Chapitre Premier. « Le problème du blé »
p. 41-99
Texte intégral
1« Au danger ancien de la famine a succédé le risque moderne de la surproduction1 », ainsi est titré l’article qui ouvre le dossier spécial consacré au blé en novembre 1930 dans le périodique L’Europe nouvelle. Ce diagnostic est certes porté à l’échelle internationale, mais il concerne aussi la France, qui connaît, durant l’entre-deux-guerres, une large transformation du secteur céréalier. Concernant la production, les surfaces emblavées diminuent, mais les rendements augmentent et la production croît. Avant d’aborder les aspects politiques de la question dans les parties suivantes, on souhaite ici présenter l’évolution des acteurs économiques et sociaux de cette crise du blé française. Pour comprendre l’ampleur et l’impasse des réponses législatives et réglementaires, il faut bien appréhender cette situation, décrite ainsi par un docteur en droit : « Surproduction, défaut d’adaptation de l’offre à la demande, déséquilibre des prix et crise, tel est le processus du drame agricole de 1929 qui se prolonge encore aujourd’hui et menace de tourner en tragédie2. » Les diagnostics de cette crise sont cependant parfois assez divergents. Certains agriculteurs dénoncent les politiques menées depuis la sortie du conflit mondial : « La cause profonde de la crise rurale provient pour une très large part de la politique économique nettement anti-agricole suivie par les Pouvoirs publics depuis la guerre3. » Un représentant des coopératives de consommation résume bien la tension :
« Les producteurs prétendent que les consommateurs veulent du pain à n’importe quel prix, même à leur détriment. Les consommateurs accusent les producteurs de s’enrichir, pendant que le pain, leur aliment principal, est à des prix très élevés. Il s’ensuit un malaise social et une opinion générale qu’il y a partout des exploiteurs, et que les classes sociales profitent les unes des autres4. »
I. Les transformations d’un marché
2Dans cette présentation des transformations du marché du blé, on n’aborde pas les enjeux géologiques, climatiques, agronomiques ni même géographiques de la production du blé en France et dans le monde5. De nombreux intervenants dans les débats de l’entre-deux-guerres le font cependant. Compte tenu de notre objectif, qui est de comprendre les enjeux politiques de la régulation de ce marché, on cherche dans cette partie à présenter quelques données de l’évolution du marché et ses principaux acteurs collectifs. Leurs divergences d’intérêts et les arbitrages législatifs et juridiques effectués entre eux sont au cœur des parties suivantes. En partant d’un diagnostic collectivement et difficilement établi au début de la crise, on aborde ensuite quatre dimensions : la fluctuation des prix et les commentaires qui les accompagnent, les enjeux du financement des récoltes, l’essor des coopératives et les transformations de la meunerie.
A. Un diagnostic sur le marché du blé difficile à établir
3Pour approcher les différents acteurs du marché du blé et la transformation de ce dernier, on peut partir de l’élaboration d’un rapport sur « la politique du blé » établi au Conseil national économique (CNE) et adopté en juin 19316. Débuté à l’été 1928, ce travail d’enquête sur le blé s’inscrit dans un bilan de « la situation des principales branches de l’économie nationale7 ». Les archives conservées révèlent que la documentation est lente à établir. Pierre Hallé, le secrétaire général de l’Association générale des producteurs de blé, initialement désigné pour faire le rapport, semble avoir rencontré des difficultés. À la fin décembre 1930, il écrit au président de la commission d’enquête, Louis de Vogüé, pour s’excuser de ses retards. Au-delà de son surmenage, il note aussi :
« Par ailleurs, je vous avoue que je ne suis pas très pressé de formuler des suggestions sur certains aspects du problème tout à fait d’actualité – comme l’office du blé, le contrôle des importations, le fonctionnement des marchés à terme etc. – dans les circonstances politiques quelque peu troubles et incertaines que nous connaissons8. »
4Le travail peut reprendre au printemps 1931 avec le fait que le rapport est alors confié à un inspecteur général au ministère de l’Agriculture, Charles Brasart. Des tensions émaillent le travail de la commission d’enquête. Certes, Hallé essaye de revendiquer une politique du blé qui doit « s’inspirer bien plus des circonstances que des principes9 », mais les débats retrouvent des lignes de clivage plus classiques. Représentant des coopératives de consommation, Ernest Poisson critique les limites du protectionnisme ; il « ne pense pas que ce soit à l’abri de la forteresse des droits de douane que doit se développer, en France, la politique du blé10 ». Le représentant de la meunerie française, Henry Chasles, est auditionné et pose la question de la sous-consommation du pain, tout en se félicitant de l’évolution de sa branche : « La grande meunerie, qui a fait l’objet d’assez nombreuses critiques, a maintenant pris sa place dans le pays11. »
5Arthur Chaussy, l’homme de la Fédération nationale de l’agriculture de la CGT, critique les premières conclusions du rapporteur, qui « n’amélioreront pas sensiblement la situation actuelle » et « il préconise, pour sa part, la création d’un office du blé » – proposition renvoyée par la commission à une étude ultérieure12. Charles Gide, le spécialiste de la coopération, économiste et l’un des vice-présidents du CNE, se montre critique des revendications de l’agriculture française en soulignant que « toutes les statistiques font apparaître une diminution incontestable de la consommation du blé dans le monde. Si ce fait est fondé, il paraît bien téméraire de dire que le destin de la France est lié à la culture du blé. Il semble que les agriculteurs français doivent se résigner à cette diminution de la consommation du blé13 ». Enfin, les représentants de la boulangerie attaquent, lors de leur audition, très vivement les coopératives agricoles, dont certaines associent vente du blé et activités meunières et parfois même boulangères14.
6Lors de l’adoption du rapport par l’assemblée générale du CNE le 20 juin 1931, de petites tensions affleurent encore. Le rapporteur défend la protection douanière :
« La commission permanente s’est donc trouvée en face du problème suivant : faut-il que la France reste une nation productrice de blé, ou au contraire qu’elle confie son alimentation en blé aux puissances qui le produisent en très grande quantité telles que l’Australie, les États-Unis, le Canada et l’Argentine ? À l’unanimité la commission permanente et la première commission d’enquête ont admis qu’il fallait en France continuer à produire du blé pour des raisons d’ordre à la fois économique et social. Pour conserver cette production de blé il est nécessaire de maintenir un certain niveau dans les prix, et ainsi s’est trouvée posée la question des droits de douane. Là aussi les commissions ont été d’accord pour reconnaître que la protection douanière était nécessaire. Bien entendu cette protection ne doit pas constituer une mesure définitive, elle ne doit être qu’une barrière derrière laquelle s’organise la production15. »
7L’ingénieur agricole et président de l’Union syndicale des techniciens de l’industrie, du commerce et de l’agriculture (USTICA), proche de la CGT, Roger Francq intervient en opposition en considérant que « la politique du blé suivie jusqu’à présent est une politique de vie chère, car nous produisons du blé à des prix à peu près triples de ceux pratiqués dans les pays de grande production16 ».
8Enfin, une courte passe d’armes oppose de bons connaisseurs du dossier sur la question des statistiques agricoles. Le rapporteur Brasart, qui a dû, au cours des réunions précédentes, parfois défendre la qualité des statistiques ministérielles, se montre prudent en expliquant qu’« il ne pense pas qu’il faille multiplier les renseignements relatifs aux prévisions de récolte car ce serait ouvrir la voie à la spéculation : ce serait d’autant plus regrettable que l’on doit rechercher avant tout la stabilité des cours. » Hallé va dans le même sens, mais Michel Augé-Laribé leur répond fermement et « marque au contraire l’intérêt que présenterait la plus large publicité possible donnée aux statistiques. Certes les spéculateurs se serviront des renseignements qu’ils pourront avoir, mais il est encore plus dangereux qu’ils se servent de renseignements cachés. La meilleure défense contre la spéculation est encore la publicité17 ».
9De ces désaccords résulte un rapport finalement adopté au ton assez neutre, qui met à distance les objets d’affrontements possibles. Les conclusions relèvent souvent de vœux pieux même si les sujets sont signalés, comme quand le rapport précise qu’une politique de répartition « devrait tendre, en premier lieu, à discipliner le marché et à prévoir un juste équilibre entre la production et les besoins de la consommation. À cet effet, elle perfectionnerait le stockage des récoltes, l’échelonnement des ventes, par le jeu du warrantage et du Crédit agricole et sur certains points de détail l’organisation des marchés à terme et, en particulier, du marché réglementé du blé à la Bourse de commerce de Paris18 ».
B. Les fluctuations des prix
10La question des prix du blé durant les années vingt et la première moitié des années trente n’est pas une chose simple. L’enjeu politique de ces chiffres associé à la rareté de statistiques fiables complique la tâche de l’historien. Les données le plus souvent utilisées par les différents acteurs à l’époque ne sont que rarement « sourcées » et les chiffres proposés, que ce soit pour les prix moyens du blé, du pain ou même des volumes de la production de blé, sont très variables. Si, de plus, ils sont mobilisés par les acteurs comme par les analystes, ils ne donnent que rarement lieu à des études économétriques rigoureuses19.
11Dans son bilan annuel, l’économiste spécialiste des questions agricoles, Pierre Fromont explique que « l’agriculture française a continué, en 1933, une vie difficile ». Décrivant le phénomène, il ajoute :
« La surproduction mondiale se complique maintenant d’une surproduction nationale. Contre la première, des moyens de lutte existent, d’une efficacité limitée mais certaine. La seconde nous trouve déconcertés et désarmés : rien n’est prêt pour la résorber20. »
12C’est bien cette nouvelle surproduction associée à l’irrégularité des récoltes qui renforce le trouble. L’ancien (et futur) ministre de l’Agriculture radical Henri Queuille note en 1930 :
« Ainsi donc, à un an de distance, parce que le soleil l’a déterminé ainsi, la France se trouve dans une situation presque absolument contraire au point de vue de son approvisionnement en blé ! De tels changements, survenant presque brusquement, alors que les hypothèses les mieux établies les déclaraient improbables, montrent déjà combien il est difficile, de réglementer, de régulariser le marché des blés21. »
13Au-delà de l’irrégularité, c’est l’augmentation de la production qui pose problème, comme le note un rapport d’inspection de la Banque de France :
« Le marché français du blé protégé par de solides barrières douanières et normalement importateur n’avait, semble-t-il, nullement à redouter les conséquences des erreurs commises à l’étranger : la production nationale ne surpassait alors, en effet, qu’accidentellement les besoins intérieurs, et les excédents, qui, les années d’abondance, encombraient nos greniers, étaient aisément résorbés au cours de la campagne suivante. […] Une telle situation portait, cependant, en soi les germes de son renversement : stimulés par des prix rémunérateurs, les cultivateurs orientaient insensiblement leur production vers les variétés à haut rendement, mais de qualité boulangère médiocre, cependant que la consommation faiblissait. Aussi bien suffit-il de l’abondance amenée par plusieurs récoltes exceptionnellement belles, dont la succession accentua par un singulier paradoxe le caractère désastreux, pour mettre en relief les faiblesses d’une défense entièrement fondée sur l’hypothèse d’un régime normal d’importations et rendre au problème du blé en France un renouveau d’actualité22. »
14L’alternance des années où la France était importatrice avec celle où elle était exportatrice a été longtemps une idée bien ancrée chez les acteurs agricoles et politiques :
« La France est à la fois un pays grand producteur et grand consommateur de blé, mais elle a une situation à part qui peut se caractériser par deux traits généraux : elle est tantôt importatrice, tantôt exportatrice et, d’autre part, elle produit à un prix de revient trop élevé pour lutter avec avantage contre les pays plus favorisés23. »
15La conséquence politique était simple :
« Il est certain que les Pouvoirs publics ont cru pendant longtemps que les choses s’arrangeraient d’elles-mêmes. Pour le blé, par exemple, ils se sont fiés à la périodicité (au maximum biannuelle) des récoltes excédentaires et déficitaires ; mais il faut reconnaître qu’ils ont eu la véritable malchance de se heurter à trois années consécutives de production excédentaire24. »
16Comme le notait ironiquement l’économiste libéral André Liesse : « le soleil et les éléments météorologiques n’ont pas d’égards pour les lois que votent les parlements25. »
17La variation des cours dans l’année a donné lieu à de nombreuses études dont les conclusions ne sont pas toujours claires26. De même, les tentatives pour calculer le prix de revient conduisent à des débats infinis27. Les différences régionales compliquent l’action de l’État, comme le note un juriste : « Cette infinie variété des prix de revient du blé en France constitue un des obstacles les plus sérieux qu’aient rencontré les Pouvoirs publics lorsqu’ils cherchaient une solution au problème du blé pendant la crise récente28. »
18Par ailleurs, le prix de revient est souvent au cœur des discussions sur l’avenir de l’agriculture française, comme pour cet économiste libre-échangiste, qui note :
« Il est certain qu’un tel prix de revient ne permet pas à l’agriculteur qui cultive dans les conditions que je viens d’indiquer de vendre son blé – s’il ne veut point le vendre à perte – à un prix qui soit comparable à celui des blés étrangers. Devons-nous donc continuer de maintenir artificiellement, non par le moyen de la taxation, qui s’est révélé illusoire et totalement inefficace, mais à l’aide d’une intransigeance douanière abusive, les prix d’une denrée de première nécessité que nous pouvons nous procurer à bien meilleur compte hors de nos frontières29 ? »
19Conscient du caractère radical de son propos, il ajoute :
« Les objections naissent en foule, je le sais bien. Spécialiser ainsi les terres, ne plus faire de blé, ou n’en faire que tout juste de quoi fournir au boulanger pour la consommation de l’année, là où depuis des générations l’on s’est accoutumé à considérer le blé comme l’un des produits essentiels de la terre, ce serait une véritable révolution dans les habitudes et les traditions rurales30. »
20Liesse note dans le même sens :
« Il est indiqué qu’économiquement, le blé ne devrait être qu’un produit donné par la grande culture qui peut obtenir des prix de revient les plus bas […] C’est la solution économique rationnelle. Mais, ici, se pose, un problème d’ordre social. Le nombre des cultivateurs cultivant du blé en France, sur des surfaces réduites de quelques hectares, en champs morcelés, parfois distants les uns des autres, est très grand. On a toujours vu dans ce fait un élément de sécurité et d’ordre31. »
21Dans une perspective différente, le juriste et homme politique François de Menthon accorde lui aussi une grande importance à cette question du prix de revient :
« Parer au plus pressé, sauver de la ruine notre agriculture, maintenir ainsi un heureux équilibre entre nos productions est indispensable. Mais une politique du blé ne se juge pas en définitive au degré de protection ; une “grande” politique du blé n’est point celle qui assure dans le présent le prix maximum aux producteurs, mais celle qui en s’orientant délibérément vers la réduction des prix de revient, porterait dans l’avenir à son maximum la productivité de notre agriculture32. »
22Ce débat entre économistes reste cependant peu structuré dans les années trente.
23La question commence à se poser à une échelle qui n’est pas seulement française. L’Europe nouvelle consacre un dossier au blé en novembre 1930 et l’éditorial, titré « La hantise du blé », explique :
« Tant du point de vue français que du point de vue international, il y a la matière à réflexions fructueuses pour qui s’efforce de comprendre les difficultés et les nécessités d’une organisation rationnelle du continent dans le domaine de la production et des échanges. Le problème du blé a été cette année la hantise de l’Europe. […] Quoi ! Le monde mourrait-il de faim sur un tas de blé33 ? »
24On dispose d’un document qui présente la série de conférences internationales tenues entre 1930 et 1931 sur la crise agricole. Publié dans une collection de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, son responsable, Earle B. Babcock, souligne dans son introduction que, si le sujet paraît « assez technique et nettement limité », il est « en liaison étroite avec le débat qui s’est élevé sur la réorganisation politico-économique de l’Europe : accords régionaux ou entente européenne34 ? » L’édition des documents et leur commentaire sont réalisés par André Tibal, professeur à la faculté de lettres de Nancy, ancien professeur à Prague et titulaire de la chaire Carnegie au centre européen de la Dotation. Tibal rappelle qu’autour de la question agricole, se jouent alors les relations entre ce que Francis Delaisi, dans un livre à succès, avait appelé en 1929 les « deux Europe », opposant une partie agricole et une partie industrielle35. À Rome, entre le 26 mars et le 2 avril 1931, s’ouvre la Conférence internationale du blé que préside Michelis. Elle ne réunit pas moins de 152 personnalités, représentant 46 États et de nombreuses organisations internationales, mais les États-Unis n’envoient qu’un observateur36.
C. Les enjeux du financement
25La question du financement de l’agriculture est souvent associée à deux éléments : le développement progressif du Crédit agricole37 et l’enjeu de la modernisation du monde agricole français. À ces questions s’ajoute l’enjeu du financement lié aux récoltes de céréales. Le stockage et les conditions qui le rendent possible sont en effet déterminants pour éviter que des ventes trop massives à certains moments conduisent à un effondrement des prix. Pour les producteurs de blé, la question est cruciale et ils rappellent régulièrement que « le problème du financement reste la clef de l’organisation du marché du blé38 ».
26Le warrant agricole établi par des lois successives au tournant des xixe et xxe siècles se voulait une solution à ce problème mais s’est vite révélé un instrument trop contraignant et inadapté39. Un document interne à la Banque de France résume la situation :
« La faculté donnée aux agriculteurs par le législateur de 1906 d’affecter à la garantie de leurs emprunts les produits mobiliers de leurs exploitations, soit en en conservant la garde, soit en en confiant le dépôt à des tiers convenus, n’avait nullement amélioré leur situation ; car la seule nécessité pratique de la constitution de gage sans dépossession imposée par l’absence de magasins ou silos propres à recevoir les récoltes nanties, en amenuisant la valeur des sûretés accordées aux créanciers, restreignait singulièrement le champ d’application des nouvelles dispositions40. »
27Comme l’a bien noté l’historien André Gueslin, les responsables du Crédit agricole sont, au début des années trente, conscients de cet enjeu ; ils expliquent, dans un rapport interne, qu’« il y a en effet un intérêt national dans un pays comme le nôtre où la culture du blé tient une place prépondérante à éviter que des ventes précipitées d’agriculteurs ayant besoin d’avances n’entraînent une baisse injustifiée des cours et ne favorisent la spéculation41 ». Mais l’importance de ces questions de financement met alors en jeu différents acteurs institutionnels : le Crédit agricole, mais aussi la Banque de France et le Trésor, au ministère des Finances. Au-delà de la dimension strictement financière de cette question, on s’intéresse ici surtout à ces relations institutionnelles et à la manière dont elles déterminent les possibilités d’une politique du blé.
28Une note interne de la Banque de France sur le « marché français du blé » fait un bilan en date du 14 décembre 1934. La situation est clairement résumée :
« Depuis plusieurs années, l’État était intervenu sur le marché des blés, d’abord, pour le soustraire à l’influence des marchés extérieurs, ensuite, pour éviter que pendant une même campagne, les cours ne présentent des variations d’une amplitude exagérée42. »
29À ce constat s’ajoute un jugement :
« Cette intervention de l’État sur le marché du blé n’a pas donné les résultats escomptés, ainsi qu’en témoignent l’existence permanente d’un excédent considérable, et la quasi-impossibilité dans laquelle se trouvent les producteurs, de pouvoir écouler leurs blés au prix légal. »
30Deux causes justifient cet échec : « le problème du blé a été estimé moins sérieux qu’il ne l’était » et « la politique suivie a été une politique temporisatrice ».
31En juin 1930, le ministre de l’Agriculture écrit à son collègue des Finances pour lui transmettre un projet de loi mettant à la disposition de la Caisse nationale de crédit agricole un nouveau crédit pour faciliter l’attribution de prêts à moyen terme43. Il lui demande à cette occasion d’approuver l’abaissement du taux d’intérêt44. La note préparée pour le ministre des Finances par le directeur du Mouvement général des fonds s’accorde sur l’idée des prêts, mais refuse l’abaissement du taux. L’argument qu’il avance montre les enjeux politiques de l’agriculture :
« L’arrêt de l’octroi des prêts à moyen terme, si utiles pour les agriculteurs soucieux de perfectionner leur outillage et, d’une manière plus générale, d’améliorer leurs conditions d’exploitation, ne pourrait qu’aggraver la crise dont souffrent les producteurs, et aurait, il n’en faut pas douter, au point de vue politique, comme au point de vue social, les plus sérieuses répercussions45. »
32Cette démarche s’inscrit dans une série de textes qui autorisent les avances au Crédit agricole46.
33À l’été 1930, le ministre de l’Agriculture Fernand David cherche par ailleurs, avec le soutien de l’AGPB, à obtenir celui de la Banque de France. Lors d’une réunion, le représentant de la Banque est très réservé, car, avec « l’aide de la Banque à telle branche de l’activité nationale, un semblable engagement [constituerait] un précédent qui ne manquerait pas d’être rappelé par d’autres branches de l’agriculture, du commerce ou de l’industrie47 ». Le ministre insiste cependant et conclut l’entretien en indiquant que « le Gouvernement et le monde agricole ne comprendraient pas que la Banque de France, dont l’intérêt se confond avec celui de la France elle-même, se refusât à un effort en faveur de l’agriculture nationale, durement éprouvée en ce moment48 ». L’année suivante, les mêmes débats reprennent et les services de la Banque de France gardent trace de nombreuses réunions sollicitées par André Tardieu afin d’avancer sur ce dossier. Un accord est trouvé entre la Banque et les établissements de crédit dans le but de lever les obstacles qui s’opposaient à la circulation du papier des coopératives et des syndicats agricoles49.
34En novembre 1932, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations écrit au ministre des Finances pour lui indiquer que son institution accepte de mettre à la disposition du Trésor une nouvelle avance de 300 millions pour faciliter le financement de la récolte de céréales de 1932, mais en soulignant que cette avance pourrait « avoir pour conséquence de diminuer d’autant les sommes susceptibles d’être avancées au Trésor pour l’exécution des divers programmes d’intérêt général et notamment pour celui des habitations à bon marché50 ». En réaction à une demande du ministère de l’Agriculture, une note est préparée au ministre des Finances, qui explique la situation sévèrement : l’Agriculture « envisage deux solutions : une aide directe de la trésorerie, une intervention de la Banque de France. Mais en fait il va de soi que seule cette seconde solution peut être non pas retenue, mais examinée, la situation de la trésorerie est telle en effet qu’il est absolument impossible d’effectuer sur ces ressources – ou sur son absence de ressources – un prélèvement quelconque. En ce qui concerne l’intervention de la Banque de France, la note du département de l’Agriculture se borne à indiquer qu’“a priori il ne semble pas impossible de concilier les règles statutaires de cet établissement, en ce qui concerne le réescompte, avec le financement de l’opération nécessaire”. Or, il y a au contraire une incompatibilité absolue entre les mesures proposées et l’activité traditionnelle de l’Institut d’émission51 ».
35La note se poursuit en expliquant que la Banque de France ne s’engage pas dans des crédits à moyen terme. Elle rappelle ensuite l’existence des warrants et note à ce propos : « on se rend compte que l’agriculture n’a eu recours que dans une faible mesure aux facilités dont elle peut user ». Le ministre des Finances écrit alors à son collègue en ce sens et conclut sur les « très sérieuses réserves de principe dont je vous ai déjà fait part au sujet du financement de la récolte de céréales, étant donné, surtout, que l’on prévoit pour les cultivateurs de blé un régime plus favorable et plus stable quant aux prix que celui qui régit les autres cultures et que, en outre, le projet ne contient aucune disposition limitant les emblavures. Il n’est pas douteux que l’on expose ainsi le Trésor à des risques considérables dans le cas où la prochaine récolte serait encore surabondante52 ».
36La loi du 26 janvier 1933 prévoit finalement, pour financer la récolte de 1932, de consentir à la Caisse nationale de crédit agricole, pour la durée d’une année au maximum, des avances jusqu’à concurrence de 300 millions ; les fonds sont empruntés au fur et à mesure par le Trésor à la Caisse des dépôts et consignations. Une note du début de l’automne 1933 indique que 60 millions seulement avaient été mobilisés à cette fin53. L’application de la loi du 10 juillet 1933, qui instaure le prix minimum en termes de financement des récoltes, est aussi assez complexe54. L’article 24 prévoit la création d’un compte ouvert « dans les écritures du Trésor » pour capitaliser le produit des différentes taxes envisagées par la loi. L’article 26 instaure un deuxième compte, ouvert lui aussi au Trésor, dit « compte spécial », chargé de recueillir le produit des émissions d’emprunts faits par la Caisse nationale de crédit agricole rendus éventuellement nécessaires si les taxes ne permettent pas de financer les mesures prévues. Une note pour le ministre des Finances, en date du 20 septembre 1933, détaille les enjeux du financement et propose un discours réaliste et un peu inquiet, soulignant que les ressources sont limitées à la seule taxe à la mouture. Le texte détaille l’emprunt envisagé avec un amortissement de dix ans, mais surtout souligne que « le produit net de cette émission n’est pas suffisant pour permettre au compte spécial de l’article 26 de maintenir pendant toute l’année 1934 une action de soutien équivalente à l’action actuelle55 ».
37Le rôle de la Banque de France est souvent mis en cause par les agriculteurs ou leurs représentants. Ainsi en septembre 1933, un sénateur de la Somme, Edmond Cavillon, écrit au président du Conseil :
« La Banque de France a un rôle à jouer dans cette affaire. Ce rôle consisterait à escompter le papier revêtu de trois signatures et garanti par la marchandise elle-même mise en dépôt. La Banque de France aurait ainsi l’avantage d’augmenter son portefeuille de valeurs à l’escompte et cela sans le moindre risque56. »
38Dans le même sens, le ministre de l’Agriculture écrit à son collègue des Finances, en septembre 1934, pour lui demander de signaler au gouverneur de la Banque de France « le très vif intérêt que présenterait pour la défense du marché du blé une intervention aussi active que possible de l’institut d’émission pour faciliter le financement de ce marché57. » Mais la Banque de France reste très attentive à ses prérogatives. Dans le débat parlementaire de décembre 1934, le socialiste Vincent Auriol dépose un amendement sur lequel la Banque prépare immédiatement une réponse à la ferme conclusion : « Une pareille opération ne peut pas être demandée à la Banque de France, parce qu’elle est contraire aux dispositions impératives des lois et statuts qui régissent l’émission des billets58. »
39En août 1935, une note interne de la Banque de France commente son action et ses enjeux :
« Depuis la mise en vigueur de la loi sur le stockage du blé, la Banque a apporté le concours de son crédit aux organismes coopératifs présentant des garanties suffisantes – soit directement, soit par l’intermédiaire de caisses de crédit agricoles ou de banques – en leur accordant les facilités nécessaires au règlement d’avances sur les apports de blé de leurs adhérents59. »
40La note précise les « principes » qui régissent l’examen des demandes et souligne en écho aux revendications politiques :
« Certains conseils généraux décideront sans doute d’accorder leur garantie aux opérations traitées par les caisses agricoles de leur département ; l’intervention d’un Conseil général ne peut évidemment être considérée comme tenant lieu d’une signature statutaire. Mais c’est un élément favorable dont il pourrait être tenu compte dans l’examen des demandes de crédit60. »
41En août 1935 également, la Banque de France accorde au gouvernement d’apporter un concours plus important pour financer la récolte dans le contexte du nouvel effondrement des prix. La presse quotidienne nationale s’en fait alors largement l’écho61.
42Des points de techniques administratives et financières sont parfois posés dans le cadre de dispositifs de plus en plus complexes. Ainsi, le contrôleur financier du service des céréales demande une décision ministérielle pour trancher une opposition entre la direction générale des Contributions indirectes et « la direction de l’Agriculture ainsi que la direction du Mouvement général des Fonds [qui sont] moins soucieuses d’assurer une stricte application des principes que d’obtenir un meilleur équilibre du compte spécial62 ». La question portait en fait sur le versement de la taxe à la production à propos des achats de blé par l’intendance.
43Dans son étude sur le Crédit agricole, André Gueslin fait le bilan de ces différents financements. Il souligne que les emprunts du Crédit agricole ont été souscrits sans difficulté (200 millions de francs le 11 novembre 1933, une nouvelle tranche équivalente le 28 août 1934, avant deux tranches successives d’un milliard chacune en 193563). Il propose des chiffres de financement par le Crédit agricole de la récolte de blé de 105 millions de francs pour 1931, 212 millions pour 1932, 588 millions pour 1933, 521 millions pour 1934 et 420 millions pour 193564. Il juge globalement que « l’effort financier est insuffisant65 ». Certains acteurs se montraient à l’époque plus enthousiastes, mais l’évaluation reste difficile à établir66. La question du financement des récoltes reste centrale durant les années trente. Une note du ministère des Finances, en septembre 1936, fait le point sur les nombreuses mesures qui ont été prises, en particulier en mettant à la disposition de la Caisse nationale de crédit agricole des crédits spéciaux pour lui permettre de réaliser l’escompte des effets créés par les coopératives de blé67.
44Il est en effet certain que les coopératives de blé sont des interlocuteurs privilégiés dans ces processus de financement de récolte, dès lors que, le plus souvent, il s’agit de payer pour le stockage afin de ne pas peser sur les cours68. Ce stockage est encouragé à partir de la loi du 30 avril 1930 et codifié, avec la publication au Journal officiel de cahiers des charges successifs sur ce point69. Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement de financer les reports et les stockages de blés mais aussi l’éventuelle construction de silos d’État. Un rapport de la Banque de France sur cette question indique :
« En France, la participation de l’État à l’exécution de ces entreprises revêt, lorsqu’elle est accordée, la forme de subventions à fonds perdu pouvant atteindre 33 % des dépenses. Ces sommes sont prélevées sur les crédits mis à la disposition du Génie rural, qui intervient également pour prêter son concours technique70. »
45En février 1935, une correspondance retrouvée dans les archives du ministère des Finances montre la mobilisation des ministères de l’Agriculture et de la Guerre sur cette question71.
D. Le développement des coopératives
46Si le mouvement coopératif dans l’agriculture est ancien72, il est indéniable que le nombre de coopératives agricoles augmente fortement durant l’entre-deux-guerres, particulièrement pour celles concernant les céréales73, et celles-ci jouent un rôle particulier pour l’organisation du marché du blé. D’après la statistique rétrospective publiée par le ministère de l’Agriculture en décembre 1946, on comptait 2 200 coopératives agricoles en 1908, 3 800 en 1923 et 7 420 en 193974. Ce nouveau rôle concerne à la fois le financement des récoltes, les capacités de stockage avec la construction des silos et le rapport ambigu entretenu avec le monde du commerce. Il faut d’ailleurs signaler que le phénomène n’est pas que français durant cette période75.
47L’Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation de blé est créée au début de 1929 afin de poursuivre activement en se spécialisant une politique de défense fiscale en liaison étroite avec l’AGPB76. Certains observateurs voient clairement les coopératives comme de nouveaux acteurs à part entière sur le marché :
« C’est pourquoi les coopératives sont actuellement une nécessité économique. Elles remplaceront en partie les négociants en grains dont la disparition est une des causes de la désorganisation du commerce du blé. Elles prouveront aux cultivateurs leur utilité et leur montreront les bienfaits de la vente échelonnée des blés. Elles pourront faire des lots homogènes donc plus estimés. Elles faciliteront les rapports du Crédit agricole avec les cultivateurs. Elles pourront obtenir des subventions soit pour construire ou aménager des silos et des magasins, soit pour permettre de conserver avec une prime réduite, dans des silos coopératifs, les blés des cultivateurs77. »
48L’enjeu fiscal pour les coopératives naît semble-t-il d’un changement de jurisprudence :
« Jusqu’en 1925, la jurisprudence du Conseil d’État fut favorable aux coopératives puis un revirement se produisit. Avant 1925, en effet, les arrêts du Conseil d’État exonérèrent les coopératives de ces deux impôts, en raison de leur caractère coopératif qui leur interdisait de faire des bénéfices. Mais à partir de cette date le Conseil d’État se rangea à un autre critérium. Il rechercha si les coopératives effectuaient des opérations rentrant normalement dans le cadre des opérations agricoles, c’est ce qu’on a appelé couramment la thèse de l’“industrialisation”. De ce chef la plupart des coopératives de transformation et toutes les coopératives de meunerie devinrent imposables. L’Union nationale des CAVTB étudia, d’accord avec les autres unions (lait, betteraves, vins etc.), la mise au point d’un statut juridique et fiscal des coopératives78. »
49Le ministre de l’Agriculture Abel Gardey résume, en septembre 1932, son ambition :
« Stockage, pour éviter la mise à profit par la spéculation des offres précipitées des cultivateurs au lendemain de la récolte, stockage pour empêcher que quelques millions de quintaux d’excédent – excédent que la consommation de l’année suivante résorberait souvent – ne viennent sur le marché et ne désaxent les cours. Crédit pour permettre aux cultivateurs d’attendre et de se défendre contre les acheteurs à vil prix. La profession rurale organisée – et je vise la coopération – doit permettre, comme vous l’avez si bien compris, d’atteindre ce double objectif79. »
50En 1932, un acteur des coopératives agricoles dresse un premier bilan positif :
« Le stockage du blé présente un gros intérêt au point de vue de notre Économie nationale ; il apparaît comme un remède efficace à l’instabilité des cours. Aussi, les Pouvoirs publics se sont-ils employés à encourager les Coopératives agricoles de vente de blé, en vue de les amener à pratiquer l’échelonnement des ventes. La loi du 30 avril 1930, modifiée et simplifiée par la suite de façon heureuse, donna une vive impulsion à la création des Coopératives agricoles de vente en commun des céréales ; elle fit bénéficier les groupements agricoles, s’engageant à constituer un stock de blé, et à en échelonner la vente par fractions trimestrielles, de primes dites de stockage. Ces primes permettent aux groupements de couvrir les frais de conservation du blé, ainsi que l’intérêt de l’argent immobilisé dans le stock80. »
51En mai 1933, un périodique agricole dresse le bilan suivant :
« Les grands groupements agricoles ont vite reconnu l’utilité des organisations ayant pour but de stocker le blé et d’échelonner sa vente au cours de la campagne ; aussi, grâce à leurs efforts, nos grandes régions productrices de froment ont vu se constituer, depuis près de trois ans, un certain nombre de coopératives de stockage et de vente communément appelés “silos coopératifs”. Dès 1930-1931, une vingtaine de coopératives stockaient 400 000 quintaux de blé. En 1931-1932, leur nombre passait à 40 et le chiffre traité à plus d’un million de quintaux. Pour la campagne en cours, on évalue à près de 5 millions de quintaux le blé qui sera passé par les coopératives de stockage81. »
52L’essor des coopératives dans le domaine des céréales est donc lié à la question du stockage et du financement des récoltes et il accompagne le développement des silos, comme le résume très bien Nicolas Loriette, un historien de l’architecture spécialiste de ces constructions :
« Les coopératives bénéficient de crédits avantageux pour la construction des édifices comme pour le financement de la récolte. Ces avantages, ajoutés aux avantages fiscaux prévus par les statuts des coopératives et plus particulièrement les exonérations des impôts sur les bénéfices industriels et commerciaux et de la taxe à la production, vont véritablement permettre l’essor du mouvement82. »
53Pour la période qui nous occupe, soit celle avant la création de l’Office du blé, il note cependant avec justesse qu’il faut bien distinguer les situations :
« À la veille de 1936, la forme coopérative revêt quatre réalités différentes : 1) Les coopératives issues du syndicalisme agricole, 2) Les coopératives créées par les gros agriculteurs d’une région ou d’un village au rayon d’action très local ; 3) Les coopératives créées pour la construction de silos ; 4) Les coopératives créées par les négociants que la mise en structure coopérative ouvre aux bénéfices des primes gouvernementales et des avantages fiscaux83. »
54Le tout début des années trente est bien la période de l’apparition des silos à grain dans les campagnes françaises84. Loriette en note la spécificité :
« Réalisés par les fonctionnaires de l’État, financés partiellement par des fonds publics et soumis à certaines des règles qui régissent la construction d’édifices publics, les silos échappent partiellement au domaine strictement privé. Par conséquent, l’octroi de subventions, au début des années 1930, va désigner, à la fois un nouveau genre de maîtres d’œuvre, les ingénieurs du génie rural, et une nouvelle catégorie de commanditaires, les coopératives85. »
55Il ajoute enfin que « la perception du silo n’est sans doute pas étrangère à sa création. Symbole de progrès, de réussite, de la force du regroupement, de temps nouveaux ; ces caractères ont probablement joué en sa faveur86 ».
56Les différences entre ces coopératives posent en fait plus largement leur rapport au commerce et aux tensions afférentes. Le rapport de la Banque de France note ainsi en 1934 :
« Il faut reconnaître qu’en dehors de l’individualisme des agriculteurs, de leur dispersion et de leur manque de cohésion, spécialement des difficultés d’ordre fiscal avaient retardé en France l’organisation corporative de l’économie rurale. Sans doute, les sociétés coopératives, placées sous le régime de la loi du 5 août 1920, étaient-elles exemptes des droits de patente, et les intérêts des parts composant leur capital social affranchis de la taxe sur le revenu (art. 31). Mais le silence de cette même loi sur l’exigibilité de la taxe sur le chiffre d’affaires et de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, l’imprécision de l’article 32 de la loi du 30 décembre 1928, qui complète ses dispositions sur ces deux points, imposaient aux cultivateurs une prudente réserve87. »
57L’élaboration du statut juridique et fiscal de la coopération agricole donne lieu à une « bataille coopérative » entre 1928 et 1935, pour reprendre les termes d’un docteur en droit88. Michel Augé-Laribé s’est alors clairement exprimé sur ce point :
« Le progrès de ce mouvement coopératif en agriculture est cependant freiné par l’hostilité des commerçants et par les brimades du ministère des Finances. C’est là qu’on voit bien que les gouvernements successifs n’ont pas eu de politique agricole. Tandis que le ministère de l’Agriculture accorde aux coopératives qui se fondent les conseils du Génie rural et les avances du Crédit agricole (c’est même le seul intérêt pratique que les agriculteurs puissent trouver à s’unir en coopératives et ils le paient par des restrictions de liberté que pas un commerçant n’accepterait), le ministère des Finances fait tout ce qu’il peut pour empêcher les coopératives agricoles de fonctionner en leur réclamant des impôts que juridiquement elles ne doivent pas et les accablant d’amendes qu’elles ne pourraient payer89. »
58En 1928, les débats sur la loi de finances voient le gouvernement promettre à la coopération agricole « un statut fiscal destiné à résoudre une série de questions irritantes et à mettre fin aux pratiques arbitraires de l’administration et de la jurisprudence », comme l’écrit un coopérateur90. Mais les articles finalement votés de cette loi de finances du 30 décembre 1928 sont mal vus par le monde agricole91. L’AGPB se plaint régulièrement de cette situation :
« L’administration fiscale ne comprend pas le rôle qu’ont à jouer les coopératives agricoles. Elle ne voit en elles qu’une diminution immédiate des recettes sans mettre en parallèle le développement de la production agricole, donc l’enrichissement général du pays, qui est la conséquence – prouvée par les faits – du développement de l’organisation coopérative agricole92. »
59Une commission est créée en février 1929 pour préparer un projet de loi sur le statut fiscal des coopératives agricoles, non sans difficulté d’ailleurs quant à sa composition93. Mais aux tensions entre agriculteurs, commerçants et fisc s’ajoute la lenteur parlementaire. Un projet de loi est déposé le 26 juin 1930, mais il ne satisfait pas les agriculteurs… Propositions et nouveau projet de loi s’enchaînent alors, avec entre autres un important rapport parlementaire en juillet 193194. Mais la fin de la législature, au début de 1932, laisse le texte abandonné et perdurer le débat. Durant ces années, de véritables campagnes de presse sont menées contre les coopératives agricoles, par exemple par Le Matin, en 1933, qui indique qu’« il veut l’égalité fiscale et que les coopératives, dont, pour la plupart, les bénéfices servent à subventionner les partis d’extrême gauche, soient soumises au droit fiscal commun95 ».
60Un autre témoignage de ces tensions est donné par le rapport de Pierre Lombrez, intitulé « La concurrence faite au commerce libre par les coopératives agricoles », présenté au congrès de la Fédération française des syndicats de marchands de grains en 1934. L’attaque est violente et se fonde sur une comparaison des impôts payés. La conclusion est nette : « dans leur ensemble, les agriculteurs touchent de l’État en raison de leur profession, sous forme de primes, subventions, etc., plus qu’ils ne lui versent […], c’est le commerce, pourtant accablé d’impôts qui subventionne l’agriculture », et la conséquence est la demande que les pouvoirs publics « limitent le développement des coopératives agricoles qui causerait la disparition du commerce96 ». Le secrétaire général de la Fédération envoie ce rapport au président de la chambre de commerce pour lui demander de transformer ces vœux en délibérations et de les transmettre aux pouvoirs publics97.
61Mais la situation est parfois moins simple :
« La situation qui résulte dans de nombreux départements de l’existence de pseudo-coopératives créées et dirigées par des commerçants est extrêmement préjudiciable au mouvement coopératif sain et désintéressé. Le Comité a attiré l’attention du ministre sur cette situation, il l’a prié d’appliquer strictement les clauses du cahier des charges interdisant aux coopératives d’être gérées par des commerçants en grains et de s’inspirer dans ses décisions des avis émis par les groupements agricoles des départements, en particulier par les Chambres d’agriculture98. »
62Un exemple local dans le département de la Drôme, étudié par un historien, permet aussi de voir les tensions et les divisions du monde des coopératives agricoles. Martin Baptiste note justement, en étudiant cet espace où les héritages des luttes politiques du xixe siècle restent marqués : « Au-delà des oppositions idéologiques, le niveau local peut faire office d’observatoire privilégié de la concurrence farouche que se livrent sur un même territoire des coopératives antagonistes99. » Le directeur des services agricoles essaye dans son département de combiner les différentes formes de coopératives, mais l’opération n’est pas sans difficulté, et le contrôle des territoires est un enjeu tout à la fois commercial et souvent syndical, voire politique.
63En mars 1935, est créé un Conseil supérieur de la coopération agricole100. Cette nouvelle institution prépare un projet qui, finalement, aboutit grâce à la procédure des décrets-lois le 8 août 1935. Ce texte, plus qu’un simple statut fiscal, est important pour la réglementation des coopératives agricoles. Même s’il frustre encore certains acteurs101, il entérine l’importance de ces coopératives agricoles pour l’organisation du monde agricole français. Le débat se poursuit cependant dans le nouveau contexte établi par le Front populaire et la création de l’Office du blé102.
E. La meunerie : une industrie en mutation
64Un autre acteur collectif en pleine mutation tient un rôle crucial dans la politique du blé qui se déploie dans la France des années trente : il s’agit de la meunerie, dont l’ampleur des transformations durant cette période a été bien soulignée par l’historien américain Stephen L. Kaplan. La profession meunière est en effet un cas à part, dont la mutation est ainsi caractérisée par l’un de ses meilleurs connaisseurs : il s’agit pour lui du « premier exemple, dans notre législation, d’une organisation syndicale obligatoire, surveillée par l’autorité administrative et fonctionnant sous le contrôle de l’État103 ».
65L’une des données majeures de la meunerie pour ces années est résumée par un spécialiste de la meunerie, qui écrit une synthèse sur le sujet au début des années cinquante : « Au lendemain de la guerre de 1914-1918, le nombre et la capacité des moulins ont augmenté considérablement, alors que, d’autre part, la consommation de pain diminuait104. » En 1919, Louis Vilgrain et son fils Ernest mettent en chantier, dans le 13e arrondissement de Paris, des bâtiments qui accueillent, dès 1921, les Grands Moulins de Paris. C’est aussi durant les années vingt que l’espace occupé par les Grands Moulins de Pantin, dans l’Est parisien, évolue rapidement avec la construction de nouveaux bâtiments et de silos à grains sur fond d’une réorganisation capitalistique puisque la Société anonyme des Grands Moulins de Pantin-Paris est constituée en 1921, associant la famille Chasles, minotiers en Seine-et-Oise, et les Grands Moulins de Strasbourg105.
66Mais au-delà des progrès techniques et de la croissance en termes de capacité, c’est bien le monde de la meunerie en lui-même qui s’est transformé, avec deux conséquences : des clivages renforcés au sein de la profession et un pouvoir accru sur le marché du blé, et une contrepartie, le fait d’être en permanence accusé de jouer contre le prix du blé et, à terme, d’être en situation de surcapacité – la solution apportée à ce problème constituant une originalité importante dans le contexte de la France des années trente.
67Les meuniers deviennent dès lors des cibles pour le débat sur le problème du blé : « C’est aussi à partir de ce moment [la campagne 1929-1930] que l’on commence à parler des meuniers, ils sont sur la sellette partout, dans la presse, au Parlement, dans toutes les réunions agricoles, et naturellement on les charge de tous les péchés106. »
68L’analyste, pourtant déférent envers la meunerie, n’hésite pas à écrire :
« Avant 1936, le marché du blé était dominé par la politique d’achat et de stockage des grands moulins et de leurs courtiers. Leur puissance financière, épaulée par les Banques, une action cohérente leur permettaient, en influant sur les cours, de réaliser des bénéfices spéculatifs107. »
69Ces éléments ainsi que l’attitude de la meunerie face aux lois successivement votées expliquent les tensions parfois vives entre les meuniers et les politiques. Un meunier écrit ainsi en 1933 : « Je regrette profondément que M. le Ministre de l’Agriculture ait cru devoir jeter en pâture à certaines passions, dans le Parlement, notre industrie, et cela par une manœuvre qui a consisté à dissocier la grande industrie de la petite industrie108. »
70Le décret-loi du 30 octobre 1935 propose des mesures drastiques pour lutter contre la surcapacité d’écrasement et accompagner la mutation du secteur. Les articles 8 et 9 imposent à chaque meunier une « limitation provisoire de leur travail effectif », en attendant un contingentement, et précisent qu’il est interdit « d’accroître les moyens techniques de production de la farine ». À dater du 1er novembre, sont ainsi interdites la création de nouveaux moulins et la rénovation des moulins fermés avant le 1er janvier 1930 ; la réouverture des moulins fermés depuis cette date n’est autorisée que s’ils n’ont pas été démunis de leur outillage.
71Un comité professionnel de la meunerie est aussi institué par ce décret-loi du 30 octobre 1935 et précisé par le décret le 23 novembre 1935109. Sa composition est restreinte : un conseiller d’État ou un maître des requêtes désigné par le ministre de l’Agriculture comme président ; le président de l’Association nationale de la meunerie française, le président de la Fédération de la petite et moyenne meunerie, le président du Comité national de la grande meunerie industrielle, le président de la Fédération de la petite ou moyenne meunerie des régions agricoles, le président de l’Union nationale des coopératives de vente et de transformation de blé, ou leurs suppléants, et, avec voix consultative, un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture.
72Ernest Peyromaure-Debord, l’homme du Conseil d’État, résume parfaitement l’objectif :
« Maintenir en ce qu’elle a de salutaire, mais limiter dans ses excès néfastes, la concurrence entre les meuniers ; donner à certains moulins, destinés à subir tôt ou tard le sort des 24 000 établissements qui ont disparu depuis la fin du siècle dernier, le moyen de disparaître autrement que par la ruine ; corriger en effet, tout en laissant à l’initiative individuelle ce qu’elle comporte de bienfaisant, les erreurs d’une excessive liberté ; limiter, sans porter atteinte au droit de propriété, toute possibilité de concentration abusive ; restituer cependant à de moyennes et à de petites industries en déclin la faculté de se survivre, voire même de s’agrandir, mais à la mesure de leurs possibilités commerciales d’extension ; ajuster progressivement et géographiquement l’industrie transformatrice du blé, d’une part, à la production de cette céréale et, d’autre part, aux besoins de la consommation des farines panifiables, aussi bien en temps normal qu’en cas de conflit ; réduire, par un relèvement du coefficient d’utilisation des usines, les frais généraux de celles-ci ; améliorer la qualité des produits de mouture, en restituant à de nombreux moulins le moyen, qui leur manque trop souvent aujourd’hui, de perfectionner leurs procédés techniques ; aboutir enfin à une diminution du prix de revient susceptible de procurer – toutes choses égales d’ailleurs – une diminution corrélative du prix de vente des farines, tels sont, en résumé, les buts que le Comité professionnel de la meunerie a proposés aux 9 000 meuniers de France110. »
73Il ajoute, quant à la méthode employée :
« En mettant en contact étroit et permanent, sous la présidence d’un représentant des intérêts généraux, les cinq mandataires qualifiés des grandes associations meunières représentant les minoteries industrielles, les moulins moyens et petits, ainsi que les agriculteurs groupés en sociétés coopératives de meunerie, le décret-loi du 20 octobre 1935 fit œuvre salutaire : il contraignit le particularisme des intérêts à s’affronter ouvertement, puis à faire place à une conscience plus claire des intérêts généraux de la profession, à concilier enfin de légitimes préoccupations d’économie industrielle avec le souci de l’économie générale du pays111. »
74L’organisation du contingentement se précise à partir d’une circulaire du ministre de l’Agriculture aux préfets le 26 février 1936, dans laquelle il amorce une grande enquête sur l’importance commerciale et la capacité annuelle d’écrasement de tous les moulins. Un arrêté du 8 juin 1937 organise un référendum auprès des membres de la profession112, tenu dans les locaux de l’Office national interprofessionnel du blé le 29 octobre 1937. Sur les 8 884 meuniers consultés, on décompte 5 812 pour, 1 254 abstentions et 1 818 contre113. Un décret-loi du 17 juin 1938 précise les éléments issus de ce référendum, et un décret du 10 février 1939 crée la Caisse professionnelle de l’industrie meunière114.
75À l’assemblée générale de la meunerie française, le 26 avril 1939, Peyromaure-Debord s’exprime :
« Je ne me serais jamais douté, quand j’entrai au Conseil d’État que je serais appelé un jour à présider, ne fût-ce que très transitoirement, une assemblée de meuniers. Il a fallu que l’évolution de votre industrie, la plus importante peut-être comme chiffre d’affaires des industries françaises, jointe à la situation nouvelle résultant des mesures prises par les Pouvoirs publics pour soutenir les cours du blé, amenât le Gouvernement à envisager des mesures propres à assainir le marché des farines : limitation du nombre et de la puissance d’écrasement des moulins et institution d’un Comité professionnel de la meunerie chargé de fixer le contingent de chaque moulin115. »
76L’ambiguïté de l’attitude des meuniers face à cet encadrement de leur métier est remarquablement restituée en 1939 par le responsable de la caisse :
« Nous avons tous des raisons sérieuses qui militent en faveur du libéralisme. Je suis personnellement adversaire de l’économie dirigée qui rend obligatoire tout ce qui n’est pas défendu, qui fait disparaître toute initiative et toute responsabilité et qui tendrait à vouloir tout réglementer, même le soleil et la pluie, en matière agricole. Cependant, les méthodes appliquées dans notre industrie depuis de nombreuses années, le développement exagéré des moyens de production, la loi de la jungle jouant dans nos rapports journaliers, ce n’est plus du sain libéralisme. Il est grand temps que nous organisions notre profession, non pas pour nous assurer un profit immédiat abusif, mais au contraire pour assurer l’avenir bien compromis de nos entreprises. La Caisse professionnelle nous donne l’occasion, peut-être la dernière, de ne pas tomber dans le dangereux engrenage d’étatisation, de collectivisation et d’abdication patronale. […] Laissons à l’État le soin de se préoccuper du prix du blé et du prix du pain. Défendons seulement, mais avec courage, notre droit d’exploiter correctement nos entreprises et fondons nos espoirs sur le travail du Comité professionnel dont le premier acte, en créant notre Caisse, nous permet d’augurer des jours meilleurs116. »
77La meunerie constitue alors l’un des très rares cas où le corporatisme trouve vraiment à s’exprimer dans la France des années trente – les seuls cas comparables semblent être l’industrie de la chaussure117 et celle de la distribution, avec la législation sur les magasins à prix uniques118 ; les autres tentatives d’ententes ont souvent avorté et la grande loi sur le sujet n’a finalement pas été votée119. Dans ces trois cas, il faut souligner que les législations ne naissent pas d’initiatives purement politiques mais bien d’un dialogue avec une partie des professionnels, qui connaissent alors des transformations souvent assez considérables de leur branche d’activité. Le vote des lois, ou le passage des décrets-lois, s’explique par la sensibilité politique et électorale de ces secteurs.
II. Les formes neuves du syndicalisme
78Parmi les transformations cruciales pour comprendre l’évolution de la régulation du marché du blé, il faut bien sûr s’intéresser au développement d’un syndicalisme spécialisé concernant les producteurs de blé. S’il ne s’agit pas de la seule mutation du paysage syndical durant cette période120, elle est de loin la plus significative pour notre objet. L’essor de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) est en effet indissociable de la crise de l’entre-deux-guerres et des réponses politiques qui lui sont apportées. Revendiquant, proposant, réclamant, se plaignant, luttant, attaquant en justice, écrivant aux parlementaires, rencontrant les ministres, informant ses adhérents, l’association à la structure légère réussit un impressionnant travail de lobbying durant cette période. Si l’on ne dispose que de sources partielles pour le restituer121, il convient tout de même de suivre au plus près l’action de l’AGPB pour comprendre les évolutions législatives et réglementaires que l’on présente dans les parties suivantes. Ce suivi attentif des mobilisations de l’AGPB et de leurs évolutions dans le temps informe aussi de l’ensemble des relations entre les différents acteurs de la politique du blé.
A. La naissance et l’essor de l’AGPB
79Entre 1924 et 1930, l’AGPB se structure progressivement pour la défense des céréaliers autour de quelques thèmes : les tarifs douaniers, l’opposition aux projets d’office, l’action collective, l’opposition à la Bourse de commerce et l’encouragement des coopératives, du stockage et donc du financement des récoltes.
80L’AGPB est créée en mai 1924, comme une association loi 1901122. Dans une conférence prononcée en 1924, Henry Girard, agriculteur dans l’Oise et l’un des syndicalistes influents du monde agricole français, explique :
« afin de sauver la France d’une disette de blé dans l’avenir, par suite de la reconnaissance de nos droits de travailleurs et de premiers travailleurs parmi les travailleurs, il est nécessaire de donner beaucoup de solidité et de ressources à l’Association générale des producteurs de blé, que préside M. René Aubergé123, grand cultivateur à Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne, entouré, au Comité de Direction, de cultivateurs des principaux départements céréalifères et seulement de cultivateurs ».
81Girard ajoute sur les objectifs de l’association :
« Il n’est pas question pour nous de régenter le marché, mais de renseigner les producteurs afin de leur permettre de participer à sa direction. Il n’est pas question pour nous de remplacer les Pouvoirs publics, mais de les éclairer et de les contrôler d’une façon précise, pressante et continue. Il n’est pas question pour nous de travailler à faire la vie chère, mais de fournir au public, généralement si mal informé, des indications exactes sur les conditions de la production du blé124. »
82Le premier Bulletin de l’AGPB est publié en mai 1924125 ; il s’agit de trois pages ronéotées avec quelques données chiffrées sur les récoltes mondiales, les prix de revient, la situation dans certains départements. Le bulletin, dans les premières années, est un support modeste. Il est l’occasion de faire connaître l’association :
« Recrutez des adhérents, envoyez-nous l’adresse de ceux qui hésitent encore à se joindre à nous ; ne manquez pas une occasion dans les réunions de vos syndicats, de parler de l’AGPB, d’exposer les buts qu’elle poursuit, les idées qu’elle défend. Faites de la propagande, vous travaillerez pour vous126. »
83Le début de l’AGPB se fait dans un contexte différent de la crise de surproduction des années trente. En juillet 1924, dans un message aux parlementaires, l’AGPB dépeint une « crise extrêmement grave » :
« Nos superficies ensemencées en blé ne cessent de décroître. Nos importations atteindront plus de 15 millions de quintaux pour la campagne 1923-1924. On peut craindre que les quelques 100 000 hectares que vient de perdre cette année la culture du blé, ne nous obligent à des importations plus considérables encore la campagne prochaine. C’est là un danger très sérieux : néfaste pour nos finances, cette situation deviendra redoutable en cas de guerre. La culture du blé ne paye pas, c’est pour cela qu’on l’abandonne. »
84La demande porte alors sur les tarifs douaniers127. Dans un témoignage ultérieur, Pierre Hallé, qui est la cheville ouvrière de l’AGPB durant toutes ces années, explique :
« En mai 1924, René Aubergé fonde l’AGPB. Pourquoi ? La politique du blé, à l’époque, était bien simple, elle se résumait en un seul mot : importer du blé étranger. Voilà tout ce qu’on savait. Jamais on n’en importait assez : au moindre risque de hausse de prix du blé français, c’étaient des importations redoublées, c’étaient des menaces de taxation et de réquisition du blé français. […] Pour la défense agricole, quelques grandes organisations nationales, dont il ne faut pas médire car elles avaient fait du très bon travail. Mais elles n’étaient pas taillées pour la lutte répondant aux nouveaux problèmes de l’après-guerre. L’opinion agricole était passive, mal informée, ne connaissant pas les problèmes économiques. […] Au début de 1924, on supprime le droit de douane, René Aubergé réunit quelques amis. Ils étaient une vingtaine au début128. »
85Dans une brochure non datée mais marquant ses débuts, les dirigeants de l’association précisent leur doctrine : « Ils ont posé comme principe “que la France peut et doit produire, au moins, tout le blé dont elle a besoin”, principe qu’ils se sont donné pour mission de défendre et de faire triompher devant l’opinion et devant les Pouvoirs publics129. » Ils indiquent aussi ses moyens d’action : documentation des adhérents, action auprès des pouvoirs publics et action sur l’opinion publique. Cette position est défendue dans le Bulletin :
« Beaucoup plus grave encore est la tendance manifestée dans les milieux parlementaires et même chez le Gouvernement en vue d’une étude favorable, d’un projet de monopole d’importation des blés par l’État. Projet ruineux d’abord du point de vue général, car un organisme d’État est incapable de conduire une affaire commerciale de cette importance dans des conditions vraiment économiques. Si ce projet semble au premier abord intéressant pour la culture, car il empêchera des importations exagérées (ce qui pourrait être obtenu par un simple contrôle), il est très dangereux car, par la création d’un office d’importation, il ouvre la porte au “monopole d’État des blés indigènes” que veulent nous imposer les éléments d’extrême gauche. Ce serait alors la fin de la liberté de la culture, la réquisition et la taxation sans discussions possibles. Contre ce projet de monopole, toutes les associations agricoles doivent protester dès maintenant en faisant agir leurs parlementaires auprès du Gouvernement130. »
86Le bilan en décembre 1925 fait état des différentes menaces :
« L’émotion et le malaise soulevés dans les milieux agricoles par la fameuse ristourne du droit de 14 francs aux meuniers, n’étaient pas encore calmés, que les campagnes de presse reprenaient de plus belle contre nous et que nous étions menacés par les projets de loi André Hesse et Compère-Morel visant, rien moins, l’un, que la taxation et la réquisition du blé ; l’autre, que le monopole d’État d’importation des blés exotiques. La menace de la fameuse loi de “Ravitaillement en céréales panifiables” était suspendue au-dessus de nos têtes. […] Nous devions être battus à la Chambre des députés, malgré la résistance de nombreux amis ; mais le Sénat allait, par la suite, réduire à peu près à néant la loi de ravitaillement qui avait soulevé nos alarmes131. »
87La méfiance envers l’interventionnisme étatique est aussi exprimée :
« […] c’est à l’unanimité que fut repoussée toute intervention de l’État dans nos affaires. La fixation d’un prix minimum nous apparut immédiatement comme un marché de dupe. Cette atteinte au principe de liberté dont nous nous réclamons, nous aurait conduit infailliblement à la fixation d’un prix maximum. Quels arguments auraient pu, en effet, invoquer contre le consommateur désireux de se garantir contre la hausse un producteur qui aurait accepté de se laisser garantir par l’État contre la baisse132 ? »
88La position reste d’ailleurs inchangée sur ce point au cours des années suivantes, en particulier contre le nouveau projet socialiste de 1929 :
« Le comité directeur s’est prononcé formellement contre, la création éventuelle d’un office Monopole d’achat par l’État des blés indigènes et des blés étrangers. Il n’accepte pas plus la taxation du blé qui serait la base fondamentale d’un semblable organisme. Conception théorique, antiéconomique, arbitraire, et ruineuse, un tel office aurait pour résultat fatal le gaspillage et tôt ou tard la compression légale du prix de vente du blé. Le comité directeur estime par contre qu’un office du blé organisme consultatif pourrait utilement donner à notre politique du blé l’orientation agricole et la technicité qui lui font défaut. L’AGPB accepterait donc la création d’un semblable office mais sous la condition expresse qu’il serait de par sa composition, et l’orientation de ses travaux, un organisme essentiellement agricole, assurant à la représentation agricole professionnelle la majorité absolue133. »
89La réticence face à tout projet d’office est souvent rappelée par Hallé. Pour qu’on ne l’accuse pas de parti pris idéologique, celui-ci précise par exemple :
« les producteurs font abstraction, à cet égard, de toute espèce de préoccupation politique ; il n’y a pas à savoir si le monopole répond à telle conception politique et si la thèse de la liberté répond à telle autre. Ceci ne nous intéresse en aucune façon. Il s’agit seulement de savoir si telle formule est plus avantageuse pour l’intérêt du pays que telle autre. C’est la seule considération qui doit déterminer notre choix. »
90Mais il poursuit ainsi sa démonstration : « la première critique que nous adressons à l’office, c’est d’être une formule parfaite en théorie, trop parfaite, mais aucunement conciliable avec les difficultés de la pratique134 ».
91Avec la création, par étapes, de l’Office des céréales panifiables à partir de 1924, l’AGPB est traversée d’impressions contradictoires :
« Le président et le secrétaire général de l’AGPB en furent nommés membres. C’était là une consécration officielle donnée à notre association, et un nouveau succès. Les producteurs de blé, dès la première réunion de l’Office, devaient recevoir de rudes assauts. Une grande partie de l’assemblée, sinon la majorité, réclamait la suppression, pure, simple et immédiate du droit de 14 francs. M. Aubergé, mandaté par ses collègues, dans un rapport énergique, digne d’un cultivateur éclairé, mais qui put sembler brutal au sein d’une commission officielle, affirma dès le début la résistance inébranlable des cultivateurs135. »
92En avril 1925, l’association exprime dans son Bulletin « les trois grands principes de la politique du blé préconisé par l’AGPB : 1° Liberté absolue de la production et du commerce. 2° Protection douanière, suffisante pour nous permettre d’obtenir un prix rémunérateur de nos récoltes, stable pour nous permettre, lorsque nous semons, d’être certains que l’on ne supprimera pas la protection sur laquelle nous comptons ; 3° Liberté d’exportation accordée provisoirement lorsque les cours du blé, après la moisson, s’effondrent au point de ne permettre un prix rémunérateur136 ».
93L’AGPB semble bien consciente de la difficulté de plaider l’augmentation du blé dans un contexte où la crise de vie chère fait du prix du pain un enjeu politique :
« Tous les journaux envisagent depuis quelques jours, l’éventualité d’une prochaine augmentation du prix du pain, qui dépasserait alors 2 francs le kilo. Quelques-uns considèrent cette augmentation comme une calamité publique ; certains en font peser la responsabilité sur les cultivateurs, bien peu en donnent les véritables raisons à leurs lecteurs. Le prix du pain a toujours exercé sur l’opinion publique une influence toute particulière ; souvenirs anciens d’une époque où le pain occupait dans le budget familial une place beaucoup plus importante qu’aujourd’hui, le prix du pain est resté en quelque sorte le “point névralgique” de la vie chère. Ne faut-il pas, malheureusement reconnaître aussi que cette question, sortant du terrain strictement économique sur lequel elle aurait dû rester, a fourni de tout temps un aliment aux passions politiques. Confusion regrettable qui n’a point contribué à simplifier un problème déjà suffisamment complexe par lui-même. […] Il serait juste et équitable, nous semble-t-il, de faire comprendre à l’opinion publique cette influence des changes sur les cours du blé et sur le prix du pain, et de ne pas rejeter sur les producteurs la responsabilité d’un état de choses qui échappe entièrement à leur volonté et dont en fin de compte ils sont victimes comme tous les autres consommateurs137. »
94L’attention à l’activité parlementaire et l’interpellation restent la règle ; ainsi, au printemps 1926, le Bulletin publie cet appel :
« Nous rappelons à ce sujet à nos adhérents qu’une demande d’interpellation “sur la hausse injustifiée des blés” a été déposée sur le bureau de la Chambre. Aussitôt prévenue l’AGPB a saisi les députés membres des commissions de l’agriculture, du commerce et de l’industrie, des manœuvres et spéculations d’une lettre circulaire dans laquelle elle a mis en garde le Parlement contre les dangers d’une manœuvre aussi absurde et qui témoigne d’une méconnaissance absolue des conditions économiques auxquelles est soumis le marché du blé. […] Que tous nos adhérents n’hésitent pas à écrire sur-le-champ à tous les députés de leur département pour obtenir que les erreurs dont a souffert la culture du blé au début de l’année dernière ne se renouvellent pas à la Chambre au moment où il est plus que jamais nécessaire de redoubler d’efforts pour développer notre production et nous libérer des charges de l’importation138. »
95Dans cette logique, l’AGPB n’hésite donc pas à contre-attaquer :
« Le blé est cher, dit-on ? A-t-on réfléchi avant d’émettre cette affirmation aux difficultés chaque jour croissantes que rencontre sa culture ? Parmi ces difficultés, la plus importante est le manque de main-d’œuvre, et son prix élevé, qui font entrevoir aux gens avertis une crise beaucoup plus grave que celle que nous traversons aujourd’hui. […] Vous le voyez, Messieurs, le problème qui se pose aujourd’hui devant vous dépasse de bien loin l’importance d’une élévation de quelques sous du prix du pain : la crise du blé existe, crise matérielle et crise morale : cette crise, voulez-vous, oui ou non, la conjurer ou l’aggraver139 ? »
96L’AGPB se félicite par contre du soutien de Queuille lorsque celui-ci est de retour rue de Varennes :
« Le 20 août dernier, le droit de douane de 18 frs 20 par quintal a été rétabli, conformément aux dispositions de la loi qui en avait prorogé jusqu’à cette date la suppression. Nous devons savoir gré à Monsieur Queuille, ministre de l’Agriculture, d’avoir à cette occasion, fait preuve d’énergie et de clairvoyance. Sa tâche en effet n’était pas aisée : depuis le début du mois d’août, nous pouvons affirmer que notre ministre de l’Agriculture a été assailli de lettres, dépêches, vœux émanant de syndicats commerciaux et industriels, de préfets, etc. demandant que le droit de douane ne soit pas rétabli. Monsieur Queuille a passé outre témoignant ainsi de sa résolution de poursuivre le développement de la production agricole envers et contre ceux qui, ne voyant que la satisfaction passagère d’une baisse de 1 ou 2 sous par kilo de pain, ne comprennent pas que nos gouvernements suivent depuis la Guerre une politique économique, qui, – sacrifiant presque sur toute la ligne notre agriculture à une industrie hypertrophiée à l’abri de barrières douanières surélevées –, détruit peu à peu la richesse agricole de la France. […] Le ministre en donnant satisfaction à nos réclamations a montré l’importance qu’il attache à l’avis des professionnels140. »
97Mais ces interventions politiques ne doivent pas faire oublier le lent travail de structuration de l’association, qui passe par de très nombreuses lettres de relance pour les cotisations – la situation financière semblant, ces premières années, assez délicates141. À cela s’ajoutent des courriers de propagande mais aussi des appels à la documentation assez intéressants :
« La documentation que nous demandons à nos syndicats adhérents de nous fournir, si possible deux fois par mois, présente pour nous un très grand intérêt. Elle nous permettra de nous faire une opinion plus agricole sur la situation du marché intérieur du blé. Nous pourrons ainsi apprécier plus exactement les informations publiées par les organes commerciaux qui sont fatalement plus ou moins influencés par la clientèle à laquelle ils s’adressent142. »
98Enfin, des négociations sur des points techniques sont engagées par l’AGPB avec d’autres acteurs du marché du blé.
99Les tracts et les Bulletins d’information de 1927 insistent surtout sur le nécessaire maintien de la protection douanière143. La réactivité reste de mise face aux initiatives de certains parlementaires et, à l’été 1927, une lettre est ainsi adressée à tous les syndicats adhérents à l’AGPB :
« Nous vous prions donc de bien vouloir agir dans le plus bref délai, auprès des parlementaires de votre département, directement au nom de votre syndicat, et indirectement en leur faisant adresser des lettres particulières par le plus grand nombre possible de cultivateurs144. »
100Le relèvement du droit de douane à la fin de l’été 1927 est salué comme une victoire :
« Nous enregistrons donc avec satisfaction la mesure prise par M. Queuille. La situation du ministre de l’Agriculture est souvent difficile ; il rencontre au sein du conseil des ministres, à de rares exceptions près, une hostilité systématique à l’égard des intérêts agricoles. […] On relève timidement le droit de douane mais on espère bien que la mesure n’aura aucune répercussion sur le prix du pain, et portant sur le prix du blé. On se hâte d’ailleurs de le proclamer pour calmer l’opinion. Maintenir le pain bon marché, au-dessous de sa valeur normale, reste malgré tout l’objectif principal de notre politique agricole145. »
101À l’automne 1927, commence un long bras de fer de l’AGPB avec la Bourse de commerce146. Le débat se place sur le plan judiciaire avec une plainte contre les spéculateurs147. Le Bulletin reproduit le texte de la plainte, déposée par Georges Rémond auprès du doyen des juges d’instruction au nom des articles 419 et 420 du Code pénal, et précise : « Notre plainte n’était pas plus tôt connue du public qu’une partie de la presse parisienne a pris violemment position contre les producteurs – cela ne nous étonne ni ne nous intimide148. » On renvoie les plaignants au procureur de la République, « lequel, pendant une grande demi-heure, emploie les ressources infinies de sa séduction naturelle et de son talent à tenter, mais en vain, de faire comprendre au président de l’AGPB les dangers d’un pareil procès pour la tranquillité du pays, quelques mois avant les élections149 ». En janvier 1928, une information judiciaire est ouverte :
« Puisse la plainte de l’AGPB être le point de départ d’une large réforme et d’un contrôle rigoureux du marché réglementé de Paris. Marché taré et malsain qui, sous le fallacieux prétexte de servir l’intérêt général n’est plus qu’un instrument de spéculation aux mains de quelques intérêts particuliers150. »
102Cette lutte avec la Bourse de commerce se fait aussi par périodiques interposés. Ainsi le Bulletin note :
« À propos de la note que nous avons publiée à ce sujet il y a 15 jours, le Bulletin des Halles cherche à faire de l’ironie dans sa nouvelle chronique tendancieuse “ce qu’on dit en Bourse” sur l’agitation de l’AGPB. Que ce journal soit bien persuadé que l’AGPB n’est aucunement agitée, elle cherche simplement à obtenir que le marché de Paris redevenu sain ne nuise plus aux intérêts des producteurs151. »
103L’association utilise cet affrontement comme un moyen de promotion :
« Le Bulletin des Halles dans sa rubrique tendancieuse “ce qu’on dit en Bourse” poursuit sa campagne insidieuse, et parfois ses attaques contre nos associations agricoles et leur effort d’organisation professionnelle. Excellent signe : cela prouve que cet effort porte ses fruits, et ouvrira les yeux à ses abonnés agricoles152. »
104Mais le 7 février 1930, un non-lieu est rendu par la chambre des mises en accusation pour plainte de 1927, et le Bulletin s’en lamente153.
105La crise est loin d’être dénouée, d’autant que si l’AGPB négocie pour la réforme du marché réglementé de Paris, les événements de l’été 1930 sont dénoncés :
« Un marché réglementé, sombrant dans le ridicule et dans l’odieux. Le 16 juillet, les maisons de commissions de la Bourse du commerce ont pris illégalement la décision de ne plus coter les cours du blé au-dessus de 160 fr. […] La chambre de commerce et le gouvernement, sans se dissimuler la gravité de la décision prise ont estimé qu’en pratique, il était préférable d’éviter le krach de la presque unanimité des commissionnaires de la place de Paris, en limitant leurs pertes. Sur le principe cette décision est immorale et indéfendable. […] Aujourd’hui l’abcès est crevé, les événements ont mis à nu tous les vices du marché réglementé du blé, montré son caractère essentiellement spéculatif (et dans les conditions les plus malsaines) ; ces événements et la décision des commissionnaires sont la négation même du rôle du marché tel qu’il fonctionnait en tant que marché d’arbitrage et de couverture ; ils mettent en lumière son inutilité, et le manque de scrupule de trop de ceux qui le composent ou qui y jouent. L’AGPB avait il y a deux mois étudié et amorcé la réforme du marché réglementé. Grâce à ces efforts, de premières réformes avaient été décidées. La faillite brutale du marché a permis de faire à chaud et plus complètement l’opération qui s’imposait. L’action de l’AGPB avait heureusement rendu possibles ces décisions rapides. Elle peut s’en féliciter. La réforme s’est faite conformément aux indications qu’elle avait données il y a deux mois, sans penser que les événements se chargeaient d’en confirmer aussi rapidement le bien-fondé154. »
106L’affrontement avec les négociants et la Bourse de commerce est en fait l’un des moyens de l’affirmation de l’AGPB et un instrument pour la mobilisation des producteurs de blé :
« L’influence abusive qu’exerce sur le marché du blé la concentration des acheteurs, les manœuvres à peine déguisées des cours au marché à terme, tout cela, en définitive, est pour beaucoup le résultat et la conséquence du manque d’organisation de l’inertie et de l’individualisme des producteurs de blé. La force de nos adversaires est surtout faite de notre propre faiblesse155. »
107Au printemps 1929, les dirigeants de l’AGPB en appellent à une « politique du blé » :
« Pour des raisons économiques, morales, sociales, toutes les associations agricoles, toutes les Chambres d’agriculture, sont unanimes à demander que notre pays ait enfin une “politique du blé”. Cette politique, elle doit avoir pour objectif “d’enrayer le fléchissement de la production du blé et d’en encourager le développement en faisant qu’elle soit suffisamment rémunératrice”156 ».
108Leur démarche prend sens dans la mise à distance des discours sur la vie chère :
« Si notre politique du blé devait rester, comme ces dernières années, subordonnée à la politique du pain, soumise elle-même à toutes les influences démagogiques de la politique ou aux campagnes de certaine presse, il vaudrait mieux renoncer tout de suite à l’espoir de maintenir en France la production du blé et de la développer par des améliorations techniques157. »
109En 1929, l’AGPB reproche d’abord aux politiques leur inaction :
« Il faut maintenant que le Gouvernement agisse et sans aucun délai. En mars, en juillet, en août, en septembre, hier, au début de novembre, les chambres d’agriculture et les grandes associations agricoles ont soumis au gouvernement des propositions précises. Elles n’ont point été entendues, après quatre mois d’inertie, le ministère de l’Agriculture a sorti en tout et pour tout un projet de création d’office du blé. La culture ne le lui réclamait pas, et cela ne correspond en rien aux remèdes d’urgence trop longtemps différés158. »
110La réaction à la loi du 1er décembre 1929 est réservée :
« La nouvelle loi sur le commerce des blés qui vient d’être votée par le Parlement après 11 jours de discussion, vaudra surtout par la manière dont elle sera appliquée. […] Une analyse sommaire nous permettra, toutefois, de constater que cette nouvelle loi, si elle ne répond pas exactement aux revendications des agriculteurs, présente cependant un intérêt très réel qu’ils auraient tort de sous-estimer159. »
111Le premier bilan est inquiet : « Le découragement des producteurs devant le peu de résultats immédiats de la loi du 1er décembre risque d’avoir des conséquences d’une extrême gravité contre lesquelles les groupements agricoles ne sauraient trop être mis en garde160. »
112En 1930, l’AGPB s’engage sur le dossier du financement des récoltes :
« L’organisation rationnelle du marché du blé est aujourd’hui plus que jamais à l’ordre du jour. L’alternance de la récolte pléthorique de 1929 et de la récolte déficitaire en 1930 a fait sentir une fois de plus aux producteurs combien il est nécessaire que les problèmes complexes du logement, de la conservation, du financement et de la vente échelonnée de la récolte de blé, soient enfin résolus161. »
113L’AGPB encourage les coopératives afin que les agriculteurs profitent de ces possibilités162.
114Elle insiste, dans cette brochure, sur la « portée d’avenir du régime des primes de stockage et d’entretien » :
« Ce que nous avons voulu obtenir et ce que nous obtiendrons si les groupements agricoles ont conscience de leur responsabilité, c’est l’amorce d’une politique rationnelle de l’organisation du marché. Tout le monde est d’accord pour reconnaître qu’à la base de cette organisation, on doit placer l’échelonnement régulier des offres. Faute d’une organisation rationnelle de la vente du blé, jamais les producteurs, quelles que soient les mesures d’ordre législatif prises pour les aider et les protéger, ne parviendront à se défendre ; et cela, parce qu’ils ne seront pas à même de tirer parti des mesures en question. Leur situation pourra peut-être s’améliorer, provisoirement ; mais, tôt ou tard, par suite de leur dispersion, de leur manque de cohésion, ce seront leurs acheteurs, intermédiaires et transformateurs, qui en deviendront les véritables bénéficiaires ; et les producteurs retomberont dans le marasme. La concentration de plus en plus impressionnante des acheteurs, la diminution du nombre des petits moulins, la disparition ou la transformation en courtiers des petits marchands de grains qui jouaient autrefois entre la culture et la meunerie le rôle de “volant régulateur” ; l’habitude de plus en plus généralisée en meunerie de travailler au jour le jour avec des stocks réduits au minimum ; autant de phénomènes caractéristiques de la situation du marché du blé d’après-guerre, qui font du producteur isolé une victime vaincue d’avance. Offres excellentes “tombant dans le vide” qui périodiquement effondrent les cours ; restrictions exagérées entraînant des poussées de hausse dont souffre le consommateur sans profit pour le producteur ; fluctuations et manœuvres spéculatives favorisées par la désorganisation du marché : voilà la situation actuelle163. »
115La conclusion est logique :
« La leçon du passé permettait donc déjà d’affirmer qu’il n’existe de solution au problème du financement du marché du blé que sur le terrain collectif. À cet égard, la dernière crise aura eu l’heureux résultat de fortifier considérablement chez tous les producteurs, également atteints, le sentiment de leurs intérêts communs. […] Le blé stocké devient l’instrument du crédit164. »
116Ce point est repris dans le même sens par une brochure en 1932 ; la conclusion est positive à propos de cette nouvelle forme de crédit :
« Crédit qui ne demande rien à l’individu, qui n’a pour assiette et pour limite que la récolte même qui est sa raison d’être, le principe du warrantage constitue assurément la solution logique du problème du financement du marché du blé et si l’on ose dire, du financement de la récolte par elle-même165. »
117Face aux rumeurs et à la baisse des prix du blé à l’été 1929, l’AGPB souhaite que ceux-ci remontent :
« Il y a là une situation absurde, illogique, dangereuse ; elle doit cesser. Il faut que le prix du blé français remonte pour se mettre à la parité du blé étranger, pour que le producteur ne vende plus à perte, comme il l’a fait toute cette campagne. Les producteurs ne doivent pas se laisser effrayer par une propagande abominable qui, depuis des semaines, annonce l’effondrement des cours à la moisson. Cet effondrement ne doit pas et ne peut pas se produire. Il ne le doit pas parce que les prix actuels sont déjà très insuffisants pour couvrir les frais de la production166. »
118Au printemps 1930, l’AGPB publie une brochure sur la réforme de l’admission temporaire avec une position nuancée :
« Les producteurs de blé ne contestent pas le principe de l’admission temporaire des blés ; ils comprennent qu’il est intéressant de permettre à l’industrie meunière surproductrice de travailler pour l’exportation. […] Les producteurs de blé, protestant contre le préjudice grave porté à la production nationale par cette mauvaise application du principe de l’admission temporaire, demandent, ou la suppression pure et simple de l’admission temporaire, ou une réforme telle que son application redevienne loyale, logique et saine167. »
119Au tournant des années vingt et trente, l’AGPB a donc affermi sa position dans le champ du syndicalisme agricole et plaide pour une politique du blé168. Son secrétaire général, Pierre Hallé, a réussi, par son bulletin, ses tracts et sa politique de présence, à diffuser ces idées169. Cet essor de l’association syndicale est bien sûr essentiel face à une crise qui se développe davantage et appelle des mesures politiques plus importantes. Les relations avec les autres organisations professionnelles restent cependant tendues, en particulier avec le monde du commerce. Sur la question des relations interprofessionnelles, Hallé explicite nettement la doctrine de l’AGPB :
« Je ne suis pas du tout partisan de la collaboration interprofessionnelle dans le cadre d’un organisme aussi théâtral que ceux que nous avons connus sous le nom d’“Office des céréales panifiables”. La collaboration interprofessionnelle est nécessaire. […] mais, autant, je crois qu’il est fécond de parler entre hommes ou d’une façon non officielle si vous voulez, en petit comité, en réunions interprofessionnelles libres, autant je crois qu’un grand organisme théâtral qui réunit tous les intérêts en présence est voué à l’échec et ne peut arriver à rien. On l’a parfaitement vu au cours des discussions qui se sont déroulées au sein de l’ancien Office des céréales panifiables : dans un tel cadre, avec tout l’appareil solennel que comporte un tel organisme, la conciliation était beaucoup plus difficile que dans des réunions libres ; les délégués ne se contentent pas, dans un organisme officiel, de défendre les intérêts dont ils ont la charge, mais ils veulent encore ne pas paraître céder au voisin qui défend les intérêts opposés170. »
B. Une action de lobbying
120De 1931 au début de l’année 1936, l’AGPB est en première ligne face aux évolutions législatives. Elle ne désarme pas non plus sur les importants dossiers de l’admission temporaire ou de la Bourse de commerce. Sans que l’on développe ici ce point longuement, il faut aussi souligner l’attention que porte l’association à l’ampleur de la crise mondiale.
121En 1931, l’AGPB commente la crise ministérielle :
« Les événements sont venus confirmer nos prévisions, tant il est vrai qu’en matière de politique du blé la prudence et le silence constituent la plus raisonnable tactique, aussi longtemps que des mesures en projet ne sont pas adoptées pour être immédiatement appliquées. Que résulte-t-il pour l’instant de tout cela ? Tout d’abord un conflit politique qui ne nous regarde pas, l’AGPB s’étant fait une règle absolue de ne juger des questions politiques touchant les intérêts des producteurs de blé que sous le seul angle économique. À tout prendre, l’attitude de M. Léon Meyer, tout petit brouillon, farouche adversaire des intérêts agricoles, ne nous a pas surpris ; elle est la suite logique des inénarrables déclarations de ce fantoche au mois de juillet dernier dont on se rappelle le succès de fou rire171. »
122L’AGPB n’hésite pas à répondre à ses opposants, en particulier le monde du négoce et des grands meuniers :
« Le Moniteur agricole de Bordeaux, cette petite feuille de chou surexcitée par ses amours parisiennes avec la grande minoterie exportatrice, tente une petite manœuvre hypocrite bien dans sa manière. On voit le jeu : ou bien l’AGPB manque à tous ses devoirs, ou bien la loi du 1er décembre inapplicable doit être rapportée. C’est adroit, mais encore un peu gros tout de même. Que le moniteur se rassure : l’AGPB ne sait que trop, parmi les meuniers importateurs il en est beaucoup que la moralité et les scrupules n’étouffent pas. Cela ne date pas d’hier. […] Pour rire un peu ! Le syndicat des “Ensacheurs” de Marseille mène grand bruit contre la loi du 1er décembre 1929. Nous avions déjà vu, lors de la lutte contre les fraudes de l’admission temporaire tout Marseille intervenir, depuis les camionneurs jusqu’aux Œuvres de bienfaisance, pour protester contre les répercussions fâcheuses que ne manquerait d’avoir la réforme sur la fortune de la grande cité. Ne voilà-t-il pas maintenant que la politique du blé doit être commandée par la mise en sac des blés étrangers ! Ces Marseillais, vraiment, en ont de bonnes172 ! »
123Le combat est assez vif et l’association écrit une lettre circulaire à ses adhérents pour les mobiliser :
« L’AGPB soutient actuellement une lutte sans merci contre les fraudeurs de l’admission temporaire, minotiers ou semouliers. Les industriels intéressés, bridés dans leurs opérations frauduleuses par les derniers décrets portant application de la réforme de l’admission temporaire, développent actuellement une offensive sans précédent pour essayer de faire revenir sur les décisions adoptées ou pour entraver l’application de la réforme. Leur pression est appuyée par tous les moyens de chantages dont disposent ces industries puissantes. Nous vous serions particulièrement reconnaissants de bien vouloir nous aider dans notre action en nous apportant par tous les moyens possibles, l’appui de tous les groupements et de toute l’opinion agricole. À cet effet, nous allons, dans les prochains numéros du Bulletin répondre coup pour coup aux manœuvres de la grande minoterie et de la semoulerie. Nous comptons entièrement sur vous pour bien vouloir reproduire dans toute la presse agricole, journaux corporatifs… et donner par tous les moyens utiles et dans le plus bref délai, la plus grande diffusion aux notes consacrées dans notre Bulletin à cette lutte de l’admission temporaire173. »
124L’année 1931 semble, à lire ces publications, une année faste pour l’AGPB, qui se félicite en tout cas de l’action de son ministre ; celui-ci est même salué largement à son départ :
« Un événement important, au point de vue de la politique agricole, a marqué cette quinzaine : le départ de M. André Tardieu du ministère de l’Agriculture. […] Nous avons été à même, depuis un an, d’apprécier les efforts personnels de M. Tardieu pour la défense du blé. […] L’AGPB se fait un devoir, au nom des producteurs, d’exprimer sa reconnaissance à M. André Tardieu174. »
125Durant cette année l’association continue son action habituelle auprès de ses membres. Elle améliore même la circulation de l’information sur le marché, comme le montre cette circulaire adressée à ses membres :
« Nous venons vous demander de vouloir bien nous tenir régulièrement et rapidement au courant de toutes les fluctuations de cours qui peuvent se produire dans votre rayon, et de l’impression que vous avez vous-même sur les disponibilités. Pour cela, nous vous envoyons une petite provision de questionnaires, et des enveloppes affranchies à notre adresse. Nous vous demandons de bien vouloir nous adresser, sans retard un questionnaire rempli après chaque marché et au moins chaque semaine175. »
126L’année est aussi positive sur le plan financier, puisque le nombre de groupements adhérents augmente de 315 à la fin 1930 à 480 fin 1931176. Cette évolution provoque un changement des statuts de l’AGPB pour réorganiser la représentation des membres.
127Mais les conflits ne s’atténuent pas. Ainsi, le Bulletin se fait l’écho, au printemps 1932, d’« une campagne de presse [qui] commence à se développer contre la politique agricole de sauvegarde suivie depuis deux ans. On y sent l’inspiration de certaines grandes industries exportatrices bien connues. […] Que tous les amateurs de spéculation, d’importations à bas prix, de trafic et d’exportation de produits falsifiés, ne se pressent pas trop de danser la danse du scalp autour de la politique agricole177 ». Devant la nouvelle déstabilisation des cours, l’AGPB appelle au calme en juillet 1932 :
« À la veille de la moisson, les producteurs de blé doivent garder leur sang-froid, ne pas faire le jeu des “baissiers” par des offres désordonnées et excessives. Comme à l’ordinaire, nous voyons se dessiner la manœuvre classique ; on cherche à démoraliser les producteurs, à les entraîner à des ventes massives. Pour cela, on les persuade que la récolte “très abondante” entraînera l’effondrement fatal des cours. Pour cela, on fait grand bruit autour que quelques ventes imprudentes, par des cultivateurs découragés et indisciplinés, à des prix dérisoires. Que tous les groupements agricoles réagissent contre cette campagne tendancieuse. […] Les producteurs, dans le cadre d’une législation protectrice cohérente et efficace ont à faire un effort personnel pour se défendre eux-mêmes. S’ils le veulent, s’ils gardent leur calme et ne vendent pas trop et trop vite, ils conserveront, sans excès, la maîtrise du marché178. »
128Au début du mois d’août, le Bulletin se fait l’écho de la même idée dans un article titré : « Producteurs de blé, défendez votre marché » ; la conclusion est la même :
« En réalité, depuis le début du mois, les causes de la baisse ont été beaucoup plus morales que matérielles. La culture a cédé à un vent de démoralisation et d’affolement. Des ventes ont été faites, sans aucune résistance sur les prix ; les acheteurs se dérobant devant cet affaissement avant même que les livraisons effectives fussent assez importantes pour exercer une influence matérielle sur le marché. […] Le moment est venu pour les cultivateurs de montrer s’ils sont capables d’agir pour se défendre, ou s’ils seront toujours les victimes résignées et passives des événements179 ».
129La lutte s’amplifie et, le 18 août, l’AGPB explique :
« Certaine presse commerciale a donné à fond pour déclencher la panique. Bien entendu, notre vieille connaissance le Moniteur dit agricole journal des grands moulins s’en est donné à cœur joie. […] Le Bulletin des Halles procède par touches moins grossières. C’est plus insidieux, plus habile, mais plus hypocrite. […] Que les producteurs se désabonnent en masse du Bulletin des Halles180. »
130Le comité directeur de l’AGPB décide d’une « propagande massive pour résister à la campagne de baisse181 ».
131Les consignes restent les mêmes les mois suivants : « S’organiser, résister, demander des mesures simples, immédiatement applicables et efficaces182. » À partir d’octobre 1932, l’AGPB encourage au report de 6 millions de quintaux « pour alléger le marché du blé183 ». Les débats parlementaires de novembre 1932 obligent l’AGPB à réagir. L’AGPB étudie les différents textes et rappelle son opposition ferme à tout projet d’office. L’association diffuse d’ailleurs à ses adhérents le compte rendu de son audition par la commission d’agriculture de la Chambre le 7 décembre184.
132Le blocage parlementaire du Sénat est en particulier pointé, et l’AGPB en appelle à la mobilisation des « sénateurs agricoles » :
« La décision de la commission des finances du Sénat, faisant hier des réserves sur l’article 2 du projet et remettant – malgré les interventions du ministre de l’Agriculture et la décision de la commission d’agriculture du Sénat – son étude à la rentrée de janvier soulève, dans les milieux agricoles, une profonde déception. Le retard dû à la commission des finances du Sénat empêche l’action de défense immédiate du marché du blé dont toutes les chambres d’agriculture et associations agricoles affirment, depuis des semaines, l’impérieuse nécessité. Le ministre de l’Agriculture interrogé par nous ce matin même, nous a affirmé avoir obtenu ce matin une déclaration du président de la commission sénatoriale des finances, par laquelle ce dernier s’est engagé à faire présenter le rapport de cette commission dès la rentrée. Il est indispensable que tous les représentants de l’agriculture au Sénat soient immédiatement alertés pour faire bloc à la rentrée en faveur du vote d’urgence du projet. L’intervention énergique de tous les sénateurs agricoles est nécessaire pour surmonter les objections de principe qu’ont mises en avant certains membres de la commission des finances185. »
133Le Bulletin se plaint de cette situation :
« Quel découragement de constater, chaque fois qu’un remède paraît indispensable à la défense de l’agriculture, que les causes de retard se multiplient, inévitables : atermoiements, discussions, hésitations, etc. et le temps passe, et la situation s’aggrave, et l’on ne peut intervenir au moment précis où l’intervention pourrait avoir son maximum d’efficacité. Par quelles vicissitudes le projet n’a-t-il pas passé depuis deux mois que les groupements agricoles multiplient leurs efforts pour le faire aboutir186. »
134L’AGPB adresse à des sénateurs une note sur la situation du marché le 13 janvier 1933187. Le suivi du dossier parlementaire est très précis. Ainsi, l’AGPB interpelle ses adhérents, car le rapport préparé par le député de l’Oise Armand Dupuis au nom de la commission des douanes de la Chambre est contraire à l’intérêt des céréaliers, et l’AGPB n’oublie pas de rappeler, dans sa lettre-circulaire, que Dupuis est « encore actuellement négociant en grains188 ». Le Bulletin bimensuel se fait l’écho des difficultés du marché :
« La situation du marché s’aggrave de jour en jour. Depuis 6 mois, nous n’avons cessé d’alerter les Pouvoirs publics, d’employer tous les moyens d’action, trop limités, dont nous disposons, pour arracher les mesures de sauvegarde indispensables. […] Aux agriculteurs eux-mêmes, nous laissons le soin de répondre. Il leur appartient d’intervenir directement auprès de leurs élus : il leur appartient de mener l’action politique qu’ils jugent opportune ou nécessaire. Cela n’est point notre tâche. Notre rôle consiste à intervenir sans relâche auprès des pouvoirs publics pour obtenir les mesures efficaces pour la revalorisation des cours du blé. […] Les mesures prises jusqu’ici ont toujours été incomplètes ou trop tardives, amoindries, limitées, données comme à regret ; et cela leur a enlevé la plus grande partie de leur efficacité. De cela, nous dégageons notre responsabilité189. »
135Au passage, la question de l’admission temporaire est rappelée :
« L’admission temporaire sera maintenue dans des règles saines sinon elle sera supprimée. […] Si la propagande de la meunerie avait chance de faire revenir en quoi que ce soit sur les principes fondamentaux de la réforme de 1931, ou d’en relâcher l’application, l’AGPB – qui serait appuyée par toute l’opinion agricole – n’hésiterait pas à demander la suspension immédiate de toute entrée de blé en admission temporaire190. »
136La loi est finalement votée le 26 janvier 1933, mais le changement à la présidence du Conseil retarde la prise du décret d’application, comme le déplore le Bulletin :
« La dernière chute ministérielle est venue, une fois encore, retarder l’application des mesures prises pour soutenir le marché, entraver l’action de défense déjà commencée. […] Et combien de mesures encore en retard, ou laissées de côté, qui nécessiteraient pour aboutir de la stabilité, et de l’esprit de suite : consommation de pain et régime de taxation qui fausse le marché, renforcement de la protection des céréales secondaires, application rigoureuse du contingent des orges et accroissement de la consommation, exportation de blé pour alléger le marché. Autant de mesures qui, étudiées, appliquées avec une ferme volonté d’aboutir il y a six mois, au moment où nous les demandions, auraient sauvegardé le marché. Au lieu de cela, palabres, temps perdu, discussions stériles et le blé continue à baisser. Les jeux de la politique sont peut-être très distrayants pour ceux qui s’y livrent. Il n’y a pas que cela. La culture aimerait mieux que ses représentants s’occupent de façon un peu plus directe de la défense agricole. Encore quelques crises ministérielles et les mesures viendront pour défendre le blé quand il n’en restera plus à vendre191 ! »
137En transmettant à ses adhérents le texte de la loi et du décret finalement pris le 9 février, l’AGPB conclut ainsi cette séquence :
« Après quatre mois d’efforts, la garantie d’un prix minimum pour le blé reporté a fini quand même par être obtenue. Le nouveau décret n’apporte pas tout ce que les producteurs avaient demandé. Tout de même, il donne le moyen de stabiliser tout de suite, hors du marché, une certaine quantité de blé, avec la garantie d’un prix minimum supérieur aux cours actuels, et l’espoir de bénéficier de toute plus-value éventuelle192. »
138Au nom de l’AGPB, son président Georges Rémond écrit au président du Conseil le 1er mars 1933 pour faire part de l’ampleur de la crise et l’effondrement des prix193. Les mesures réclamées par le comité directeur de l’AGPB sont les suivantes : application de la loi du 26 janvier 1933, suspension provisoire de toute importation de blés tendres en admission temporaire et un crédit de 50 millions affecté immédiatement à l’exportation, dénaturation du blé et développement de la consommation animale, développement de la consommation du pain, défense contre le marché à terme194. L’AGPB rencontre Édouard Daladier, le président du Conseil, le 6 mars, et le Bulletin se félicite de quelques progrès :
« L’AGPB a obtenu pour le blé reporté, la garantie de prix de 115 fr. auquel s’ajoutent 10 fr. de prime de report. C’est 125 fr. garantis au moment où le blé se vend 100 fr. à peine. Le Gouvernement a fait un geste pour redonner confiance à la culture. Il faut reporter. C’est l’intérêt de chaque producteur : c’est l’intérêt de toute la culture pour la défense du marché195. »
139Mais la situation des prix reste à la baisse et le Bulletin suivant constate que « le désarroi du marché du blé exige des mesures immédiates et brutales de sauvetage196 ».
140Des tensions entre organisations agricoles peuvent parfois voir le jour. Henri Patizel, président de la chambre d’agriculture de la Marne et sénateur, s’exclame devant ses collègues, en mars 1933 :
« Tout de même, nous, Assemblée des chambres d’agriculture, nous n’avons pas à entériner purement et simplement tout ce qui vient de l’Association générale des producteurs de blé… N’a-t-on pas dit que l’AGPB était composé de gros cultivateurs de la région parisienne, qui spéculent à la Bourse de commerce ? Il faut donc qu’on sache bien que toutes les propositions ne sortent pas de l’AGPB, mais qu’elles viennent de l’ensemble des agriculteurs français, que nous représentons… Je voudrais, moi, que l’agriculture s’organise elle-même197… »
141L’AGPB se fait alarmiste à la fin du mois de mai : « La défense du marché sera pleinement, intégralement organisée avant la moisson ou bien, en cas de grosse récolte, il ne sera plus temps et la catastrophe sera irrémédiable198. » En juin, l’association réagit au projet de loi déposé, de manière plutôt positive :
« Le nouveau projet sur le blé est intéressant. La loi de 1929 avait assuré la défense de notre marché contre une concurrence désordonnée de l’extérieur ; ce nouveau projet la complète heureusement, puisqu’il tend à mettre au point l’organisation de la défense intérieure de notre marché. Dans ses principes généraux il donne satisfaction aux producteurs de blé199. »
142Mais le Bulletin ne cache pas que « les moyens d’exécution prévus pour la mise en œuvre de ce programme de défense apparaissent par contre, comme tout à fait insuffisants et hors de proportion avec l’importance de ce programme, c’est-à-dire avec les nécessités de la défense du marché200 ».
143Cependant, les retards des débats parlementaires inquiètent l’AGPB, qui écrit à ses adhérents : « Nous vous prions très instamment d’intervenir d’urgence auprès de tous vos représentants au Parlement pour manifester la volonté de la culture de voir voter le projet par la Chambre et le Sénat avant la fin de la semaine prochaine201. » La discussion dans les deux assemblées est suivie de très près, et des notes sont adressées aux adhérents. Sur le prix minimum, qui en constitue la nouveauté, l’AGPB se montre circonspecte :
« La débâcle possible a des causes matérielles, mais elle a aussi des causes morales et psychologiques. Contre ces dernières, la fixation d’un prix minimum suffisant peut être efficace. Il faut, nous l’avons vu, rendre confiance à la culture. En fixant d’urgence – dès le 1er juillet, pour trois mois, par exemple – provisoirement un prix minimum, les pouvoirs publics affirmeront leur volonté de défendre le marché et de faire remonter le blé à un prix qui paie les producteurs. Mais le prix minimum ne doit pas faire naître des espérances qui ne se réaliseraient pas. Le remède serait pire que le mal. Si le Parlement décide la fixation d’un prix minimum, il faut qu’il donne au gouvernement les moyens d’action permettant, en allégeant le marché de tenir ce prix. Il faut que le gouvernement applique les mesures décidées, d’extrême urgence, pendant la période passagère où l’effet psychologique du prix minimum peut avoir une influence202. »
144Dès le vote emporté au début du mois de juillet, l’AGPB continue d’émettre des doutes et signale en particulier dans son Bulletin divers problèmes203. La conclusion quant à la loi est prudente :
« Cette loi, on le verra, est complexe. Son exécution n’ira pas sans difficulté. Son résultat est subordonné à l’efficacité des différentes mesures prévues pour alléger le marché. Celles-ci impliquent de la part du gouvernement beaucoup de rapidité et d’énergie ; et de la part de la culture un très grand effort de collaboration. Les débats parlementaires dans une fin de session surchargée, avec des méthodes de travail incohérentes, ont été extraordinairement confus. M. Queuille, ministre de l’Agriculture, au milieu de ces difficultés parfois inextricables, a fait tous ses efforts pour orienter les décisions dans un sens favorable au bon sens et à la défense agricole. Il l’a fait au prix d’un effort personnel d’autant plus courageux qu’il supportait le poids de plusieurs autres grandes discussions agricoles. L’AGPB tient à lui en exprimer ici sa reconnaissance204. »
145Le 13 juillet, une lettre-circulaire précise à ses adhérents la nécessité « d’organiser la résistance » pour faire respecter le prix minimum et d’« appliquer d’urgence les mesures matérielles d’allégement du marché prévues par la loi205 ». Dans ce même texte, le prix minimum est présenté comme une « mesure exceptionnelle, de salut public, prise par le Parlement afin d’enrayer la catastrophe agricole ».
146La liquidation du marché à la Bourse de commerce donne lieu à de nombreuses polémiques dans lesquelles l’AGPB prend une large part – ses circulaires et son Bulletin en témoignent. Les céréaliers se félicitent au passage de leur accord avec la chambre de commerce :
« Ainsi, le président de la chambre de commerce, sur toutes les mesures du ressort de sa compagnie n’a pas hésité à faire siennes les revendications des producteurs de blé et à les appuyer personnellement. Les producteurs de blé tiennent à lui en exprimer leur profonde reconnaissance206. »
147Mais ils combattent toujours autant une partie des négociants de la Bourse et obtiennent le vote d’une résolution par l’assemblée des présidents des chambres d’agriculture le 19 octobre 1933, demandant la fermeture immédiate des marchés de la Bourse de commerce207.
148Au-delà, du conflit pour la Bourse de commerce, l’AGPB a bien conscience des difficultés d’application de la loi. En octobre, elle liste les « mesures nécessaires au maintien du prix minimum » : organiser un contrôle interprofessionnel rigoureux, résorber l’excédent, défendre les céréales secondaires et avoir des ressources. La conclusion arrive logiquement :
« Ou bien les producteurs sauront faire le sacrifice nécessaire ; ou bien ils risquent d’être impuissants à maintenir le prix minimum ; et ce sera peut-être demain l’écroulement de toute l’économie agricole. L’AGPB consciente de ses devoirs, reprend la responsabilité de demander au Parlement le vote d’une contribution, payée par le producteur, en déduction du prix minimum sur le prix de tout quintal de blé entrant au moulin. […] La taxe nécessaire ne doit pas être inférieure à 5 francs par quintal si l’on veut avoir des moyens d’action. Il vaut mieux savoir consentir un sacrifice limité que de compromettre toute l’économie agricole208. »
149À l’automne 1933, la tonalité des textes de l’AGPB est bien celle-ci :
« La loi du 10 juillet a sauvé la culture d’un désastre certain. […] Mais, peu à peu, les imperfections de la loi n’ont pas tardé à apparaître. […] Aux difficultés générales de vente se sont ajoutées depuis quelques semaines, celles résultant du développement des fraudes. Celles-ci se multiplient à une cadence très accélérée. Il est urgent de porter remède à la situation209. »
150Le Bulletin se plaint du contrôle de l’application de la loi :
« Le contrôle actuel est inexistant ; tout le monde le sait. Le dévouement du service de contrôle du ministère de l’Agriculture n’est pas en cause, mais ses moyens d’action sont ridicules. La tâche en effet est immense. […] La situation actuelle ne peut pas durer, les producteurs, les commerçants et les industriels honnêtes sont gravement lésés par les agissements de ceux qui tournent la loi sans scrupule210. »
151L’AGPB réclame dès lors une loi complémentaire à celle du 10 juillet, mais déplore, fin novembre :
« Voilà encore quinze jours perdus. De semaine en semaine la situation s’aggrave ; il devient de plus en plus difficile de réagir, de remonter le courant contre le développement de la fraude. Cependant les petits jeux de la politique continuent ; les crises ministérielles se succèdent, rendant impossible tout travail utile ; retardant les décisions nécessaires, les mesures urgentes attendues depuis des semaines211. »
152Le projet établi par l’AGPB pour organiser le contrôle n’est finalement pas celui qui est voté en décembre212.
153À partir de 1934, le Bulletin de l’AGPB devient le lieu d’une incessante déploration : contre les marchés à terme de la Bourse de commerce213, l’inapplication des lois, la fraude, l’indécision des politiques… Les titres successifs de la « chronique des céréales » en témoignent : « situation de plus en plus inquiétante214 » ; « fouillis de réglementation et impuissance215 » ; « la situation du blé : on n’a pas le droit d’attendre qu’elle “s’arrange” toute seule216 » ; « pour sauver le marché217 » ; « peu de mesures, mais efficaces et bien appliquées218 » ; « une nouvelle désillusion pour les producteurs de blé219 ». L’AGPB se retrouve dans une position défensive :
« Ce que cherchent les animateurs de ces campagnes de presse, c’est de faire capoter toute la politique de défense agricole : on enfonce dans l’esprit du consommateur l’idée que la défense du blé lui coûte des milliards chaque année. On veut abattre toute mesure protectrice de l’agriculture, sous le prétexte de “vie bon marché”, faire tomber tous les prix agricoles au niveau mondial. Qui finance ces campagnes220 ? »
154Quant aux révisions successives des lois, elles ne sont guère mieux reçues à l’AGPB. Au terme du vaste débat parlementaire de mai et juin 1934, l’AGPB conclut :
« Ces différents projets n’ont tenu à peu près aucun compte des demandes de l’AGPB. Le comité directeur avait présenté les mesures de résorption des excédents comme devant être la pièce maîtresse de toute nouvelle loi sur le blé. Nous voulions quelques mesures simples mais certainement efficaces221. »
155L’AGPB écrit au président du Conseil en août 1934, quand elle constate, suite au congrès de la meunerie, la volonté de cette profession de ne plus appliquer la loi222. La défiance envers le gouvernement et la possible influence du nouveau président de l’AGPB, Adolphe Pointier, amènent l’association à appeler à la manifestation aux côtés du Front paysan et du Parti agraire le 28 novembre 1934 :
« L’heure est venue où toutes les forces agricoles, dans un sursaut de toutes les volontés, doivent proclamer, devant l’opinion publique, que la déflation des prix agricoles est faite, que l’agriculture est à bout de ses forces de résistance et qu’elle ne peut plus supporter aucun sacrifice. Que tous les producteurs de blé se joignent à la manifestation du Front paysan223. »
156On ne peut pas dire que le nouveau projet de loi porté par le président du Conseil Pierre-Étienne Flandin, en novembre 1934, améliore la situation, tout au contraire. L’AGPB est nette : « La culture ne peut accepter le projet sur le blé sans modifications profondes224. » Après le vote de la loi, la réaction est très négative :
« Les premiers résultats désastreux de la loi du 24 décembre, justifient jusqu’alors les craintes des groupements agricoles et des chambres d’agriculture. Loi présentée sous le signe du libéralisme, c’est à une multiplication des réglementations que nous assistons225. »
157Dans cette loi, l’AGPB voit surtout sa défaite face aux exigences de la meunerie. Progressivement, l’AGPB se dirige vers une vision de plus en plus corporatiste de la régulation, comme elle l’exprime clairement au début de l’année 1935 :
« Le comité directeur affirme que seule cette organisation professionnelle permettra de résoudre de façon complète et durable le problème du blé, dans des conditions éloignées d’un libéralisme que les circonstances rendent chimériques, et d’un étatisme dont l’expérience démontre la nocivité226. »
158Le Bulletin se fait, au début du printemps 1935, l’écho de l’effondrement des cours : « La débâcle s’est encore accentuée depuis la semaine dernière. L’absence à peu près complète de transactions rend difficile la détermination des cours réellement pratiquées227. » ; « cours du blé, cours de ruine228 ». La chute du gouvernement Flandin amène même, dans la publication de l’AGPB, une déclaration heureuse :
« Pareil événement, qui se produit un certain nombre de fois chaque année, n’appellerait aucun commentaire de la part de notre association, si le gouvernement n’avait pas marqué dès le premier jour sa volonté de poursuivre une politique antiagricole. […] Cette impopularité a été une des causes premières et essentielles de sa faiblesse. Elle montre qu’on ne mène pas sans risque une politique d’hostilité à l’égard des ruraux229. »
159La une du Bulletin du 1er août 1935 est barrée du titre suivant : « La Ruine de l’Agriculture. Le blé est tombé à 50 francs230 ! », et, la semaine suivante : « Le Drame. L’écrasement des cours du blé et des céréales secondaires va achever la ruine de l’Agriculture231 ». Le redressement du marché, en août 1935, laisse l’AGPB prudente. Le président Pointier prend par contre la plume pour un court article, sous le titre « Remerciements » :
« Certaines feuilles de basse catégorie Commentaires, Bulletin des Halles, Ordre, Petit Meunier, etc. redoublent leurs abjectes campagnes de calomnie contre l’AGPB et ses dirigeants. Je les en remercie. Être attaqué par les porte-parole des spéculateurs et de tous les adversaires de la culture est le plus beau témoignage de satisfaction qui puisse être rendu à notre action. Il nous incite à poursuivre notre tâche232. »
160La critique de la politique gouvernementale continue en 1935, en particulier contre des « mesures à retardements rendues inopérantes par une politique à contresens233 ».
161Au-delà de cette volonté de peser sur les décisions politiques, l’essor de l’AGPB est marqué, durant cette période, par une attitude bien résumée dans une thèse de droit de l’époque :
« L’association a mis ainsi une documentation des plus considérable à la disposition des cultivateurs. Par son bulletin bimensuel, par ses circulaires, ses tracts, ses notes adressées à tous les syndicats adhérents, l’association a cherché à mettre à la portée des producteurs des renseignements impartiaux et aussi précis que possibles sur le marché du blé en France et à l’étranger, susceptibles de les guider dans leur résistance à la baisse pour mieux vendre. […] Dès sa création […] [l’association] a cherché à éclairer l’opinion publique sur le problème du blé en cherchant à remonter le courant des idées fausses répandues depuis la guerre. Un service considérable de presse fonctionne à cet effet. Tout un ensemble de revues et de périodiques agricoles ou d’information reproduisent les bulletins, circulaires, communications, rapports de l’association234. »
162Dans le contexte politiquement tendu de la campagne électorale des législatives du printemps 1936, l’AGPB publie des articles pour définir sa « doctrine » et, dans un court article titré « Étatisme et libéralisme », l’association explique :
« De savants juristes se livrant à une exégèse minutieuse des textes des Bulletins de l’AGPB cherchent à relever des contradictions de doctrine. On l’accuse de pencher tantôt pour l’étatisme, tantôt pour le libéralisme. Pour éviter à ces éminents professeurs toute recherche fatigante et… complètement inutile, précisons une fois de plus notre doctrine. Nous sommes les adversaires aussi farouches du libéralisme que de l’étatisme, doctrines périmées qui conduisent l’une et l’autre à l’esclavage de la paysannerie235. »
« Le blé, plus que tout autre produit de la terre, est symbolique, qu’on le veuille ou non, de toute une politique agricole. Et à propos de son étude, c’est l’ensemble des problèmes de l’économie politique qui peuvent être soulevés et discutés, avec leurs répercussions nationales et internationales236. »
163Ce diagnostic, posé en 1931 par un des responsables de l’administration du ministère de l’Agriculture, caractérise bien un produit au centre des débats agricoles, et donc, dans la France de la IIIe République, au centre d’une bonne partie des débats politiques.
164Mais la question du blé n’est pas que « symbolique ». Elle est « complexe », car il s’agit de « satisfaire aux besoins de la consommation et rémunérer équitablement la production, voilà des deux buts à atteindre. Suivant les époques et suivant les circonstances, tant économiques que politiques, l’un ou l’autre de ces deux aspects du problème a davantage attiré l’attention. Jamais cependant il n’a été possible d’adopter une solution définitive, tant il est difficile de concilier, hors du jeu normal des grandes lois économiques naturelles, les intérêts complètement opposés des producteurs et des consommateurs, les premiers voulant vendre cher aux seconds, qui ne demandent pas mieux que d’acheter beaucoup… le moins cher possible237 ».
165Dans cette logique, le conflit des intérêts ne peut se comprendre qu’en prenant en compte les mutations du secteur et de ces différents acteurs collectifs. L’enjeu du prix du blé commence à se poser de manière différente dès lors que la récolte peut pour partie être stockée, stockage qu’il faut pouvoir financer238. Dans cette différenciation du monde agricole, la structuration des céréaliers est une des nouveautés de la France de l’entre-deux-guerres, et le poids croissant de l’AGPB est crucial dans l’évolution de la politique du blé. L’association défend des positions cohérentes mais parfois difficiles à tenir face aux intérêts des consommateurs, des négociants, des meuniers.
166Très tôt, l’AGPB se méfie de la solution du « prix minimum ». Un an à peine après sa création, elle déclare nettement :
« Certains parlementaires ont pensé qu’il serait intéressant de voir le Gouvernement fixer pour le blé un prix minimum. Nous croyons que cette réglementation ne serait pour nous qu’un marché de dupes, une véritable taxation : une fois le prix minimum accepté par nous, imposé par le Gouvernement – et rien ne nous dit que nos acheteurs ne trouveraient pas moyen de nous faire vendre au-dessous du prix minimum –, quels arguments aurions-nous pour refuser un prix maximum le jour où l’on voudrait nous en imposer un ? Les délégués présents ont été unanimes à repousser toute intervention étatiste qui, par la fixation d’un minimum ou maximum du blé, viendrait porter atteinte à la liberté de la production et du commerce de cette céréale239. »
Notes de bas de page
1 R. Nathan, « Au danger ancien de la famine a succédé le risque moderne de la surproduction », in « Le Blé », L’Europe nouvelle, 666, 15 novembre 1930, p. 1633-1636.
2 R. Ménasseyre, Politique du blé. La Loi du 10 juillet 1933 et son application, Toul, Imprimerie touloise, 1934, p. 23.
3 H. Brame, « La crise agricole. À des causes connues il faut des remèdes appropriés », Revue d’économie rurale, 8, mars-avril 1930, p. 103-113, p. 103. D’autres se lamentent sur le caractère peu rémunérateur de la production de céréales : « Si certaines personnes croient gagner à faire du blé, c’est qu’ils tiennent mal leurs comptes. », P. Hallé, « Les grandes cultures », in « Situations et avenir de l’agriculture française », Revue d’économie politique, janvier-février 1930, p. 20-28, p. 23.
4 E. Poisson, « Stabilisation des prix du blé, de la farine et du pain », Du blé au pain, nº 1, mars-avril 1932, p. 3-4, p. 3.
5 Parmi de nombreux travaux, cf. J. Sirol, Les problèmes français du blé, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1934.
6 C. Brasart, La politique du blé, rapport présenté devant le Conseil national économique, Journal officiel de la République française, Annexes administratives, 28 juillet 1931, avec en annexe des données statistiques, p. 15-22.
7 Cf. A. Chatriot, La démocratie sociale à la française. L’expérience du Conseil national économique 1924-1940, Paris, La Découverte, 2002.
8 Arch. nat., CE 107, Enquête sur la situation des principales branches de l’économie (1re commission : céréales), lettre de P. Hallé à L. de Vogüé, 20 décembre 1930.
9 Arch. nat., CE 107, Première commission d’enquête, compte rendu analytique de la séance du 15 avril 1931. Hallé y revient dans son rapport annexé à celui de Brasart : « depuis deux ans nous avons surtout “vécu” la politique du blé, et pris un certain nombre de leçons ; elles nous ont montré qu’en pareille matière il ne fallait pas trop avoir de principes rigides mais surtout savoir s’inspirer des circonstances car la matière qui nous occupe est essentiellement mouvante, vivante, et réserve tous les jours des surprises. », in C. Brasart, La politique du blé, op. cit., p. 5.
10 Arch. nat., CE 107, Première commission d’enquête, séance du 23 avril 1931.
11 Ibid.
12 Ibid., séance du 22 mai 1931.
13 Ibid., Commission permanente et première commission d’enquête, séance du 1er juin 1931.
14 Ibid.
15 Arch. nat., CE 77, Assemblée générale, session de juin 1931, compte rendu analytique de la session du 20 juin 1931.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 C. Brasart, La politique du blé, op. cit., p. 4.
19 Parmi les premières, il faut signaler : P. Proust, « Les statistiques officielles et privées du blé en France. Études des méthodes et comparaison des résultats. Les méthodes étrangères. Les statistiques mondiales. Communication, procès-verbal de la séance du 18 décembre 1935 », Journal de la Société de statistique de Paris, janvier 1936, p. 4-82, du même auteur : « Les variations du prix du blé de 1900 à 1937 », Journal de la Société de statistique de Paris, avril 1937, deux pages de tableau, non numérotées, et J. Milhau, « Le prix du blé en France de 1920 à 1936. Étude économétrique », Revue de droit rural et d’économie rurale, 1939, p. 453-485.
20 P. Fromont, « La production agricole », in « La France économique en 1933 », Revue d’économie politique, 1934, p. 669-697, p. 669. L’auteur conclut ainsi son article : « L’agriculture française joue sa vie. », p. 697. Fromont (1894-1959) est professeur d’économie rurale des facultés de droit de Rennes, puis de Paris.
21 H. Queuille, « Le blé », La Revue de Paris, 15 septembre 1930, p. 434-447, p. 438.
22 Archives de la Banque de France (ABF), 1000198801 17, Thèses d’inspection, dont J. Picquet, La nouvelle organisation financière du marché français du blé, septembre 1934, 85 p. et annexes, p. 6-7.
23 R. Ménasseyre, Politique du blé…, op. cit., p. 30.
24 A. Schoen, Le marché agricole français et les interventions de l’État, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1936, p. 319.
25 A. Liesse, « Le problème du Blé en France. Remèdes empiriques – remèdes normaux », L’Économiste français, samedi 16 août 1930, p. 193-195, p. 193.
26 Cf. M. Equer, Le marché du blé, étude économique et technique, Paris, Librairie sociale et économique, 1939, p. 116‑121.
27 Pour une synthèse, cf. J. Sirol, Les problèmes français du blé, op. cit., p. 130-175 et p. 312-340.
28 A. Normand, Une expérience d’économie dirigée en agriculture : l’Office du blé, Grenoble, imp. Boissy & Colomb, 1938, p. 24.
29 A. Pavie, « Le prix de revient du blé en France », débat à la Société d’économie politique du 5 octobre 1934, Journal des économistes, 15 octobre 1934, p. 677-686, p. 681-682.
30 Ibid., p. 683.
31 A. Liesse, « La question du Blé », L’Économiste français, samedi 3 septembre 1932, p. 289-291, p. 291.
32 F. de Menthon, « La Politique du Blé », Politique, octobre 1933, p. 769-793, p. 789.
33 « La hantise du blé », in « Le Blé », L’Europe nouvelle, 666, 15 novembre 1930, p. 1630.
34 E. B. Babcock, « Introduction », in A. Tibal, La crise des États agricoles européens et l’action internationale (janvier 1930-mai 1931), Documents recueillis et commentés, Paris, Publications de la conciliation internationale, Dotation Carnegie pour la paix internationale, Bulletin, 2, 3, 4 et 5, 1931, p. 71-436, p. V-VII, p. V.
35 F. Delaisi, Les deux Europe : Europe industrielle et Europe agricole, Paris, Payot, 1929.
36 A. Tibal, La crise des États agricoles…, op. cit., p. 369.
37 Cf. A. Gueslin, Les origines du Crédit agricole (1840-1914), Nancy, Impr. Biallec, 1978 et Histoire des crédits agricoles, 2 vol., Paris, Economica, 1984.
38 Association générale des producteurs de blé, Union nationale des coopératives agricoles de vente et de transformation du blé, L’organisation du stockage et le financement de la récolte de blé, Paris, Imp. M. Blanchard, 1932, p. 54.
39 Cf. A. Gueslin, Les origines du Crédit agricole…, op. cit., p. 182-193 (loi du 18 juillet 1898) et p. 288-296 (loi du 30 avril 1906) ; P. Baubeau, « Le warrant agricole (1880-1914)… », art. cité.
40 ABF, 1000198801 17, J. Picquet, La nouvelle organisation…, op. cit., p. 16.
41 Rapport au conseil d’administration à la commission plénière du 20 novembre 1932, Archives de la caisse nationale du Crédit agricole, cité par A. Gueslin, Histoire des crédits agricoles…, op. cit., vol. 1, p. 435.
42 ABF, 1060200001 370, Escompte et financements divers : campagnes de céréales : note de service, circulaire, correspondance, nov. 1934-déc. 1936, note du 14 décembre 1934.
43 Il s’agit du projet de loi, Impressions parlementaires, chambre des députés, 3158, 3 avril 1930, cité par A. Gueslin, Histoire des crédits agricoles…, op. cit., vol. 1, p. 436.
44 Centre des Archives économiques et financières (CAEF), B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, lettre du ministre de l’Agriculture au ministre des Finances, 27 juin 1930.
45 Ibid., note du directeur du Mouvement général des fonds pour le ministre des Finances, 20 août 1930.
46 Ibid., note sur le Crédit agricole, non datée (postérieure à juillet 1932). Ce texte liste les lois du 15 juillet 1928 (moyen terme) : 500 millions, 4 août 1929 (long terme) : 250 millions, 30 mars 1931 (moyen terme) : 500 millions, 20 juillet 1932 (moyen terme) : 500 millions, 22 juillet 1932 (long terme) : 250 millions.
47 ABF, 1069199520 1, Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture : mobilisation du stockage du blé, 1930-1932, le marché du blé 1932-1934, note sur l’intervention sollicitée de la Banque de France en faveur des producteurs de blé, août 1930.
48 Ibid.
49 ABF, 1069199520 1, Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture : mobilisation du stockage du blé, 1930-1932, le marché du blé 1932-1934, divers documents dont « La circulation des effets agricoles », Le Temps, 1er août 1931. Cf. aussi AGPB, UNCAVTB, L’organisation du stockage…, op. cit., p. 47-49.
50 CAEF, B-0023039/2, Direction du mouvement général des fonds : défense du marché du blé, application des lois de 1933, lettre du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations au ministre des Finances, 22 novembre 1932.
51 Ibid., note, 29 novembre 1932.
52 Ibid., lettre du ministre des Finances au ministre de l’Agriculture, 29 novembre 1932 (annotation manuscrite sur la copie).
53 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, note pour le ministre des Finances, sans date (postérieure au 26 octobre 1933).
54 Articles 21 à 26 de la loi, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 11 juillet 1933, p. 7200-7201.
55 CAEF, B-0000902/2, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942, note pour le ministre des Finances, 20 septembre 1933.
56 Ibid., lettre d’E. Cavillon au président du Conseil, 12 septembre 1933.
57 Ibid., lettre du ministre de l’Agriculture au ministre des Finances, 1er septembre 1934.
58 ABF, 1069199520 1, Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture : mobilisation du stockage du blé, 1930-1932, le marché du blé 1932-1934, note demandée par le ministère des Finances à l’occasion d’un amendement déposé par V. Auriol, 11 décembre 1934.
59 ABF, 1060200001 370, Escompte et financements divers : campagnes de céréales : note de service, circulaire, correspondance, nov. 1934-déc. 1936, note du 14 décembre 1934, note sans titre, 5 août 1935. Cette note est aussi contenue dans le carton d’archives : ABF, 1069199520 1.
60 Ibid.
61 ABF, 1069199520 1, Crédit agricole : concours de la Banque à l’agriculture : mobilisation du stockage du blé, 1930-1932, le marché du blé 1932-1934, nombreux articles presses d’août à octobre 1935. Cf. Circulaire du 14 août 1935 citée par A. Gueslin, Histoire des crédits agricoles…, op. cit., vol. 1, p. 443.
62 CAEF, B-0000902/1, Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1933-1937, lettre du contrôleur financier du service des céréales au ministre des Finances, 25 janvier 1935.
63 A. Gueslin, Histoire des crédits agricoles…, op. cit., vol. 1, p. 437-438. Sur certains points, l’historien montre bien que le chiffrage n’est pas toujours simple, des éléments différents ayant été publiés dans les documents officiels. Il note cependant les crédits budgétaires associés aux lois successives : 300 millions (26 janvier 1933), 100 millions (28 février 1934), 200 millions (4 juillet 1934), 500 millions (9 juillet 1934), 300 millions (18 avril 1935), 500 millions (5 juillet 1935), 800 millions (24 mars 1936) (cf. ibid., p. 439). On peut aussi se reporter aux chiffres collectés au ministère des Finances, cf. CAEF, B-0000902/1 Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1933-1937.
64 A. Gueslin, Histoire des crédits agricoles…, op. cit., vol. 1, p. 439.
65 Ibid., p. 442.
66 A. Daudé-Bancel, « Les crédits agricoles en France à court terme, à moyen terme et à long terme », Revue des études coopératives, 53, octobre-décembre 1934, p. 47-59.
67 Lois des 28 février, 4 et 9 juillet 1934, des 18 avril, 5 juillet et 20 août 1935 citées dans la note au sujet du crédit de 800 millions de francs au profit de la Caisse nationale de Crédit agricole, 25 septembre 1936, CAEF, B-0000902/2 Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1929-1942.
68 Cf. F. Bourdin, Le Crédit agricole et la crise, Paris, Librairie technique et économique, 1937, p. 35-43 ; C. C. Alimanestianu, Le Crédit Agricole dans ses rapports avec la Coopération, Paris, Les Presses modernes, 1935.
69 Cf. cahier des charges relatif à la constitution et à l’entretien d’approvisionnements de blé, Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 21 juin 1932, p. 6690-6693 (qui remplace celui publié le 16 juillet 1931, ce dernier succédant au cahier des charges publié le 7 septembre 1930, en application du décret du 6 septembre).
70 ABF, 1000198801 17, J. Picquet, La nouvelle organisation…, op. cit., p. 27.
71 CAEF, B-0000902/1 Direction du mouvement général des fonds : Crédit agricole, marché du blé 1933-1937. Dans ce cadre, le contrôleur financier du service des céréales représente fidèlement les intérêts du ministère des Finances en se montrant très réservé sur ces projets. Une note du 22 juillet 1935 liste même les raisons de s’opposer à l’utilisation du compte spécial « Produits affectés à la défense du marché du blé » pour construire des silos.
72 Sa structuration était surtout liée à certains produits comme le vin ou le beurre ; elle s’était ensuite affirmée via des éléments des lois touchant au Crédit agricole (loi du 29 décembre 1906, loi du 5 août 1920). Pour une relecture récente, cf. N. Mignemi, Coopérer pour travailler la terre, op. cit. Pour un exemple des débuts coopératifs dans un département céréalier, on peut se reporter à G. Lefebvre, Étude de la coopération agricole dans le département de l’Eure, coopératives d’Évreux et du Neubourg, Paris, Jouve et Cie, 1926. Pour une synthèse dressée au milieu des années vingt : P. Vimeux, La nécessité de favoriser le développement de la coopération de la mutualité et du crédit agricoles pour intensifier la production de notre agriculture, rapport présenté devant le Conseil national économique, Journal officiel de la République française, Annexes administratives, 24 mars 1927, p. 30-32. La thèse de lettres de H. Teh-Ho, L’État actuel de la coopérative agricole en France, Paris, Imp. J. Delalain et Cie, 1937, n’a que peu d’intérêt et comporte des coquilles. Par contre, on dispose d’un bon exemple local avec J. Dauphin, Quelques aspects de l’économie dirigée en Agriculture dans l’Eure-et-Loir, Paris, Jouve & Cie, 1941.
73 H. Mounir, La coopération agricole en France, thèse pour le doctorat, Université de Lyon, faculté de droit de Beyrouth, Beyrouth, La Libanaise, 1951.
74 A. Hirschfeld, La coopération agricole en France, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1957, p. 19.
75 Phénomène bien montré avec les exemples canadien, australien et américain dans G. Seulesco, Coopératives et ententes agricoles pour la vente du blé, Paris, Duchemin, 1931.
76 B. Fernagut, Le redressement agricole par l’association professionnelle. L’exemple des producteurs de blé, Paris, A. Pedone, 1932, p. 81-83. L’union est présidée en 1932 par Alain Du Fou, de la coopérative des grands moulins d’Angers ; il est aussi membre de l’AGPB.
77 Ibid., p. 86.
78 Ibid., p. 138.
79 Discours du 28 septembre 1932 à Verdun sur le Doubs, cité par J. Sirol, Les problèmes français du blé, op. cit., p. 347.
80 J. Burgaud, « La vente coopérative des céréales », Du blé au pain, nº 2, mai-juin 1932, p. 20-24, p. 20.
81 J. de Gibon, « Les coopératives de stockage et de vente de blé », L’Agriculture nouvelle, 13 mai 1933, p. 291-292, p. 291.
82 N. Loriette, Les édifices de stockage…, op. cit., p. 53.
83 Ibid., p. 54. Il cite d’ailleurs un article de La Défense agricole du 5 mai 1934 : « Beaucoup d’organisations sont créées, simples coopératives de façade, prévues souvent pour neuf mois, sans locaux, ou avec des magasins loués pour la campagne seulement, fondées parfois en une seule initiative de commerçants ou de meuniers peu soucieux de faire œuvre coopérative durable. Ces organisations de circonstance risquent de compromettre la coopération agricole tout entière. » (ibid., p. 53). Cette diversité de statut des coopératives agricoles est soulignée par P. Bastien, Les organismes corporatifs agricoles, Paris, Domat-Montchrestien, 1934.
84 Cf. A. Du Fou, « La conservation des grains et le financement de la récolte française », in « Le Blé », L’Europe nouvelle, 666, 15 novembre 1930, p. 1671-1674.
85 N. Loriette, Les édifices de stockage…, op. cit., p. 66.
86 Ibid., p. 60. Loriette signale aussi la mission d’étude du ministère de l’Agriculture : M. Lyon, ingénieur en chef du génie rural, se rend en Allemagne, « Silos coopératifs pour céréales. Rapport sur une mission d’étude accomplie en Allemagne », Annales de la direction générale des eaux et forêts, 1929, fasc. 59.
87 ABF, 1000198801 17, J. Picquet, La nouvelle organisation…, op. cit., p. 17-18.
88 A. Durand, Le statut juridique et fiscal des coopératives agricoles de production, de transformation et de vente, Paris, Domat-Montchrestien, 1936, p. 109-138.
89 M. Augé-Laribé, « Nos agriculteurs devant la crise », La Revue des Vivants, juillet 1935, p. 1038-1046, p. 1042.
90 A. Nast, Les coopératives agricoles devant l’impôt. À propos d’une brochure de M. Compeyrot, Paris, Édition des Cahiers de la coopération et du Crédit agricole, 1931, p. 3.
91 Durand parle de « rédaction vicieuse », de « leur illogisme criant », A. Durand, Le statut juridique…, op. cit., p. 109.
92 « Le régime fiscal des coopératives agricoles de meunerie », Bulletin de documentation, 3 janvier 1929.
93 Ibid., p. 111.
94 P. Baudouin-Bugnet, Rapport, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 5518, annexe au PV de la séance du 3 juillet 1931. Des rapports plus tardifs sont réalisés pour la commission de l’agriculture par J. Thureau-Dangin, Rapport, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 6133, annexe au PV de la séance du 19 janvier 1932, et pour la commission de législation civile par A. Mallarmé, Avis, Impressions parlementaires, Chambre des députés, 6286, annexe au PV de la séance du 2 février 1932.
95 Éditorial non signé, Le Matin, 19 février 1933. Cette campagne est signalée par P.-J. Noly, Le rôle des coopératives agricoles des producteurs de blé, Paris, Librairie technique et économique, 1938, p. 39. L’AGPB note pour sa part : « La campagne contre les coopératives est bien menée, avec des moyens puissants qui trahissent de même les intérêts qui l’inspirent : article de grande presse, le Matin notamment ; vœux et résolutions multipliés des congrès d’industriels et de commerçants ; menace, boycottage, etc. Sur le terrain parlementaire, on ne perd pas de temps non plus. », Bulletin de documentation, 2 mars 1933.
96 Rapport de Pierre Lombrez, président de la Compagnie des courtiers assermentés près le tribunal de commerce de Lille, 25 avril 1934, ADP, CCIP, 2ETP/2/2/13 13 Conférence interprofessionnelle du blé, réunions 1934-1935.
97 Ibid., lettre du 17 mai 1934 d’A. Guignard au président de la chambre de commerce.
98 Du blé au pain, nº 5, septembre-octobre 1934, p. 77.
99 M. Baptiste, « Vers l’Office national interprofessionnel du blé : le projet de la Fédération drômoise des coopératives céréalières (1935-1936) », in A. Chatriot, E. Leblanc, E. Lynch (dir.), Organiser les marchés agricoles…, op. cit., p. 165-181, p. 168.
100 A. Durand, Le statut juridique…, op. cit., p. 137.
101 Ibid., p. 139-150. Les dernières lignes de cette thèse méritent d’être citées : « Quant à nous, – qui apprécions le prix d’une confirmation légale accordée, avant que nous n’eussions achevé notre étude, aux vues qui l’inspiraient –, nous nous félicitons, autant pour la paysannerie française que pour ceux qui ont le lourd honneur de l’imposer et de la juger, que l’agriculteur ait été reconnu juridiquement apte à être, sans déroger à son état, plus et mieux qu’un confiseur de cornichons. » (p. 154).
102 Cf. A. Cramois, R. Labbé, Le mouvement coopératif agricole et ses possibilités de développement, Melun, Imprimerie administrative, 1937.
103 J. Carret, Le contingentement des moulins et la caisse professionnelle de l’industrie meunière, Besançon, Jacques et Demontrond, 1939, p. 8.
104 M. Chabanon, La meunerie française. Une expérience d’économie dirigée, Paris, éd. M.-Th. Génin, Librairie de Médicis, 1955, p. 131. Préfacé par Lucien Brisson, président de l’Association nationale de la meunerie française, le livre est bien renseigné, mais il comporte plusieurs erreurs pour la période antérieure à la Seconde Guerre mondiale.
105 Source : http://www.atlas-patrimoine93.fr/documents/grdsmoulins/ia93000093/Dossier%20(GMP).pdf, consulté pour la dernière fois le 28 septembre 2015.
106 M. Guelton, Historique du contingentement des moulins en France, préface de L. Brisson, Amiens, Imp. du Courrier picard, 1959, p. 11.
107 M. Chabanon, La meunerie française…, op. cit., p. 52.
108 C. Boursaus, La corrélation entre les prix du blé, de la farine et du pain, Neuilly, « La Cause », 1933, p. 12.
109 Journal officiel de la République française, lois et décrets, 26 novembre 1935, p. 12419. Un arrêté ministériel du 29 novembre nomme E. Peyromaure-Debord comme président et A. Chavard, inspecteur général de l’agriculture. On peut noter que Peyromaure-Debord n’était en rien spécialiste de ces questions : né en 1889, il fait d’abord une carrière entre préfectures et cabinets ministériels avant d’être nommé maître des requêtes au Conseil d’État en 1930.
110 E. Peyromaure-Debord, « Préface », in J. Carret, Le contingentement…, op. cit., p. 1-4, p. 1.
111 Ibid., p. 2.
112 Journal officiel de la République française, Lois et décrets, 10 juin 1937, p. 6461-6462.
113 M. Chabanon, La meunerie française…, op. cit., p. 136-137, et M. Guelton, Historique du contingentement…, op. cit., p. 136-137. Cf. aussi « Le contingentement en meunerie », rapport présenté au 42e Congrès de la meunerie par M. Bancillon, La Meunerie française, juin 1937, p. 125-132, avec la reproduction du « projet de bulletin de vote relatif au référendum sur le contingentement ».
114 M. Chabanon, La meunerie française…, op. cit., p. 140-157.
115 La Meunerie française, avril 1939, p. 91-92.
116 Discours de M. Watrelot, président de la Caisse professionnelle de l’industrie meunière, ibid., p. 92-93. Cf. L. Macquart, L’Organisation professionnelle de la meunerie, thèse de droit, Université de Paris, 1943, et M. Pernot, Le contingentement des moulins, thèse de droit, Université de Paris, dactylographiée, décembre 1945.
117 F. Le Bot, La fabrique réactionnaire : antisémitisme, spoliations et corporatisme dans le cuir 1930-1950, Paris, Presses de Sciences-Po, 2007.
118 A. Chatriot, « Distribution and the State in 20th century France », in P. Fridenson, T. Yui (dir.), Beyond mass distribution. Distribution, market and consumers. Proceedings of two Japanese-French business history conferences, Tokyo, Japan Business History Institute, 2012, p. 159-177.
119 A. Chatriot, « Les ententes : débats juridiques et dispositifs législatifs (1923-1953). La genèse de la politique de la concurrence en France », Histoire, économie et société, 1, 2008, p. 7-22.
120 Cf. C. Mora, Les chambres d’agriculture…, op. cit., et M. Atrux-Tallau, Histoire sociale d’un corps intermédiaire…, op. cit.
121 L’AGPB ne semble pas avoir ni conservé ni déposé d’archives. Par contre, des collections assez complètes de ses publications sont encore préservées par l’association et constituent une base importante pour cette étude. La bibliographie sur cette association, souvent citée mais peu étudiée, est limitée : H. Roussillon, L’Association générale des producteurs de blé, Paris, Armand Colin, 1970 ; M. Marloie, La politique de l’association générale des producteurs de blé : document de travail, Institut national de la recherche agronomique, Groupe d’étude des relations économiques internationales ; convention de recherche avec le CORDES], Paris, INRA, 1974 ; D. Pesche, Le syndicalisme agricole spécialisé en France. Entre la spécificité des intérêts et le besoin d’alliance, Paris, L’Harmattan, 2000.
122 Archives de l’Association générale des producteurs de blé, (AAGPB), Tracts et circulaires, 1924-1926, Association générale des producteurs de blé, Statuts, Paris, Librairie de la maison rustique, mai 1924, 11 p.
123 Cf. AAGPB, Tracts et circulaires, 1927, Brochure d’hommage à René Aubergé (1869-1926). L’assemblée générale de janvier 1927 élit pour lui succéder Georges Rémond, cultivateur à Andrezel (Seine-et-Marne). Rémond se retire pour soucis de santé et c’est Adolphe Pointier, cultivateur dans la Somme, qui est élu en mars 1934.
124 AAGPB, Tracts et circulaires, 1924-1926, conférence de H. Girard, 1924.
125 La collection complète reliée a été consultée à l’AGPB. Le Bulletin d’information devient Bulletin de documentation en mars 1927 et est imprimé à partir du 10 avril 1930. À partir du 9 juin 1932, la publication est en deux parties : « Chronique du marché » avec des données statistiques, puis la partie classique sur « La politique du blé ».
126 « Développement de l’association générale », Bulletin d’information, 7, novembre 1924.
127 Ibid., Assemblée générale de l’AGPB, 4 février 1925.
128 « M. Hallé retrace l’histoire de l’AGPB depuis 25 ans », Bulletin de documentation sur le marché du blé, 11, 8 août 1949, p. 9-16, p. 9. Hallé présente son arrivée à l’AGPB comme un hasard, alors qu’il débutait comme journaliste… Il avait cependant été formé à l’Institut national d’agronomie.
129 Ibid., brochure non datée de 8 pages.
130 « Monopole des céréales », Bulletin d’information, 8, décembre 1924. Le point est repris le mois suivant : « Toute tentative de réglementation étatiste du marché français, telle que l’institut du monopole d’État des blés étrangers est donc vouée à l’échec ; un tel monopole se heurterait, en effet, à des lois économiques générales contre lesquelles les règlements ne peuvent rien. L’État importateur ne pourra pas plus commander aux cours du blé sur les marchés étrangers, qu’il ne pourra isoler le marché français de ces mêmes marchés étrangers. », Bulletin d’information, 1, janvier 1925.
131 AAGPB, Tracts et circulaires, 1924-1926, Assemblée générale de l’AGPB, 23 décembre 1925. On voit à travers cet élément l’enjeu du bicamérisme pour les questions agricoles. Cf. aussi : « Il se confirme que le Sénat (qui a d’ailleurs été saisi des protestations de l’AGPB) va tempérer à l’extrême les dispositions de la loi des céréales votées par la Chambre. », Bulletin d’information, 3, mars 1925.
132 AAGPB, Tracts et circulaires, 1924-1926, Assemblée générale de l’AGPB, 23 décembre 1925. L’AGPB publie un tract l’année suivante intitulé : « Taxation et réquisition sont deux mots que les producteurs de blé ne veulent plus entendre prononcer », ibid., 30 juin 1926.
133 Note sur les décisions du comité directeur du 25 septembre, Bulletin de documentation, 3 octobre 1929.
134 « Le point de vue des producteurs », rapport de P. Hallé, annexe à C. Brasart, La politique du blé, op. cit., p. 9.
135 AAGPB, Tracts et circulaires, 1924-1926, Assemblée générale de l’AGPB, 4 février 1925.
136 Réunion du Comité directeur du 22 avril 1925, Bulletin d’information, 4, avril 1925.
137 AAGPB, Tracts et circulaires, 1924-1926, lettre du 19 mai 1926 adressée à tous les grands quotidiens d’information.
138 Bulletin d’information, 3, mars 1926.
139 AAGPB, Tracts et circulaires, 1924-1926, Office des céréales panifiables (sous-commission des droits de douane), note Aubergé, 22 septembre 1926.
140 Bulletin d’information, 9, septembre 1926.
141 « Notre comité directeur, dans sa réunion du 30 novembre, a examiné d’une façon toute spéciale, la situation financière de notre Association et les possibilités pour elle de poursuivre son action dans l’avenir. Nous ne devons pas vous cacher que cette situation est loin d’être brillante. Elle a même été si critique, au début de novembre, que nous avons dû provisoirement faire appel à l’obligeance de deux de nos adhérents qui ont bien voulu nous consentir une avance. », lettre adressée à tous les syndicats agricoles, 16 décembre 1927, AAGPB, Tracts et circulaires, 1927. Quelques années après, la situation est encore difficile, cf. comité directeur, 1er octobre 1930, AAGPB, Tracts et circulaires, 1930.
142 AAGPB, Tracts et circulaires, 1927, assemblée générale du 19 janvier 1927. Le terme est en italique dans le tract.
143 « Il faut accorder immédiatement au blé une protection douanière suffisante si l’on veut éviter une grave crise de production. », AAGPB, Tracts et circulaires, 1927, Tract daté du 7 mars 1927.
144 Ibid., lettre du 1er juillet 1927.
145 Bulletin de documentation, 8 septembre 1927.
146 Il avait en fait débuté indirectement dès 1925, cf. Bulletin d’information, 9, septembre 1925.
147 AAGPB, Tracts et circulaires, 1927, lettre du 27 octobre 1927.
148 Bulletin de documentation, 8 novembre 1927.
149 « Existe-t-il deux justices : l’une contre les agriculteurs, l’autre pour les spéculateurs de la bourse du commerce ? », Bulletin de documentation, 23 novembre 1927.
150 Bulletin de documentation, 27 janvier 1928.
151 Bulletin de documentation, 5 avril 1929.
152 Bulletin de documentation, 12 septembre 1929. Cf., dans le même sens : « Les intérêts qui se défendent par la voix du Bulletin des Halles sont si opposés aux intérêts agricoles que défend l’AGPB, que les critiques de ce journal nous remplissent d’aise. », Bulletin de documentation, 15 mai 1930.
153 D’autant qu’un négociant de la Bourse du commerce est décoré…, Bulletin de documentation, 20 février 1930.
154 Bulletin de documentation, 1er août 1930.
155 Bulletin de documentation, 13 mars 1930.
156 G. Rémond, P. Hallé, La politique du blé, Rapport présenté à l’Assemblée des présidents des chambres d’agriculture de France, extrait du Compte rendu des travaux de l’Assemblée des présidents des chambres d’agriculture de France, Paris, 19‑20 mars 1929, p. 33. Les deux dirigeants avaient déjà publié, l’année précédente, « La Production française du Blé. L’organisation professionnelle d’après-guerre », L’État moderne, 5, juin 1928, p. 83-91.
157 G. Rémond, P. Hallé, La politique du blé, op. cit., p. 35.
158 Bulletin de documentation, 14 novembre 1929.
159 Bulletin de documentation, 3 décembre 1929, note de 12 pages sur « La nouvelle loi sur le commerce des blés ».
160 Bulletin de documentation, 30 janvier 1930.
161 AGPB, Office central du Crédit agricole, La vente rationnelle et le financement de la récolte de blé, Paris, Imprimerie Maurice Blanchard, 1930, p. 1.
162 Ibid., p. 17.
163 Ibid., p. 19.
164 Ibid., p. 27.
165 AGPB, UNCAVTB, L’organisation du stockage…, op. cit., p. 36.
166 AAGPB, Tracts et circulaires, 1929, « Il faut que le prix du blé français remonte », 24 juillet 1929.
167 AGPB, La réforme de l’admission temporaire. Les mesures approuvées par la commission, 30 avril 1930, AAGPB, Tracts et circulaires, 1930.
168 Comme en témoignent les nombreux courriers adressés au ministère de l’Agriculture, cf., par exemple, en Arch. nat., F10 2174, Marchés agricoles divers.
169 Hallé réussit habilement à publier dans beaucoup de revues durant cette période : P. Hallé, « Le marché du blé, les moyens d’améliorer la situation des producteurs de blé », séance du 28 mars 1928 de la section agricole du Musée social, in Le Musée social, juillet 1928, p. 210-215 ; « Il faut à la France une politique du Blé », Revue d’économie rurale, 3, mai-juin 1929, p. 129-133 ; « Esquisse d’une politique nationale du Blé », Revue d’économie rurale, 4, juillet-août 1929, p. 181‑191 ; « La crise actuelle du blé », Le Redressement français, 1er-15 octobre 1929, 16, 4e année, p. 10-13 ; « Que faut-il penser de la nouvelle loi sur le commerce des blés », Revue d’économie rurale, 6, novembre-décembre 1929, p. 313-319 ; « Les grandes cultures », in « Situations et avenir de l’agriculture française », Revue d’économie politique, janvier-février 1930, p. 20-28 ; « Y a-t-il en France une crise du blé ? L’opinion des producteurs », in « Le Blé », L’Europe nouvelle, 666, 15 novembre 1930, p. 1637-1640 ; il intervient devant le groupe des « agro » de l’alimentation le 30 novembre 1934 (cf. texte en Arch. nat., F10 2169).
170 Rapport de P. Hallé, annexe à C. Brasart, La politique du blé, op. cit., p. 10.
171 Bulletin de documentation, 22 janvier 1931.
172 Bulletin de documentation, 5 mars 1931. Des numéros suivants (19 mars et 18 juin 1931) précisent : « Les faux amis. Nous prions nos lecteurs de mettre en garde leurs représentants au Parlement contre le Moniteur agricole, qui n’a d’agricole que le nom, largement diffusé, paraît-il, dans les milieux parlementaires. » Le débat avec les Marseillais s’envenime les mois suivants : l’attaque contre les semouliers (22 octobre) a pour conséquence une assignation en justice contre l’AGPB (7 janvier 1932). Avec la régulation renforcée de l’admission temporaire, l’AGPB se félicite : « L’armature, laborieusement édifiée peu à peu, contre l’invasion des blés exotiques, grâce aux efforts de l’organisation professionnelle agricole, vient d’être solidement consolidée. », Bulletin de documentation, 19 novembre 1931.
173 AAGPB, Tracts et circulaires, 1931, lettre circulaire du 21 octobre 1931.
174 Bulletin de documentation, 21 janvier 1932.
175 AAGPB, Tracts et circulaires, 1931, lettre circulaire du 9 juin 1931.
176 Rapport financier, assemblée générale du 14 mars 1932, AAGPB, Tracts et circulaires, 1932.
177 Bulletin de documentation, 26 mai 1932.
178 « Les prix du blé sur la prochaine campagne. Appel au bon sens », 18 juillet, AAGPB, Tracts et circulaires, 1932.
179 Bulletin de documentation, 4 août 1932.
180 Bulletin de documentation, 18 août 1932.
181 AAGPB, Tracts et circulaires, 1932, lettre circulaire du 18 août 1932 ; Affiche datée du 17 août.
182 Bulletin de documentation, 15 septembre 1932. Et lettre-circulaire du 23 septembre intitulée « Producteurs de blé restreignez vos offres », AAGPB, Tracts et circulaires, 1932.
183 Avec la publication et la diffusion du nouveau cahier des charges pour le stockage paru au Journal officiel le 12 octobre 1932, AAGPB, Tracts et circulaires, 1932. L’AGPB diffuse alors trois notices très précises sur le report.
184 AAGPB, Tracts et circulaires, 1932.
185 AAGPB, Tracts et circulaires, 1932, lettre circulaire, 29 décembre 1932. Une lettre circulaire du 14 janvier 1933 insiste à nouveau sur le même point, AAGPB, Tracts et circulaires, 1933.
186 Bulletin de documentation, 5 janvier 1933.
187 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933.
188 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933, lettre-circulaire du 13 janvier 1933.
189 Bulletin de documentation, 19 janvier 1933.
190 Ibid.
191 Bulletin de documentation, 2 février 1933. L’AGPB témoigne aussi d’une certaine fibre antiparlementaire et d’un appel à un pouvoir exécutif plus stable. Elle n’est en cela que le reflet de propos assez courants à l’époque.
192 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933, lettre-circulaire du 11 février 1933.
193 Ibid., copie de la lettre adressée au président du Conseil, 1er mars 1933.
194 Bulletin de documentation, 2 mars 1933. Dans ce même numéro, une conférence en Sorbonne de l’économiste Jacques Rueff est ainsi commentée : « M. Jacques Rueff raisonne en mathématicien, illuminé par les chiffres, sans aucune compréhension des réalités de la vie. » L’année d’après, Paul Reynaud fait aussi l’objet de la vindicte de l’AGPB pour sa campagne « odieuse » et « anti-agricole » (Bulletin de documentation, 14 août 1934).
195 Bulletin de documentation, 16 mars 1933.
196 Bulletin de documentation, 30 mars 1933. Le 10 avril, l’AGPB envoie à ses adhérents une revue de presse sur la crise du blé, AAGPB, Tracts et circulaires, 1933.
197 Cité par C. Mora, Les chambres d’agriculture…, op. cit., p. 454.
198 Bulletin de documentation, 25 mai 1933.
199 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933, avis du comité directeur sur le projet de loi, 8 juin 1933, 13 p.
200 Bulletin de documentation, 8 juin 1933.
201 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933, lettre-circulaire du 15 juin 1933.
202 Bulletin de documentation, 22 juin 1933.
203 Bulletin de documentation, 10 juillet 1933.
204 Ibid.
205 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933, lettre-circulaire du 13 juillet 1933.
206 Bulletin de documentation, 24 août 1933.
207 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933, vœu du 19 octobre 1933.
208 Bulletin de documentation, 5 octobre 1933.
209 AAGPB, Tracts et circulaires, 1933, note sur la loi du 10 juillet 1933, 13 novembre 1933.
210 Bulletin de documentation, 16 novembre 1933.
211 Bulletin de documentation, 30 novembre 1933.
212 Bulletin de documentation, 4 janvier 1934. À partir de cette année, on ne dispose plus des tracts et circulaires de l’AGPB (ils sont à nouveau conservés pour 1938 et 1939, puis 1944).
213 On peut noter que l’AGPB tient régulièrement informés ses membres des diverses péripéties judiciaires, en publiant en particulier les jugements et les éléments nouveaux du dossier (Bulletin de documentation, 15 février 1934 ; 14 août 1934, 25 octobre 1934). Dans un bulletin, il est aussi noté que « Les cultivateurs n’auront pas appris, sans intérêt, par la presse, que Stavisky et sa bande étaient parmi les gros opérateurs à la Bourse, sur divers marchés, notamment celui du blé. Il serait intéressant de rechercher quelles positions ces gros opérateurs avaient sur le blé à la veille de la loi du 10 juillet et sous quel angle ils jugeaient la question de la compensation ? » (Bulletin de documentation, 15 mars 1934). Au moment où le Conseil d’État se prononce enfin sur l’affaire de liquidation précédente (celle de l’été 1930), l’AGPB s’en fait l’écho, car c’est la décision prise à l’époque par Flandin qui est cassée (Bulletin de documentation, 8 août 1935). Par ailleurs, l’antienne la plus courante de l’AGPB reste l’appel à la réforme de la Bourse de commerce.
214 Bulletin de documentation, 20 janvier 1934.
215 Bulletin de documentation, 1er février 1934.
216 Bulletin de documentation, 15 février 1934.
217 Bulletin de documentation, 10 mai 1934.
218 Bulletin de documentation, 24 mai 1934.
219 Bulletin de documentation, 5 juillet 1934.
220 Bulletin de documentation, 7 juin 1934.
221 Bulletin de documentation, 21 juin 1934.
222 Bulletin de documentation, 2 août 1934.
223 Bulletin de documentation, 22 novembre 1934. Lors de la condamnation de H. Dorgères par le tribunal de Rouen, l’article consacré à cette annonce est titré : « Maladresse, injustice, mensonges », 11 juillet 1935.
224 Bulletin de documentation, 6 décembre 1934. Le bulletin suivant (20 décembre) est lui aussi très virulent.
225 Bulletin de documentation, 3 janvier 1935.
226 Bulletin de documentation, 25 janvier 1935.
227 « Les résultats de la loi de “moralité” : désordre et fraudes généralisées », Bulletin de documentation, 21 mars 1935.
228 Bulletin de documentation, 16 avril 1935.
229 Bulletin de documentation, 30 mai 1935.
230 Bulletin de documentation, 1er août 1935.
231 Bulletin de documentation, 8 août 1935
232 Bulletin de documentation, 29 août 1935.
233 Bulletin de documentation, 11 décembre 1935.
234 B. Fernagut, Le redressement agricole…, op. cit., p. 72-73.
235 Bulletin de documentation, 7 avril 1936.
236 C. Brasart, La politique du blé, op. cit., p. 3.
237 P. Proust, « Les statistiques officielles et privées du blé… », art. cité, p. 4.
238 Cf. M. Braibant, La tragédie paysanne, Paris, Gallimard, 1937.
239 Réunion du comité directeur du 22 avril 1925 de l’AGPB, Bulletin d’information, 4 avril 1925.
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