Chapitre III. La loi sur le prix minimum et sa difficile application
p. 203-292
Texte intégral
1La loi « portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé », votée le 10 juillet 1933, se présente sur quatre pages de Journal officiel comme une des multiples lois sur le même sujet promulguées entre 1929 et 1936. Pourtant, son premier article ouvre un nouveau moment en proclamant : « Pour la période qui s’étend du 15 juillet 1933 au 15 juillet 1934, le prix minimum au-dessous duquel le quintal de blé destiné à la consommation humaine ne pourra être vendu est fixé à 115 francs1. » Cette loi comporte neuf titres et 32 articles, mais c’est bien cette mention du « prix minimum » qui cristallise alors l’attention de tous les acteurs.
2Après les premières mesures prises entre 1929 et les premiers mois de 1933, et avant les décisions prises à l’été 1936, la loi du 10 juillet 1933 ouvre une période spécifique dans la régulation du marché du blé qui se clôt, après une succession répétée de dispositifs législatifs et réglementaires, pour partie avec le retour à une libéralisation du marché avec la loi « tendant à l’assainissement du marché du blé » du 24 décembre 1934. « Loi folle du 10 juillet 19332 », pour reprendre les termes d’un des journaux de la meunerie, ou au contraire « mesure grave prise en faveur de la culture », selon l’AGPB3, la signification de cette loi ne peut se comprendre qu’au regard de sa préparation, puis des modalités de son application. Elle est décrite par un haut fonctionnaire du Conseil d’État qui suit ce dossier comme un « ensemble de mesures dont certaines sont susceptibles d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle au triple point de vue financier, économique et social4 ».
3Ce moment législatif permet de saisir les réactions de l’ensemble des acteurs de la filière (agriculteurs et opinion publique au regard du ministère de l’Intérieur, organisations agricoles, meuniers et boulangers, négociants). Les obstacles multiples à sa mise en pratique obligent à réinterroger les mécanismes de spéculation sur ce marché et le rôle tenu par le pouvoir judiciaire sur ces questions, et éclairent d’un jour neuf les choix effectués ultérieurement avec la création de l’Office du blé par le gouvernement de Front populaire.
I. Une élaboration législative difficile et des réactions vives
4Au début du printemps 1933, devant la poursuite de la baisse des cours du blé, les parlementaires et le gouvernement s’emparent de nouveau du sujet de l’organisation du marché du blé. Ils le font non sans difficulté et au cours d’un vif débat parlementaire en juin. Le projet initial du gouvernement, déposé le 13 avril, est renvoyé en commission et discuté en séance à la Chambre et au Sénat au début de l’été. On est alors confronté à une situation que Louis Pichat décrit ainsi : « C’est dans l’enchevêtrement des textes, des contre-projets et d’une centaine d’amendements que la Chambre a examiné précipitamment, sous la pression des événements, les mesures qui lui étaient proposées5. » La loi du 10 juillet 1933 n’est certes pas entièrement neuve dans ses propositions d’intervention de l’État sur le marché du blé : stockage, report et dénaturation des blés ont déjà été mobilisés. Les innovations concernent surtout l’évaluation des disponibilités, la création d’un comité d’organisation et de contrôle de la production et du commerce des céréales, la possibilité d’avoir recours à l’exportation et, enfin, un ensemble de ressources (produits des droits de douane, amendes, taxe à la mouture et redevance sur les surfaces emblavées) nécessaires à l’exécution des dispositions de défense du marché et le symbole du prix minimum. Un juriste commente sévèrement cette situation : « Ayant habitué les producteurs depuis plusieurs années à compter sur l’aide de l’État, ils ne pouvaient les abandonner à leur triste sort6. » Un autre, plus optimiste, souligne combien le projet de loi déposé le 13 avril par le gouvernement constitue « une étape nouvelle dans l’organisation rationnelle de l’agriculture française7 ».
A. Le travail parlementaire et l’apparition du prix minimum
5C’est à la fin de l’hiver de 1933 que les parlementaires se saisissent à nouveau de la question du marché du blé. Des propositions à la Chambre et au Sénat veulent contrer les fraudes existantes en renforçant les sanctions8, favoriser les exportations9, assainir le marché à la fois par l’exportation et la dénaturation10. Elles insistent toutes, dans la continuité du débat de novembre 1932, sur l’inaboutissement des mesures déjà prises. Une proposition de loi à la mi-mars propose l’établissement par un décret du Gouvernement d’un prix minimum11. Point intéressant, ces propositions donnent lieu à des rapports par les commissions de l’agriculture de chacune des assemblées. L’idée du prix minimum n’est pas totalement écartée, mais la commission de la Chambre des députés demande le dépôt urgent d’un projet de loi général par le gouvernement12. Le Sénat, sous la plume d’un de ses meilleurs spécialistes des questions agricoles, Marcel Donon, publie un rapport sur cette « crise effroyable » de l’agriculture française13. L’appréhension de la question est large et bien informée par des documents fournis par l’AGPB. Donon propose, au-delà de l’approbation des mesures favorisant l’exportation et la dénaturation de certains blés, une vaste organisation professionnelle du marché du blé. Dans ce contexte, d’autres propositions de parlementaires plus ou moins précises sont déposées14 avant que, le 13 avril, le projet de loi du gouvernement le soit à la Chambre15. Durant l’évaluation par les différentes commissions parlementaires de ce projet de loi, d’autres propositions de loi continuent d’être publiées, compte tenu de l’urgence de la situation et du caractère sensible, politiquement, de la question.
6Le projet de loi regroupe huit titres concernant l’évaluation des disponibilités, les attributions du comité d’organisation et de contrôle du marché des céréales qui serait nouvellement créé, le stockage des blés et l’organisation de la vente échelonnée, le report des blés, la dénaturation des blés, l’exportation compensatrice des blés, les moyens financiers et des dispositions diverses (dont une mention des amendes). L’exposé des motifs explique qu’il s’agit de rendre cohérentes des mesures prises depuis 1929 et de franchir « une étape nouvelle dans l’organisation rationnelle de l’agriculture française16 ». Mais le texte reste ambigu par rapport à la question du prix minimum. L’article 5 prévoit que le comité d’organisation doit déterminer chaque année un « cours au-dessous duquel le ministre de l’Agriculture pourra ordonner la mise en application des mesures prévues aux titres IV, V et VI de la présente loi17 », mais aucune mention chiffrée n’est indiquée.
7Les rapports sont déposés à la Chambre à partir de mi-juin. Ils concernent principalement le projet de loi gouvernemental, mais y incluent les nombreuses propositions de lois et de résolutions déposées depuis 193218. Devant la commission de l’agriculture, le rapporteur désigné, un radical député de l’Eure, Camille Briquet, insiste sur le fait que « tout projet pour être bon devrait remplir trois conditions : 1° pouvoir agir dès cette année, 2° continuer à agir pour l’avenir, 3° produire son action dès le début de la campagne19 ». Le rapport de la commission de l’agriculture approuve les grandes lignes du projet de loi, en modifiant quelques éléments, dont le plus important concerne le financement – et le rapport est sur ce point très net :
« Si difficile que soit la situation financière, il faut coûte que coûte, faire les sacrifices d’argent suffisants pour sauver la culture, car sa ruine serait le signal de l’effondrement de l’économie nationale tout entière. […] Toute somme dépensée à bon escient en faveur de la cause agricole est un bon placement20. »
8Le projet modifié par cette commission est étudié par celle des finances, qui remet un rapport surtout technique21. Le débat parlementaire s’engage le 22 juin et il commence par de longs rappels des mesures prises depuis 1929. Le socialiste Raymond Bérenger interpelle le ministre en lui reprochant de ne proposer « actuellement que des mesures secondaires, parce que seules ces mesures sont préconisées par les chambres d’agriculture22 ». La passe d’armes verbales entre le ministre et le communiste Renaud Jean est un peu tendue, Queuille lui réplique même : « Il faut alors étendre la comparaison aux prix qui sont pratiqués en Russie23. » Plusieurs contre-projets sont proposés, chaque fois par un groupe de députés : autour d’Alfred Salmon sur l’exportation des blés, de Georges Monnet sur la création d’un office ou du député d’extrême gauche François Chasseigne. Queuille se montre réticent face à l’idée d’un prix minimum, car il explique que celui-ci « ne doit pas être un geste symbolique. Il doit être fait dans des conditions telles qu’on ait la certitude que ce prix sera maintenu24 ». Le président du Conseil Daladier demande que le débat ne s’éternise pas, mais, lors de la séance du 23 juin, les joutes oratoires reprennent.
9Après les interventions de la gauche la veille, plusieurs députés viennent soutenir le projet gouvernemental. Le contre-projet socialiste porté par Georges Monnet est largement repoussé (155 pour, 440 contre). L’étude du projet de loi se poursuit article par article avec de nombreuses propositions d’amendements, pour la plupart repoussées. Le débat se cristallise autour de la question du prix minimum. Le député modéré de l’Yonne Jean de Nadaillac prend la parole pour s’opposer à une « mesure dangereuse pour les agriculteurs25 ». Il se présente en « cassandre », conscient qu’il risque de ne pas parvenir à convaincre ses collègues, mais annonçant qu’un prix minimum ne serait pas respecté. L’homme de droite Charles Delesalle indique dans le même sens : « Poser le principe d’un prix limite sans dire comment vous le mettrez en pratique, quels seront les moyens de financement, c’est une grave erreur26. » Le radical Pierre Colomb défend la logique libérale et rappelle quant à lui que « l’idée de taxation est, pour le cultivateur, liée à bien des mauvais souvenirs ; taxation et réquisition ont été dans le passé les deux plaies de nos campagnes27 ». Queuille remonte à la tribune pour défendre son projet et dire qu’il pourra défendre le prix minimum : « Je crois pouvoir le faire si les agriculteurs sont disciplinés28. » Et il conclut en se ralliant au prix minimum :
« Malgré toutes mes résistances personnelles à accepter une telle mesure, car je comprends tous les dangers qu’elle comporte à cette heure, je suis prêt à accepter un amendement de l’ordre de ceux qui viennent d’être proposés. Je l’accepterai à une condition, c’est que le prix sera fixé par vous, que la mesure sera transitoire et destinée surtout à permettre d’attendre que soient entrées en pleine activité les mesures que le Gouvernement vous avait proposées par son projet29. »
10Une suspension de séance permet la réunion de la commission de l’agriculture qui approuve cette proposition « sans un enthousiasme particulièrement marqué30. »
11La discussion est encore longue avec de nombreux amendements. L’un attaque le prix annoncé de 115 frs par quintal et permet d’apprendre son origine dans une réponse d’Henri Triballet : « Le chiffre représente exactement le prix que le Gouvernement a fixé pour le stock report de 5 500 000 quintaux31. » Mais le débat rebondit bien sûr à propos de ce calcul… Monnet, pour les socialistes, apporte finalement son soutien tout en regrettant qu’un office ne soit pas créé et en soulignant qu’ils auraient préféré « non pas un cours minimum mais un cours légal32 ». L’amendement défendu par Triballet sur le prix minimum est voté par 530 voix contre 46. Le débat se prolonge article par article, et le vote sur l’ensemble donne le résultat net de 530 pour et 35 contre33.
12Le projet de loi voté par la Chambre est transmis au Sénat à la fin du mois de juin34. Queuille plaide pour la rapidité des débats compte tenu des spéculations en cours, mais le Sénat ne veut pas se faire imposer le texte de la Chambre35. Marcel Donon ouvre son rapport au nom de la commission de l’agriculture en soulignant le changement majeur introduit par le Sénat, qui, dans sa séance du 24 juin, a adopté, lui aussi à une très forte majorité, la proposition de Fernand David et Joseph Faure fixant un prix minimum à 115 francs le quintal du 15 juillet au 15 octobre36. Donon explique : « Ce sont là des décisions graves, justifiées par le désarroi qui s’est manifesté depuis quelques mois sur le marché du blé, entraînant une baisse profonde et injustifiée des cours à un niveau qui ne permet plus aux cultivateurs de vivre37. » Puis il souligne le caractère complémentaire de cette mesure avec le projet gouvernemental. La commission des finances du Sénat étudie très vite cette nouvelle formulation et sa position est logiquement discordante :
« Le procédé de la taxation constitue […] un procédé purement artificiel de hausse des prix dont le moins qu’on puisse dire est qu’il suscite de graves réserves. Si cependant on doit y recourir, il convient d’en limiter l’application à la période exceptionnelle que nous traversons38. »
13Fernand David, en séance, soutient le texte agglomérant les projets pour rétablir « au cœur de nos agriculteurs la confiance qui commençait à disparaître39 ». Joseph Faure, quant à lui, ouvre son intervention par un éloge de « la loi de l’offre et de la demande, loi tutélaire qu’on ne transgresse pas impunément », mais il enchaîne : « Pour le législateur, c’est un impérieux devoir d’intervenir, car à une situation exceptionnelle doivent correspondre temporairement des mesures exceptionnelles40. » Faure assume le caractère « un peu nouveau dans notre formule : taxe du blé à un prix minimum », mais il rappelle les taxations « à des prix maximum » de divers produits pendant la guerre. Après le vote net sur le principe du prix minimum, le débat reprend le 27 juin sur l’ensemble du projet ; Donon et Régnier y défendent leurs rapports alors que l’urgence est déclarée pour que le débat ne s’éternise pas. Certains sénateurs ironisent parfois sur quelques contradictions, ainsi Alexandre Israël s’exclame : « Il faudrait mettre plus de logique dans cette discussion : la commission des finances accepte la mesure et, dans le même temps, toute votre argumentation tend à la combattre41. » Joseph Caillaux, le président de la commission des finances, intervient alors pour souligner la seule acceptation d’une mesure transitoire : « en aucun cas nous ne pourrons donner un avis favorable à un achat par l’État de certaines quantités de blé42 ». Queuille est obligé de repréciser que le projet ne prévoit pas de tels achats : « D’abord, je n’ai pas de crédits, ensuite, je ne veux pas acheter de blé et même si on voulait que je le fasse, dans l’état actuel des choses, je ne le pourrais pas parce que je n’ai pas la possibilité d’entretenir des stocks43. »
14Caillaux, en amont de cette discussion, avait d’ailleurs reçu une lettre du président de la chambre de commerce de Paris l’interpellant sur ce débat et le mettant en garde contre le projet de « taxe progressive sur la mouture », lui fournissant précisément l’argumentaire qu’il a utilisé lors du débat sénatorial : la chambre de commerce « croit devoir attirer l’attention du Sénat sur les dangers que ferait courir aux finances publiques l’adoption d’une mesure telle que la fixation d’un prix minimum qui aurait demain pour conséquence inéluctable l’achat de blé par l’État44 ».
15La discussion au Sénat article par article rentre rapidement dans le détail du texte, et Victor Boret explique ainsi :
« Et maintenant, abandonnant les hauteurs magnifiques où nos collègues nous ont élevés au cours des débats, permettez-moi de descendre dans le domaine des réalités terriennes et d’examiner rapidement les conditions pratiques dans lesquelles la loi que nous vous demandons de voter, et à laquelle je m’associe entièrement, pourra s’appliquer45. »
16Les débats les plus nourris portent en fait sur la part d’interventionnisme de l’État vis-à-vis des agriculteurs et sur les enjeux de financement, le ministre du Budget Lucien Lamoureux se montrant prudent.
17Le retour à la Chambre donne lieu à un rapport de la commission de l’agriculture, qui cherche la conciliation afin de « permettre la promulgation rapide d’une loi anxieusement attendue46 ». Le désaccord porte surtout sur les moyens financiers permettant de défendre le marché du blé, et le ministre du Budget veille face à certains amendements déposés47. Queuille en appelle à éviter au maximum les points de divergence avec le Sénat afin de pouvoir aboutir au plus vite48. Le 3 juillet, le texte est voté par la Chambre par 520 voix contre 6549. Redéposé devant le Sénat après son adoption modifiée50, le projet de loi donne lieu à deux nouveaux rapports de Donon51 et Régnier. Une partie de ces textes reviennent sur la question des contrats conclus depuis le 15 juin, mais c’est surtout le rapport de la commission des finances qui est le plus critique contre le prix d’achat minimum, déclarant avec netteté que « le texte s’avère inapplicable52 ». Donon, quant à lui, insiste en séance sur les innovations de cette loi, « véritable charte de cette organisation intérieure du marché », qui « apporte un nouvel appui à l’activité professionnelle, codifiant et renforçant des mesures déjà appliquées, ouvrant des possibilités nouvelles53 ». Le 7 juillet, le projet de loi est voté par 227 voix contre 554. Mais une dernière navette est nécessaire, compte tenu de quelques modifications à la Chambre55.
18Le débat est suivi en province et reflète les intérêts divergents :
« Le récent projet sur les blés est l’objet dans l’Aube de nombreuses conversations56. » ; « Les marchés aux grains ont été particulièrement mouvementés. De nombreux commentaires ont été faits pendant la discussion au Parlement du projet de taxation du blé. Les petits cultivateurs prétendent être lésés, la décision intervenue étant arrivée six mois trop tard ; leurs blés étant déjà vendus à un prix inférieur à celui de la taxe. Les courtiers sont mécontents également car ils voient leur situation en péril. Pour les minotiers, le cours des farines suivra le cours des blés, mais tout le monde prétend que le pain subira une augmentation57. »
B. Un dispositif complexe
19Comme tous les textes législatifs et réglementaires qui concernent le blé durant les années trente, il faut souligner la complexité des dispositifs prévus par la loi : si l’article 1er commence simplement en énonçant le prix minimum et son montant, il se poursuit en précisant que si ce cours est valable pour toute la campagne, il est augmenté d’une prime mensuelle de 1,50 fr à partir de septembre. Surtout, l’article indique à quels blés ce prix doit s’appliquer : des « blés de bonne qualité, saine, loyale et marchande », pour reprendre l’expression consacrée, « d’un poids spécifique au moins égal à 76 kilogr. l’hectolitre », un arrêté du ministre devant préciser les conditions pour les éventuelles réfactions ou majorations58. La suite de l’article 1er précise la question des marchés en posant d’abord l’interdiction : « À partir du 13 juillet 1933, il est interdit à tout acheteur de blé destiné à la fabrication de farine panifiable d’offrir ou de payer un prix d’achat moins élevé que celui fixé par le présent article. », et en indiquant que pour les marchés réglementés, « les opérations postérieures au 15 juin 1933 seront annulées purement et simplement ; celles antérieures à cette date seront liquidées conformément aux règlements de ces marchés, comme en cas de taxation générale ». Une surtaxe est ensuite prévue pour l’impôt sur les bénéfices industriels des entreprises de meunerie et de négoce. Enfin, toujours dans le 1er article, il est précisé que le « ministre de l’Agriculture est autorisé à fixer par décret et par département le prix maximum de la farine panifiable ».
20Le 2e article fait intervenir d’autres services ministériels que ceux de l’Agriculture : le contrôle des minotiers est exercé par le service des Contributions indirectes et la « grande meunerie » est tenue à des déclarations mensuelles au ministre du Budget. Les délits des articles 419 et 420 du Code pénal ainsi que les peines associées (article 471) sont rappelés. L’article 3 précise d’autres pouvoirs ministériels : en cas de crise de ravitaillement, la réquisition des blés, farines et même établissements industriels et commerciaux de transformation de production et de conservation est prévue59. L’article 4 détaille le fait que les « transports et la détention des farines panifiables ne pourront avoir lieu qu’en sacs plombés, avec indication du taux d’extraction, du nom et de l’adresse du minotier », toute contravention concernant les déclarations sur la qualité des farines est punie par les peines prévues par la loi du 1er août 1905. Enfin, l’article 5 insiste sur l’utilisation possible de l’article 420 du Code pénal contre « quiconque aura, par des faits faux, calomnieux, semés à dessein dans le public ou par des voies ou moyens frauduleux quelconques, provoqué ou tenté de provoquer des ventes de blé au-dessous du cours tel qu’il est déterminé. »
21Le titre II sur « l’évaluation des disponibilités » précise les contraintes pour les producteurs avec une déclaration annuelle en mairie sur les terres ensemencées et sur les stocks détenus. Le titre III prévoit la création de comités départementaux d’organisation et de contrôle de la production et de commerce des céréales et d’un comité national60 rendant des avis consultatifs. Les compositions de ces comités sont particulièrement pluralistes61. Le titre IIIbis porte sur la cotation des blés et farines et son article 13 prévoit que la cote des farines dans les bourses de commerce devra, à dater du 1er janvier 1934, indiquer le taux d’extraction. Le titre IV concerne le stockage des blés, le titre suivant le report, le titre VI la dénaturation et le titre VII l’exportation compensatrice. Le détail des mesures techniques étant dans les deux cas renvoyés à des décrets.
22Le titre VIII précise enfin les moyens financiers qui, à concurrence de 300 millions de francs par an, sont constitués par cinq éléments : le tiers du produit net des droits de douane perçus à l’importation des blés de toute origine ; le produit des amendes prévues en cas d’infraction (à cette loi, ainsi qu’aux lois des 1er décembre 1929 et 14 avril 1933) ; une taxe sur les riz et céréales secondaires importés ; le produit d’une taxe à la mouture et une dernière surtaxe sur les opérations concernant les céréales. L’article 22 définit précisément la taxe à la mouture. L’ensemble de ces recettes est centralisé sur un compte ouvert dans les écritures du Trésor – l’article 26 précise la possibilité d’émission d’emprunt par la Caisse nationale de crédit agricole pour abonder ce compte spécial si nécessaire. Enfin, parmi les dispositions diverses, l’article 27 suspend l’admission temporaire pendant deux mois.
C. Des réactions attentistes en province
23Comme le notait une thèse de droit :
« toute la presse, même celle dite de “grande information”, a publié après le 10 juillet des articles sur la situation des producteurs de blés. Suivant les catégories de lecteurs auxquelles elle s’adressait, les tendances étaient opposées, car la majorité des esprits semblait difficilement concevoir que les intérêts des Français, quels qu’ils soient, sont solidaires et qu’une entente entre producteurs, transformateurs et consommateurs serait finalement profitable à tous, alors que la lutte qu’ils se livrent fait des dégâts dans tous les camps62 ».
24Très vite, certaines critiques se font jour. Claude-Joseph Gignoux, économiste plutôt libéral et éditorialiste au quotidien La Journée industrielle, explique :
« l’application de la loi sur le prix minimum donne lieu à des difficultés que mentionnent communiqués officiels ou officieux. Il arrive ce que nous avions prévu, sans être grand clerc : le marché est bloqué ou la loi est tournée. […] L’argument prodigué à satiété depuis quelques semaines : “Il fallait bien faire quelque chose !” est, dans le cas présent sans portée. Car ce qu’on a fait est à la fois dangereux et, on le constate inopérant63 ».
25Les préfets et commissaires spéciaux se font après le vote l’écho des discours des agriculteurs mais aussi des consommateurs :
« Le vote du marché des blés a rendu confiance aux populations rurales qui espèrent ainsi être récompensées des efforts faits dans les travaux agricoles64. » ; « Le prix minimum de 115 francs pour le blé est assez bien accueilli par les agriculteurs dont la plupart étaient du reste peu favorables à la création d’un Office du blé. Le monde de la culture semble donc marquer quelques satisfactions, par contre les consommateurs ne sont pas sans voir d’un mauvais œil le prix du pain déjà porté à 1 fr. 80 le kilo et marquer ainsi une augmentation de 3 sous alors que la loi sur les blés n’est pas encore définitivement votée65 ».
26Mais des doutes s’expriment très vite sur son application :
« Au point de vue économique, les agriculteurs qui s’étaient montrés satisfaits lors du vote de l’organisation et de la défense du marché du blé, semblent en ce moment ne plus avoir la même confiance. Nombreux sont ceux qui disent que le prix minimum de 115 francs au quintal sera rarement atteint par le producteur. Ils prévoient que certains cultivateurs ayant besoin d’argent frais, leur situation sera exploitée par les acheteurs. Ils craignent qu’à la conclusion des marchés le vendeur se voie contraint de consentir une ristourne à l’acheteur, rendant ainsi le contrôle pratiquement impossible et faussant les cours66. » ; « C’est toujours la question du blé qui intéresse surtout la population agricole de Seine-et-Marne. Ce grave problème est diversement commenté et, la loi instituant le prix minimum du quintal de blé à 115 francs est accueillie de différentes façons. La généralité des producteurs resterait dans l’expectative : que donnera la loi67 ? »
27L’information qui remonte de province au ministère de l’Intérieur met vite en cause la meunerie :
« On sait que les grosses minoteries de la région ont un stock important de blé et de farine. J’ai été avisé récemment que ces minotiers se proposent, dès que la loi en discussion devant les Chambres sera adoptée et promulguée de discuter avec les vendeurs la qualité du blé afin de les amener à vendre au-dessous du prix qui sera fixé par la loi68. »
28Certains préfets essayent bien de relayer l’information et la parole gouvernementales, comme à Toulouse :
« La question du blé préoccupe toute la population. […] Sur l’initiative de M. le Préfet, une réunion des représentants des associations agricoles a eu lieu le 26 juillet, au cours de laquelle M. Lecomte, Inspecteur régional de l’agriculture a exposé les vues gouvernementales pour l’application de la loi et a indiqué que différentes mesures sont envisagées pour assainir le marché du blé. Puis le Directeur de la Banque de France et l’Inspecteur de la Caisse nationale de crédit agricole ont promis leur concours pour faciliter l’achat et le financement d’une partie de la récolte. Enfin, M. le Préfet, en appelant l’attention des agriculteurs sur l’intérêt que présente l’organisation du marché du blé, a demandé que les détenteurs de plus de 10 quintaux de blé et farine en fassent la déclaration à la Mairie de leur résidence69. »
29La situation toulousaine est un bon révélateur des intérêts opposés des producteurs demandant une stricte application et des minotiers s’en défiant :
« La question du blé préoccupe toujours les producteurs qui se demandent, malgré les mesures prises par le Gouvernement, s’ils parviendront à écouler la récolte de l’an dernier. Les transactions sur les divers marchés du département continuent d’être insignifiantes, les minotiers s’abstenant totalement d’acheter. […] En dehors des minotiers, on est presque unanime pour demander que la loi du 10 juillet 1933 et les divers décrets relatifs au problème du blé, soient appliqués strictement70. » ; « La question du blé fait toujours l’objet des préoccupations des producteurs, notamment en ce qui concerne l’écoulement de la récolte de l’année dernière. Les transactions sur les différents marchés du département sont toujours à peu près nulles71. » ; « En ce qui concerne le problème du blé, la situation est identique à celle qui existait le mois précédent, les transactions sont toujours aussi peu nombreuses et les minotiers et courtiers continuent de faire entendre leurs récriminations à l’égard de la loi du 10 juillet 1933, laquelle, ne cessent-ils de répéter, a eu pour effet de paralyser le commerce des blés72. »
30Les périodiques agricoles donnent des échos diversifiés au vote de cette loi. L’Agriculture nouvelle lui reproche à la fois de n’être pas suffisamment financée et de rester un entre-deux :
« Cette expérience démontre qu’il n’y a pas de place entre le régime de la taxation et celui de la liberté. Si on adopte le premier, la loi doit prévoir les circonstances économiques par où passe une marchandise et imposer des prix à chacune d’elle ; si on s’en tient au second, il faut laisser au jeu de l’offre et de la demande le soin de fixer les cours. Mais le système bâtard du prix minimum, inséré dans une loi votée à la hâte et qui n’a rien prévu, conduit à l’arrêt des transactions, ce qui arrive aujourd’hui73. »
31L’AGPB a accepté l’idée du « prix minimum » qui peut jouer comme un « cran d’arrêt » à l’effondrement des cours74.
32Un professeur d’agriculture à Dijon indique :
« la taxation ne doit pas être considérée comme se suffisant à elle-même et pouvant par sa seule vertu assainir le marché. Le seul but de la taxation est de moraliser le marché en faisant connaître dès maintenant à l’agriculteur le prix sur la base duquel les cours seront défendus par tous les moyens75 ».
33Un journal agricole local d’une région céréalière met en garde les agriculteurs :
« Il faut que les cultivateurs sachent bien que s’ils se prêtaient à la non-application de la loi, ce serait ou la débâcle des prix avec la ruine de l’agriculture, ou bien une réglementation beaucoup plus sévère, beaucoup plus stricte que producteurs, intermédiaires et meuniers seraient contraints d’accepter pour n’avoir pas voulu assurer libéralement le respect d’une réglementation qui est aujourd’hui des plus faciles à assurer76. »
D. L’opposition des meuniers et des économistes
34Les réactions de la meunerie et du négoce sont bien sûr dans un tout autre registre. La meunerie se drape de la défense du consommateur pour justifier son opposition :
« La loi relative à l’organisation et à la défense du marché du blé est votée. Nouvel exemple du désarroi des hommes et des choses. Nous ne l’approuvons pas […] du moins n’entendons-nous pas nous désespérer devant cette conjoncture qui ne fait ni vainqueurs ni vaincus. Sauf le consommateur : malheureusement il est légion. L’avenir sera juge, un juge sévère et sans doute impartial. Le temps, ne l’oublions pas, est le parfait comédien qui rend à son rôle de fantoche le grand homme de la veille, qui châtie en se jouant. On pourrait peut-être en reparler bientôt77. »
35Le point intéressant réside dans les tensions internes à la profession meunière, comme en témoigne l’étonnant texte publié dans le numéro d’août du même journal :
« L’éditorial de notre numéro de juillet nous a valu quelques lettres d’abonnés. Elles ont trait à cette unique question : “Feriez-vous de la politique ?” Subsidiairement on nous demande, sur un ton amusé qui attend une réponse affirmative : “Eh ! Eh ! Seriez-vous fasciste ?” Nous répondons non sur les deux points et déclarons tout de go : Nous estimons que l’état présent où nous végétons, état où l’on “solutionne”, où de conceptions puériles on va à des artifices déplorables, ne saurait se prolonger bien longtemps. Le temps que durera encore semblable expérience se passera au détriment de notre économie. Que l’on se hausse vers les pouvoirs publics, on n’a pas le sens de haute direction que l’on est en droit d’attendre. On a trop souvent affaire à des gens qui prétendent commander, mais n’ont jamais su “servir”78. »
36L’Association nationale de la meunerie française est reçue en audience par le ministre de l’Agriculture le 26 juillet. Le communiqué publié par l’association pour relater l’audience donne les délibérations du conseil de direction de l’association, qui considèrent « que la loi sur les blés constitue une atteinte à la liberté individuelle, qu’elle tend à répandre dans le public des suspicions nullement justifiées à l’encontre de la meunerie79 ». Queuille, tout en prenant acte de ces délibérations, demande à la délégation « qu’elle veuille bien user de toute son influence auprès des meuniers pour que ces derniers veuillent bien faciliter la tâche du Ministre en appliquant strictement la loi du 10 juillet80 ».
37Lors de son congrès annuel de la meunerie, tenu à Paris les 12 et 13 septembre, des tensions se font jour : Henry Chasles, le président, propose une vision critique :
« Autrefois, la loi de l’offre et de la demande et la protection douanière assuraient sans difficulté la liberté des échanges ; aujourd’hui, l’abondance des marchandises, l’encombrement des marchés obligent les gouvernements et les professions à trouver des formules de contrainte pour canaliser l’abondance. La meunerie, aujourd’hui, ne peut pas défendre l’économie libérale : car si la liberté du commerce était rendue ce serait le blé à 40 francs ou 50 francs, c’est-à-dire une catastrophe qu’il ne nous est pas permis d’envisager. Tournons-nous donc vers la seconde formule qui a déjà trouvé son application dans la production de la betterave ; les planteurs de betteraves, les sucriers et les distillateurs ont maintenant des obligations. J’ai la conviction que les producteurs de blé, les meuniers et les négociants en grains et les boulangers connaîtront ces obligations ; mais il serait indispensable que ces professions soient, sous le contrôle du Gouvernement, maîtresses de leur réglementation. Je pense, en effet, que la loi est viable en en modifiant certains paragraphes. […] Organisons-nous donc interprofessionnellement81. »
38Mais les meuniers restent hostiles aux amendes prévues :
« Inutile de vous dire que ces sanctions sont hors de proportion avec le délit dont peut se rendre coupable un meunier, et, je crois, avant d’entrer dans la discussion de la loi, que je ne puis que me faire votre interprète pour protester, publiquement et véhémentement, contre de pareilles sanctions qui jettent sur notre profession une suspicion qu’elle ne mérite pas… (Applaudissements)82. »
39La chambre de commerce d’Avignon et de Vaucluse adopte le 4 octobre 1933 un rapport très négatif contre la loi, qui souligne cependant assez justement les enjeux purement parlementaires qui en ont expliqué le vote :
« Nul n’ignore que cette loi, votée à la hâte par un Parlement fébrile de partir en vacances et avide de porter quelque chose aux Agriculteurs, est une loi plus électorale, plus politique, qu’économique. Mal étudiée, mal préparée, elle n’en fut pas moins votée par une majorité écrasante, hypnotisée par le prix minimum, sans réfléchir aux difficultés d’application ; mais nous devons reconnaître que, forcé par une pareille majorité, le Gouvernement ne pouvait que la suivre, à moins de provoquer lui-même sa propre chute83. »
40Les réactions des juristes et économistes sont pour la plupart assez sévères à l’encontre de cette loi. Louis Pichat considère qu’est consacrée « la thèse socialiste tendant à la suppression absolue du libre jeu de l’offre et de la demande », et ajoute qu’« il est à peine besoin de souligner, en dehors de toute discussion doctrinale, ce que contient d’arbitraire la fixation d’un prix limite dans les circonstances actuelles84 ». Il pose une question qui va vite se révéler cruciale : « Toute la question est de savoir si, étant donné les conditions arbitraires de la fixation du prix de 115 francs, les agriculteurs trouveront preneur à ce prix. Autrement dit, les transactions se plieront-elles à la volonté législative85 ? » Enfin, il dénonce avec virulence l’« hérésie économique, que [ce] système tendant à fixer un prix indépendamment de ses causes naturelles », et l’« erreur économique aussi en ce sens que ce système conduira les agriculteurs à rechercher la quantité au détriment de la qualité86 ». Avant même le vote de la loi, le juriste Bernard Lavergne dénonce quant à lui l’idée même d’un prix minimum :
« Pourquoi ne pas décider par voie législative que, désormais, les chênes de nos forêts pousseront de 50 centimètres par an et qu’il tombera deux centimètres d’eau par semaine en France ? Le degré de déraison de ces “décisions” ne dépasserait pas celui du texte qui vient d’être ratifié par la Haute-Assemblée87. »
41Certaines réactions sont encore plus radicales dans l’expression. Ainsi, dans le très libéral Journal des économistes, une courte note est publiée, qui indique : « C’est là une mesure que tout déconseillait et contre laquelle l’immense majorité des associations agricoles s’était prononcée. […] la fixation d’un prix minimum relève de la démence88. » Des juristes concluent dans le même sens : « L’expérience a prouvé que la fixation arbitraire d’un prix minimum, qui ne tient aucun compte de la situation réelle du marché, c’est-à-dire des offres et des besoins effectifs, ne constituait qu’une garantie purement illusoire89. » ; un autre rappelle l’échec des précédents historiques :
« Que l’État intervienne en faveur des consommateurs par la fixation d’un prix maximum, comme cela fut le cas le plus général, ou au contraire en faveur des producteurs par la fixation d’un cours minimum, tôt ou tard en présence de la généralisation de la fraude et dans l’impossibilité où il se trouve de placer un gendarme à la porte de chaque ferme, il se voit obligé de renoncer aux mesures édictées90. »
42L’économiste libéral André Liesse dénonce « la joie des socialistes [qui] déborde en présence de cette politique sociale de jocrisses », et conclut : « Il est à craindre qu’on en arrive au monopole du blé par l’État91. »
43D’autres analystes insistent sur le fait que ce prix minimum, « disposition qui allait nous entraîner réellement dans l’engrenage de l’économie dirigée, n’a été qu’une mesure de circonstance92 » compte tenu du travail parlementaire. Un notable de l’agriculture, connu pour ses positions conservatrices, note quant à lui :
« sans doute, il fallait sauver de la ruine les producteurs de blé, et il ne pouvait s’agir de discussions théoriques entre partisans de l’économie dirigée et partisans de l’économie libérale. […] En matière aussi grave, des textes sont votés précipitamment, dans une atmosphère surchauffée, par des députés et sénateurs qui ont besoin de faire un geste pour leurs électeurs. […] Le parti qui, aujourd’hui, triomphe – et il a mille fois raison – est le parti socialiste ; nous allons forcément et très rapidement à la création d’un Office national du blé ayant le monopole de l’achat, de la vente, des importations du blé, qui fixera également les surfaces à ensemencer, etc. ; et après le blé, si députés et sénateurs sont logiques, ce sera la taxation pour les céréales secondaires, le sucre, le vin, l’alcool, la taxation pour les salaires, les fermages, les engrais, etc., etc., tout y passera et doit y passer93 ».
44Un juriste critique aussi la complexité de cette loi : « La réglementation qu’elle édictait était trop touffue ; il en résulta une grande confusion due souvent à une mauvaise rédaction de textes qui s’enchevêtraient ou s’opposaient94. »
45De la même manière, une pointe d’antiparlementarisme typique de cette époque affleure dans le commentaire d’une jeune juriste :
« Nous voyons surtout une fois de plus la preuve de l’incapacité du Parlement à rédiger des lois techniques avec la méthode actuelle. Les amendements innombrables ajoutent au texte primitif des dispositions difficilement conciliables, et même si ces dispositions sont utiles, l’unité de vue primitive disparaît si bien que la loi n’est plus qu’un amas de dispositions hétéroclites95. »
46L’économiste spécialiste des questions agricoles Pierre Fromont note pour sa part, à propos du prix minimum : « La précipitation rend compte de ce que le sang-froid condamne96. »
47Perspective inverse, certains commentateurs justifient cette mesure par l’urgence97 ou par l’échec du jeu du marché98. Un autre juriste conclut : « À notre avis, tout Gouvernement, de quelque parti qu’il soit, serait venu au secours des cultivateurs désemparés ; sinon c’eût été risqué de soulever de leur part des mouvements violents99. » Tandis qu’un autre docteur en droit note : « On a beaucoup loué et beaucoup critiqué cette loi qui est certes imparfaite. Mais pour ne pas laisser la classe agricole française disparaître du territoire, tout le monde convient unanimement qu’il fallait empêcher le cours du blé en France de s’effondrer sans limite100. »
48Ces commentaires juridiques « à chaud » sont intéressants, car ils balisent les réactions de l’époque et donnent des éléments significatifs de l’esprit des articles de presse et dans les revues. Dans le même sens, François de Menthon, juriste engagé politiquement dans la mouvance démocrate-chrétienne, note que cette loi « répond à cette nécessité d’une énergique et décisive intervention101 », mais, dans le même temps, il confronte sa conviction aux débuts de l’application : « Les deux premiers mois d’application de la loi du 10 juillet 1933 ont montré en même temps que sa nécessité les sérieuses difficultés de toute expérience d’économie dirigée102. » D’autres critiques reprochent aux pouvoirs publics d’être restés « à mi-chemin entre un régime d’absolue liberté et un régime de production dirigée103 », ou, dans le même sens, de n’avoir « pu se résoudre à choisir entre la liberté et l’intervention de l’État », concluant alors parfois dans un sens corporatif : « Il faut admettre maintenant que nous avons sous les yeux les résultats d’une loyale et concluante expérience, que l’économie dirigée ne peut être réalisée avec des chances de succès que si l’on commence par organiser la profession104. »
49Un ancien directeur au sous-secrétariat d’État du Ravitaillement critique la manière dont la loi traite les négociants, expliquant d’après lui les déconvenues dans son application :
« Le sort de la Bourse de Commerce était donc à peu près semblable à celui d’un thermomètre entre les mains d’un malade nerveux, qui ne veut pas se rendre à l’évidence de sa fièvre. On a voulu combattre, dans l’organisme de la Bourse, le fait parfaitement objectif de la baisse des prix. D’ailleurs, à partir du moment où furent promulgués les prix minima, on a tout simplement cassé le thermomètre, les prix réellement pratiqués n’étant plus officiellement côtés, en sorte que le marché du blé est devenu clandestin, d’où la dénomination courante de “blé gangster”105. »
50Tout à la fois aboutissement et étape d’un processus législatif tendant à l’intervention de l’État sur le marché des blés, la loi de 10 juillet 1933 est d’abord symbolique, car vécue comme telle par tous les acteurs du débat : parlementaires, syndicalistes agricoles, meuniers, négociants en blés, économistes et juristes. Elle est la résultante d’un débat parlementaire curieusement structuré où l’unanimité de façade ne doit pas cacher que, derrière la défense des agriculteurs et la lutte contre la spéculation, des projets très divergents ont été défendus. Pour autant, si on met à part la revendication de créer un Office du blé porté par les socialistes, les positions politiques ne sont jamais clairement définies. La situation est en cela assez typique du système parlementaire de la IIIe République. De plus, si les économistes et les juristes commentent largement ce vote, on ne peut pas dire qu’il soit le produit en amont d’une intense réflexion intellectuelle ou de controverses scientifiques. Les modalités d’intervention de l’État dans l’économie et la régulation des marchés semblent s’inventer dans le pragmatisme, voire dans l’improvisation, et les accords dans les discours se font souvent sur des éléments très généraux.
51Le vote quasi unanime obtenu à la veille des vacances parlementaires laisse une image indécise. La thématique de « l’économie dirigée », qui devient en France, au cours des années trente, un discours de plus en plus partagé, n’en reste pas moins très floue sur les modalités pratiques qu’elle entraîne. Le ministre de l’Agriculture, Henri Queuille, bon connaisseur du dossier, s’est rallié tardivement à l’idée du prix minimum et a dû, devant les Chambres, s’engager à faire appliquer ce prix. Outre la spéculation qui avait eu cours à la Bourse de commerce durant les débats parlementaires, l’application de la loi pose très vite la question de la fraude, et les nécessaires adaptations législatives montrent bien la difficulté pour l’État de se saisir de cette question et de mener cette politique du blé.
E. La conférence internationale de Londres
52L’élaboration et le vote de la loi française se font de plus dans le contexte de négociations internationales. La conférence de Londres, en juin et juillet 1933, n’a pas pour seul objet les questions agricoles106, mais sa préparation donne lieu à des correspondances entre le ministre de l’Agriculture et les syndicats agricoles. Le cadre géopolitique de la conférence de Londres, pour la question des céréales, est bien résumé par l’un des observateurs français :
« Les efforts faits par les gouvernements dans presque toutes les parties du monde pour améliorer la position des producteurs nationaux ont encore été considérables en 1932-1933. Le problème était d’ailleurs maintenu au premier plan des préoccupations publiques par la persistance des bas prix sur le marché international et ailleurs. Le courant qui entraînait les pays importateurs vers le nationalisme économique et la réalisation de l’indépendance pour leur approvisionnement en blé a continué, ou même s’est accéléré107. »
53Plusieurs documents, conservés dans les archives du ministère de l’Agriculture, nous permettent de suivre le déroulement de la conférence. Un télégramme du 11 juillet 1933 de la délégation française à Londres est adressé à Lesage, directeur de l’agriculture, pour lui demander d’adresser d’urgence le texte de la loi sur le blé, avec en particulier les passages de la loi qui concernent l’exportation du blé et l’admission temporaire108. Un autre télégramme du 13 juillet d’un délégué français prévient Lesage que Mac Donald, qui préside la conférence, désire avoir un échange de vues avec les représentants des pays intéressés, « étant donné l’importance primordiale de la question du blé » ; la France est représentée par Jules Gautier109. Finalement, un comité spécial est créé pour le blé, et la question est sortie des débats de la mi-juillet. Les délégués français suivent le dossier en tentant de faire le point avec les représentants des associations agricoles. Une note indique qu’un premier projet d’accord, préparé par ce comité le 26 juillet, est refusé par l’Allemagne et l’Italie110.
54Le 21 août 1933, la conférence dédiée au blé à Londres est présidée par Richard Bedford Bennett, premier ministre du Canada, et la France est représentée par Halgouët, attaché commercial à Londres, et Paul Devinat, représentant de la présidence du Conseil et habitué des négociations genevoises111. La France n’apparaît pas interventionniste dans ces débats, auxquels il faut noter que l’URSS participe. L’accord signé le 25 août 1933 regroupe les 4 pays exportateurs et 18 pays importateurs, et prévoit la réduction des emblavements des pays exportateurs, des contingents d’exportation pour les pays danubiens et des obligations pour les pays importateurs – ne pas encourager l’extension des surfaces ensemencées112. L’ambassadeur français aux États-Unis fait un bilan au ministre des Affaires étrangères des réactions américaines face à l’accord de Londres. Wallace, le secrétaire à l’Agriculture, déclare qu’« un courageux effort pour briser le cercle vicieux des surplus de production, des tarifs excessifs, des prix ruineux qui au cours des dernières années ont paralysé l’économie mondiale113 ».
55Les réactions de la presse anglaise sont synthétisées dans une note qui permet de constater que la plupart des titres anglais se félicitent de l’accord, non sans parfois s’en étonner114. Un comité consultatif du blé est créé, présidé par McDougall, représentant de l’Australie ; le siège de ce comité est fixé à Londres, et les contributions des différents pays sont prévues dans une annexe de l’acte final115. Un observateur américain porte un regard plutôt sceptique sur cet accord d’août 1933 : « The completion of the agreement, after months of strenuous negociations which were on the point of breaking down several times, was a truly remarkable achievement and was widely hailed as a momentous one116. » La conclusion de l’expert américain sur l’utilité du comité consultative est assez dubitative : « The real potentialities of the device in operation, for either good or ill, largely remain to be demonstrated117. »
II. Face à la fraude : entre tentatives de répression et adaptations de la loi
A. Les multiples visages de la fraude
56Le ministre de l’Agriculture est informé des premières difficultés dès l’été 1933, et il adresse aux préfets une circulaire qui dénonce les manœuvres de « certains intermédiaires ou acheteurs peu scrupuleux » et annonce fermement :
« il va sans dire que les manœuvres analysées ci-dessus [dans la circulaire], ainsi que d’autres de même nature que l’ingéniosité des fraudeurs ne manquera pas d’inventer, tombent nettement sous le coup de la loi et, si elles n’étaient pas réprimées sévèrement, discréditeraient l’effort que le Parlement et le Gouvernement ont tenu à accomplir en faveur des producteurs de céréales. »
57Queuille insiste dans sa circulaire sur les différents articles de la loi du 10 juillet permettant l’action des parquets, y compris contre le fait que « soient propagés intentionnellement des bruits susceptibles de provoquer, ou destinés à provoquer des ventes de blé à des cours de panique118 ».
58Dès le 21 juillet, le Bulletin des Halles publie un article annonçant le début des fraudes :
« On signale en Vendée des transactions entre cultivateurs et négociants. On vend à la taxe, mais on ajoute dans les sacs une quantité X de blé à telle enseigne que l’acheteur et le vendeur étant également fautifs, observeront de concert un silence prudent. En somme, les cultivateurs commencent à tourner une loi faite pour eux119. »
59D’autres fraudes sur le prix minimum sont vite recensées : sur le poids spécifique, sur l’achat en contrepartie d’engrais au-dessus des cours, sur l’achat de céréales secondaires à un cours inférieur à la normale. Viennent ensuite toutes les fraudes à la mouture (infractions à l’emploi obligatoire de blés reportés, sur le taux maximum du blutage), fraudes à la dénaturation ; enfin fraudes sur le stockage et le report, et sur l’admission temporaire.
60Dénonçant la violation de la loi, on trouve ce constat dans un article de L’Économiste français : « Bien que ces faits soient de notoriété publique, les parquets sont pratiquement dans l’impossibilité de poursuivre, étant donnée la quasi-inexistence du contrôle officiel sur le marché du blé : il y a 8 000 moulins, 40 000 boulangeries et 15 contrôleurs au service spécial de la loi120. » Ce contrôle pour éviter la fraude est une occasion pour les libéraux de railler la pente socialiste de ces mesures :» Nous tendons à imiter la Russie où les dictateurs de Moscou pratiquent aussi des interventions fort compliquées […] Mais eux ont des moyens de coercition beaucoup plus énergiques que les nôtres – et que nous connaîtrions si les socialo-communistes arrivaient au pouvoir121. »
61Le ministre de l’Agriculture a essayé de mobiliser ses différents services, mais il travaille avec des effectifs limités. Dans une circulaire du 30 septembre 1933 aux inspecteurs de la Répression des fraudes, le ministre précise que le service du contrôle des céréales et des farines panifiables (dont il cite les quinze noms des contrôleurs) a besoin de l’aide de la Répression des fraudes pour les éventuels prélèvements d’échantillon de farines122. Le ministère de l’Intérieur a des nouvelles de province indiquant un marché atone et des conflits :
« Il ne se traite pas d’affaires à la Halle aux grains de Toulouse, bien que les séances qui s’y tiennent soient fréquentées par un nombre assez important de producteurs et de minotiers. Les uns et les autres commentent les diverses mesures prises jusqu’à présent par les Pouvoirs publics et sont presque unanimes pour dire que celles-ci sont inefficaces. […] Les minotiers et courtiers déclarent que la mévente du blé subsistera tant que la loi du 10 juillet 1933 n’aura pas été rapportée. […] Ils réclament le retour à la liberté du commerce des blés. Par contre, les producteurs voudraient que la loi soit strictement appliquée, car ils estiment que le retour à la liberté du commerce des blés ne ferait qu’avantager les minotiers qui imposeraient alors leurs prix123. »
62Certains préfets ou commissaires spéciaux portent cependant des regards plus critiques sur l’attitude des agriculteurs. Celui de Bar-le-Duc fait une série de rapports où il n’hésite pas à se montrer sévère avec le monde paysan :
« Les récoltes en céréales dépassent la moyenne. Elles ont été rentrées dans les meilleures conditions, mais les cultivateurs ne sont jamais satisfaits. Ils craignent d’être obligés de vendre à bas prix. Ils ont réclamé et obtenu la taxation du blé à 115 francs le quintal, pour la récolte de 1933. Les petits exploitants, c’est-à-dire le grand nombre, ayant besoin de fonds, ont dû vendre aux environs de 90 francs. D’où jalousie qu’ils ont manifestée en votant aux élections législatives complémentaires du 20 août, contre le candidat agricole, “gros” agriculteur124. » ; « Pendant plus de dix années après les guerres, les cultivateurs se sont enrichis. […] Eux aussi ont pris goût aux plaisirs. Mais maintenant que la période “des vaches maigres” est arrivée, ils menacent de jeter bas l’édifice si le Parlement ne pratique pas une politique uniquement à leur profit125. »
63Il insiste sur les implications politiques :
« Les cultivateurs trouvent difficilement preneurs. Ils s’agitent. Bien que réactionnaires, en grande majorité, ils sont tous collectivistes en ce sens que, pour défendre leurs intérêts, ils voudraient que l’État devienne commerçant et leur achète le blé et autres produits. Ils ne sont jamais satisfaits126. »
64Divers groupements agricoles réclament une application énergique de la loi. La Fédération des sociétés agricoles du Pas-de-Calais tient son assemblée générale le 19 novembre, à Saint-Omer et déclare ainsi : « Que des mesures soient prises pour faire respecter la loi, en même temps que des sanctions administratives avec une échelle d’amendes sévères127. » La Voix des paysans, le journal d’Henri Dorgères, attaque violemment en permanence la politique gouvernementale :
« Seul, un gouvernement anti-paysan, peut assister indifférent à la débâcle des cours du blé. Favoriser la consommation du pain, en obligeant les boulangers à produire bon et bon marché interdire les importations de blés étrangers, frapper les fraudeurs, voilà les grandes lignes d’une politique de blé en France. Et c’est parce que le gouvernement a fait exactement le contraire que les cours sont si bas. […] C’est au prix du blé qu’on peut juger un gouvernement128. » ; « La loi telle qu’elle a été faite ne semble servir que de préface à la création d’un office socialiste du blé. Et c’est pour faire admettre cette loi, puis, plus tard cet office, qu’on a permis la ruine des producteurs129. »
65Et la conclusion, face aux difficultés du marché à l’automne 1933, tombe comme un slogan dans le numéro d’octobre : « Si vous ne pouvez vendre vos blés, ne payez pas vos impôts ».
66Le propos est aussi tenu par les communistes, dont les journaux titrent : « Ils paient en blé », « Contre les gangsters du blé. Payez vos impôts et fermages avec du blé au cours légal ou ne payez pas130 ». Des critiques de ce type sont relayées au ministre de l’Intérieur, les rumeurs jouant leur rôle :
« Au sujet de la politique du blé : on prétend dans les milieux agricoles que les législateurs trompent sciemment les paysans car ils savent bien que toutes les lois d’économie dirigée qu’ils forgent ne peuvent produire que le trouble dans l’économie du pays et le désordre dans les relations et les transactions qui règlent tous les rapports entre le commerce et la production nationale131. »
67Lam se plaint de l’inapplicabilité de cette loi. Le 7 novembre 1933, la profession tient un congrès extraordinaire dont les résolutions sont assez nettes. Le congrès « demande : 1° L’institution immédiate sous la forme interprofessionnelle d’un Comité national et de Comités départementaux d’organisation, de défense et de contrôle du Marché du blé et des farines ; 2° Le recrutement d’un corps de contrôleurs habilités et assermentés en nombre suffisant pour assurer le respect de la loi, désignés et rétribués par le Comité interprofessionnel national ; 3° La dotation de moyens matériels d’action permettant de réaliser le contrôle de la loi d’une façon efficace, entre autres, par la perception d’une taxe au quintal, dont le principe a été accepté par l’Assemblée générale des Présidents des Chambres d’Agriculture de France132 ».
68Mais le conseil de direction de la meunerie française connaît des tiraillements :
« Le Président fait tout d’abord à ses collègues un exposé de la situation : il explique que le malaise dont souffre actuellement la meunerie ne serait pas aussi aigu si la corporation n’était pas soumise à un système hybride de semi-contrainte incompatible avec la situation actuelle. Ce qu’il faudrait, ajoute le Président, pour que certains abus cessent, c’est l’institution, soit d’un régime de liberté totale, soit de contrainte totale. C’est sur l’adoption éventuelle d’un de ces deux systèmes que l’Assemblée générale sera consultée cet après-midi133. » ; « M. Lenay déclare que la meunerie ne saurait être dupe plus longtemps de la culture et qu’elle a assez à faire à défendre ses propres intérêts sans se préoccuper encore de ceux de ses voisins134. »
69Mais la vision globale reste sévère : « À la suite d’erreurs économiques que les dirigeants des producteurs de blés ont commises, l’année dernière, une folie démagogique s’est emparée du Parlement qui nous a voté cette loi néfaste du blé135. »
B. Un travail parlementaire en écho aux demandes des groupes de pression
70Face à toutes ces difficultés, le Parlement reprend le dossier, car de nombreux parlementaires sont très actifs sur un sujet électoralement sensible. Dès la rentrée des Chambres, les propositions de loi et de résolution se multiplient. La spéculation est particulièrement visée136, mais aussi le marché des céréales secondaires137, certains projets étant parfois un peu surprenants138. Des sénateurs proposent de modifier la loi pour tenir compte de l’expérience en redonnant une place plus importante aux négociants en blé139. Le gouvernement dépose le 17 octobre un projet de loi qui propose des modifications limitées de la loi. L’exposé des motifs explique l’enjeu principal : « Il est de l’intérêt bien compris des producteurs de blé que l’article premier de la loi du 10 juillet soit modifié de manière à permettre aux négociants en grains d’exercer, comme par le passé, leur rôle de répartiteurs de marchandise140. » L’autre idée réside dans une taxe à la mouture demandée aux producteurs de blé afin d’abonder les ressources du compte spécial ; le ministre de l’Agriculture en fait une priorité pour disposer des moyens nécessaires au contrôle de l’application de la loi. En novembre, de nombreuses propositions de loi envisagent des modifications plus ou moins importantes de la loi, sans que, le plus souvent, la loi soit mise réellement en cause141. Les textes des parlementaires reviennent en fait fréquemment sur des questions restées en suspens lors des discussions de l’été (céréales secondaires, admission temporaire, financement).
71Le travail parlementaire qui reprend à l’automne 1933 est suivi par tous les acteurs de la filière. Ainsi, par exemple, la chambre de commerce de Paris collecte les propositions de lois et fait rédiger par ses services des notes de synthèse sur le sujet. L’une d’entre elles parle d’une « litanie de propositions » et liste les arguments pour « ceux qui pensent qu’il existe des lois économiques plus fortes que les lois parlementaires142 ». La conclusion est en effet toujours la même dans la perspective de l’institution consulaire : « Lorsque le principe d’une mesure est mauvais et, à ce point antiéconomique, il est fatal que l’application en soit peu satisfaisante143. »
72La commission de l’agriculture à la Chambre des députés connaît des débats tendus en octobre, car des voix un peu radicales se font entendre, comme celle du communiste Renaud Jean, qui croit « que le projet est à côté de la question » et « demande un moratoire et l’octroi de crédits abondants facilitant l’attribution de prêts qui seraient garantis par le blé144 ». Le socialiste Maxence Roldes attaque les meuniers et « considère que le projet en discussion est une capitulation devant les exigences de la meunerie et [que] de telles mesures fragmentaires lui permettraient encore de tourner la loi ». La conclusion de la première séance de la commission parlementaire est cependant unanime « pour l’application intégrale de la loi du 10 juillet 1933 ». L’audition du ministre Queuille, le 8 novembre, amène à une franche discussion. Queuille n’hésite pas à se montrer sévère :
« Les agriculteurs ne sont pas toujours commodes à manier. Les coopératives essayent parfois de truquer dans l’intérêt de leurs adhérents. […] Il y a, je le dirai, quelque chose de profondément décevant dans l’application de ces lois. Alors qu’on travaille en liaison avec les groupements professionnels agricoles pour maintenir les cours, certains ne facilitent pas la tâche du ministre145. »
73Face aux interpellations, Queuille répond : « Vous avez intérêt à faire ce que je vous propose si vous avez confiance dans l’État » ; à d’autres, qui lui indiquent des cas de fraudes : « Signalez-moi les cas particuliers, je saisirai immédiatement le procureur de la République. » Sur l’efficacité de la répression, la discussion se durcit et le ministre répond à Renaud Jean : « Je ne peux vous dire que la justice bourgeoise est aussi rapide que vous le souhaitez, vous auriez une désillusion. »
74Après l’audition ministérielle, la commission de la Chambre reçoit également des professionnels, en l’occurrence la Fédération française des syndicats de courtiers en grains et produits du sol ainsi que les représentants de l’AGPB le 10 novembre, puis, le 15 novembre, une délégation de l’Association nationale de la meunerie française. Les interpellations en séance commencent le 17 novembre, mais elles sont souvent moins précises que les débats en commission146. Le rapport est rédigé par le même député que pour la loi du 10 juillet147.
75Avant même la transmission du projet de loi voté par la Chambre148, la commission de l’agriculture du Sénat suit attentivement le dossier. Le 19 octobre, les sénateurs auditionnent des représentants de la petite et moyenne meunerie, et Joseph Faure « donne officieusement connaissance de la commission du vœu préparé par l’Assemblée des chambres d’agriculture149 ». À la séance suivante, les sénateurs entendent l’AGPB, la meunerie et les négociants. En novembre, lors de l’étude du projet de loi, les commissions sénatoriales de l’agriculture et du commerce se réunissent ensemble pour auditionner les représentants des producteurs et du commerce des blés. Le communiqué de presse qui en est issu demande au gouvernement « d’assurer rapidement et vigoureusement la répression de toutes les fraudes commises à l’occasion de l’application de la loi de défense du marché du blé ». Le rapporteur au Sénat, le même également que pour la loi de juillet, soutient pleinement la volonté ministérielle : « Ce qu’il faut, c’est d’abord rendre au commerce la possibilité de collaborer à l’application de la loi150. » L’avis de la commission des finances est positif dès lors que « toutes ces mesures techniques sont couvertes par des ressources fournies par le bénéficiaire151 ».
76Lorsque le projet revient à la Chambre des députés, après les quelques modifications du Sénat152, la commission de l’agriculture expédie le débat. En séance, certains orateurs montrent leur intérêt pour le dossier, comme le radical de la Sarthe Jean Montigny ou le communiste Renaud Jean153. Un contre-projet socialiste porté par Georges Monnet pour demander un Office du blé obtient 176 voix contre 236154, et le projet est largement adopté, avec seulement 11 voix contre155. Le débat au Sénat, les 12 et 14 décembre, permet aux spécialistes habituels de s’exprimer sur leur sujet de prédilection. Le texte est adopté par simple mise aux voix, sans détail du scrutin156. Le texte de la loi finalement promulguée157 prévoit donc des modifications en apparence purement techniques, mais qui vont dans le sens d’un renforcement des contrôles et des moyens pour assurer ceux-ci158.
77Certains commentateurs approuvent cette loi de décembre 1933 :
« Telle qu’elle se présentait, cette loi rectificative et complémentaire, si elle était appliquée vigoureusement, était de nature à provoquer à bref délai une décongestion efficace du marché, qui devait assurer l’écoulement plus facile et plus rapide des disponibilités, au prix minimum fixé par le texte du 10 juillet 1933159. »
78Mais la poursuite des travaux parlementaires et le vote de la loi du 17 mars 1934160 amène à douter fortement :
« Cette loi, votée du reste comme les deux précédentes, en fin de session, en séance de nuit, après navette entre le Sénat et la Chambre, par des parlementaires pressés, pourra-t-elle présenter une solution ou une amélioration à la question angoissante du blé et de l’écoulement de cette céréale ? Très franchement, nous en doutons161. »
79Le juriste, auteur d’une étude sur la question, prolonge sa réflexion en expliquant :
« Une fois engagé dans la voie du prix minimum, impossible de s’arrêter, et de tout laisser tomber. Il faut légiférer, décréter, arrêter sans cesse, chaque fois que le besoin apparaît. Il était impossible de penser à tout du premier coup. Tout cela se complique. Le malheur est que, de ce chemin, on ne voit pas le bout. Le génie de l’économie dirigée semble avoir épuisé son imagination dans ce domaine : douanes, contingentement, dumping, subventions, crédits, prix minima, taxes, interdiction d’ensemencer ou de vendre, règlements d’État ou de coopération, que n’a-t-on essayé162 ? »
80Le 18 janvier 1934, un décret prévoit enfin les modalités de constitution et de fonctionnement des comités interprofessionnels prévus à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1933. La chambre de commerce de Paris doit se prononcer pour avis sur la création du comité de Seine et Seine-et-Oise, ce qu’elle fait positivement163. La composition mêle habilement agriculteurs, meuniers, négociants et boulangers. On dispose hélas de peu de procès-verbaux des réunions de ce comité, qui semblent ressembler à de longues plaintes de chaque représentant et à la déploration de la fraude en présence des hauts fonctionnaires des ministères de l’Agriculture et des Finances164.
C. « Le cultivateur est fort mécontent »
81Ces fraudes sont aussi rendues possibles par la complexité des réglementations, un ingénieur agronome parlant, en mai 1934, de « tout ce fatras de paperasserie165 ». L’argument, déjà énoncé dès juillet 1933, se renforce avec l’inflation des textes. En juillet 1934, à la Société d’économie politique, on souligne qu’« il est très difficile, en effet, de se reconnaître dans tous ces articles, qui ont été superposés les uns aux autres comme si leurs auteurs n’avaient eu que le souci de “faire quelque chose” ou plutôt de n’avoir l’air de faire quelque chose », et, citant le docteur Adolphe Javal, de l’Académie d’agriculture, l’orateur continue : « deux méthodes se présentent pour les agriculteurs, bénéficiaires de ces largesses législatives : ou bien passer leur doctorat en droit, ou bien ne pas appliquer les lois » ; « c’est la seconde méthode, ajoute-t-il, qui a été universellement appliquée166 ».
82L’attention du ministre de l’Intérieur est attirée, dans les réactions, sur l’attitude des communistes.
« Les mesures votées par les Chambres pour atténuer la crise du blé sont en général bien accueillies, mais il y a toujours les mauvais bergers – en l’espèce les communistes – qui clament que ces mesures, trop tardives, vont profiter aux gros terriens qui ont eu les moyens de conserver leur récolte, et n’apportent rien aux petits propriétaires, métayers et fermiers qui ont été contraints, parfois pour éviter la saisie, de la vendre à bas prix. Quant à l’augmentation du prix du pain, que ces mesures vont entraîner, elle paraît devoir être acceptée sans récrimination en raison du fonctionnement de la commission de contrôle à l’égard de la meunerie et de la boulangerie167. »
83Le député communiste Renaud Jean semble être la bête noire du représentant de l’État :
« Il n’y a rien à signaler concernant l’état d’esprit des populations urbaines et rurales du département lequel résiste à la propagande politique des adversaires du Gouvernement et plus particulièrement à celle menée par les extrémistes de gauche pour exciter le mécontentement des petits producteurs de blé et des fermiers et des métayers contre les propriétaires. Cette campagne démagogique a été ouverte par le député communiste Jean Renaud (sic) dans sa circonscription et les bruits lancés contre les agissements des spéculateurs qui n’achetaient pas le blé au prix minimum ou n’achetaient qu’à des cours inférieurs se sont amplifiés et répandus dans tout le département, mais il ne semble pas, d’après les renseignements recueillis à ce jour, que des manœuvres délictueuses concertées aient été commises pour faire échec à cette loi dont les producteurs sont en général satisfaits. […] Le député Jean Renaud (sic), qui au cours d’un meeting au marché de Marmande avait mis en cause les acheteurs a été mis en demeure par un minotier de Marmande de préciser publiquement ses accusations et de citer des faits, a été obligé de reconnaître qu’il n’en connaissait pas168. »
84Mais le commissaire spécial reconnaît la difficulté à lutter contre les fraudes :
« Les infractions à la loi sur le prix minimum du blé sont difficiles à découvrir et à réprimer, car les principaux intéressés, les vendeurs sollicitent eux-mêmes les acheteurs à des prix inférieurs au cours légal et ne demandent qu’une chose se débarrasser de leur récolte169. » ; « La mévente du blé continue comme précédemment à préoccuper les producteurs. Pour les ventes de blé effectuées au-dessous du cours légal, malgré la surveillance très active effectuée par le service, en collaboration avec les services des Contributions indirectes et de la Répression des fraudes, il n’a pas été permis jusqu’ici d’établir la fraude, les prix restant basés sur l’évaluation plus ou moins élevée des impuretés par les acheteurs. »
85Voulant se montrer actif, le commissaire spécial note dans son rapport son travail fait avec la Répression des fraudes :
« Mon service, au cours du mois, a pu dresser des procès-verbaux, à l’encontre de plusieurs boulangers et minotiers régionaux, ayant vendu de la farine au-dessous du prix fixé par arrêté de M. le Préfet de Lot-et-Garonne en date du 25 janvier. D’autres affaires similaires sont en cours, et des prélèvements de farine, en collaboration avec les services de l’Inspection de la répression des fraudes du département, ont été faits et envoyés aux fins d’expertises au laboratoire de Bordeaux170. »
86Devant ces difficultés, certains titres de la presse agricole soutiennent ces progrès de l’économie dirigée, non sans en dire les contraintes :
« C’est un fait que depuis le vote de la loi du 10 juillet 1933 l’idée a fait son chemin. S’il reste quelques partisans résolus de l’école de Manchester qui trouvent des appuis certains dans les hautes sphères bancaires et même dans les grandes administrations de l’État le nombre des parlementaires désireux d’aller plus avant dans la voie de l’économie dirigée s’accroît chaque jour. On se rend compte que les demi-mesures ne suffisent plus171. » ; « Il n’est pas possible que des résultats soient acquis pour l’assainissement du marché du blé, si les agriculteurs n’apportent pas à leur application un minimum de volonté, de sincérité et de discipline. Toutes les lois risquent de demeurer inefficaces si ceux, en faveur de qui elles sont votées, ne secondent pas les efforts du gouvernement chargé de les appliquer. Gardons notre sang-froid172. »
87Mais le ministre de l’Intérieur reçoit toujours des témoignages sur l’état d’esprit d’un monde rural parfois hostile à l’attitude du gouvernement :
« Dans les milieux agricoles la situation est également devenue très difficile. Toutes les lois et tous les décrets pris pour la défense des productions finissent par laisser sceptique le paysan qui constate que rien n’est changé, que la mévente se poursuit et que les mois passent sans apporter la moindre amélioration. Ils reprochent au gouvernement de ne pas avoir vraiment une politique de défense agricole, de ne prendre les mesures nécessaires qu’après des hésitations et par conséquent les rendant presque toujours inopérantes. C’est dans ces milieux surtout que des réactions politiques extrêmes seraient à redouter en période électorale173. »
88À Troyes, « le cultivateur est fort mécontent174 », et en Seine-et-Marne :
« Les Meuniers et les cultivateurs continuent à se plaindre de la situation critique du marché du blé qui, déclarent beaucoup d’entre eux, s’aggrave de jour en jour en raison surtout de la position “excédentaire” de la Seine-et-Marne où la fraude sévit et où les marchés se font très au-dessous du prix minimum175. » ; « L’effervescence règne toujours chez les “agricoles” qui ne peuvent que difficilement vendre leur blé176. »
89Il est difficile d’évaluer l’impact réel de ces rapports mais ils témoignent d’un « état d’esprit » des départements auquel les parlementaires sont sensibles.
D. Le regard de la justice
90Mais le ministère de l’Intérieur n’est pas le seul, aux côtés de celui de l’Agriculture, à suivre ce débat. Compte tenu des poursuites permises contre les fraudes, la Justice est concernée. En mars 1934, une circulaire du garde des Sceaux demande au Procureur général un « état des poursuites en cours et des condamnations prononcées dans votre ressort contre les meuniers qui ont vendu pour l’alimentation humaine […] des farines provenant de blés dénaturés177 ». Un bon exemple de l’interaction entre le ministre de l’Agriculture, l’institution judiciaire et le travail parlementaire peut être donné avec une question assez technique exposée en mars 1934. Le ministre de l’Agriculture écrit alors au garde des Sceaux concernant les plaintes contre divers minotiers pour emploi insuffisant de blé reporté de la récolte 1932. Rappelant le cadre de la loi du 10 juillet et les textes de son application178, l’Agriculture affirme que « le maintien des poursuites serait juridiquement fondé », mais que les modifications introduites par la loi du 28 décembre 1933 apportent des éléments nouveaux. « Le Parlement semble avoir voulu à la fois donner un délai de grâce aux délinquants en les autorisant à employer des blés déclarés, en remplacement de blé de report et les pénaliser, en leur appliquant une taxe fiscale forfaitaire179. » Le ministre de l’Agriculture plaide donc pour le non-lieu, à condition que les meuniers se soient mis en règle avant le 1er mars 1934180.
91La loi du 17 mars 1934 et le décret du 17 avril pris en exécution de la loi du 28 décembre 1933 modifient les poursuites. Un texte du garde des Sceaux aux procureurs généraux précise qu’une partie des infractions sont « soumises à la procédure propre à l’Administration des contributions indirectes et peuvent faire l’objet de transactions soit avant, soit après le jugement181 ». Mais ce même texte refuse explicitement le dessaisissement des affaires concernant des faits antérieurs à la loi du 28 décembre 1933 ou des faits réprimés par la loi du 1er août 1905. Et le garde des Sceaux réaffirme en conclusion :
« J’attache le plus haut prix dans l’intérêt de la paix sociale, à ce que rien ne soit négligé pour assurer la stricte observation des lois et règlements édictés en vue de pallier les effets d’une crise qui éprouve durement les producteurs de blé. Cette législation répond à une impérieuse nécessité, il importe en conséquence que toute infraction à ses dispositions soit promptement et énergiquement réprimée182. »
92Une note de la direction criminelle au garde des Sceaux en date du 5 juin 1934 apporte un éclairage particulier sur un point d’importance : « Savoir si les dispositions des articles 419 et 420 du code pénal sont applicables aux meuniers qui ont remis leurs moulins aux mains des pouvoirs publics, sous le prétexte que les prix du blé et de la farine, imposés par la loi, sont pour eux une cause de préjudice et qu’ils ne veulent pas travailler à perte183. » La conclusion de la note est négative au nom du fait que « le marché du blé a été soustrait, par les lois de 1933, aussi bien à la règle économique de l’offre et de la demande qu’au domaine d’application des articles 419 et 420 du code pénal. Ces textes du code pénal étaient destinés à assurer le jeu normal d’une économie libre. Le législateur de 1933, en ce qui concerne le blé, a institué une économie “dirigée”. […] Tenter une conciliation de deux principes économiques opposés et de deux législations nettement contradictoires, apparaît comme une entreprise chimérique ».
93Les meuniers ont déjà protesté face à la prétention de refuser cette fermeture des moulins : suite au congrès extraordinaire de la meunerie du 25 juillet 1934, une communication du garde des Sceaux avait demandé au procureur général de faire ouvrir une information en vertu des articles 419 et 420 du Code pénal et de la loi du 10 juillet 1933. Pour la meunerie :
« le texte de ce communiqué est, à notre avis, une invraisemblable hérésie juridique. […] C’est véritablement une incompréhensible contradiction juridique que d’associer, dans le communiqué du ministère de la Justice, les articles 419 et 420 du Code pénal et la loi du 10 juillet 1933, dont les objets sont exactement opposés. Et nous pourrions dire, sans trop d’exagération, que ce sont les auteurs de la loi du 10 juillet 1933 qui tombent sous le coup des articles 419 et 420, et non les auteurs de la résolution attaquée184 ».
94Le ministre de l’Agriculture reste attentif aux décisions judiciaires et se montre étonné par certaines d’entre elles. Ainsi, en août 1934, une lettre entre les deux ministres revient sur la décision du procureur général d’Angers de ne pas faire appel d’une décision du tribunal d’Angers du 10 mai, concernant des boulangers poursuivis pour achats de blés en dessous du prix minimum. L’argument de défense est que le blé n’était pas de qualité saine, loyale et marchande, et le procureur soulignait la difficulté née de l’absence d’expertise sur ces blés. Le ministre de l’Agriculture constate que ce type d’affaires a « tendance à se généraliser d’une manière abusive et cette situation qui fait gravement échec au prix minimum mérite d’être examinée avec la plus grande attention185 ».
95Une note de la direction criminelle au garde des Sceaux indique que « les minotiers ou courtiers ont à leur disposition un moyen commode de tourner la loi, s’il leur suffit d’invoquer que le blé acheté par eux n’était pas de qualité marchande ». Mais la même note souligne que les demandes du ministère de l’Agriculture sont pour partie sans objet, et se livre à une exégèse des lois du 10 juillet et du 28 décembre 1933. Tout en les critiquant avec virulence (« rédaction défectueuse de ce texte », « l’intention du législateur, bien que fort obscurément réalisée »), il conclut : « il faut convenir que l’Agriculture en dénature singulièrement le sens dans sa lettre186 ». L’attaque est même plus précise, puisque la Justice considère que l’Agriculture ne lui a rien répondu sur la question de « la difficulté de la preuve de l’infraction » mais seulement des considérations sur « l’interprétation de la loi » et, comme cette interprétation est divergente entre les deux ministères, les services du ministère de la Justice rappellent : « ni le Ministère de l’Agriculture, ni la Chancellerie, n’ont qualité pour trancher une question de cet ordre. Cela est du domaine des Tribunaux seuls, sous le contrôle, souverain de la Cour de Cassation ». La note précise enfin que la loi du 9 juillet 1934 a comblé « la lacune manifeste de la loi de 1933 », et elle indique donc l’inutilité d’adresser des instructions aux procureurs. Or, ce raisonnement juridique exigeant est contrebalancé par une annotation manuscrite datée du 6 septembre 1934 et, semble-t-il, signée du garde des Sceaux : « Je ne suis pas de l’avis exprimé dans la note ci-dessus. J’estime, au contraire, qu’il faut envoyer aux procureurs généraux des instructions dans le sens de la lettre du ministre de l’Agriculture, à qui vous ferez connaître ma décision187. » La décision politique l’emporte ici sur la démonstration théorique.
96La collaboration entre les deux ministères passe par le partage de l’information. Un courrier du procureur général de Colmar au garde des Sceaux, demandant si, sur un cas précis, il y a lieu de requérir une ordonnance de non-lieu, est annoté : « transmettre le double de ce rapport à l’agriculture demandant à ce département de vouloir nous faire connaître si les conclusions du PG Colmar soulèvent qq objections de sa part188 ».
97L’Agriculture demande aussi des informations pour pouvoir répondre à des interpellations de parlementaires. Ainsi, le sénateur Boret avait déposé, le 14 novembre 1933, une question écrite (la n° 2312) demandant « le nombre des sanctions prononcées pour infraction à la loi du 10 juillet 1933 fixant un prix minimum pour le blé, avec indication des localités où résidaient les délinquants, l’importance des peines prononcées pour chaque infraction189 ». Une question écrite du même type est posée le 4 août 1934 par le député Maurice Dormann (n° 9525), et également renvoyée sur la Justice. Le projet de réponse daté du 27 août indique 205 poursuites, dont 60 condamnations et 108 affaires encore en cours. Dans le même dossier du ministère de la Justice, on trouve un « état statistique » des poursuites daté du 28 mai 1934. Le tableau distingue différents éléments : pour l’insuffisance d’emploi de blé de report, 91 affaires190, dont 43 encore en cours et, pour les affaires terminées, 14 non-lieux, 6 relaxes et 27 condamnations ; pour les achats au-dessous de cours légal : 54 affaires, dont 43 en cours, et, pour les affaires terminées, 3 non-lieux, 2 relaxes et 6 condamnations ; pour l’emploi de blé dénaturé pour l’alimentation humaine : 2 affaires en cours ; pour l’emploi d’étiquettes non réglementaires : 3 condamnations (contravention de simple police) et 10 affaires en cours.
98Les dossiers conservés dans les archives permettent cependant de se rendre compte de la difficulté et de la rareté des poursuites effectives191. Les cas les plus notables sont ceux où se jouent des interactions entre administrations. Le garde des Sceaux écrit ainsi au ministre de l’Intérieur, à l’automne 1934, suite au rapport du préfet d’Eure-et-Loir sur la situation créée dans les milieux agricoles de son département « par la lenteur apportée à la solution des infractions à la loi fixant le prix minimum du blé » :
« J’ai l’honneur de vous informer que j’ai toujours surveillé avec la plus rigoureuse attention l’application des lois sur le marché des blés et que je n’ai pas manqué de rappeler à MM. Les Procureurs généraux, notamment par mes circulaires des 13 février, 6 mars, 31 mars, 4 mai, 26 mai, 4 septembre 1934, l’intérêt primordial que je n’ai cessé d’attacher à la répression énergique des infractions relevées. […] En résumé, je n’ai cessé, à aucun moment, de porter sur l’application des lois et décrets relatifs au marché du blé, mon attention la plus vigilante, n’ignorant rien des répercussions que pourrait entraîner une application insuffisamment stricte de la loi, je continuerai de veiller à ce que l’action publique soit exercée sans faiblesse192. »
99La meunerie apparaît souvent comme un élément majeur du problème :
« Cette organisation industrielle et bancaire a conquis une situation prépondérante. Elle est maîtresse du marché du blé, et de la bourse du commerce, elle exerce sur l’importation et l’exportation du blé un contrôle absolu que tente de brider l’action timide du législateur. Elle est toute-puissante, et ses avis et critiques sont plus écoutés que les plaintes des paysans et des consommateurs193. »
100Mais la réponse des meuniers est vive face à ce qui est vécu comme une stigmatisation de la profession. Certains réclament que les préfets prennent leur responsabilité en taxant farine et pain en fonction du cours légal du blé (ce que les préfets ne veulent pas car cela augmenterait possiblement le prix du pain) :
« M. Daumay, président du syndicat de la Meunerie de la Somme est intervenu lors d’une récente réunion de Conseil de Direction de la Meunerie Française pour faire la déclaration suivante : “J’ai acquis la certitude que les Pouvoirs publics se rendant compte que la loi était inapplicable, étaient décidés à tolérer la fraude, quitte à faire des procès au hasard pour donner satisfaction au monde agricole. Puisque nous payons patente pour exercer notre industrie, ou le Gouvernement est décidé à fermer les yeux et nous voulons en avoir l’assurance formelle, ou il veut le respect de la loi et, dans ce cas, nous demandons que les Préfets taxent la farine et le pain à un taux correspondant au cours légal du blé”194. »
101La meunerie dénonce « l’économie dirigée » : « Revenons, s’il est encore temps, à la loi séculaire de l’offre et de la demande. Il faut que la libre concurrence, dans la liberté commerciale, reste le gage du bonheur du genre humain195. »
102La meunerie est parfois lyrique pour décrire sa situation face à la loi :
« Le mot crise conviendrait mieux pour qualifier la situation cruciale qui a été réservée à la meunerie par la législation sur le blé et par l’application qui en est faite. “Frauder ou mourir !” ; c’est bien – sans aucun tabarinage – le sort qui attend la meunerie. Le résultat des trois lois sur le blé tient tout entier dans deux mots : la ruine ou le déshonneur. Splendide couronnement d’un travail parlementaire que nous avons, dans ces colonnes, qualifié depuis quelques mois déjà, tandis que nous suivions, rempli d’inquiétude, les nochers de l’Économie dirigée et les évolutions de la péniche étatiste que l’on conduit ver le noir Styx. Acculée à la ruine ou aux manœuvres frauduleuses, la meunerie a envisagé la seule solution possible : la fermeture. Et c’est la seule mesure convenable qu’un esprit sain et clairvoyant puisse accepter, puisqu’on lui refuse la liberté, c’est-à-dire la faculté de travailler suivant les lois généreuses de la concurrence, en accord avec les données de l’offre et de la demande196. »
103Au-delà des grandes déclarations de principe, la presse professionnelle de la meunerie assure un suivi très précis de la jurisprudence à travers les décisions successives. Un arrêt du 6 décembre 1933 à Mayenne précise certains éléments d’application de la loi :
« 1° L’acheteur ne peut prétendre qu’il a acheté le blé en vue d’une dénaturation si, au moment de l’achat, il n’avait pas obtenu l’autorisation du ministre de l’Agriculture, de telle sorte qu’il ignorait dans quelle mesure il serait fait droit à sa demande. 2° Il doit en outre préciser devant les tribunaux le pourcentage et la composition des impuretés du blé acheté s’il veut bénéficier des réductions proportionnelles fixées par l’arrêté. 3° Enfin il n’y a point, pour la France, de poids spécifique au-dessous duquel le blé n’est plus considéré comme marchand197. »
104Il faut noter que la presse judiciaire retranscrit le jugement en le considérant comme « fort bien motivé » et « rendu en conformité absolue de la loi du 13 juillet 1933198 ».
105Les commentaires de cette jurisprudence se font critiques :
« La rigueur du style des jugements et la ressemblance de leurs “attendus” peuvent cacher à nos lecteurs l’inquiétude des magistrats dans la répression de ces infractions. Car il est bien évident que nos juges n’appliquent point les lois avec un pur automatisme et qu’afin d’être justes ils recherchent les circonstances qui ont favorisé ou accompagné un délit. Aussi, dans l’application d’une loi, comme celle du 10 juillet 1933, qui touche aux points les plus sensibles de notre économie nationale, et, pour demeurer actuels, de la crise, les tribunaux doivent-ils recueillir les doléances de nos paysans que cette loi voulut pourtant protéger. C’est ainsi que, le 11 mai dernier, M. G… avait acheté des blés au-dessous du cours légal, en moyenne de 94 à 97 francs le quintal. Ses vendeurs, des paysans de la Beauce, cités à la barre, vinrent unanimement exposer au Tribunal les raisons de leur insoumission à la loi : La récolte ayant été particulièrement belle pour 1932-1933, la loi de l’offre et de la demande joua plus que jamais. Ne pouvant écouler leurs blés, les paysans, manquant d’argent, cherchèrent à les vendre à des prix inférieurs au tarif fixé par la loi. Ne trouvant aucun acquéreur au prix légal, M. G…, bien qu’achetant à un prix inférieur, fut pour eux un acheteur providentiel et bien loin d’avoir songé à porter plainte contre lui, ils le remercient et se félicitent de ces marchés. Ainsi, les victimes supposées des infractions à la loi vinrent remercier leur auteur à la barre du Tribunal correctionnel ! Et le Procureur de la République, complétant par son réquisitoire indulgent l’allure paradoxale de cette audience, s’éleva contre les difficultés d’application d’une loi dont se plaignent ceux-là mêmes qu’elle devait protéger. Les résultats de cette audience étaient attendus avec impatience par les cultivateurs de la Beauce. Le jugement fut rendu le 1er juin et condamna M. G… à payer 356 787 francs, somme égale au quintuple des réductions de prix dont il profita, et 3 000 francs d’amende, c’est-à-dire 21 000 francs si l’on y ajoute les “décimes” budgétaires, plus, enfin, diverses amendes fiscales pour lesquelles le sursis lui a été accordé199. »
106Les attendus du jugement du 1er juin 1934 du tribunal correctionnel de Chartres révèlent l’ambiguïté de la situation, car, si « les faits reprochés à Guilloteau sont surabondamment établis par l’information, les débats et les aveux mêmes du prévenu », « Guilloteau portait dans sa comptabilité des prix fictifs » ; dans le même temps, « il résulte de l’ensemble des témoignages de nombreux cultivateurs, recueillis tant au cours de l’information qu’à l’audience, qu’en réalisant ces achats à des prix inférieurs à ceux du cours légal, Guilloteau, dans la plupart des cas, était non seulement d’accord avec ses vendeurs, mais qu’encore il ne faisait que céder à l’offre de cultivateurs pressés de vendre leur récolte pour payer leurs dettes et faire face à leurs obligations », et qu’ainsi, « les renseignements recueillis sur Guilloteau lui sont très favorables ; qu’il y a donc lieu de prononcer une peine d’amende et de la modérer en tenant compte des amendes fiscales200 ».
107Il semble que cette affaire spécifique connaisse un certain retentissement. Lors d’un débat à la Chambre des députés en mai 1934, plusieurs parlementaires interpellent le ministre de l’Agriculture :
« Je regrette qu’un procureur de la République ait pu dire que “les payements des coopératives ressemblaient un peu aux acomptes de l’Allemagne” […] Que pensez-vous également de ce ton railleur d’un président qui demande à un témoin ayant vendu du blé au prix légal : un phénomène, évidemment ! – “Comment vous a-t-on payé ? En argent ou en bons de Bayonne”201 ? »
108Et Max Hymans ajoute :
« Dans une affaire récente, à Chartres, nous avons vu un procureur de la République demander lui-même l’indulgence pour un fraudeur, parce que, disait-il, tout le monde fraude. Et il ajoutait : Si celui-là a fraudé, il l’a fait moins intelligemment. Il aurait pu truquer factures et livres. C’est parce que ses livres étaient sincères qu’on a pu le prendre. Est-ce admissible202 ? »
109Le socialiste Albert Rivière, quelques jours après, reprend l’attaque :
« La vérité est que la loi n’est plus observée, vous le savez. Hier, c’était en se cachant que l’on fraudait. Aujourd’hui, c’est ouvertement, presque par bravade. On se moque de toutes les menaces de sanctions. Peut-il en être autrement quand un procureur de la République – celui dont on a déjà parlé ici – peut se permettre, sur les législateurs et les lois, les propos et les appréciations que vous connaissez sans qu’immédiatement et automatiquement des sanctions soient prises ? Un pareil scandale est sans retard exploité, dans tous les départements, par ceux que le prix minimum a gênés203. »
110Le sénateur d’Eure-et-Loir Jacques Benoist écrit au garde des Sceaux semble-t-il pour demander le déplacement de ce procureur de Chartres204. La meunerie s’en fait même ironiquement l’écho pour déplorer cette politisation : « Concluons-en simplement qu’il est fort difficile aux législateurs, même sagement animés, de contenter tout le monde, surtout dans le domaine économique qui se soumet difficilement à d’autres lois que celle de l’offre et de la demande205. »
E. Les négociations interprofessionnelles
111Dans le cadre de ces débats sur l’application des lois de 1933 et les problèmes de la fraude, une initiative originale est prise au printemps 1934 par la chambre de commerce de Paris : la réunion d’une conférence interprofessionnelle du blé – elle faisait écho à celle prise par des parlementaires et des syndicalistes agricoles un peu plus tôt206. Cette conférence tient alors une dizaine de séances et réalise une série de notes et de démarches auprès des autorités publiques207. Le choix est fait de réunir des figures influentes pour la négociation208. À la première séance, le 12 avril, Garnier remercie et justifie cette réunion « par la situation dans laquelle se trouve le commerce du blé, situation dont les conséquences sont infiniment funestes pour tous les intéressés au commerce du blé, depuis les agriculteurs jusqu’aux meuniers et aux négociants209 ». Sa position est prudente, mais il espère l’établissement d’« une doctrine commune » qui « aurait, vis-à-vis des pouvoirs publics, une importance considérable ». Faure indique pour les agriculteurs qu’il est disposé « à entrer dans la voie de la conciliation ». Israël se présente comme représentant « le commerce honnête, le commerce qui ne peut plus travailler. Dans le commerce des grains, il n’y a plus rien à faire, parce que nous ne pouvons pas éviter les gangsters. Les lois ne sont pas suffisantes. »
112L’intervention de Chasles pour la meunerie est aussi tout en nuances ; il établit une distinction entre trois types de meuniers : ceux « qui ont commencé à frauder au début et qui ont largement gagné leur vie, pour ne pas dire plus », ceux « qui, n’ayant pas la fortune nécessaire, ayant des charges de famille, se sont trouvés acculés à frauder par nécessité », et enfin ceux qui « avaient davantage les moyens de résister et qui, étant riches, sont restés honnêtes ». Il se présente ensuite lui aussi comme « conciliateur210 ». Guignard, représentant du commerce, est plus radical en indiquant :
« il n’y a pas de contrôle possible. Il y a la base de toute la législation actuelle, celle qui a été faite depuis le mois de juillet des erreurs telles qu’il n’y a pas de contrôleurs, qu’il n’y a pas de gendarmes qui puissent aller contre les faits et contre la marchandise. Ce prix minimum unique pour toute la France, pour tous les blés, c’est une hérésie économique, et aucun contrôle ne peut aller contre une telle erreur. »
113Le premier débat qui s’engage pour résorber les excédents de la récolte de 1933 porte sur le taux de blutage, mais malgré la volonté exprimée de sérier les questions, très vite les exportations et la dénaturation sont remis dans la discussion. Sur la dénaturation, refusant d’être seul accusé, Chasles intervient vivement :
« La dénaturation a entraîné une perte assez considérable pour le Trésor, parce que de nombreuses personnes qui ont dénaturé en ont profité que ce soient les cultivateurs, les meuniers ou autres. Par conséquent, si le Gouvernement a dépensé 200 millions, il a bien perdu là-dessus 150 millions. Bref, chacun a sa part de responsabilité dans l’affaire. »
114Chasles, qui s’était réuni avec les différents meuniers la veille de ce débat, fait aussi part des tensions internes de la profession entre gros et petits…
115Il interpelle à certains moments les représentants professionnels qui sont aussi sénateurs, mais il s’attire très vite la réponse de Patizel : « Je crois qu’il faut nous en tenir à ce qui existe actuellement. Si vous conditionnez l’entente que nous recherchons par des mesures législatives à prendre, il n’y a rien à faire ». Le débat porte sinon surtout sur les modalités de contrôle et l’éventuelle création d’acquits de circulation de blé ou de farine. Face à une discussion pointue et parfois heurtée, il arrive à Garnier de recentrer le débat et de manifester une pointe d’irritation :
« Si les meuniers trouvent qu’à l’heure actuelle tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, nous n’avons pas besoin de continuer cette conversation. Comme ils se plaignent énormément, nous cherchons un terrain d’entente et un terrain d’entente qui soit solide. Pour arriver à un contrôle efficace, il faudra bien qu’on se plie à certaines nécessités. »
116Chasles lui répond d’ailleurs : « On va encore se fier au prix minimum ; on a encore des illusions sur ce prix minimum, alors qu’il n’est pas viable. On aura encore des désillusions. Je suis obligé de le dire en passant. » Et Garnier reprend : « Nous le notons aussi en passant. » Le débat sur les exportations n’est pas moins vif et les intérêts contradictoires s’expriment vivement – y compris sur l’éventualité de ne pas respecter le prix minimum pour du blé exporté – ; il est plus technique sur les méthodes efficaces de dénaturation et sur celles de contrôle de la qualité des blés et farines.
117Une nouvelle réunion se tient le 18 avril, en prélude à une audience accordée le lendemain par le ministre de l’Agriculture à l’ensemble des négociateurs. La réponse de Queuille aux propositions présentées par Garnier est particulièrement prudente, car il semble se défier quelque peu de cette initiative interprofessionnelle. Les séances de travail reprennent le 26 avril, les 1er, 15, 22, 23 et 29 mai, 4 et 19 juin211. Sont traitées la question des blés de reports de 1933 et l’organisation pour la récolte de 1934. Dans ce contexte, le négociant Edmond Israël écrit une lettre à Henri Garnier, le 4 mai, dans laquelle il pousse un « cri d’alarme » face à la situation et ajoute : « Je ne voudrais pas que le Comité interprofessionnel que vous présidez avec une impartialité et un talent qui vous font honneur, endosse la moindre responsabilité. Il faut la laisser au Parlement. » La réunion du 19 juin est consacrée à une étude du projet de loi déposé par le gouvernement. Une note établie le 21 juin se montre sévère :
« Le projet gouvernemental diffère donc des solutions sur lesquelles les professionnels s’étaient mis d’accord. […] Regrettant que le projet gouvernemental n’accorde pas à l’aspect technique du problème sa véritable importance et que, malgré les leçons de l’expérience, il fasse encore du prix minimum la mesure fondamentale, la Conférence interprofessionnelle croit devoir maintenir intégralement le programme qu’elle avait préconisé212. »
118En parallèle du travail en séance, de nombreuses notes et courriers sont adressés au président du Conseil et aux différents ministres. Les accords obtenus sont souvent assez limités, mais l’initiative est intéressante et montre la bonne conscience de l’enjeu interprofessionnel chez les différents acteurs. On voit aussi que, malgré les oppositions d’intérêts, nombreux sont ceux qui acceptent des formes de contrôle rénovées et renforcées. Une autre initiative mérite d’être signalée ici, celle de Joseph Carret, qui publie au premier semestre 1934 un volume de 715 pages intitulé Le marché du blé. Sa réglementation en France213. Le livre se veut une présentation neutre des textes organisant le marché depuis la loi du 1er décembre 1929 jusqu’à celle du 17 mars 1934. L’auteur explique ainsi son projet : « Le nombre et la complexité des textes régissant la matière nous a suggéré l’idée d’exposer et de commenter dans un ordre logique, les dispositions législatives et réglementaires relatives au Marché du blé214. »
119La présentation se veut très descriptive, le seul commentaire de l’auteur est donné à la fin de sa brève introduction :
« Il faut d’ailleurs espérer que, si des circonstances véritablement anormales ont rendu indispensable l’application de mesures qui portent momentanément atteinte au libre jeu des lois économiques, le rétablissement d’un juste équilibre entre les disponibilités de la production et les besoins de la consommation pourra permettre, sinon le retour à la liberté complète, tout au moins une sensible atténuation de la réglementation actuellement en vigueur, notamment en ce qui concerne la fixation d’un prix minimum pour la vente du blé215. »
120Carret est par la suite le rédacteur en chef de La Revue du blé et de la meunerie, revue mensuelle lancée en juin 1934.
F. Interpellations parlementaires et nouvelle loi
121À partir du 29 mai 1934, débutent à la Chambre des députés plusieurs interpellations relatives à la politique agricole du gouvernement. Au Sénat, avait été déposée dès le 17 mai une proposition de loi assez énergique dont l’exposé des motifs précise : « Il faut qu’on en finisse avec ces demi-mesures dont les résultats incertains, insuffisants n’apportent que mécomptes et augmentent sans cesse le mécontentement des producteurs de blé216. » Le ministre, en réponse, demande la discussion immédiate d’un projet de loi relatif à la défense du marché du blé de la récolte de 1933 par l’intermédiaire de la Caisse nationale de crédit agricole. Les orateurs sont nombreux, et la plupart attaquent le ministre à propos de la non-application des lois. Maurice Dormann, élu de gauche de Seine-et-Oise (circonscription céréalière d’Étampes), ouvre le feu et attaque la succession des lois : « Notre façon de travailler, en voulant perfectionner un outil mauvais ne nous a fait arriver à rien. D’avoir voulu remettre seulement quelques pièces à une loi mal venue, nous arrivons à faire tout craquer217. » Il revient sur la loi de juillet 1933 en indiquant tous les espoirs déçus dans le monde agricole : « Cette loi du prix minimum du blé était une loi de promesses : promesse de prix, promesse d’écoulement. Prenons garde ! Nous ne tenons pas ces promesses, ni l’une ni l’autre. Et de ce fait, nous détruisons la confiance218. » Il indique enfin que le gouvernement semble attendre des intempéries pour une mauvaise récolte permettant de résorber les excédents et de refaire monter les cours et à son interpellation, « On a eu tort d’attendre des améliorations possibles de la part du ciel », lui répond, faisant sourire la Chambre, un autre député, Pierre Colomb, en ironisant : « Gouverner, c’est pleuvoir219 ! »
122Queuille répond en rappelant toutes ces réserves envers la loi de juillet 1933 :
« Lorsqu’il a été question, pour la première fois, de la fixation d’un prix minimum, il y a quelqu’un qui a fait des réserves, qui a indiqué très nettement que l’adoption de ce prix, accepté par lui dans des circonstances exceptionnelles, aurait un effet si les agriculteurs restaient disciplinés, mais qu’il ne serait pas respecté si les 3 millions de vendeurs de blé ne faisaient pas un effort d’organisation professionnelle et de défense solidaire leur permettant de tirer parti de la loi. C’est moi qui ai présenté le plus de réserves à ce moment220. »
123Le socialiste Hymans interpelle sur plusieurs points : « a) les violations répétées de la loi sur les blés, b) l’inaction des ministres responsables en ce qui concerne l’application des mesures décidées, mais non appliquées, en dépit des décrets et circulaires divers ; c) les conséquences graves qui en résultent pour l’agriculture221 ». Sa première attaque concerne également le rythme du travail gouvernemental et parlementaire : « Il est à craindre que, comme l’an dernier, nous soyons, à la dernière extrémité et d’urgence, obligés de voter des textes que le Gouvernement acceptera tout en faisant des réserves et qu’il n’appliquera qu’avec indécision et mollesse222. » Ses critiques se portent ensuite sur l’administration de l’Agriculture :
« Si l’on veut faire de bonnes lois et si l’on veut que celles-ci soient appliquées, il est essentiel que l’administration centrale du ministère de l’Agriculture soit entièrement rénovée, sans quoi les textes resteront lettre morte et le pays perdra comme il est en train de le faire, toute confiance dans les lois votées223. »
124Et il fait enfin le constat du non-respect de la loi :
« Il y a donc, Messieurs, deux cours du blé et de la farine : le cours légal, qui n’est pas appliqué, et le cours que l’on appelle couramment le “cours gangster”. Il y a le “blé gangster”, il y a la “farine gangster” et nous ne mangeons que du “pain gangster”, mais que nous payons au prix correspondant à celui que se vendrait le blé s’il suivait la taxe224. »
125Mais Hymans poursuit ses attaques en dénonçant un cas de corruption et en expliquant qu’il y a un cas où le blé a certes été vendu au prix légal :
« Cette troisième catégorie de blé pourrait s’appeler le “blé Bergery”. C’est le blé récolté dans l’arrondissement de Mantes, qui a été acheté au cours légal, pour favoriser l’élection du candidat du Gouvernement contre M. Bergery. C’est un peu effrayant ; car si nous sommes bien renseignés, M. Chasles, président de l’association de la meunerie française et directeur des moulins de Pantin, s’en va répétant que les grands moulins ont acheté pour être agréables au Gouvernement225. »
126Le socialiste Georges Monnet surenchérit sur ce point dans la suite du débat, et il cite une correspondance reproduite dans le numéro du 31 mai du Bulletin des Halles, « le journal dans lequel s’exprime la grande minoterie capitaliste, la grande spéculation de la Bourse de Paris226 ». Dans cet article, Chasles répond à une demande de Jacques Benoist, sénateur d’Eure-et-Loir, qui s’interrogeait sur le choix d’avoir privilégié l’achat des blés de l’arrondissement de Mantes, de la manière suivante : « En ce qui concerne certaines coopératives de la région de Mantes auxquelles nous aurions pris du blé, c’est exact. La raison en est que ces coopératives nous ont livré du blé qui ne faisait certes pas de la farine plus blanche, mais tout simplement plus nationale227. »
127Le socialiste Paul Rives fait une longue déclaration pour défendre le prix minimum, même s’il se montre critique de « cet ensemble législatif dont il est impossible, à la vérité, de masquer l’opportunisme maladroit, le fouillis désordonné228 ». Puis le socialiste Vincent Auriol intervient dans le débat et, usant de la prétérition, prend d’abord vivement à partie la grande meunerie : « Je ne dirai pas non plus que nos efforts seront vains tant que le grand capitalisme de la spéculation et de la haute minoterie pourra, par des ruses, par des détours nombreux, se jouer de vos lois, déjouer vos calculs et démolir vos projets229. » Il entre ensuite dans les détails d’une affaire liée à sa circonscription de Haute-Garonne. Il cite des extraits d’une lettre du président du syndicat départemental de la meunerie à l’ensemble des meuniers de son ressort :
« Il a été également question de la contribution qui nous a été réclamée par l’Association de la meunerie française, pour participer à la campagne de presse qui va être faite en faveur du retour à la liberté du prix des blés, à partir du 1er août prochain. (Exclamations à l’extrême gauche et à gauche). La caisse du syndicat payera une partie de la somme et l’autre partie sera payée par cotisation personnelle, au prorata du chiffre théorique de la production de chaque moulin, sur la base de 50 centimes par quintal230. »
128Et Auriol conclut : « Vous êtes prévenu, Monsieur le ministre. Laisserez-vous faire ? » Le ministre de l’Agriculture saisit d’ailleurs par courrier le garde des Sceaux sur cette affaire231.
129Toujours pour les socialistes, Monnet poursuit l’interpellation et insiste :
« Il faut choisir : ou bien on déclare que l’intervention de l’État sur le marché du blé est inutile et même néfaste, et il convient alors de s’opposer à toutes les lois qui procèdent de l’esprit qui avait animé ceux qui ont voté la loi du 10 juillet 1933 ; ou bien on affirme, au contraire, qu’il y a dans l’organisation actuelle des lacunes, que nous avions à l’avance signalées, que la loi du 10 juillet 1933 indiquait une direction plutôt qu’elle constituait une organisation, et, pour ces raisons, nous pouvons nous rallier au vote demandé232. »
130Il attaque aussi vivement la spéculation : « La fraude, aujourd’hui, est double. Elle s’exerce, à la fois, sur le prix du blé acheté très au-dessous du cours légal et sur le taux de blutage, le meunier tirant beaucoup plus de farine qu’il n’en a le droit233. »
131La réponse du ministre Henri Queuille est intéressante, car elle insiste sur les difficultés du contrôle :
« Que contre une réglementation qui gêne on essaye de se dresser, c’est tout à fait normal, comme il est normal qu’on mène dans la presse une campagne pour atteindre le ministre de l’Agriculture, qui a accepté la loi du prix minimum et qui l’applique avec des moyens insuffisants, avec une administration et des fonctionnaires qu’il a soumis à une très rude épreuve parce qu’il faudrait reconstituer non seulement la direction des céréales qui existait au ministère du Ravitaillement pendant la guerre, mais tous les bureaux permanents, si l’on voulait que l’application de cette loi soit partout surveillée par l’administration comme elle devait l’être. Nous avons fait pour le mieux, avec des moyens d’infortune que la misère de l’état présent imposait, sans avoir le désir de heurter tel ou tel intérêt, mais – je réponds ici à ce que disait M. Monnet – sans crainte aussi de certaines attaques et, qu’on le sache sans plier, devant elles234. »
132Et en « homme de conciliation », comme il se définit lui-même, il conclut :
« Il y a, au moins provisoirement, lieu de maintenir une législation spéciale en raison de la situation exceptionnelle. Nous essayerons d’établir un régime qui, pour certains, sera provisoire, qui, à d’autres, paraîtra insuffisant et ne leur semblera qu’un pas vers un statut définitif qui serait plus étatiste encore235. »
133À cette même date, est déposée une proposition de loi demandant la création d’un office professionnel des céréales, mais dans une optique corporatiste très opposée aux projets socialistes236. Le même jour est également déposée une proposition de loi par plusieurs députés concernant l’admission temporaire237.
134Le débat se prolonge autour d’attaques de plus en plus vives contre les spéculateurs. Le radical Camille Ferrand s’exclame même : « Pour les fraudeurs, on ne devrait pas parler d’amendes, mais d’exil, de bagne. L’exemple serait salutaire. Ainsi, vous feriez respecter la loi. Vous feriez encore plus aimer la République238. » Queuille se défend en plaidant que « toutes les fraudes qui [lui] ont été indiquées, [il] les [a] immédiatement signalées au parquet, qui a la charge de les instruire, d’administrer la preuve du délit et de prononcer les peines légales239 ». Le député socialiste de la Creuse Albert Rivière reproche au gouvernement de rester sur une position intermédiaire insatisfaisante :
« On ne fait pas sa part à l’économie dirigée. Je serais presque tenté d’être de l’avis d’un orateur de l’autre côté de l’Assemblée qui disait il y a quelques jours à cette tribune : “Réalisez l’office du blé, ou bien laissez faire la liberté du commerce.” J’espère que vous tiendrez bon pour la première position et que vous ne remettrez pas le sort de l’agriculture entre les mains des dieux au gré des circonstances atmosphériques240 ».
135Queuille se défend en indiquant que l’équipe des contrôleurs mis à la disposition par les Contributions indirectes s’organise et voit ses effectifs augmenter :
« Nous aurons ainsi une organisation administrative permettant une meilleure application des mesures prises par le Parlement. J’espère qu’alors certaines critiques qu’on nous adressait à juste titre pour n’avoir pas rempli la tâche particulièrement lourde qu’on nous avait confiée sans d’ailleurs nous avoir donné immédiatement les moyens de la remplir, n’auront plus lieu d’être formulées. En possession des moyens nécessaires, nous serons en mesure de poursuivre notre effort dans des conditions plus favorables que par le passé241 ».
136Le communiste Renaud Jean intervient dans le débat pour défendre les « paysans », et il cherche en particulier à concurrencer l’agitation d’extrême droite dans les campagnes en liant prix du blé, fermages, dettes et impôts :
« Résistez partout et par tous les moyens aux ventes de paysans, victimes de la crise. Imposez ainsi le moratoire de fait, préface indispensable au moratoire légal. N’acceptez, sous aucun prétexte, de vendre votre blé au-dessous du cours. Offrez au propriétaire, à l’État, aux créanciers, de payer vos fermages, vos impôts, vos dettes, avec du blé évalué au cours légal. Et s’ils refusent, ne les payez pas242 ! »
137Avant la clôture des débats sur ces interpellations, Queuille reprend longuement la parole pour justifier son action et rappelle sa réticence lors du vote de la loi de juillet 1933 sur le prix minimum :
« Messieurs, il s’est alors posé pour moi un problème de conscience redoutable, beaucoup d’entre vous le savent. Je pensais que l’application du prix minimum, le respect de ce prix, avec des moyens insuffisants pour assurer ce respect, tout cela pouvait exposer l’homme qui aurait la responsabilité de l’application de la loi à des critiques, car l’application devait être fatalement imparfaite. […] Lorsque, dans de telles conditions et sous de telles réserves, j’ai appliqué la loi, je savais très bien, si je restais au ministère de l’Agriculture, le sort qui m’attendait243. »
138Pour justifier le refus socialiste de voter un ordre du jour radical de confiance, Monnet prend la parole contre Queuille :
« Nous trouvons votre attitude quelque peu contradictoire, selon que vous vous tournez vers nous ou vers les éléments les plus réactionnaires de votre majorité. Répondant à M. Thellier, qui réclamait la liberté du commerce – que nous appelons, nous, la liberté de la spéculation – vous lui avez dit, en effet : il est nécessaire de prévoir au moins des étapes vers le retour à la liberté. […] De quel côté penche votre préférence : du côté de l’organisation collective des marchés ou du côté de la défense capitaliste244 ? »
139L’ordre du jour est finalement largement voté (430 pour, 125 contre).
140Une nouvelle proposition de loi avait été déposée le 7 juin par les défenseurs de l’agriculture245. Le Sénat a aussi participé à ce débat par le biais de ses spécialistes de l’agriculture. Le rapport, déposé le 31 mai, n’allait pas dans le sens des positions de la Chambre, puisque Borgeot expliquait que la « commission pense qu’il faut mettre un terme à la législation sur le blé. Elle croit que les dispositions déjà votées sont susceptibles d’assurer l’organisation définitive de la production246 ».
141La crainte d’une perte de confiance de la population est assez bien relayée, dans cette année marquée par l’antiparlementarisme, par certains périodiques agricoles. Ainsi, L’Agriculture nouvelle n’hésite pas sur ces termes : « Les interpellations sur la crise agricole ont pris fin. Je ne prétends pas que tout ce qui a été dit à cette occasion soit inutile, mais je pense que ce flot d’éloquence parlementaire aurait pu nous être épargné sans aucun inconvénient247. »
142Le projet de loi déposé le 14 juin n’est pas novateur ; son exposé des motifs explique :
« dans son ensemble, le projet de loi qui vous est présenté complète les dispositions que vous avez déjà votées sur l’organisation et la défense du marché du blé et les rend applicables à la récolte de 1934. Plus particulièrement, il vise au maintien du prix minimum, à l’organisation du report des blés de la récolte de 1933, à la réglementation éventuelle et à l’échelonnement des ventes de ces blés, au financement des blés de report et à la protection du marché des céréales secondaires248 ».
143La Commission de l’agriculture de la Chambre s’était ressaisie de la question depuis plusieurs semaines et avait auditionné de nombreux représentants professionnels. Dans l’ensemble, les débats sont assez calmes, même si Camille Briquet marque sa désapprobation et se démet de ses fonctions de rapporteur « car le Gouvernement n’apporte qu’un texte fragmentaire ne tenant aucun compte des travaux de la sous-commission249 » (qui avait été créée au printemps au sein de la commission de l’agriculture). La loi finalement promulguée le 9 juillet reconduit donc le dispositif de 1933 pour la récolte de 1934250. Le crédit dont dispose le gouvernement est porté à 500 millions (article 13) et, sur des détails, le principe du prix minimum est assoupli et, surtout, il est fixé par arrêté du ministre de l’Agriculture. Un arrêté du 13 juillet fixe le prix minimum à 108 francs pour un poids spécifique de base de 74 kg.
144Certains agriculteurs restent dubitatifs par rapport à l’efficacité de ce nouveau dispositif. La chambre d’agriculture du Pas-de-Calais émet, au cours d’une session tenue au début du mois, un vœu par lequel elle indique clairement que « considérant que la loi du 10 juillet 1933 n’a pas été respectée, mais totalement bafouée ; […] [elle] demande à M. le Préfet et au gouvernement de résister aux arguments de la chambre syndicale de la meunerie ; émet le vœu que la loi soit appliquée intégralement et que M. le Préfet réquisitionne, s’il y a lieu, les moulins nécessaires à la production de la farine et du pain pour assurer l’alimentation de la population du département251 ».
145Certains commentateurs s’inquiètent d’un nouvel échec de cette loi du 9 juillet 1934 : « Il est à craindre que ce nouveau texte ne se traduise par une nouvelle et cruelle désillusion des masses agricoles dont les conséquences seraient redoutables252 ». À la Société d’économie politique, on reproche « une nouvelle loi viciée dans sa moelle par ce prix minimum prévu pour la campagne entière, et excluant par conséquent le retour graduel à la liberté253 ». Une voix se fait entendre pour défendre le « prix minimum » uniquement comme une mesure d’exception temporaire comparable à la décision de la fermeture des marchés, « mais, comme système permanent ou de longue durée, la conception du prix minimum s’effondre sous les coups de la raison et de l’expérience254 ». Une autre rappelle cruellement que « dans l’énumération des causes principales de la crise du blé on a omis de faire remarquer que le blé est une denrée électorale255 ».
146Certains agriculteurs s’inquiètent du système des blés reportés et de la multiplication des prix officiels :
« Nous voici donc, pour cette année, dotés de deux prix minima : l’un de 131 fr. 50 pour le blé de la campagne dont nous sortons, et l’autre de 108 fr. pour celui de celle dans laquelle nous entrons. L’un comme l’autre ne correspondent à aucune réalité, comme tous ceux qui ne dépendent pas de l’offre et de la demande, et qui sont établis dans un cabinet ministériel ou par le vote d’une assemblée parlementaire256. »
147Le professeur d’agriculture de Dijon Jean Neumand défend la loi en expliquant :
« le Parlement n’a pas tranché la question, réservant pour plus tard l’adoption d’une doctrine définitive en cette matière : on ne saurait l’en blâmer, car l’expérience de l’année écoulée est là pour nous mettre en garde contre le danger d’improvisations audacieuses votées en dernière heure, la veille de la clôture, et risquant de troubler profondément l’économie du pays par des dispositions insuffisamment étudiées257 ».
148La meunerie, quant à elle, s’oppose à la reconduction de cette loi sur le prix minimum, et le congrès extraordinaire de l’Association nationale de la meunerie française à Paris, le 25 juillet 1934, tout comme celui de la Fédération nationale de la petite et moyenne meunerie à Lyon, le 4 août, sont particulièrement surveillés, dès lors qu’est annoncée la volonté de pas acheter le blé au cours légal258. Les prises de position des meuniers sont particulièrement véhémentes : « Les meuniers, inférieurs en nombre aux agriculteurs qu’il s’agissait de combler de flatteries électorales, ont été choisis pour faire les frais d’un marché de dupe qui consiste essentiellement à jeter de la poudre aux yeux des cultivateurs259. » Et ils rappellent leur position de principe :
« Les petits et moyens meuniers de France, la petite et moyenne culture ont constamment estimé et estiment que le seul moyen de revenir, pour le blé, à une économie saine est le retour à la liberté. Dans le libre jeu de la loi naturelle de l’offre et de la demande le produit qui est en surabondance baisse ; la baisse réduit la production et l’équilibre se rétablit. En dehors de cet équilibre naturel, tout est erreur260. »
149La colère des meuniers est parfois relayée par des chambres de commerce, comme celle de Saumur, qui adopte une résolution le 27 juillet :
« Regrettant la continuation du régime exceptionnel du prix minimum pour les blés et protestant contre les privilèges accordés aux coopératives ; convaincue que toutes les dispositions qui violent les lois économiques ne résistent pas à l’application favorisant seulement la spéculation, estime que le seul moyen de ramener l’apaisement et des rapports normaux entre la culture et le commerce est dans le retour à la liberté261 ».
150Vu du ministère de l’Intérieur, la situation ne rend pas optimiste :
« Cette situation [économique] est donnée comme peu brillante dans l’ensemble de l’industrie et du commerce du Département. Elle est précaire, sinon critique, dans les milieux agricoles où la vente du blé risque d’amener des conséquences désastreuses. La résolution prise par l’Association de la Meunerie française de ne plus acheter de blé au cours légal a eu des répercussions pénibles chez les cultivateurs. Ceux qui, parmi ces derniers, ont des besoins d’argent immédiats, sont contraints de vendre leur récolte au prix – quelquefois dérisoire – offert par l’acheteur et en sous-main (ces transactions, contraires à la loi, échappent d’autant facilement au contrôle et à la surveillance des services répressifs qu’elles interviennent entre vendeurs et acheteurs répréhensibles au même titre). Cette question angoissante du blé a, dès son début, retenu toute l’attention de l’Autorité préfectorale262. »
151Et, le mois suivant, le commissaire spécial indique dans le même sens :
« Les lois successives d’initiative gouvernementale, les décrets et règlements d’administration publique, jettent dans les campagnes le plus grand désarroi. Les lois, jadis respectées par les paysans ne le sont plus, ceux-ci estimant que les lois sur le blé ne peuvent l’être. Elles ont détruit, prétendent les paysans, la confiance que nous avions en la loi elle-même. Par elles, poursuit-on dans les milieux intéressés, le Gouvernement a provoqué un très vif mécontentement chez les populations rurales263. »
152À l’automne 1934, tous ces dispositifs législatifs sont réunis dans un décret de codification264, « charte du prix minimum puisqu’il tient compte de tous les aménagements imposés par les difficultés d’application265 ». Mais la situation reste très tendue et l’ensemble de l’édifice semble remis en cause par la résistance permanente de la meunerie et le fait que les syndicats agricoles ne soient pas tous convaincus du détail des mesures. Différentes voix se font dès lors entendre, la plupart font le constat de l’échec : « Ainsi que l’on retourne le problème dans un sens comme dans l’autre on se trouve enfermé dans ce dilemme : ou bien l’anarchie du marché, ou bien l’organisation complète. Hors de là, il n’y a que solutions bâtardes et empiriques qui ne résoudront rien266 ». Les communistes s’opposent quant à eux à ce qu’un des leurs nomme, en parlant des lois de 1933 et 1934, « les remèdes de la bourgeoisie267 ». Ils dénoncent aussi les fraudes et « surprofits réalisés par les “gangsters du blé”, les minotiers, boulangers, etc., sur le dos des paysans travailleurs268 ». Les socialistes ont scandé tous les débats successifs de leur contre-projet promouvant un Office du blé, La Tribune des fonctionnaires caractérisant ainsi la situation : « La récente loi d’organisation du marché du blé montre que le Gouvernement et le Parlement ne savent pas choisir269. » Les libéraux enfin, en accord avec le négoce et la meunerie, en appellent à un retour à la liberté du marché.
III. Un retour au libre marché pour 1935
153À partir du mois de novembre 1934, le prix minimum ne semble plus être la solution acceptée à l’unanimité. Sa remise en cause permet cependant de voir une nouvelle fois se confronter les différents acteurs politiques et les forces sociales. Les conséquences de la loi difficilement votée en décembre 1934 sont considérables sur le marché et le prix du blé, qui connaît, au cours de la première moitié de l’année 1935, ses prix les plus bas de toute la période.
A. Flandin face aux Chambres
154À la rentrée parlementaire, les propositions de loi et de résolution sur le marché du blé s’accumulent. Ces textes en appellent à l’action immédiate de l’État270. Les propositions de loi indiquent des directions possibles pour cette action : intervention directe de l’État (sans parfois bien en préciser les modalités !)271, maintien de la liberté d’emblavure pour les petites exploitations272, assainissement par l’exportation (espoir ô combien illusoire !)273, projet d’organisation professionnelle de l’agriculture274, achat de blé par l’État pour le transformer en alcool275. Après sa déclaration ministérielle, où il indiquait déjà la volonté d’assainir le marché du blé et du vin, Flandin fait un discours au banquet des Groupements commerciaux et industriels le 27 novembre 1934, relayé dans la presse :
« Nous ferons cesser, pour le blé, ce scandale que le prix fixé n’étant pas payé au producteur, il est imposé au consommateur par le pain cher. Si la loi que nous proposons est adoptée le paysan vendra enfin son blé et le pain coûtera quatre à cinq sous de moins le kilo. Ce sera notre cadeau de Noël aux enfants pauvres276. »
155Une partie de la presse défend ces « seules mesures susceptibles de réparer les conséquences d’une politique d’illusions anciennes277 ».
156Le projet de loi est déposé au début du mois de décembre. Il annonce clairement l’intention de tendre à « l’assainissement du marché du blé278 ». L’exposé des motifs parle nettement du « retour désirable de la liberté », mais souligne que « le passage instantané d’un régime de contrainte à un régime de liberté serait un remède pire que le mal279 ». La suppression du prix minimum ne veut pas dire, dans ce projet, l’absence d’action de l’État ; des innovations montrent une attention maintenue. En plus de la déclaration des ensemencements prévus par la loi, le gouvernement souhaite des déclarations de récoltes et des contrôles sur les types de semences utilisés. Un passage de l’exposé des motifs mérite d’être cité :
« Le prix minimum a eu, certes, l’indéniable résultat d’empêcher en son temps l’effondrement du cours du blé. Mais, étant donné les circonstances actuelles, il paraît nécessaire, après avoir pris certaines précautions, de le supprimer ; d’ailleurs, un souci de moralité nous en fait un devoir280. »
157La volonté de Flandin porte en effet sur la discordance du prix du blé, non respectée compte tenu des multiples fraudes, et du prix du pain :
« Comme le prix de la farine, et par extension celui du pain, est calculé sur le prix légal du blé, l’opinion s’irrite de ce paradoxe d’un blé vendu bon marché par le producteur et d’un pain payé cher par le consommateur. Si, à l’avenir, le prix de la farine et, par voie de conséquence, le prix du pain s’établit d’après le prix effectivement pratiqué pour le blé, le marché sera moralisé281. »
158La commission de l’agriculture de la Chambre regarde de près ce nouveau texte gouvernemental. À la première séance, le rapporteur Briquet rappelle le travail de la sous-commission du blé et « fait ressortir les graves divergences qui existent entre son texte et celui du Gouvernement282 ». Cas intéressant, les tensions internes à la commission sur le sujet amène à ce que les accords obtenus sur les différents articles donnent tous lieu à des votes283. Le cas le plus significatif est bien sûr celui de l’article 6 « abandon du prix minimum », rejeté par 18 voix contre 1, étant précisé cependant que « par 10 voix contre 9 et 1 abstention, puis par 11 voix contre 9, la Commission s’est prononcée en faveur du retour à la liberté sous réserve de certaines modalités, aucun membre n’étant partisan du retour à la liberté sans condition284 ». À la fin de cette séance, la commission décide d’envoyer une délégation auprès du gouvernement. À la séance suivante, le lendemain, 6 décembre, rendant compte de cette entrevue, Briquet explique : « Il sera très difficile sinon impossible de réaliser une entente avec le Gouvernement qui considère le maintien de son article 6 comme une clause aussi essentielle que la suppression du prix minimum285. » Le débat se poursuit avec l’audition des ministres des Finances et de l’Agriculture par la commission le 7 décembre.
159Le rapport finalement écrit par Briquet rend compte assez franchement de tous ces débats. Pour orienter le débat parlementaire et les votes, ces conclusions sont précises sur ce projet :
« Il peut satisfaire tous ceux qui sont avides de réalité et qui, à un prix théorique de 108 francs, constamment violé, préfèrent un prix effectif de 90 à 92 francs sur lequel sera calculé le prix du pain. Il peut convenir aussi à tous ceux qui voient dans le retour à la liberté de vente du blé la solution du malaise actuel et ils doivent le voter sans hésitation. Après une expérience incomplète d’ailleurs d’une timide économie dirigée en cette matière, nous tendons vers la liberté. L’expérience nouvelle nous y conduira à une condition c’est qu’il apparaisse que ceux qui ont pu à certaines époques confondre liberté avec licence ne retombent pas dans la même erreur286. »
160Les débats à la commission des finances de la Chambre sont assez tendus. Louis Louis-Dreyfus sort même de sa réserve coutumière pour dire que « la situation actuelle est si paradoxale que l’on redoute une bonne récolte et que l’on souhaite une mauvaise récolte287 ». Auriol, pour les socialistes, y rappelle son attachement à la création d’un office professionnel du blé, et sinon « craint que l’an prochain, malgré les mesures envisagées, on n’assiste à nouveau à une chute verticale des cours ». Mais la discussion de la commission est contrainte par le temps parlementaire. Les parlementaires ne se résolvent pas à cette contrainte et obtiennent de se réunir le dimanche 9 décembre pour auditionner les ministres des Finances et de l’Agriculture. Plusieurs parlementaires sont nettement hostiles au projet : la commission vote, et le principe d’un avis favorable sous réserves est adopté par 5 voix contre 4 et des abstentions288. L’avis final est particulièrement équilibré, acceptant le principe du projet de loi tout en lui posant des garde-fous financiers289.
161Le débat à la Chambre s’ouvre le 10 décembre avec un exposé du rapporteur de la commission de l’agriculture Camille Briquet. Lorsqu’il expose les fraudes au prix minimum, le communiste Renaud Jean crie dans l’hémicycle : « À bas les voleurs290 ! » L’orateur suivant est le socialiste Maxence Roldes, « orateur désigné par la minorité de la commission de l’agriculture », cette formulation révélant bien les tensions qui s’y sont exprimées. Dès la discussion du 1er article, Georges Monnet propose, pour le groupe socialiste, un contre-projet tendant à l’institution d’un office du blé291. Cette situation arrange finalement le président du Conseil, qui fait un discours très opposé à l’étatisme, d’autant que le contre-projet socialiste est, chose nouvelle, soutenue par les communistes. Le résultat du vote est net : 178 voix pour le contre-projet de Monnet, 405 contre292. Un autre contre-projet obtient un peu plus de voix, mais est rejeté (262/310)293. Le débat se poursuit avec d’autres contre-projets et plus de 150 amendements. Le scrutin, sur l’ensemble de l’article 1er, montre une Chambre divisée, puisqu’aux 366 pour répondent 212 contre l’adoption294. Le débat se durcit, et, dans le face-à-face entre Flandin et Vincent Auriol, le chef du gouvernement annonce clairement : « Il y a une chose que je n’accepterai pas davantage et c’est mon droit, c’est d’appliquer une loi que je considère comme inapplicable. Vous pouvez me demander de renoncer à mes projets, vous ne pouvez pas m’imposer les vôtres295. » L’amendement d’Auriol296 n’obtient pas la majorité et le débat se continue le lendemain.
162Flandin soutient un amendement proposé par le député Gaston Gourdeau pour contrer le texte de la commission parlementaire, qui a réintroduit un « prix ferme » pour la récolte de 1934. Flandin explique que, si cet amendement n’était pas voté, il retirerait son projet, et, même s’il veut encore éviter de poser la question de confiance, il laisse sous-entendre l’ouverture possible d’une crise ministérielle. Voté le 12 décembre, le résultat est proclamé le lendemain et donne 312 pour et 257 contre297. Les tensions du débat sont présentes jusqu’à sa fin, avec une déclaration du président du Conseil qui vient réaffirmer sa position :
« Je devine, en effet, déjà, au-delà de cette Assemblée, une certaine campagne que l’on cherche à développer dans le pays pour démontrer que ce projet est fait au bénéfice de la minoterie, contre l’agriculture. À cela, Messieurs, j’oppose le démenti le plus formel. Le Gouvernement n’est au service de personne : il ne se soucie que de l’Intérêt général298. »
163Et pour être sûr de l’emporter dans le vote, Flandin, en clôture de son discours, pose la question de confiance et obtient une large majorité de 387 pour contre 175299.
164Le projet de loi adopté par la Chambre est transmis au Sénat le 14 décembre300. La commission sénatoriale de l’agriculture, réunie le jour même, décide de ne pas statuer sans avoir auditionné les représentants des associations agricoles et les ministres. Lors de la séance du 17 décembre de la commission, il est noté au procès-verbal que « le président de l’Association générale des producteurs de blé a décliné l’invitation de la commission, ne voulant pas collaborer à l’élaboration d’un projet qu’il estime contraire aux intérêts des agriculteurs301 ». Les représentants de la meunerie s’expriment nettement en faveur du retour à la liberté du commerce. Le rapport élaboré par Borgeot se montre critique du choix gouvernemental : « Il nous sera permis toutefois de regretter qu’une loi soit abrogée dans ses grandes lignes sous prétexte qu’elle n’a pu être respectée302. »
165La tonalité à la commission des finances est plus favorable au projet, et le rapport du docteur Chauveau commence presque lyriquement :
« Malgré les déboires qui ont suivi les diverses lois sur le blé et assurément pour parer à ces déboires, le Gouvernement a présenté un projet nouveau d’assainissement du marché. Faire effort pour dégager – chose capitale – le marché de la céréale noble. Régulariser et abaisser le prix du pain, aliment essentiel qui a sa mystique. Rendre la liberté aux transactions sur le blé aussi rapidement que possible, liberté justement désirée un peu partout. Aucune préoccupation plus légitime, plus justifiée en soi303. »
166La commission des finances se préoccupe toutefois du devenir après la navette avec la Chambre et, le 21 décembre, auditionne le ministre de l’Agriculture. Le président de la commission, Joseph Caillaux, l’accueille ainsi : « La Commission, préoccupée comme c’est son devoir, des conséquences financières possibles du projet relatif à l’assainissement du marché du blé, serait heureuse, Monsieur le Ministre, de recueillir de votre bouche, quelques précisions sur cet aspect du problème304. » Cassez, le ministre est parfois fortement critiqué, il défend les contraintes nouvelles sur les variétés de blé et s’explique ainsi :
« Je suis navré de vous présenter un projet qui apporte des entraves à la liberté des agriculteurs, mais sans cela nous allons à une catastrophe certaine ; et moi qui ai toujours pratiqué le libéralisme en agriculture, je suis contraint de vous présenter un projet de la sorte. Ce n’est pas de gaîté de cœur que je le fais305. »
167Cassez, de manière intéressante, joue surtout la commission des finances contre la commission de l’agriculture, auprès de laquelle il n’a pas obtenu les accords espérés. Il se fait seconder face aux sénateurs par le directeur général des Contributions indirectes comme commissaire du gouvernement pour expliquer l’évolution voulue des taxes à la mouture et à la production. Un sénateur interpelle cependant le ministre sévèrement : « Vos opérations, Monsieur le Ministre, me paraissent, au point de vue de l’équilibre financier, avoir surtout un caractère hypothétique306. » La commission est elle aussi cependant divisée et, sur l’amendement Gourdeau, le vote se départit en 7 voix contre 7307.
168Le débat en séance se tient le lendemain, le 22 décembre, et s’ouvre sur une déclaration du rapporteur Borgeot, assez sévère face au projet gouvernemental :
« Messieurs, pour la cinquième fois le blé revient en discussion devant le Sénat. Cela nous démontre l’importance et la grande difficulté que présente la solution du problème de cette céréale. Le rapporteur qui est à cette tribune et qui, au nom de la commission de l’agriculture, est chargé de vous exposer le nouveau projet du Gouvernement et de la Chambre ne le défendra peut-être pas avec autant d’ardeur qu’il a défendu le prix minimum en 1933. Il s’en excuse auprès du Gouvernement, étant de ceux qui pensent qu’une loi votée doit être respectée308. »
169Victor Boret, quant à lui, se montre inquiet que ces échecs législatifs répétés conduisent à l’Office du blé :
« Ces échecs successifs d’une part de l’économie dirigée – oh ! bien peu dirigée d’ailleurs – et, d’autre part, de la liberté que vous nous proposez et qui ne sera, en fait, qu’une pseudo-liberté, nous entraîneront inévitablement vers la solution que la majorité de la Chambre comme celle du Sénat a toujours voulu écarter. Vous aboutirez ainsi, par un singulier paradoxe à la formule étatiste la plus pure, c’est-à-dire à l’office du blé. Cet étatisme sera-t-il à la mode américaine ou à la mode corporatiste ou, à la façon bolchevique ? Sera-t-il simplement à base interprofessionnelle ? Je ne sais quelle est la formule que préférerait le pays309. »
170Quand Flandin prend la parole pour défendre son projet, il le fait avec vigueur et il reproche vivement leur attitude aux associations agricoles :
« Dois-je, comme président du Conseil, être soumis aux injonctions de n’importe quelle association extérieure, qui entend être reçue n’importe quand, à n’importe quelle heure et dans n’importe quelles conditions ? Messieurs, je le regrette, mais si l’on pense que le Gouvernement doit être ainsi assuré en France, c’est un autre que moi qui l’assurera310 ! »
171Flandin se sait attaqué dans la presse agricole, et surnommé par certains « Louis Louis-Flandin » (par référence au négociant Louis Louis-Dreyfus), et il déclare solennellement : « Je n’ai dans mes relations aucun meunier, ni aucun spéculateur ». Enfin, il pose la question de confiance au Sénat sur le contre-projet qui reprend le texte de la Chambre. Le contre-projet est adopté par 188 voix contre 40311. Le débat article par article est ensuite plus calme, il est d’ailleurs haché par la reprise du débat sur le budget de 1935, lui aussi en cours de navette parlementaire. Le scrutin, demandé sur l’ensemble du projet de loi, donne finalement un vote net mais un peu plus serré, avec 155 pour et 64 contre312.
B. Les groupes de pression face à un changement de politique
172Durant les navettes parlementaires, les groupes de pression n’ont en effet pas désarmé. Ainsi, le Comité national de la grande meunerie industrielle écrit au président du Conseil et aux président et rapporteur de la commission de l’agriculture au Sénat pour lutter contre la taxe à la mouture313. Des états généraux de l’agriculture sont même tenus le 10 décembre à Paris, réunissant près de 120 délégués. Le sénateur Joseph Faure, qui préside cette manifestation, commence par se plaindre du fait que l’extrême urgence demandée par le gouvernement prive les commissions agricoles des chambres de leur travail parlementaire. Pierre Hallé, pour l’AGPB, fait le point sur les projets touchant au blé en proposant en détail des remarques, parfois des amendements au projet de loi. La conclusion est vive :
« Nous sommes en présence d’une grande manœuvre. Le projet du Gouvernement ne nous donne aucune confiance. Il ne peut assainir le marché, ni protéger les producteurs. La loi projetée a été conçue et rédigée sous le signe de l’allégement du contrôle de la meunerie et de l’imprévision. L’opération que l’on vous présente est une duperie. Il n’a été tenu aucun compte des suggestions de la production314. »
173Le texte adopté par ce congrès est sévère contre le gouvernement :
« Les mesures envisagées par le Gouvernement loin de résoudre la crise agricole préparent de nouveaux liens d’assujettissement du monde paysan au profit d’oligarchies financières et industrielles internationales, en aggravant et consolidant les prix de famine actuellement pratiqués à la production, refusant ainsi à la famille paysanne le minimum indispensable à l’existence315. »
174Henri Garnier, comme président de l’assemblée des présidents des chambres de commerce de France, écrit au président du Conseil, mais dans une tonalité différente. Il s’insurge lui aussi contre la taxe progressive sur la mouture et il rappelle les travaux menés entre avril et juin par le groupe qu’il avait rassemblé. Il indique :» Nous avons profondément regretté que le Gouvernement ne se soit pas servi des résultats ainsi obtenus par l’accord des intéressés pour appliquer, dès ce moment-là, les mesures préconisées et qui auraient évité que la situation ne s’aggravât pour en arriver à l’état actuel316. » Une note interne des services techniques de la chambre de commerce du 14 décembre fait le point sur les projets gouvernementaux ; la tonalité est positive :
« Vue de haut, et dans leur orientation plus que dans leur technique les projets actuels marquent l’effort le plus évident qui ait été fait en vue de la liquidation de la crise sur nos grands marchés intérieurs. […] L’intérêt supérieur de ce projet réside dans l’application au marché non plus de mesures plus ou moins empiriques, mais bien d’une politique. Cette politique, quelles qu’en soient certaines modalités, elle est essentiellement une politique libérale. Objectivement, il convient de constater que M. Flandin ne se contente pas d’émettre des idées sur la conduite des affaires économiques : présentement, il agit selon ses idées. La notion de contre-intervention, mise en avant par le président du Conseil, trouve ici son illustration. À l’étatisme des quatre lois précédentes, on ajoute, aujourd’hui, un nouvel interventionnisme de l’État. Plus exactement, on substitue à l’étatisme antérieur un étatisme nouveau, qui est un étatisme de transition et de liquidation, ayant pour objet de réunir les conditions d’un retour prochain à la liberté des transactions commerciales. […] En vérité, l’effort actuellement entrepris doit rencontrer de notre part une entière approbation de principe. »
175Et la note ajoute une « dernière observation » révélatrice du contexte politique de la période :
« pour franchir cette étape le Gouvernement a dû faire preuve de volonté. Il a dû arbitrer des intérêts et pour apprécier la valeur de cet effort, il suffit de lire les termes démagogiques de la résolution regrettablement adoptée par la réunion plénière des chambres d’agriculture et des associations agricoles du 10 décembre. Le projet sur les blés nous aura donc, par surcroît donné le spectacle nouveau d’un Gouvernement qui gouverne317. »
176Durant le débat parlementaire, la Fédération française des syndicats de marchands de grains et graines de semence écrit à ses adhérents pour commenter cette « 5e loi sur le blé », en expliquant que si la loi votée par la Chambre n’est « pas parfaite », « elle présente un avantage indiscutable : la suppression du “prix minimum” et le retour au moins partiel à la liberté. Ceci et l’opposition des Coopératives doivent suffire – pour l’instant – à notre satisfaction. Ne risquons pas – pour des détails – de perdre l’essentiel. Il est en tout cas superflu d’espérer mieux pour le moment318 ». En octobre, cette fédération représentant le négoce avait lancé une campagne de pétitions auprès des agriculteurs pour demander « le retour de la liberté319 ». Le ministère de l’Intérieur reçoit quelques signaux d’inquiétudes :
« Les intéressés, nombreux en Seine-et-Marne, ont suivi avec intérêt les projets du Gouvernement destinés à résorber les stocks de blé en vue d’un retour au commerce libre des céréales320. » ; « Situation agricole inchangée. Le monde des paysans attend avec angoisse la mise en pratique des projets gouvernementaux sur les blés321. »
177Certains groupements agricoles transmettent leurs vœux à la présidence du Conseil322.
178L’anticipation du vote des chambres continue de provoquer des rumeurs dans les campagnes. Le préfet de l’Isère écrit aux maires de son département pour « mettre en garde l’opinion publique et les milieux agricoles contre la propagation de nouvelles erronées qui circuleraient323 ». La meunerie, au contraire, commente les dernières décisions de justice :
« Il paraît que le pouvoir judiciaire est trop inféodé, sinon au pouvoir législatif, du moins à la puissance des législateurs. Mais, dans le domaine qui nous intéresse, celui des blés, des murailles hautes et épaisses séparent les tribunaux du Parlement. Et, tandis qu’ici l’on discute âprement des modifications d’une loi sur l’abrogation de laquelle tout le monde doit être d’accord, là on continue tranquillement de l’appliquer avec rigueur. Ainsi, le 22 novembre 1934, la Chambre correctionnelle de la cour d’appel de Poitiers a-t-elle condamné un commerçant poursuivi pour infractions à la loi sur les blés. Au demeurant, ces infractions remontaient au mois de décembre 1933 ! Entre le moment où l’infraction fut commise et celui où elle fut jugée, des décrets avaient modifié la loi. On arrive vite ainsi à une extrême complication324. »
179La presse prend position et le camp libéral insiste sur la nécessaire réforme de ces lois. Gignoux l’exprime nettement :
« Les agriculteurs se plaignaient avant-hier que les précédentes lois sur le blé n’eussent pas été appliquées. C’est qu’elles étaient inapplicables, à moins, comme disait, sauf erreur, M. Queuille, avant de se réfugier à la Santé publique, qu’on plaçât un contrôleur et un gendarme derrière chaque agriculteur. On ne conçoit pas de brimade plus savante de l’individu que la pratique de l’économie dirigée sous toutes ses formes. Depuis longtemps, nous avons observé ici que cette dernière conduisait logiquement à la dictature et ne se concevait pas finalement sans elle325. »
180À l’opposé bien sûr, cette attitude est critiquée par les communistes, qui soulignent le lien entre cette volonté de rendre la liberté au marché et les revendications des minotiers et du négoce des grains :
« En définitive, le projet gouvernemental, inspiré par les intérêts du capital industriel, le haut négoce des grains et la minoterie, après les amendements qui y ont été apportés par la commission de l’agriculture et la Chambre, forme une sorte de compromis entre les deux groupes d’exploiteurs, fait sur le dos des petits producteurs de blé326. »
181La Tribune des fonctionnaires, l’hebdomadaire de la Fédération des fonctionnaires, dénonce le « libéralisme sauce Flandin327 ».
182L’interprétation de cette décision et des conséquences de la loi de décembre 1934 est aussi un objet de polémique. Un journaliste résume le résultat : « Tout le monde devrait être content. Tout le monde proteste328. » Il ajoute, plus critique :
« En somme, la bataille du blé qui n’a pas cessé depuis juillet 1933, passe de la phase “tranchée” (prix minimum) à la phase “rase campagne” (prix libre). Il faut reconnaître que les paysans français ne vont pas pouvoir la soutenir, à armes égales, contre la meunerie et la spéculation329. »
C. Regards sur les conséquences de la loi de décembre 1934
183Le texte de la loi promulguée est le témoignage de l’enchevêtrement des textes législatifs depuis plusieurs années. Opérant par référence permanente aux articles du décret d’octobre 1934 de codification des textes, il s’achève d’ailleurs sur un article annonçant une prochaine recodification en un seul texte330. Il est sinon organisé en trois titres : mesures permanentes d’assainissement (listant les interdictions et les amendes), résorption des excédents (prévoyant les achats et les taxes) et mesures transitoires et aménagements du décret de codification du 8 octobre 1934, qui introduit entre autres deux innovations : la création d’un type de farine dit « farine française » et la création d’un service des céréales jusqu’au 31 décembre 1936, avec la mise à disposition du ministre de l’Agriculture, d’agents de l’intendance militaire et d’hommes du ministère des Finances.
184Ce point est intéressant, car cette loi, présentée comme symbolique du retour à la liberté, autorise cette création d’un nouveau service, même si celui-ci ne compte pas au sens strict de recrutement de fonctionnaires331. L’élément compte pour la suite de la régulation du marché. Un juriste note d’ailleurs l’ambiguïté de cette création : « Ce double caractère de service temporaire et de service non personnalisé situe cet organisme loin de l’Office du Blé qui lui succédera. Néanmoins, on peut relever que ce service a déjà un embryon de personnalité : la personnalité comptable332. »
185Un peu plus de deux ans après, Flandin revient, dans un article justificatif, sur son action :
« Cette législation agricole, qui a pu être critiquée par certains qui pensaient que l’État pouvait imposer encore de plus grands sacrifices pour secourir l’agriculture, n’en a pas moins représenté un effort d’ensemble, qui n’avait jamais été entrepris jusqu’alors et qui a largement porté ses fruits333. »
186S’il insiste sur le lien entre les trois lois sur le blé, le vin et la viande (et, avec elle, le lait), son analyse est la plus précise pour le blé, tant la question reste politiquement sensible. Il rappelle sa condamnation de la loi de juillet 1933, qui « engendrait une fraude éhontée, aboutissant à ce paradoxe que le prix du pain était calculé sur un prix théorique et fictif du blé, et que le prix réel du blé baissait tous les jours, atteignant des cours nettement inférieurs au prix de revient », et caractérise son action : « un prix moyen, sans doute inférieur au prix garanti à certains privilégiés, mais notablement supérieur au prix réel du blé libre sur le marché, s’établit par le libre jeu de l’offre et de la demande334 ».
187Dans le même sens, un juriste note :
« à la fin de l’année 1934, il apparut évident que la ligne de conduite adoptée par les Pouvoirs Publics ne pouvait être maintenue plus longtemps. C’était là une constatation de fait, indépendante de toute question d’ordre doctrinale335 » ; « Le blé dont le prix légal était à la fin de 1934 de 108 francs se traitait en réalité à 70 francs et parfois même au-dessous336. »
188Louis Pichat commente, avant même le vote de la loi, la décision du gouvernement en indiquant qu’elle « ne manquera sans doute pas de provoquer des commentaires nombreux et passionnés337 ». Son attaque contre la loi de juillet 1933 rejoint en fait celles portées par la meunerie, et il reproche l’idée d’avoir voulu « forcer les lois économiques338 » par l’instauration du prix minimum. Dans le même esprit, le juriste et économiste Bernard Lavergne parle, en mars 1935, pour qualifier la période juillet 1933-décembre 1934, d’« une expérience malheureuse d’économie dirigée339 », et dénonce la « démagogie paysanne » des députés d’un « Parlement français, où les influences rurales ont toujours été prépondérantes ». Lavergne fait même l’éloge de Flandin et présente sa loi comme « la meilleure de celles qui pouvaient être votées pour sortir l’État et les agriculteurs de l’invraisemblable guêpier où ils se trouvaient placés par la législation absurde édictée depuis le 10 juillet 1933340 ».
189Un autre professeur de droit engagé en politique dans le camp conservateur dénonce aussi, en mai 1935, « l’étatisme » appliqué aux paysans, mais le propos est plus polémique que réfléchi quand Joseph-Barthélemy attaque « l’État [qui] se met à régenter le blé, comme il tyrannise la vigne », et insiste sur « une cause d’effarement » : « l’abîme entre les prix de misère à la production et les prix de scandale à la consommation341 ».
190Quelques voix discordantes se font entendre. Un juriste, professeur à Poitiers, mêle dans son analyse perspectives libérales et solution corporative :
« Si la loi soumise actuellement au parlement, loi qui ne considère que les données immédiates du problème, n’était pas suivie à bref délai par une tentative sérieuse de réorganisation complète du marché du blé, nous nous acheminerions sans aucun doute vers des perturbations nouvelles, dont les premières victimes seraient les producteurs de blé et le contribuable français. Mieux vaut une discipline consentie que la liberté chimérique offerte au terme d’une période indéterminée de contraintes désordonnées et inefficaces342. »
191Un docteur en droit conclut sévèrement, à propos de la remise en cause de la loi de 1933 : « L’échec de cette expérience, les difficultés multiples qu’elle a entraînées l’ont fait abandonner. On a constaté enfin que les lois économiques étaient les plus fortes et, en toute hâte, on a cherché à revenir au régime libéral343. » Un autre associe dans le même échec cette nouvelle loi de décembre 1934 :
« Pour l’avenir, la loi de 1934 ne pouvait empêcher qu’une nouvelle crise ne renaisse. Ce n’étaient pas les quelques mesures prévues qui empêcheraient la surproduction. Le marché était donc mieux organisé mais le problème du blé n’avait point encore reçu sa solution et après deux expériences législatives, l’une malheureuse et l’autre encore insuffisante, il subsistait dans sa complexité première344. »
192Certains dénoncent même une « loi de gangsters » et des « parlementaires contre les paysans », en titre d’une brochure. L’auteur de ce pamphlet publie même sur plusieurs pages les noms des députés ayant voté la loi345.
193Le monde agricole dénonce « l’esprit » de cette loi :
« Sur toute la ligne, on sent que l’inspiration du projet n’est pas agricole. Les producteurs ne peuvent admettre qu’on leur impose brutalement une réglementation vexatoire, alourdie de mesures inefficaces ou dangereuses ayant pour résultat de faire porter sur eux seuls la charge d’une politique de baisse du prix du blé346. »
194Déplorer la fraude reste le discours dominant :
« Au lieu de torpiller l’essai d’économie dirigée, n’était-il pas plus loyal d’appliquer aux fraudeurs les sanctions prévues par la loi. Que certains minotiers aient déclaré les ignorer, cela est tout simplement ahurissant. Essayons donc, nous paysans de déclarer au percepteur que sa feuille de contributions est une aimable plaisanterie !… […] Actuellement TOUT le commerce des blés et des farines repose sur la fraude347. »
195Le 16 janvier 1935, le préfet de la Sarthe écrit même au président du Conseil pour lui faire part qu’« on va répétant dans les campagnes, dans les réunions paysannes, dans la presse agricole que le Gouvernement a manqué aux engagements pris par ses prédécesseurs et par la loi en ce qui concerne la garantie d’un prix minimum du blé348 ». La chambre d’agriculture de Vendée attaque vivement la loi votée pour « la nocivité de son application en même temps que son incohérence349 ».
196Un projet de création d’une association pour la défense du marché des céréales (regroupant une partie de la meunerie, du négoce et du marché réglementé) est envisagé par les services de la présidence du Conseil pour permettre de gérer la situation transitoire avant le retour total au marché libre. Dans trois notes anonymes et non datée, un certain nombre d’éléments sont précisés. Les plus intéressants sont sans doute ceux qui font le bilan des lois précédentes et proposent la classification suivante :
« Les privilégiés sont les grands producteurs bien placés pour reporter, pour stocker et pour vendre directement aux grands moulins. Même situation pour certaines coopératives bien gérées, et ayant su s’assurer la collaboration d’autres professions – meunerie et boulangerie. Parmi les fraudeurs, il faut classer les intermédiaires, intervenant sur le marché du “blé gangster” ; certaines coopératives prête-nom ; certains éléments de la meunerie – achetant et vendant au-dessous du prix minimum – de même que certains éléments de la boulangerie, achetant au-dessous du prix minimum et profitant de la différence avec le prix maximum du pain350. »
197La note se poursuit :
« La très grande difficulté de transformer cette situation réside d’une part dans l’opposition des intéressés, d’autre part, dans l’illusion que suscite, en tant que souvenir, le prix minimum ; et enfin, dans l’inertie des éléments qui devraient être favorables au retour à la liberté, mais qui sont affaiblis par l’inaction précédente. »
198La conclusion tombe, inquiète : « les personnalités les plus agissantes sur le plan parisien se trouvent, pour la majorité, en opposition à la loi nouvelle ».
199Certains commentaires sont très sévères sur l’action de Flandin, l’accusant de parti pris : « Le ministère Flandin céda à l’insolent défi de ses amis de la haute finance et fit voter la désastreuse loi du 24 décembre 1934, qui, se superposant aux précédentes, abrogeait les dispositions désagréables à la meunerie351. » Les services de la présidence du Conseil paraissent au fait de la situation. Une note du 15 décembre 1934 souligne que, pour les prix, l’essentiel réside dans la gestion des blés reportés de la récolte 1933. En effet, il reste alors pour 11 millions de quintaux de ces blés, dont les contrats indiquent le prix légal de 131,50 francs ; leur liquidation risque de ne pas permettre la baisse du prix du pain promise par Flandin ou alors au détriment des cours du « blé libre352 ». Une nouvelle note conclut : « Il est incontestable que la source de toutes les fraudes – par le passé et actuellement – est l’existence du blé de report et du blé stocké, dont le prix est supérieur à celui du blé libre, et dont l’incorporation est obligatoire. La différence de prix détermine la fraude353. »
200Certains parlementaires se sentent obligés de se justifier. Ainsi, le député Maurice Vincent s’explique :
« J’ai, certes, beaucoup réfléchi avant de voter ces textes, je l’ai fait parce qu’ils changent un état de choses qui était devenu scandaleux, parce qu’ils rétablissent la vieille loi de la liberté commerciale tout en y apportant un contrôle devant, dans mon esprit, limiter, sinon empêcher la spéculation et la fraude ; parce qu’ils tendent à mettre fin à une accumulation de stocks constituant un péril s’aggravant chaque mois ; parce qu’ils doivent faire baisser le prix du pain en harmonisant son prix de vente avec le prix d’achat de la farine ; parce qu’ils préconisent les mesures susceptibles d’empêcher à l’avenir le retour d’une situation tragique, comme celle à laquelle nous nous efforçons actuellement d’apporter un terme ; parce qu’ils ne peuvent qu’amener une baisse du prix des baux et apporter plus de justice et d’équité dans les transactions354. »
201D’autres députés continuent de combattre cette loi, comme les communistes355 ou certains spécialistes des questions agricoles, qui dénoncent en février 1935 le fait que « les blés en France sont soumis à sept régimes différents356 ».
D. Une « hérésie juridique »
202Il est certain que les premiers résultats sont jugés sévèrement à l’aune de l’effondrement des prix : « La loi du 24 décembre 1934 essuya un échec encore plus désastreux que les lois précédentes, surtout en ce qui concerne les prix357. » Le secrétaire général de l’AGPB en conclut même :
« Depuis 1934, une politique de déflation des prix agricoles avait été poursuivie volontairement – malgré les avertissements réitérés des groupements professionnels. Ses effets s’ajoutant à toutes les causes économiques et techniques de baisse, ont exercé leur ravage pendant toute l’année 1935358. »
203Le ministre de l’Agriculture se méfie d’ailleurs de certaines interprétations des textes législatifs et réglementaires. À propos d’un décret pris le 28 décembre 1934, il publie ainsi, dans son bulletin officiel, un texte pour dénoncer des « commentaires erronés », et il « saisit cette occasion de mettre les groupements agricoles et les agriculteurs en garde contre des manœuvres tendant à semer le découragement parmi les détenteurs de blé359 ».
204La commission de l’agriculture du Sénat s’alarme d’ailleurs de l’effondrement des prix à partir du mois de mars 1935, Marcel Donon demandant même un retour d’un prix minimum fixé par décret360. Les sénateurs expriment régulièrement leurs doutes sur la politique suivie, notant que « les opérations d’assainissement du marché sont poursuivies avec lenteur et peu de méthode. Le contrôle de la circulation des farines laisse persister de trop nombreuses fraudes361 ».
205Sur la difficulté de ce contrôle, un courrier du préfet de la Sarthe au garde des Sceaux jette un éclairage cru et propose de s’adapter au changement né de la loi du 24 décembre :
« Il a été reconnu que la législation abolie récemment, en ce qui concerne le prix minimum des blés et des farines était inapplicable et que, pour échapper à la taxation, cultivateurs, meuniers et boulangers, à peu près sans exception fraudaient. […] Même en mobilisant toute la police, le contrôle ne pouvait être sérieusement opérant ; c’est d’ailleurs, dans une large mesure, pour cette raison que le prix minimum a été supprimé. […] Ceux qui ont été pris, sont, en général les “maladroits” les “naïfs” ignorant des moyens simples et variés à la disposition des autres pour frauder impunément. […] Je crois devoir signaler cette situation en vous demandant s’il n’y aurait pas lieu, comme conséquence de la nouvelle loi, d’abandonner les poursuites engagées au titre des dispositions supprimées. Il est permis, en effet, de se demander s’il n’y a pas quelque injustice, maintenant que tout le monde est fixé sur la généralisation de la fraude, à laisser frapper les moins coupables362. »
206Suite à une procédure en appel, après une relaxe devant le tribunal correctionnel de Riom, le procureur général de Riom écrit au garde des Sceaux pour lui demander s’il doit arrêter les poursuites363.
207Une longue note au garde des Sceaux, en date du 14 janvier, fait le bilan des remarques du procureur général de Paris suite à la nouvelle loi :
« Appliquant les principes généraux du droit, le Procureur général observe que cette abrogation met obstacle à la continuation des poursuites pénales en cours pour les infractions (aux dispositions abrogées) antérieures au 25 décembre 1934 mais non encore définitivement jugées à cette date364. »
208Devant des complications pratiques d’application, les services de la Justice commencent par rappeler vivement :
« la Direction criminelle croit devoir rappeler qu’elle a toujours été systématiquement tenue à l’écart, par le ministère de l’Agriculture, de la préparation des divers textes élaborés par ce Département, en matière de blés, au cours de ces dernières années, bien que ces textes, qui renfermaient des dispositions pénales relevant essentiellement de la compétence de la Chancellerie, eussent dû, normalement, lui être soumis pour examen et avis. Elle s’est trouvée dans l’obligation de signaler maintes fois à M. le garde des Sceaux les difficultés graves auxquelles se heurtait l’application judiciaire de ces dispositions, mal rédigées et établies souvent avec une méconnaissance complète des principes les plus élémentaires de notre droit pénal. »
209Suit alors une attaque vive contre la complexité de la loi du 24 décembre 1934, qui abroge des éléments mais en maintient d’autres suivant les catégories de blés. La note parle même d’« hérésie juridique » :
« Cette singularité juridique paraît être une innovation législative. La Direction criminelle est obligée de s’en émouvoir, alors surtout que cette innovation est réalisée dans le domaine du droit pénal, auquel s’imposent des règles d’interprétation et d’application particulièrement strictes. […] Quoi qu’il en soit, la loi est la loi. L’intention du législateur (au moins sur ce point) est certaine et les tribunaux devront prononcer condamnation contre des délinquants, en vertu de textes déclarés “abrogés” par lui ! »
210L’application de la loi du 24 décembre n’est pas simple dans tous ses attendus. Ainsi, une « note complémentaire », dans les dossiers du ministère de la Justice, indique, en date du 14 janvier 1935, les difficultés persistantes concernant les farines panifiables. L’auteur de la note, sans doute issu de la direction criminelle, s’emporte même : « Il paraît difficile de tirer de cet imbroglio des solutions juridiques et même des solutions tout court. D’ailleurs, tout ce qui concerne les farines est absolument incompréhensible dans la loi nouvelle365. » Dès le 17 janvier 1935, le procureur général de Paris écrit à nouveau au garde des Sceaux pour lui faire part qu’il a dû faire appel d’une décision du tribunal de Châteaudun, qui avait déclaré éteinte à la fois l’action publique et l’action fiscale. Le procureur conclut : « Cet incident démontre l’utilité d’une action concertée des départements intéressés, en vue de l’application d’un texte dont l’examen attentif soulève de sérieuses difficultés d’interprétation366. » Le garde des Sceaux adresse finalement une circulaire le 24 janvier à ses procureurs, demandant de surseoir provisoirement au jugement de ces affaires. Mais la chambre criminelle de la Cour de cassation rend un arrêt le 1er février 1935 sur cette question367.
211La meunerie s’en fait l’écho en présentant cet arrêt :
« C’est pourquoi nous nous réjouissons exceptionnellement des lenteurs de la Justice en songeant que de très nombreuses infractions à la loi du 10 juillet 1933, constatées par une plainte, une poursuite, une instruction ou même un jugement en instance d’appel, mais non définitivement condamnées, ne sont plus punissables. Ainsi la lenteur de la Justice, empêchant qu’une décision définitive soit intervenue avant l’abrogation de la loi, a épargné à ces minotiers – et à bien d’autres heureusement – l’application de ces peines dont les Tribunaux furent si prodigues pendant plus d’un an, et dont nous avons régulièrement entretenu nos lecteurs. Cette fois, la loi est morte, et son souvenir même s’efface : les commerçants ayant fait l’objet de plaintes, de poursuites, d’instruction, et même de condamnations dont l’appel où le pourvoi n’a pas encore été jugé, ne sont plus punissables. L’action publique est éteinte contre eux, et la loi du 24 décembre 1934 a supprimé le délit qu’ils avaient commis368. »
212Le dossier complexe et polémique de la fermeture des moulins, voulue par la meunerie en 1934, devient plus compliqué dans le cadre de cette nouvelle loi. Le projet d’une ordonnance de non-lieu est accompagné du commentaire que l’« action publique se trouve éteinte du fait de la promulgation de la loi nouvelle369 ». Le ministre de l’Agriculture tente d’éviter cette décision et écrit fermement à son collègue de la Justice :
« Sans méconnaître la valeur des arguments d’ordre juridique invoqués à l’appui de la solution proposée, j’estime qu’en l’état actuel des relations entre le Gouvernement et la Meunerie, le non-lieu proposé serait un encouragement pour cette corporation à afficher ouvertement son mépris de la législation sur le blé et sa volonté bien arrêtée de ne pas l’appliquer. Dans ces conditions, je me permets d’insister pour un nouvel examen de la plainte que j’avais déposée, me réservant, si vous en croyez la nécessité, d’en modifier le libellé et les bases, en vue de faciliter l’action de votre Parquet général370. »
213Les relations entre les ministères restent parfois tendues. En avril 1935, les Finances demandent au garde des Sceaux son « concours le plus actif », demandant « la plus grande sévérité à l’égard des fraudeurs dont la concurrence vis-à-vis des producteurs, des négociants et des meuniers honnêtes se trouverait dangereusement facilitée par une trop grande indulgence dans l’application de la loi et de la réglementation du blé371 ». La réponse est quelque peu aigre-douce : « J’ai l’honneur de vous signaler que je n’ai aucune qualité pour donner des instructions quelconques aux tribunaux en matière d’interprétation et d’application des lois, et plus particulièrement, des dispositions répressives372 », rappelant aussi que, depuis la loi du 28 décembre 1933, ce sont les Contributions indirectes qui doivent intervenir.
214Le directeur général des Contributions indirectes écrit au garde des Sceaux le 2 mai pour lui citer des exemples concrets pour lesquels des tribunaux (en particulier de l’Ouest) se montrent peu sévères et indique : « Ces inconvénients auraient pu être évités si les parquets avaient appuyé de leur autorité les conclusions déposées par mon Administration et avaient insisté auprès des tribunaux pour modérer leur tendance à l’indulgence373. » Par une dernière circulaire du garde des Sceaux à ses procureurs généraux en date du 21 mai 1935, le ministre rappelle ses circulaires antérieures et demande « d’appuyer fermement par [les] réquisitions [du ministère public] les conclusions de la Régie poursuivante374 ».
215Un autre courrier du ministre de l’Agriculture à son collègue de la Justice, au début du mois de juin, appelle à « la nécessité de statuer promptement » sur les différentes affaires et à réclamer des peines sévères, au risque, sinon, que « l’ensemble des assujettis aux lois sur les céréales [puisse], en effet, être amené à croire que la fraude pourrait constituer une source certaine de bénéfice375 ». Jusqu’à un dernier courrier du ministre de l’Agriculture au garde des Sceaux, qui rappelle, en décembre 1935 : « Au nom de l’intérêt général dont l’État est le dépositaire, je ne saurais trop attirer votre attention sur la nécessité d’une répression effective et rapide des infractions relevées376. » Sur un autre plan, la présidence du Conseil commandite des enquêtes qui peuvent mettre en cause certains ministères. Une note de mars 1935 porte sur la coopérative d’Eure-et-Loir, conclut que « la fraude est très probable » et précise que cette coopérative « semble fortement soutenue au ministère de l’Agriculture, peut-être en raison de la personnalité de son Président : M. le sénateur Jacques Benoist. Elle aurait, de ce fait, échappé à plusieurs reprises aux sanctions qu’elle méritait pour ne pas être en accord avec la loi377 ».
216Toutes les critiques sur la situation transitoire instaurée par la loi de décembre 1934 se retrouvent au printemps 1935. La meunerie, bien qu’ayant obtenu le principe du retour au libre marché, reste mobilisée. Ainsi, l’Association nationale de la meunerie française écrit au président du Conseil, le 17 avril 1935, pour lui annoncer son congrès du 22 mai et envisager la fermeture des moulins, compte tenu des cinq éléments suivants : « 1° la multiplicité et l’incohérence des textes votés ; 2° l’extension inadmissible de la consommation familiale ; 3° l’insuffisance et la faiblesse du contrôle ; 4° l’indulgence des tribunaux ; 5° la carence du pouvoir exécutif378 ». La meunerie met alors en cause la pratique ambivalente du gouvernement :
« Personne n’ignore en effet que les directives du ministère de l’Agriculture sont contrebalancées avec succès par les instructions adressées aux préfets par le ministre de l’Intérieur, car si d’un côté on désire un prix de blé rémunérateur pour le producteur en demandant la stricte application des lois, de l’autre on recherche le pain bon marché pour le consommateur en voulant ignorer les pratiques de la fraude. »
217Le Congrès est ainsi présenté dans la presse professionnelle : « Près de 4 000 meuniers avaient répondu à l’appel de M. Henry Chasles, président de l’ANMF, et se pressaient, salle Bullier, le 22 mai dernier, pour protester contre la situation intenable dans laquelle les avaient placés les différentes lois sur les blés379. »
218Chasles se félicite de cette mobilisation :
« Je tiens tout d’abord à vous remercier d’être venus en aussi grand nombre à ce Congrès. Je crois pouvoir affirmer que depuis que le monde est monde, on n’avait jamais réuni, dans une même salle, un nombre aussi considérable de meuniers. Cette affluence témoigne de façon éloquente du mécontentement de notre corporation, mécontentement qui ne s’explique, hélas, que trop380. »
219Et il reprend l’antienne de la meunerie, en bouc émissaire d’un Parlement assujetti aux agriculteurs :
« On peut affirmer, sans crainte d’être taxé d’exagération, que toute la réglementation concernant le marché du blé tend, en définitive, à faire supporter par la meunerie, les conséquences des fautes commises par les producteurs de blé, qui, maladroitement encouragés par les Pouvoirs publics, ont augmenté, d’une façon exagérée, leurs emblavures au cours de ces dernières années. On peut dire qu’en mépris du plus élémentaire bon sens, on a voulu faire des meuniers “les liquidateurs forcés” des abus dont se sont rendus coupables les agriculteurs. […] Puis, la loi du 10 juillet 1933, par un ensemble de mesures plus vexatoires les unes que les autres, a apporté les plus grandes entraves à l’exercice de la profession meunière, et a donné la mesure de l’hostilité manifestée par les Pouvoirs publics à l’égard de la meunerie. Il suffit de rappeler les pénalités draconiennes qui frappaient l’achat de blé au-dessous du prix minimum et surtout le fait absolument unique dans notre droit pénal, que l’agriculteur vendeur, bien qu’il se soit rendu complice du délit, n’était passible d’aucune sanction381. »
220Enfin, sur un autre plan, il faut signaler la démarche d’enquête du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, qui s’inscrit dans ce contexte et donne lieu à la rédaction d’un texte du philosophe Georges Canguilhem intitulé Le fascisme et les paysans382. L’auteur y dénonce avec vigueur la fausse unité paysanne : « S’unir au parti agraire pour tuer M. Flandin, c’est seulement montrer qu’on a mal posé le problème. L’union de tous les paysans, quel rêve proprement pastoral ! Mais la paix des champs n’a jamais existé que dans l’imagination des poètes383 » et il conclut : « Il n’y a pas une classe paysanne. Il y a un monde rural où les intérêts ne sont pas identiques384. » Le texte se poursuit avec une défense des coopératives « et très vraisemblablement l’institution d’un office du blé385 ». Il critique aussi la pratique du prix minimum de 1933 : « La loi du prix minimum était trop belle pour être une loi, ce ne fut qu’un privilège. Aussi ce sont deux minorités, l’une agricole, l’autre commerciale (minotiers et boulangers), qui ont profité d’un redressement dit d’intérêt général, les uns parce qu’un prix fictif pour la plupart des cultivateurs était effectif pour eux, les autres, parce que, achetant à un prix bas, ils cédaient farine et pain à un prix basé sur un prix fort théorique386. »
E. Des décrets-lois face à l’effondrement des cours
221L’arrivée au pouvoir de Pierre Laval en juin 1935 va se marquer par la prise d’un certain nombre de mesures complémentaires par le moyen de décrets-lois des 13 et 16 juillet387. Dans une brochure anonyme présentant son action gouvernementale et la justifiant face aux questions agricoles, il est précisé :
« Au mois de juin 1935, lorsque le Gouvernement de M. Pierre Laval prit le pouvoir, la situation du marché du blé était particulièrement grave. […] Une crise de surproduction, résultat de plusieurs années de récoltes pléthoriques, avait amené les gouvernements successifs au pouvoir à prendre des mesures dont l’urgente nécessité n’avait pas permis de les placer dans un plan d’ensemble. […] La législation sur le blé était devenue aussi délicate à observer pour les agriculteurs que difficile à appliquer par les services administratifs compétents. […] Il fallait rendre confiance pour pouvoir, à l’abri de cette confiance, poursuivre l’œuvre d’assainissement388. »
222Toute une série de décrets techniques sont d’ailleurs pris pour essayer de tenir le marché, dont les prix s’effondrent littéralement au début de l’été389. Les rapports au président de la République justifiant ces textes sont empreints de justification, en appelant d’une part à l’intérêt général : « Nous vous proposons de prendre une mesure d’équité en faveur de tous ceux : agriculteurs, négociants, meuniers et groupements qui par leur discipline professionnelle et par leur sens exact de l’intérêt général ont su s’abstenir d’alourdir le marché des blés au cours des précédents mois par des ventes prématurées390 », et, d’autre part, à la condamnation des irrégularités : « Il nous a paru nécessaire de renforcer les pénalités prévues par la législation actuelle, à l’égard des transports de farines circulant, frauduleusement, comme à l’égard de certaines fraudes en ce qui concerne les blés dénaturés391. »
223Les associations agricoles attendent pour une part les résultats de la nouvelle récolte, mais ne mènent pas de campagne contre le cabinet Laval comme elles l’avaient mené contre Flandin392. Laval est très attentif, durant cette période, à répondre à tous les parlementaires qui lui écrivent à propos du marché du blé393. Avec la remontée des cours à l’automne, après leur forte chute de l’été, le pain augmente. Dans un journal agricole, cette dernière hausse amène un commentaire assez révélateur des tensions politiques qui entourent toutes ces mesures législatives et réglementaires :
« La hausse du prix du pain nous a fourni la preuve que la mystique du “pain cher” est bien atténuée, puisque cette hausse est passée pour ainsi dire inaperçue. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’augmenter inconsidérément le prix de la vie, mais il est indispensable de rendre aux produits du sol une valeur suffisante pour que les paysans puissent vivre. Au surplus, vouloir contenter tout le monde reste une utopie, et, quand on gouverne, il faut savoir prendre une décision en vertu d’une doctrine réfléchie que l’on s’est tracée d’avance. C’est ce que l’on appelle : avoir une politique394. »
224Des mesures plus énergiques encore sont prises avec des décrets-lois en octobre : liquidation des blés de report, prise en charge des stocks de blés et surtout le décret-loi du 30 octobre relatif à la suppression de la taxe à la production et à l’organisation et à la défense du marché du blé395. Ce texte prévoit en effet une évaluation de la récolte plus précise, la suppression de la taxe à la production, le maintien de la taxe à la mouture avec un contrôle renforcé et le contingentement de la meunerie396. Certaines analyses, à l’époque, présentent ces mesures comme ayant été prises en bon accord avec les associations agricoles : « Ce système avait été préconisé par les associations professionnelles avec lesquelles M. Cathala collaborait le plus heureusement du monde depuis son arrivée au ministère397. » Et ce ministre de l’Agriculture, fidèle politique de Laval398, avait annoncé dès la fin du mois d’août : « on doit donc profiter du répit que nous donne la récolte de 1935 pour essayer d’instituer un statut qui permettra dans la liberté des transactions d’assurer à chacun la sauvegarde de ses intérêts399 ».
225Dans les publications agricoles, on s’interroge sur cette nouvelle vague de textes :
« Que donneront ces décrets à l’usage ? Il est prématuré de vouloir les juger. Mais quels que soient leurs résultats futurs, ils marquent une volonté plus nette d’assurer à l’économie nationale, à l’économie agricole en particulier, une organisation active et vigilante. Peut-être faut-il regretter que les organismes ainsi créés soient mis dans une stricte dépendance des administrations gouvernementales ; peut-être eut-il été plus opportun de leur laisser une initiative plus libérale… L’expérience montrera les avantages et les inconvénients de ces dispositions400. »
226Ces décrets-lois d’octobre sont cependant suivis d’une nouvelle baisse des cours du blé. La même publication la commente ainsi :
« Nous assistons présentement à une grande désillusion dans les campagnes. La récolte à peine moyenne de 1935 avait fait naître de grands espoirs ; les calculs de tous les spécialistes indiquaient que, compte tenu des reports antérieurs, les stocks de blé suffiraient tout juste à assurer la consommation. Il était donc logique de s’attendre à une reprise des cours dans un marché assaini. De fait, la reprise s’est bien amorcée, le prix du blé a sensiblement remonté, puis il s’est stabilisé et, depuis quelques semaines, il est un peu redescendu. On s’attendait à mieux et les producteurs de blé, découragés et déçus, protestent violemment. On les comprend : depuis trois ans, ils passent par une crise terrible, perdent de l’argent, sont dans une situation très délicate. Ils ont hâte de voir revaloriser leurs produits. C’est trop légitime pour qu’on puisse ne pas s’associer à leurs revendications. Il nous semble cependant que la situation doit être examinée avec pondération et qu’il ne faut pas, précipitamment, la juger comme désespérée. La baisse qui vient de se produire est éminemment regrettable ; doit-on en conclure pourtant que plus rien de bon ne doit être attendu sans l’application de mesures draconiennes et anti-économiques401 ? »
227Bien dans le ton de l’époque, certains commentateurs en appellent à l’organisation professionnelle et à « une politique d’agriculture dirigée402 ». À la fin de l’hiver 1936, les cours remontent, mais les facteurs internationaux interviennent aussi dans ces variations. Un commentateur des questions agricoles note alors :
« La valeur du blé peut, en effet, servir de baromètre pour juger des relations entre les peuples. Aussitôt que des craintes de guerre se font jour, les offres des céréales se contractent, les cours montent, allant en sens inverse de ceux des rentes, qui fléchissent. […] La baisse momentanée des cours du blé par rapport aux cours très élevés qui se sont inscrits il y a huit jours, résulte de mouvements psychologiques. Le jour où la zone démilitarisée a été foulée par les soldats allemands, une contraction des offres s’est produite ; puis l’engagement des négociations a rendu les transactions plus normales et les prix sont revenus à un taux moins élevé, correspondant à une plus sûre réalité403. »
228Jacques Le Roy Ladurie, le leader syndical agricole conservateur, fait un commentaire non dénué d’arrière-pensées dans ses mémoires sur cette politique menée par Laval et ses conséquences sur les législatives du printemps 1936, qui voient la victoire du Front populaire : « Beaucoup continuaient à lui tenir rigueur de sa politique de déflation, responsable de la perte d’au moins cinq cent mille voix paysannes qui, passées à gauche, avaient fait la différence404. »
Notes de bas de page
1 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 11 juillet 1933, p. 7198.
2 « La loi folle devant les tribunaux », Le Petit Meunier, 20, 26 juillet 1934, p. 2.
3 Archives AGPB, vol. Tracts et circulaires 1933, Lettre circulaire du 13 juillet 1933, p. 2.
4 L. Pichat, « La taxation du prix du blé », Revue politique et parlementaire, 464, 10 juillet 1933, p. 79-87, p. 79. Le même parle, à propos de cette loi, quelques mois plus tard, d’« erreur économique », « Vers la liberté du marché du blé », Revue politique et parlementaire, 481, 10 décembre 1933, p. 473-481, p. 474.
5 L. Pichat, « La taxation du prix du blé », art. cité, p. 80.
6 A. Normand, Une expérience d’économie dirigée en agriculture…, op. cit., p. 56.
7 R. Ménasseyre, Politique du blé…, op. cit., p. 111.
8 P. Courrent, P. Blanc, Proposition de loi ayant pour objet d’assurer la répression de la spéculation et de la fraude dans le commerce du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 1384, annexe au PV de la séance du 9 février 1933.
9 A. Barbot, Proposition de loi tendant à favoriser l’exportation du blé en vue de stabiliser le cours, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 1507, annexe au PV de la séance du 7 mars 1933.
10 J. Faure, et al., Proposition de résolution tendant à améliorer le marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 116, annexe au PV de la séance du 28 février 1933.
11 H. Triballet, et al., Proposition de loi tendant à fixer le prix minimum du blé pour la période s’étendant du 1er juillet 1933 au 30 juin 1934, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 1579, annexe au PV de la séance du 17 mars 1933.
12 R. Bérenger, Rapport au nom de la commission de l’agriculture, chargée d’examiner la proposition de loi de M. Triballet et plusieurs de ses collègues tendant à fixer le prix minimum du blé pour la période s’étendant du 1er juillet 1933 au 30 juin 1934, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 1627, annexe au PV de la séance du 24 mars 1933.
13 M. Donon, Rapport au nom de la commission de l’agriculture, chargée d’examiner la proposition de résolution de M. Joseph Faure et d’un grand nombre de ses collègues, tendant à améliorer le marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 208, annexe au PV de la séance du 30 mars 1933.
14 J.-B. Amat, et al., Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à déposer des projets de loi en vue de l’organisation du marché du blé par : 1° le contrôle absolu du marché du blé exotique ; 2° l’organisation du marché intérieur par : a) la création d’une caisse de régularisation des cours ; b) l’achat par l’État des excédents en période excédentaire ; c) l’emmagasinement et la conservation de l’excédent, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1708, séance du 31 mars 1933, p. 876-877 ; J.-J. Dumoret, H. Chevrier, Proposition de loi tendant à créer une taxe spéciale sur la grande meunerie, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1825, séance du 13 avril 1933, p. 876-975.
15 Projet de loi tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 1797, annexe au PV de la séance du 13 avril 1933.
16 Projet de loi 1797, op. cit., p. 8.
17 Ibid., p. 11.
18 La commission des douanes remet un rapport sur une proposition antérieure : F. Chasseigne, Rapport au nom de la commission des douanes et des conventions commerciales chargée d’examiner la proposition de loi de M. Salmon tendant à assurer la protection intégrale du droit de douane sur les blés par la création d’une caisse et de bons de compensation, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2016, annexe au PV de la séance du 15 juin 1933.
19 Arch. nat., C 14980, Commission de l’agriculture, procès-verbal de la séance du 8 juin 1933. Cette séance est animée et explique les premières transformations du texte gouvernemental ; le débat est poursuivi le 14 juin.
20 C. Briquet, Rapport au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner : I. le projet de loi tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé ; II. les propositions de loi : 1° de M. Raymond Férin ayant pour objet la stabilisation des cours du blé en France ; 2° de MM. Paul Courrent et Gaston Martin ayant pour objet d’établir le prix de vente du blé en rapport avec le coût de sa production, et le prix du pain en rapport avec le prix du blé ; 3° de M. Pellé tendant à accorder une indemnité compensatrice aux producteurs de blé ; 4° de MM. Camille Ferrand, Armand Dupuis et Brachard tendant à indemniser les producteurs de blé qui ont cédé leur récolte actuellement stockée ; 5° de MM. Courrent et Blanc ayant pour objet d’assurer la répression de la spéculation et de la fraude dans le commerce du blé ; 6° de M. Barbot tendant à favoriser l’exportation du blé en vue d’en stabiliser le cours ; 7° de MM. J.-J. Dumoret et Chevrier tendant à créer une taxe spéciale sur la grande meunerie ; III. les propositions de résolution : 1° de M. Maxence Roldes et plusieurs de ses collègues ayant pour but de stabiliser en France le cours du blé et de garantir les producteurs et les consommateurs contre les abus de la spéculation ; 2° de M. Alfred Lacourt tendant à inviter le Gouvernement à renouveler les stocks de blé ; 3° de M. Amat et plusieurs de ses collègues tendant à inviter le Gouvernement à déposer des projets de loi en vue de l’organisation du marché du blé par : 1° le contrôle absolu du marché du blé exotique, 2° l’organisation du marché intérieur par : a) la création d’une caisse de régularisation des cours ; b) l’achat par l’État des excédents en période excédentaire ; c) l’emmagasinement et la conservation de l’excédent ; 4° de M. Louis Proust et plusieurs de ses collègues tendant à inviter le Gouvernement à prendre les mesures immédiates essentielles propres à revaloriser les cours du blé, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Chambre des députés, 2017, séance du 15 juin 1933, p. 1275-1278, p. 1275.
21 H. Chevrier, Avis présenté au nom de la commission des finances sur [la même liste que le rapport Briquet], Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Chambre des députés, 2077, séance du 21 juin 1933, p. 1335‑1336. Les deux réunions du 20 juin de la commission des finances discutant cet avis, des députés connaissant bien les questions agricoles s’expriment : V. Auriol, R. Jean, G. Monnet (Arch. nat., C 14996, Commission des finances).
22 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 22 juin 1933, p. 2997. Dans ces débats, le ministre de l’Agriculture est assisté en qualité de commissaire du Gouvernement par Charles Brasart, directeur adjoint de l’Agriculture.
23 Ibid., p. 3001. Pierre Colomb reprend la même interpellation contre Renaud Jean dans une séance ultérieure (p. 3064). On doit noter aussi l’échange assez vif entre socialistes et communistes, Renaud Jean dénonçant « l’office panacée » promue par Monnet, Roldes ou Auriol (p. 3002).
24 Ibid., p. 3017.
25 Ibid., séance du 23 juin, p. 3074.
26 Ibid., p. 3076.
27 Ibid., p. 3078.
28 Ibid., p. 3081.
29 Ibid.
30 Ibid.
31 Ibid., p. 3087. La référence renvoie ici à un décret du 8 mars 1933 qui fixe un prix minimum pour l’établissement des marchés des contrats de stockages (ce décret modifiait celui du 9 février, qui avait prévu un prix minimum de 109 fr.), cf. L. Pichat, « La défense du marché du blé », art. cité, p. 352.
32 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 22 juin 1933, p. 3089.
33 Ibid., p. 3119.
34 Projet de loi tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 403, annexe au PV de la séance du 24 juin 1933.
35 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 24 juin 1933, p. 1416-1418.
36 La décision a été prise par la commission sénatoriale de l’agriculture lors de la séance du 20 juin 1933 (cf. procès-verbal manuscrit, Archives du Sénat, 69S 222 Registre 1927-1933 Commission de l’agriculture). Le ministre de l’Agriculture est entendu le 23 juin par les commissions de l’agriculture et des douanes réunies. Il y exprime ses réserves sur le prix minimum. Le vote est de 245 pour et 1 voix contre (Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 24 juin 1933, p. 1431).
37 M. Donon, Rapport au nom de la commission de l’agriculture, chargée d’examiner : 1) La proposition de loi de MM. F. David et J. Faure, ayant pour objet la régularisation des cours du blé ; 2) Le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 408, annexe au PV de la séance du 24 juin 1933, p. 2.
38 M. Régnier, Avis au nom de la commission des finances, chargée d’examiner : 1) La proposition de loi de MM. F. David et J. Faure, ayant pour objet la régularisation des cours du blé ; 2) Le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 411, annexe au PV de la séance du 26 juin 1933, p. 6.
39 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 24 juin 1933, p. 1422.
40 Ibid., p. 1425.
41 Ibid., séance du 27 juin 1933, p. 1468.
42 Ibid., p. 1469. L’intervention de Caillaux est à la fois un appel à l’organisation de la production (au-delà des seules mesures proposées dans le projet de loi) et un rappel à une stricte orthodoxie financière. Concernant le prix minimum, il reconnaît qu’un « stimulant psychologique doit être donné en ce moment à l’agriculture de notre pays » (p. 1471).
43 Ibid., p. 1477.
44 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 10 2e « affaire des blés » 1933, copie de la lettre du 23 juin 1933.
45 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 28 juin 1933, p. 1484.
46 C. Briquet, Rapport au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, adopté avec modifications par le Sénat tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2203, annexe au PV de la séance du 30 juin 1933, p. 2. Ce rapport est le reflet des débats de la commission tenue le même jour (cf. Arch. nat., C 14980).
47 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 3 juillet 1933, p. 3402.
48 Ibid., p. 3406.
49 Ibid., p. 3411.
50 Projet de loi, adopté par la Chambre des députés, adopté avec modifications par le Sénat, modifié de nouveau par la Chambre des députés, portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 454, annexe au PV de la séance du 4 juillet 1933.
51 M. Donon, Rapport au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, adopté avec modifications par le Sénat, modifié de nouveau par la Chambre des députés, portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 480, annexe au PV de la séance du 5 juillet 1933.
52 M. Régnier, Avis au nom de la commission des finances, chargée d’examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, adopté avec modifications par le Sénat, modifié de nouveau par la Chambre des députés, portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 481, annexe au PV de la séance du 5 juillet 1933, p. 2.
53 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 6 juillet 1933, p. 1682.
54 Ibid., séance du 7 juillet 1933, p. 1717.
55 Ibid., séance du 8 juillet 1933, p. 1767, l’adoption ne dote pas lieu à un scrutin.
56 Arch. nat., F7 13031, Commissaire spécial de Troyes à M. le Contrôleur général des services de police administrative, le 3 juillet 1933. Cf. E. Lynch, Moissons rouges…, op. cit., p. 224-229 et 287.
57 Arch. nat., F7 13040, rapport mensuel (juin 1933), Lyon, le 4 juillet 1933.
58 « Augmentation proportionnelle du prix pour les blés d’un poids spécifique supérieur à 76 kilogr. ou la diminution proportionnelle pour ceux d’un poids spécifique inférieur ou contenant des impuretés. », Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 11 juillet 1933, p. 7198. L’arrêté est pris le 13 juillet et il précise encore de nombreux éléments : une majoration ou réduction de 0,50 francs du prix en fonction d’un manque ou d’un excédent par tranche de 500 gr. ; la détermination obligatoire du poids à l’hectolitre au moyen de la trémie conique de 50 litres ; une réduction de 1,25 francs pour chaque kilogramme d’impuretés constaté en sus des 2 % de tolérance ; au-delà de 5 % le blé n’étant plus considéré comme de qualité loyale et marchande.
59 Pour ces réquisitions, il est précisé que s’appliquent les lois du 16 octobre 1915 et du 1er août 1917.
60 Cf. J. Carret, Le marché du blé, sa réglementation en France, préface de G. Carrère, Besançon, Jacques et Demontrond, 1934, p. 70-86.
61 Un juriste note à leur propos, quelques années après : « Ces comités ont un rôle exclusivement consultatif, et ne peuvent pas être considérés comme constituant un précédent pour l’Office du Blé ; Mais il est intéressant de constater que leur organisation était déjà à peu près la même. », J. de Bresson, L’Office du blé, op. cit., p. 28. Un autre spécialiste de l’Office du blé insiste, quant à lui, sur cet « élément nouveau : des délégués des consommateurs », in M. Court, Le statut juridique de l’Office national interprofessionnel des céréales, Aurillac, Éditions du Centre, 2e éd., 1954, p. 18. Des jugements plus sévères existent aussi sur ce point : « Au lieu du Comité restreint composé de peu de membres et apte à faire un travail utile, la loi du 10 juillet 1933 crée une lourde machine de 50 membres au sein duquel les intérêts agricoles sont noyés. », in S. Grenier, Le blé dirigé en France, op. cit., p. 96.
62 R. Ménasseyre, Politique du blé…, op. cit., p. 189.
63 C.-J. Gignoux, « Dans le maquis », La Journée industrielle, 4 août 1933. Le journal publie d’ailleurs la semaine suivante la lettre d’un abbé, secrétaire d’une fédération agricole dun de la France, qui défend la loi et attaque cet éditorial. La réponse de Gignoux dénonce les conséquences de ce type de loi sur l’éventualité de la fixation de « prix sociaux » qui s’appliqueraient aussi à l’industrie (12 août 1933). La correspondance sur le sujet continue, puisque le journal publie aussi une réponse de Henry Chasles, le représentant de la meunerie, à l’abbé (19 août).
64 Arch. nat., F7 13033, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Périgueux, 5 juillet 1933.
65 Arch. nat., F7 13033, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Quimper, 5 juillet 1933.
66 Arch. nat., F7 13036, Châlons-sur-Marne, 3 août 1933.
67 Arch. nat., F7 13042, Rapport mensuel, Melun, le 3 septembre 1933.
68 Arch. nat., F7 13032, Commissaire spécial de Police à M. le Préfet de la Charente, Angoulême, 4 juillet 1933.
69 Arch. nat., F7 13034, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Toulouse, 2 août 1933.
70 Arch. nat., F7 13034, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Toulouse, 5 septembre 1933.
71 Arch. nat., F7 13034, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Toulouse, 4 octobre 1933.
72 Arch. nat., F7 13034, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Toulouse, 4 décembre 1933.
73 « Le prix minimum du blé », L’Agriculture nouvelle, 12 août 1933, p. 498.
74 Réaction de l’AGPB du 20 juin 1933, cité par S. Grenier, Le blé dirigé…, op. cit., p. 103
75 J. Neumand, « Le nouveau régime des blés », La Terre de Bourgogne, 16 juillet 1933, p. 225-226, p. 226.
76 H. Rebiffé, « L’application de la loi du 10 juillet », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 21 octobre 1933, p. 557-558.
77 « Le blé et la politique », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 594, juillet 1933, p. 601.
78 « Actualités », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 595, août 1933, p. 621.
79 Le communiqué est transmis au président de la chambre de commerce de Paris (cf. ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 10 2e « affaire des blés » 1933).
80 Ibid.
81 H. Chasles, « Allocution au congrès », La Meunerie française, octobre 1933, p. 251.
82 A. Fleury, « La Loi du 10 juillet 1933. Rapport », La Meunerie française, octobre 1933, p. 269-291.
83 Rapport de Désiré Vache, Délibération du 4 octobre 1933, Chambre de commerce d’Avignon et de Vaucluse, ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 10 2e « affaire des blés » 1933.
84 L. Pichat, « La taxation du prix du blé », art. cité, p. 81.
85 Ibid., p. 82.
86 Ibid., p. 85-86.
87 Le Capital, 5 juillet 1933, cité in B. Lavergne, « Une expérience malheureuse d’économie dirigée », Revue bleue, mars 1935, p. 121-124, p. 122.
88 « L’adoption d’un prix minimum pour le blé », Journal des économistes, juillet 1933, p. 660.
89 R. Maspétiol, G. Damougeot-Perron, La crise du blé en France et dans le monde, Paris, Pedone, 1935, p. 103.
90 B. Desjeux, La taxation du Blé en France, Paris, Bernard Frères, 1934, p. 149.
91 A. Liesse, « La conférence de Londres et l’économie dirigée », L’Économiste français, samedi 1er juillet 1933, p. 801‑803, p. 803. Obsession de Liesse, il y revient en juin 1934 en dénonçant cette « semence socialiste », in « Le problème du Blé », L’Économiste français, samedi 16 juin 1934, p. 737-739, p. 739.
92 S. Grenier, Le blé dirigé…, op. cit., p. 88.
93 H. Hitier, « Le prix minimum du blé à 115 francs », Journal d’agriculture pratique, 97e année, n° 26, 1er juillet 1933, p. 8-9, p. 8.
94 A. Normand, Une expérience d’économie dirigée…, op. cit., p. 64.
95 S. Grenier, Le blé dirigé…, op. cit., p. 104.
96 P. Fromont, « La production agricole », in « La France économique en 1933 », art. cité, p. 670.
97 « Le prix du blé baissait à une cadence accélérée en s’acheminant vers le prix mondial de 27 francs. C’était la ruine complète et définitive de l’agriculture. Les parlementaires furent saisis de panique et, à la veille des vacances, dans la crainte de se retrouver en face de leurs électeurs en courroux, ils se raccrochèrent au système D […] Quoi qu’on ait pu dire, dans les circonstances où on se trouvait, ils ne pouvaient faire autrement et ils prirent l’unique solution admissible possible », in J. des Forts, Le Blé. Une Loi de Gangsters. Les parlementaires contre les paysans, Château-Thierry, Impr. G. Cagniard, 1935, p. 54.
98 Cf. J. Castagnez, J. Dupiol, « Le problème du blé », L’Homme nouveau, 2, février 1934.
99 A. Schoen, Le marché agricole français…, op. cit., p. 312.
100 R. Ménasseyre, Politique du blé…, op. cit., p. 195.
101 F. de Menthon, « La Politique du Blé », art. cité, p. 773.
102 Ibid., p. 776.
103 A. Coevoet, La législation française du blé, Lille, Imprimerie Douriez-Bataille, 1936, p. 114.
104 A. Blanchoin, « Vers un corporatisme agraire », L’homme nouveau, 12, janvier 1935, non paginé.
105 P. May, « Le problème français du blé », Revue économique internationale, décembre 1934, p. 499-507, p. 506-507.
106 S. Schirmann, Crise, coopération économique et financière entre États Européens 1929-1933, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2000, chapitre XIX, p. 327-354. Ouvrage en ligne sur https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/igpde/100.
107 O. Festy, « Le blé dans le monde en 1932-1933 », Revue politique et parlementaire, 473, 10 avril 1934, p. 40-52, p. 44.
108 Arch. nat., F10 2212, Ministère de l’Agriculture, Conférences internationales concernant le blé 1930-1939, télégramme du 11 juillet 1933.
109 Ibid., télégramme du 13 juillet 1933.
110 Ibid., « Conférence économique et monétaire de Londres », 1er août 1933, Appendice « Le problème du blé », p. 23.
111 Personnalité méconnue, Paul Devinat (1890-1986) mériterait une monographie. Agrégé d’histoire, il est chef de service à la Société des nations au sein du BIT, puis directeur de l’Institut d’organisation scientifique du travail ; c’est, entre autres, un proche de Queuille, nommé à la Cour des comptes en 1941, député radical de 1946 à 1958 et secrétaire d’État de plusieurs gouvernements sous la IVe République.
112 Arch. nat., F10 2212, Acte final signé à Londres, le 25 août 1933, C.511.M.256.1933.II.B.
113 Ibid., lettre de l’Ambassadeur aux États-Unis au ministre des Affaires étrangères, 29 août 1933.
114 Ibid., synthèse de la presse anglaise adressée le 8 septembre 1933 par le ministre des Affaires étrangères au ministre de l’Agriculture.
115 Acte final de la conférence des pays exportateurs et importateurs de blé, tenue à Londres du 21 au 25 août 1933, avec annexes et procès-verbal de clôture, n° 3262, League of Nations – Treaty Series, 1933, p. 73-89, p. 85. Les contributions les plus importantes sont celles des États-Unis, du Canada, de l’URSS, de l’Argentine et de l’Australie. Par ailleurs, le texte de l’acte final est largement diffusé dans la presse française sous forme de résumé, par exemple : « La conférence économique internationale du blé », L’Économiste français, samedi 2 septembre 1933, p. 265.
116 J. S. Davis, The World Wheat Situation, 1934-1935, A review of the Crop Year, Stanford University, Wheat Studies of the Food Research Institute, XII, 4, 1935, p. 319, et, plus largement, « The international wheat agreement », p. 303-343.
117 Ibid., p. 343.
118 Arch. nat., BB18 6074, Dossiers banaux. Application de la législation sur le marché du blé, Circulaire du 2 août 1935 du ministre de l’Agriculture à Messieurs les préfets avec copie pour information à MM. les inspecteurs généraux et régionaux de l’Agriculture et MM. les directeurs des services agricoles. Cette circulaire est par ailleurs souvent citée, par exemple in L’Économiste français, 12 août 1933, p. 171 ; elle est aussi conservée en Arch. nat., F10 2170.
119 « Les effets de la loi sur le blé », Bulletin des Halles, 21 juillet 1933, cité in A. Coevoet, La législation française du blé, op. cit., p. 99.
120 O. Ménars, « La législation sur le blé », L’Économiste français, samedi 17 mars 1934, p. 324-325, p. 325.
121 A. Liesse, « Le problème du blé en France et dans le monde », L’Économiste français, samedi 1er septembre 1934, p. 257-259, p. 258.
122 Circulaire citée in Revue des fraudes, 89-90, novembre-décembre 1933, p. 281-282.
123 Arch. nat., F7 13034, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Toulouse, 5 janvier 1934.
124 Arch. nat., F7 13037, Bar-le-Duc le 2 septembre 1933.
125 Arch. nat., F7 13037, Bar-le-Duc le 5 octobre 1933.
126 Arch. nat., F7 13037, Bar-le-Duc le 5 décembre 1933. Les rapports continuent en 1934 avec la même sévérité.
127 Arch. nat., F7 13039, le commissaire spécial à Monsieur le Directeur de la sûreté générale, Boulogne-sur-Mer, 5 décembre 1933.
128 La voix du paysan, juin 1933, p. 1.
129 La voix du paysan, août 1933.
130 La Voix paysanne, 15 septembre 1934, et L’Humanité du même jour, cité par Jean Vigreux, La Faucille après le marteau. Le communisme aux champs dans l’entre-deux-guerres, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2012, p. 174. Les communistes sont très attentifs à la question de « la taxation du blé ». Je remercie Romain Ducoulombier de m’avoir signalé plusieurs débats à la commission politique du comité exécutif de l’Internationale communiste en 1934.
131 Arch. nat., F7 13032, Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, La Rochelle, 4 octobre 1933.
132 La Meunerie française, novembre 1933, p. 319.
133 Conseil de direction du 13 décembre 1933, La Meunerie française, novembre 1933, p. 339.
134 Conseil de direction du 13 décembre 1933, La Meunerie française, novembre 1933, p. 344.
135 Note de M. Labertonnière, La Meunerie française, novembre 1933, p. 346.
136 T. Romastin, Proposition de loi tendant à assurer l’écoulement total des blés au prix minimum fixé par la loi du 10 juillet 1933, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2375, annexe au PV de la séance du 17 octobre 1933.
137 A. Bardon, Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre toutes mesures utiles pour sauvegarder le marché des céréales secondaires et en particulier celui du seigle, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2378, annexe au PV de la séance du 17 octobre 1933.
138 A. Thibault, Proposition de loi tendant à modifier certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 sur le marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2379, annexe au PV de la séance du 17 octobre 1933. Cette proposition envisage par exemple de proroger le prix limite de 115 francs jusqu’au 15 juillet 1936. Une autre demande en fait de convertir le prix minimal en payement de l’impôt par les agriculteurs : H. Malet, Proposition de loi autorisant les agriculteurs à compenser leurs impôts par la livraison de blé estimé conformément aux prescriptions de la loi du 10 juillet 1933, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2387, annexe au PV de la séance du 17 octobre 1933.
139 V. Boret, J. Hayaux, Proposition de loi tendant à modifier la loi du 10 juillet 1933 et à organiser et à défendre le marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 571, annexe au PV de la séance du 17 octobre 1933.
140 Projet de loi ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2395, annexe au PV de la séance du 17 octobre 1933, p. 2.
141 R. Bérenger, Proposition de loi tendant à modifier la loi du 10 juillet 1933 et à organiser et défendre le marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2469, annexe au PV de la séance du 7 novembre 1933 ; G. Guérin, A. Join-Lambert, Proposition de loi tendant à assainir le marché du blé indigène, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2487, annexe au PV de la séance du 9 novembre 1933 ; P. Bernier, et al., Proposition de loi tendant à modifier la loi du 10 juillet 1933 et à organiser et défendre le marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2490, annexe au PV de la séance du 9 novembre 1933 (cette proposition parle même de « la loi bienfaisante du 10 juillet 1933 » p. 2) ; É. Brachard, et al., Proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des lois des 26 janvier et 10 juillet 1933 sur l’organisation du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2493, annexe au PV de la séance du 9 novembre 1933 ; É. Brachard, et al., Proposition de loi tendant à modifier l’article 4 de la loi du 10 juillet 1933 relatif au taux d’extraction des farines, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2543, annexe au PV de la séance du 17 novembre 1933 ; F. Chasseigne, et al., Proposition de loi tendant à assurer par des mesures complémentaires l’application intégrale de la loi du 10 juillet 1933 relative à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2589, annexe au PV de la séance du 23 novembre 1933 (cette proposition envisage des permis de circulation pour les blés et farines). Des propositions sont d’ailleurs continûment déposées pendant le débat parlementaire : G. Veyssière, et al., Proposition de loi relative à la réglementation de l’admission temporaire des blés, Impressions parlementaires, Sénat, 616, annexe au PV de la séance du 2 décembre 1933 ; L. Pellé, Proposition de loi concernant le financement des blés aux cultivateurs suivant leurs besoins, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2657, annexe au PV de la séance du 8 décembre 1933 ; P. Blanc, et al., Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre toutes mesures utiles en vue de réaliser une politique, un plan d’ensemble, à propos du prix du blé et celui des céréales secondaires, et d’assurer leur écoulement, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2672, annexe au PV de la séance du 9 décembre 1933 ; P. Rives, Proposition de loi tendant à compléter la loi du 10 juillet 1933, qui porte fixation d’un cours minimum du blé, et à établir un système de cautionnement mutuel destiné à assurer le warrantage de la récolte, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2783, annexe au PV de la séance du 21 décembre 1933.
142 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 6 Bourse de commerce, marché des grains et farines 1932-1934, Note des services techniques, 7 décembre 1933.
143 Ibid., Note des services techniques, 16 novembre 1933. La note continue ironiquement : « S’il est vrai que l’enfer est pavé de bonnes intentions, c’est un peu le cas de “l’enfer parlementaire”, qui, pour avoir laissé s’aggraver longtemps une situation manifestement critique, s’est trouvé en juin dernier devant la nécessité de faire quelque chose. […] Une coûteuse économie dirigée a mis alors en vigueur un système de taxation, que de nombreux parlementaires n’ont alors voté qu’à contrecœur qu’en se consolant à l’idée que ce système était inapplicable. Juste prévision, qui n’excuse pas cette singulière méthode de gouverner. Gouverner, c’est prévoir. Ici, on a bien prévu les conséquences mauvaises, mais on a voté tout de même. »
144 Arch. nat., C 14980, séance du 18 octobre 1933.
145 Ibid., séance du 8 novembre 1933. Le procès-verbal dactylographié de cette audition compte 68 pages.
146 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, 18 novembre 1933, p. 4186‑4200.
147 C. Briquet, Rapport fait au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner le projet de loi ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2582, annexe au PV de la séance du 23 novembre 1933. C’est aussi le cas pour le bref avis, à la fois réservé et positif, de la commission des finances : H. Chevrier, Avis présenté au nom de la commission des finances sur le projet de loi ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2614, annexe au PV de la séance du 9 décembre 1933.
148 Projet de loi ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 638, annexe au PV de la séance du 7 décembre 1933
149 Archives du Sénat, 69S 222 Registre 1927-1933 Commission de l’agriculture, séance du 19 octobre 1933 (noté fautivement 1932).
150 M. Donon, Rapport au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner le projet de loi adopté par la chambre des députés ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 642, annexe au PV de la séance du 7 décembre 1933, p. 5.
151 Claude Chauveau, Avis présenté au nom de la commission des finances chargée d’examiner le projet de loi adopté par la chambre des députés ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 648, annexe au PV de la séance du 12 décembre 1933, p. 6
152 Projet de loi adopté par la chambre des députés, adopté avec modifications par le Sénat ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 2712, annexe au PV de la séance du 15 décembre 1933.
153 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, 5 décembre 1933, p. 4359‑4363.
154 Ibid., p. 4382.
155 Ibid., p. 4403.
156 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, 14 décembre 1933, p. 1953.
157 Loi du 28 décembre 1933 ayant pour objet d’aménager certaines dispositions de la loi du 10 juillet 1933 portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, 29 décembre 1933, p. 13018-13019.
158 Certains points font débat, comme sur l’assolement (cf. M. Toy-Riont, et al., Proposition de loi tendant à modifier l’article 6 de la loi du 10 juillet 1933, modifié par la loi du 28 décembre 1933 relative à l’organisation et à la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Sénat, 46, 30 janvier 1934, p. 30-31), ou sur la petite paysannerie (cf. Marcel Michel, et al., Proposition de loi tendant à modifier les lois du 10 juillet et du 28 décembre 1933 concernant l’organisation et à la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Sénat, 81, 19 février 1934, p. 52).
159 R. Ménasseyre, Politique du blé…, op. cit., p. 235.
160 Loi du 17 mars 1934 tendant à modifier et à compléter les dispositions législatives relatives à l’organisation et à la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 29 mars 1934, p. 2786-2788.
161 R. Ménasseyre, Politique du blé…, op. cit., p. 252.
162 Ibid., p. 253.
163 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 6, Rapport de Pierre Fournier, déposé le 10 mars 1934 (adopté le 14).
164 Ibid., Procès-verbal de la réunion du conseil de direction du comité interprofessionnel du 13 mars 1934 et du 7 décembre 1934.
165 F. Martin, « Le problème du blé », La réforme sociale, revue d’économie sociale et rurale, mai 1934, p. 148-154, p. 149.
166 P. Decharme, « La situation du marché du blé en France », débat à la Société d’économie politique du 5 juillet 1934, Journal des économistes, p. 602-620, p. 605.
167 Arch. nat., F7 13035, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Agen, 5 juillet 1933.
168 Ibid., Agen 1er septembre 1933.
169 Ibid., Agen 2 décembre 1933.
170 Ibid., Agen 5 mars 1934.
171 H. Rebiffé, « La politique du blé », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 31 mars 1934, p. 157-159.
172 H. Rebiffé, « Gardons notre sang-froid », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 5 mai 1934, p. 221-222.
173 Arch. nat., F7 13030, Montluçon, le 5 mai 1934, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale.
174 Arch. nat., F7 13031, Commissaire spécial de Troyes à M. le Contrôleur général des services de police administrative, le 2 avril 1934.
175 Arch. nat., F7 13042, Rapport mensuel, Melun, le 10 mars 1934.
176 Arch. nat., F7 13042, Rapport mensuel, Melun, le 1er juin 1934.
177 Arch. nat., BB18 6074, Dossiers banaux. Application de la législation sur le marché du blé, Circulaire du 6 mars 1934.
178 Dont l’« avis aux meuniers » inséré au Journal officiel du 28 novembre 1933.
179 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du 26 mars 1934 du ministre de l’Agriculture au garde des Sceaux.
180 Le plus souvent, cependant, l’Agriculture réclame à la Justice une action plus énergique, comme dans une lettre du 24 avril où le ministre de l’Agriculture reproche un laxisme « qui risquerait dans la plupart des cas de laisser impunies des infractions particulièrement préjudiciables aux intérêts dont [il a] la charge », Arch. nat., BB18 6074.
181 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du 26 mai 1934 du garde des Sceaux aux procureurs généraux.
182 Ibid. Une lettre du garde des Sceaux au ministre des Finances du 17 mai 1934 va dans le même sens et parle d’« une répression qui est plus que jamais nécessaire ». La réponse des Finances, en date du 23 mai, s’accorde sur les démarches. Différentes notes (28 mai, 5 juin, 4 juillet) de la direction criminelle du ministère de la Justice précise les différentes infractions.
183 Arch. nat., BB18 6074, Note pour le garde des Sceaux, 5 juin 1934.
184 « Jurisprudence. Le délit de coalition et le prix minimum des blés », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 607, août 1934, p. 872.
185 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du ministre de l’Agriculture au garde des Sceaux du 14 août 1934. Une affaire proche, jugée à Joigny, donne lieu à un courrier du même type en date du 3 septembre.
186 Arch. nat., BB18 6074, Note pour le garde des Sceaux du 1er bureau de la direction criminelle, 27 août 1934.
187 Ibid.
188 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du procureur général de Colmar au garde des Sceaux, 10 janvier 1935.
189 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du ministre de l’Agriculture au garde des Sceaux, 4 décembre 1933.
190 La répartition par ressorts indique des chiffres limités, sauf pour Agen (23), Rennes (19) et Bourges (11) ; pour les achats de blé au-dessous du cours légal, seuls Nancy, Paris et Riom sont à plus de huit affaires ; Arch. nat., BB18 6704.
191 Les dossiers sont très inégaux d’un ressort à l’autre : cf. Arch. nat., BB18 6075, Dossiers banaux. Application de la législation sur le marché du blé. Classement par cour d’appel. Agen à Lyon 1933-1938 ; BB18 6076, Paris 1934-1939 ; BB18 6077, Montpellier à Toulouse 1933-1938.
192 Arch. nat., BB18 6076, Copie de lettre (septembre ou octobre 1934) du garde des Sceaux au ministre de l’Intérieur.
193 J. Castagnez, J. Dupiol, « Le problème du blé », L’Homme nouveau, 1er janvier 1934.
194 « La loi du 10 juillet n’est-elle qu’une loi électorale ? », Le Petit Meunier, 1, 15 mars 1934, p. 1.
195 « Les conséquences de la loi du 10 juillet », Le Petit Meunier, 2, 22 mars 1934, p. 2.
196 « Les difficultés de la meunerie », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 604, avril 1934, p. 781.
197 Jurisprudence, les achats de blés à un prix inférieur au cours imposé par la loi, tribunal correctionnel de Mayenne, 6 décembre 1933, avec commentaire de Pierre-Armand Weill, avocat à la cour de Paris, Journal de la meunerie et de la boulangerie, 600, janvier 1934, p. 736-738, p. 738.
198 « Blé. Vente des blés. Prix imposé. Réglementation (Loi du 13 juillet 1933). Infraction. Mayenne (trib. corr.), 6 décembre 1933 (Veuve Cussot) », La Semaine juridique, 1er semestre 1934, p. 165-166, p. 166 pour les citations (à noter qu’il s’agit bien sûr de la loi du 10 juillet 1933, mais l’erreur est dans la publication). Cette décision est également signalée dans le Bulletin de l’Office de renseignements agricoles, l’organe officiel du ministère, 15 février 1934, p. 89.
199 « Jurisprudence. À propos des infractions à la loi du 10 juillet 1933 », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 605, juin 1934, p. 831-832, p. 831.
200 « Blé. Commerce des blés. Infractions au prix minimum. Exercice de l’action publique. Droit du ministère public. Chartres (trib. corr.), 1er juin 1934 (Guilloteau) », La Semaine juridique, 2e semestre 1934, p. 906-907, p. 907 pour les citations.
201 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 29 mai 1934, p. 1280.
202 Ibid., p. 1287.
203 Ibid., séance du 5 juin 1934, p. 1371.
204 La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 19 mai 1934, Reproduction en une (p. 245) de la lettre du sénateur Jacques Benoist à Monsieur le garde des Sceaux, datée du 14 mai 1934.
205 « Jurisprudence. À propos des infractions à la loi du 10 juillet 1933 », Journal de la meunerie…, art. cité, p. 832.
206 On dispose de peu d’éléments sur ces séances présidées par le sénateur de l’Oise Alexandre Goré, qui sont signalées par le résultat qu’elles inspirent : le dépôt d’une proposition de loi par plusieurs sénateurs : M. Donon, et al., Proposition de loi ayant pour objet de modifier et de compléter les lois du 10 juillet 1923 et du 28 décembre 1933 sur l’organisation et la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Sénat, 91, séance du 20 février 1934, p. 58-60.
207 L’intégralité des documents sur l’activité de cette conférence est conservée dans les archives de la chambre de commerce de Paris : ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 12 et 13 Conférence interprofessionnelle du blé 1934-1935.
208 Sont présents suivant les réunions : Henri Garnier, le président de la chambre de commerce de Paris et de l’assemblée des présidents des chambres de commerce, Joseph Faure, président de l’assemblée des présidents des chambres d’agriculture et sénateur, Adolphe Pointier, président de l’AGPB, Henry Chasles, président de l’Association nationale de la meunerie française, et Rousset, président de la Fédération des syndicats de marchands de grains et graines de semence ; Pierre Hallé, secrétaire de l’AGPB, Henri Patizel, rapporteur sur la question du blé devant l’assemblée des présidents des chambres d’agriculture et sénateur, Alain Du Fou, président de l’Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation du blé, Rémy Goussault, membre de la chambre syndicale du commerce des blés, seigles, avoines et orges, Edmond Israël, président de la Bourse de commerce de Strasbourg, et André Guignard, secrétaire général de la Fédération française des syndicats de marchands de grains, et graines de semence.
209 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 12, Procès-verbal de la réunion du 12 avril 1934.
210 Dans la suite de son discours, Chasles a une belle formule : « c’est notre point de vue, parce qu’en somme c’est peut-être notre intérêt ».
211 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 13.
212 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 12, Conférence interprofessionnelle du blé, note du 21 juin 1934.
213 J. Carret, Le marché du blé…, op. cit. Carret est docteur en droit et ès sciences politiques et économiques, ancien attaché au sous-secrétariat d’État du Ravitaillement. L’ouvrage comporte une très brève préface signée de Gaston Carrère, président de la commission de l’agriculture du Sénat, qui écrit, à propos de cette « remarquable étude » : « c’est une codification commentée de textes souvent difficiles à interpréter sans guide ». L’ouvrage devient vite, semble-t-il, une référence dans les milieux agricoles. Il est ainsi présenté ultérieurement : « C’est assurément un monument, mais il ne s’élève pas à la gloire du Parlement. On y découvre toutes les contradictions, toutes les incertitudes et toutes les fautes qui ont fait de cette période une époque funeste à l’agriculture. » (R. de Passillé, « Paroles ministérielles », L’Agriculture nouvelle, 4 avril 1936).
214 J. Carret, Le marché du blé…, op. cit., p. III.
215 Ibid., p. IV.
216 P. Germain, A. Chautemps, R. Besnard, Proposition de loi sur la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Sénat, 296, 17 mai 1934, p. 671-673, p. 671.
217 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 29 mai 1934, p. 1278.
218 Ibid. Max Hymans, dans le même débat, insiste sur le même point : « Si vous continuez, vous perdrez plus que la confiance des campagnes. Vous perdrez, pour l’ensemble du système législatif, le respect des citoyens. La gravité d’un tel état d’esprit dépasse la question du blé. » (p. 1288).
219 Ibid., p. 1278.
220 Ibid., p. 1280. En réponse, le député démocrate-populaire du Finistère Pierre Trémintin tempère le propos : « Incontestablement notre enfant n’est pas parfait. Néanmoins, nous ne voyons aucun motif de le répudier. » (p. 1284).
221 Ibid., p. 1277.
222 Ibid., p. 1286.
223 Ibid. Il ajoute plus loin dans son discours : « Je n’aurai pas l’hypocrisie de ne pas dire que les administrations publiques sont quelquefois peu disposées à conformer leur action aux textes nouveaux et nécessaires. » (p. 1287). Queuille lui répond sur la difficulté de sa mission : « Comment, avec les cadres squelettiques du ministère de l’Agriculture, préparer les textes d’application, puis assurer la visite des moulins ? Comment faire ces opérations de dénaturation ? » (p. 1288). Le socialiste Paul Rives interroge dans la suite du débat dans le même sens : « Mais l’État a-t-il cru seulement aux lois que votait le Parlement ? » (séance du 1er juin 1934, p. 1345).
224 Ibid., séance du 29 mai 1934, p. 1286.
225 Ibid. Cette affaire est rapportée à nouveau par Gaston Bergery lui-même dans son journal La Flèche, le 1er février 1936. La meunerie a semble-t-il fortement pesé sur cette législative partielle dans une circonscription pour une part largement céréalière. Le fait est cité in J. Garrigues, Les patrons et la politique. De Schneider à Seillière, Paris, Perrin, 2002, p. 164 ; il n’est par contre pas repris dans une analyse de cette lutte électorale in P. Burrin, La dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery 1933-1945, Paris, Le Seuil, 1986, p. 110-111. Cette interpellation à la tribune sur ce cas est répercutée dans l’hebdomadaire La Tribune des fonctionnaires, 16 juin 1934 (coupures de presse, Arch. nat., CE 127). Le point reste dans les mémoires de la gauche et est cité dans un article du Populaire lors du débat sur la création de l’Office du blé : « Maîtres du marché, les Grands Moulins sont décidés à défendre leurs privilèges », 1er août 1936.
226 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 8 juin 1934, p. 1462.
227 Ibid., p. 1463.
228 Ibid., séance du 1er juin 1934, p. 1342.
229 Ibid., p. 1352.
230 Ibid.
231 Arch. nat., BB18 6074, Dossiers banaux. Application de la législation sur le marché du blé, lettre du 2 juin 1934. Le dossier ne comporte hélas pas la suite de l’affaire.
232 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 1er juin 1934, p. 1353.
233 Ibid., p. 1354.
234 Ibid., p. 1356.
235 Ibid., p. 1357.
236 L. Guillon, Proposition de loi tendant à la création d’un office professionnel des céréales, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 3493, annexe au PV de la séance du 1er juin 1934.
237 J. Serda, et al., Proposition de loi tendant à réduire le délai d’apurement des titres de perception d’admission temporaire des blés et à modifier le libellé des tableaux d’apurement de cette admission temporaire, publiés par l’administration des douanes, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 3494, annexe au PV de la séance du 1er juin 1934.
238 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 5 juin 1934, p. 1368.
239 Ibid.
240 Ibid., p. 1370.
241 Ibid., p. 1371.
242 Ibid., p. 1375.
243 Ibid., séance du 7 juin 1934, p. 1409.
244 Ibid., séance du 8 juin 1934, p. 1462-1463.
245 Celle-ci regroupe en effet parmi ses signataires à la fois Briquet, Thureau-Dangin, Triballet ou Maxence Roldes (Impressions parlementaires, 3531, 7 juin 1934, conservée en Arch. nat., F10 2170).
246 C. Borgeot, Rapport au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner la proposition de loi de M. Gaston Carrière tendant à établir le prix minimum du blé en fonction du droit de douane et du cours mondial, Impressions parlementaires, 317, 31 mai 1934.
247 « Revenons aux saines doctrines », L’Agriculture nouvelle, 16 juin 1934, p. 3. Le même périodique commentait, à propos des lois de 1933, la « démagogie rurale » : « Nos parlementaires ont, sans doute, eu les meilleures intentions, mais ils ont fait preuve de courte vue en n’apercevant pas les conséquences de leurs votes. » (« La fermeture des moulins », 2 juin 1934). Et après le vote de la loi : « Telle est, dans ses grandes lignes, la nouvelle loi sur le marché du blé, la quatrième du genre depuis un an. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne marque pas un progrès dans le travail parlementaire. » (« À propos de la loi sur le marché du blé », 14 juillet 1934, p. 3).
248 Projet de loi relatif à l’organisation et à la défense du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 3554, annexe au PV de la séance du 14 juin 1934, p. 2.
249 Arch. nat., C 14980, Commission de l’agriculture, séance du 20 juin 1934. Les meuniers commentent sévèrement ce travail parlementaire et notent : « Nous allons avoir une quatrième loi sur le blé. La gestation en fut difficile et donna lieu à quelques accrochages ainsi qu’à une navette parfois nerveuse. », « Au Parlement », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 605, juin 1934, p. 821.
250 Loi du 9 juillet 1934 relative à la défense et à l’organisation du marché du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 11 juillet 1934, p. 6995-6996. Deux lois, quelques jours auparavant, ont été votées sur des points plus techniques : loi du 4 juillet 1934 relative à la défense du marché du blé de la récolte de 1933 par l’intermédiaire de la Caisse nationale de crédit agricole (8 juillet 1934, p. 6766) et loi du 6 juillet 1934 tendant à assurer le respect du prix minimum légal du blé dans les ventes faites par adjudication (8 juillet 1934, p. 6850).
251 Arch. nat., F7 13039, Le commissaire spécial à Monsieur le Directeur de la sûreté générale, Boulogne sur Mer, 5 juillet 1934.
252 B. Desjeux, La taxation du Blé…, op. cit., p. 147.
253 P. Decharme, « La situation du marché du blé en France », art. cité, p. 608.
254 R. Pupin, in « Débat à la société d’économie politique du 5 juillet 1934 », Journal des économistes, p. 602-620, p. 615.
255 G. Fain, dans le débat rapporté in ibid., p. 619.
256 « Les prix minima du blé », L’Agriculture nouvelle, 28 juillet 1934, p. 3.
257 J. Neumand, « La nouvelle loi sur l’organisation et la défense du marché du blé », La Terre de Bourgogne, 15 juillet 1934, p. 211-212, p. 211
258 Le ministre de l’Agriculture interpelle le garde des Sceaux sur ce point : Arch. nat., BB18 6076, Dossiers banaux. Application de la législation sur le marché du blé. Classement par cour d’appel. Paris 1934-1939.
259 « La loi folle devant les tribunaux », Le Petit Meunier, 20, 26 juillet 1934, p. 2.
260 « Réflexions sur le problème du blé », Le Petit Meunier, 49, 14 février 1935, p. 1.
261 CAEF, B-0000902/2 Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, extrait du registre des délibérations de la chambre de commerce de Saumur, 27 juillet 1934.
262 Arch. nat., F7 13035, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Agen 4 septembre 1934.
263 Arch. nat., F7 13035, Le Commissaire spécial à M. le Directeur de la Sûreté générale, Agen, 4 octobre 1934.
264 Décret 6 octobre 1934 portant codification des textes législatifs concernant l’organisation et la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 14 octobre 1934, p. 104222-10428. Cette codification était prévue dans le texte de la loi du 9 juillet 1934.
265 P.-J. Noly, Le rôle des coopératives agricoles…, op. cit., p. 36.
266 H. Triballet, « Le problème du blé », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 22 septembre 1934, p. 465-466.
267 M. Romier, « La crise du blé », Cahiers du bolchevisme, 1er janvier 1935, p. 49-60, p. 50.
268 Ibid., p. 51.
269 La Tribune des fonctionnaires, 4 août 1934, coupure de presse conservée dans Arch. nat., CE 127.
270 T. Valensi, Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à déposer d’urgence un projet de loi tendant à autoriser le ministre de l’Agriculture à acquérir directement des agriculteurs et à stocker la récolte de blé encore invendue de 1933, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4010, annexe au PV de la séance du 8 novembre 1934 ; A. Lacourt, Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre les mesures utiles, destinées à assurer l’écoulement de l’excédent des récoltes de blé des années 1933 et 1934, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4150, annexe au PV de la séance du 22 novembre 1934.
271 C. Daniélou, Proposition de loi tendant à autoriser l’État à acheter, jusqu’à un maximum de 200 quintaux, le blé de chaque producteur, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4017, annexe au PV de la séance du 8 novembre 1934.
272 R. Richard, Proposition de loi tendant à modifier l’article 5 de la loi du 28 décembre 1933 « portant fixation d’un prix minimum pour le blé et tendant à l’organisation et à la défense du marché du blé », et à maintenir la liberté d’emblavure pour les exploitations rurales de moins de trois hectares, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4023, annexe au PV de la séance du 8 novembre 1934.
273 A. Duval, et al., Proposition de loi tendant à assainir le marché du blé en France, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4121, annexe au PV de la séance du 15 novembre 1934.
274 J. Niel, L. Bonnefous, Proposition de loi tendant à la réorganisation du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4135, annexe au PV de la séance du 20 novembre 1934.
275 E. Faure, H. Triballet, Proposition de loi concernant l’achat des blés de la récolte 1932-1933, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4136, annexe au PV de la séance du 20 novembre 1934.
276 Propos rapportés dans L. Pichat, « Vers la liberté du marché du blé », Revue politique et parlementaire, 481, 10 décembre 1934, p. 473-481, p. 475-476 pour la citation et cités également par S. Grenier, Le blé dirigé…, op. cit., p. 112.
277 M.-G. Mitzakis, « L’assainissement du marché du blé », L’Intransigeant, 25 novembre 1934.
278 Projet de loi tendant à l’assainissement du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4215, annexe au PV de la séance du 4 décembre 1934. On peut noter qu’est publié, en annexe à ce projet de loi, le décret de codification des textes du 6 octobre 1934 (p. 22-40).
279 Ibid., p. 2.
280 Ibid., p. 4.
281 Ibid., p. 5.
282 Arch. nat., C 14980, Commission de l’agriculture, séance du 5 décembre 1934. Le procès-verbal analytique est sommaire.
283 Ibid., séance du 6 décembre 1934.
284 Ibid.
285 Ibid., séance du 6 décembre 1934.
286 C. Briquet, Rapport fait au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner le projet de loi tendant à l’assainissement du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4225, annexe au PV de la séance du 4 décembre 1934 (mais remis au président de la Chambre le 8 décembre, publié au Journal officiel du 9 décembre 1934, p. 12096-12100), p. 5 et 6 de l’impression parlementaire pour la citation.
287 Arch. nat., C 15001, Commission des finances, séance du 8 décembre 1934.
288 Ibid., séance du 9 décembre 1934.
289 L. de Chappedelaine, Avis supplémentaire présenté au nom de la commission des finances sur le projet de loi tendant à l’assainissement du marché du blé, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4228, annexe au PV de la séance 10 décembre 1934.
290 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 10 décembre 1934, p. 3005.
291 Ibid., p. 3012-3013.
292 Ibid., p. 3018.
293 Voté le 10, mais résultats proclamés le 11, ibid., séance du 11 décembre 1934, p. 3043.
294 Ibid., p. 3067.
295 Ibid., p. 3097.
296 L’amendement d’Auriol donne lieu à une demande de note du ministère des Finances à la Banque de France, puisque celle-ci serait mobilisée pour le financement ; ABF, 1069199520 1 Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture, note du 11 décembre 1934 au ministre des Finances.
297 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 13 décembre 1934, p. 3128.
298 Ibid., p. 3160.
299 Ibid., p. 3161.
300 Projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à l’assainissement du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 633, annexe au PV de la séance du 14 décembre 1934.
301 Archives du Sénat, 69S 224, Registre 1934-1936, procès-verbal manuscrit de la séance du 17 décembre 1934.
302 C. Borgeot, Rapport fait au nom de la commission de l’agriculture chargée d’examiner le projet de loi adopté par la Chambre des députés, tendant à l’assainissement du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 637, annexe au PV de la séance du 15 décembre 1934, p. 2.
303 C. Chauveau, Rapport fait au nom de la commission des finances chargée d’examiner le projet de loi adopté par la Chambre des députés, tendant à l’assainissement du marché du blé, Impressions parlementaires, Sénat, 663, annexe au PV de la séance du 21 décembre 1934, p. 1-2.
304 Archives du Sénat, 14S 116 Registre 1934, séance du 21 décembre 1934, p. 252.
305 Ibid., p. 263.
306 Ibid., p. 282.
307 Ibid., p. 298.
308 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, séance du 22 décembre 1934, p. 1505.
309 Ibid., p. 1506. Victor Boret fait même publier une brochure avec l’intégralité de son discours : Arch. nat., F60 219, La question du blé, résumé du débat sur le blé au Sénat le 22 décembre 1934. Le discours courageux et documenté de M. Victor Boret, Poitiers, Imprimerie « L’Union », 1935, 39 p. Est d’ailleurs publiée en annexe la lettre de félicitations reçue de l’AGPB.
310 Ibid., p. 1522.
311 Ibid., p. 1526.
312 Ibid., p. 1565.
313 Arch. nat., F60 220, Lettre du président du Comité national de la grande meunerie industrielle du 18 décembre 1934 au président du Conseil. La lettre est accompagnée d’une brochure signée par l’auteur : H. Lévy, Du projet de loi sur les blés, 14 décembre 1934, 7 p. Cet envoi fait suite à des précédents en date des 7 et 9 décembre 1934 (Arch. nat., F60 219).
314 Arch. nat., F60 219, Note du 11 décembre 1934 sur le « congrès exceptionnel, dit “des États généraux de l’Agriculture” », 12 p.
315 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 6, Déclaration sur la politique économique du Gouvernement adoptée par l’assemblée des présidents de chambres d’agriculture, les groupements agricoles nationaux et associations spécialisées le 10 décembre 1934.
316 Arch. nat., F60 219, Lettre d’Henri Garnier au président du Conseil, 11 décembre 1934. Copie de cette lettre est conservée dans les dossiers de la chambre de commerce : ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 6.
317 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 7, note du 14 décembre 1934.
318 ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 6, lettre du 14 décembre 1934.
319 Ibid., note du 12 octobre 1934.
320 Arch. nat., F7 13042, Rapport mensuel, Melun, le 10 décembre 1934.
321 Arch. nat., F7 13030, Moulins, le 12 décembre 1934, Sûreté nationale, rapport n° 1290.
322 Arch. nat., F60 219, Fédération des associations agricoles de Seine-et-Marne, texte écrit après une réunion tenue le 5 décembre 1934.
323 Arch. nat., F60 219, Circulaire du préfet de l’Isère, 21 novembre 1934.
324 « Jurisprudence. Toujours le prix minimum », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 611, décembre 1934, p. 952-953, p. 952. La décision de Poitiers, en novembre 1934, est au cœur de la jurisprudence, comme en témoignent les compilations jurisprudentielles de la Gazette du Palais pour 1934. La jurisprudence de l’année est résumée en trois domaines : « Du prix minimum », « Obligations des meuniers », « Des poursuites ». L’année suivante, la seule catégorie qui persiste est celle des « Sanctions fiscales ». Cf. aussi la compilation du « contentieux général » proposé in C. Eber, A. Hot, Le blé en France, op. cit., p. 89-97.
325 C.-J. Gignoux, « L’essentiel », La Journée industrielle, 12 décembre 1934.
326 M. Romier, « La crise du blé », art. cité, p. 58.
327 « La nouvelle loi consacre la déflation des prix agricoles », La Tribune des fonctionnaires, 26 janvier 1935, coupure de presse conservée dans Arch. nat., CE 127.
328 Paul Marion, « Le nouveau régime du blé », L’Europe nouvelle, 882, 5 janvier 1935, p. 7-9, p. 7.
329 Ibid., p. 9.
330 Article 16, Loi du 24 décembre 1934 tendant à l’assainissement du marché du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 25 décembre 1934, p. 12696-12701. Ce point aboutit au décret du 17 mars 1935 portant codification des textes législatifs concernant l’organisation et la défense du marché du blé, ibid., 21 mars 1935.
331 L’exposé des motifs du projet de loi précisait d’ailleurs : « L’opération projetée étant destinée à rendre la liberté à l’économie agricole française ne doit, en aucun cas, motiver la création de fonctionnaires nouveaux. », in Projet de loi…, 4215, p. 11.
332 M. Court, Le statut juridique de l’Office…, op. cit., p. 22.
333 P.-E. Flandin, « L’expérience de 1935 », Revue de Paris, 1er mai 1937, p. 481-495, p. 490.
334 Ibid., p. 489.
335 J. de Bresson, L’Office du blé, op. cit., p. 39.
336 P.-J. Noly, Le rôle des coopératives agricoles…, op. cit., p. 41.
337 L. Pichat, « Vers la liberté du marché du blé », art. cité, p. 473.
338 Ibid., p. 475.
339 B. Lavergne, « Une expérience malheureuse… », art. cité.
340 Ibid., p. 124.
341 J. Barthélemy, « L’étatisme en campagne ne rend pas “l’homme dirigé” moins misérable que “l’homme libre” », Le Matin, 21 mai 1935.
342 H. Hornbostel, Peut-on stabiliser le prix du blé. Une solution corporative en harmonie avec l’intérêt général, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1935, p. 19. L’auteur note aussi : « Jusqu’ici on s’est contenté de fixer un prix minimum sans prendre aucune disposition pour que ce prix devienne effectif. Le prix minimum n’est pas devenu seulement un prix maximum, mais un prix irréel, un prix abstrait, issu d’une légalité dérisoire. » (p. 5).
343 R. Groisne, La politique française du blé depuis la guerre, Paris, Librairie technique et économique, 1936, p. 197.
344 A. Coevoet, La législation française du blé, op. cit., p. 173.
345 J. des Forts, Le Blé…, op. cit., p. 11-17. L’antiparlementarisme virulent de cette brochure reprend les thèmes habituels de la période : antimaçonnisme et antisémitisme.
346 H. Rebiffé, « Le nouveau projet de loi sur le blé », La Défense agricole de la Beauce et du Perche, organe du syndicat agricole départemental d’Eure-et-Loir, 15 décembre 1934, p. 626-627.
347 D. Plandall, « Le miroir aux alouettes », La Revue de Cerdagne, 18, 1er janvier 1935, p. 2.
348 Arch. nat., F60 219, Préfet de la Sarthe au président du Conseil, 16 janvier 1935. Le préfet demande un communiqué officiel pour rétablir la vérité.
349 Arch. nat., F60 219, Chambre d’agriculture de Vendée, Rapport d’A. Guillon à la session extraordinaire du 31 janvier 1935.
350 Arch. nat., F60 220, 2e note Application de la loi sur les blés du 24 décembre 1934, confidentiel.
351 L. Boudehan, Étude & Commentaires de la loi sur l’Office du blé, suivie d’une étude comparative sur les organisations allemande & italienne, Paris, LGDJ, 1937, p. 8.
352 Arch. nat., F60 220, Note « Blés reportés de la récolte de 1933 », 15 décembre 1934.
353 Ibid., Note « Le scandale des blés de report et de stockage », 4 février 1935.
354 M. Vincent, Le drame du blé français. Commentaires de la loi du 24 décembre 1934, Dunkerque, Imprimerie du « Nord maritime », 1935, p. 22-23. Ce député est un « républicain de gauche », soit un modéré.
355 R. Jean, Capron, Clamamus, Dewez, Midol, Monjauvis, Ramette, Péri, Thorez, Proposition de loi tendant à permettre aux petits et moyens producteurs de vendre à un prix convenable leur blé des récoltes 1933 et 1934, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4588, annexe au PV de la séance 31 janvier 1935.
356 A. Duval, A. Join-Lambert, G. Guérin, Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre des mesures en vue de l’application équitable de la loi du 24 décembre 1934 sur les blés par la modification des modalités d’achat prévues par l’État, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 4649, annexe au PV de la séance du 7 février 1935. L’exposé des motifs liste en effet, p. 12, pour la récolte 1933, trois sortes de blés : le blé stocké et reporté, le blé stocké mais non reporté, le blé ni stocké ni reporté ; pour la récolte 1934, quatre sortes de blés : le blé stocké, le blé stocké qui sera acheté par l’État, le blé libre qui sera acheté par l’État, le blé libre qui ne sera pas acheté par l’État.
357 A. Normand, Une expérience d’économie dirigée…, op. cit., p. 71.
358 P. Hallé, « Le bilan de la situation présente », in P. Hallé, et al., La France trahit ses paysans, Paris, Flammarion, Union nationale des syndicats agricoles, 1937, p. 7-78, p. 52.
359 « Le marché du blé libre », Bulletin de l’Office de renseignements agricoles, 1er janvier 1935, p. 18.
360 Archives du Sénat, 69S 224, Registre 1924-1936, séance du 5 mars 1935 de la commission de l’agriculture.
361 Ibid., séance du 21 mars 1935.
362 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du préfet de la Sarthe au garde des Sceaux, 11 janvier 1935. Copie de la lettre est indiquée comme adressée aux ministres de l’Intérieur et de l’Agriculture.
363 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du procureur général près la cour d’appel de Riom au garde des Sceaux, 14 janvier 1935.
364 Arch. nat., BB18 6074, Note pour Monsieur le garde des Sceaux, 14 janvier 1935. Le rapport du procureur général de Paris, daté du 2 janvier, n’a pas été retrouvé dans le dossier.
365 Arch. nat., BB18 6074, Note complémentaire du 14 janvier 1935 (anonyme et papier sans en-tête).
366 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du procureur général de Paris au garde des Sceaux, 17 janvier 1935.
367 Le garde des Sceaux fait une nouvelle circulaire, en date du 15 février 1935, à ses procureurs généraux pour se conformer à cet arrêt, Arch. nat., BB18 6074.
368 « Jurisprudence. Funérailles du prix minimum », Journal de la meunerie et de la boulangerie, 613, février 1935, p. 995-996, p. 995.
369 Arch. nat., BB18 6076, Lettre du procureur général près la cour d’appel de Paris au garde des Sceaux, 29 mars 1935.
370 Ibid., Lettre du ministre de l’Agriculture au garde des Sceaux, 23 mai 1935. Le dossier traîne sans nouvel élément, et le procureur recommande à nouveau un non-lieu en mai 1936, celui-ci étant déclaré en décembre 1936.
371 Arch. nat., BB18 6074, Lettre du ministre des Finances au garde des Sceaux, 18 avril 1935.
372 Ibid., Lettre du garde des Sceaux au ministre des Finances, 2 mai 1935.
373 Ibid., Lettre du directeur général des Contributions indirectes au garde des Sceaux, 2 mai 1935.
374 Ibid., Circulaire du garde des Sceaux aux procureurs généraux, 21 mai 1935.
375 Ibid., Lettre du ministre de l’Agriculture au garde des Sceaux au ministre des Finances, date illisible, cachet d’arrivée le 4 juin 1935.
376 Arch. nat., BB18 6075, Dossiers banaux. Application de la législation sur le marché du blé. Classement par cour d’appel. Agen à Lyon 1933-1938 ; Lettre du ministre de l’Agriculture au garde des Sceaux, 17 décembre 1935.
377 Arch. nat., F60 219, Note à Monsieur le président du Conseil, 1er mars 1935.
378 Arch. nat., F60 219, Lettre de l’Association nationale de la meunerie française au président du Conseil, 17 avril 1935.
379 Congrès extraordinaire de la meunerie du 22 mai 1935, La Meunerie française, mai 1935, p. 99-106. Le rapport de Félix Turaud au congrès est édité en brochure (cf. ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 13).
380 H. Chasles, « Discours au congrès », La Meunerie française, mai 1935, p. 99.
381 Ibid., p. 100.
382 G. Canguilhem, Le fascisme et les paysans, in Œuvres complètes, vol. 1, Écrits philosophiques et politiques (1926-1939), Paris, Vrin, 2011, présenté par M. Cammelli (p. 515-533), p. 539-593. L’édition critique est de qualité malgré quelques erreurs ponctuelles.
383 Ibid., p. 545.
384 Ibid., p. 549.
385 Ibid., p. 554.
386 Ibid., p. 564.
387 Décrets-lois des 13 juillet : A) Prix des blés ayant fait l’objet de contrats de prises en charge ; B) Codification des lois sur le blé ; C) Blés stockés ou blés pris en charge à mettre en œuvre par les meuniers ; D) Cessation d’emploi des blés stockés (1re partie), Journal officiel de la République française, Lois et Décrets, 14 juillet 1935, p. 7582-7585, et décret-loi du 16 juillet : marché du blé, ibid., 17 juillet 1935, p. 7683.
388 L’œuvre du Cabinet Laval, huit mois de défense agricole. Des actes, des chiffres, des résultats, s.l., [1936], p. 6.
389 Décret du 19 juin 1935 sur la liquidation de l’emploi des blés de report par la meunerie ; décret du 26 juin imposant 75 % des blés stockés à introduire dans les moutures pour l’utilisation rapide de ces blés ; décret du 17 juillet sur la répression des infractions à la réglementation sur le marché des blés ; décret-loi du 18 août sur l’emploi par la semoulerie des blés stockés et pris en charge, etc. Le décret-loi du 8 août 1935 a réglé la question des coopératives agricoles.
390 Journal officiel de la République française, Lois et Décrets, 14 juillet 1935, p. 7582.
391 Ibid., p. 7583.
392 Un témoignage direct est donné sur ce fait dans un courrier d’A. Pointier (président de la Société des agriculteurs de la Somme et président de l’AGPB) au préfet de la Somme en date du 8 août 1935, dont copie est transmise à la présidence du Conseil, Arch. nat., F60 208.
393 Arch. nat., F60 217.
394 R. de Passillé, « La hausse du prix du pain », L’Agriculture nouvelle, 12 octobre 1935.
395 Journal officiel de la République française, Lois et Décrets, 12 octobre 1935, p. 10910 ; 17 octobre 1935, p. 11020‑11021, et 31 octobre 1935, p. 11638-11640. L’ensemble de ces textes est finalement recodifié au printemps 1936, avant les élections : Décret du 24 avril 1936 portant codification des textes législatifs concernant l’organisation et la défense du marché du blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 8 mai 1936, p. 4766-4771.
396 Cf. description p. 132-136 in M. Chabanon, La meunerie française…, op. cit., et chapitre précédent. Notons d’ailleurs le titre d’un article fort critique dans Le Petit Meunier, « Nous ne ferons pas les frais de ces lois imbéciles », 91 bis, 7 décembre 1935.
397 S. Grenier, Le blé dirigé…, op. cit., p. 125.
398 Cf. P. Cathala, Face aux réalités : la direction des finances sous l’occupation, Paris, Éditions du Triolet, 1948.
399 Déclaration du 25 août 1935, in L’œuvre du Cabinet Laval…, op. cit., p. 16.
400 « Les derniers décrets-lois et l’agriculture », Bulletin des engrais, 169, 10 novembre 1935, p. 481.
401 « La baisse du blé et l’opinion du Ministre de l’Agriculture », Bulletin des engrais, 172, 25 décembre 1935, p. 553.
402 F. Deby, « Baisse des prix et revalorisation des produits agricoles », L’Europe nouvelle, 927, 16 novembre 1935, p. 1112-1114, p. 1114.
403 R. de Passillé, « Les causes de revalorisation », L’Agriculture nouvelle, 21 mars 1936.
404 J. Le Roy Ladurie, Mémoires 1902-1945, Paris, Flammarion, Plon, 1997, édition établie par A. Rowley et E. Le Roy Ladurie, p. 161.
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