juillet, in A. Tardieu, Notes de semaine 1938. L’année de Munich, Paris, Flammarion, 1939, p. 95-97, p. 96. Tardieu conclut : « L’économie dirigée de nos hommes de gauche est stérile en toute matière. Appliquée à l’agriculture, elle est meurtrière. Mieux vaut, pour nos paysans, une grosse grêle qu’un décret-loi ». Tardieu écrit un texte encore plus sévère le 2 septembre, intitulé : « Le prix du blé » (p. 98-101).
122 G. Vée, « Le prix du blé 1938 », Le Populaire, 20 août 1938.
123 Brochure de 23 pages, publiée par l’AGPB et imprimée par Maurice Blanchard, 15 rue du Louvre, AAGPB, Tracts et circulaires, 1938.
124 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 23 août 1938, procès-verbal sténographique.
125 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 24 août 1938, procès-verbal sténographique.
126 Ibid.
127 Ibid.
128 Ibid.
129 Ibid.
130 Ibid.
131 Ibid.
132 Ibid.
133 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 25 août 1938, procès-verbal sténographique.
134 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 31 août 1938, procès-verbal sténographique.
135 Bulletin de documentation, 25 août 1938, p. 1.
136 Ibid., p. 2.
137 L’AGPB publie aussi, sous le titre de « Chinoiseries », un article donnant des « échantillons » des calculs des indices proposés par les services de l’Office, ibid., p. 8.
138 « Une heureuse décision : le blé à 204 francs », Le Populaire, 27 août 1938.
139 Ibid.
140 P. Ridet, « Pour rétablir les responsabilités », Le Populaire, 10 septembre 1938.
141 Circulaire nº 35 du directeur de l’Office du blé du 23 septembre 1938 aux présidents des comités départementaux des céréales au sujet des conditions de fixation du prix du blé de la récolte de 1938, Revue du blé et de la meunerie, octobre 1938, p. 1585-1592, p. 1585.
142 Ibid., p. 1589.
143 Ibid.
144 A. Normand, Une expérience d’économie dirigée…, op. cit., p. 284-285.
145 Ibid., p. 288.
146 Ibid., p. 293.
147 M. Déat, Le Front populaire au tournant, Paris, Éd. du journal « La Concorde », 1937, p. 106.
148 J. de Bresson, L’Office du blé, op. cit., p. 126.
149 Ibid., p. 132.
150 Ibid., p. 133.
151 La richesse de la collection du Bulletin et les tracts et circulaires offrent une documentation continue très appréciable.
152 « La nouvelle loi du blé, comme les précédentes, caractérise la même politique déséquilibrée qui aggrave le mal agricole au lieu de le guérir. », Bulletin de documentation, 17 septembre 1936, p. 5. Ce même numéro du Bulletin comporte la liste des décrets et arrêtés publiés au Journal officiel entre le 18 août et le 17 septembre.
153 « La loi du 15 août jugée par ceux qui sont chargés de l’appliquer », Bulletin de documentation, 10 décembre 1936, p. 5-7.
154 « La viticulture ne veut pas d’office du vin », Bulletin de documentation, 22 décembre 1936, p. 4. Sur ce sujet, cf. J.‑M. Bagnol, « Le Statut de la viticulture… », art. cité.
155 « Une affiche invraisemblable. Les pouvoirs de l’office du blé », Bulletin de documentation, 15 octobre 1936, p. 5-6.
156 « Après cinq mois d’existence », Bulletin de documentation, 14 janvier 1937, p. 1.
157 P. Hallé, « Rapport moral », Assemblée générale, mars 1937, document imprimé de 8 pages (retrouvé entre les Bulletins de documentation des 4 et 25 mars 1937), p. 1.
158 Ibid., p. 2.
159 Ibid., p. 5.
160 « L’Office du blé n’est pas professionnel. Les raisons profondes d’une situation équivoque », Bulletin de documentation, 28 décembre 1937, p. 1.
161 « Comment un office peut-être professionnel. Conditions essentielles d’une réforme inévitable », Bulletin de documentation, 6 janvier 1938, p. 2 et p. 3.
162 Bulletin de documentation, 20 janvier 1938, p. 1.
163 Bulletin de documentation, 3 février 1938, p. 5.
164 Bulletin de documentation, 17 février 1938, p. 1.
165 Ibid., p. 5.
166 Bulletin de documentation, 3 mars 1938, p. 1.
167 Bulletin de documentation, 31 mars 1938, p. 2-5, et le détail des rapports à l’Assemblée dans le Bulletin de documentation, 28 avril 1938.
168 « Agriculture », Affaire 56429, Sieur Touzeau ; Recueil Lebon, 29 décembre 1937, p. 1100-1101, p. 1100.
169 « Le recouvrement de la taxe à la production », Bulletin de documentation, 15 octobre 1936, p. 4-5.
170 « Le Conseil d’État annule le décret du 8 septembre 1936 sur la taxe à la production », Bulletin de documentation, 6 janvier 1938, p. 6.
171 P. D., « À propos de l’office du blé », Le Temps, 11 janvier 1938.
172 « Agriculture », Affaires 57880, 57665, 457984 et 58073, Société Deroche et autres, et Affaire 58596, Sieur Sablé ; Recueil Lebon, 8 juillet 1938, p. 644-647
173 « Agriculture », Affaire 58635, Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation de blé ; Recueil Lebon, 20 juillet 1938, p. 688-689.
174 « L’AGPB poursuivra son action sans faiblir », Bulletin de documentation, 30 septembre 1937, p. 1.
175 Bulletin de documentation, 28 octobre 1937, p. 1. Cf. aussi le numéro suivant, du 11 novembre 1937, p. 1, qui commente la circulaire ministérielle complémentaire du 30 octobre.
176 Lettre du 14 janvier 1938, Archives de l’AGPB, (AAGPB), Tracts et circulaires, 1938.
177 « Agriculture », Affaire 62479, Chambre d’agriculture de la Loire ; Recueil Lebon, 21 juillet 1939, p. 493.
178 « Un arrêt du Conseil d’État », Bulletin de documentation, 2 août 1939, p. 4-6.
179 Outre Frédéric Dupont, Henriot, Louis Marin, Taittinger, on compte encore François Valentin ou Xavier Vallat.
180 A. Duval, et al., Proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à apporter diverses modifications à la loi du 15 août 1936 sur l’office du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2080, annexe au PV de la séance du 11 mars 1937, p. 2.
181 M. Braibant, La tragédie paysanne, op. cit., p. 23.
182 « À propos du prix du blé », Journal d’agriculture pratique, 101e année, nº 34-35-36, 4 septembre 1937, p. 1219.
183 H. Girard, « L’office “parisien” du blé », Journal d’agriculture pratique, 102e année, nº 36, 3 septembre 1938, p. 1109-1110.
184 Arch. nat., CE 127, Organisation des marchés agricoles 1936-1939 (1re section : céréales et cultures industrielles), compte rendu analytique de la séance du 30 novembre 1936.
185 Ibid., compte rendu analytique de la séance du 30 janvier 1937.
186 Ibid., compte rendu analytique de la séance du 23 février 1937.
187 Ibid.
188 Ibid.
189 Ibid., compte rendu analytique de la séance du 27 février 1937.
190 Communication faite à la séance du 17 mars 1937 reproduite dans la Revue du blé et de la meunerie, avril 1937, p. 1081-1084, p. 1084.
191 A. Javal, « La vente du blé », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie d’agriculture de France, XXIII, 11, séance du 17 mars 1937, p. 384-387, p. 384.
192 A. Fauchère, « Les cultivateurs et le prix du blé », L’Agriculture nouvelle, 24 avril 1937.
193 E. Lagrange, Journal du Tarn, 4 février 1939, cité par O. Pons, La culture du blé dans le département du Tarn…, op. cit., p. 161. Cette thèse de droit cite (p. 160), du même agriculteur, un article daté du 7 janvier 1939 dans lequel celui-ci rappelle le poids des années trente, sous le titre « Une période de misère agricole rappelée par un paysan » : « 1932, 1933, 1934, 1935 ! Souvenons-nous de ces quatre années atroces subies par les populations paysannes… »
194 « La statistique du blé », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 635, décembre 1936, p. 10.
195 F. Matignon, « L’office du blé », Le Petit Meunier, 221, 2 juin 1938, p. 1.
196 J. Barthélemy, « Un cas typique d’absurdité étatique », Le Petit Meunier, 239, 6 octobre 1938.
197 F. Matignon, « L’office du blé devant les faits », Le Petit Meunier, 267, 20 avril 1939, p. 1.
198 G. Monnet, « Discours au 2e congrès international de meunerie tenu à Paris, les 12, 13 et 14 octobre 1937 », La Meunerie française, octobre 1937, p. 243-244.
199 Parant, « L’Office du blé contre la meunerie. Rapport au conseil de direction du 9 mars 1938 », La Meunerie française, mars 1938, p. 54-56.
200 H. Pain, « La meunerie devant les lois d’économie dirigée », La Meunerie française, novembre 1938, p. 257-259.
201 « La position statistique du blé », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 643, août 1937, p. 7.
202 « Le blé-gangster », Le Bulletin des Halles, bourses et marchés. Journal du commerce, 1er octobre 1937.
203 « M. Pointier et l’Office du blé », Le Bulletin des Halles, bourses et marchés. Journal du commerce, 22 décembre 1937.
204 G. Clément, « À propos de l’Office du blé », Le Bulletin des Halles, bourses et marchés. Journal du commerce, 11 et 12 décembre 1938.
205 H. Rebiffé, « Quelques mots encore sur le fonctionnement de la loi sur l’Office du blé », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 3 octobre 1936, p. 505-506.
206 H. Rebiffé, « Au sujet de l’Office du blé », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 19 décembre 1936, p. 641
207 Abbé J. Desgranges, Journal d’un prêtre député 1936-1940, Paris, Genève, La Palatine, 1960, p. 112-113.
208 L. Leroy, Les paysans et l’Office du blé, Paris, Flammarion, 1939, p. 8.
209 Ibid., p. 62.
210 Ibid., p. 75.
211 D. Bensoussan, « L’UNSA face à l’Office du blé (1936-1939) », art. cité, p. 213.
212 L. Leroy, Les paysans…, op. cit., p. 79.
213 Ibid., p. 83.
214 S. Berger, Les paysans contre la politique…, op. cit., p. 154.
215 A. Pin, « Jean-Marie Parrel… », art. cité, p. 132.
216 Ibid., p. 138.
217 « La grande tâche des coopératives », Journal des Coopératives de blé, Organe de l’Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation du blé, février 1940, p. 1.
218 É. Calvayrac, « L’Office du blé vole le producteur. Il détrousse le consommateur », La Volonté paysanne, 15 décembre 1938.
219 Arch. nat., C 15176, Commission des finances 1936-1940, séance du 16 février 1938.
220 Lettre du ministre de l’Agriculture au président de la commission des finances du 8 mars 1938, Arch. nat., C 15177, Commission des finances 1936-1940, séance du 24 janvier 1938.
221 AS, 69S 223, Registre 1937-1938 Procès-verbaux, séance du 23 février 1938.
222 Ibid.
223 Bulletin de documentation, 12 mai 1938, p. 1.
224 « Que faire en cas de récolte excédentaire ? S’y préparer sans perdre plus de temps. », Bulletin de documentation, 26 mai 1938, p. 1, et, dans le même sens, « Situation confuse. À la recherche d’un responsable », Bulletin de documentation, 9 juin 1938, p. 1.
225 Arch. nat., F60 208, Agriculture. Textes officiels et correspondance concernant la politique agricole ; notes, rapports et documents divers sur la situation générale de l’agriculture 1934-1940 ; communiqué de presse du 25 juin 1938.
226 Ibid. Le communiqué précise : « Après des échanges de vues qui se sont poursuivis pendant plusieurs jours, le système suivant, auquel se sont ralliées les deux commissions, a été mis au point. »
227 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 2 juin 1938, procès-verbal sténographique.
228 Ibid.
229 Ibid.
230 Arch. nat., C 15150, Commission de l’agriculture 1936-1940, séance du 2 juin 1938. Là encore, le caractère lacunaire des procès-verbaux de cette commission ne permet pas d’en savoir plus.
231 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, 9 juin 1938, p. 609.
232 Ibid., p. 611.
233 Ibid., p. 613.
234 Ibid., p. 614.
235 Ibid., p. 615.
236 Ibid., p. 616.
237 Ibid., p. 618.
238 AS, 69S 223, Registre 1937-1938 Procès-verbaux, séance du 14 juin 1938.
239 Ibid., séance du 15 juin 1938.
240 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 16 juin 1938, p. 7313-7320, p. 7313.
241 H. Berthelemy, J. Rivero, Cinq ans de réformes administratives…, op. cit., p. 223.
242 « Que penser de la nouvelle loi du blé », Bulletin de documentation, 30 juin 1938, p. 6.
243 AAGPB, Tracts et circulaires, 1938.
244 P. Bourguignon, « Les décrets-lois et l’office du blé », 7 juillet 1938 – le titre de presse n’est pas indiqué – in Archives de la Banque de France (ABF), 1370200008 202, Office national interprofessionnel du blé.
245 M. Déat, « Nous aurons trop de blé », L’Œuvre, 8 juillet 1938, in ibid. Déat compare le blé avec le vin et félicite son « ami Édouard Barthe ».
246 « À propos de la récolte de blé », Bulletin des Halles, 3 août 1938, in ibid.
247 J. Barthélemy, « La nouvelle chanson des blés d’or », Le Temps, 20 septembre 1938.
248 Arch. nat., F60 217, Blé. Culture, commerce, prix, consommation du blé en France, 1934-1947, lettre du président de l’APPCA au président du Conseil, 30 septembre 1938.
249 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, note pour le ministre, 13 août 1938.
250 Ibid., différentes notes non datées mais de l’été 1938.
251 Ibid., note, 2 septembre 1938. À la même date, une note pour le ministre du directeur du Contrôle financier et des Participations publiques l’informe des décisions du conseil central de l’Office en date du 31 août. La note qualifie les évaluations de « prudentes » (ibid.).
252 ABF, 1069199520 1, Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture, comité permanent, séance du jeudi 22 septembre 1938.
253 Cf. G. Bourdé, La défaite du Front populaire, Paris, François Maspéro, 1977.
254 Cité par M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie…, op. cit., t. 1, p. 470, et, plus largement sur l’expérience Reynaud, p. 468-485.
255 « Variations sur quelques slogans », in A. Camus, Œuvres complètes, I, op. cit., p. 634-635, p. 635.
256 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 15 novembre 1938, p. 12976-12978, p. 12976.
257 H. Rebiffé, « Sur l’Office du blé », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 19 novembre 1938, p. 553-554
258 « L’office du blé est condamné », Le Courrier du commerce, 30 novembre 1938.
259 Bulletin de documentation, 3 novembre 1938, p. 1.
260 Bulletin de documentation, 17 novembre 1936, p. 3.
261 « Incertitude pour l’avenir », Bulletin de documentation, 1er décembre 1938, p. 1.
262 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, rapport au ministre, 6 décembre 1938.
263 « Sauvetage », Bulletin de documentation, 5 janvier 1939, p. 1.
264 A. Pavie, « Le marché français du blé dans la situation économique générale », Société d’économie politique, 6 février 1939, Journal des économistes, 1939, p. 205-212, p. 208-209.
265 Ibid., p. 211. Émile Mireaux, qui préside la séance, intervient dans le même sens et déclare que « l’office du blé et la réglementation ont été créés en dehors de la réalité, et qu’on peut craindre que l’aspect agricole du problème n’ait pas tenu la première place dans sa création. » (ibid.).
266 Arch. nat., C 15179, Commission des finances 1936-1940, séance du 16 février 1939.
267 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 2 février 1939, p. 339.
268 Ibid., séance du 7 février 1939, p. 426.
269 Ibid., p. 431.
270 Ibid., p. 432.
271 Arch. nat., C 15179, Commission des finances 1936-1940, séance du 23 février 1939.
272 Arch. nat., C 15180, Commission des finances 1936-1940, séance du 17 mai 1939, p. 101. Duval vise particulièrement la « taxe de résorption ».
273 « Aveu d’impuissance », Bulletin de documentation, 16 février 1939, p. 3.
274 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, lettre du ministre des Finances au ministre de l’Agriculture, 11 mars 1939.
275 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 22 avril 1939 (rectificatif 23 avril), p. 5220 et 5263.
276 Anonyme, « L’Office du blé », Droit social, 1939, p. 233-234, p. 233.
277 500 000 francs d’exportation et dénaturation, 1 400 millions de francs de cotisation de résorption, 400 000 francs de taxe permanente dégressive et 300 000 francs de fonds de réserve, chiffres fournis dans le rapport au président de la République accompagnant le décret du 21 avril 1939.
278 Anonyme, « L’Office du blé », art. cit., p. 234.
279 Ibid.
280 « Tout reste à faire », Bulletin de documentation, 27 avril 1939, p. 1.
281 S. Béracha, « Que deviendra l’Office du blé ? », La République, 29 avril 1939, coupure de presse dans Arch. nat., CE 42.
282 AAGPB, Tracts et circulaires, 1939.
283 Le procès-verbal en est conservé dans les archives Paul Reynaud, Arch. nat., 74 AP 17. Il est cité intégralement en annexe par J. Perrier, Entre administration et politique : Michel Debré (1912-1948). Du service de l’État à l’entrée au forum, thèse de doctorat d’histoire sous la dir. de M. Lazar, IEP Paris, 2012, p. 1024-1031.
284 ABF, 1069199520 1, Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture, comité permanent, séance du jeudi 20 juillet 1939.
285 Une lettre du gouverneur allant dans ce sens et datée du 22 juillet 1939 est conservée dans les archives du ministère des Finances (CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942). La copie de la lettre de réponse du ministre est aussi conservée dans le même fonds, mais sans être datée.
286 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, Procès-verbal de la réunion du 22 juillet 1939, en présence de P. Reynaud, H. Queuille, Palmade (vice-président de la Caisse nationale de crédit agricole), Fournier (gouverneur de la Banque de France), Bouthillier, Rueff, Zaffreya, Oudiette (commissaire du gouvernement près de l’Office du blé), Desicaux (directeur du Crédit agricole), Lurbe (directeur de l’Office du blé), Cramois (inspecteur général du Crédit agricole).
287 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 30 juillet 1939, p. 9634-9638.
288 « La nouvelle organisation de l’office du blé », Journal des coopératives de blé, 19, 2 août 1939, p. 1, conservé dans Arch. nat., CE 42.
289 « La politique du blé. Une situation confuse », Bulletin de documentation, 2 août 1939, p. 1.
290 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 25 août 1939, procès-verbal sténographique.
291 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, lettre de la Confédération nationale des syndicats de grains au ministre des Finances, 19 août 1939.
292 M. Court, Le statut juridique de l’Office…, op. cit., p. 29.
293 É. Calvayrac, « L’Office du blé », La Volonté paysanne, 31 juillet et 15 août 1939.
294 « Au conseil central de l’Office du blé », Journal des Coopératives de blé, Organe de l’Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation du blé, février 1940, p. 2 ; extrait non censuré du Bulletin de l’AGPB, 1er février 1940.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le grand état-major financier : les inspecteurs des Finances, 1918-1946
Les hommes, le métier, les carrières
Nathalie Carré de Malberg
2011
Le choix de la CEE par la France
L’Europe économique en débat de Mendès France à de Gaulle (1955-1969)
Laurent Warlouzet
2011
L’historien, l’archiviste et le magnétophone
De la constitution de la source orale à son exploitation
Florence Descamps
2005
Les routes de l’argent
Réseaux et flux financiers de Paris à Hambourg (1789-1815)
Matthieu de Oliveira
2011
La France et l'Égypte de 1882 à 1914
Intérêts économiques et implications politiques
Samir Saul
1997
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (I)
Dictionnaire biographique 1790-1814
Guy Antonetti
2007
Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (II)
Dictionnaire biographique 1814-1848
Guy Antonetti
2007
Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Colloque des 7 et 8 octobre 2010
Anne-Françoise Garçon et Bruno Belhoste (dir.)
2012
Wilfrid Baumgartner
Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978)
Olivier Feiertag
2006