Chapitre V. Une nouvelle administration
p. 353-396
Texte intégral
1Une brochure, éditée par l’Imprimerie nationale en 1936, présente l’Office. Son introduction définit bien le contexte politique :
« L’échec des lois qui depuis 1933 se sont efforcées d’assainir le commerce des blés a conduit le gouvernement à proposer au parlement l’institution d’un office national interprofessionnel du blé. […] En face des grands trusts qui dominent le marché du blé, il était nécessaire que les pouvoirs publics aident les producteurs à organiser leur discipline professionnelle. […] L’office national interprofessionnel du blé a pour but de réaliser les conditions de prix et de stabilité qui ramèneront chez les producteurs de blé le bien-être et la confiance1. »
2Mais parler de l’action de l’Office n’est pas chose simple. La contrainte de sources est ici reposée. On accède aisément à la masse de décrets, arrêtés, circulaires produits par l’institution dès les premiers mois de son existence, mais on ne dispose que de peu d’archives pour en comprendre le travail. Des pans entiers de la question nous restent inaccessibles, comme les relations entre les dirigeants de l’Office et le ministère de l’Agriculture. Les archives sauvegardées des débuts de l’Office permettent cependant de s’interroger sur différents éléments : les procès-verbaux des comités d’administration et surtout des conseils centraux aident à comprendre ces lieux où se forment progressivement les habitudes de travail de l’institution.
3Si l’élaboration de la loi instituant l’Office a pu être étudiée de près, les débuts de l’institution ne sont connaissables que par fragments. On peut reconstituer de nombreux éléments sur les hommes – notons au passage qu’en dehors, sans doute, des dactylographes, il s’agit d’un monde masculin2 – qui animent l’institution. On peut aussi, avec plus de difficultés, retrouver des traces matérielles (le lieu d’implantation, quelques éléments budgétaires). Pour saisir les commencements de l’Office, le plus aisé reste d’étudier le travail des différentes instances, en n’oubliant pas le rôle de l’échelon départemental. Le rapport d’activité au président de la République, longtemps retardé, permet de plus d’avoir différents éléments à la fin de 1938 pour mieux comprendre cet « énorme, et complexe, et délicate machine [qui] va donc commencer à tourner3 ».
I. Les hommes et l’organisation de l’Office
4La fin du mois d’août 1936 voit la mise en place rapide de l’institution avec toute une série de premières décisions prises par ses instances. Un décret du 26 août 1936 porte sur l’organisation administrative de l’Office et précise différents éléments prévus dans la loi. Il établit surtout un comité d’administration de 13 membres qui « se réunit au moins une fois par mois ou plus souvent si les besoins du service l’exigent4 ». Il détaille les attributions respectives du conseil central et du comité d’administration. Enfin, il indique les attributions du directeur de l’Office. Ce décret est d’ailleurs suivi au Journal officiel par celui déléguant Henri-Alexandre Mathonnet, inspecteur général des associations agricoles et des institutions de crédit, dans les fonctions de directeur5. Cette nomination est elle-même suivie d’un décret qui organise les pratiques d’échange, et de la nomination par arrêté des 51 membres du conseil central de l’Office6.
5On peut reconstituer la composition du conseil central avec les sources officielles7. Les 29, puis 30 représentants des producteurs de blé regroupent 11 producteurs désignés par l’assemblée permanente des présidents de chambre d’agriculture, représentant différents départements ; on y compte quatre sénateurs : Édouard Cordebaine, sénateur de Moselle8, Jacques Guilhem, sénateur de Haute-Garonne9, Henri Patizel, sénateur de la Marne10, et Jean Thureau-Dangin, sénateur de Seine-Inférieure11 ; et sept autres membres : Édouard Bernard (Indre-et-Loire), Joseph Boulangé (Pas-de-Calais), Henri Gindre (Cher), Louis Le Leannec (Morbihan), Jean Parrel (Rhône), Paul Pouzin (Drôme) et Vagnon (Alger). Les 19 autres producteurs sont nommés par le ministre, représentant différentes organisations collectives. On y compte aussi deux autres sénateurs Jacques Benoist (Seine-et-Oise)12 et Charles Borgeot (Saône-et-Loire)13. Benoist, comme Jules Morin, qui représente le Loiret, dont il vice-préside la chambre d’agriculture, sont nommés au titre de représentants du Comité national d’entente et d’action agricole14. Borgeot, avec Maurice Gibert (Seine-et-Marne), Bouyer (Charente-Inférieure) – Bouyer a remplacé, après son décès en janvier 1938, René Chatelain, de Vendée, nommé en 1936 – et Adrien Coursimault (Loir-et-Cher) sont nommés comme membres de la Fédération nationale des coopératives de stockage, de vente et de transformation des céréales. Alain Du Fou (Maine-et-Loire), Raymond de Laulanié (Vienne)15, Jean Viaux-Cambuzat (Yonne) et Martin (Oise) sont nommés au titre de l’Union nationale des coopératives de vente et de transformation du blé. Paul Caffin (Seine-et-Oise) et Caquot (Ardennes) – Caquot remplace Girard à partir d’août 1938, qui reste au conseil central mais comme représentant des familles nombreuses – le sont quant à eux comme membres de l’AGPB. Oscar Legras avait été nommé au nom de l’AGPB, en remplacement d’Adolphe Pointier, démissionnaire après la première réunion du conseil central – son décès est annoncé à la séance du 3 juin 1938 et il est alors remplacé par Dugré, qui assiste à son premier conseil central en août 193816.
6Élie Calvayrac (Haute-Garonne) et Abel Gauthier (Puy-de-Dôme) représentent la Confédération nationale paysanne. La CNP, proche de la SFIO, désigne deux militants au profil dissemblable : Calvayrac (1877-1942) est un vieux militant socialiste, coopérateur et syndicaliste paysan de Haute-Garonne. Au contraire, Abel Gauthier, 31 ans, est un agriculteur du Puy-de-Dôme devenu maire de sa commune d’Orbeil en 193417. Jean Flavien (Aube) et Rémy Sédillot (Eure-et-Loir) représentent la Confédération nationale des paysans travailleurs. Jean Flavien est un jeune militant communiste de la CGPT, petit exploitant agricole à Voué dans l’Aube18.
7Un représentant supplémentaire de l’Algérie est ajouté en 1938 après le décret-loi du mois de juin19. Mais, sans explication, dans les listes de membres, on trouve deux noms ajoutés pour représenter l’Algérie. Il s’agit de Abdelkader Cadi et Gratien Faure, qui viennent tous deux de Constantine ; Faure a deux suppléants : Blanc (président de la coopérative de blé de Sidi-bel-Abbès) et Lemoine (président de la coopérative de blé de Tenès) ; Abdelkader Cadi a aussi deux suppléants : Bouthiba (agriculteur à Orléansville) et Abdelkader Moulay (agriculteur à Boukanefis). De la même manière, Vagnon a deux suppléants : Jaillet (président de la commission consultative de la section algérienne) et Munck (président de la chambre d’agriculture de Constantine) – Jaillet devenant titulaire et Vagnon suppléant en 1939.
8Les neuf représentants des consommateurs sont Ernest Poisson, Gaston Prache et Cozette au nom de la Fédération nationale des coopératives de consommation ; Robert Bothereau, Julien Racamond et Michel Rius pour la CGT ; Jules Zirnheld pour la CFTC ; Robert Tailledet pour la Confédération nationale de l’artisanat français ; Henry Girard remplace Félix Vieuille (Fédération nationale des familles nombreuses) à partir d’août 1938, Vieuille s’étant retiré à sa demande en raison de son âge – l’un des points à souligner étant que Girard était déjà membre du conseil central au titre des producteurs de blé. Les représentants des industries utilisatrices sont Lucien Mayer, Prodhomme et Prosper Convert pour la meunerie, qui représentent respectivement la meunerie industrielle, la moyenne meunerie et la petite meunerie. Périer et Guillée représentent la boulangerie ; André Strauss et Pierre Lombrez, les négociants en grains, Barbaro (des Bouches-du-Rhône) la semoulerie, Viale est d’abord nommé comme représentant des pâtes alimentaires avant d’être vite remplacé par Jean-Charles Vincent (du Rhône)20.
9L’administration est représentée par quatre ministères : l’Agriculture, les Finances, l’Économie nationale et l’Intérieur. Ce dernier siège est pour le directeur du Contrôle, de la Comptabilité et des Affaires algériennes ou son représentant. L’Économie nationale, nouveau ministère du Front populaire, délègue Paul Devinat, délégué de la France au Comité international consultatif du blé, un haut fonctionnaire influent dans les milieux radicaux de la IIIe République. Les Finances disposent d’un siège pour le directeur général des Contributions indirectes ou son représentant. Enfin, Georges Monnet envoie son directeur de l’Agriculture : un arrêté désigne Charles Brasart21.
10On sait finalement peu de chose sur les nominations des membres du conseil central, en dehors du respect des équilibres prévus par le texte de la loi. La forte présence des parlementaires, et en particulier des sénateurs (6 sur 51 membres), n’a rien d’étonnant et correspond surtout à l’enchevêtrement des dirigeants d’une partie du syndicalisme agricole et d’une partie du monde parlementaire22. Le juriste partisan d’un corporatisme agricole Louis Salleron note d’ailleurs, pour le déplorer :
« À Paris les véritables représentants des agriculteurs [sont] les parlementaires. À l’heure actuelle ce sont d’ailleurs des parlementaires qui président l’Assemblée des présidents des chambres d’agriculture et l’office du blé ; ce sont des parlementaires ou d’anciens parlementaires qui président les plus importantes associations agricoles nationales23. »
11Jean Parrel est intéressant, car on connaît assez bien son parcours : c’est « un paysan moyen, propriétaire d’une dizaine d’hectares en polyculture » et « l’un des premiers “cultivateurs cultivants” à exercer des responsabilités régionales, puis nationales, au sein du syndicalisme agricole conservateur24 ». Né en 1882, Parrel milite dans un parti de droite bien implanté dans le Rhône, la Fédération républicaine, et il a été candidat malheureux aux sénatoriales en 1935. Il est membre de la puissante Union du Sud-Est, siège à la chambre d’agriculture du département et rejoint l’équipe dirigeante de l’UNSA. Concernant l’origine de sa nomination, l’historien qui a vu les archives familiales indique sans plus de précisions : « Il ne fait pas de doute par exemple que la nomination de Jean Parrel a été proposée et obtenue par Félix Garcin, qui tenait à cette époque la vice-présidence de l’APCA et qui réussit d’ailleurs à imposer un autre membre de l’USE, le président de la chambre d’agriculture drômoise, Paul Pouzin25. » Le lien de Parrel avec les élites agricoles conservatrices est aussi confirmé par des courriers de Pointier et Hallé le félicitant pour certaines de ses interventions26. L’historien résume l’action de ce notable :
« Dans cette participation à l’ONIB qui portait en elle toutes les contradictions internes du monde agricole, Jean Parrel joua donc à la fois le rôle d’un opposant conservateur et celui d’un représentant actif de la petite paysannerie, privilégiant selon les circonstances l’un ou l’autre de ces impératifs27. »
12Les liens de Parrel avec l’UNSA sont intéressants, car, comme l’a bien montré l’historien David Bensoussan, l’union très conservatrice « malgré l’ostracisme ministériel, est représentée indirectement au sein du conseil central par les délégués de certaines associations professionnelles comme l’AGPB ou par un certain nombre des 11 représentants désignés par l’assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture28 ». Le point est à noter, car, alors que l’UNSA est très critique de l’institution, elle cherche à y être présente, son secrétaire général, Jacques Le Roy Ladurie, écrivant en septembre 1936, dans son journal Mait’Jacques : « L’office a ouvert une large brèche dans l’enceinte de nos libertés paysannes : il y a donc nécessité de courir à la brèche pour la défendre29. »
13L’AGPB conteste, à l’été 1938, la nomination des membres du conseil central de l’Office. Dans une lettre au ministre de l’Agriculture en date du 5 août 1938, Pierre Hallé se plaint que le décès d’Oscar Legras ait fait perdre un siège à l’AGPB et que les équilibres syndicaux ne soient pas reconnus :
« 2 membres agricoles désignés, depuis 1936 au titre de la confédération nationale des associations agricoles sont renommés bien que cette organisation soit dissoute depuis près d’un an ; enfin, qu’une organisation à circonscription nationale aussi importante que l’union nationale des syndicats agricoles n’a obtenu, malgré sa demande, aucun représentant30. »
14Dans une note datée du même jour – sans doute destinée à être diffusée à l’ensemble de ses membres –, l’AGPB conclut : « La preuve est ainsi confirmée une fois de plus : l’office “professionnel” du blé n’est qu’un office d’État, dirigé par le ministre et par des fonctionnaires irresponsables. L’opinion agricole jugera31. »
15Parmi les représentants agricoles, quelques absences sont plus étonnantes, mais sans que l’on puisse les expliquer. Deux sénateurs, même s’ils ne sont pas au premier titre des céréaliers, auraient pu être désignés tant ils sont en pointe sur les questions agricoles : Marcel Donon et Joseph Faure. Il pourrait s’agir d’un refus de siéger à l’ONIB, ces personnalités pouvant se rêver une carrière ministérielle. Il est quasi-certain que l’absence d’Henri Queuille s’explique ainsi, et ce dernier redevient d’ailleurs vite ministre. Des représentants de syndicats agricoles très marqués politiquement sont absents de manière logique : ne siègent pas ni le secrétaire général de l’AGPB Pierre Hallé, ni le pourtant omniprésent président de la Société des agriculteurs de France Louis de Vogüé, ni Pierre Caziot, président du conseil d’administration des ingénieurs agronomes, ni encore les réactionnaires Hervé de Guébriant et Pierre de Monicault. On peut d’ailleurs observer que, pour les représentants de la meunerie, s’il s’agit de trois figures connues du syndicalisme meunier, Henry Chasles, si associé aux polémiques des années trente, a été semble-t-il évité.
16Parmi les représentants des consommateurs, on retrouve les figures syndicales et coopératistes les plus actives de l’époque. À la même date, ils sont tous pour la plupart membres du Conseil national économique et de nombreuses autres institutions de la IIIe République. Ernest Poisson, l’homme de la Fédération nationale des coopératives de consommation, en est sans doute l’un des meilleurs symboles. Cet avocat socialiste, proche d’Albert Thomas, est un défenseur non seulement de la présence des consommateurs au conseil central de l’Office du blé mais du principe même de ce type d’organisation.
17Le premier directeur de l’Office est Henri Mathonnet32. Sa délégation cesse le 1er juillet de l’année suivante et il est remplacé par André Lurbe, inspecteur régional de l’Agriculture, nommé par décret du 18 juin 193733. Le départ de Mathonnet est ainsi commenté par l’AGPB :
« Nous connaissions et apprécions M. Mathonnet depuis longtemps. De 1931 à 1936, à la direction du comité interprofessionnel du contrôle des importations, il s’était montré un administrateur avisé et un très bon organisateur. Tous les groupements avaient apprécié sa volonté de collaboration loyale avec les professions organisées. Placé à la tête de l’office du blé, chargé d’appliquer une loi confuse, reposant sur des principes faux, fertile en erreurs et contradictions, M. Mathonnet n’a pas pu éviter à l’office du blé certains déboires inévitables. Il fallait des responsables. Il est le premier34. »
18Le premier contrôleur financier à l’ONIB est François-Didier Gregh35. Inspecteur des Finances, après un certain nombre de postes en cabinets ministériels, Gregh était devenu contrôleur financier, en janvier 1935, des opérations effectuées en exécution de la loi du 23 décembre 1934 sur l’assainissement du marché du blé et des lois antérieures concernant l’organisation et la défense du marché du blé, et par ailleurs contrôleur, en 1935-1936, des offices et établissements autonomes de l’État, ainsi que contrôleur financier de la Caisse nationale de crédit agricole et commissaire du gouvernement auprès de l’APPCA en 1936. Autre inspecteur des Finances, Jacques Oudiette est quant à lui le deuxième contrôleur financier après le départ de Gregh en 193736. Il était déjà chef des services financiers de l’Office depuis 193637 et déclare, lors de son propre départ : « J’ai vécu auprès de M. le ministre de l’Agriculture et auprès de vous la première année d’application de la loi sur l’Office du blé. J’ai vécu en même temps la justification même de la loi et sa mise en œuvre jour par jour. Aussi l’office du blé m’était-il devenu très cher38. »
19Concernant le personnel, on peut repérer quelques éléments à travers les notices du « Maitron39 ». Certains passent les concours pour intégrer l’Office au terme d’engagements déjà affirmés à gauche. C’est le cas de Kléber Loustau, qui entre à l’Office en novembre 193840. Certaines intégrations au personnel de l’Office sont plus politiques. Ainsi de la trajectoire d’André Palleau, qui fait une carrière à l’assemblée permanente des présidents de chambres d’agriculture, passe par le cabinet de Monnet en 1936-1937 et devient chef de bureau à l’Office en avril 194041.
20Dans une étude sur le personnel de l’Office, Roger Barralis précise :
« Les effectifs de l’ONIB des débuts sont détaillés par André Durand, fonctionnaire du ministère de l’Agriculture depuis 1933, affecté à l’ONIB en 1936, et directeur de l’ONIC de 1945 à 1957 : “Au total 250 personnes, dont 150 au siège et 100 en départements ; l’inspection générale dirige 50 contrôleurs répartis dans une quinzaine de régions42.” Cette description, faite soixante ans après, reflète la “mémoire collective” de l’institution : un office “léger” avant-guerre, qui ne s’est hypertrophié en personnel qu’après 1940. Mais, il faut aussi prendre en compte les comités départementaux des céréales (CDC) : dans ces conditions, “l’effectif total de l’Office s’élevait en 1938 à 830 personnes régulièrement employées par l’Office et les CDC. S’ajoutaient à ce chiffre les agents recrutés temporairement par les comités des céréales et chargés de travaux saisonniers43”44. »
21Roger Barralis note, à propos de la politisation des premières équipes de l’Office : « Selon Le Charançon45 “la quasi-unanimité des agents” participe avant-guerre à la création du “syndicat national du personnel” de l’office, qui adhère à la CGT ; le journal ajoute cependant : “à l’adhésion spontanée des uns, s’était ajouté le ralliement prudent des autres” ! », et il ajoute : « L’encadrement supérieur de l’ONIB à sa création est, selon André Hirschfeld46, à la fois socialiste et franc-maçon47. »
22Dans un décret du 18 septembre 1936 fixant les cadres, traitements, conditions d’avancement et de recrutement de l’Office national interprofessionnel du blé, il est bien noté, dans le rapport au président de la République qui justifie les mesures :
« il a semblé opportun, non seulement de permettre un recrutement rapide, mais également d’élargir le champ de ce recrutement afin de pouvoir mettre à l’essai la collaboration de personnes qui, bien que ne provenant pas d’administrations publiques, paraîtraient, par leur compétence, de nature à apporter à l’office du blé un utile concours48 ».
23Le personnel temporaire de l’Office se compose ainsi : 1 directeur, 1 directeur adjoint, 3 chefs de service ayant le grade de sous-directeur, 6 chefs de section, 11 sous-chefs de section, 20 rédacteurs, 40 commis d’ordre et comptabilité, 25 sténodactylos, 1 inspecteur général, chef du service de l’Inspection, 2 inspecteurs généraux adjoints, 7 inspecteurs et 65 contrôleurs, auxquels s’ajoute du personnel auxiliaire rétribué par jour ouvrable. Ce décret fixe les rémunérations et précise que, si des emplois vont être pourvus par concours, il est procédé, à titre transitoire, à des nominations par détachement des administrations d’origine des fonctionnaires.
24Un rapport au président de la République sur les effectifs définitifs de l’Office, daté du 30 décembre 1936, est publié au Journal officiel avec un fort retard en juin 193749. Les ministres de l’Agriculture et des Finances fournissent des éléments sur les débuts de l’Office :
« Si l’on s’en tient à l’expérience des premiers mois de fonctionnement de l’office, il apparaît que les effectifs prévus par le décret du 18 septembre 1936 sont nettement inférieurs aux besoins réels du service. Pour assurer la bonne marche de l’administration centrale de l’office, il a fallu, en effet, y détacher plus de quinze contrôleurs, pour y remplir la fonction de rédacteur, alors que ces agents devraient normalement assurer la vérification des coopératives et que l’effectif total du service de l’inspection est lui-même insuffisant, en raison de l’accroissement rapide du nombre desdites coopératives. Cependant, pour éviter d’imposer à l’office, dès ses premiers mois de fonctionnement, une aggravation de ses dépenses budgétaires permanentes, il a semblé préférable de ne proposer aucune augmentation du cadre proprement dit, avant d’avoir l’expérience d’une année entière de fonctionnement et d’avoir recours momentanément, pour pallier l’insuffisance de ce cadre, à des agents auxiliaires rémunérés par jour ouvrable et recrutés dans la limite des crédits budgétaires prévus à cet effet50. »
25Des concours sont par la suite ouverts pour composer les effectifs définitifs. Dans un témoignage, un ancien fonctionnaire de l’ONIB, Marcel Court, note :
« Il fallut passer un concours où tout le monde avait le droit de se présenter. C’est ainsi que des commis se sont trouvés rédacteurs ou contrôleurs et, au moins un rédacteur est devenu commis ! Cela se passait en 1938, le statut était sorti sauf erreur de ma part grâce à l’astuce de notre direction qui l’avait fait passer dans l’ensemble des décrets-lois relatifs à la défense du franc51 ! »
26Cette organisation ne connaît que des modifications assez marginales en juillet 1937. Le rapport du décret-loi du 16 juillet indique d’ailleurs que l’office « est en activité depuis près d’une année. La période écoulée est suffisante pour que l’on puisse affirmer, d’ores et déjà que l’office a fait œuvre utile et que les espoirs placés en cette institution par le monde agricole ont été confirmés52 ». Le changement le plus notable réside dans le passage du conseil central à 52 membres, avec l’adjonction d’un représentant des producteurs de l’Algérie. Le texte de ce décret-loi prévoit aussi la codification par décret de la loi de 1936 et des dispositions qui ont suivi. En juillet 1937, le ministre des Finances écrit au président du Conseil à propos du projet de décret-loi du ministre de l’Agriculture modifiant l’Office. Sur ce texte, les Finances sont très réservées et elles ne l’acceptent qu’à la condition de la disjonction des dispositions les plus critiquées, tout en s’opposant à la méthode du décret-loi pour un tel objet53. Ce décret-loi est particulièrement mal accueilli par l’AGPB, qui écrit à son propos : « Dégagé de tout contrôle parlementaire, le ministre de l’Agriculture a donné libre cours à l’expression de la doctrine marxiste qui lui est chère54. »
27Les premières décisions de l’Office sont prises dans les derniers jours d’août 1936 et donnent lieu à une série de décrets le 31 août et à une série de décisions du conseil central, publiées au Journal officiel les 1er et 2 septembre, la publication produisant même une brochure reprenant l’ensemble de ces textes55. On dispose de peu d’éléments sur l’installation matérielle de l’Office du blé. Quelques témoignages permettent de savoir que l’Office est sur plusieurs sites. Héritant des locaux du service des céréales, il reprend l’immeuble du boulevard Raspail et conserve ses services de l’agence comptable dans des locaux au ministère jusqu’au début de 193756. Une note anonyme et non datée retrouvée dans les archives de l’Office précise que les deux étages du 28 boulevard Raspail avaient été initialement occupés par le comité interprofessionnel du contrôle des importations, mais que ces locaux étaient très limités – un projet d’emménagement rue Saint-Honoré dans des locaux mieux disposés est un temps envisagé57.
28Au cours de l’assemblée générale de mars 1937 de l’AGPB, Pierre Hallé donne des éléments sur l’installation de l’Office :
« L’AGPB a aidé le fonctionnement de l’Office ; je dis même que sans l’AGPB et sans les efforts que nous avons faits personnellement, avant la création de l’Office, pour mettre sur pied un “Comité interprofessionnel du contrôle des importations”, l’office du blé n’aurait pas pu fonctionner ! Depuis septembre dernier en effet, l’office est installé dans les appartements que nous avions loués pour le comité interprofessionnel ; le comité interprofessionnel, pendant près d’un mois, a payé une partie du personnel de l’Office, à l’heure actuelle, neuf mois après le début du fonctionnement de l’Office, l’Office n’a pas encore remboursé 350 000 francs du matériel et des installations du CICI, qui lui permettent de travailler58. »
29Un projet de budget59 prévoit un montant de dépenses d’un peu plus de 20 millions, dont la part des frais de premier établissement se chiffre à 800 000 francs ; les deux postes les plus importants concernent le traitement total du personnel (6,29 millions) et dépenses afférentes à l’organisation du contrôle des blés assuré par lesC indirectes (10,15 millions, plus 2,3 millions liés aux frais de tournées des inspecteurs). Concernant l’organisation des services, un rapport non daté donne quelques indications, en particulier celle qui consiste à s’inspirer des services de l’administration centrale du ministère de l’Agriculture, de la Caisse nationale de crédit agricole et – la mention est notable – « du sous-secrétariat d’État du ravitaillement, qui avait été constitué pendant la période des hostilités et qui jouait un rôle sensiblement analogue à celui dévolu par la loi à l’office national du blé60 ». Ce projet envisage un fonctionnement avec un directeur général et un contrôleur général (modèle de la Caisse de crédit agricole) et quatre services : administratif, financier, technique et inspection. Un décret du 26 septembre 1936 porte sur l’organisation financière de l’Office61. Le décret liste les recettes et les dépenses ordinaires et prévoit les obligations de l’agent comptable. Avec le vote de la loi, la Banque de France s’adapte aux nouvelles dispositions, qu’elle étudie attentivement pour la question de l’escompte62.
30La codification est finalement réalisée par un décret du 23 novembre 193763. Un supplément à la revue des chambres d’agriculture est alors publié pour ce texte récapitulatif64. On retrouve, dans certaines revues, le souci permanent des juristes de mettre en ordre cette législation complexe65. À côté des publications officielles ou professionnelles pour cette codification, il faut noter le rôle tenu par La Revue du blé et de la meunerie. Son rédacteur, Joseph Carret, publie en 1937 et 1938 deux forts volumes qui actualisent son travail de 193466. L’auteur explique le projet de son « manuel pratique » :
« Organisme absolument nouveau et sans précédent dans notre économie agricole, l’office national interprofessionnel du blé, institué par la loi du 15 août 1936, a comporté, pour son fonctionnement, la mise en application d’un ensemble de prescriptions, au milieu desquelles les praticiens eux-mêmes – à défaut de pouvoir se référer aux textes appropriés – rencontrent fréquemment de grandes difficultés pour résoudre à bon escient les questions qui les intéressent67. »
31Même les adversaires de l’Office produisent des guides sur la réglementation du blé. Ainsi, Louis Leroy, ingénieur agronome, publie en 1937 un ouvrage dans la collection dirigée par Jacques Le Roy Ladurie68. Ce dernier, dans sa préface, précise l’objectif du livre : « Il veut parler ici [de la loi du 15 août 1936] non pas en doctrinaire, encore moins en polémiste, mais en homme habitué à répondre oui ou non, aux questions précises, qui chaque jour, lui parviennent des quatre coins de la France69. » Leroy indique dans son introduction qu’il ne veut ni critiquer « ni décerner des lauriers aux promoteurs de l’office du blé » et que, pour lui, il n’est pas d’amélioration sans une « organisation véritablement corporative70 ». Le président du syndicat agricole d’un village de l’Eure publie aussi en 1937 des commentaires sur la loi sur l’Office du blé71. Des juristes portent un diagnostic assez identique sur la nécessité de la clarification :
« L’ensemble des dispositions relatives à l’Office doit faire l’objet d’une nouvelle codification : elle ne sera pas inutile, tant sont nombreux les textes, et complexes les procédures. À ce point de vue l’Office mérite un jugement sévère : il est le type de ces organismes nouveaux dans lesquels on a voulu s’efforcer de compenser l’absence d’une tradition administrative par la multiplicité des rouages et la lourdeur des procédures72. »
II. Les différentes instances en action
32Les procès-verbaux conservés fournissent des informations nombreuses et diverses. Une part importante concerne la fixation du prix annuel, tâche centrale pour l’Office, que l’on aborde dans la partie suivante. Entre l’automne 1936 et l’automne 1939, on peut suivre les tâtonnements des débuts de l’institution et les tensions qui la traversent. Le comité d’administration joue à la fois un rôle de pilotage pour l’Office, mais doit aussi traiter bon nombre de dossiers techniques, ce qui fait qu’il n’est paradoxalement, malgré l’intensité de son activité, pas un très bon observatoire des enjeux de l’institution. Le conseil central qui se réunit, en moyenne quatre fois par an est lui beaucoup plus intéressant. Les conflits y sont nombreux et permettent de voir comment des opposants à l’institution tentent d’en modifier le fonctionnement et les objectifs mêmes.
33La présentation du travail des comités départementaux ne consiste pas seulement à faire varier l’échelle d’analyse mais aussi à tenter d’être au plus près de la gestion du marché. Les archives sont très disparates et on ne s’est pas livré à un tour de France des dépôts départementaux. Quelques exemples permettent cependant d’appréhender le rôle des organismes stockeurs et particulièrement des coopératives dans ce nouveau système ouvert par la création de l’Office. Enfin, le rapport annuel au président de la République, prévu par le texte de la loi du 15 août 1936, permet de compléter notre information sur les débuts de l’institution. Si ce rapport est publié avec retard, il fournit des éléments récapitulatifs, que ce soit sur les enjeux financiers ou sur la création des sections algériennes et tunisiennes de l’Office, ainsi que sur l’office chérifien interprofessionnel du blé.
A. Le travail régulier et technique du comité d’administration
34Tenu de 14 h 30 à 19 heures le 9 septembre 193673, la première séance du comité d’administration de l’Office du blé est confrontée immédiatement à des questions techniques. Les premières concernent des appels formulés par des coopératives ou des négociants en grains contre des décisions de comités départementaux. Le comité d’administration statue sur plusieurs cas, se plaignant souvent de manquer d’informations. Il débat aussi de l’écoulement de la récolte de blé, des blés de semence, du règlement des différends entre vendeurs et acheteurs de blé. L’administration de l’Office informe le comité de différentes circulaires qui viennent d’être établies, et des procédures d’enquêtes sont lancées sur des questions à préciser. Dès la deuxième séance du comité d’administration, le 18 septembre 1936, il est décidé de tenir des réunions hebdomadaires et la création de deux sous-commissions pour répondre l’une aux appels des négociants, l’autre aux appels des coopératives. Les premiers procès-verbaux égrènent des séries d’affaires locales et constatent souvent des dossiers incomplets ne permettant pas de se prononcer. Au cours de cette séance, le comité d’administration « tient à féliciter très vivement M. Mathonnet pour son intelligente et parfaite gestion du comité interprofessionnel et la rapidité avec laquelle il a organisé et mis en fonctionnement l’office du blé74 ».
35Le comité d’administration apparaît comme devant prendre des décisions sur des sujets plus ponctuels que le conseil central de l’Office. Dans l’ensemble, les oppositions semblent moindres qu’au conseil central, même si Alain Du Fou se singularise. Le comité est aussi en interface plus directe avec les différents comités départementaux qui lui transmettent des questions par l’intermédiaire du directeur de l’Office. Dans les procédures d’appel, le comité d’administration invalide régulièrement des décisions prises par les comités départementaux ; on peut noter que l’ensemble de la France est représenté dans ces procédures.
36Le 19 janvier 1937, Oudiette, chef du service financier de l’Office, fait devant le comité d’administration un bilan de la situation financière, pour lequel il commence par rappeler que « ce n’est que dans la seconde quinzaine d’octobre que les services financiers de l’Office ont pu être constitués75 », mais qu’un travail important a été réalisé dès l’été avec l’aide de Gregh, le contrôleur financier. Au cours de cette séance, sont étudiés les différents budgets des comités départementaux. Durant les discussions, Buchet, inspecteur général et chef du service de l’inspection de l’Office, précise que 65 contrôleurs et inspecteurs ont été nommés et que, sur ce nombre, 55 sont chargés d’un contrôle effectif.
37Certains éléments sont encore difficiles à mettre en place. Le comité d’administration est amené parfois à transiger, comme en mars 1937, lorsqu’il décide « d’autoriser et pour cette campagne seulement – les producteurs retardataires à souscrire une déclaration de récolte jusqu’au 15 juin 193776 ». Le comité précise que, pour les récoltes suivantes, la non-déclaration de récolte entraînera l’impossibilité de livrer des blés aux coopératives. Sur de nombreux sujets, la lecture des procès-verbaux analytiques dont on dispose pour le comité d’administration donne l’impression d’un lieu d’enregistrement des solutions trouvées en amont par les services de l’Office ou de ses différentes commissions. C’est particulièrement le cas pour les avis concernant les silos, pour lesquels le comité d’administration entérine le travail d’instruction de la commission des silos, qui se fonde sur les études des comités départementaux77. On peut juste constater que les cas de fraudes sur les prix leur sont systématiquement communiqués ; celles-ci ne paraissent cependant pas très importantes en comparaison avec ce qui était constaté après la loi sur le prix minimum en 1933.
38Certaines procédures d’installation sont particulièrement longues. Ainsi, en mai 1937, le comité d’administration a encore à discuter le montant pour la reprise du mobilier du comité interprofessionnel du contrôle des importations78. De même, c’est à la fin de l’été 1938 que le projet d’achat d’un immeuble, sis 21 avenue Bosquet, est évoqué en comité d’administration79.
39Le 27 août 1937, le comité d’administration étudie la question du rôle des comités départementaux à l’égard des litiges sur la qualité des blés. L’idée majeure est d’obtenir que cette question soit gérée par les services décentralisés de l’Office, et donc ni par les Contributions indirectes ni par les juridictions ordinaires. Le 2 septembre de la même année, suite à une interpellation d’Alain Du Fou, le directeur de l’Office est obligé de préciser un point d’organisation :
« Ses services sont saisis journellement de très nombreuses questions d’administration courante qu’il est nécessaire et urgent de régler de sorte qu’il n’est pas possible d’en référer d’abord au comité d’administration. Mais par contre, il est bien évident que la direction de l’Office ne traite ainsi que les questions d’administration courante et que toute question de doctrine ou de principe est soumise obligatoirement au préalable à l’examen du comité d’administration80. »
40En novembre 1937, quatre membres du comité d’administration, dont le président de l’Office et les chefs de service de l’institution, se rendent en Tchécoslovaquie pour étudier l’expérience de la Société des céréales de ce pays. Hélas, les procès-verbaux ne détaillent pas le rapport établi à la suite de cette visite. En avril 1938, à la demande du ministre, les membres du comité d’administration sont sollicités pour formuler diverses suggestions pour les dispositions à envisager en cas de récolte excédentaire. La discussion se poursuit à la fin du mois d’août et au début du mois de septembre. L’abord technique des débats ne désarme pas certaines oppositions au fonctionnement de l’Office. Après avoir demandé des modifications à des procès-verbaux et n’avoir pas obtenu gain de cause, Alain Du Fou déclare ainsi, en juin 1938, « qu’il se désintéressera désormais de l’approbation des procès-verbaux des réunions du comité81 ».
B. Les séances parfois tendues du conseil central
41Statutairement, le conseil central est donc tenu à quatre réunions ordinaires par an82. Avant le 1er février, il doit délibérer sur l’équilibre de l’offre et de la demande de blé et décider les quantités de blé qui devront être importées ou exportées. Dans la deuxième quinzaine de juin, il établit la prévision de rendement de la récolte nationale ; fixe les quantités que chaque producteur ayant vendu plus de 100 quintaux l’année précédente pourra livrer à la vente en attendant la fixation de l’échelonnement des ventes. Dans la deuxième quinzaine d’août, il fixe le prix du blé, les primes de magasinage, les bonifications et réfactions et le prix de rétrocession des blés importés. Enfin, avant le 1er novembre, il détermine définitivement l’échelonnement des ventes. Il peut de plus se réunir en session extraordinaire sur demande de son président ou de son directeur.
42Dans son discours devant le conseil central lors de la première séance, le 27 août 1936, Georges Monnet revient brièvement sur les conditions de désignation des délégués83. Encadré par la loi, il devait désigner des représentants des « organisations nationales les plus qualifiées », et il précise qu’il a pensé faire appel aux associations qui constituent la section des céréales au Conseil national économique, en accentuant la représentation des coopératives. Il souligne aussi la délicate représentation de l’Algérie. Son discours se veut peu interventionniste, en assurant que l’ONIB est « la mise au service de la profession organisée de tous les pouvoirs dont peut disposer le gouvernement ». Le discours se poursuit par une attaque explicite contre la politique menée par le président du Conseil Flandin. Tout en appelant à un prix stable et rémunérateur, le ministre met en garde ses interlocuteurs contre les risques d’une production trop excédentaire et il dit précisément que « ce serait donc trahir le véritable intérêt agricole que de pousser notre agriculture vers la surproduction du blé. » Il conclut enfin sur un aveu et un espoir : « Cet office du blé, c’est une machine toute nouvelle. Elle n’est pas exactement conforme aux plans de celui qui l’avait conçue. Mais enfin, tel qu’il est voté, je crois qu’il peut très bien fonctionner. »
43La première séance, sous la présidence du doyen d’âge, M. Vieuille – les deux scrutateurs sont les benjamins de l’assemblée, deux membres de la CGT : Rius et Bothereau –, procède à l’élection du bureau84. On peut noter que tous les membres sont présents sauf Astier, excusé. Le poste de président se joue entre sénateurs : Patizel est élu par 32 voix contre 16 à Jacques Benoist – et une à Borgeot. Les trois vice-présidents sont élus de manière à représenter les producteurs, les transformateurs et les consommateurs : sont ainsi élus Benoist, Ernest Poisson et Périer. La même volonté se retrouve dans l’élection du comité d’administration, le vote s’effectuant par collège.
44Des commissions sont formées pour les mesures à prendre concernant la répartition des blés des régions excédentaires et des régions déficitaires et pour la vente des blés de semence85 ou pour l’importation des blés de force et l’exportation préalable des blés et produits farineux86. Le conseil central définit aussi sa délégation de pouvoirs au comité d’administration pour sept questions : la fixation du rythme des livraisons des organismes vendeurs, les mesures à prendre pour la répartition des blés, leur écoulement des régions excédentaires vers les régions déficitaires, les instructions à donner aux comités départementaux au sujet des titres de mouvement, le commerce des blés de semence, le commerce des blés non loyaux et marchands, l’examen des demandes de subvention formulées par les comités départementaux et les coopératives, et l’examen des appels interjetés par les coopératives et négociants87.
45La deuxième session du conseil central qui débute le 20 octobre se fait l’écho de quelques difficultés de mise en route de l’Office. Parrel demande ainsi que les décisions du comité d’administration soient portées le plus rapidement possible à la connaissance des comités départementaux, et il se voit répondre par Patizel que « des retards ont pu se produire au début du fonctionnement des services de l’Office par suite du manque de personnel88 ». De manière intéressante pour la mise en place du fonctionnement de l’institution, des débats s’engagent sur la formalisation des procès-verbaux de l’institution89. Par ailleurs, le président propose aux membres du conseil central de réagir sur les procès-verbaux du comité d’administration, et, si la plupart d’entre eux demandent des précisions, certains critiquent quelques-unes des décisions prises par l’autre instance.
46Le débat porte ensuite sur la question des « importations en compensation d’exportations préalables », bref : le retour de l’admission temporaire. C’est le directeur adjoint Layeillon qui présente un long rapport sur le sujet, dans lequel il fait le bilan du travail du comité d’administration. Le débat qui s’engage montre combien la question reste vive. Boulangé, un producteur désigné par les chambres d’agriculture, « estime devoir poser la question préalable » pour refuser toute importation, en rappelant que « depuis de nombreuses années, les associations agricoles et les chambres d’agriculture ont toujours demandé la suppression de l’admission temporaire90 ». Vagnon, le délégué de l’Algérie, accepte cette position à condition que l’on distingue bien blés tendres et blés durs. Alain Du Fou, grand producteur et homme des coopératives céréalières, intervient dans le même sens et « se déclare absolument opposé au système proposé ». Poisson, au nom des consommateurs, repousse la question préalable et en appelle à un compromis ; le directeur adjoint, rappelant le texte de la loi et ses obligations, va dans le même sens. Le représentant de la meunerie Lucien Mayer s’affronte aux producteurs et trouve quelques soutiens. Plusieurs membres du conseil cherchent une transaction, tel Jacques Benoist, qui « se déclare entièrement favorable au projet sous réserve que les intérêts légitimes des producteurs soient sauvegardés ». Calvayrac, représentant agricole de la confédération syndicale liée à la SFIO, intervient pour défendre les « milliers d’ouvriers des meuneries qui seraient mis en chômage si le régime des importations et exportations n’était pas admis ». Un vote a lieu sur la demande d’ajournement, et elle est considérée comme irrecevable par 30 voix contre 1791.
47Les débats reprennent dans l’après-midi, parfois dans une certaine confusion. Un nouveau vote à lieu sur le texte préparé par le comité d’administration et dont le président rappelle que, pour être exécutoire, il doit réunir les trois quarts des suffrages exprimés ; or, accepté par 27 voix, il est repoussé par 14 et ne peut donc être appliqué92. Le président indique alors que « le gouvernement se saisira des conclusions de la commission des importations et des exportations et qu’il prendra un décret avec une liberté entière d’appréciation93 ». Poisson interpelle ses collègues du comité central « sur l’intérêt de réaliser la majorité des ¾ prévue par la loi afin d’éviter que la question prenne un aspect politique au lieu de conserver son caractère professionnel94 ». De la même manière, Édouard Bernard prend la parole : « Si, sous une forme ou une autre, nous ne revenons pas sur le vote émis à l’instant, nous aurons fait une œuvre négative, nous n’aurons pas sauvegardé les intérêts qui nous sont confiés, et le Gouvernement résoudra seul la question95 ». Un nouveau vote est organisé sur le texte initial et donne un nouvel échec, avec 32 pour, alors qu’il en fallait 34 pour la majorité des trois quarts, et 14 contre – la seule différence étant liée à la présence de cinq votants supplémentaires96. De manière assez cohérente, à la séance suivante, Alain Du Fou se plaint du décret pris par le ministre sur cette question, reprochant à Monnet de ne pas avoir tenu compte au moins de la partie des travaux de l’Office qui avait rencontré un consensus. Le directeur de l’Office lui répond que la majorité des trois quarts n’ayant pas été atteinte, le ministre était libre de prendre un décret en Conseil des ministres.
48Certaines décisions de l’Office, et particulièrement celles prises par le conseil central, font parfois l’objet d’interpellations parlementaires. Ainsi, le sénateur des Landes Eugène Milliès-Lacroix interpelle Georges Monnet en décembre 1936 au nom des « coutumes » de son département, contrariées par une décision du conseil central, et de la défense des petits négociants97. Monnet répond, contre l’attaque d’une décision du conseil central, que, pour lui, « seul le Conseil d’État peut, pour abus de pouvoir, casser une décision de l’office », et il se fait un peu ironique en expliquant :
« Je ne veux pas, M. Milliès-Lacroix, exercer plus de pouvoirs que vous ne m’en avez donné, et je ne peux que rappeler que le conseil central de l’office du blé dans lequel la haute assemblée est si bien représentée, puisqu’il y siège cinq sénateurs et que c’est l’un des vôtres qui en est le président, est souverain dans la plupart de ses décisions98. »
49Patizel intervient d’ailleurs à la suite :
« Je ne me considère pas comme interpellé, mais je ne puis laisser dire à M. Milliès-Lacroix que le conseil central, que j’ai l’honneur de présider, a pris des décisions illégales. Il a agi dans la plénitude de son droit et de ses obligations légales99. »
50La séance du 16 décembre du conseil central se tient à l’Institut national agronomique. Le premier dossier traité concerne l’importation des blés durs et touche au premier titre les producteurs algériens100. La question délicate est ensuite celle de l’éventuelle revalorisation du prix du blé après la dévaluation. La séance se tient en présence du ministre de l’Agriculture, venu donner sa vision des choses. Monnet fait le point sur une affaire d’importation de blés yougoslaves. Il explique que celle-ci n’a pas été soumise à l’Office car elle concernait le remplacement des stocks de l’Intendance, et il souligne :
« l’opération a permis de réaliser avec le gouvernement yougoslave un accord d’intérêt national. Le Ministre rappelle l’emprise de l’Allemagne sur le commerce yougoslave et signale le danger, pour la sécurité nationale, de l’extension de la politique allemande. Il convenait de permettre au peuple yougoslave de trouver des débouchés et le gouvernement a voulu lui donner un témoignage substantiel de l’amitié française101 ».
51Lors de la réunion du 29 janvier 1937, le président précise encore des points d’organisation. Il fait allusion à des reproches lus dans la presse professionnelle contre « l’incohérence et la mauvaise tenue de [leurs] réunions102 » et propose de les structurer davantage, avec des orateurs désignés pour chaque catégorie de représentants des diverses professions. Sur un autre plan, plusieurs demandes de corrections des procès-verbaux de la séance de décembre sont enregistrées. Parmi les points abordés lors de la réunion de fin janvier 1937, on trouve la question des importations, pour laquelle les conclusions du rapport préparé par les fonctionnaires de l’Office sont adoptées sans difficulté – compte tenu de la récolte et des stocks, il est décidé de ne pas importer de blés.
52La réunion du comité central du 30 juin 1937 porte sur l’établissement de la prévision du rendement de la récolte de 1937, fondée sur une enquête auprès des comités départementaux et des directeurs des services agricoles. Plusieurs membres du conseil central s’étonnent de la faible utilité d’une simple prévision. Patizel, qui préside, rappelle alors l’esprit dans lequel l’article de la loi qui le prévoit avait été préparé (au Sénat, par ses soins !) et voté : il s’agissait d’anticiper la situation en cas de stocks reportés importants. Parmi les questions diverses abordées à cette séance, est reposée la question toujours délicate des rapports entre le conseil central et le comité d’administration : Laulanié se plaint de la remise de « procès-verbaux tronqués103 ». Gregh intervient pour rappeler la raison d’être du comité d’administration :
« Il vous suffira de vous souvenir que le comité d’administration s’est réuni, pendant les six premiers mois, en moyenne deux fois par semaine, pour vous rendre compte qu’il eut été matériellement impossible qu’appelés à examiner ces problèmes, les 51 membres du conseil central se réunissent deux fois par semaine à Paris. »
53Lors de cette séance de fin juin 1937, le conseil central s’interroge sur l’éventualité d’émettre un vœu à propos des projets gouvernementaux et parlementaires de révision du statut de l’Office. Après débat, le conseil central choisit de rester prudemment en dehors de la discussion politique sur ce point. Enfin, un dernier débat, à la séance de juin 1937, aborde la question des mesures à envisager dans le cas de résorption d’excédents de récolte. Patizel, en fin de séance, rend hommage au premier directeur de l’Office : « Nous pouvons être divisés – nos séances en témoignent – sur bien des questions ; mais je suis certain que nous serons unanimes pour rendre hommage à M. Mathonnet, à son intelligence, à son tact, à son activité, à son labeur jamais limité104. » Du Fou, un des plus critiques contre le fonctionnement de l’Office, s’associe à cet hommage, ainsi que Mayer pour la meunerie105 et Calvayrac, plus brièvement.
54À la séance du 21 juillet 1937, le conseil central examine le projet de budget de l’Office pour l’exercice 1937-1938, présenté par Oudiette, chef du service financier. Le premier budget avait été, compte tenu des contraintes de calendrier, préparé par le comité d’administration. Mais le budget est adopté, semble-t-il, sans opposition106. Des débats s’engagent en fait sur le financement et les subventions aux coopératives, l’interprétation du texte de la loi restant sur ce point incertaine – le débat se poursuit longuement la semaine suivante. Une discussion se produit sur la prime de conservation pour le mois d’août, qui n’avait pas été prévue l’année précédente, mais, sur ce point, le président signale que le conseil central « n’est pas en nombre pour délibérer valablement sur une proposition de ce genre107 ». La discussion est reprise la semaine suivante.
55La question du quorum est préoccupante lors de cette réunion, car le conseil central ne peut délibérer sur la fixation du prix du blé dur, ni le matin ni l’après-midi, lors de la reprise de session. Le débat s’engage malgré tout avec des positions assez tranchées, et Brasart, directeur de l’Agriculture, intervient pour souligner que « l’administration ne peut pas accepter les propositions de la section algérienne108 ». Faute de quorum, une nouvelle réunion du conseil central est décidée pour la semaine suivante, mais celle-ci, dans un premier temps, ne le réunit pas non plus, s’attirant la réflexion mécontente d’Astier : « Je voudrais que cette plaisanterie ne continuât pas trop longtemps. Nous avons autre chose à faire que de siéger ici sans pouvoir prendre de décisions utiles109. » Les débats se poursuivent cependant et sont toujours vifs, avec un des membres attaquant la validité du décret-loi du 16 juillet 1937110. Sans quorum, la discussion se poursuit avec des votes indicatifs pour proposer des avis. La tension est de plus en plus présente, avec les départs successifs de différents représentants des producteurs. Le docteur Guilhem déclarant en sortant : « Je constate que les représentants de l’État votent toujours contre les producteurs111. » Un appel nominal est alors effectué, qui constate la présence de seulement 22 membres. Le quorum simple n’étant plus réuni, le président lève la séance, non sans enregistrer diverses récriminations. Le conseil central débat le 28 juillet 1937 de la question de l’échelonnement des livraisons aux moulins des blés d’échange. Le représentant de la boulangerie se plaint de cette pratique de l’échange, s’attirant ce commentaire de Poisson : « C’est à la démagogie électorale que nous devons les inconvénients que vous déplorez112. » Le conseil conclut à un meilleur encadrement des pratiques d’échange.
56Georges Monnet ouvre la séance du conseil central du 20 août 1937 avec un discours d’autocélébration :
« Le fonctionnement de cet organisme, tel que vous avez su l’assurer, a correspondu tout de suite à l’espérance de l’opinion publique. Vous avez su fixer un prix qui a satisfait l’ensemble du monde paysan. Vous avez assuré par l’échelonnement des ventes et le rythme des livraisons le débouché normal de la récolte. Enfin, le financement correspond lui aussi à l’attente générale113. »
57Il souligne ensuite l’augmentation du nombre de coopératives, passé de 750 à 1 205, et la mise en construction de 175 silos ou magasins nouveaux sous le contrôle de l’Office. Des membres ayant été renommés, il est procédé à une nouvelle élection du président et du bureau. Patizel est réélu très largement (45 suffrages sur 48 votants). Pour la vice-présidence des producteurs, ceux-ci proposent cette fois de remplacer Benoist, sénateur comme le président, par un représentant de la « petite culture », Parrel, mais Benoist souhaite se présenter… Le résultat est assez intéressant : sur 51 votants et 50 suffrages exprimés, Périer (l’homme de la meunerie) obtient 48 suffrages, Poisson 29, Benoist 27, Parrel 20 et Vieuille 15. Le bureau sortant est donc reconduit, mais non sans que des dissensions se soient exprimées. Patizel, réélu, fait un discours dans lequel il revient sur l’année écoulée et souligne que « le conseil central avait à mettre en route un organisme qui heurtait bien des intérêts, des doctrines aussi114 ».
58Dans le débat tendu sur la fixation du prix du blé, Brasart et Du Fou s’affrontent sur le rôle du directeur de l’Office. Du Fou voudrait que l’Office dispose du régime appliqué à la Banque de France, et il s’attire la réponse suivante de Brasart : « Votre assemblée n’est pas comparable à la Banque de France. C’est une assemblée de la même nature que les conseils généraux. M. Lurbe est ici comme préfet, il est à la fois le représentant du pouvoir central et l’agent d’exécution d’une assemblée délibérante115. »
59Outre la fixation du prix, le conseil central doit aussi régler toute une série de dispositions techniques : la fixation du poids spécifique, des bonifications et réfactions relatifs aux blés de 1937, le travail ayant été préparé par une commission issue du conseil central. Alors que les éléments avancés commencent à être mis en cause, Prodhomme, un représentant de la meunerie qui a participé à la commission, intervient et précise :
« Nous avons siégé trois heures ; si nos discussions ont été cordiales, elles n’en ont pas moins été parfois assez épineuses. Les propositions que nous présentons au conseil central sont le fruit de concessions réciproques. Elles constituent donc un tout. Aussi, si l’on veut reprendre et discuter certains points du rapport, nous serons fondés à revenir sur ces concessions, l’équilibre obtenu risquant de se trouver rompu, et à rediscuter, nous aussi tous les points du rapport116. »
60Mais il s’attire la réponse suivante du sénateur Borgeot : « Je sais que la commission a réalisé un travail sérieux et qu’elle n’est tombée d’accord qu’après une longue discussion. Mais cet accord qu’elle a réalisé, il est à l’avantage des meuniers et non des producteurs117. » Le quorum n’étant pas atteint (38 présents quand il en faut 42), le conseil central vote, mais pour transmettre un simple avis au gouvernement. Le moindre débat au conseil central se ressent des tensions qui se sont exprimées sur la fixation du prix.
61Au cours de cette séance du 21 août 1937, Lurbe soumet au conseil central une proposition de délégation de pouvoirs au comité d’administration afin que « certaines affaires soient réglées plus rapidement118 ». Laulanié s’élève contre l’idée de donner au comité « des quasi “pleins pouvoirs” ». Patizel plaide que le comité « a besoin de tous les pouvoirs, à l’exception de ceux qui sont expressément réservés au conseil central par la loi », mais la défiance règne dans le débat. Patizel reconnaît que « les membres du comité d’administration tiennent à être fixés sur leurs attributions et à ne plus être critiqués119 ». Un vote est finalement réalisé, et les opposants, emmenés par les producteurs proches de l’AGPB de Laulanié et Du Fou, n’obtiennent que 9 voix contre 31 et 6 abstentions. Une délégation de pouvoirs large est donc accordée au comité d’administration.
62La séance du conseil central du 30 octobre 1937 commence par des discussions sur le contenu des procès-verbaux des séances de l’été, montrant que les tensions internes ne s’apaisent pas vraiment ; il en ressort une décision qui témoigne bien des conflits : il est statué qu’à l’avenir, les procès-verbaux donnent les noms des membres du conseil lors des votes par appel nominal.
63Le débat sur l’exportation préalable reprend en 1937, et Du Fou réaffirme la méfiance à son encontre qu’il avait exprimée à l’automne 1936. Le spectre de l’admission temporaire réapparaît dans ces discussions. Le représentant de la semoulerie se plaint de la situation qui est faite à son industrie, et les représentants de l’Algérie plaident pour leurs blés durs. Le vote sur la prorogation d’un an de l’exportation préalable est presque unanime120. Les rencontres des membres du conseil central sont aussi l’occasion de critiques contre le fonctionnement des comités départementaux. Ainsi, Du Fou parle de leurs « errements » et conclut : « le système doit être appliqué avec souplesse, mais celle-ci ne doit pas engendrer la lenteur, l’anarchie et l’arbitraire121 ».
64La séance du 28 janvier 1938 se tient dans une salle mise à la disposition du conseil central par l’Assemblée des présidents des chambres d’agriculture. L’ordre du jour amène à délibérer sur l’opportunité de l’importation des blés tendres et durs au cours de la campagne 1937-1938. Les chiffres d’évaluation de récolte proposés dans une note des services techniques de l’Office sont critiqués par plusieurs représentants de producteurs. Lurbe est contraint de leur répondre ainsi : « J’ai précisé qu’il ne s’écoulait pas de mois sans que les comités départementaux ne modifient leurs évaluations. Vous voudrez bien reconnaître que nous sommes obligés de tenir pour vrais les chiffres qu’ils nous communiquent122. » Il est décidé de ne pas importer de blés tendres et de prévoir l’importation de 300 000 quintaux de blés durs exotiques, non sans une énième passe d’armes entre Laulanié et Patizel, le premier interpellant le second d’un « comme toujours, monsieur le président, je demande le respect de la loi », Patizel lui rétorquant : « Et moi, je demande au conseil central d’user des prérogatives que lui a données la loi123. »
65Lors de cette séance, les comptes de gestion et comptes administratifs sont adoptés à l’unanimité par le conseil central, et c’est Oudiette, le contrôleur financier qui a succédé à Gregh, qui en explique le détail. L’examen du budget additionnel pour l’exercice 1937-1938 achoppe quant à lui sur la question des subventions aux coopératives et des dépenses de l’Office. Du Fou et Laulanié sont comme souvent à l’attaque contre les propositions de l’administration de l’institution. Lurbe et Patizel défendent les subventions à des recherches scientifiques et à des expérimentations sur la conservation des blés. Le débat fait rage sur la caisse de garantie, dans le contexte des nouveaux décrets qui viennent d’être pris. Le président, lassé des interventions de Laulanié, lui lance même un « ne critiquez donc pas toujours124 ».
66Le conseil central adopte, à la séance du 3 juin 1938, un vœu pris par le comité d’administration pour se féliciter du processus de contingentement de la meunerie, « organisation absolument nécessaire pour le bon fonctionnement de l’Office et la défense des intérêts généraux125 ». Le 29 juin 1938, le conseil central s’intéresse à la propagande en faveur de la consommation du blé, de la farine et du pain, et auditionne le docteur Romant, secrétaire général du Comité national de propagande. Mais au détour de la discussion sur la subvention éventuelle de l’Office à ce comité, les discussions restent tendues, et Laulanié marque toujours son mécontentement :
« Je retiens, monsieur le président, cette expression “nous ne sommes pas des dictateurs”. J’avais l’impression, en effet, que vous vouliez être des dictateurs du blé, que certaines mesures que vous aviez demandées et obtenues par décrets-lois, ainsi que cette majorité absolue au comité de propagande, manifestaient un désir d’exercer une sorte de dictature sur tout ce qui touche au blé126. »
67Le conseil central se prononce par 17 voix contre 13 pour annuler une décision d’août 1936 qui avait interdit aux coopératives de confier des opérations à des négociants. Thureau-Dangin indique alors que « la décision qui a fait l’objet d’un pourvoi étant annulée, le Conseil d’État n’a plus d’arrêt à rendre127 ».
68Le conseil central connaît plusieurs réunions à la fin d’août 1938, leur acmé étant bien sûr la fixation du prix annuel, mais les autres séances permettent de régler toute une série de problèmes. Patizel est d’abord largement réélu président, par 44 voix sur 47 présents ; les mêmes vice-présidents sont également réélus, mais avec des scores qui témoignent de certaines tensions : si, pour les utilisateurs, Périer obtient 46 voix, pour les producteurs, Benoist n’en a que 32 (contre 15 pour Borgeot) et Poisson, pour les consommateurs, que 32 également (avec un éparpillement des autres suffrages). Le cadre d’une récolte excédentaire fait peser sur l’Office une réelle menace, et Patizel, dans son discours inaugural, explique, lucide :
« L’office du blé existe depuis deux ans. On ne peut pas dire qu’il ait donné satisfaction à tous les intérêts en présence, mais on a le droit d’affirmer qu’il a fonctionné normalement et qu’il a stabilisé les prix du blé. Je n’en veux pour preuve que le fait que le prix légal a été respecté partout. Tout au plus a-t-on pu relever parfois un écart de quelques francs d’ailleurs vite réprimé. Ce prix a tenu beaucoup mieux, en tout cas, que le prix minimum dans les années précédentes. Nous allons traverser la redoutable période d’une année excédentaire. On nous attend à ce cap décisif. On nous prédit toutes sortes de catastrophes. Ces prédictions ne m’effraient pas : quand on a les moyens d’agir, j’estime qu’on peut vaincre toutes les difficultés, fussent-elles considérables128. »
69Les rivalités n’ont cependant pas disparu à l’Office, et la suite de cette première séance se passe à délibérer sur les règles d’élection au comité d’administration. Après l’élection de ces membres, sont désignés aussi les membres des très nombreuses commissions : celle des questions administratives, section des appels interjetés par les coopératives et les négociants ; celle des questions administratives, section de l’examen des litiges intervenus sur la qualité des blés ; celle des questions techniques, section chargée de la répartition des blés ; celle des questions techniques, section des importations et des exportations ; celle des questions techniques, section de la valeur boulangère ; celle des questions techniques, section de codification de la méthode Chopin ; celle des questions techniques, section des affaires de l’Afrique du Nord ; celle des finances ; celle des blés de semence ; celle d’étude de l’échange ; celle d’étude de la conservation du blé ; celle des silos et magasins ; celle des blés durs ; celle des transports – celle d’étude pour la propagande en faveur de la consommation du pain est supprimée compte tenu du travail mené avec le Comité national de propagande. En 1938, l’Office ne compte donc pas moins de 14 commissions spécialisées.
70Avant d’aborder la fixation du prix, le conseil central débat de son budget pour 1938-1939, mais celui-ci n’est encore qu’une esquisse, puisque le prix au quintal est encore inconnu. Oudiette la présente et souligne les quelques nouveautés, dont le financement par l’Office d’une partie de la rémunération de 75 emplois de professeurs d’agriculture, contrepartie décidée par un décret-loi de la surcharge de travail provoquée par les comités départementaux pour les directions départementales des services agricoles. La question réveille bien sûr l’opposition interne à l’Office, et Laulanié explique : « Les faits qui viennent d’être évoqués sont une illustration magnifique de l’emprise de l’État sur l’office du blé129. » Thureau-Dangin renchérit : « Vous avez besoin d’un certain nombre de fonctionnaires pour l’office du blé et vous voulez passer par une voie détournée. Vous savez que le président de la commission des finances du Sénat vous refusera des crédits pour vos professeurs d’agriculture. Vous les demandez ailleurs130. »
71Un autre sujet de protestations apparaît et est réglé au cours de cette discussion budgétaire : c’est la subvention de l’Office à une publication du ministère, le Bulletin de l’Agriculture, qu’avait voulu Georges Monnet ; la subvention est supprimée. Les discussions se poursuivent ensuite sur la caisse de garantie et le fonds spécial et les différentes aides apportées aux coopératives, ainsi que sur le Comité national de propagande pour l’amélioration de la production et le développement de la consommation du blé, de la farine et du pain. Ce dernier point voit s’opposer nettement producteurs, consommateurs et transformateurs. Enfin, à la fin de cette journée du 23 août, le président signale le projet d’acquisition d’un immeuble pour l’installation des services de l’Office, celui du boulevard Raspail étant « tout à fait insuffisant » ; un crédit de 5 millions est inscrit au budget pour cela. De nombreux sujets sont traités à partir de la séance du 25 août, après la dure journée du 24, consacrée entièrement au prix du blé. Le débat sur les livraisons aux négociants reste un sujet délicat, tout comme la délégation d’attribution du conseil central au comité d’administration. Une nouvelle séance est nécessaire le 31 août pour régler des questions liées aux blés algériens mais aussi aux nouvelles taxes prévues dans le cadre du décret-loi du 17 juin 1938. La discussion est longue, compte tenu de la nouveauté des dispositifs envisagés, mais la plupart des décisions sont prises de manière consensuelle.
72Lors de la séance d’octobre 1938, une lettre de Queuille, redevenu ministre de l’Agriculture, est lue aux membres du conseil central, dans laquelle, en accord avec les commissions parlementaires de l’agriculture, il appelle à une réflexion sur un éventuel contingentement afin de limiter l’extension des emblavures. Patizel conclut sur ce point avec un mélange de lucidité et d’une pointe de cynisme :
« Ne nous inquiétons pas trop des doléances qu’engendre l’application de mesures coercitives que nous sommes obligés de prendre, dans l’intérêt de tous, aussi bien des producteurs que des négociants ou des consommateurs, les cultivateurs sont de très braves gens, qui ne comprennent pas toujours la portée de ces mesures. Il faut leur dire et leur redire que, s’ils ne supportaient pas les taxes de résorption dont ils se plaignent, ils ne vendraient pas leur blé plus de 100 frs. le quintal. Ils ne sont pas suffisamment renseignés131. »
73Le représentant de la boulangerie, Périer, attaque ensuite vivement les pratiques de l’échange et les éléments de taxation, et annonce gravement : « l’office du blé en mourra132 ». Le représentant de la direction générale des Contributions indirectes, membre du conseil central de l’Office, essaye de rassurer l’assemblée sur ce point. Après un débat quelque peu confus, Patizel se pose en défenseur de l’Office et de ses ressources. À cette même séance, est votée l’ouverture d’un crédit de 1 400 000 francs pour le Comité national de propagande pour le pain. Le débat sur l’importation de blé dur pour la campagne mobilise une fois de plus délégués algériens et représentants de la semoulerie, mais, tout comme la discussion sur l’exportation préalable, il est vite tranché et de manière consensuelle.
74En janvier 1939, le premier sujet abordé au conseil central porte sur les dégâts causés par les gelées de décembre 1938, mais les services de l’Office attendent une documentation plus importante et le sujet est reporté à une réunion une semaine plus tard. Lurbe présente ensuite devant le conseil un long rapport sur la distillation des blés et les enjeux financiers autour de cette question des carburants. Patizel est très en pointe sur ce dossier, expliquant :
« le carburant national, même s’il coûte cher, coûte encore meilleur marché aux Français que le carburant étranger qu’ils payent en exportant de l’or. [Il] ajoute, comme représentant de l’agriculture, que la production des carburants nationaux, tirés des produits agricoles, est le seul, l’immense débouché d’avenir agricole133 ».
75Les débats portent alors sur les différentes techniques de résorption des excédents de la récolte de 1938, et surtout la fixation définitive du taux de la cotisation exceptionnelle de résorption. Le rapport est présenté sur ce point par Ponsot, chef du service financier de l’Office, qui souligne que deux problèmes se posent à l’institution : l’un de trésorerie, l’autre budgétaire. L’évaluation du coût global des mesures de résorption et de stockage restant à effectuer est chiffrée à un peu plus de 3,8 milliards de francs, dont 2,8 millions de stockage, 250 millions de dénaturation, 450 millions d’exportation et 260 millions de distillation ; le coût des opérations déjà engagées s’élevant à 687 millions. Les ressources propres de l’Office étant d’environ 2,2 milliards, le déficit de trésorerie en fin de campagne serait de 2,2 milliards, ce qui leur paraît gérable avec des avances du Trésor134. Mais au-delà de la résolution du problème de trésorerie, la question budgétaire reste délicate.
76La séance se poursuit par une discussion sur la détermination du taux de blutage – employé de manière impropre comme synonyme de taux d’extraction : l’idée reste bien de fixer le pourcentage de farine panifiable extraite d’un quintal de blé mis en mouture. Le débat porte en fait, au-delà du projet de réduction du taux de blutage, sur le fait de savoir sur qui faire porter la charge financière de celle-ci : les consommateurs seuls ou en y associant les producteurs. Poisson intervient dans le débat en insistant sur l’enjeu des stocks à réaliser, compte tenu du contexte européen : « Ne croyez-vous pas vraiment que dans l’état actuel des choses, de la politique de la France et de l’Europe, la prudence commande, même à des pacifistes extrêmes comme moi, de se préoccuper d’avoir, en cas de guerre, un stock de blé suffisant135 ? » La question mettant en cause aussi bien les producteurs, les consommateurs que les meuniers, le débat s’envenime et on reparle de « fraude généralisée et organisée ». Des votes successifs se prononcent sur la question, mais présentent des résultats qui ne parviennent pas à réunir la majorité qualifiée. Les producteurs campent quelque peu sur leurs positions, d’autant qu’ils se revendiquent du mandat donné par l’assemblée des présidents des chambres d’agriculture. Poisson leur rétorque d’ailleurs : « Ici nous sommes membres de l’office du blé. Nous représentons des intérêts divers, mais nous ne sommes pas chargés d’exécuter des mandats comme des automates, du moins je n’ai jamais conçu mon rôle de la sorte136. » Les tractations durent et n’aboutissent pas. Pour la séance de la fin juin 1939, on ne dispose pas de l’intégralité du procès-verbal – il manque en particulier les votes pour le bureau avec les membres renouvelés. Parmi les questions diverses, les différentes commissions sont reformées. À la séance du 25 août 1939, Patizel fait part d’une rencontre avec le président du Conseil, le ministre des Finances et le ministre de l’Agriculture, suite au décret du 12 juin. Le conseil central fixe alors le poids spécifique et le barème de réfactions et de bonifications, puis le taux de blutage137.
C. Les comités départementaux et les coopératives
77Le décret du 7 septembre 1936 crée des structures nouvelles : les comités départementaux. Après avoir rappelé que ces institutions sont « sous le contrôle de l’office national interprofessionnel du blé », l’article 1er du décret indique que le comité « est chargé de répartir la vente des blés à la meunerie, d’émettre tous avis utiles sur les mesures intéressant la régularisation des cours et l’organisation de la production des céréales panifiables et de fournir à l’office national interprofessionnel du blé toutes les indications qui lui sont nécessaires. Il participe, dans le cadre départemental, à l’exécution et au contrôle des dispositions légales et réglementaires ainsi que des décisions prises par l’office national interprofessionnel du blé concernant le marché des céréales ». On ajoute qu’il « jouit de la personnalité civile et de l’autonomie financière138 ». L’une des particularités qui transparaît nettement dans ce décret est le rôle prépondérant tenu par le directeur des services agricoles. Commentant cette institution, un docteur en droit note d’ailleurs : « Hâtons-nous d’ajouter que l’autonomie des comités départementaux est faible et ne peut se comparer à la décentralisation dont a profité l’assemblée départementale [le Conseil général]139. » Le comité départemental est présenté comme un « agent et intermédiaire de l’Office auprès des agriculteurs140 », ses décisions étant soumises au contrôle de l’Office.
78Parmi les rôles du comité : l’agrément des coopératives qui se forment est un point important. Dans le département céréalier de l’Eure-et-Loir, « il est souvent intervenu en refusant d’accepter, au début du régime de l’Office du blé, des coopératives de façade ou en surnombre141 ». Certains observateurs pensent même que les coopératives se développent grâce à l’action des comités départementaux, mais il peut s’agir là d’un effet de perspective par rapport à la création de coopératives dans certains départements142.
79Le comité départemental de la Gironde tient quant à lui sa première séance le 21 août 1936143. La répartition des postes au bureau équilibre les professions, puisque le président représente la boulangerie, les vice-présidents l’agriculture et le commerce des blés, le secrétaire général les consommateurs et le trésorier l’agriculture. La première discussion porte sur l’indication d’un prix du blé pour le département et se tient bien sûr en présence du directeur des services agricoles et souvent du directeur des Contributions indirectes ou de son représentant. Avec la publication des décrets d’application organisant les comités départementaux, ceux-ci s’organisent progressivement, établissant les budgets, par exemple. Après quelques réunions en septembre et en octobre, il faut attendre mars 1937 pour qu’une nouvelle séance se tienne. Le comité girondin enregistre alors les projets de coopératives et des négociants inscrits auprès du comité. Les procès-verbaux témoignent surtout d’une activité d’information concernant les nouveaux textes officiels, circulaires et décrets.
80Le 9 août 1937, la discussion sur la fixation du prix du blé s’engage en Gironde sur les divers indices retenus (leur nombre : 3 ou 4, et leurs montants…), mais, à la différence du conseil central parisien, si les chiffres avancés sont très différents, l’accord se fait à l’unanimité. Concernant les budgets du comité, les procédures semblent très formelles. Renommés par arrêté préfectoral à l’été 1938, les membres du comité réélisent à l’identique le bureau sortant. Les procès-verbaux très succincts signalent peu d’objets de discussion. Des questions apparaissent en filigrane comme délicates, ainsi pour les conditions d’échange blé-pain ou pour la dénaturation des blés.
81Des conflits locaux existent, qui sont transmis à l’Office du blé à Paris. Ainsi, une lettre du directeur de l’ONIB au président du comité départemental de l’Yonne, en 1939, est-elle significative. Lurbe indique qu’il a été saisi de réclamations de cultivateurs ayant effectué des livraisons de blé à des négociants qui n’ont pas été réglées, et il commente la situation :
« À aucune de mes lettres, vous n’avez daigné me faire parvenir une réponse pour me signaler la suite donnée à ces réclamations. Ce n’est qu’à la lecture du procès-verbal des réunions du comité départemental que je trouve une réponse, dans laquelle, invariablement, il est indiqué qu’aucune sanction ne sera prise contre les négociants, étant donné que l’office du blé leur doit des sommes importantes au titre de la résorption. Je viens donc aujourd’hui vous demander si le comité départemental de l’Yonne est chargé de défendre uniquement les intérêts des négociants et non pas, comme la loi le précise, de défendre les intérêts des cultivateurs, contre les irrégularités ou les infractions qui peuvent être commises dans l’application des dispositions de la loi du 15 août 1936 et des textes subséquents144. »
82Certains présidents de conseils départementaux n’ont pas été choisis au hasard. Ainsi, Marcel Desméroux dans le Lot-et-Garonne. Propriétaire exploitant la commune où il est né et dont il est maire, il est membre de la SFIO et franc-maçon, et secrétaire général de la Fédération nationale des coopératives de blé145. Dans le Var, sans que ce soit pour le poste de président, mais comme membre, le préfet désigne Léon Gueit, maire de la Crau sous l’étiquette SFIO au début du xxe siècle. Gueit était certes le président en 1929 de la chambre d’agriculture du département, mais il était surtout un viticulteur, ce qui révèle assez bien les arrière-pensées de certaines nominations146.
83Enquêtant sur la construction des silos, l’historien de l’architecture Nicolas Loriette a étudié plusieurs comités départementaux. Sa démonstration insiste sur leur hétérogénéité : « Cependant, malgré ses prérogatives, le Comité fonctionne de manière très inégale selon les départements et, plus exactement, selon la personnalité, les motivations et les intérêts des hommes chargés de l’animer147. » Il conclut : « En résumé, l’action du Comité des céréales est dépendante des personnalités qui l’animent et de leurs convictions propres ; ces convictions étant liées au contexte immédiat, à l’environnement et à l’histoire politique et idéologique du département148. » Loriette a bien constaté, au cours de son enquête :
« l’association entre les premiers silos français et l’ONIB sera si profondément marquée dans les mentalités qu’on peut aisément la suivre de nos jours dans les propos des professionnels du secteur ; cela en dépit de l’action déterminante qu’ont joué les premières coopératives et les associations de défense agricole pendant la période précédente149 ».
84La question des silos est d’ailleurs importante, car elle est parfois vue par certains acteurs comme un élément attestant la vivacité d’une coopérative. Ainsi, le sénateur Jacques Benoist, également dirigeant de coopérative et membre du conseil central de l’Office, écrit :
« Il n’est pas douteux que parmi les 700 nouvelles coopératives créées, il est encore beaucoup de ces groupements de façade, constitués sans esprit coopératif à la base, souvent par un commerçant ou un meunier qui voyait sa situation menacée par la loi nouvelle. […] L’un des meilleurs criteriums pour distinguer une vraie coopérative d’une organisation de façade est l’effort qui a été accompli par l’une ou par l’autre pour s’équiper. Que la coopérative ait construit un silo, un magasin, acquis ou aménagé des installations existantes, il y a toujours dans l’effort qui a été fait une preuve de la volonté de durer qui a animé le groupement. On ne construit pas un silo pour un an. Cet investissement dans un bâtiment qui n’a de valeur que s’il est alimenté suffisamment, indique une confiance en l’avenir, une volonté de faire œuvre durable qui sont la marque des coopératives véritables150. »
85À l’échelon local et contrôlés par les comités départementaux, le rôle principal est donc celui des organismes stockeurs, comme le souligne le rapport sur la première année de l’Office : « Le fonctionnement de l’office du blé repose essentiellement sur l’activité des organismes stockeurs : coopératives de blé et négociants en grains inscrits sur les registres des commerces départementaux151. » Un juriste relève à l’époque cet élément en rappelant la parole d’un parlementaire : « Les coopératives assument une tâche très importante et bien qu’elles n’aient pas le caractère d’organismes de droit public, elles constituent, ainsi que l’a fait remarquer M. le sénateur Chauveau, “l’infrastructure de l’Office”152. »
86Certains regards juridiques sur ce nouveau rôle des coopératives peuvent parfois être critiques, comme dans cette thèse de droit dont l’auteur note :
« La loi encourage donc la coopération dans l’esprit de la réglementation nouvelle et favorise la création de nouveaux groupements dans les régions qui en sont insuffisamment pourvues, sur l’initiative et avec le concours des comités départementaux. Mais cette sollicitude de la part du Gouvernement n’est qu’apparente et s’accompagne d’un certain asservissement153. »
87Son jugement est cependant nuancé sur les procédures d’agrément :
« Qu’il y ait eu des décisions de rejet abusives, on ne saurait le contester, mais, d’une façon générale ce système d’agrément par le comité départemental fonctionne sans difficultés ; il n’en reste pas moins qu’il constitue, doublé de l’approbation obligatoire du ministre, une des premières atteintes et non des moindres à la liberté et à l’indépendance des coopératives154. »
88Il se fait plus critique, en relayant des prises de position que l’on retrouve dans la presse agricole, lorsqu’il explique : « On cite certaines coopératives qui ont eu à supporter la présence de contrôleurs 200 jours par an. Dans le même ordre d’idée, une coopérative du département de la Vienne indiquait récemment qu’elle avait reçu simultanément la visite de six contrôleurs155. » Sa conclusion négative est bien dans le ton des prises de position des syndicats agricoles les plus conservateurs : « Le rôle des coopératives, sous le régime de l’Office du blé, est complètement transformé. N’ayant plus de véritable autonomie, elles n’ont plus d’initiative et appliquent aveuglément, non sans de grandes difficultés parfois, des règles confuses, dispersées et sans cesse modifiées156. »
89D’autres juristes se félicitent plutôt de ce nouveau rôle accordé aux coopératives et au Crédit agricole : « Avec la législation nouvelle, les coopératives de blé sont en quelque sorte le pivot de la nouvelle organisation du marché ; elles jouent le rôle de véritables banques et deviennent prêteuses sur warrants, en consentant des avances à leurs adhérents sociétaires ou usagers157. » Dans une analyse publiée dans une revue internationale, on souligne la place spécifique de ces coopératives de blé : « Elles jouissent relativement aux autres coopératives agricoles d’un régime spécial de faveur pour les subventions du génie rural. […] Ces avantages financiers ont, pour contrepartie naturelle, un contrôle étroit de la part de l’État et de l’office du blé. » La conclusion est nette : « Par certains traits, bien qu’elles n’aient pas de monopole, elles tendent à se rapprocher des services publics158. »
D. Un bilan dans le premier rapport au président de la République
90Le conseil central débat, en octobre 1938, du texte du « rapport annuel » à soumettre par le ministre de l’Agriculture au président de la République sur le fonctionnement de l’Office. Du Fou (absent, mais qui a envoyé une lettre), soutenu par Laulanié, demande à tempérer les déclarations de réussite, mais Patizel défend sa vision de l’action de l’institution. Le rapport annuel prévu par l’article 33 de la loi le créant n’est discuté par le comité d’administration et le conseil central que lors de séances du 28 octobre 1938, et il est adressé au président de la République le 1er décembre – avant d’être publié au Journal officiel sept mois plus tard. Le texte de ce rapport fournit une photographie précise des deux premières années et demie d’activité de l’Office, en livrant de nombreuses statistiques et quelques jugements assez satisfaits sur l’action de l’institution.
91Il rappelle d’abord une série de principes autour de l’office :
« Cette loi s’est proposée essentiellement d’assurer aux producteurs de blé un prix rémunérateur et stable en adaptant aussi exactement que possible le débit de la production aux besoins de la consommation et, par voie de conséquence de supprimer les intermédiaires qui grevaient antérieurement le prix de vente de la farine et du pain159. »
92La dynamique des contrôles est soulignée :
« Le prix du blé doit être scrupuleusement observé par les organismes chargés de l’écoulement de la récolte ainsi que par les industries utilisatrices. Dans ce but, un contrôle particulièrement efficace des coopératives, des négociants en grains et des moulins a été organisé. Les coopératives de blé sont astreintes à tenir une comptabilité commerciale et à communiquer mensuellement aux comités départementaux des bordereaux d’entrées et de sorties des blés. Les négociants sont soumis aux mêmes obligations et doivent, en outre, effectuer le payement des blés qu’ils achètent aux producteurs, par l’intermédiaire des caisses régionales de Crédit agricole. Les meuniers enfin sont placés sous le contrôle de l’administration des Contributions indirectes160. »
93Le rôle du comité d’administration est souligné : « Grâce à l’activité dont ont fait preuve les membres du comité d’administration, les difficultés inévitables lors de la mise en route d’un organisme aussi complexe que l’office du blé ont été rapidement et heureusement surmontées161. » C’est sur l’activité des organismes stockeurs, c’est-à-dire les coopératives et les négociants inscrits sur les registres des comités départementaux, que « le fonctionnement de l’office du blé repose essentiellement162 ».
94Le rapport présente la situation de l’Afrique du Nord avec les sections algérienne et tunisienne et l’Office chérifien du blé163. Un décret du 21 septembre 1936 fixe les conditions d’application à l’Algérie de la loi du 15 août 1936164, puis divers arrêtés pris par le gouverneur général ont fixé l’organisation administrative et financière de cette section165. Cette section comporte un comité consultatif de 38 membres, dont 22 représentants des producteurs. Les sociétés indigènes de prévoyance ont été autorisées à suppléer au défaut de coopératives. La section algérienne de l’office est « totalement intégrée dans le cadre de l’office national interprofessionnel du blé métropolitain166 ». La section tunisienne connaît aussi un comité d’organisation et de contrôle de la production et du commerce de 34 membres167. Le rapport sur l’ONIB précise : « Il existe donc une analogie presque totale entre la section algérienne et la section tunisienne, qui s’est purement et simplement juxtaposée à l’office métropolitain168. » L’Office chérifien a été mis en place plus tard, au printemps 1937169 ; il comprend lui aussi un conseil d’administration de 33 membres. Contrairement aux deux territoires voisins, le rapport indique que « l’office chérifien est un organisme totalement indépendant de l’office » français170.
95Concernant l’Algérie171, un scandale se déroule en 1937-1939 avec l’affaire Hodent. Michel Hodent est un ingénieur agricole, nommé en avril 1937 à la Société indigène de prévoyance de Trézel (Oranie), qui refuse de couvrir des trafics et se retrouve calomnié, puis arrêté en août 1938. L’histoire est connue, car un jeune journaliste s’en empare dans les pages d’Alger Républicain. Albert Camus suit ce dossier et mène une véritable campagne de presse, dans les premiers mois de 1939, sur l’affaire172. Au-delà du trafic, c’est bien le scandale judiciaire de l’arrestation d’un innocent et des manipulations de la justice qui passionne Camus173. Hodent est finalement acquitté en mars 1939.
96Le rapport au président de la République sur l’activité de l’institution tire aussi un bilan du financement, enjeu majeur de la création de l’Office : « Le financement de la récolte 1936, objectif essentiel de l’office du blé, devait pour la réussite de cette nouvelle institution être assuré sans délai avec le maximum de souplesse et d’amplitude174. » Dans ce processus d’escompte, le rapport précise que « la Caisse nationale de crédit agricole elle-même dut faire appel à la Banque de France pour le réescompte d’effets souscrits par les coopératives de blé et avalisés par l’office175 » pour une somme qui, de septembre 1936 à mars 1937, n’était pas moins de 1,575 milliard de francs. Mais le document officiel indique que « sur plus de 20 000 effets, souscrits par 800 coopératives, 89 seulement furent retournés impayés à l’échéance par la Caisse nationale de crédit agricole à l’office avaliseur » pour une somme de 21 millions. Le rapport indique : « Sur le montant total des effets impayés, il ne paraît pas que la perte qu’aura à supporter l’Office national interprofessionnel du blé, par suite de la déconfiture de certaines meuneries et du fonctionnement défectueux de quelques coopératives, doive excéder 5 ou 6 millions176. »
97En avril 1937, le comité d’administration émet un vœu, transmis au ministre des Finances, tendant à « faire bénéficier les effets des coopératives d’un taux d’escompte fixe aussi modéré que possible pendant toute la durée d’une campagne177 ». La Banque de France reste attentive à ses engagements financiers sur le front du blé. Dans une note d’août 1937, il est bien précisé :
« Pour la nouvelle campagne, nous avons décidé de n’accorder nos crédits – pendant la période transitoire – qu’aux seules coopératives qui – soit directement, soit par l’intermédiaire de caisses régionales (libres ou officielles) ou de banques – en ont bénéficié au cours de la campagne 1936-1937 et si leur gestion n’a fait, au cours de cette campagne, l’objet d’aucune critique sérieuse178. »
98Dans ses instructions en date du 13 septembre 1937, la Banque de France précise les modalités de financement des avances aux producteurs pour la campagne 1937-1938. Au-delà des dimensions comptables du document, l’intérêt réside dans la formule finale :
« Au lendemain de chaque échéance de fin de mois, vous établirez un état des engagements se rapportant aux escomptes de papier de blé ; il sera conforme au modèle ci-annexé. La Banque s’étant engagée à renseigner l’office du blé et la caisse nationale agricole sur les risques en cours, nous vous recommandons d’établir ce document avec le plus grand soin et de veiller à ce qu’il nous soit adressé régulièrement 3 jours au plus tard après l’échéance de fin de mois179. »
99À l’automne 1937, la Banque de France est questionnée par le comité central d’enquête sur la production180, « pour rechercher comment il serait possible d’assurer la stabilité du taux de réescompte des effets endossés par les caisses agricoles en vue du financement des récoltes181 ». Le gouverneur répond fermement par la négative, car « en s’engageant à escompter les effets agricoles, à un taux invariable, pendant toute la durée d’une campagne, la Banque de France accorderait […] à l’agriculture, un privilège dont le bénéfice ne manquerait pas d’être revendiqué à brève échéance par le commerce et l’industrie, ce qui n’irait pas sans les plus graves conséquences ». Le financement de la récolte constitue à la fois l’une des réussites de l’Office, offrant enfin la stabilité des prix aux producteurs, et l’un de ses talons d’Achille, en cas de récolte pléthorique.
100Concernant l’action des coopératives, le rapport établit qu’elles ont assuré « la vente ou l’utilisation de 84,4 % des blés vendus pendant la campagne 1936-1937. C’est assez dire l’importance de l’action de ces groupements, sur lesquels le législateur avait, à juste titre, entendu baser l’organisation nouvelle182 ». De plus, les coopératives ont été encouragées à construire des centres de stockage :
« En vue de coordonner ces efforts des coopératives, le ministère de l’Agriculture a fait procéder à l’élaboration de programmes départementaux d’équipement en silos et magasins en blé. Ces programmes établis par MM. les ingénieurs en chef du génie rural et MM. les directeurs des services agricoles et soumis pour avis aux comités départementaux des céréales furent ensuite examinés par une commission des silos instituée au sein de l’office. Les propositions de cette commission, soumises au comité d’administration de l’office, ont constitué après adoption le programme d’équipement définitif. En dehors des bâtiments prévus sur ce programme, aucune construction nouvelle ne peut faire l’objet d’une subvention du ministère de l’Agriculture, d’une avance à long terme du Crédit agricole, ou des primes spéciales allouées par l’office aux coopératives ayant à supporter des charges d’amortissement des capitaux investis dans la construction ou l’acquisition de leurs bâtiments de stockage183. »
101La conclusion générale du rapport se veut positive :
« Le législateur a entendu assigner à l’office national interprofessionnel du blé un double objectif : 1° Assurer au producteur une légitime rémunération de son travail ; 2° Rapprocher dans toute la mesure du possible le prix à la production du prix à la consommation. Il est permis d’affirmer que l’office dès sa première année de son fonctionnement a pleinement atteint le but qui lui était fixé184. »
102Au-delà de cette déclaration de satisfaction émise par les services administratifs et acceptée par les instances de l’Office, on constate que les débuts de l’organisme, comme d’ailleurs de toute institution, ne sont pas faciles. En plus des contraintes matérielles et financières, une des originalités réside ici sans doute dans le fait que l’Office connaît une opposition interne qui s’exprime sur de nombreux sujets. Une des particularités dont rendent bien compte les différentes échelles d’action de l’Office est la part de nouveauté de certaines tâches que l’institution a à accomplir. Compte tenu des seules sources dont on dispose, il n’est d’ailleurs pas simple de comprendre la part des apprentissages organisationnels et la part d’héritage des pratiques antérieures (en particulier dans les formes de contrôle).
103Ce rôle financier tenu par l’Office est sans doute l’un des éléments marquants, bien repéré par certains juristes. L’un d’entre eux souligne l’originalité de l’institution sur ce point :
« L’Office a, au point de vue financier, un double caractère : il constitue d’une part un service public qui a des dépenses d’exploitation qui lui sont propres et auxquelles il doit faire face par des recettes prévues et a, d’autre part, pour principale mission, d’assurer le financement de la récolte nationale185. »
104L’institution dans son fonctionnement semble pour partie stabilisée au début de 1938, mais sa survie est encore discutée, et la confrontation à la récolte fortement excédentaire de 1938 modifie plusieurs éléments de l’Office. Enfin, ces premières années plus ou moins difficiles pour l’Office ne sont pas compréhensibles si l’on ne considère pas l’enjeu majeur pour tous ces acteurs, la tâche la plus discutée et la plus centrale de l’institution : la fixation du prix annuel du blé.
Notes de bas de page
1 Arch. nat., F10 2170, et également en Arch. nat., F60 218, L’office national interprofessionnel du blé, Paris, Imprimerie nationale, 1936, p. 3.
2 On ne dispose pas des dossiers de personnels pour l’affirmer formellement, mais c’est ce qui ressort de toutes les archives consultées, et, par ailleurs, la cinquantaine de membres du conseil central est entièrement masculine. Le fait n’est pas rare sous la IIIe République, et encore moins dans le monde agricole. En comparaison, le Conseil national économique compte à l’époque moins d’une dizaine de femmes sur près de 400 membres.
3 « L’Office national interprofessionnel du Blé », Les Dossiers de l’Action populaire, art. cité, p. 1861.
4 Décret portant organisation administrative de l’office national interprofessionnel du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 27 août 1936, p. 9192-9195, p. 9193.
5 Décret du 26 août 1936 portant délégation dans les fonctions de directeur de l’office national interprofessionnel du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 27 août 1936, p. 9195.
6 Comité central de l’office national interprofessionnel du blé, ibid., p. 9196-9197.
7 Cf. entre autres : Journal officiel de la République française, Lois et décrets, des 27 août 1936, p. 9196, 1er août 1937, p. 8710 (rectificatif 6 août, p. 8854), 5 août 1938, p. 9246, 29 juin 1939, p. 8200, 29 août 1939, p. 10819. Les procès-verbaux conservés dans les archives de FranceAgriMer constituent une source complémentaire. Il n’en reste pas moins que la reconstitution de ces listes reste délicate et que l’on manque ici d’une source cohérente.
8 Édouard Cordebaine (1879-1950), propriétaire agricole, est sénateur de 1933 à 1941 ; il préside la chambre d’agriculture de Moselle depuis 1930.
9 Jacques Guilhem (1874-1951), médecin radical, est sénateur de 1937 à 1945. Il n’est donc pas encore sénateur lors de sa nomination à l’ONIB. Il s’est engagé dans la coopérative des silos de Castelnaudary et à la chambre d’agriculture de l’Aude en 1927, avant de la présider à partir de 1932. Il est également membre de l’assemblée générale du Conseil national économique entre 1936 et 1939.
10 Henri Patizel (1871-1960), propriétaire agricole, est sénateur de 1933 à 1941. Il préside la chambre d’agriculture de la Marne et est très actif au Sénat sur les questions agricoles avant le vote de 1936. Il est également nommé au Conseil national économique à partir de 1936.
11 Jean Thureau-Dangin (1876-1942), ingénieur agronome, est sénateur entre 1936 et 1942, après avoir été député de 1929 à 1935. Il était membre de la chambre d’agriculture de Seine-Inférieure et membre de l’association des anciens élèves de l’Institut national agronomique. Il est également nommé au Conseil national économique à partir de 1936.
12 Jacques Benoist (1881-1967), ingénieur agronome (entré à Grignon en 1901), est sénateur entre 1933 et 1939. Il avait fait de sa propriété familiale de Cloches une ferme modèle. Sa notice parlementaire indique plusieurs de ses titres, significatifs d’une multipositionnalité de notable rural : « président de la coopérative d’achats du syndicat agricole d’Eure-et-Loir, président de la coopérative de vente du syndicat agricole d’Eure-et-Loir, vice-président de la caisse régionale de Crédit agricole mutuelle de la Beauce et du Perche, président du comité des céréales d’Eure-et-Loir, président de la fédération départementale des coopératives de vente d’Eure-et-Loir, président de l’union des coopératives de céréales d’Eure-et-Loir, vice-président et fondateur de l’association générale des producteurs des céréales ».
13 Charles Borgeot (1876-1962), propriétaire agricole, est sénateur entre 1929 et 1944. Très impliqué localement dans le syndicalisme agricole, il est le fondateur des silos coopératifs à Verdun-sur-le-Doubs, connus pour être les premiers en France.
14 Le Journal officiel indique que Morin, après son décès annoncé au comité d’administration du 28 juillet 1939, est remplacé par Giraud (président de la coopérative agricole de l’Allier), Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 29 août 1939, p. 10819.
15 D’après des renseignements glanés dans des travaux de généalogistes : Raymond de Laulanié de Sainte-Croix (1889-1960) est aussi un ingénieur agronome. Par ailleurs, il est membre du Conseil économique entre 1947 et 1960.
16 Il est représentant de l’Union nationale des coopératives agricoles des productions de transformation et de vente.
17 Abel Gauthier (1905-1991) est par la suite résistant durant la guerre à Libération-Sud, et devient sénateur de son département entre 1965 et 1974.
18 Cf. la notice écrite par René Lemarquis dans le Maitron. Né en 1908, Flavien a épousé en août 1939 Marguerite Buffard, professeur de philosophie suspendue par Daladier en décembre 1939, résistante et qui se suicide dans les locaux de la milice à Lyon, cf. C. Langeois, Marguerite. Biographie de Marguerite Buffard-Flavien (1912-1944), Paris, Le Cherche midi éditeur, 2009. À son retour de captivité, Flavien reprend son activité agricole et son militantisme communiste.
19 Il se pourrait qu’un des membres algériens ait remplacé Marcel Astier, qui disparaît de certaines listes alors qu’il avait été nommé en 1936. Marcel Astier (1885-1947) exploite le vignoble familial en Ardèche et est le secrétaire général de la Société départementale d’encouragement à l’agriculture, président de l’office agricole départemental, puis membre du Conseil supérieur de l’agriculture et président du Comité national de sériciculture. Il est député radical entre 1924 et 1928, puis sénateur à partir de 1939. Astier est un des 80 parlementaires à refuser les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940.
20 Arrêté du 19 octobre 1936, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 19-20 octobre 1936, p. 10938.
21 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 10 septembre 1936, p. 9666. Brasart (1889-1970) est un ancien élève de l’Institut national agronomique (1907), inspecteur des associations agricoles en 1919, promu inspecteur général en 1925, directeur adjoint de l’Agriculture en 1931 et directeur de l’Agriculture en 1933. Sa longue carrière continue par la suite : secrétaire général au ravitaillement en 1939-1940, nommé conseiller d’État au tour extérieur en novembre 1940, pdg de l’ONIC en février 1941. Sous la IVe République, il participe à plusieurs cabinets ministériels, dont ceux d’Henri Queuille. Il préside la section des finances au Conseil d’État de 1953 à sa retraite en 1960. Cf. R. Drago, J. Imbert, J. Tulard, F. Monnier (dir.), Dictionnaire biographique des membres du Conseil d’État 1792-2002, Paris, Fayard, 2004, p. 423.
22 Point au cœur du travail de M. Atrux-Tallau, Histoire sociale d’un corps intermédiaire…, op. cit. Elle note par ailleurs que les neuf membres qui sont nommés par l’APCA le sont « sans qu’il soit possible de connaître le détail des nominations » (p. 190).
23 L. Salleron, « L’agriculture et sa représentation dans l’État », Revue politique et parlementaire, 510, 10 mai 1937, p. 279-284, p. 284.
24 A. Pin, « Jean-Marie Parrel, un syndicaliste paysan du Lyonnais à l’Office national interprofessionnel du blé (1936-1939) », Cahiers d’histoire, 36, 2, 1991, p. 125-141, p. 126-127.
25 Ibid., p. 129.
26 Ibid., p. 131.
27 Ibid., p. 134.
28 D. Bensoussan, « L’UNSA face à l’Office du blé (1936-1939) », in A. Chatriot, E. Leblanc, E. Lynch (dir.), Organiser les marchés agricoles…, op. cit., p. 201-214, p. 210. L’historien signale en particulier les cas de Louis Le Léannec et de Joseph Boulangé, qui devient en 1938 président de l’UNSA.
29 Cité par D. Bensoussan, ibid., p. 202.
30 AAGPB, Tracts et circulaires, 1938.
31 Ibid.
32 Henri Mathonnet avait été le directeur du service des importations et des exportations, d’après le témoignage de Marcel Court – point confirmé dans les écrits, publiés en 1937, de Louis Salleron.
33 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 19 juin 1937, p. 6874. Ce remplacement reste inexpliqué. Des rivalités entre les différents corps d’inspection du ministère de l’Agriculture ne sont pas à exclure, tout comme des enjeux plus politiques.
34 Bulletin de documentation, 1er juillet 1937, p. 6.
35 François-Didier Gregh (1906-1992) fait une longue carrière administrative. Fils d’académicien, évadé de France en 1942, actif à Alger, il est directeur du budget de 1944 à 1949, puis, entre autres, secrétaire général de l’OTAN de 1959 à 1967. Cf. F. Cardoni, N. Carré de Malberg, M. Margairaz (dir.), Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2012, p. 698-699. Ouvrage en ligne sur https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/3568.
36 Gregh assiste à sa dernière séance du conseil central le 21 août 1937, en indiquant avoir passé deux ans et demi au ministère de l’Agriculture.
37 Jacques Oudiette (1906-1983) est entré brillamment à l’Inspection des finances, mais son passage par le cabinet de Pierre Laval de juillet 1935 à janvier 1936 lui interdit sans doute d’espérer un poste aux Finances, ce qui pourrait expliquer son investissement à l’ONIB avant de revenir dans les cabinets ministériels en 1940 – je remercie Nathalie Carré de Malberg pour cette hypothèse. La poursuite de sa carrière durant l’Occupation explique sans doute une carrière centrée sur l’Amérique latine et dans la Banque après la Seconde Guerre mondiale. Cf. F. Cardoni, N. Carré de Malberg, M. Margairaz (dir.), Dictionnaire historique…, op. cit., p. 851-852.
38 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 21 août 1937, procès-verbal sténographique.
39 J. Maitron, C. Pennetier (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, 4e série 1914-1939, 29 vol., t. XVI à XLIV, Paris, Les éditions de l’Atelier, 1981-1997. Les notices sont cependant fort brèves, en particulier pour les membres du syndicat du personnel de l’Office.
40 Kléber Lousteau (1915-2008) est par la suite résistant à Libération-Nord, député socialiste du Loir-et-Cher de 1946 à 1958 et de 1962 à 1968, et sous-secrétaire d’État à l’Agriculture dans le gouvernement Mollet en 1956. Cf. sa notice par Thérèse Burel dans le Maitron.
41 La suite de sa carrière ne nous est qu’imparfaitement connue, mais il est chef adjoint du cabinet du ministre de l’Agriculture Tanguy-Prigent de 1944 à 1945 ; nommé maître des requêtes au Conseil d’État par le tour extérieur en 1946, il devient conseiller d’État en 1963, part en retraite en 1978 et décède en 1986. Cf. R. Drago, J. Imbert, J. Tulard, F. Monnier (dir.), Dictionnaire biographique…, op. cit., p. 566-567.
42 Témoignage enregistré le 11 septembre 1996 par Laure Quennouëlle-Corre dans le cadre des entretiens d’histoire orale menés par l’ONIC (versement aux Arch. nat., 20060642 et 20060643).
43 Lettre 695 R 51 du directeur adjoint de l’ONIC à M. le Chef du Service régional de Dijon, p. 2, 15 octobre 1951 – Archives FAM non répertoriées.
44 R. Barralis, « Dans les coulisses de l’ONIB-ONIC : le personnel de l’Office (1936-1962) », in A. Chatriot, E. Leblanc, E. Lynch (dir.), Organiser les marchés agricoles…, op. cit., p. 237-254, p. 238.
45 Le Charançon, nº 1, octobre 1944, archives du Syndicat CGT de l’ONIC au siège de la FAM.
46 Déclaration d’André Hirschfeld (1909-1990), président de la Fraternelle de l’agriculture, devant celle-ci, le 8 mars 1977 ; syndicaliste CGT, puis CGT-FO à la scission d’après-guerre, il était socialiste SFIO et franc-maçon au Grand Orient.
47 R. Barralis, « Dans les coulisses… », art. cité, p. 243.
48 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 19 septembre 1936, p. 9941.
49 Il semble par ailleurs que le décret sur les effectifs définitifs de l’Office date du 9 mars 1938, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 13 mars 1938, p. 3017-3021.
50 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 20 juin 1937, p. 6909.
51 Témoignage manuscrit de Marcel Court en vue du cinquantenaire en 1986, documents personnels de Claude Chéreau consultés avec son autorisation.
52 Décret sur l’office national interprofessionnel du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 17 juillet 1937, p. 8073-8077, p. 8073.
53 Arch. nat., F60 218, Blé. Office national interprofessionnel du blé 1936-1940, lettre du ministre des Finances au président du Conseil, 13 juillet 1937.
54 « Une législation de plus en plus tracassière et confuse », Bulletin de documentation, 29 juillet 1937, p. 3.
55 Outre les décrets portant organisation administrative de l’Office et concernant l’échange du blé contre de la farine ou du pain, on y trouve un décret concernant les exploitants de moulins et de minoteries et les personnes ou sociétés qui reçoivent, utilisent ou expédient des blés ou des produits provenant de leur mouture, un décret relatif à l’emploi par les meuniers des blés de la récolte 1935 ayant fait l’objet de contrats de stockage, un décret relatif à l’emploi par les minotiers et semouliers algériens et les semouliers métropolitains des blés durs algériens de la récolte 1935 ayant fait l’objet de contrats de stockage, un décret relatif aux déclarations des stocks de blés et de farines prescrites par l’article 10 de la loi du 15 août 1936 et aux sommes à payer à l’Office interprofessionnel du blé sur la base de ces déclarations ; les décisions du conseil fixant le prix d’achat et le prix de rétrocession du blé tendre et le prix du blé dur (brochure éditée sous le nº 276 par l’Imprimerie des Journaux officiels, 1936).
56 Témoignage manuscrit de Marcel Court en vue du cinquantenaire en 1986, documents de Claude Chéreau.
57 Note « Installation des services de l’office du blé dans les locaux occupés par le CICI », sans date, AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-3.
58 P. Hallé, « Rapport moral », Assemblée générale, mars 1937, document imprimé de 8 pages (retrouvé entre les Bulletins de documentation des 4 et 25 mars 1937), p. 8. Le non-remboursement à cette date repose en fait sur une demande de réduction importante de la valeur du matériel en question.
59 Document non daté, AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-3.
60 Rapport au sujet de l’organisation des services de l’office national du blé, non daté (avant le vote de la loi du 15 août 1936), AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-3.
61 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 28 septembre 1936, p. 10268.
62 ABF, 1060200001 370, Escompte et financements divers : campagnes de céréales, note des 27 et 31 août 1936.
63 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 28 décembre 1937, p. 14270-14276.
64 Codification relative à l’office national interprofessionnel du blé, Chambres d’agriculture, supplément au numéro du 31 décembre 1937, Amiens, Imprimerie nouvelle, 1937, conservé, entre autres, en Arch. nat., F10 2170.
65 A. Garrigou-Lagrange, « L’Office du blé », Droit social, avril 1939, p. 135-140. Cf. aussi la chronique tenue par A. Durand, chef de bureau à l’ONIB dans la Revue de droit rural et d’économie rurale en 1939 (année de lancement de cette éphémère publication), cf. p. 93-105, p. 340-344, p. 597-598.
66 J. Carret, Manuel pratique de la réglementation concernant l’Office du blé, 1er vol., avec table chronologique et répertoire alphabétique par matières des lois, décrets, arrêtés et circulaires, Besançon, Jacques et Demontrond, 1937 et Manuel pratique de la réglementation concernant l’Office du blé, 2e vol., avec précis de contentieux en matière de blés, suivi d’un tableau général des délits et contraventions, Besançon, Jacques et Demontrond, 1938. On peut noter que l’auteur effectue une réactualisation en 1943.
67 J. Carret, Manuel pratique…, op. cit., 1er vol., p. VII. Carret présente son premier volume comme un « véritable “Dictionnaire” de la réglementation concernant l’office du blé » (p. VIII).
68 L. Leroy, La réglementation du blé. Comment vendre, comment acheter, comment stocker, Paris, Flammarion, 1937, coll. « La Terre, encyclopédie paysanne », dirigée par J. Le Roy Ladurie.
69 J. Le Roy Ladurie, « Préface », in L. Leroy, La réglementation du blé…, op. cit., p. 9-10, p. 9.
70 L. Leroy, La réglementation du blé…, op. cit., p. 11. Leroy commente ainsi sa démarche : « La législation actuelle marque, entre le régime antérieur aboli et une réglementation professionnelle souhaitée par les associations agricoles, une étape importante qu’il est nécessaire de connaître. » (p. 23).
71 L. Boudehan, Étude & Commentaires de la loi sur l’Office du blé, op. cit. Le volume se présente comme un commentaire article après article de la loi. Les remarques sont critiques et surtout « antiétatistes ».
72 H. Berthelemy, J. Rivero, Cinq ans de réformes administratives…, op. cit., p. 225.
73 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, séance du 9 septembre 1936.
74 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, séance du 18 septembre 1936.
75 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, séance du 19 janvier 1937.
76 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, séance du 25 mars 1937.
77 Cf. un bilan de 17 pages par département en annexe au procès-verbal du 3 juin 1937, AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937.
78 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, séance du 25 mai 1937.
79 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/2, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1938-1939, séance du 1er septembre 1938.
80 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/1, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1936-1937, séance du 2 septembre 1937.
81 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/2, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1938-1939, séance du 3 juin 1938.
82 On reprend sur ce point la présentation proposée par S. Grenier, Le blé dirigé en France, op. cit., p. 164.
83 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 27 août 1936.
84 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 27 août 1936.
85 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 31 août 1936.
86 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 1er septembre 1936.
87 Ibid.
88 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 20 octobre 1936.
89 Ainsi, à la séance du 20 octobre, Henry Girard propose de « suivre l’exemple du Conseil national économique » pour les corrections des sténographies des interventions (ibid.). À la séance suivante, deux membres s’élèvent contre la longueur des procès-verbaux sténographiés, et il leur est indiqué qu’est préparé également systématiquement un compte rendu analytique (ibid., séance du 16 décembre 1936).
90 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 20 octobre 1936.
91 Le procès-verbal sténographique (93 pages dactylographiées serrées) révèle un élément qui n’est pas contenu dans l’analytique (26 pages dactylographiées) : le bureau a essayé de refuser ce vote sur la demande d’ajournement, s’attirant cette réflexion de Thureau-Dangin : « C’est la première fois que, dans une assemblée française, où la liberté de discussion doit être complète, le bureau refuse de mettre aux voix une proposition d’un membre de cette assemblée. » Les 17 voix pour l’ajournement sont celles de Boulangé, Caffin, Chatelain, Coursimault, Du Fou, Girard, Gindre, Guilhem, Laulanié, Le Leannec, Martin, Morin, Parrel, Pouzin, Thureau-Dangin, Vagnon et Viaux-Cambuzat, qui sont des représentants des producteurs et tous plus ou moins liés à l’AGPB. On peut noter que les représentants des ministères ont tous voté contre.
92 Les 14 voix contre sont celles de Boulangé, Du Fou, Girard, Gindre, Guilhem, de Laulanie, Le Leannec, Martin, Morin, Parrel, Pouzin, Thureau-Dangin, Vagnon et Viaux-Cambuzat. Soit la même liste que le matin moins trois personnes qui n’ont pas pris part à ce vote.
93 Ibid.
94 Ibid. La discussion tourne ouvertement à l’affrontement politique entre Poisson et Du Fou.
95 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 20 octobre 1936, procès-verbal sténographique.
96 Borgeot, Calvayrac, Gauthier, Chatelain et Vieuille ont cette fois participé au scrutin.
97 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 3 décembre 1936, p. 1555.
98 Ibid., p. 1556.
99 Ibid., p. 1558.
100 Le texte élaboré donne lieu à un vote mais qui ne réunit que 28 voix pour sur les 41 exprimées ce qui ne lui confère pas la majorité des ¾.
101 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 16 décembre 1936, procès-verbal analytique. Cette opération a trouvé des échos dans la presse professionnelle et a été reprochée vivement à Georges Monnet, d’où sa volonté d’explication.
102 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 29 janvier 1937, procès-verbal sténographique.
103 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 30 juin 1937, procès-verbal sténographique.
104 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 30 juin 1937, procès-verbal sténographique.
105 Mayer indique : « Si la meunerie a, dans sa généralité, accepté l’office du blé, c’est grâce à la bonne volonté de M. Mathonnet qui nous a grandement facilité l’application des nouveaux règlements qui étaient parfois fort difficiles à observer. » (ibid.).
106 Calvayrac a juste critiqué les salaires très bas des auxiliaires de bureau et Patizel lui a répondu que « les fonctionnaires de l’Office doivent être traités comme ceux de l’État. » (ibid., séance du 21 juillet 1937, procès-verbal sténographique).
107 Ils sont 34 présents et devraient être au moins 41 soit les quatre cinquièmes des membres. Ce point est à noter, car on ne dispose pas, en tête des procès-verbaux, de liste des présents. Dans la suite des débats, Du Fou intervient en provoquant les sourires de l’assistance en expliquant qu’ils ne peuvent pas « faire varier les heures des séances selon les commodités de chacun des membres du conseil central. Ce ne serait plus un conseil, mais une gare. » (ibid.).
108 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 21 juillet 1937, procès-verbal sténographique.
109 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 28 juillet 1937, procès-verbal sténographique.
110 Il s’attire d’ailleurs la réplique amusée du directeur de l’Agriculture : « J’ai entendu tout à l’heure avec beaucoup d’étonnement M. Zirnheld poser la question préalable. Je croyais me trouver au Palais-Bourbon ou au Luxembourg, au moment de la ratification des décrets-lois. Nous ne sommes qu’au numéro 16 de la rue Claude Bernard, au siège de l’Institut national agronomique. » (ibid.). Le débat se poursuit d’ailleurs de manière plus tendue entre Brasart et Du Fou. La question préalable est finalement rejetée par 26 voix contre 10.
111 Ibid.
112 Ibid.
113 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 20 août 1937, procès-verbal sténographique.
114 Ibid.
115 Ibid.
116 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 21 août 1937, procès-verbal sténographique.
117 Ibid.
118 Ibid.
119 Ibid.
120 43 voix pour, 1 contre ; AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 30 octobre 1937, procès-verbal sténographique.
121 Ibid.
122 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 28 janvier 1938, procès-verbal sténographique.
123 Ibid.
124 Ibid.
125 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 3 juin 1938, procès-verbal sténographique.
126 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 29 juin 1938, procès-verbal sténographique.
127 Ibid.
128 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 23 août 1938, procès-verbal sténographique.
129 Ibid.
130 Ibid.
131 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 28 octobre 1938, procès-verbal sténographique.
132 Ibid.
133 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-2/1, Procès-verbaux du Conseil central 1936-1940, séance du 20 janvier 1939, procès-verbal sténographique.
134 Ibid.
135 Ibid.
136 Ibid.
137 Les procès-verbaux conservés dans les archives pour cette période de guerre sont peut-être lacunaires. Le conseil central se réunit à nouveau le 10 mai 1940 et, malgré le contexte politique, les discussions restent techniques.
138 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 9 septembre 1936, p. 9632.
139 J. Dauphin, Quelques aspects…, op. cit., p. 13.
140 Ibid.
141 Ibid., p. 14.
142 Une thèse de droit note ainsi : « Sur l’impulsion du comité départemental des céréales, le département du Tarn, très retardataire pour tout ce qui touchait au stockage des grains a perfectionné son outillage ; grâce à lui, la coopération agricole s’est développée. », O. Pons, La culture du blé dans le département du Tarn, Albi, Imprimerie-reliure des Orphelins-Apprentis, 1945, p. 161. L’auteur indique que sur les huit coopératives de blé du département, trois avaient été créées en 1934, deux au second semestre 1936 et une en 1938 – mais la phrase le précisant est ambiguë, et il pourrait s’agir d’une erreur de frappe, cette dernière coopérative étant dans ce cas-là aussi créée en 1936. Cf. aussi le texte assez général « Quelques décisions du comité départemental des céréales », La Terre de Bourgogne, 4 octobre 1936, et aussi « Les transactions de blé en Côte d’or », 18 octobre 1936, qui publie la liste des coopératives et des négociants agréés.
143 AFAM, FAM/SG/SA/UA/11-8/1, Procès-verbaux du Comité départemental de la Gironde.
144 AFAM, FAM/SG/SA/UA/12-1/2, Procès-verbaux du Conseil d’administration 1938-1939, lettre en annexe au procès-verbal du 23 novembre 1939.
145 Cf. sa notice dans le Maitron, qui précise que Marcel Desméroux (1888-1969) est membre du conseil de l’ONIC en 1945.
146 Cf. la notice de Léon Gueit (1867-1951) dans le Maitron.
147 Ibid., p. 180.
148 Ibid., p. 181.
149 Ibid., p. 185.
150 J. Benoist, « L’application de la loi sur l’Office du blé et la coopération », La Défense agricole, 30, 24 juillet 1937, p. 367-372.
151 Rapport sur le fonctionnement de l’Office national interprofessionnel du blé pendant la campagne 1936-1937, Journal officiel de la République française, Annexes administratives, 4 juillet 1939, p. 849-875, p. 851.
152 A. Normand, Une expérience d’économie dirigée…, op. cit., p. 166.
153 P.-J. Noly, Le rôle des coopératives agricoles…, op. cit., p. 68.
154 Ibid., p. 93.
155 Ibid., p. 97.
156 Ibid., p. 146.
157 F. Bourdin, Le Crédit agricole et la crise, Paris, Librairie technique et économique, 1937, p. 48.
158 M. Apchié, « Évolution récente de la coopération agricole en France », Revue internationale d’agriculture, 1939, p. 429-440, p. 435-436.
159 Rapport sur le fonctionnement de l’Office national interprofessionnel du blé pendant la campagne 1936-1937, op. cit., p. 849.
160 Ibid., p. 850. Le rapport note : « après accord avec le ministère des Finances, le contrôle fut exercé plus spécialement par le service de l’inspection de l’office du blé en ce qui concerne les comités départementaux et les coopératives, l’administration des Contributions indirectes assurant la surveillance des minotiers et des négociants » (p. 872).
161 Ibid., p. 851.
162 Ibid.
163 La question des rapports agricoles entre la métropole et son empire est d’ailleurs débattue durant les années trente, comme le montre le rapport établi au CNE : P. Olivier de Sardan, P.-É. Coquelin, R. Cadet, La politique agricole destinée à réduire le déficit de la balance commerciale et à coordonner les productions métropolitaines et coloniales, rapport présenté devant le Conseil national économique, Melun, Imprimerie administrative, 1939.
164 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 22 septembre 1936, p. 10004.
165 Section algérienne de l’Office interprofessionnel du blé, Recueil de textes et de décisions, s.l., s.d.
166 Rapport sur le fonctionnement de l’Office…, op. cit., p. 852.
167 Section tunisienne de l’Office interprofessionnel du blé, Textes réglementant le fonctionnement de l’Office national interprofessionnel du blé en Tunisie, Tunis, Imprimerie J. Aloccio, 1937. Brochure conservée à FranceAgriMer.
168 Ibid.
169 Office chérifien interprofessionnel du blé, Textes réglementant le fonctionnement de l’office chérifien interprofessionnel du blé, Rabat, Imprimerie officielle, 1937. Brochure conservée à FranceAgriMer.
170 Ibid. Cf., sur la culture du blé au Maroc, P. Garcin, La Politique des contingents, op. cit., et W.D. Swearingen, « In Pursuit of the Granary of Rome… », art. cité.
171 Une étude plus complète serait à faire. Elle pourrait utiliser : G. Mollard, L’évolution de la culture et de la production du blé en Algérie de 1830 à 1939, Paris, éd. Larose, 1950 ; J. Bouveresse, Un parlement colonial ? Les délégations financières algériennes 1898-1945, 2, Le déséquilibre des réalisations, Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2010, p. 239-249, et A. Bernard de Raymond, « Une “Algérie californienne” ? L’économie politique de la standardisation dans l’agriculture coloniale (1930-1962) », Politix, 95, 2011, p. 23-46.
172 Cf. notice d’A. Habou sur « l’affaire Hodent », p. 1379-1380, in A. Camus, Œuvres complètes, I, 1931-1944, Paris, Gallimard, La Pléiade, 2006.
173 Le titre des articles est vif : « L’affaire Hodent ou les caprices de la justice » (4 février 1939), « Un magistrat contre la justice. L’affaire Hodent ou la multiplication des abus de pouvoir » (22 février 1939), in ibid., p. 611-618
174 Rapport sur le fonctionnement de l’Office national interprofessionnel du blé pendant la campagne 1936-1937, op. cit., p. 857.
175 Ibid., p. 858. Le rapport détaille par départements les données financières.
176 Ibid., p. 860.
177 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, lettre du directeur de l’ONIB au ministre des Finances, 26 avril 1937. Il lui joint la lettre dans le même sens adressée au gouverneur de la Banque de France.
178 ABF, 1060200001 370, Escompte et financements divers : campagnes de céréales, note de la direction générale de l’escompte, 6 août 1937.
179 ABF, 1069199520 1, Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture, document signé par le directeur général de l’escompte, 13 septembre 1937, accompagné de la circulaire nº 5348 de même date. La même formulation est reprise dans la note de service nº 32 du 26 septembre 1938 à propos de la campagne suivante (ibid.).
180 A. Chatriot, La démocratie sociale…, op. cit., p. 316-325.
181 ABF, 1060200001 370, Escompte et financements divers : campagnes de céréales, lettre du gouverneur de la Banque de France au secrétaire général de la présidence du Conseil, 30 novembre 1937.
182 Rapport sur le fonctionnement de l’Office…, op. cit., p. 866.
183 Ibid., p. 869.
184 Ibid., p. 875.
185 A. Normand, Une expérience d’économie dirigée…, op. cit., p. 199.
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